N° 830

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2024-2025

Rapport remis à M. le Président du Sénat le 8 juillet 2025

Enregistré à la Présidence du Sénat le 8 juillet 2025

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission d'enquête (1) sur les coûts et les modalités effectifs
de la
commande publique et la mesure de leur effet d'entraînement
sur l'
économie française,

Président
M. Simon UZENAT,

Rapporteur
M. Dany WATTEBLED,

Sénateurs

Tome I - Rapport

(1) Cette commission est composée de : M. Simon Uzenat, président ; M. Dany Wattebled, rapporteur ; Mme Céline Brulin, M. Henri Cabanel, Mme Karine Daniel, MM. Alain Duffourg, Fabien Genet, Mmes Nadège Havet, Lauriane Josende, Catherine Morin-Desailly, MM. Daniel Salmon, Stéphane Sautarel, vice-présidents ; M. Michel Canévet, Mme Vivette Lopez, MM. Victorin Lurel, Serge Mérillou, Mme Laurence Muller-Bronn, MM. Jean-Luc Ruelle, Paul Vidal.

L'ESSENTIEL

L'URGENCE D'AGIR POUR ÉVITER LA SORTIE DE ROUTE :
PILOTER LA COMMANDE PUBLIQUE
AU SERVICE DE LA SOUVERAINETÉ ÉCONOMIQUE

Créée à l'initiative du groupe Les Indépendants - République et Territoires (LIRT), la commission d'enquête, à l'occasion de ses 51 auditions plénières et trois déplacements en France et à l'étranger, a rencontré les représentants de 134 structures incarnant la commande publique dans toute sa diversité : élus locaux, services de l'État, experts, juristes, économistes, acheteurs publics, acteurs économiques ou encore représentants du secteur hospitalier. Au terme de quatre mois de travaux, elle formule 67 recommandations qui visent à mieux exploiter le potentiel de la commande publique au service de la souveraineté économique et numérique européenne.

I. LA COMMANDE PUBLIQUE, MOTEUR ESSENTIEL DE L'ÉCONOMIE FRANÇAISE : UN PUISSANT EFFET LEVIER MAIS DES RESTRICTIONS À LEVER

A. UN POIDS ÉCONOMIQUE QUI FAIT DE L'ACHAT PUBLIC UN PILIER FONDAMENTAL DE L'ÉCONOMIE FRANÇAISE, NOTAMMENT AU PLAN LOCAL

Mesurer l'impact économique exact de la commande publique en France est un exercice complexe, notamment car une part substantielle des marchés publics, d'un faible montant, ne fait l'objet d'aucun recensement précis.

Sur le fondement des seuls contrats d'un montant supérieur ou égal à 90 000 euros HT, il est ainsi considéré que la commande publique française représentait 170 milliards d'euros en 2023, soit un montant deux fois plus important qu'il y a dix ans, les contrats publics ne représentant, en 2014, que 83 milliards d'euros. Pour la Cour des comptes européenne, son poids dans l'économie française s'élèverait à 14 % du PIB, soit 400 milliards d'euros.

La commande publique représenterait 400 milliards d'euros par an en France, selon l'Union européenne.

La commande publique est principalement portée par les collectivités territoriales, qui représentaient, en 2023, 80 % de l'ensemble des marchés publics, contre seulement 8 % pour l'État et 12 % pour les entreprises publiques et les opérateurs de réseaux. Une part importante de ces marchés est en pratique réalisée par le biais de centrales d'achat. La principale d'entre elles, l'Union des groupements d'achats publics (Ugap), représente à elle seule près de 3 % des marchés publics français, avec des commandes enregistrées d'un montant de 5,9 milliards d'euros en 2024, en progression de 6,2 % en un an.

Bien que reposant sur des élus et des équipes disposant de moyens bien plus réduits que les administrations centrales, les achats publics des collectivités territoriales ont, toutes choses égales par ailleurs, un impact plus important sur les petites et moyennes entreprises que ceux de l'État.

B. UN INSTRUMENT JURIDIQUE ANCIEN DESTINÉ À RÉPONDRE AUX BESOINS DES PERSONNES PUBLIQUES ET INSCRIT DANS UN CADRE EUROPÉEN

Le droit français de la commande publique s'est progressivement constitué depuis 1833, inspirant le droit européen, qui l'encadre désormais.

La passation des marchés publics doit en effet respecter certains principes fondamentaux : l'égalité de traitement des candidats, la liberté d'accès et la transparence des procédures, dans le but d'assurer la bonne utilisation des deniers publics.

Les principes fondamentaux du droit de la commande publique ont une valeur constitutionnelle et sont inscrits dans la loi.

Trois types de procédures coexistent, en fonction de la valeur estimée du besoin :

- la procédure négociée, sans publicité ni mise en concurrence, pour les marchés d'un montant inférieur à 40 000 euros HT (100 000 euros HT pour les travaux) ;

- la procédure adaptée, spécificité française, pour les marchés d'un montant supérieur à ces montants mais inférieur aux seuils européens - compris entre 143 000 euros HT et 5 538 000 euros HT en fonction de la catégorie d'acheteur et du type de prestation acheté ;

- les procédures formalisées, et notamment l'appel d'offres, au-delà de ces montants.

C. UN ENCHEVÊTREMENT DE COMPÉTENCES ENTRE LES ACTEURS CENTRAUX DE L'ACHAT PUBLIC

Aucune administration ne peut être sérieusement qualifiée de « pilote » de la commande publique à l'échelle nationale :

- la direction des achats de l'État (DAE) conduit uniquement la politique des achats de l'État (à l'exclusion des achats de défense et de sécurité), tandis que la direction générale de l'offre de soins (DGOS) accompagne l'optimisation des achats hospitaliers et qu'aucune structure n'est dédiée aux questions relatives aux achats des collectivités territoriales ;

- la direction des affaires juridiques (DAJ) des ministères économiques et financiers se borne à élaborer la doctrine juridique officielle en matière de commande publique, tout en jouant le rôle de chef de file français dans le cadre de la renégociation des directives européennes ;

- le Commissariat général au développement durable (CGDD) assure simplement le suivi des dispositions législatives relatives à l'achat durable.

Les investigations de la commission d'enquête ont montré que l'État n'avait pas su se hisser à la hauteur des enjeux ces dernières années lorsque la commande publique avait dû être mobilisée pour répondre à l'urgence ou garantir la souveraineté nationale et européenne, qu'il se soit agi d'acquérir des masques durant la crise sanitaire, de remplir les objectifs de la loi Egalim ou d'assurer la protection des données publiques face aux géants du numérique.

Face à ces défaillances, la commission d'enquête juge indispensable de confier au Premier ministre la responsabilité du pilotage, de la cohérence et de l'efficience de la commande publique en France et de mieux associer le Parlement à son suivi à l'occasion d'un débat annuel consacré à la politique d'achat de l'État (recommandations nos 4 et 6).

D. LES DIFFICULTÉS TROP LONGTEMPS IGNORÉES DES ÉLUS LOCAUX

La commission d'enquête a souhaité disposer d'un panorama plus représentatif des enjeux et défis que suppose l'évolution substantielle du cadre juridique de la commande ces dernières années pour les collectivités locales. Pour ce faire, elle a recueilli le ressenti des élus locaux, à travers deux déplacements, à Vannes et à Lille, qui ont permis de rencontrer plusieurs dizaines de représentants des différents niveaux de collectivités territoriales, ainsi que dans le cadre d'une consultation publique sur la plateforme dédiée du Sénat en avril 2025, à laquelle ont répondu 1 179 participants, dont la majorité représentait des communes.

Il en ressort une nette volonté de stabilisation et de simplification de la réglementation en vigueur, afin de permettre aux élus de mieux sécuriser leurs marchés et de mener plus rapidement à bien les procédures d'achat, au service de l'écosystème économique local. Ainsi, chez les élus consultés :

 
 

des élus locaux craignent le risque pénal

d'entre eux cherchent à soutenir les entreprises locales dans leurs marchés publics

II. LES DÉFAILLANCES DE L'ÉTAT DANS LA TRANSFORMATION
DE LA COMMANDE PUBLIQUE

A. TRANSITIONS ENVIRONNEMENTALES ET SOCIALES : L'ÉTAT PRESCRIPTEUR NE DONNE PAS L'EXEMPLE

1. Le bilan en demi-teinte des mesures entrées en vigueur

Alors que les achats de l'État représentent 23 % de ses émissions totales de gaz à effet de serre, soit 10 millions de tonnes en équivalent CO2 chaque année, la transformation de la commande publique selon un modèle responsable apparaît depuis quelques années comme un objectif prioritaire afin de mener à bien une transition écologique globale.

Pourtant, les obligations environnementales instaurées ces dernières années en matière de commande publique font l'objet d'une application lacunaire.

- En matière de restauration collective publique, en 2023, les obligations de la loi Egalim étaient loin d'être respectées. Ainsi, parmi les services de restauration :

 
 

se conformaient à l'obligation de proposer 50 % de produits durables et de qualité

se conformaient à l'obligation de proposer 20 % de produits issus de l'agriculture biologique

En conséquence, la commission d'enquête préconise de transférer les adjoints gestionnaires des établissements scolaires aux collectivités de tutelle de ces derniers, afin d'assurer un pilotage plus cohérent de leurs services de restauration collective (recommandation n° 8).

- Une minorité de pouvoirs adjudicateurs se conforme aux objectifs de réemploi, réutilisation ou recours aux biens issus du recyclage fixés par la loi dite Agec : 7 % des acheteurs respectent les minimas imposés pour le textile, 11 % en matière informatique.

Pour la commission d'enquête, convaincue du bien-fondé de ce virage vers une commande publique plus responsable, la mise en oeuvre embryonnaire de ce nouveau cadre juridique résulte notamment d'une défaillance du pilotage par la donnée, ayant conduit à la définition de normes sans visibilité sur les pratiques initiales des acheteurs, mais surtout d'un défaut d'accompagnement par l'État des plus petits acheteurs, générant une appropriation très disparate du nouveau cadre juridique. Elle a en effet relevé une sous-estimation des difficultés rencontrées par les acheteurs face aux changements de pratique demandés, ayant conduit à des mesures de soutien incomplètes et tardives.

2. Réussir l'ancrage environnemental de la commande publique : le défi de la loi Climat et résilience

Le bilan en demi-teinte des mesures environnementales déjà entrées en vigueur met en lumière le défi que représente le respect des mesures prévues par l'article 35 de la loi dite Climat et résilience du 22 août 2021, auxquelles l'ensemble des pouvoirs adjudicateurs devront se conformer à compter du 22 août 2026, en intégrant une clause d'exécution environnementale et un critère d'attribution prenant en compte les caractéristiques environnementales de l'offre dans chaque marché, ainsi qu'une considération sociale pour les marchés dont le montant excède les seuils européens.

La commission d'enquête a constaté l'insuffisante préparation des acheteurs publics à une telle évolution du cadre juridique, dont ils redoutent fortement la charge administrative induite.

En conséquence, afin de permettre aux petits pouvoirs adjudicateurs, et particulièrement aux plus petites communes, de s'approprier ces objectifs nouveaux, la commission d'enquête appelle à une rationalisation et un perfectionnement des outils d'accompagnement mis à disposition par l'État, alors que certains dispositifs prévus par la loi ne sont pas encore opérationnels, notamment l'outil Ecobalyse à la portée très restreinte. Faute d'un accompagnement réellement efficace des pouvoirs adjudicateurs, la commission d'enquête rejoint les craintes formulées par la Cour des comptes quant au risque de voir « les acheteurs (...) être tentés d'insérer des critères ou des clauses sans réelle portée ».

Afin d'amplifier la soutenabilité environnementale et sociale de la commande publique, la commission d'enquête préconise, en conséquence :

- de mieux coordonner, autour d'un chef de file désigné par le Premier ministre, les actions de la DAJ, la DAE, du CGDD, de l'Ademe et des réseaux locaux dans l'élaboration d'outils et de formation d'aide à la transition des politiques d'achat public locales vers des achats durables (recommandation n° 11) ;

- que l'État mette enfin à disposition des acheteurs publics des outils d'analyse du coût du cycle de vie des biens des principaux segments d'achat, comme l'impose l'article 36 de la loi Climat et résilience (recommandation n° 12) ;

- de confier à l'État la responsabilité de conduire des enquêtes de qualité sur les différentes considérations sociales mobilisées au sein des marchés publics, notamment la mutualisation des parcours d'insertion entre personnes publiques, afin d'améliorer l'insertion durable dans l'emploi de leurs bénéficiaires (recommandation n° 13).

B. LA PROFESSIONNALISATION INACHEVÉE DE LA FONCTION ACHAT

L'évolution rapide du cadre juridique de la commande publique, l'intégration de nouvelles exigences environnementales, sociales, ou de performance des achats ainsi que les contraintes budgétaires croissantes pesant sur les acheteurs publics ont conduit à un mouvement, encore inachevé, de professionnalisation de la fonction achat. Longtemps perçu comme une procédure purement administrative, l'achat public fait aujourd'hui partie d'une politique publique à part entière, requérant une expertise spécifique.

La commission d'enquête a constaté de fortes disparités dans la professionnalisation de la fonction achat. De fait, tandis que les administrations centrales et les collectivités les plus importantes ont initié, depuis les années 2000, une structuration complète de la fonction achat, avec la création de services dédiés, le recrutement d'acheteurs professionnels, et l'élaboration d'une véritable stratégie d'achat, les plus petites collectivités demeurent confrontées à des difficultés multiples pour cette montée en compétences : difficultés de recrutement, manque de formation des agents, volume d'achat insuffisant pour justifier la professionnalisation. Signe de ce retard, moins de 10 % des maires interrogés par le Sénat dans le cadre de la consultation des élus locaux ont indiqué disposer d'un acheteur professionnel dans leur équipe.

Pour pallier ce retard, la commission d'enquête appelle au renforcement de la formation des acheteurs publics, grâce à des programmes universitaires dédiés, ainsi qu'à un recours accru aux procédures de mutualisation des achats, qu'elle préconise de simplifier, notamment à l'échelle intercommunale (recommandations nos 14 et 15).

C. DÉFAILLANCES ET CONTRADICTIONS : L'ÉTAT PRIS EN FAUTE

La commission d'enquête a relevé, au cours de ses travaux, des difficultés persistantes de l'État à soutenir, dans le cadre de ses marchés publics, des start-ups ou PME françaises et européennes innovantes ainsi qu'à garantir la protection pleine et entière des données publiques.

1. La carte nationale d'identité française, une occasion manquée pour l'innovation française

Le déploiement de la nouvelle carte nationale d'identité électronique (CNIe) française, projet structurant mêlant hautes exigences de sécurité et d'innovation technologique, a été conduit au détriment de solutions françaises émergentes qui ont pourtant rencontré un grand succès à l'étranger.

Pour la conception et la fabrication de la CNIe, l'Imprimerie nationale fait appel à des prestataires externes en mesure de fournir des technologies de pointe assurant la sécurisation du titre. Les travaux de la commission d'enquête ont permis de mettre en lumière un manque de volontarisme alarmant de sa part pour l'inclusion de technologies innovantes françaises dans ce cadre.

« Nous n'avons jamais été consultés sur le projet de CNIe, malgré toutes les recommandations obtenues de la part du ministère de l'intérieur » Cosimo Prete, président de CST.

La mise à l'écart de certaines entreprises françaises innovantes dans le cadre d'un projet d'une telle ampleur constitue une regrettable illustration des réticences de certains pouvoirs adjudicateurs à soutenir des PME et contribuer à leur développement dans le cadre de la commande publique.

2. La plateforme des données de santé : face aux contradictions de l'État

De la même manière, la commission d'enquête a relevé une grande inertie de l'État s'agissant des enjeux de souveraineté numérique et de protection de données sensibles dans le cadre de la commande publique, qui s'illustre tristement par le cas du Health Data Hub, désormais intitulé plateforme des données de santé (PDS).

Instituée en 2019, la PDS a pour objectif de favoriser l'utilisation des données de santé dans les domaines de la recherche, notamment en matière d'intelligence artificielle, de l'appui au personnel de santé et du pilotage du système de santé. Compte tenu de la forte sensibilité des données concernées, ainsi que de la doctrine de l'État prônant une protection et une souveraineté des données publiques sensibles, le choix de confier l'hébergement de cette plateforme à Microsoft - société exposée aux effets des lois extraterritoriales américaines pouvant conduire à des fuites de données, avec sa solution Azure - et non à un hébergeur souverain, constitue une erreur caractérisée, si ce n'est une faute politique.

Si le ministère de la Santé a indiqué que la solution d'hébergement proposée par Microsoft était la seule à « répondre à l'ensemble des prérequis fonctionnels et sanitaires », les documents communiqués à la commission d'enquête laissent à penser que ce choix était en réalité davantage motivé par des enjeux de délai et de coûts, la solution de Microsoft pouvant être acquise par l'Ugap et donc disponible immédiatement, tandis qu'une autre solution d'hébergement, française, semblait, selon les documents communiqués, satisfaire aux exigences de sécurité, mais présentait alors des coûts de production plus importants et des délais de mise en oeuvre de cinq à huit mois supérieurs. Pour les responsables politiques entendus par la commission d'enquête, le recours à Microsoft était un arbitrage clair afin de répondre à une contrainte temporelle. La commission d'enquête juge, à l'inverse, que le respect du droit de la commande publique, permettant de sélectionner l'offre économiquement la plus avantageuse, ne saurait dépendre de conditions de délai ou d'impératifs politiques, surtout quand la solution retenue contrevient aux objectifs affichés et illustre un défaut d'anticipation.

En outre, alors que Microsoft ne devait constituer qu'une solution temporaire, permettant de rendre le projet opérationnel rapidement, une situation de dépendance à ses services s'est établie, la stratégie de réversibilité de l'hébergement de la plateforme n'ayant jamais été mise en oeuvre. Six ans après le lancement de la PDS, seule une solution intercalaire est pour l'instant envisagée pour remédier aux insuffisances les plus flagrantes par rapport aux ambitions initiales du projet.

Alors que la réversibilité de la solution d'hébergement était promise et que Microsoft ne devait assurer qu'une prestation temporaire de deux ans, la migration vers une solution d'hébergement souveraine semble encore lointaine.

Le pilotage de la plateforme des données de santé traduit l'incapacité de l'État à garantir la protection et la souveraineté des données publiques. Malgré le renforcement de la doctrine française en matière de protection des données, l'existence d'un rapport d'experts préconisant de programmer l'arrêt de l'hébergement sur Azure, et les déclarations récentes de certains responsables politiques signalant leur souhait de voir la plateforme migrer vers une solution souveraine, force est de constater qu'une telle migration semble, bien qu'imposée par la loi, encore lointaine et qu'elle supposera des coûts bien supérieurs à ceux qui auraient permis, dès le lancement du projet, de mettre en place une protection souveraine des données hébergées.

La commission d'enquête appelle donc à transférer dans les meilleurs délais l'hébergement de la plateforme des données de santé sur une solution souveraine, immune aux législations extraterritoriales, conformément à l'article 31 de la loi Sren (recommandation n° 16).

III. FIXER UN CAP CLAIR ET ACCÉLÉRER : PILOTER LA COMMANDE PUBLIQUE AU SERVICE DE LA SOUVERAINETÉ ÉCONOMIQUE

A. LE PROCESSUS ENGAGÉ DE RÉVISION DES DIRECTIVES EUROPÉENNES RELATIVES À LA COMMANDE PUBLIQUE

En raison de son impact sur le fonctionnement du marché intérieur, le droit de la commande publique est régi par des directives européennes, transposées ensuite en droit français.

À l'échelle européenne, la commande publique représente :

 
 

Par son ampleur, la commande publique est un levier stratégique au service de la politique industrielle et de la compétitivité de l'UE.

Le paquet « marchés publics » de 2014, actuellement en vigueur, est composé de trois directives qui ont fait l'objet d'une évaluation sévère de la Cour des comptes européenne, soulignant notamment qu'elles n'avaient pas atteint leur but de simplification et de renforcement de la concurrence dans les procédures de marchés publics et avaient même plutôt eu l'effet inverse.

En conséquence, et au vu de l'évolution du contexte économique et stratégique depuis 2014, appelant à mobiliser la commande publique pour soutenir l'innovation, sécuriser les approvisionnements et réduire les situations de dépendance technologique, une révision de ces directives a été annoncée dès l'été 2024 par la présidente de la Commission européenne, Mme Ursula von der Leyen, devant aboutir d'ici à 2027.

La Commission européenne a d'ores et déjà réalisé une consultation en ligne ouverte à toutes les parties prenantes et devrait poursuivre ses travaux au cours de l'année 2025, avant de proposer un projet de réforme d'ici à la fin de l'année 2026.

Le Parlement européen, de son côté, a pris l'initiative, au sein de sa commission sur le marché intérieur et la protection des consommateurs (IMCO) d'un rapport visant à accompagner cette révision, dont les premières orientations privilégient une conception purement économique de la commande publique, en contradiction totale avec la vision de la commission d'enquête. Celle-ci s'est rendue à Bruxelles, à la rencontre de la Commission européenne et du Commissaire en charge de ce dossier, M. Stéphane Séjourné, Vice-président chargé de la prospérité et de la stratégie industrielle, pour leur faire part de la nécessité de saisir cette opportunité pour faire de la commande publique, à l'échelle européenne, une politique publique au service des transitions écologique et sociale et de la souveraineté économique, agricole, industrielle et numérique de l'Union européenne.

B. POUR UNE PRÉFÉRENCE EUROPÉENNE ÉLARGIE

Dans le cadre de la révision des directives européennes, la commission d'enquête estime que l'accent doit être mis sur la préférence européenne, sur le modèle de dispositions en vigueur de longue date aux États-Unis et résumées sous l'appellation Buy American Act, qui imposent un régime de préférence nationale dans les achats fédéraux, sauf prix déraisonnable de l'offre.

Sans enfreindre les engagements internationaux de l'Union européenne, il lui appartient de faire preuve de moins de naïveté à l'égard de ses partenaires, qui ferment leurs marchés publics à ses entreprises tandis qu'ils profitent des siens. L'évolution du contexte international appelle à soutenir par la commande publique les entreprises européennes, dans le cadre du marché intérieur. La Commission européenne a déjà fait un premier pas en ce sens, défensif avec l'Instrument sur les marchés publics internationaux de 2022 et, dans ses communications récentes, vis-à-vis de certains secteurs critiques.

Il s'agit selon la commission d'enquête d'aller plus loin. Le but ne doit pas être uniquement de garantir la résilience de l'économie, en assurant la sécurité d'approvisionnements locaux, et de répondre aux situations d'urgence ou de crise, mais surtout d'adopter une approche transversale, avec une règle s'appliquant à l'ensemble des secteurs économiques à l'échelle européenne, pour contribuer à la structuration de filières souveraines.

La préférence européenne doit être générale et non limitée à certains secteurs particuliers.

Il est également indispensable que la France défende, dans le cadre de la révision des directives sur la commande publique, une exception alimentaire à l'échelle européenne, permettant de faciliter le recours aux producteurs locaux et de développer les circuits courts au profit de la restauration collective publique.

La commission d'enquête appelle à instaurer, dans le cadre de la révision des directives européennes sur la commande publique, un principe général de préférence européenne dans les achats des personnes publiques (recommandation n° 19).

Elle revendique l'introduction d'une exception alimentaire au droit de la commande publique, permettant de faciliter, notamment pour les collectivités territoriales, le recours à des producteurs locaux et à des circuits courts d'approvisionnement (recommandation n° 18).

Elle appelle à mobiliser la diplomatie parlementaire pour contribuer à bâtir une majorité qualifiée afin d'adopter une révision ambitieuse des directives européennes sur la commande publique (recommandation n° 17).

C. VERS UN SMALL BUSINESS ACT EUROPE'EN

La révision de la réglementation européenne de la commande publique doit aussi être l'occasion de mettre en pratique un engagement évoqué de longue date mais jusqu'à présent jamais tenu : celui de soutenir le développement des petites et moyennes entreprises (PME) en leur réservant une part des marchés publics, sur le modèle du Small Business Act (SBA) américain.

Le modèle américain constitue en effet un exemple à suivre : depuis 1953, il réserve une part, en valeur, des marchés publics fédéraux aux TPE et PME et permet également de leur attribuer directement des marchés, en dessous de certains seuils.

 
 
 

Part théorique, en valeur, des marchés publics réservés aux PME aux États-Unis

Part effective des marchés publics attribués aux PME aux États-Unis

Part des marchés publics attribués aux PME en France

Des outils existent déjà pour faciliter l'accès des PME à la commande publique et ont démontré leur efficacité : allotissement, groupement momentané d'entreprises, relèvement des seuils. Pour autant, de nombreux acteurs entendus par la commission d'enquête, des représentants des collectivités aux entreprises du numérique, ont jugé indispensable d'aller plus loin et de transformer la commande publique en outil revendiqué de soutien à l'économie locale et aux entreprises innovantes.

C'est pourquoi la commission d'enquête appelle à instituer, à l'occasion de la révision des directives européennes sur la commande publique, un Small Business Act européen réservant aux PME une part d'au moins 30 %, en valeur, des marchés publics passés par l'ensemble des pouvoirs adjudicateurs (recommandation n° 20).

Ce Small Business Act européen devra réserver aux PME les marchés publics d'un montant inférieur au seuil des procédures formalisées pour les fournitures et les services et à 100 000 euros HT pour les travaux, sauf en cas d'infructuosité d'une première procédure (recommandation n° 21).

D. CHANGER DE LOGICIEL : GARANTIR LA SOUVERAINETÉ NUMÉRIQUE EUROPÉENNE DANS LE CADRE DE LA COMMANDE PUBLIQUE

1. Protéger les données publiques face aux tentatives de captation étrangères

Dans un contexte géopolitique extrêmement tendu, la dépendance française et européenne à l'égard des solutions numériques étrangères, notamment américaines, et la soumission au droit extraterritorial américain des entreprises fournissant aux acheteurs publics français des prestations d'hébergement de données induisent des risques considérables.

En effet, le Foreign Intelligence Surveillance Act (Fisa) et le Clarifying Lawful Overseas Use of Data (Cloud) Act permettent au gouvernement des États-Unis d'exiger de sociétés assujetties à la loi américaine la communication des données qu'elles stockent, sur simple autorisation d'un juge. Du reste, la Chine et l'Inde ont également adopté des législations similaires.

Aussi M. Anton Carniaux, directeur des affaires publiques et juridiques de Microsoft France, invité par la commission d'enquête à garantir que les données des citoyens français hébergées par Microsoft ne seront jamais transmises à des autorités étrangères sans l'accord des autorités françaises, a-t-il répondu : « Non, je ne peux pas le garantir ».

Microsoft France n'est pas en mesure de garantir la souveraineté des données des citoyens français qu'elle héberge.

Cette possibilité doit faire craindre que des pressions puissent être exercées sur la France et sur les États de l'UE, soit par l'utilisation malintentionnée des données obtenues par un gouvernement étranger, soit par la restriction de l'accès à des solutions numériques dont l'Union européenne est dépendante aujourd'hui.

C'est la raison pour laquelle certains États européens, comme le Danemark, ont décidé de cesser progressivement d'utiliser les solutions Microsoft. L'action du gouvernement français en la matière s'inscrit clairement à rebours de ces annonces.

Depuis 2021, la doctrine « cloud au centre » impose aux ministères décidant de recourir à des offres de cloud commerciales de choisir une offre disposant de la qualification de sécurité SecNumCloud, proposée par l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (Anssi), pour l'hébergement de données sensibles.

Cette prescription a récemment reçu une valeur législative au travers de l'article 31 de la loi du 21 mai 2024 visant à sécuriser et à réguler l'espace numérique (Sren).

Cependant, et alors même que des instructions particulièrement claires ont été données, dans la période récente, aux rectorats en vue de l'arrêt du déploiement des suites collaboratives de Microsoft et de Google, le ministère de l'éducation nationale a récemment passé un important marché pour l'équipement de ses services et des établissements d'enseignement supérieur en solutions Microsoft.

 
 

Montants estimé et maximal du marché passé par l'éducation nationale
pour l'achat de solutions Microsoft

Ce marché a d'ailleurs été attribué sans avoir été préalablement soumis pour avis conforme à la Dinum, ce qui constitue pourtant, depuis 2019, une obligation pour les projets mettant en oeuvre un système d'information dont le montant prévisionnel global est égal ou supérieur à 9 millions d'euros TTC. Comme pour la PDS, les conditions de réalisation de l'étude de marché préalable au lancement de la procédure sont contestées par les acteurs du numérique souverain, qui estiment ne pas avoir été consultés.

Malgré ses sollicitations, la commission d'enquête n'a reçu aucune preuve permettant d'indiquer qu'ils avaient tort, signe supplémentaire des relations ambivalentes entre le secteur du numérique français et l'État et de la déconnexion entre les discours et les actes de ce dernier.

La commission d'enquête juge donc indispensable de rationaliser le pilotage de la politique numérique de l'État, en réaffirmant le rôle de pilote de la direction interministérielle du numérique, sous l'autorité du Premier ministre, et en rappelant aux administrations de l'État le caractère obligatoire de la doctrine « cloud au centre » (recommandation n° 29).

La commission d'enquête a constaté, au sein de l'État, un dénigrement systématique des solutions européennes, jugées à tort trop onéreuses ou peu performantes.

Pour justifier le choix de solutions étrangères, le ministère de l'éducation nationale a mis en avant des motifs financiers et remis en question la capacité des acteurs français et européens à assurer un niveau de performance comparable à celui des géants américains.

Pourtant, la gendarmerie nationale a, de longue date, décidé de migrer sur des solutions en open source, contrairement à la police nationale, qui doit supporter les coûts conséquents et cachés - plusieurs millions d'euros - induits par la migration vers Windows 11.

Ce phénomène est malheureusement entretenu par les grandes centrales d'achat, et en premier lieu par l'Ugap. Au travers de ses marchés multiéditeurs et de prestations d'hébergement en cloud - respectivement 860 et 44 millions d'euros de ventes en 2024 -, cette dernière assure une simple intermédiation entre l'offre et la demande de solutions étrangères, de l'aveu même de son PDG, qui a admis devoir mieux conseiller ses clients au sujet de l'assujettissement éventuel de leurs fournisseurs au droit extraterritorial étranger.

« Sur les sujets de souveraineté, je reconnais que nous pouvons faire des choses. (...) Il faut que nous donnions plus d'informations sur les éditeurs, les logiciels et les conditions d'hébergement. Nous avons un peu de travail à faire. » Edward Jossa, PDG de l'Ugap

La commission d'enquête appelle à ce qu'il soit remédié au défaut de pilotage politique de l'Ugap pour en faire un outil de souveraineté industrielle et numérique, en confiant sa tutelle au ministère chargé de la souveraineté industrielle et numérique et en limitant à deux mandats successifs l'exercice des fonctions de membre du conseil d'administration (recommandation n° 30).

Le recours à des solutions étrangères opérées par des acteurs immunisés à l'égard du droit américain telles que le « cloud de confiance » Bleu, porté par Orange et Capgemini et en cours de qualification SecNumCloud, est souvent présenté comme une voie de compromis pour les acheteurs publics.

Il ne saurait toutefois constituer une solution viable, dans la mesure où il contribuerait à entretenir l'adhérence française aux solutions étrangères tout en nous exposant au risque d'interruption de l'accès à ces technologies par leurs fournisseurs américains.

Dans un tel contexte, pour mieux assurer la protection des données des citoyens français dans le cadre de la commande publique, la commission d'enquête recommande notamment :

- d'assurer la mise en oeuvre de l'article 31 de la loi Sren, dans le respect de la volonté du législateur, dans les plus brefs délais (recommandation n° 22) ;

- de reconnaître le caractère sensible de toutes les données produites ou détenues par des personnes publiques (recommandation n° 23) ;

- de rendre obligatoire, d'une part, dans tous les marchés publics comportant des prestations d'hébergement et de traitement de données publiques en cloud, l'insertion d'une clause de non-soumission aux législations extraterritoriales étrangères et, d'autre part, dans tous ceux qui comportent des prestations de conseil, d'une clause interdisant le transfert des livrables produits dans le cadre de ces prestations vers un pays tiers, en exigeant la non-soumission au droit extraterritorial étranger des cabinets de conseil travaillant pour le secteur public (recommandations nos 24, 27 et 28) ;

- de faire respecter le recours obligatoire à des offres disposant de la qualification SecNumCloud pour l'hébergement des données publiques d'une sensibilité particulière, de préférence au moyen de solutions intégralement souveraines (recommandations nos 25 et 26) ;

- et d'assigner aux centrales d'achat nationales, et en particulier à l'Ugap, un objectif d'appui à la structuration des filières économiques françaises et européennes, notamment dans le secteur du numérique avec la diffusion de solutions souveraines en matière de logiciels et d'hébergement en nuage (recommandation n° 31).

2. Offrir à nos start-ups des perspectives de développement grâce à la commande publique pour nous émanciper des solutions étrangères

En France, les start-ups peinent tout particulièrement à accéder aux marchés publics. Seul 1,75 milliard d'euros leur ont ainsi été dédiés en 2022 au titre de la commande publique.

D'après les entreprises, cette situation découlerait notamment de l'inadéquation de la structure des appels d'offres aux particularités des start-ups et de la tendance naturelle des acheteurs publics à leur préférer de grands groupes, jugés à tort plus fiables mais pourtant souvent moins innovants.

En matière numérique, les acheteurs recourent donc trop souvent aux offres de grands fournisseurs étrangers et n'utilisent pas assez les instruments juridiques qui leur permettraient pourtant de soutenir l'innovation française, comme le partenariat d'innovation et le dispositif dit des « achats innovants ».

 
 

des achats publics était réalisé auprès de start-ups en 2022 (en valeur)

Seuil de dispense de publicité et de mise en concurrence pour les achats innovants

Pourtant, les start-ups innovantes se disent prêtes à réaliser les investissements nécessaires au développement de solutions numériques souveraines à condition de se voir garantir des marchés en contrepartie.

Il apparaît donc nécessaire à la commission d'enquête :

- de relever sensiblement le seuil de dispense de publicité et de mise en concurrence pour les achats innovants en le portant à un niveau compris entre 143 000 euros et 443 000 euros HT, selon la catégorie d'acheteur public (recommandation n° 32) ;

- de préciser la définition juridique de l'achat innovant, dont l'imprécision des contours est susceptible de faire craindre des contentieux aux acheteurs publics (recommandation n° 33) ;

- d'alléger les contraintes qui peuvent être imposées aux entreprises, en abaissant le plafond du chiffre d'affaires minimal exigible des entreprises candidates à un appel d'offres et en limitant la capacité des acheteurs publics à leur imposer des conditions relatives à leurs capacités techniques et opérationnelles (recommandations nos 34 et 35) ;

- et de renforcer les efforts financiers consentis en faveur de nos start-ups, en intégrant l'ensemble des acteurs de l'achat public au programme « Je choisis la French Tech » et en amenant les acheteurs à s'engager sur des objectifs d'achat auprès de start-ups (recommandations nos 36 et 37).

E. LA SIMPLIFICATION : PASSER DU SLOGAN À L'ACTION

1. Libérer les acheteurs publics des normes excessives

Aujourd'hui, l'extrême complexité des règles de la commande publique pèse en grande partie sur les acheteurs publics, freinant les bonnes volontés. La commission d'enquête a notamment relevé :

L'enchevêtrement des procédures et des règles de publicité, qui suscite de la complexité et de l'insécurité juridique, comme l'illustrent les contradictions de la jurisprudence administrative au sujet de la qualification juridique d'un marché négocié attribué après sollicitation de trois devis ;

En dehors de quelques cas, les marchés les plus importants sont paradoxalement les seuls à ne pas pouvoir être négociés.

· La limitation à des situations très spécifiques de la possibilité de recourir à la négociation, qui permet pourtant aux PME de promouvoir leur offre et aux acheteurs de choisir l'offre la plus compétitive et la mieux adaptée à leur besoin ;

· La lourdeur de la vérification du respect par les soumissionnaires de leurs obligations légales et réglementaires, notamment en matière fiscale et sociale ;

· Et le casse-tête que constitue, en cas de défaillance du titulaire d'un marché, l'obligation de passer le nouveau marché selon la même procédure que celle qui a été suivie pour le marché initial.

Les acheteurs publics devraient pouvoir négocier librement tous leurs marchés, dans le respect des principes fondamentaux du droit de la commande publique.

Une véritable simplification du droit de la commande publique s'impose par conséquent. Celle-ci pourrait notamment reposer sur :

- la suppression de la procédure adaptée, laquelle n'est pas imposée par le droit européen, et l'extension du champ de la procédure négociée jusqu'aux seuils européens des procédures formalisées (recommandation n° 38) ;

- la suppression de l'obligation de publication des marchés passés selon une procédure formalisée au Bulletin officiel des annonces des marchés publics (BOAMP) en sus du Journal officiel de l'Union européenne (JOUE) (recommandation n° 40) ;

- l'autorisation, pour tous les pouvoirs adjudicateurs, de recourir librement à une procédure formalisée avec négociation, sans avoir à le justifier (recommandation n° 42) ;

- la mise à disposition des acheteurs publics, via une plateforme en ligne, d'un « passeport commande publique » attestant du respect par les soumissionnaires à un marché de leurs obligations légales et réglementaires (recommandation n° 43) ;

- et l'ouverture de la possibilité de remplacer le titulaire défaillant d'un marché ou d'un lot par le biais d'une procédure allégée, sans publicité ni mise en concurrence préalables (recommandation n° 45).

2. Soutenir davantage les entreprises en levant les irritants

Les lourdeurs et les contraintes imposées par le droit de la commande publique pèsent également sur les entreprises et contribuent à leur méfiance à l'égard de l'achat public.

Ainsi, les variantes, offres alternatives comportant une modification des spécifications techniques par rapport à la solution de base décrite dans le cahier des charges, sont interdites dans le cadre d'une procédure formalisée, sauf mention contraire.

Or, par manque d'expertise ou par crainte du risque contentieux, les acheteurs publics rechignent à les autoriser, alors qu'elles permettent pourtant de valoriser les entreprises innovantes et d'élargir le champ de la concurrence, dans l'intérêt de tous.

La problématique des retards de paiement constitue une autre source de préoccupation pour les entreprises, et particulièrement pour les TPE et les PME, dont la trésorerie est fragile.

 
 

auraient été transférés de la trésorerie des grandes entreprises vers les TPE-PME en l'absence de retards de paiement en 2022

des saisines du Médiateur des entreprises sont liées à des retards de paiement

En sus des retards liés à des difficultés financières, souvent constatés dans le secteur hospitalier, certains acheteurs cherchent, par divers procédés, à retarder le point de départ du délai de paiement.

La commission d'enquête suggère par conséquent :

- d'inverser le régime actuel des variantes, en les autorisant par principe, sauf mention contraire (recommandation n° 47) ;

- d'autoriser en contrepartie les acheteurs publics, qui disposeraient d'outils fiables d'analyse mis à disposition par l'État, dans un souci de sécurisation, à expérimenter les variantes proposées avant de les retenir (recommandation n° 46) ;

- de garantir le versement automatique des intérêts moratoires en cas de retard de paiement relevant de la responsabilité de l'ordonnateur (recommandation n° 49) ;

- de communiquer auprès de l'ensemble des acheteurs publics sur les conséquences de leurs retards de paiement sur les entreprises et d'imposer aux services de l'État le respect des délais réglementaires de paiement (recommandation n° 50) ;

- de promouvoir des méthodes de notation ne dénaturant pas la pondération entre les critères de notation des offres (recommandation n° 52) ;

- de rendre obligatoire la publication de la méthode de notation des offres, qui permettrait aux entreprises de mieux adapter leurs propositions aux besoins des acheteurs, et l'évaluation du critère du prix sur la base des prix hors taxes, de façon à assurer un traitement équitable à tous les soumissionnaires, qu'ils soient assujettis ou non à la TVA (recommandations nos 53 et 54).

F. SÉCURISER ET FORMER LES ACHETEURS PUBLICS POUR LIBÉRER LES ÉNERGIES

1. Diffuser les bonnes pratiques et renforcer la formation des acheteurs publics

En France, le secteur de l'achat public regorge de bonnes pratiques, développées notamment à l'échelle locale, qui gagneraient à être a minima recensées, puis diffusées à l'ensemble de l'écosystème.

Dans le même temps, malgré de récents efforts en matière de professionnalisation de la fonction achat tant au sein de l'État que des collectivités territoriales, la formation des élus reste facultative, tandis que l'offre proposée en la matière dans l'enseignement supérieur demeure embryonnaire.

Dès lors, nombre d'acheteurs publics sont contraints de recourir à un assistant à maîtrise d'ouvrage (AMO) pour leur fournir des conseils en vue de la réalisation de leurs achats ou de la conduite de leurs opérations de travaux, ce qui peut induire de l'inefficacité et des surcoûts, réduire l'autonomie des acheteurs publics et donner lieu à des conflits d'intérêts.

Face à cette situation, la commission d'enquête estime qu'il serait avisé de :

- revaloriser le rôle des élus membres des commissions d'appel d'offres (CAO) en leur faisant bénéficier d'une formation obligatoire aux enjeux et au droit de la commande publique (recommandation n° 57) ;

- accompagner plus fortement le développement des programmes universitaires consacrés à la commande publique incluant les aspects de souveraineté et de durabilité (recommandation n° 58) ;

- mettre en place un mécanisme d'habilitation des organismes assurant des missions d'assistance à maîtrise d'ouvrage au profit de personnes publiques, afin de faire disparaitre les risques de conflit d'intérêts en lien avec de telles missions exercées au profit d'entreprises privées (recommandation n° 60).

2. Redonner confiance aux acheteurs dans la commande publique

La peur du risque pénal associé à l'achat public a été abondamment évoquée devant la commission d'enquête.

De fait, le délit de favoritisme, qui est puni de deux ans d'emprisonnement, de 200 000 euros d'amende et d'une peine complémentaire obligatoire d'inéligibilité, est caractérisé dès lors qu'un élu ou un agent public a commis une erreur d'application du droit de la commande publique, même lorsque l'intéressé est de bonne foi.

« Heureusement que nous ne pensons pas au pénal ! Sinon, nous démissionnerions. » Joël Marivain, président de l'AMR 56

Il en résulte une tendance à la sécurisation, qui, si elle contribue à éviter bien des poursuites pénales - seules 211 condamnations ont été prononcées pour une infraction principale de favoritisme susceptible d'être commise par un décideur public entre 2014 et 2023 -, limite excessivement la flexibilité de l'achat public.

N'ayant pas le droit à l'erreur, les acheteurs deviennent averses au risque et moins novateurs, au préjudice de la collectivité.

Comme l'y invite le rapport remis en mars 2025 au Gouvernement par M. Christian Vigouroux, il est aujourd'hui souhaitable de mieux faire la part des choses entre la nécessité née de l'urgence d'une situation et d'inexcusables abus en excluant du champ du délit de favoritisme les méconnaissances du droit de la commande publique :

- lorsqu'elles visaient à permettre l'atteinte d'un objectif d'intérêt général impérieux ;

- et lorsqu'elles n'ont pas été commises dans l'intention d'octroyer un avantage injustifié (recommandation n° 55).

G. ASSURER UN PILOTAGE PAR LA DONNÉE EFFICACE ET TRANSPARENT DE LA COMMANDE PUBLIQUE POUR ATTEINDRE SES OBJECTIFS ET AMÉLIORER SA GESTION

Dans un contexte où la commande publique est de plus en plus appelée à jouer un rôle de levier stratégique au service des politiques publiques, la mise à disposition de données exhaustives, centralisées et exploitables relatives aux achats publics apparaît comme un nouvel impératif pour améliorer son pilotage et sa performance économique, environnementale et sociale.

Pourtant, la remontée d'informations sur les marchés publics assurée par l'État aujourd'hui ne peut qu'être qualifiée de lacunaire. En dépit d'une réforme devant aboutir en 2025, le recensement économique de la commande publique effectué par l'Observatoire économique de la commande publique (OECP) demeure partiel. En effet, jusqu'en 2025, seuls les marchés au montant supérieur à 90 000 euros HT étaient obligatoirement déclarés auprès de l'OECP. Abaissé à 40 000 euros HT à compter de 2024 (pour publication en 2025), et même 25 000 euros HT selon des modalités déclaratives adaptées, ce seuil demeure néanmoins un obstacle à une connaissance en temps réel des caractéristiques de l'ensemble des marchés publics, alors même que certains pouvoirs adjudicateurs ont démontré qu'un réel pilotage par la donnée de cette politique publique est un objectif aussi nécessaire qu'atteignable.

C'est le cas de la région Bretagne, dont l'observatoire des données de l'achat public, lancé en 2022, permet d'accéder à la performance des marchés de la région dès le premier euro, offrant aux acheteurs, aux entreprises et aux citoyens une vision d'ensemble de la commande publique, notamment s'agissant des caractéristiques environnementales et sociales de ces achats, ou de leur impact sur l'écosystème local et les entreprises de proximité.

La commission d'enquête juge donc que la constitution d'un outil statistique national public et transparent est un objectif prioritaire pour la performance de la commande publique et préconise en conséquence de prévoir le recensement des données des marchés publics dès le premier euro dépensé (tout en modulant les obligations de remontée de données en fonction du montant du marché) et de garantir l'interopérabilité des profils d'acheteurs ainsi qu'une remontée automatisée des données vers le portail national des données ouvertes (recommandations nos 61 et 63).

Elle estime aussi indispensable de développer des outils permettant d'assurer une traçabilité de la création de valeur de la commande publique, ne reposant pas uniquement sur la nationalité et l'enregistrement juridique des titulaires des marchés (recommandation n° 67).

Elle invite à rendre publiques et facilement accessibles les données sur la commande publique détenues par l'Observatoire économique de la commande publique (recommandation n° 65).

Enfin, elle appelle à développer, chez les acteurs publics, la programmation des achats et sa publicité et exiger de l'État et de ses opérateurs la réalisation d'une programmation de leurs achats, a minima triennale (recommandation n° 66).

Réunie le 8 juillet 2025 sous la présidence de Simon Uzenat, président, la commission d'enquête a adopté à l'unanimité le rapport et les recommandations présentés par Dany Wattebled, rapporteur, et en a autorisé la publication sous forme d'un rapport d'information.

LES RECOMMANDATIONS DE LA COMMISSION D'ENQUÊTE

Recommandation n° 1. - Sensibiliser les élus locaux à la possibilité d'associer, conformément à l'article L. 1411-5 du code général des collectivités territoriales, un représentant de la DGCCRF aux réunions des commissions d'appel d'offres pour renforcer le travail d'identification d'éventuelles pratiques anticoncurrentielles.

Recommandation n° 2. - Supprimer le plafond de 150 000 euros applicable aux transactions pouvant être proposées par la DGCCRF aux entreprises ayant recouru à des pratiques anticoncurrentielles.

Recommandation n° 3. - Examiner l'opportunité de permettre au procureur de la République de diligenter des interceptions téléphoniques dans le cadre d'une enquête sur des pratiques anticoncurrentielles.

Recommandation n° 4. - Au vu des enjeux politiques et budgétaires et de l'inefficacité de sa gouvernance, confier au Premier ministre la responsabilité du pilotage, de la cohérence et de l'efficience de la politique nationale de commande publique.

Recommandation n° 5. - Créer un comité interministériel de l'achat public, instance de concertation sur la commande publique rassemblant l'État, les hôpitaux, les collectivités territoriales et l'ensemble des acteurs soumis au droit de la commande publique.

Recommandation n° 6. - Organiser un débat annuel d'évaluation de la politique d'achat de l'État au Parlement, incluant le suivi du schéma de promotion des achats publics socialement et écologiquement responsables (Spaser) et de l'activité des centrales d'achat, dont l'Ugap.

Recommandation n° 7. - À l'instar de ce qui est autorisé pour les entités adjudicatrices, permettre aux pouvoirs adjudicateurs de rejeter les offres des marchés de fournitures intégrant une majorité de produits originaires de pays extra-européens non signataires d'un accord relatif aux marchés publics avec l'Union européenne.

Recommandation n° 8. - Transférer les adjoints gestionnaires des établissements publics locaux d'enseignement aux collectivités de tutelle de ces derniers, afin d'assurer un pilotage plus cohérent de leurs services de restauration scolaire.

Recommandation n° 9. Exiger de l'État et de ses opérateurs le respect, dans un délai d'un an, des prescriptions de la loi Egalim en matière de restauration collective.

Recommandation n° 10. - Assurer dans les plus brefs délais la mise en conformité de l'État avec ses obligations légales en le dotant d'un schéma de promotion des achats publics socialement et écologiquement responsables (Spaser), applicable à l'ensemble de ses opérateurs.

Recommandation n° 11. - Dans le cadre du nouveau pilotage interministériel de la commande publique, mieux coordonner, autour d'un chef de file désigné par le Premier ministre, les actions de la DAJ, la DAE, du CGDD, de l'Ademe et des réseaux locaux dans l'élaboration d'outils et de formation d'aide à la transition des politiques d'achat public locales vers des achats durables, afin de garantir la cohérence et la pertinence de ceux-ci.

Recommandation n° 12. - Mettre enfin à disposition des acheteurs publics, au plus tard le 1er janvier 2026, des outils d'analyse du coût du cycle de vie des biens des principaux segments d'achat, comme l'imposait l'article 36 de la loi Climat et résilience au 1er janvier 2025.

Recommandation n° 13. - Confier à l'État la responsabilité de conduire des enquêtes de qualité sur les différentes considérations sociales mobilisées au sein des marchés publics, notamment la mutualisation des parcours d'insertion entre personnes publiques, afin d'améliorer l'insertion durable dans l'emploi de leurs bénéficiaires.

Recommandation n° 14. - Assouplir les conditions de recours aux groupements de commandes pour les communes et les intercommunalités.

Recommandation n° 15. - Encourager la mutualisation de la fonction achat à l'échelle des intercommunalités.

Recommandation n° 16. - Transférer dans les meilleurs délais l'hébergement de la plateforme des données de santé, dite Health Data Hub, sur une solution souveraine, immune aux législations extraterritoriales, conformément à l'article 31 de la loi Sren.

Recommandation n° 17 : Mobiliser la diplomatie parlementaire pour contribuer à bâtir une majorité qualifiée afin d'adopter une révision ambitieuse des directives européennes sur la commande publique.

Recommandation n° 18 : Défendre une exception alimentaire à l'échelle européenne pour faciliter le recours aux producteurs locaux.

Recommandation n° 19. - Instaurer, dans le cadre de la révision des directives européennes sur la commande publique, un principe général de préférence européenne dans les achats des personnes publiques.

Recommandation n° 20. - Instituer, à l'occasion de la révision des directives européennes sur la commande publique, un Small Business Act européen réservant aux PME une part d'au moins 30 %, en valeur, des marchés publics passés par l'ensemble des pouvoirs adjudicateurs.

Recommandation n° 21. - Dans le cadre du Small Business Act européen, réserver aux TPE et PME les marchés publics d'un montant inférieur au seuil des procédures formalisées pour les fournitures et les services et à 100 000 euros HT pour les travaux, sauf en cas d'infructuosité d'une première procédure.

Recommandation n° 22. - Publier au plus vite le décret d'application de l'article 31 de la loi Sren qui respecte pleinement la volonté du législateur et en assurer la mise en oeuvre effective.

Recommandation n° 23. - Élargir le périmètre des données considérées comme sensibles à l'ensemble des données produites ou détenues par des personnes publiques.

Recommandation n° 24. - Rendre obligatoire l'insertion d'une clause de non-soumission aux lois extraterritoriales étrangères dans tous les marchés publics comportant des prestations d'hébergement et de traitement de données publiques en cloud.

Recommandation n° 25. - Faire respecter le recours obligatoire à des offres disposant de la qualification SecNumCloud pour l'hébergement des données publiques d'une sensibilité particulière.

Recommandation n° 26. - Parmi les solutions qualifiées SecNumCloud, privilégier le recours à celles qui reposent sur des technologies intégralement souveraines.

Recommandation n° 27. - Rendre obligatoire l'insertion dans tous les marchés publics comportant des prestations de conseil d'une clause interdisant le transfert vers un pays tiers des livrables produits dans le cadre de la fourniture de ces prestations.

Recommandation n° 28. - Exiger l'immunité aux législations extraterritoriales des cabinets de conseil travaillant pour le secteur public.

Recommandation n° 29. - Rationaliser le pilotage de la politique numérique de l'État en réaffirmant le rôle de pilote de la direction interministérielle du numérique, sous l'autorité du Premier ministre, et en rappelant aux administrations de l'État le caractère obligatoire de la doctrine « cloud au centre ».

Recommandation n° 30. - Remédier au défaut de pilotage politique de l'Ugap pour en faire un outil de souveraineté industrielle et numérique en confiant sa tutelle au seul ministère chargé de la souveraineté industrielle et numérique, en limitant à deux mandats successifs l'exercice des fonctions de membre du conseil d'administration et en y intégrant deux parlementaires.

Recommandation n° 31. - Assigner aux centrales d'achat nationales, et en particulier à l'Ugap, un objectif d'appui à la structuration des filières françaises et européennes, notamment dans le secteur du numérique, avec la diffusion de solutions souveraines en matière de logiciels et d'hébergement en nuage.

Recommandation n° 32. - Relever le seuil applicable aux marchés innovants à 143 000 euros pour les pouvoirs adjudicateurs centraux, à 221 000 euros pour les autres pouvoirs adjudicateurs et à 443 000 euros pour les entités adjudicatrices et les marchés de défense ou de sécurité.

Recommandation n° 33. - Dans le cadre de la révision des directives européennes, simplifier et préciser la définition de l'innovation en droit de la commande publique.

Recommandation n° 34. - Abaisser le plafond réglementaire du chiffre d'affaires minimal exigible des entreprises candidates à un marché public (de deux fois le montant du marché à une fois et demie ce montant) et inviter les acheteurs publics à réduire les montants de chiffre d'affaires exigés dans leurs marchés publics afin de soutenir l'innovation et faciliter l'accès des nouveaux entrants à la commande publique.

Recommandation n° 35. - Limiter la possibilité, pour les acheteurs publics, d'imposer aux entreprises candidates à un marché public des conditions relatives à leurs capacités techniques et opérationnelles aux seuls cas où de telles exigences sont justifiées par l'objet ou les conditions d'exécution du marché et proportionnées à l'objectif poursuivi.

Recommandation n° 36. - Intégrer les collectivités territoriales et le secteur hospitalier dans le programme « Je choisis la French Tech ».

Recommandation n° 37. - Inviter les acheteurs publics à se fixer des objectifs chiffrés d'achat auprès de start-ups.

Recommandation n° 38. - Supprimer la procédure adaptée et permettre le recours à la procédure négociée en deçà des seuils européens, dans le respect des principes fondamentaux du droit de la commande publique.

Recommandation n° 39. - En conséquence, assurer la publicité des marchés dont la valeur estimée est inférieure aux seuils européens sur le profil d'acheteur et sur un support habilité à publier une annonce légale librement choisi par les acheteurs publics.

Recommandation n° 40. - Supprimer l'obligation de publication des marchés passés selon une procédure formalisée au BOAMP en sus du JOUE.

Recommandation n° 41. - Mettre en place une plateforme publique de veille jurisprudentielle sur la commande publique pour assurer la bonne information de tous les acheteurs publics sur son évolution.

Recommandation n° 42. - À l'instar de ce qui est autorisé pour les entités adjudicatrices, permettre aux pouvoirs adjudicateurs de recourir librement à une procédure formalisée avec négociation, sans justification, dans le cadre de la révision des directives européennes.

Recommandation n° 43. - Dans l'intérêt des acheteurs publics et des opérateurs économiques, mettre en place, via une plateforme en ligne, un « passeport commande publique » attestant du respect par les soumissionnaires à un marché public et son titulaire de leurs obligations légales et réglementaires, notamment en matière fiscale et sociale.

Recommandation n° 44. - Exiger la mention, dans le dossier de candidature, de la rémunération demandée au titre de la maîtrise d'oeuvre dans le cadre d'un concours.

Recommandation n° 45. - Autoriser le remplacement sans publicité ni mise en concurrence préalables du titulaire d'un marché ou d'un lot en cas de défaillance liée à une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire.

Recommandation n° 46. - Assurer la mise à disposition des acheteurs publics par l'État d'outils fiables d'analyse des variantes et les autoriser, lorsque le marché s'y prête, à, à expérimenter les variantes proposées par les soumissionnaires avant de les retenir.

Recommandation n° 47. - Dans le cadre de la révision des directives européennes, autoriser par principe les variantes dans le cadre des marchés passés selon une procédure formalisée, sauf mention contraire dans l'avis de marché ou l'invitation à confirmer l'intérêt.

Recommandation n° 48. - Donner aux établissements publics de santé les moyens nécessaires pour régler leurs factures dans un délai de 30 jours.

Recommandation n° 49. - Garantir le versement automatique des intérêts moratoires en cas de retard de paiement relevant de la responsabilité de l'ordonnateur.

Recommandation n° 50. - Communiquer à l'endroit de l'ensemble des acheteurs publics sur les conséquences des retards de paiement pour les entreprises et enjoindre aux services de l'État de respecter les délais réglementaires de paiement.

Recommandation n° 51. - Inciter tous les acheteurs publics à porter à 30 % le taux d'avance à destination des TPE et des PME.

Recommandation n° 52. - Promouvoir des méthodes de notation ne valorisant pas automatiquement, par l'attribution de la note maximale sur chaque critère de notation des offres, la meilleure offre sur chaque critère ou celle qui propose le prix le plus bas, afin de ne pas dénaturer la pondération entre ces critères.

Recommandation n° 53. - Rendre obligatoire la publication par l'acheteur public de la méthode de notation des offres dans le cadre de la passation d'un marché public.

Recommandation n° 54. - Rendre obligatoire, dans le cadre de la comparaison des offres, l'évaluation du critère du prix sur la base des prix hors taxes.

Recommandation n° 55. - Exclure du champ du délit de favoritisme toute méconnaissance, même délibérée, du droit de la commande publique, lorsqu'elle visait à permettre d'atteindre un objectif d'intérêt général impérieux et lorsque l'acheteur, en le méconnaissant, même délibérément, n'avait pas l'intention d'octroyer un avantage injustifié.

Recommandation n° 56. - Mener un recensement national des bonnes pratiques en matière de marchés publics pour chaque type de marchés et chaque catégorie d'acheteurs publics en vue de parvenir à l'élaboration d'un clausier général de la commande publique à diffuser auprès des acheteurs publics.

Recommandation n° 57. - Instaurer une obligation de formation aux enjeux et au droit de la commande publique pour les élus membres d'une commission d'appel d'offres.

Recommandation n° 58. - Renforcer la formation initiale des acheteurs publics en accompagnant plus fortement le développement des programmes universitaires consacrés à la commande publique, incluant les aspects de souveraineté et de durabilité.

Recommandation n° 59. - Créer un parcours de formation certifiant sur l'achat et la souveraineté numériques.

Recommandation n° 60. - Mettre en place un mécanisme d'habilitation des organismes assurant des missions d'assistance à maîtrise d'ouvrage au profit des personnes publiques afin de faire disparaître les risques de conflit d'intérêts en lien avec l'exercice de telles missions au profit d'entreprises privées.

Recommandation n° 61. - Organiser le recensement des données de la commande publique dès le premier euro dépensé, tout en modulant les obligations de remontée des données en fonction du montant du marché.

Recommandation n° 62. - Garantir l'interopérabilité des profils d'acheteur au bénéfice des opérateurs économiques afin de leur faciliter l'accès à l'information sur les procédures de la commande publique en cours.

Recommandation n° 63. - Organiser la remontée automatisée des données vers le portail national de données ouvertes en prenant appui sur les initiatives de recensement des données de la commande publique déjà conduites par les collectivités territoriales.

Recommandation n° 64. - Achever dans les meilleurs délais la mise au point du portail de données des achats publics de l'État et rendre public et facilement accessible à tous l'ensemble de son contenu, avec une publication détaillée par segment d'achat et par origine des titulaires, en particulier pour les achats en matière numérique.

Recommandation n° 65. - Rendre publiques et facilement accessibles les données sur la commande publique détenues par l'Observatoire économique de la commande publique et ses analyses.

Recommandation n° 66. - Développer chez les acheteurs publics la programmation des achats et sa publicité et exiger de l'État et de ses opérateurs la réalisation d'une programmation de leurs achats, a minima triennale.

Recommandation n° 67. - Développer des outils permettant d'assurer une traçabilité de la création de la valeur de la commande publique.

INTRODUCTION

« Le monde a changé depuis le 10 janvier dernier »1(*), avec le second mandat de Donald Trump à la présidence des États-Unis. C'est par cette affirmation devant la commission d'enquête que M. Éric Lombard, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, a justifié le regain de pertinence que connaîtrait depuis lors la notion de souveraineté, notamment dans le cadre de la commande publique.

Pourtant, cette tendance à une exacerbation des tensions économiques internationales et des bouleversements géopolitiques est à l'oeuvre depuis bientôt dix ans : premier mandat du président Trump, crise sanitaire et son impact sur les chaînes d'approvisionnement internationales, guerre en Ukraine et ses conséquences inflationnistes sur les matières premières et l'énergie.

Cette prise de conscience particulièrement tardive de ces enjeux, ou plutôt ce manque de volonté politique, au sommet de l'État, de s'y confronter, traduit une incohérence grave et manifeste entre les discours et les actes des représentants de l'État. Elle illustre par ailleurs le profond décalage avec les décisions que prennent déjà de longue date au quotidien les acheteurs publics, qui agissent en première ligne, mais en ordre encore trop dispersé, pour faire vivre la souveraineté économique française et européenne, facteur indéniable de performance de la dépense publique, d'optimisation du retour sur investissement territorial et d'accélération des transitions écologiques et sociales.

La commande publique pâtit pourtant en France d'une image relativement négative. Alors que, dans l'inconscient collectif, elle reste liée à divers scandales et détournements, très médiatisés, qui ont eu lieu à une époque aujourd'hui révolue, ses acteurs considèrent être soumis à un cadre juridique très strict qui, s'il vise légitimement à garantir la bonne utilisation des deniers publics, est aussi source de complexité, de rigidité et d'inefficience.

Pourtant, la commande publique est le carburant de l'action publique, des plus petites communes aux régions, des services publics locaux aux administrations centrales de l'État et à ses principaux opérateurs. Elle repose sur un corpus de règles et principes essentiels communs, s'appliquant à chacun des 130 000 pouvoirs adjudicateurs de notre pays (collectivités territoriales, structures de l'État et entités chargées d'une mission de service public confondues).

Alors qu'elle a longtemps été envisagée comme un acte avant tout juridique et administratif, la commande publique est devenue un enjeu profondément politique au croisement de toutes les transformations du monde et la preuve de concept par excellence pour des élus attachés à retisser des liens de confiance avec leurs concitoyens. La commande publique constitue ainsi un puissant moteur de soutien à l'activité économique et d'accompagnement des mutations de la société. En 2023, elle représentait - pour les seuls contrats d'un montant supérieur ou égal à 90 000 euros HT - environ 170,7 milliards d'euros2(*), soit 6 % du PIB. La Cour des comptes européenne a quant à elle estimé son poids économique à 14 % du PIB3(*), soit près de 2 400 milliards d'euros à l'échelle de l'Union européenne et près de 400 milliards d'euros pour notre seul pays. De ce fait, elle constitue un puissant levier de soutien à l'économie.

Fort de ce constat, le groupe Les Indépendants - République et Territoires (LIRT) a demandé, au titre de son droit de tirage reconnu par l'article 6 bis du Règlement du Sénat, la création d'une commission d'enquête sur les coûts et les modalités effectifs de la commande publique et la mesure de leur effet d'entraînement sur l'économie française. Le Sénat en a désigné les 19 membres le 12 février 2025, marquant ainsi le début du délai de six mois pour ses travaux prévu à l'article 6 de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires.

La commission d'enquête a pris soin dans un premier temps, en raison de cette durée de travail limitée et de l'étendue du champ de la commande publique, de circonscrire le périmètre de ses travaux.

Ayant décidé de s'intéresser tout particulièrement aux difficultés et pratiques de la commande publique par les collectivités territoriales, et notamment les plus petites d'entre elles, elle a décidé - au regard du temps effectif d'investigation dont elle disposait (quatre mois au lieu de six) - de ne se pencher que sur les marchés publics et non sur les concessions, qui constituent le second type de contrats de la commande publique selon l'article L. 2 du code de la commande publique. En effet, si un marché vise à répondre aux besoins d'un acheteur public en matière de travaux, fournitures ou services, la concession consiste à confier l'exécution de travaux ou la gestion d'un service, le cas échéant public, à un opérateur économique, qui en assume le risque d'exploitation. Ces deux logiques, tout comme les montages économiques et les secteurs d'activité concernés, diffèrent grandement. Les concessions, qui ont été consacrées en droit européen par une directive du 11 février 20144(*), introduites en droit français par l'ordonnance n° 2016-65 du 29 janvier 20165(*) puis intégrées au code de la commande publique, mériteraient donc de faire l'objet d'une évaluation à part entière.

De même, le droit de la commande publique distingue les pouvoirs adjudicateurs - que sont les personnes morales de droit public et les organismes privés contrôlés par ces dernières pour satisfaire des besoins d'intérêt général - et les entités adjudicatrices - structures publiques ou privées qui assurent l'exploitation de réseaux de fourniture d'énergie (gaz, électricité, chaleur), d'eau ou encore de transport en commun. Celles-ci disposent, en droit européen, de leur régime juridique propre6(*), dérogatoire au droit commun, et assoupli par rapport à celui applicable aux pouvoirs adjudicateurs. De ce fait, leur situation et leur expérience des marchés publics peuvent diverger, les difficultés rencontrées par les uns n'étant pas forcément vécues comme telles par les autres. En conséquence, la commission d'enquête a fait le choix de focaliser ses travaux sur les marchés publics passés par les pouvoirs adjudicateurs.

Elle n'a logiquement pas inclus dans ses investigations les règles et régimes juridiques qui ne relèvent pas de la commande publique mais ont des incidences financières et juridiques importantes sur le fonctionnement des personnes publiques. C'est le cas par exemple de la domanialité publique, régie par le code général de la propriété des personnes publiques, bien que sous l'influence de la jurisprudence européenne7(*), et en vertu du principe de liberté d'établissement, la délivrance d'autorisations d'occupation du domaine public pour l'exercice d'une activité économique doive désormais être précédée d'une procédure de sélection préalable impartiale, transparente et comportant des mesures de publicité8(*), s'apparentant ainsi aux mises en concurrence des marchés publics. L'acquisition ou la location de locaux par les personnes publiques, explicitement exclues du champ de la commande publique, n'ont pas non plus été abordées.

La question des subventions n'a également pas été examinée par la commission d'enquête, malgré la distinction parfois délicate et la frontière poreuse qui peut exister avec le marché public. Il convient ici de rappeler qu'une subvention est, pour une personne publique, une « contribution facultative [...] destinée à la réalisation d'une action ou d'un projet d'investissement »9(*). Elle exclut toute contrepartie directe au profit de la personne publique, qui ne peut être à l'initiative de l'activité. La loi précise d'ailleurs qu'une subvention ne saurait constituer la « rémunération de prestations individualisées répondant aux besoins des autorités ou organismes qui les accordent »10(*), un tel cas de figure relevant bien du marché public.

Dans ce contexte, et au vu du calendrier contraint auquel elle était soumise, la commission d'enquête a réalisé ses diligences sur une période de trois mois, conduisant ses 59 auditions du 11 mars au 11 juin 2025, après avoir tenu sa réunion constitutive et désigné son président, M. Simon Uzenat (SER - Morbihan), et son rapporteur, M. Dany Wattebled (LIRT - Nord) le 5 mars précédent.

Elle a par ailleurs reçu deux ministres en exercice : outre M. Éric Lombard, Mme Clara Chappaz, ministre déléguée chargée de l'intelligence artificielle et du numérique, et deux anciens ministres. Elle a décidé que l'ensemble de ses auditions seraient publiques, refusant les demandes de huis clos qui lui ont été formulées.

Elle a également réalisé trois déplacements. À Vannes et à Lille, elle a cherché à recueillir le point de vue territorialisé des représentants des collectivités, du monde hospitalier, de l'État et des opérateurs économiques afin d'entendre et de mesurer leur ressenti sur le cadre juridique de la commande publique, les éventuelles difficultés qu'il fait naître et les moyens de les corriger. Elle a aussi rencontré des acteurs spécialisés dans l'accompagnement des acheteurs publics pour le développement d'une politique d'achat durable en vue d'identifier les dynamiques et bonnes pratiques locales en la matière, avant d'étudier à ces deux occasions les politiques de mutualisation des achats de l'État à l'échelle régionale, qui relèvent de plateformes régionales des achats (PFRA).

Une délégation de la commission d'enquête s'est ensuite rendue à Bruxelles afin de prendre la mesure de la procédure de révision des directives européennes relatives à la commande publique, engagée par la Commission européenne à la fin de l'année 2024 et qui devrait aboutir au plus tard d'ici la fin de l'année 2026. Alors que le cadre actuel remonte à 201411(*), son actualisation est aujourd'hui indispensable pour tenir compte des nouveaux enjeux décrits dans le présent rapport et remédier à sa fragmentation croissante, avec l'apparition récente de nombreuses législations sectorielles. À l'occasion de ce déplacement, la délégation de la commission d'enquête a pu rencontrer l'ensemble des parties prenantes au processus de révision, constater les divergences de points de vue qui existent entre États membres et entre représentants d'intérêts sur les objectifs à poursuivre, avant d'encourager la Commission européenne, en particulier M. Stéphane Séjourné, Vice-président exécutif pour la prospérité et la stratégie industrielle, à faire preuve de détermination pour faire aboutir une réforme ambitieuse.

Au total, elle a entendu 134 personnes ou organismes différents, représentant tout l'univers de la commande publique, dans sa grande diversité : élus locaux et leurs représentants, services de l'État, experts, juristes, économistes, acheteurs publics, acteurs économiques ou encore représentants du secteur hospitalier.

Dans le même temps, la commission d'enquête a réalisé une consultation en ligne des élus locaux au sujet de la commande publique sur la plateforme de consultation des élus locaux du Sénat. Du 2 au 30 avril 2025, 1 182 élus y ont partagé leur expérience en la matière, sur des sujets tels que la professionnalisation de la fonction achat, le recours aux centrales d'achat, le développement des achats durables, le risque juridique et pénal, la complexité de la réglementation et des procédures, ou encore le soutien aux très petites entreprises (TPE) et aux petites et moyennes entreprises (PME), à l'économie locale ou à l'innovation. Cette consultation a également permis de recueillir des contributions libres d'élus locaux, dont une a donné lieu ensuite à une audition devant la commission d'enquête. Ses résultats sont présentés dans le rapport.

Réunie le mardi 8 juillet 2025, la commission d'enquête a examiné le rapport de M. Dany Wattebled, l'a adopté à l'unanimité et décidé de le rendre public.

Au terme de ses travaux, elle espère que ceux-ci contribueront à susciter une prise de conscience sur le potentiel insuffisamment exploité de la commande publique pour accélérer le basculement de l'économie française et européenne dans l'ère de souveraineté économique, agricole, industrielle et numérique, des transitions écologiques et sociales, du renforcement de nos entreprises et de l'emploi dans nos territoires.

Trop longtemps un impensé de l'action publique, qu'elle irrigue pourtant, la commande publique a subi ces dernières années un pilotage défaillant, la soumettant à des injonctions contradictoires ayant pour conséquence un décalage entre les annonces et les actes, au détriment des acheteurs publics les moins experts et des opérateurs économiques, en particulier les TPE-PME.

Il importe aujourd'hui de changer de méthode, d'affirmer un cap, de s'y tenir et de conjuguer volontarisme politique et efficacité de la dépense publique. La France doit notamment tirer parti du processus de révision des directives européennes, occasion décennale de faire évoluer en profondeur le cadre juridique applicable et ne plus se contenter de mesures parfois cosmétiques de simplification à l'échelle nationale.

Ainsi, le soutien au tissu économique local par la commande publique, déjà très largement pratiqué chez nos voisins, ou la protection des données publiques face aux législations extraterritoriales, figurent au premier rang des mesures qu'il conviendrait de généraliser, à l'échelle européenne, à des fins de développement des territoires et de souveraineté face à la domination d'acteurs extra-européens.

La commande publique ne doit donc plus être perçue comme un irritant et son cadre juridique comme un obstacle à des ambitions de transformation économique et sociale. Les travaux de la commission d'enquête ont démontré qu'à la condition de suivre fermement le cap dessiné par ses 67 recommandations la commande publique pouvait devenir une politique publique pleine et entière, au service actif de l'intérêt général. Ses acteurs dans la sphère publique comme privée, qui constituent un rouage essentiel de l'action publique, méritent une meilleure reconnaissance de leur activité et un soutien accru à leur professionnalisation. Dans le même temps, il appartient à l'État de revoir d'urgence les modalités de pilotage politique et administratif de cette politique, dans un souci de plus grande clarté et de meilleure association des collectivités territoriales, qui constituent les premiers acheteurs publics de France.

I. LA COMMANDE PUBLIQUE, MOTEUR ESSENTIEL DE L'ÉCONOMIE FRANÇAISE : UN PUISSANT EFFET LEVIER MAIS DES RESTRICTIONS À LEVER

A. UN POIDS ÉCONOMIQUE QUI FAIT DE L'ACHAT PUBLIC UN PILIER FONDAMENTAL DE L'ÉCONOMIE FRANÇAISE, NOTAMMENT AU PLAN LOCAL

Selon différents rapports et études économiques, la commande publique représenterait de 14 % à 18 % du PIB, soit plus 400 milliards d'euros pour notre pays, un montant très proche du périmètre des dépenses de l'État.

À l'échelle de l'Union européenne, un rapport de la Cour des comptes européenne, publié en 2023, évoque ainsi 14 % du PIB12(*) tandis que le Parlement européen13(*) l'évalue à 2 448 milliards d'euros, soit 16 % du PIB14(*). La présidence polonaise du Conseil de l'Union européenne pour sa part l'évalue à 2 300 milliards d'euros. Tout en témoignant d'une amélioration de la collecte des données relatives à la commande publique au niveau européen, loin du « trou noir » statistique que déplorait le rapport d'information du Sénat de 201515(*), ces chiffres varient en fonction de l'agrégation des données hétérogènes du périmètre couvert : marchés publics, concessions ou contrats de partenariat.

En France, le calcul exact des montants financiers consacrés à la commande publique demeure une tâche complexe, une part des marchés publics échappant aux obligations de publicité et de déclaration auprès de l'Observatoire économique de la commande publique (OECP), chargé du recensement économique de la commande publique. Il en va ainsi des marchés d'un montant inférieur à 40 000 euros HT, pour lesquels les règles de publicité et de mise en concurrence ne s'appliquent pas, ainsi que des marchés d'un montant inférieur à 90 000 euros HT, non tenus d'être déclarés auprès de l'Observatoire.

En conséquence, si le recensement économique conduit par l'OECP permet d'obtenir une évaluation, certes incomplète, du montant des achats publics chaque année, des divergences subsistent dans l'évaluation de la part de PIB portée par ces achats.

Sur le fondement des seuls contrats d'un montant supérieur ou égal à 90 000 euros HT, l'OECP indique que la commande publique française représente 170 milliards d'euros en 2023, soit un montant deux fois plus important qu'il y a dix ans, les contrats publics ne représentant, en 2014, que 83 milliards d'euros.

Si, sur la base de ce recensement très partiel, la commande publique représente 6 % du PIB en 2023, les données du Tender Electronic Data Website (TED) de la Commission européenne, qui recense les avis de marchés publics publiés au Journal officiel de l'Union européenne (JOUE) pour les contrats au-dessus des seuils européens, le poids de la commande publique s'élève à 8 points de PIB pour la France. Cette estimation atteint même 16 points de PIB selon l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), en mesurant le poids de la commande publique à travers la comptabilité nationale, c'est-à-dire en incluant les activités qui pourraient donner lieu à des contrats publics.

Quoi qu'il en soit, la commande publique apparaît comme un des piliers essentiels de la croissance française, dont le montant exact est néanmoins soumis à une marge d'erreur considérable. M. Pierre-Henri Morand, économiste, soulignait lors de son audition par la commission d'enquête à ce propos « qu'il est rare de rencontrer un domaine de politique publique où l'imprécision est si importante dans l'évaluation de son poids économique »16(*).

Ces montants financiers conséquents résultent d'une très grande diversité d'acheteurs publics, la France présentant la particularité d'un écosystème d'acheteurs particulièrement éclaté au sein duquel sont recensés 130 000 pouvoirs adjudicateurs, quand l'ensemble de l'Union européenne n'en décompte que 250 00017(*). Ces derniers sont traditionnellement regroupés par l'OECP à des fins statistiques en trois principales catégories d'acteurs publics : l'État, qui comprend les administrations centrales et déconcentrées, les établissements publics de l'État et le secteur hospitalier, les collectivités territoriales, ainsi que les acheteurs publics ne rentrant dans aucune des deux catégories précédentes, parmi lesquels les opérateurs de réseaux et les entreprises publiques.

Il résulte du recensement économique établi par l'OECP que la commande publique est principalement portée par les collectivités territoriales, qui représentaient, en 2023, 80 % de l'ensemble des marchés publics, contre seulement 8 % pour l'État et 12 % pour les entreprises publiques et les opérateurs de réseaux. La répartition du poids économique de la commande publique est toutefois plus équilibrée, bien que la place des collectivités demeure prépondérante : leurs marchés constituent en effet 43 % du montant total de la commande publique en 2023, contre 30 % pour l'État et 27 % pour les entreprises publiques et les opérateurs de réseaux.

Volume et montant de la commande publique entre 2014 et 2023

(en millions d'euros)

Contrats initiaux notifiés18(*)

État, établissements publics de l'État et secteur hospitalier

Collectivités territoriales

Autres19(*)

Total

2014

Nombre

39 568

109 553

14 704

163 825

Montant

31 441

33 808

18 188

83 437

2015

Nombre

30 333

105 606

14 549

150 488

Montant

34 062

29 757

21 415

85 234

2016

Nombre

29 862

97 484

17 450

144 796

Montant

36 216

25 634

22 021

83 871

2017

Nombre

32 204

114 440

16 875

163 519

Montant

37 550

27 770

24 017

89 337

2018

Nombre

25 189

102 320

25 815

153 324

Montant

29 232

31 018

40 581

100 834

2019

Nombre

27 878

110 075

32 811

170 764

Montant

34 170

38 843

37 803

110 816

2020

Nombre

24 139

115 865

29 056

169 060

Montant

35 276

41 611

34 512

111 399

2021

Nombre

20 988

126 110

38 668

185 766

Montant

48 673

47 808

55 312

151 793

2022

Nombre

17 615

179 932

38 082

235 629

Montant

43 160

66 064

51 043

160 267

2023

Nombre

19 545

194 993

29 193

243 731

Montant

51 112

73 385

46 161

170 658

Source : direction des achats de l'État (DAE) à partir des données extraites de l'OECP pour les contrats de plus de 90 000 euros HT.

1. Les achats publics de l'État

Les achats publics de l'État, de ses établissements publics et du secteur hospitalier représentaient, en 2023, 51,1 milliards d'euros, dont 21,5 milliards d'euros relevant des marchés de défense ou de sécurité.

En 2024, hors marchés de défense ou de sécurité, les achats des ministères se sont élevés à 24 milliards d'euros, reposant majoritairement sur deux acheteurs, le ministère des armées et le ministère de l'intérieur, dont les marchés représentent respectivement 8,1 milliards d'euros et 5,6 milliards d'euros.

Répartition des achats publics de l'État par ministère en 2024

(en millions d'euros)

Source : commission d'enquête à partir de données de la DAE.

MEF : ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique ; MEN : ministère de l'Éducation nationale ; MESRI : ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation.

Les marchés publics de l'État portent majoritairement sur des services (52 %), les montants consacrés à l'acquisition de fournitures représentant 26 % de ces achats et ceux consacrés aux travaux 22 % en 2023.

Les achats liés à l'immobilier constituent par ailleurs le principal domaine d'achat de l'État, atteignant 9,7 milliards d'euros, suivi des dépenses liées à l'informatique et aux télécommunications (4 milliards d'euros) et des achats de véhicules et de transports de personnes et de biens (3 milliards d'euros).

Répartition par typologie des achats de l'État en 202320(*)

Source : commission d'enquête à partir de données de la DAE.

S'agissant des fournisseurs, il convient de souligner que si l'État recourt davantage, en nombre de marchés conclus, aux petites et moyennes entreprises (PME) pour s'approvisionner (l'État a conclu 116 277 contrats avec des PME en 2023, contre seulement 8 975 avec des entreprises intermédiaires et 3 622 avec des grandes entreprises), ce constat doit néanmoins être fortement tempéré par les montants que représentent ces contrats. En effet, en valeur, les marchés publics de l'État auprès de PME représentent 5,5 milliards d'euros en 2023, tandis que ceux conclus avec des entreprises de taille intermédiaire (ETI) et grandes entreprises s'élèvent respectivement à 7,1 et 7,6 milliards d'euros. La DAE précise en outre que les contrats conclus par l'État auprès de start-ups représentent 329 millions d'euros cette même année.

Répartition des dépenses d'achat par type de fournisseurs en montant et nombre de marchés pour l'année 202321(*)

Source : commission d'enquête à partir de données de la DAE.

Ces équilibres n'ont d'ailleurs pas fait l'objet de grandes évolutions au cours des dix dernières années, les contrats de l'État auprès des PME représentant 26,7 % de l'ensemble de ses marchés en 2023 en montant (contre 27,6 % en 2014) et 81,2 % en volume (contre 77,7 % en 2014).

2. Les achats du secteur hospitalier

Rattachés aux achats de l'État dans les données du recensement de la commande publique de l'OECP, les achats du secteur hospitalier représentent une part substantielle de la commande publique, qui s'élevait à 34,6 milliards d'euros en 2023, en augmentation continue sur les cinq dernières années (+ 36 % depuis 2019)22(*).

La commande publique hospitalière présente la singularité de reposer sur une grande diversité de pouvoirs adjudicateurs aux moyens restreints parmi lesquels les établissements publics de santé, les structures de coordination, notamment les groupements de coopération sanitaire (CGS) et les groupements d'intérêt public (GIP), ainsi que certains établissements à but non lucratif, notamment Unicancer. Afin de garantir la performance de ces marchés, le législateur a encouragé la mutualisation des achats par la constitution de 135 groupements hospitaliers de territoire (GHT), tandis que la direction générale de l'offre de soins (DGOS) compte en son sein une mission de performance hospitalière pour des achats responsables (PHARE) visant à accompagner la structuration, l'optimisation et la professionnalisation de ces achats. Ces deux leviers permettent ainsi une rationalisation du processus d'achat, particulièrement bienvenu face à la diversité des besoins d'acquisition du secteur.

Les dépenses du secteur hospitalier concernent en effet principalement les postes de dépenses suivants :

- 12 milliards d'euros pour les médicaments ;

- 8,5 milliards d'euros pour les dispositifs médicaux et le biomédical ;

- 4 milliards d'euros pour les prestations générales ;

- 4 milliards d'euros pour les travaux, prestations techniques et énergies ;

- 3 milliards d'euros pour l'hôtellerie.

Selon la direction générale de l'offre de soins (DGOS), les achats du secteur hospitalier bénéficient prioritairement aux entreprises de taille intermédiaire (55 % du montant total des achats en 2023) et aux grandes entreprises (28 %) mais seulement de manière marginale aux petites et moyennes entreprises (17 %).

Il est enfin à noter - et à saluer - que s'agissant du recensement des données de la commande publique hospitalière la DGOS travaille avec l'OECP pour « différencier l'État des hôpitaux publics et obtenir des données plus précises »23(*), ainsi que l'a annoncé Mme Véronique Chasse, cheffe de la mission achats en santé de la DGOS, lors de son audition par la commission d'enquête.

3. Les achats des collectivités territoriales

L'Observatoire économique de la commande publique ne publie que très peu d'informations relatives aux achats publics des collectivités, qui demeurent la grande inconnue de la commande publique, alors même qu'elles en sont l'acteur principal. Ainsi le recensement annuel de la commande publique publié par l'OECP se limite à préciser que les marchés publics des collectivités territoriales s'élèvent à 73,4 milliards d'euros en 2023, sans indiquer comment ceux-ci se ventilent par niveau de collectivités ou sur le territoire.

Le baromètre de la commande publique24(*), étude réalisée par la Banque des territoires et Intercommunalités de France, présente davantage d'informations sur ces marchés, bien qu'elle se fonde sur un périmètre distinct et moins complet que l'OECP, ne considérant que les appels d'offres réalisés sur l'année sans prendre en compte les marchés reconduits, et évalue donc les achats publics des collectivités comme approximant 44,9 milliards d'euros en 2023.

Selon cette étude, les achats des collectivités reposeraient principalement sur les communes (21,9 milliards d'euros en 2023), sur les intercommunalités (9,9 milliards d'euros) et les syndicats intercommunaux (5 milliards d'euros), tandis que les marchés publics des départements et des régions demeureraient marginaux, représentant respectivement 2 milliards et 1,4 milliard d'euros.

Les marchés publics des collectivités territoriales en 2023

 

Montant pour 2023 

(en millions d'euros)

Taux

Évolution 2022/2023

Communes

21 920

49 %

6,5 %

Intercommunalités

9 936

22 %

11,5 %

Syndicats intercommunaux

5 035

11 %

2,4 %

Départements

4 606

10 %

0,9 %

Régions

5 023

5 %

- 22,7 %

Non attribué

1 410

3 %

-

Total pour les collectivités territoriales

44 930

100 %

4,6 %

Source : Baromètre de la commande publique 2023.

Ces données témoignent en creux des réalités très hétérogènes en matière d'achats publics selon le niveau de collectivités : bien que les marchés des régions et des départements soient minoritaires en montant, ils disposent de moyens humains, administratifs et financiers renforcés et d'un suivi fin - la plupart de ces collectivités étant dotées de services achat conséquents - tandis que, pour une majorité de communes, la passation et le suivi des marchés publics reposent sur des agents généralistes, voire sur les élus eux-mêmes.

Ce constat explique notamment la progression de la part des marchés conclus par les intercommunalités et les syndicats intercommunaux, beaucoup de communes de taille restreinte préférant désormais transférer ou mutualiser les missions d'achat afin de rationaliser leurs coûts et renforcer leur sécurité juridique. Comme souligné dans le baromètre de la commande publique évoqué ci-avant, « si on intègre les syndicats intercommunaux et les établissements publics locaux (EPL), très liés aux intercommunalités, le volume de la commande publique piloté à l'échelle intercommunale se rapproche de plus en plus de celui des communes ».

La commande publique des collectivités présente par ailleurs la particularité de bénéficier davantage à des petites et moyennes entreprises que les marchés publics de l'État, puisque 36 % du montant total de leurs achats revient à des PME contre 26,7 % des achats de l'État et du secteur hospitalier, hors marchés de défense ou de sécurité.

4. Le poids des centrales d'achat au sein de la commande publique

Il convient également de rappeler qu'une part non négligeable des marchés publics est en pratique réalisée par des centrales d'achat pour le compte d'autres acheteurs publics. Le recours à ces structures permet aux pouvoirs adjudicateurs et aux entités adjudicatrices d'accélérer le délai d'acquisition de fournitures ou de services, les centrales d'achat effectuant en interne les procédures de passation des marchés, dont les démarches de publicité et de mise en concurrence, selon diverses procédures (acquisition dynamique, accord-cadre, achat-revente). Elles garantissent la validité juridique de leur montage contractuel et contribuent à l'atteinte de seuils de massification d'achats et de maîtrise de la dépense pour les acheteurs publics au volume d'achat restreint.

La plus importante d'entre elles, l'Union des groupements d'achats publics (Ugap) est un établissement public industriel et commercial placé sous la tutelle du ministre chargé du budget et du ministre chargé de l'éducation nationale à laquelle tout acheteur public peut recourir. Elle représente à elle seule près de 3 % des marchés publics français, avec des commandes enregistrées d'un montant de 5,9 milliards d'euros en 2024, en progression de 6,2 % en un an.

Le poids de l'Ugap dans la commande publique est tel que la centrale d'achat procède à la majorité des achats publics pour certains secteurs : c'est notamment le cas des bennes à ordures ménagères, pour lesquelles les commandes de l'Ugap représentent plus de 60 % des achats publics.

Les commandes auprès de l'Ugap concernent principalement :

- le domaine informatique25(*) (2,5 milliards d'euros) ;

- les véhicules (1,5 milliard d'euros),

- le domaine médical (789 millions d'euros) ;

- le mobilier et les équipements (455 millions d'euros) ;

Les prestations de services représentent 21 % de l'activité d'achat pour revente de la centrale d'achat.

L'Ugap intervient également, en tant qu'intermédiaire, pour la fourniture de gaz et d'électricité aux acheteurs publics, ce qui a représenté un chiffre d'affaires de 944 millions d'euros en 2024.

Si, selon celle-ci, plus de la moitié de ses fournisseurs titulaires sont des PME (en nombre de marchés), le fonctionnement des centrales d'achat et plus particulièrement le recours à des accords-cadres conséquents engageant des montants et des volumes de commande significatifs n'est pas sans conséquence sur le niveau de concurrence et le nombre d'entreprises en mesure de se porter candidates pour de tels marchés. Comme le soulignait ainsi M. Pierre-Henri Morand, économiste, devant la commission d'enquête26(*), si le recours à une centrale d'achat présente un réel intérêt en matière de rationalisation et de réduction des coûts de procédure pour les petites collectivités locales dépourvues de services achat dédiés, un tel système conduit également à procéder à des achats de grande envergure, pour lesquels le niveau de concurrence est potentiellement plus faible qu'une série de contrats de moindre importance, favorisant dès lors l'attribution de marchés à des entreprises de taille plus conséquente. Au vu de l'importance des montants financiers concernés par ces procédures, un pilotage fin de la gouvernance de ces structures semble déterminant pour garantir leur contribution à l'économie de proximité et leur soutien aux TPE/PME.

Outre l'Ugap, des centrales d'achat occupent un rôle central pour certains segments d'achats ou pour des catégories spécifiques d'acheteurs publics. Le secteur hospitalier recourt notamment à la mutualisation des achats par des centrales nationales spécialisées dans la santé : l'UniHa, qui rassemble 123 GHT pour des volumes de commande s'élevant à 7,2 milliards d'euros en 2024, et RésaH, ayant réalisé plus de 3,2 milliards d'euros d'achats en 2024 pour le compte de 2 600 adhérents. Huit centrales régionales spécialisées dans la santé effectuent également des commandes pour le compte des établissements de santé, à hauteur de 2 milliards d'euros.

Les collectivités territoriales se tournent également vers des centrales d'achat régionales, afin de prioriser l'acquisition de produits et de services en circuit court. Ces structures implantées à l'échelle d'un territoire assurent en effet un relai précieux pour les collectivités qui, comme évoqué ci-avant, ne peuvent ou ne souhaitent pas internaliser les procédures de passation des marchés, et présentent également l'avantage de disposer d'une connaissance fine des acteurs territoriaux permettant d'orienter les commandes vers des achats auprès d'acteurs locaux ou de PME. Certaines collectivités ont ainsi créé leur propre centrale d'achat territoriale, à l'instar de la région Île-de-France, qui propose des fournitures d'aménagement, des denrées alimentaires et des services de location de matériel depuis 2019, ou de la région Bretagne et les quatre départements qui la composent qui, par l'initiative Breizh Achats, proposent de mutualiser les achats de denrées alimentaires auprès de producteurs locaux pour la restauration collective.

L'achat local : mythe ou réalité ?

Alors que le souhait de mobiliser la commande publique pour soutenir le développement des filières d'approvisionnement local se fait de plus en plus fort au sein des collectivités territoriales, M Pierre-Henri Morand, économiste, a rappelé devant la commission d'enquête que la plupart des marchés publics sont aujourd'hui conclus auprès de fournisseurs relativement proches géographiquement des acheteurs.

Les données montrent qu'à l'échelle européenne, la distance moyenne entre acheteurs et fournisseurs est déjà relativement faible : selon celles du Tender electronic daily (TED), elle est de 242 kilomètres en moyenne pour tous types de marchés, avec plus de 50 % des marchés attribués à moins de 65 kilomètres et 25 % des marchés attribués à moins de 13 kilomètres.

Selon les données essentielles de la commande publique (DECP) de l'OECP, qui intègrent des marchés de plus faibles montants, la distance moyenne est de 165 kilomètres, avec 50 % des marchés attribués à moins de 49 kilomètres.

L'incorporation de clauses environnementales tend en outre à réduire davantage ces distances. Par exemple, pour les marchés de fournitures, la distance moyenne passe de 315 à 251 kilomètres avec des clauses environnementales, et pour les services de 195 à 139 kilomètres.

Toutefois, il convient de rappeler que la localisation du siège social de l'entreprise ne dit rien de la création de valeur générée sur le territoire (cf. infra III G 4).

Source : audition de M. Pierre-Henri Morand le 2 avril 2025.

5. Le cas spécifique de la commande publique ultramarine

Dans l'étude de l'effet d'entraînement de la commande publique sur l'économie globale, le cas des collectivités d'outre-mer se distingue des tendances observées au niveau national.

Rappelons premièrement que les marchés conclus par les pouvoirs adjudicateurs ultramarins ont trop longtemps fait l'objet d'une forte sous-déclaration, conduisant à une vision très partielle de leurs poids dans l'économie ultramarine et nationale. Dès lors, la forte progression de la commande publique ultramarine observée entre 2019 et 2023, de plus de 5 milliards d'euros, traduit en partie de significatifs progrès en matière de recensement sur ces cinq années. En 2023, la commande publique ultramarine représentait ainsi 6,3 milliards d'euros.

Les données transmises à la commission d'enquête par l'Observatoire économique de la commande publique laissent entrevoir le rôle crucial de La Réunion, principal contributeur tant en volume qu'en montant avec 4 079 marchés conclus en 2023 pour un montant total de 3,3 milliards d'euros, et de la Guadeloupe dont les 2 330 marchés conclus en 2023 représentaient 1,8 milliard d'euros. À l'opposé, Saint-Pierre-et-Miquelon reste le plus faible contributeur, avec un pic en 2021 (63 marchés pour 40,7 millions d'euros) puis un recul en 2023 (47 marchés pour 12,6 millions d'euros).

Évolution de la commande publique ultramarine entre 2019 et 2023

(en millions d'euros)

Source : commission d'enquête à partir de données de l'OECP.

À l'exception de la Guyane et de Saint-Pierre-et-Miquelon, le montant des achats publics ultramarins suit une progression continue. Outre l'effet positif induit par l'amélioration du recensement, cette augmentation résulte pour La Réunion d'un important marché relatif aux services bancaires d'investissement et connexes et, concernant la Guadeloupe, de gros marchés de travaux.

Malgré cette dynamique, la part des départements d'outre-mer dans la commande publique nationale reste relativement stable et restreinte représentant entre 2 % et 5 % des achats publics nationaux en volume et 1 % à 4 % en valeur.

En revanche, la commande publique ultramarine contribue de manière plus substantielle à l'économie locale qu'elle ne le fait dans d'autres départements, et constitue en conséquence un véritable levier pour le développement économique de ces régions. Comme le soulignait Mme Karine Delamarche, directrice générale adjointe des outre-mer, devant la commission d'enquête, « la moyenne nationale des achats publics par habitant s'établit légèrement en deçà de 1 300 euros, un niveau proche de celui observé à La Réunion. Pour les quatre autres départements et régions d'outre-mer (Drom), ce montant oscille entre 1 600 et 4 800 euros ; à Mayotte, il est estimé que 50 % de l'économie locale repose sur l'achat public sous toutes ses formes ». Le poids de la commande publique se trouve notamment renforcé par le retard des outre-mer en matière de services et d'infrastructures publics essentiels ainsi qu'en raison de la fréquence des aléas climatiques rendant nécessaire des phases importantes de reconstruction.

Ainsi, alors que selon les données de l'OECP (prenant en compte les seuls marchés supérieurs à 90 000 euros HT), la commande publique représente environ 6 % du PIB à l'échelle nationale, elle compte pour 14,4 % de celui de La Réunion ou encore 15,7 % de celui de la Guadeloupe.

En dépit de son rôle central pour les économies ultramarines, la commande publique se heurte à des difficultés très spécifiques tenant à l'insularité et ses conséquences sur les marchés économiques de ces collectivités, plus faibles et moins diversifiés que la moyenne nationale. De fait, la forte dépendance à l'importation de ces marchés suppose, d'une part, des coûts logistiques et d'acheminement plus élevés, qui renchérissent les offres et limitent la concurrence, mais également des délais d'exécution allongés et des marges de manoeuvre restreintes en matière de politique d'achat local. La performance des achats est également affectée par un niveau de concurrence moindre qu'en métropole, la DGOM indiquant que les appels d'offres ne reçoivent en moyenne que 2 réponses, contre 4,5 à l'échelle nationale. Le manque persistant de compétences techniques en matière d'achat pèse également sur le pilotage stratégique des achats publics, faute d'agents publics spécialisés, alors que les formations locales sont souvent inexistantes et celles prévues au niveau national souvent inaccessibles.

Pour ces territoires, le levier économique que représente la commande publique doit progressivement être mis au service des acteurs économiques locaux afin d'entraîner un cycle vertueux d'achat par des filières d'approvisionnement local et ainsi garantir des retombées économiques accrues, à moindre coût pour les pouvoirs adjudicateurs.

B. UN INSTRUMENT JURIDIQUE ANCIEN DESTINÉ À RÉPONDRE AUX BESOINS DES PERSONNES PUBLIQUES ET INSCRIT DANS UN CADRE EUROPÉEN

1. La consécration progressive des principes fondamentaux du droit de la commande publique

La réglementation de la commande publique est particulièrement ancienne en France. M. Grégory Kalflèche, professeur de droit public à l'université Toulouse-Capitole a en effet rappelé que « les premiers textes nationaux concernant l'État et les collectivités territoriales, c'est-à-dire les communes et les établissements de bienfaisance, datent, pour la loi, de 1833 et, pour les ordonnances, de 1835 et 1836 »27(*).

Ainsi, l'article 12 de la loi du 31 janvier 1833 portant règlement définitif du budget de l'exercice 182928(*) dispose qu'une ordonnance royale « réglera les formalités à suivre à l'avenir dans tous les marchés passés au nom du Gouvernement » et impose l'information annuelle des deux chambres du Parlement - la Chambre des Députés et la Chambre des Pairs - sur « tous les marchés de cinquante mille francs et au-dessus, passés dans le courant de l'année échue », en leur indiquant « le nom et le domicile des parties contractantes, la durée, la nature et les principales conditions du contrat ».

Sur le fondement de cette habilitation, l'ordonnance du 4 décembre 1836 portant règlement sur les marchés publics passés au nom de l'État29(*) institue à son article 1er le principe selon lequel « tous les marchés au nom de l'État seront faits avec concurrence et publicité », sauf exceptions limitativement énumérées, qui renvoient à des dérogations encore en vigueur aujourd'hui. Toutes ces procédures doivent être annoncées au moins un mois à l'avance et leur attributaire est désigné à la suite d'une adjudication, c'est-à-dire sur le seul critère du prix proposé, au profit du moins-disant. Cette ordonnance introduit des innovations qui font encore aujourd'hui partie de notre droit de la commande publique : procédure restreinte, motifs de recours à des marchés négociés, ou encore formalisme de la publicité, de la remise et de l'ouverture des plis.

L'ordonnance du 14 novembre 1837 portant règlement sur les entreprises pour travaux et fournitures au nom des communes et des établissements de bienfaisance30(*) transpose ce régime aux marchés de ces collectivités, y énonçant le principe de l'attribution des marchés après « concurrence et publicité », sous réserve d'exceptions similaires à celles prévues par l'ordonnance du 4 décembre 1836. La principale différence entre ces deux textes tient au contrôle exercé par le préfet sur les marchés des communes et de ces établissements31(*), qui ne devenaient exécutoires qu'après son approbation, en vertu de la tutelle qu'il exerçait alors sur eux32(*).

Le premier travail de codification des dispositions réglementaires relatives aux marchés publics remonte, quant à lui, à 196433(*). Le code français des marchés publics a par la suite fait l'objet de multiples modifications visant notamment à transposer les directives européennes sur la passation des marchés publics, adoptées en 197134(*), 199335(*), 200436(*) et en 201437(*).

De fait, la passation de marchés publics par les autorités des États membres de l'Union européenne ou en leur nom doit être conforme aux principes fondamentaux du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) - libre circulation des marchandises, liberté d'établissement et libre prestation de services - ainsi qu'aux principes qui en découlent - égalité de traitement, non-discrimination, reconnaissance mutuelle, proportionnalité et transparence -, lesquels ont d'abord été dégagés par la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE).

Cette dernière a d'abord affirmé que les contrats relevant du champ d'application des directives européennes sur les marchés publics devaient respecter les principes d'égalité de traitement des candidats et de transparence38(*), avant d'en acter l'application aux contrats de concession de service public, alors exclus du champ d'application des directives : « (...) Nonobstant le fait que de tels contrats sont, au stade actuel du droit communautaire, exclus du champ d'application de la directive 93/38 [du 14 juin 1993 du Conseil portant coordination des procédures de passation des marchés dans les secteurs de l'eau, de l'énergie, des transports et des télécommunications], les entités adjudicatrices les concluant sont, néanmoins, tenues de respecter les règles fondamentales du traité en général et le principe de non-discrimination en raison de la nationalité en particulier. (...) Ce principe implique, notamment, une obligation de transparence qui permet au pouvoir adjudicateur de s'assurer que ledit principe est respecté. Cette obligation de transparence qui incombe au pouvoir adjudicateur consiste à garantir, en faveur de tout soumissionnaire potentiel, un degré de publicité adéquat permettant une ouverture du marché des services à la concurrence ainsi que le contrôle de l'impartialité des procédures d'adjudication »39(*).

Ces principes ont ensuite été reconnus en droit national, l'article 1er du code des marchés publics de 2001 disposant que les marchés publics respectent les principes de liberté d'accès à la commande publique, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures.

Le Conseil d'État a alors jugé que les marchés conclus sans formalités préalables étaient « passés en application du code des marchés publics, au même titre que les marchés pour la passation desquels le code impose le respect de règles de procédure », ajoutant que « ces marchés demeurent du reste soumis aux principes généraux » mentionnés à l'article 1er du code40(*). Le Conseil constitutionnel a, quant à lui, consacré un principe d'égalité d'accès à la commande publique41(*) et affirmé que les principes rappelés à l'article 1er du code découlaient des articles 6 et 14 de la Déclaration de 178942(*).

Après la refonte des directives européennes, intervenue en 2014, le code des marchés publics, jusqu'alors de nature réglementaire, a été abrogé et provisoirement remplacé par deux ordonnances43(*) et trois décrets44(*).

2. Le code de la commande publique : une articulation délicate entre prescriptions européennes et spécificités françaises

Entré en vigueur le 1er avril 2019 et comportant une partie législative45(*), le code de la commande publique définit la notion de « contrat de la commande publique » et grave dans le marbre de la loi les grands principes applicables aux marchés publics.

Les acheteurs et les autorités concédantes doivent ainsi respecter le principe d'égalité de traitement des candidats à l'attribution d'un contrat de la commande publique et mettre en oeuvre les principes de liberté d'accès et de transparence des procédures, dans les conditions définies par le code, ces principes permettant d'assurer l'efficacité de la commande publique et la bonne utilisation des deniers publics46(*).

Du reste, le code dispose, depuis la loi dite « Climat et résilience » du 22 août 202147(*) (cf. infra), que la commande publique participe à l'atteinte des objectifs de développement durable, dans leurs dimensions économique, sociale et environnementale, dans les conditions qu'il détermine48(*).

Les contrats de la commande publique

Aux termes du code de la commande publique, les acheteurs et les autorités concédantes choisissent librement, pour répondre à leurs besoins, d'utiliser leurs propres moyens ou d'avoir recours à un contrat de la commande publique49(*).

Sont qualifiés de « contrats de la commande publique » les contrats conclus à titre onéreux par un acheteur ou une autorité concédante, pour répondre à ses besoins en matière de travaux, de fournitures ou de services, avec un ou plusieurs opérateurs économiques50(*). Il s'agit des marchés publics et des concessions, quelle que soit leur dénomination.

En tout état de cause, les contrats de la commande publique, qui sont conclus pour une durée limitée51(*), ne peuvent être attribués à des opérateurs économiques ayant fait l'objet des mesures d'exclusion prévues par le code52(*).

S'ils sont conclus par des personnes morales de droit public, ces contrats sont des contrats administratifs, sous réserve des « autres marchés publics » et « autres contrats de concession » mentionnés par le code, lesquels, conclus par des personnes morales de droit public, peuvent être des contrats administratifs en raison de leur objet ou de leurs clauses53(*). À ce titre :

- l'autorité contractante exerce un pouvoir de contrôle sur l'exécution du contrat, selon les modalités fixées par le code, des dispositions particulières ou le contrat ;

- les contrats qui ont pour objet l'exécution d'un service public respectent le principe de continuité du service public ;

- lorsque survient un évènement extérieur aux parties, imprévisible et bouleversant temporairement l'équilibre du contrat, le cocontractant, qui en poursuit l'exécution, a droit à une indemnité ;

- l'autorité contractante peut modifier unilatéralement le contrat dans les conditions prévues par le code, sans en bouleverser l'équilibre, le cocontractant ayant droit à une indemnisation, sous réserve des stipulations du contrat ;

- l'autorité contractante peut résilier unilatéralement le contrat dans les conditions prévues par le code, le cocontractant ayant droit à une indemnisation lorsque la résiliation intervient pour un motif d'intérêt général, sous réserve des stipulations du contrat.

En droit français, trois types distincts de procédures - la procédure négociée, la procédure adaptée et les procédures formalisées - sont applicables à la passation des marchés publics, en fonction de la valeur estimée du besoin auquel le marché vise à répondre, dans le cadre de ce que M. Kalflèche a désigné comme un continuum : « Il est intéressant de noter que, contrairement à l'idée reçue, la France a exporté son approche des marchés publics vers les autres pays de l'Union européenne (...). En France, nous avons essayé de créer un continuum (...). Ce continuum nous permet d'articuler le droit français avec le droit européen, en augmentant progressivement en complexité jusqu'au niveau européen, à partir duquel s'applique la procédure formalisée »54(*).

Il convient de préciser que le droit de l'Union européenne ne prévoit que le recours à une procédure formalisée au-delà des seuils européens et que la procédure adaptée constitue une particularité française.

Les seuils de procédures des marchés publics

En dehors d'autres circonstances matérielles particulières le permettant55(*), un acheteur public peut passer un marché sans publicité ni mise en concurrence préalables pour répondre à un besoin dont la valeur estimée est inférieure à 40 000 euros HT ou pour les lots dont le montant est inférieur à 40 000 euros HT et dont le montant cumulé n'excède pas 20 % de la valeur totale estimée de tous les lots56(*).

Cette possibilité lui est également offerte jusqu'au 31 décembre 2025 pour la conclusion d'un marché de travaux visant à répondre à un besoin dont la valeur estimée est inférieure à 100 000 euros HT ou pour les lots dont le montant est inférieur à 100 000 euros HT et dont le montant cumulé n'excède pas 20 % de la valeur totale estimée de tous les lots57(*).

Dans le cadre de cette procédure de gré à gré, l'acheteur doit veiller à choisir une offre pertinente, à faire une bonne utilisation des deniers publics et à ne pas contracter systématiquement avec un même opérateur économique lorsqu'il existe une pluralité d'offres susceptibles de répondre au besoin.

L'acheteur public peut également recourir à une procédure adaptée (Mapa) pour passer notamment un marché dont la valeur estimée HT est inférieure aux seuils européens ou un lot d'un marché alloti passé selon une procédure formalisée, lorsque la valeur estimée de chaque lot concerné est inférieure à 80 000 euros HT pour des fournitures ou des services ou à un million d'euros HT pour des travaux et que le montant cumulé de ces lots n'excède pas 20 % de la valeur totale estimée de tous les lots58(*).

Enfin, l'acheteur doit passer son marché selon une procédure formalisée (appel d'offres ouvert ou restreint, etc.) lorsque la valeur estimée du besoin est égale ou supérieure aux seuils européens59(*).

À ce jour, les seuils européens sont fixés :

- pour les marchés de fournitures et de services passés par des pouvoirs adjudicateurs, à 143 000 euros HT pour la plupart des autorités publiques centrales60(*) et à 221 000 euros HT pour les autres pouvoirs adjudicateurs ;

- pour les marchés de fournitures et de services passés par des entités adjudicatrices, à 443 000 euros HT ;

- pour les marchés de travaux, à 5 538 000 euros HT ;

- pour les marchés de défense ou de sécurité (MDS), à 443 000 euros HT lorsqu'ils portent sur des fournitures ou des services et à 5 538 000 euros HT lorsqu'ils portent sur des travaux61(*).

Ces seuils, établis par la Commission européenne, sont révisés tous les deux ans, conformément à l'article 6 de la directive 2014/24/UE sur la passation des marchés publics.

En parallèle, des obligations graduées de publicité s'appliquent aux acheteurs publics sur la base de seuils spécifiques.

Les seuils de publicité des marchés publics

Les marchés passés selon une procédure adaptée par l'État, ses établissements publics autres qu'à caractère industriel et commercial, les collectivités territoriales, leurs établissements publics et leurs groupements doivent faire l'objet d'une publicité dans certaines conditions :

- lorsque la valeur estimée du besoin est inférieure à 90 000 euros HT, les modalités de publicité sont librement adaptées en fonction des caractéristiques du marché, notamment de son montant et de la nature des travaux, des fournitures ou des services en cause ;

- lorsque la valeur estimée du besoin est égale ou supérieure à 90 000 euros HT et inférieure aux seuils des procédures formalisées, un avis de marché doit être publié soit dans le Bulletin officiel des annonces des marchés publics (BOAMP), soit dans un journal habilité à recevoir des annonces légales62(*).

L'acheteur doit en outre apprécier si, compte tenu de la nature ou du montant des travaux, des fournitures ou des services en cause, une publication dans un journal spécialisé correspondant au secteur économique concerné ou au Journal officiel de l'Union européenne (JOUE) est nécessaire pour garantir l'information des opérateurs économiques raisonnablement vigilants pouvant être intéressés par le marché.

Les autres acheteurs choisissent librement les modalités de publicité adaptées de leurs marchés passés selon une procédure adaptée en fonction des caractéristiques du marché, et notamment du montant et de la nature des travaux, des fournitures ou des services en cause63(*).

Pour les marchés passés selon une procédure formalisée, l'État, ses établissements publics autres qu'à caractère industriel et commercial, les collectivités territoriales, leurs établissements publics et leurs groupements doivent publier un avis de marché à la fois dans le BOAMP et au JOUE, tandis que les autres acheteurs ne doivent publier un avis de marché qu'au JOUE64(*).

En tout état de cause, l'acheteur peut faire paraître une publicité supplémentaire sur un autre support que celui choisi à titre principal65(*). La publicité supplémentaire peut ne comporter que certains des renseignements figurant dans l'avis de marché publié à titre principal sur le support de son choix à condition qu'elle en indique les références.

Il existe par ailleurs des marchés portant sur des services sociaux et d'autres services spécifiques qui, par nature, relèvent de la procédure adaptée, et ce même si leur valeur estimée dépasse le seuil des procédures formalisées66(*). Ils doivent faire l'objet d'une publicité au JOUE lorsque leur valeur estimée dépasse 750 000 euros HT67(*).

Seuils de procédures et de publicité applicables en 2025

Source : libel.fr

3. Assurer le respect de la libre concurrence dans le cadre de la commande publique : la lutte contre les ententes

Pour échapper aux contraintes ainsi imposées par le cadre juridique de l'achat public, et au mépris des principes fondamentaux du droit de la commande publique, certains opérateurs économiques sont susceptibles de se livrer à des pratiques anticoncurrentielles, au premier rang desquelles figurent les ententes.

Pour M. Benoît Coeuré, président de l'Autorité de la concurrence, « ces pratiques figurent parmi les infractions les plus graves au regard du droit de la concurrence, car elles entravent la fixation du prix par le jeu du marché, elles trompent le consommateur, en l'occurrence la personne publique, sur la réalité de la concurrence entre les entreprises soumissionnaires, et elles portent préjudice à la fois aux finances publiques et au contribuable »68(*).

Les ententes anticoncurrentielles

L'article 101 du TFUE déclare incompatibles avec le marché intérieur et interdits tous accords entre entreprises, toutes décisions d'associations d'entreprises et toutes pratiques concertées, qui sont susceptibles d'affecter le commerce entre États membres et qui ont pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché intérieur, et notamment ceux qui consistent à :

- fixer de façon directe ou indirecte les prix d'achat ou de vente ou d'autres conditions de transaction ;

- limiter ou contrôler la production, les débouchés, le développement technique ou les investissements ;

- répartir les marchés ou les sources d'approvisionnement ;

- appliquer, à l'égard de partenaires commerciaux, des conditions inégales à des prestations équivalentes en leur infligeant de ce fait un désavantage dans la concurrence ;

- subordonner la conclusion de contrats à l'acceptation, par les partenaires, de prestations supplémentaires qui, par leur nature ou selon les usages commerciaux, n'ont pas de lien avec l'objet de ces contrats.

Le traité précise que les accords ou décisions ainsi interdits sont nuls de plein droit, mais que ces dispositions peuvent être déclarées inapplicables à tout accord ou catégorie d'accords entre entreprises, à toute décision ou catégorie de décisions d'associations d'entreprises et à toute pratique concertée ou catégorie de pratiques concertées qui contribuent à améliorer la production ou la distribution des produits ou à promouvoir le progrès technique ou économique, tout en réservant aux utilisateurs une partie équitable du profit qui en résulte, et sans imposer aux entreprises intéressées des restrictions qui ne sont pas indispensables pour atteindre ces objectifs ni donner à des entreprises la possibilité, pour une partie substantielle des produits en cause, d'éliminer la concurrence.

Par conséquent, le code de commerce prohibe, même par l'intermédiaire direct ou indirect d'une société du groupe implantée hors de France, lorsqu'elles ont pour objet ou peuvent avoir pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché, les actions concertées, conventions, ententes expresses ou tacites ou coalitions, notamment lorsqu'elles tendent à :

- limiter l'accès au marché ou le libre exercice de la concurrence par d'autres entreprises ;

- faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché en favorisant artificiellement leur hausse ou leur baisse ;

- limiter ou contrôler la production, les débouchés, les investissements ou le progrès technique ;

- ou répartir les marchés ou les sources d'approvisionnement69(*).

Est dès lors nul tout engagement, convention ou clause contractuelle se rapportant à une telle pratique70(*).

Du reste, ne sont pas prohibés :

- les pratiques qui résultent de l'application d'un texte législatif ou d'un texte réglementaire pris pour son application ;

- les pratiques dont les auteurs peuvent justifier qu'elles ont pour effet d'assurer un progrès économique, y compris par la création ou le maintien d'emplois, et qu'elles réservent aux utilisateurs une partie équitable du profit qui en résulte, sans donner aux entreprises intéressées la possibilité d'éliminer la concurrence pour une partie substantielle des produits en cause ;

- et les accords ou pratiques dont les auteurs peuvent justifier qu'ils sont fondés sur des motifs objectifs tirés de l'efficacité économique et qui réservent aux consommateurs une partie équitable du profit qui en résulte71(*).

En tout état de cause, la loi punit d'une peine de quatre ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende le fait, pour toute personne physique, de prendre frauduleusement une part personnelle et déterminante dans la conception, l'organisation ou la mise en oeuvre de pratiques anticoncurrentielles72(*).

Les acheteurs publics sont par conséquent autorisés à exclure de la procédure de passation d'un marché les opérateurs économiques à l'égard desquels ils disposent d'éléments suffisamment probants ou constituant un faisceau d'indices graves, sérieux et concordants pour en déduire qu'ils ont conclu une entente avec d'autres opérateurs en vue de fausser la concurrence73(*).

De telles pratiques peuvent par ailleurs donner lieu à une injonction, une transaction ou une sanction au terme d'une procédure associant la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) et l'Autorité de la concurrence.

Selon Mme Stéphanie Deguilly-Lepage, cheffe du bureau « Politique et droit de la concurrence » de la DGCCRF, les enquêteurs « ciblent principalement les pratiques d'ententes dans les marchés publics : les échanges d'informations avant le dépôt des candidatures, la coordination des candidatures au travers d'offres de couverture, ainsi que des accords plus élaborés de partage de marché à l'échelle locale ou nationale, voire au-delà. Ils recherchent aussi les collusions, qui consistent en la formation de groupements en vue de se répartir les marchés »74(*).

Pour ce faire, plusieurs moyens sont utilisés :

- une veille sur la commande publique, notamment au travers de la participation aux réunions des commissions d'appel d'offres ;

- l'entretien de la relation avec les acheteurs, de manière informelle ou plus formelle, par exemple par la signature de protocoles ;

- l'examen des signalements adressés par les candidats évincés et les autres tiers intéressés ainsi que par des lanceurs d'alerte.

La commission d'enquête préconise, à ce propos, de diffuser plus largement ces pratiques éminemment utiles pour mieux sécuriser les procédures de passation et attirer l'attention des acheteurs publics sur les risques d'ententes.

Recommandation n° 1. - Sensibiliser les élus locaux à la possibilité d'associer, conformément à l'article L. 1411-5 du code général des collectivités territoriales, un représentant de la DGCCRF aux réunions des commissions d'appel d'offres pour renforcer le travail d'identification d'éventuelles pratiques anticoncurrentielles.

Plusieurs types d'indices sont recherchés par les agents de la DGCCRF, autour, notamment, du montant des offres (différentes propositions à un prix identique, ensemble de propositions à un prix supérieur à l'estimation administrative, à l'exception d'une seule, légèrement inférieure), de leur contenu (présentations similaires, erreurs ou rajouts identiques, oublis rendant l'offre irrégulière), de l'attitude des soumissionnaires (désistements après le retrait des dossiers de consultation, refus de régulariser une offre après demande de l'acheteur, constitution systématique de groupements pour des marchés de faible montant afin d'assécher la concurrence et de se répartir les marchés) ou des modalités d'exécution des prestations (réalisation de la majeure partie de l'exécution du marché par une seule société du groupement ou un seul sous-traitant).

Les différentes formes d'ententes anticoncurrentielles

Selon l'Autorité de la concurrence, les ententes les plus graves sont celles consistant, pour des entreprises concurrentes, à « s'entendre ou à discuter de leurs prix présents ou futurs, à contrôler ou se répartir les quantités entre elles, et enfin à se répartir les clients ou les marchés »75(*).

Elle distingue à ce titre quatre types de comportements :

- Les échanges d'informations avant le dépôt des candidatures : les entreprises concurrentes s'échangent, avant la date finale de soumission des offres, des informations sensibles relatives à leur intérêt pour le marché, leurs choix techniques ou de niveau de qualité, ou encore le montant de leur offre financière ;

- La coordination des candidatures au travers d'offres de couverture : une ou plusieurs entreprises rédigent des offres qui ne sont pas destinées à remporter le marché, d'une qualité basse ou de prix trop élevé, l'objectif étant de donner l'apparence d'une concurrence par la présence d'une pluralité d'offres ;

- Une coordination plus poussée au travers d'accords de partage de marchés : les entreprises mettent en place une organisation durable, couvrant souvent les marchés de plusieurs acheteurs et une plus longue période temporelle. Il s'agit d'un système structuré de répartition des marchés, au travers soit de clés de répartition des appels d'offres publiés, soit de listes de clients attribués ;

- La formation de groupements en vue de se répartir les marchés : le recours à des groupements d'entreprises ou, dans certains cas, à la sous-traitance, peut cacher un accord de répartition de marchés entre les entreprises parties à l'accord. Le groupement est alors utilisé pour supprimer la concurrence entre elles au stade de la passation, et leur permettre ensuite de se répartir les prestations une fois le marché attribué.

Indices de l'existence d'une entente

Source : DGCCRF

Au total, en 2024, la commande publique représentait 42,3 % de l'activité de détection d'indices de pratiques anticoncurrentielles des services de la DGCCRF contre 33 % en 2020.

D'après Mme Deguilly-Lepage, « (...) ces indices sont ensuite transmis aux brigades interrégionales d'enquêtes de concurrence, qui en évaluent la solidité et décident de les transmettre ou non à l'administration centrale, laquelle, avant de diligenter des investigations, doit proposer à l'Autorité de la concurrence de s'en saisir. Si celle-ci décline, ce sont les brigades interrégionales de concurrence qui mènent les investigations (...) afin, cette fois, de démontrer les pratiques. Il s'agit alors de qualifier l'entente et, pour ce faire, il est nécessaire de démontrer l'accord de volonté, ce qui peut supposer d'écouter les opérateurs visés ou de rechercher les preuves via les moyens renforcés »76(*).

Le traitement des cas d'entente anticoncurrentielle par la DGCCRF
à partir du déclenchement d'une enquête

Lorsque le ministre chargé de l'économie souhaite voir diligenter des investigations sur des faits susceptibles de revêtir la qualification, entre autres, d'entente anticoncurrentielle - mais aussi d'abus de position dominante77(*) -, il doit en informer le rapporteur général de l'Autorité de la concurrence avant leur déclenchement78(*).

Ce dernier peut, dans le délai d'un mois à compter de la réception des documents en la possession du ministre justifiant le déclenchement de l'enquête, prendre la direction de ces investigations. Il doit alors en informer le ministre.

Dans l'hypothèse où le rapporteur général écarte cette possibilité ou n'a pas informé le ministre des suites données dans un délai de 35 jours suivant la réception des documents, celui-ci peut faire réaliser les investigations par ses services.

Le ministre chargé de l'économie doit informer sans délai le rapporteur général de l'Autorité de la concurrence du résultat des investigations auxquelles il aura fait procéder et lui transmettre l'ensemble des pièces de la procédure. Le rapporteur général peut alors proposer à l'Autorité de la concurrence de se saisir d'office des résultats de l'enquête, l'Autorité disposant d'un délai de deux mois pour se prononcer à compter de la réception des pièces de la procédure.

Dans l'hypothèse où le rapporteur général écarte cette possibilité ou si l'Autorité ne donne pas suite à sa proposition dans le délai de deux mois, le rapporteur général en informe le ministre. À défaut de notification par le rapporteur général de la décision de l'Autorité dans un délai de 65 jours suivant la transmission des pièces de la procédure, le ministre peut :

- classer l'affaire ;

enjoindre aux entreprises de mettre un terme aux pratiques anticoncurrentielles en question lorsque ces dernières ne donnent pas lieu à application du droit de la concurrence de l'Union européenne - dans la mesure où il s'agit de pratiques nationales n'affectant pas sensiblement le commerce au sein du marché intérieur - et sous réserve que le chiffre d'affaires que chacune d'entre elles a réalisé en France lors du dernier exercice clos ne dépasse pas 50 millions d'euros et que leurs chiffres d'affaires cumulés ne dépassent pas 200 millions d'euros ;

- ou proposer à ces entreprises de transiger, le montant de la transaction ne pouvant excéder 150 000 euros ou 5 % du dernier chiffre d'affaires connu en France si cette valeur est plus faible79(*).

L'exécution dans les délais impartis des obligations résultant de l'injonction et de l'acceptation de la transaction éteint toute action devant l'Autorité de la concurrence pour les mêmes faits. Le ministre chargé de l'économie doit donc informer l'Autorité des transactions conclues. Du reste, l'injonction et la transaction peuvent faire l'objet d'une publicité aux frais du professionnel concerné.

Le ministre chargé de l'économie ne peut toutefois proposer de transaction ni imposer d'injonction lorsque les mêmes faits ont, au préalable, fait l'objet d'une saisine de l'Autorité de la concurrence par une entreprise ou tout autre organisme habilité à la saisir, sauf si l'Autorité a rejeté la saisine.

En cas de refus de transiger ou d'inexécution des injonctions ou des obligations résultant de l'acceptation de la transaction, le ministre saisit l'Autorité de la concurrence.

Suites données aux rapports d'enquête conclusifs de la DGCCRF
en matière de commande publique

Suite donnée

2020

2021

2022

2023

2024

Avertissement réglementaire et lettre d'information

8

26

7

4

10

Transaction ou injonction

2

5

10

14

4

Signalement sur la base de l'article 40 du code de procédure pénale

8

8

1

1

0

Saisine de l'Autorité de la concurrence

1

5

1

4

5

Classement

14

29

25

42

7

Total

33

73

44

65

26

Source : DGCCRF

En tout état de cause, le montant maximal de la transaction pouvant être proposée par la DGCCRF paraît beaucoup trop faible pour être véritablement dissuasif.

Comme l'a lui-même relevé M. Thomas Pillot, chef du service de la protection des consommateurs et de la régulation des marchés à la DGCCRF, « c'est le plus bas des deux plafonds qui s'applique, contrairement à d'autres systèmes qui prévoient un minimum en euros et un plafond pour les grandes sociétés. Bizarrement, la logique de notre système est inverse : il s'agit, avec le seuil de 5 %, de protéger des TPE ou des PME, mais le seuil de 150 000 euros s'applique y compris s'il s'agit d'un grand groupe »80(*).

Aussi la commission d'enquête propose-t-elle de modifier les règles de détermination du montant de la transaction en fixant son plafond à 5 % du dernier chiffre d'affaires connu en France, supprimant ainsi le maximum de 150 000 euros applicable à l'heure actuelle. De fait, ainsi que l'a souligné M. Pillot : « un quantum de 150 000 euros n'est plus adapté à de nombreuses pratiques qui, sans forcément toucher à des marchés européens ou mobiliser une autorité indépendante, nécessitent une répression effective »81(*).

Recommandation n° 2. - Supprimer le plafond de 150 000 euros applicable aux transactions pouvant être proposées par la DGCCRF aux entreprises ayant recouru à des pratiques anticoncurrentielles.

Il s'avèrerait également utile de permettre aux parquets de diligenter des interceptions téléphoniques dans le cadre d'enquêtes préliminaires sur d'éventuelles pratiques anticoncurrentielles.

En effet, pour l'heure, de tels moyens ne peuvent être mis en oeuvre que par un juge d'instruction, après l'ouverture d'une information judiciaire82(*). En matière de délits économiques et financiers, l'interception, l'enregistrement et la transcription de correspondances émises par la voie des communications électroniques ne peuvent être demandés par le procureur de la République que dans le cadre de certains délits punis d'une peine de cinq ans d'emprisonnement, tels que la corruption nationale et internationale, la contrebande aggravée, le trafic d'influence commis par une personne privée, la fraude fiscale aggravée ou l'abus de biens sociaux83(*).

Aussi la DGCCRF souhaiterait-elle qu'il soit « envisagé d'augmenter d'une seule année le quantum de la peine de quatre ans d'emprisonnement prévue à l'article L. 420-6 du code de commerce qui réprime les pratiques anticoncurrentielles, pour le porter ainsi au quantum de cinq années », « (...) le délit d'entente étant désormais le seul pour la poursuite duquel le procureur ne peut ordonner de tels actes d'enquête »84(*).

Une telle proposition mérite d'être étudiée.

Recommandation n° 3. - Examiner l'opportunité de permettre au procureur de la République de diligenter des interceptions téléphoniques dans le cadre d'une enquête sur des pratiques anticoncurrentielles.

L'Autorité de la concurrence peut, quant à elle, être saisie de toute pratique anticoncurrentielle ou de faits susceptibles de constituer une telle pratique par le ministre chargé de l'économie, les entreprises, divers autres organismes - collectivités territoriales, organisations professionnelles et syndicales, organisations de consommateurs agréées, chambres d'agriculture, chambres de métiers, chambres de commerce et d'industrie, Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom), entre autres85(*) - pour toute affaire qui concerne les intérêts dont ils ont la charge et les régions d'outre-mer, le département de Mayotte, les collectivités de Wallis et Futuna, de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin et de Saint-Pierre-et-Miquelon pour toute affaire qui concerne leur territoire respectif86(*).

Comme l'a rappelé M. Coeuré devant la commission d'enquête, les enquêtes de l'Autorité de la concurrence sont diligentées sur la base de plusieurs sources :

- la saisine d'un plaignant - la personne publique qui s'estime victime d'une entente ou le concurrent malheureux qui en suspecte une entre ses concurrents ;

- des signalements internes et externes ;

- les rapports d'enquête transmis par la DGCCRF - à cet égard, M. Coeuré indique que « la majorité des décisions rendues publiques en matière de marchés publics sont l'aboutissement de signalements de la DGCCRF, ce qui témoigne du caractère essentiel de notre coopération avec ce service de Bercy, qui se passe très bien »87(*) ;

- ou une demande de clémence, dans le cadre de laquelle l'un des participants à l'entente dénonce ces pratiques anticoncurrentielles et en apporte des preuves.

La demande de clémence

Une exonération totale ou partielle des sanctions pécuniaires peut être accordée à une entreprise ou à une association d'entreprises qui a, avec d'autres, mis en oeuvre une entente anticoncurrentielle si celle-ci a contribué à établir la réalité de cette pratique et à identifier ses auteurs, en apportant des éléments d'information dont l'Autorité de la concurrence ou l'administration ne disposaient pas antérieurement88(*).

L'exonération de sanctions pécuniaires que peut accorder l'Autorité doit être proportionnée à la contribution apportée à l'établissement de l'infraction.

Lorsqu'une exonération totale des sanctions pécuniaires a été accordée à une entreprise ou une association d'entreprises en application de cette procédure et lorsque les faits lui paraissent de nature à donner lieu à des poursuites pénales, l'Autorité de la concurrence en informe le procureur de la République et lui transmet le dossier, en mentionnant, le cas échéant, les personnes physiques qui lui paraissent éligibles à une exemption de peine.

L'Autorité dispose de plusieurs leviers d'action à l'égard des entreprises suspectées de recourir à des pratiques anticoncurrentielles. Elle peut notamment :

- si la pratique en cause porte une atteinte grave et immédiate à l'économie générale, à celle du secteur intéressé, à l'intérêt des consommateurs ou, le cas échéant, à l'entreprise plaignante, prendre les mesures conservatoires qui lui sont demandées par le ministre chargé de l'économie, l'entreprise ou tout autre organisme habilité à la saisir ou celles qui lui apparaissent nécessaires, celles-ci pouvant comporter la suspension de la pratique concernée ainsi qu'une injonction aux parties de revenir à l'état antérieur et devant rester strictement limitées à ce qui est nécessaire pour faire face à l'urgence dans l'attente d'une décision au fond89(*) ;

ordonner aux intéressés de mettre fin aux pratiques anticoncurrentielles dans un délai déterminé ou leur imposer toute mesure corrective de nature structurelle ou comportementale proportionnée à l'infraction commise et nécessaire pour faire cesser effectivement l'infraction90(*) ;

accepter des engagements, d'une durée déterminée ou indéterminée, proposés par les entreprises ou associations d'entreprises et de nature à mettre un terme à ses préoccupations de concurrence susceptibles de constituer des pratiques anticoncurrentielles ;

- lorsqu'une entreprise ou association d'entreprises a commis des pratiques anticoncurrentielles ou en cas d'inexécution des injonctions ou de non-respect des engagements qu'elle a acceptés, lui infliger une sanction pécuniaire, appréciée au regard de la gravité et de la durée de l'infraction, de la situation de l'association d'entreprises, de l'entreprise sanctionnée ou du groupe auquel l'entreprise appartient et de l'éventuelle réitération de pratiques prohibées.

Le montant maximal de la sanction est, pour une entreprise ou une association d'entreprises, de 10 % du montant du chiffre d'affaires mondial HT le plus élevé réalisé au cours d'un des exercices clos depuis l'exercice précédant celui au cours duquel les pratiques ont été mises en oeuvre.

Lorsque l'infraction d'une association d'entreprises a trait aux activités de ses membres, le montant maximal de la sanction est égal à 10 % de la somme du chiffre d'affaires mondial total réalisé par chaque membre actif sur le marché affecté par l'infraction.

L'Autorité de la concurrence peut ordonner la publication, la diffusion ou l'affichage de sa décision selon les modalités qu'elle précise, aux frais de la personne concernée.

D'après M. Coeuré, « au cours des cinq dernières années, l'Autorité a rendu neuf décisions relatives à des ententes mises en oeuvre dans le cadre de marchés publics, dont sept décisions de sanctions et deux non-lieux - il arrive que le collège ne soit pas convaincu par le dossier -, pour un montant total de 33 millions d'euros d'amendes. Ces décisions concernaient des secteurs variés ; les pratiques d'entente condamnées étaient le plus souvent locales. Ainsi des décisions concernant la gestion technique des bâtiments de la Métropole européenne de Lille, en 2021, le transport hospitalier dans le Val d'Ariège et le pays d'Olmes, en 2022, ou encore la collecte et la gestion des déchets en Haute-Savoie, également en 2022 »91(*).

Plus récemment, « une autre affaire intéressante, en 2023, portait sur les opérations de démantèlement menées sur le site nucléaire de Marcoule ; le pouvoir adjudicateur était le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA). L'Autorité a sanctionné six sociétés, à hauteur de 31 millions d'euros, pour une entente conclue dans ce secteur très spécifique et important pour la politique nucléaire de la France »92(*).

C. L'ENCHEVÊTREMENT DES COMPÉTENCES ENTRE LES ACTEURS CENTRAUX DE L'ACHAT PUBLIC APPELLE DES CLARIFICATIONS POUR AMÉLIORER L'EFFICACITÉ DE L'ACTION PUBLIQUE

1. Une pluralité d'acteurs centraux qui nuit à la lisibilité de la commande publique au niveau national et dilue les responsabilités

Dès ses premières auditions, la commission d'enquête s'est heurtée à la particulière illisibilité de l'articulation entre les principaux acteurs de la commande publique au niveau central.

Cet état de fait a été mis en lumière par M. Jean-Marc Joannès, rédacteur en chef d'achatpublic.info, qui constate « une "cartographie" des "autorités achat public" assez touffue, voire un enchevêtrement des missions et des compétences » et estime que les échanges entre la commission d'enquête et la direction des affaires juridiques (DAJ) des ministères économiques et financiers « montrent que les frontières et compétences entre les différentes autorités ne sont pas très claires et expliquent (ou justifient) des carences dans la remontée des données »93(*).

De fait, aucune des administrations entendues ne peut être expressément qualifiée de « pilote » de la commande publique à l'échelle nationale.

a) La direction des achats de l'État, cheville ouvrière de la politique des achats de l'État

Créée en 201694(*) et placée sous l'autorité conjointe du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et de la ministre chargée des comptes publics, la direction des achats de l'État (DAE), qui compte une centaine d'agents, exerce bel et bien des fonctions de pilotage, mais celles-ci sont limitées au champ de la politique des achats de l'État - à l'exclusion notable des achats de défense et de sécurité, qui relèvent pratiquement en totalité du ministère des armées.

Comme l'a précisé devant la commission d'enquête M. François Adam, directeur des achats de l'État, « le pilotage implique de fixer des orientations, de définir des stratégies d'achat par segment d'achat, d'établir des indicateurs et de performance et de les suivre »95(*).

Les missions de la direction des achats de l'État (DAE)

Le décret n° 2016-247 du 3 mars 2016 créant la DAE et relatif à la gouvernance des achats de l'État assigne trois missions principales à cette direction. Celle-ci est ainsi principalement chargée de :

piloter la politique des achats de l'État, hors achats de défense et de sécurité, et d'animer la politique des achats des établissements publics de l'État, hors secteur hospitalier ;

- appuyer les services acheteurs des ministères et des établissements publics de l'État, notamment par un dispositif de formation et par la maîtrise d'ouvrage du système d'information des achats de l'État (SIA), dont la plateforme des achats de l'État (Place) est l'une des composantes ;

passer directement les marchés mutualisés au profit de l'État et des établissements publics intéressés pour certaines catégories d'achats, comme l'énergie - qui représente une dépense de l'ordre d'un milliard d'euros par an -, la maintenance immobilière ou encore certaines catégories de prestations informatiques et intellectuelles.

Par ailleurs, la DAE assure également la tutelle de l'Union des groupements d'achats publics (Ugap), conjointement avec la direction du budget et le ministère de l'éducation nationale. Elle lui confie ainsi la réalisation de certains achats, sous son contrôle.

Dans l'exercice de ces missions, « la DAE est une « tête de réseau », fortement tournée vers l'interministériel et en interaction avec des interlocuteurs très divers »96(*) :

- elle est en lien permanent avec les onze responsables ministériels des achats (RMA) placés auprès des secrétaires généraux des ministères, qui sont chargés de piloter la fonction achat de leur ministère et de garantir sa cohérence avec la politique interministérielle des achats ;

- elle anime l'activité des plateformes régionales des achats (PFRA), placées, dans chaque préfecture de région, auprès du secrétaire général pour les affaires régionales (SGAR), et qui assurent la mutualisation des achats au niveau déconcentré ;

- elle est en relation régulière avec l'ensemble des directions d'administration centrale concernées par certains enjeux des politiques d'achat : la DAJ des ministères économiques et financiers s'agissant du droit de la commande publique, la direction générale des entreprises (DGE) pour ce qui concerne les enjeux industriels et le soutien à l'innovation, la direction du budget, le commissariat général au développement durable (CGDD) autour des questions liées à la performance écologique de l'achat public, la direction interministérielle du numérique (Dinum) ou encore la direction de l'immobilier de l'État ;

- elle interagit également avec les services achat des principaux établissements publics de l'État, tels que France Travail, le Centre national de la recherche scientifique (CNRS), les universités et les établissements culturels, et avec la direction générale de l'offre de soins (DGOS), qui pilote les achats hospitaliers.

En revanche, s'agissant des établissements publics de l'État, qui bénéficient d'une réelle autonomie, la DAE se borne à exercer un rôle d'animation de leurs politiques d'achat. De même, ainsi que l'a rappelé M. Adam, cette direction n'intervient ni en direction du secteur public local, ni dans le champ de la santé.

De fait, l'accompagnement de la structuration, de l'optimisation et de la professionnalisation des achats hospitaliers est assuré, au sein de la DGOS, par la mission « Performance hospitalière pour des achats responsables » (Phare), tandis qu'aucune structure spécifique n'est dédiée aux questions relatives aux achats des collectivités territoriales - à l'exception de la cellule d'information juridique aux acheteurs publics (Cijap) de Lyon, qui dépend du ministère chargé de l'économie et des finances.

b) L'intervention de la direction des affaires juridiques des ministères économiques et financiers dans le champ de la commande publique

Créée sous sa forme actuelle en 199897(*), la DAJ des ministères économiques et financiers exerce, par le biais de sa sous-direction du droit de la commande publique, qui compte une quarantaine d'agents, une fonction de conseil, d'expertise et d'assistance auprès des directions du ministère chargé de l'économie, des finances et de l'industrie ou à la demande des autres administrations de l'État et de ses établissements publics98(*).

Contrairement à la DAE, cette direction n'est donc pas prescriptrice dans le champ de la commande publique, mais se borne à assurer la conformité juridique des achats publics dont elle est saisie, au titre de sa mission d'élaboration du droit français de la commande publique.

Les missions de la direction des affaires juridiques (DAJ) des ministères économiques et financiers en matière d'achat public

Le décret n° 2019-1454 du 24 décembre 2019 relatif à la DAJ des ministères économiques et financiers confie à cette direction trois missions principales en lien avec la commande publique.

En premier lieu, la DAJ analyse le droit de la commande publique et propose au ministre chargé de l'économie des réformes de la législation ou de la réglementation dans ce domaine. Si elle ne dispose pas du monopole de l'initiative normative en la matière, elle définit, dans le cadre de la coopération interministérielle, les positions défendues par la France sur ces questions devant les institutions de l'Union européenne.

La DAJ assume par ailleurs un rôle de conseil aux acheteurs dont peuvent bénéficier les directions des ministères économiques et financiers et l'ensemble des administrations de l'État et de ses établissements publics. Elle assure dans ce cadre un millier de consultations chaque année.

À ce titre, il lui revient également de diffuser la doctrine d'application du droit de la commande publique et la connaissance du droit au travers, notamment, de :

- la mise en ligne de fiches techniques, de documents-types d'aide à la rédaction des décisions et actes importants en matière de commande publique, de réponses à des questions fréquemment posées, de guides et de recommandations à destination des acheteurs publics, des autorités concédantes et des opérateurs économiques ;

- la diffusion de lettres et de brèves d'information au sujet des nouvelles règles adoptées et des décisions importantes rendues par les juges européens et nationaux ;

- sa collaboration avec des structures partenariales telles que la Cijap, chargée de la réponse aux questions des collectivités territoriales, de leurs groupements et établissements publics, des structures déconcentrées de l'État et des acheteurs publics dont la compétence n'est pas étendue à l'ensemble du territoire, le pôle national de soutien au réseau des comptables publics (PNSR), la mission d'appui au financement des infrastructures (FinInfra) et la commission consultative des marchés des organismes de sécurité sociale (CCMOSS), chargée du conseil en matière d'achat public à destination des organismes de sécurité sociale.

Enfin, il appartient à la DAJ de mener un suivi économique, statistique et technique de l'achat public, au travers, notamment, de l'Observatoire économique de la commande publique (OECP). Responsable du recensement des données essentielles de la commande publique et du pilotage de certains chantiers numériques ou de dématérialisation, elle pilote à ce titre la plateforme des achats de l'État (Place).

Or, l'articulation de ces missions avec celles de la DAE n'est pas toujours claire. Interrogée sur les moyens dont elle dispose pour contraindre l'État à respecter ses obligations légales, notamment pour ce qui concerne la publication d'un schéma de promotion des achats socialement et écologiquement responsables (Spaser), la directrice de la DAJ, Mme Clémence Olsina, a ainsi précisé son périmètre d'intervention : « La DAJ a un rôle de conseil, de partenaire et d'observateur - et ces rôles nourrissent nos propositions de normes nouvelles. Un rôle de conseil : tous les marchés conclus par les ministères ne transitent pas par la DAJ, heureusement. Nous sommes experts du cadre juridique existant et nous sommes là pour clarifier ou apporter de la sécurité juridique, mais nous n'exerçons pas de contrôle préalable de légalité. Nous sommes des interlocuteurs permanents de la DAE, nous sommes saisis chaque fois qu'une difficulté juridique apparaît, par exemple lorsqu'il faut faire usage des concepts d'urgence ou de circonstances exceptionnelles, pour faire face à des besoins inédits. On nous demande aussi de faire le point sur des évolutions normatives, comme les considérations environnementales. [...] Nous avons ensuite un rôle de partenaire sur certains chantiers, en particulier numériques, dès lors qu'ils concernent Place et plus largement les opérateurs de la commande publique et des éditeurs de profils d'acheteur. La DAJ est partenaire dès lors qu'on excède le seul champ de l'État et qu'apparaissent des enjeux d'interopérabilité avec les autres acheteurs. Enfin, nous avons un rôle d'observateur et nous intégrons tous les "irritants" pour proposer des évolutions normatives au plan interne ou européen »99(*).

Au-delà de cette fonction de conseil, la DAJ se trouve en première ligne dans le cadre du processus de révision des directives européennes sur la commande publique engagé récemment par la Commission européenne (cf. infra).

c) L'élargissement récent du rôle du Commissariat général au développement durable au suivi de la mise en oeuvre des dispositions législatives relatives à l'achat durable

À côté de la DAE et de la DAJ des ministères économiques et financiers, un nouvel acteur intervient dans le champ de la commande publique au niveau central depuis quelques années : le Commissariat général au développement durable (CGDD), mis en place en 2008 pour élaborer, animer et suivre la stratégie nationale de développement durable100(*).

En effet, celui-ci est chargé du pilotage du verdissement de l'économie ainsi que de l'achat et de la consommation durables, et notamment du suivi de la mise en oeuvre d'un certain nombre de dispositions législatives qui y sont relatives.

Les missions du CGDD en matière d'achat public

Le CGDD assure la mise en oeuvre de plusieurs dispositions législatives intervenant dans le champ de l'achat durable. Il s'agit notamment de :

- l'article 58 de la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire, dite loi Agec, qui impose depuis 2021 à l'État, aux collectivités territoriales et à leurs groupements l'acquisition d'une certaine proportion de biens issus de l'économie circulaire ;

- l'article 35 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite loi Climat et résilience, qui impose, à compter d'août 2026, l'intégration d'une clause et d'un critère environnemental dans tous les contrats de la commande publique - le CGDD pilote et anime le plan national pour des achats durables (Pnad) pour permettre le respect de ces dispositions ;

- l'article 36 de la même loi, qui prévoit que l'État mette à la disposition des acheteurs publics des outils d'analyse du cycle de vie (ACV) des biens pour les principaux segments d'achat à compter du 1er janvier 2025 - des travaux de développement de méthodologies d'ACV sont menés à ce titre par le CGDD depuis plusieurs années.

Par ailleurs, le CGDD est chargé du pilotage du plan national pour des achats durables (Pnad) ainsi que du dispositif « Services publics écoresponsables », dont l'objectif est d'assurer la transition écologique de tous les services de l'État ainsi que de ses établissements publics et opérateurs, notamment dans la dimension achats. Dans ce cadre, le CGDD assure le suivi de l'avancement des travaux, la coordination de la production d'outils et de ressources et un accompagnement spécifique en cas de difficulté.

Les nombreuses interactions du CGDD avec la DAE soulèvent elles aussi la question de la répartition des compétences entre ces entités et de l'enchevêtrement des responsabilités s'agissant du pilotage de l'achat public au niveau national.

M. Brice Huet, commissaire général au développement durable, évoque ainsi ses relations avec la DAE : « On collabore en particulier avec elle dans le cadre du pilotage du Pnad, sachant que les achats de l'État vont probablement réussir à se conformer aux objectifs de la loi Climat et résilience en matière d'intégration de clauses environnementales. Nos efforts se joignent à ceux de la DAE également dans le domaine des services publics écoresponsables, autre chantier que l'on pilote »101(*).

Là encore, à l'endroit des collectivités territoriales, les prérogatives des administrations centrales sont sensiblement plus limitées : « Concernant l'impact et le pouvoir de prescription et d'orientation du CGDD, si on travaille main dans la main avec la DAE, il en va forcément différemment avec les collectivités, en l'absence de rôle prescriptif. On endosse un rôle de mobilisation avec l'ensemble des réseaux, en utilisant la totalité des moyens que je vous ai décrits ainsi que de nouveaux outils, car on poursuit la recherche de nouvelles pistes pour aller plus loin dans le volume de marchés qui est concerné »102(*).

d) Affirmer le pilotage par le Premier ministre de la politique nationale de la commande publique

Il est difficile de voir clair au travers de cette architecture centrale particulièrement confuse au sein de laquelle les responsabilités sont diluées et parfois difficilement attribuables. Il faut d'urgence mettre un capitaine à la barre.

Aux yeux de la commission d'enquête, la responsabilité du pilotage de la commande publique doit directement incomber au Premier ministre, qui serait ainsi le garant de sa cohérence et de son efficience. En effet, s'ils sont, en théorie, libres de définir leur politique d'achat, les hôpitaux et les collectivités territoriales ne disposent pas de la maîtrise de leurs ressources et se trouvent par conséquent contraints par des décisions relevant du Gouvernement.

Il paraît donc souhaitable, d'une part, de confier explicitement au Premier ministre cette responsabilité et, d'autre part, d'envisager la création d'un comité interministériel de l'achat public. Ce dernier aurait vocation à rassembler des représentants de l'État, des hôpitaux, des collectivités territoriales et de l'ensemble des acteurs soumis au droit de la commande publique, pouvoirs adjudicateurs et entités adjudicatrices confondues, et pourrait être chargé d'une mission de concertation, d'harmonisation des textes, de diffusion des bonnes pratiques, d'identification des difficultés et de mutualisation des moyens, notamment en matière de collecte et d'analyse des données.

Le pilotage de l'Observatoire économique de la commande (OECP), une instance de concertation et d'échanges d'informations avec les opérateurs économiques, les pouvoirs adjudicateurs et les entités adjudicatrices contribuant à la diffusion des bonnes pratiques et analysant les données relatives aux aspects économiques et techniques de la commande publique actuellement placée auprès du ministre chargé de l'économie103(*), pourrait, dans ce cadre, lui être transféré.

Recommandation n° 4. - Au vu des enjeux politiques et budgétaires et de l'inefficacité de sa gouvernance, confier au Premier ministre la responsabilité du pilotage, de la cohérence et de l'efficience de la politique nationale de commande publique.

Recommandation n° 5. - Créer un comité interministériel de l'achat public, instance de concertation sur la commande publique rassemblant l'État, les hôpitaux, les collectivités territoriales et l'ensemble des acteurs soumis au droit de la commande publique.

Il importe également que le Parlement soit mieux associé à la définition des orientations et au suivi de la politique d'achat de l'État. À défaut d'une approbation du Spaser par celui-ci, il apparaît indispensable à la commission d'enquête que chaque année le Gouvernement vienne présenter devant l'Assemblée nationale et le Sénat les résultats atteints dans ce domaine, notamment au regard des indicateurs contenus dans le Spaser de l'État, dont l'adoption est attendue très prochainement (cf. infra), et de l'activité des centrales d'achat, au premier rang desquelles figure l'Ugap.

Recommandation n° 6. - Organiser un débat annuel d'évaluation de la politique d'achat de l'État au Parlement, incluant le suivi du schéma de promotion des achats publics socialement et écologiquement responsables (Spaser) et de l'activité des centrales d'achat, dont l'Ugap.

2. La politique des achats de l'État, une stratégie complexe dont la mise en oeuvre implique le concours de multiples acteurs
a) La direction des achats de l'État définit et conduit la politique des achats de l'État et élabore dans ce cadre des stratégies interministérielles
(1) La conception et le suivi de la mise en oeuvre de la politique des achats de l'État sont assurés par la direction des achats de l'État

La politique des achats de l'État est définie et pilotée par la DAE, qui s'assure de son application par les ministères et les établissements publics de l'État.

Trois objectifs principaux sont poursuivis par l'État dans la mise en oeuvre de cette politique :

- la maîtrise de la dépense, qui repose sur la mutualisation des achats à l'échelle ministérielle et interministérielle et la standardisation du besoin. Ainsi que l'a expliqué M. François Adam, directeur des achats de l'État, « les marchés gérés par la DAE étant mutualisés, nous faisons face à des ministères exprimant des besoins légèrement différents, compte tenu des particularités de la mission qu'ils exercent. Or il est toujours préférable d'aboutir à une certaine standardisation du besoin et des périmètres suffisamment larges pour obtenir de bons prix » 104(*) ;

- l'achat responsable, qui se traduit par la mise en oeuvre des dispositions législatives relatives à cet enjeu adoptées au cours des dernières années, et notamment de l'article 35 de la loi Climat et résilience, ainsi que de mesures sectorielles ;

- et l'optimisation de l'incidence économique de la commande publique, par le biais du maintien du niveau de l'achat auprès des PME, du développement de l'achat innovant, notamment en direction des start-ups, et du soutien aux filières industrielles françaises et européennes.

M. François Adam a rappelé à cet égard l'horizon poursuivi dans le cadre de la mise en oeuvre de la stratégie d'achat de l'État : « Nous devons atteindre ces trois objectifs en respectant évidemment les deux fondamentaux de la démarche d'achat : la sécurité juridique - exigence permanente pour toutes nos procédures - et la réponse aux besoins opérationnels des administrations »105(*).

La conception et le suivi de la mise en oeuvre de la politique des achats de l'État

La DAE s'est notamment vue confier une fonction de conception et d'orientation, dans le cadre duquel elle :

définit, sous l'autorité du Premier ministre, la politique des achats de l'État, et s'assure de sa mise en oeuvre après concertation avec les ministères ;

- élabore, après concertation interministérielle au sein du comité des achats de l'État, les stratégies interministérielles concernant les achats relevant d'une même famille et portant sur les besoins communs à plusieurs ministères ;

- conclut les marchés publics destinés à répondre, dans le cadre de la mise en oeuvre des stratégies d'achat interministérielles, aux besoins des services de l'État en matière de travaux, services et fournitures, exception faite du cas où elle en confie la conclusion, pour son compte, à un autre service de l'État, à l'Ugap, à une autre centrale d'achat public ou à un établissement public de l'État, les services de l'État pouvant conclure des marchés publics pour les achats qui n'en ont pas fait l'objet ou pour le compte de la DAE ;

s'assure que les achats de l'État et, en lien avec les autorités de tutelle concernées, les achats des établissements publics et organismes relevant de la tutelle de l'État respectent la politique des achats de l'État et sont effectués dans les conditions économiquement les plus avantageuses, qu'ils respectent les objectifs de développement durable et de développement social, qu'ils sont réalisés dans des conditions facilitant l'accès des PME à la commande publique et qu'ils contribuent à la diffusion de l'innovation ;

- et conçoit et pilote le SIA de l'État106(*).

À ce titre, elle participe à la définition des orientations générales de la politique des achats de l'État, définies par des textes législatifs et réglementaires, des plans gouvernementaux tels que le troisième plan national d'adaptation au changement climatique, publié en mars 2025, ou des circulaires du Premier ministre, par exemple pour ce qui concerne la gestion des véhicules (2020), l'encadrement du recours aux prestations intellectuelles (2022 et 2023) ou le plan de transformation écologique de l'État (2023).

La DAE s'assure également de l'exécution de la politique des achats de l'État par le biais, notamment, des rapports d'exécution que lui transmettent les ministères et les préfets de région, des indicateurs d'activité et de performance communiqués par les établissements publics les plus importants ainsi que du SIA de l'État et du système d'information financier, baptisé Chorus, auxquels elle dispose d'un accès direct lui permettant de suivre les projets d'achat en préparation, les consultations lancées dans Place, les marchés notifiés, les actes d'exécution financière de la dépense et le niveau des engagements et paiements.

Ce suivi est par ailleurs mené par la DAE dans le cadre de son rôle d'animation fonctionnelle des responsables ministériels des achats (RMA), qui relèvent de l'autorité hiérarchique de leurs ministres respectifs, et d'animation de la politique des achats des établissements publics de l'État, qui se traduit par la réunion régulière du comité des achats des établissements publics et de nombreux échanges informels avec ces derniers.

Dans l'exercice de sa mission de pilotage de la politique des achats de l'État, la DAE suit un certain nombre d'indicateurs de performance, qui sont produits à partir du SIA et du système d'information financier de l'État, Chorus, et autour desquels est structurée la stratégie d'achat de l'État :

- le « gain achat » s'agissant de l'objectif de maîtrise de la dépense. Comme l'a expliqué à la commission d'enquête M. François Adam, « pour un achat récurrent, nous comparons systématiquement le prix obtenu dans le cadre du marché le plus récent avec le prix précédent, corrigé de l'inflation, et nous regardons si nous avons obtenu un meilleur prix », ce qui aurait permis de constater que l'État et ses établissements publics avaient généré « plus de 700 millions d'euros de gains achat par an » au cours des dernières années107(*) ;

- le nombre de marchés intégrant des considérations environnementales ou sociales pour ce qui concerne l'objectif d'achat responsable. Plus de 70 % des marchés de l'État auraient ainsi inclus une considération environnementale en 2024 et environ 40 % d'entre eux une considération sociale ;

- en matière d'optimisation de l'incidence économique de la commande publique, la part des dépenses d'achat dirigée vers les PME de façon générale, et vers les entreprises innovantes en particulier. En 2023, selon M. Adam, les achats de l'État auprès des PME représentaient 27 % de la dépense totale, contre 9,6 % pour les PME et ETI innovantes - dont 2,7 % pour les seules PME innovantes.

(2) Certains segments d'achat sont couverts par des stratégies interministérielles

Des stratégies interministérielles sont élaborées par la DAE concernant les achats relevant d'une même famille et portant sur les besoins communs à plusieurs ministères.

50 stratégies de cette nature étaient en vigueur à la fin de 2024, autour des principaux segments d'achat communs aux ministères, notamment l'énergie et les carburants, l'informatique et les télécoms, la maintenance et l'exploitation des bâtiments, les moyens de communication, les fournitures courantes et certaines catégories de prestations intellectuelles et de formation.

Par ailleurs, depuis 2024, trois nouveaux segments sont eux aussi couverts par une stratégie interministérielle : les achats de panneaux photovoltaïques, ceux de pompes à chaleur et la maintenance des matériels de sécurité incendie.

Ces stratégies donnent généralement lieu à la passation de marchés interministériels nationaux ou régionaux sur tout ou partie de leur périmètre, mais peuvent également impliquer le recours obligatoire à des supports contractuels de l'Ugap, comme pour l'acquisition de véhicules neufs.

Selon la DAE, 84 accords-cadres interministériels nationaux passés par elle ou délégués à un ministère étaient en cours d'exécution à la fin de 2024, représentant 243 lots. C'était également le cas, à la même date, de 4 500 contrats interministériels régionaux passés par les plateformes régionales des achats de l'État (PFRA).

Les achats mutualisés de l'État atteignaient 1,95 milliard d'euros en 2024, dont 1,64 milliard d'euros pour les marchés interministériels nationaux et 310 millions d'euros pour les marchés interministériels régionaux. En y ajoutant les dépenses résultant de commandes passées sur des supports contractuels de l'Ugap, le total des achats mutualisés au niveau interministériel représentait 3,73 milliards d'euros.

Les stratégies interministérielles d'achat s'appliquent en principe à tous les services de l'État. Des dérogations peuvent toutefois être accordées par la DAE, pour répondre à des besoins spécifiques, des contraintes techniques ou des exigences légales ou règlementaires auxquels sont soumis certains ministères, à l'échelle des périmètres des responsables ministériels des achats (cf. infra). Des exemptions complémentaires peuvent être demandées, mais elles restent très peu nombreuses : 4 en 2022, 4 en 2023 et 6 en 2024.

b) Aux niveaux central et déconcentré, différents acteurs assurent la déclinaison de la politique des achats de l'État
(1) Dans les ministères, la politique des achats de l'État est mise en oeuvre par le secrétaire général et le responsable ministériel des achats

Au sein de chaque ministère, le secrétaire général est chargé de s'assurer que les achats du ministère respectent la politique des achats de l'État, soient effectués dans les conditions économiquement les plus avantageuses, respectent les objectifs de développement durable et de développement social, soient réalisés dans des conditions facilitant l'accès des PME à la commande publique et contribuent à la diffusion de l'innovation108(*).

Il adresse à cet effet à chaque service acheteur du ministère les orientations et instructions nécessaires ainsi que leurs objectifs de résultats.

Le secrétaire général du ministère doit également veiller à la mise en oeuvre de ces mêmes objectifs et de la politique des achats de l'État par les établissements publics de l'État et les organismes relevant de la tutelle de son ministre.

Au surplus, chaque ministère compte un responsable ministériel des achats (RMA), désigné, après avis du directeur des achats de l'État, par le secrétaire général, sous l'autorité duquel il est placé.

Le RMA est l'interlocuteur du directeur des achats de l'État, auquel il transmet toute information relative aux achats de son ministère et des établissements publics de l'État et organismes dont celui-ci assure la tutelle et tout élément utile pour apprécier le respect de la politique des achats de l'État, des stratégies interministérielles ainsi que de l'efficacité et de l'efficience des achats de son ministère109(*).

Le responsable ministériel des achats (RMA),
animateur de la politique ministérielle des achats

Aux termes du décret n° 2016-247 du 3 mars 2016 créant la DAE et relatif à la gouvernance des achats de l'État, le RMA :

pilote, organise et anime la fonction d'achat des services centraux et déconcentrés du ministère et s'assure, à cet effet, du respect du cadre de référence pour l'efficacité et l'efficience des organisations et des moyens consacrés aux achats de l'État ainsi que des processus d'achat ;

propose au secrétaire général les objectifs d'achats à arrêter pour chaque service acheteur du ministère et évalue régulièrement les résultats des achats du ministère, qu'il traduit en plans d'action ;

établit, actualise et transmet à la DAE la programmation pluriannuelle des achats des services centraux et déconcentrés du ministère ;

- s'assure de la définition et de la mise en oeuvre des stratégies d'achat ministérielles dans le cadre de la politique des achats de l'État et dans le respect des stratégies interministérielles ;

- et établit les besoins de professionnalisation des agents réalisant des actes liés à l'achat, aux marchés publics ou à l'approvisionnement et définit et met en oeuvre le plan de formation du ministère dans ce domaine.

Il est prévu que les services acheteurs du ministère transmettent au RMA, à sa demande, tout élément lui permettant d'apprécier le respect de la politique des achats de l'État et des stratégies interministérielle et ministérielle des achats ainsi que l'efficacité et l'efficience des achats qu'ils mettent en oeuvre.

Du reste, le RMA est chargé de proposer au secrétaire général toute mesure propre à garantir le respect de la politique des achats de l'État ainsi que des stratégies ministérielle et interministérielle des achats par tout agent du ministère réalisant des actes liés à l'achat, aux marchés publics ou à l'approvisionnement, à l'exception des marchés publics de défense ou de sécurité.

Dans chaque ministère, tout projet de marché public d'un montant égal ou supérieur au seuil de procédure formalisée publié au Journal officiel de la République française applicable aux autorités publiques centrales pour les fournitures et services et à un million d'euros HT pour les travaux est soumis à l'avis conforme du RMA, qui doit s'assurer de sa conformité aux politiques interministérielle et ministérielle des achats. Au surplus, à l'initiative du RMA lui-même, tout projet de marché public dont le montant se situe en dessous de ces seuils peut être soumis à son avis conforme.

Mme Agnès Boissonnet, RMA des ministères de l'aménagement du territoire et de la décentralisation et de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche a par exemple indiqué avoir rendu 390 avis RMA en 2023 et 430 en 2024 et précisé les contours de ses fonctions : « Quelque 22 % des achats du pôle ministériel sont passés par l'administration centrale et 78 % par les services déconcentrés. En administration centrale, le service que je dirige passe les marchés du secrétariat général, en étroite collaboration entre le prescripteur et l'acheteur. [...] Toutes les directions générales de notre ministère ont leur propre service achat et passent leurs propres marchés, que nous voyons au niveau de la validation du RMA. Cependant, lorsque ces directions ont des questions ou des besoins spécifiques, mes services sont à leur disposition pour leur apporter un appui, voire se mettre à leur service pour régler les difficultés qu'elles rencontrent. Nous avons mis en place un dialogue de gestion avec toutes ces directions générales pour faire un point sur leurs marchés. Cela nous permet de contrôler a posteriori le résultat, en particulier la performance achat sur le plan social et environnemental, et de voir s'il y a un éventuel décalage avec la prescription initiale. [...] Nous vérifions également l'application des politiques prioritaires du Gouvernement dans les domaines qui aident l'industrie française. Par exemple, en matière de panneaux photovoltaïques ou de pompes à chaleur, nous vérifions que les préconisations gouvernementales ont bien été prises en compte »110(*).

(2) Les préfets, assistés des plateformes régionales des achats de l'État, appliquent la politique des achats de l'État à l'échelle régionale

Dans les régions, la mise en oeuvre de la politique des achats de l'État est assurée par les préfets de région111(*). Ceux-ci sont informés chaque semestre par le directeur des achats de l'État des grandes orientations en matière d'achat et lui présentent les actions mises en oeuvre ainsi que leurs résultats.

Le comité de l'administration régionale, composé entre autres, autour du préfet de région, des préfets de département et du secrétaire général pour les affaires régionales (SGAR), doit être consulté au moins une fois par an sur la mise en oeuvre de la politique des achats de l'État et de ses établissements publics dans la région.

Une plateforme régionale des achats de l'État (PFRA), dont le responsable est désigné, après avis du directeur des achats de l'État, par le préfet de région, est placée auprès de ce dernier.

La plateforme régionale des achats, une structure chargée de la
passation des marchés interministériels régionaux

Le décret n° 2016-247 du 3 mars 2016 créant la DAE et relatif à la gouvernance des achats de l'État confie au responsable de la PFRA, sous l'autorité du préfet de région, la charge :

- d'organiser les procédures de consultation et de conclure les marchés interministériels répondant à des besoins évalués à l'échelon déconcentré lorsque cette mutualisation est demandée par la DAE ou lorsqu'il l'estime pertinent dans le respect des stratégies d'achat ministérielles et interministérielles. Il est destinataire de la programmation exhaustive des achats établie et actualisée par les services de l'État dans la région, tandis qu'il doit être informé de tout projet de passation d'un marché public de l'État à l'échelon régional d'un montant supérieur à 40 000 euros HT112(*) ;

- de s'assurer, dans la région, du suivi de l'exécution des marchés qu'il passe ou qui sont passés par la DAE ou pour le compte de celle-ci ;

- de proposer au préfet, pour les achats relevant de sa compétence, toute réduction du nombre des représentants du pouvoir adjudicateur qui lui paraîtrait de nature à assurer l'efficacité et l'efficience de la fonction d'achat ;

- et de saisir la DAE ou les RMA de toute difficulté nécessitant leur intervention.

D. DES AMÉNAGEMENTS PEUVENT ÊTRE APPORTÉS AUX PRINCIPES FONDAMENTAUX DE LA COMMANDE PUBLIQUE POUR RÉPONDRE À L'URGENCE OU DÉFENDRE DES INTÉRÊTS ESSENTIELS

Le code de la commande publique prévoit un certain nombre de dérogations aux règles de droit commun encadrant la passation des marchés publics afin de tenir compte de situations particulières ou de permettre la poursuite d'objectifs d'intérêt général.

Le présent rapport n'abordera que les trois principaux motifs justifiant de tels aménagements : les situations d'urgence, la défense des intérêts nationaux et le soutien à l'innovation.

1. L'urgence justifie un assouplissement des règles de la commande publique
a) Dans des situations d'urgence, les acheteurs publics sont autorisés à déroger à la réglementation de droit commun
(1) Les délais de consultation peuvent être réduits en cas d'urgence simple

Les situations d'urgence peuvent complexifier le respect par les acheteurs publics de leurs obligations de publicité et de mise en concurrence.

C'est la raison pour laquelle il leur est permis de passer un marché sans publicité ni mise en concurrence préalables dans certains cas, lorsqu'en raison, entre autres, d'une urgence particulière, le respect d'une telle procédure est inutile, impossible ou manifestement contraire aux intérêts de l'acheteur ou à un motif d'intérêt général113(*).

Ainsi peuvent-ils réduire les délais minimaux de consultation qui s'imposent à eux lorsqu'une situation d'urgence dite « simple » les rend impossibles à respecter.

Le cas échéant, il appartient à l'acheteur public de justifier d'une telle urgence et de démontrer qu'il ne lui était pas possible, dans cette situation, de respecter les délais réglementaires. L'avis de publicité doit ainsi mentionner les motifs justifiant la réduction des délais réglementaires.

Bien que le code de la commande publique ne l'impose pas expressément - sauf dans le cas des marchés de défense ou de sécurité (MDS)114(*) - et que la directive européenne sur la passation des marchés publics admette une certaine souplesse en la matière115(*), la jurisprudence conditionne la réduction des délais de consultation à la non-imputabilité de l'urgence à l'acheteur public116(*).

La réduction des délais de consultation en cas d'urgence simple

En cas d'urgence simple, les délais minimaux de consultation applicables aux marchés classiques peuvent être réduits :

- en cas d'appel d'offres ouvert, le délai minimal de réception des candidatures et des offres peut être ramené de 35 jours à compter de la date de l'envoi de l'avis de marché117(*) à 15 jours118(*) ;

- en cas d'appel d'offres restreint, le délai minimal de réception des candidatures peut être ramené de 30 jours à compter de la date d'envoi de l'avis de marché à 15 jours119(*) ;

- en cas d'appel d'offres restreint, le délai minimal de réception des offres peut être ramené de 30 jours à compter de la date d'envoi de l'invitation à soumissionner120(*) à 10 jours121(*) ;

- en cas de procédure avec négociation, le délai minimal de réception des candidatures peut être ramené de 30 jours à compter de la date d'envoi de l'avis de marché à 15 jours122(*) ;

- en cas de procédure avec négociation, le délai minimal de réception des offres initiales peut être ramené de 30 jours à compter de la date d'envoi de l'invitation à soumissionner123(*) à 10 jours124(*) ;

- en cas de procédure formalisée, le délai minimal d'envoi aux opérateurs économiques des renseignements complémentaires qu'ils ont sollicités sur les documents de la consultation passe de 6 jours à 4 jours avant la date limite fixée pour la réception des offres en cas de réduction de la durée de la consultation pour cause d'urgence125(*).

Il en va de même dans le cas d'un marché de défense ou de sécurité (MDS) :

- en cas d'appel d'offres restreint, le délai minimal de réception des candidatures peut être ramené de 37 jours à compter de la date d'envoi de l'avis de marché - ou de 30 jours lorsque cet avis a été envoyé par voie électronique - à 15 jours - ou à 10 jours en cas d'envoi par voie électronique126(*) ;

- en cas d'appel d'offres restreint, le délai minimal de réception des offres peut être ramené de 40 jours à compter de la date d'envoi de l'invitation à soumissionner127(*) à 10 jours128(*) ;

- en cas de procédure avec négociation, le délai minimal de réception des candidatures peut être ramené de 37 jours à compter de la date d'envoi de l'avis de marché - ou de 30 jours lorsque cet avis a été envoyé par voie électronique - à 15 jours - ou à 10 jours en cas d'envoi par voie électronique129(*).

(2) En cas d'urgence impérieuse, la passation de marchés sans publicité ni mise en concurrence est possible

Dans certains cas, l'urgence ne permettant pas de respecter les délais minimaux exigés dans le cadre des procédures formalisées, qui résulte de circonstances extérieures et que l'acheteur public ne pouvait pas prévoir, est dite « impérieuse ».

Placé dans une telle situation - qui s'apprécie strictement -, l'acheteur public est autorisé par la réglementation à passer un marché sans publicité ni mise en concurrence préalables130(*). Le marché est alors limité aux prestations strictement nécessaires pour faire face à la situation d'urgence.

À titre d'exemple, selon M. Jean Bouverot, RMA du ministère de l'intérieur, à la suite du passage à Mayotte, les 13 et 14 décembre 2024, du cyclone Chido, qui a ravagé l'île, plusieurs marchés ont été passés en urgence impérieuse par le ministère de l'intérieur pour faire face aux besoins urgents de la population (achat de bâches et de groupes électrogènes) et restaurer les capacités opérationnelles de la mission de lutte contre l'immigration clandestine (achat de radars, de balises, de liaisons satellitaires et de caméras optroniques)131(*).

Une possibilité similaire est prévue pour les MDS. L'acheteur public peut ainsi passer un marché sans publicité ni mise en concurrence préalables lorsque les conditions de passation ne sont pas compatibles avec les délais minimaux prévus en cas d'urgence simple132(*). L'objet de ce marché doit alors être strictement limité aux mesures nécessaires pour faire face à une urgence impérieuse résultant de circonstances imprévisibles et extérieures, et notamment de catastrophes technologiques ou naturelles.

Au surplus, lorsque, pour des prestations complexes ou faisant appel à une technique nouvelle et présentant un caractère d'urgence impérieuse, l'exécution du marché doit commencer alors que la détermination d'un prix initial définitif n'est pas encore possible, les acheteurs publics sont exceptionnellement autorisés à conclure des marchés à prix provisoires133(*).

b) Le législateur a prévu des dérogations temporaires au code de la commande publique pour tenir compte de situations spécifiques
(1) De la reconstruction des bâtiments dégradés au cours des violences urbaines de l'été 2023 à celle de Mayotte : des adaptations législatives face à l'urgence

En sus des dérogations permanentes permises par le code de la commande publique en cas d'urgence, il arrive que le législateur intervienne pour aménager le droit de la commande publique dans certaines situations de crise.

C'est ainsi qu'à la suite des émeutes survenues au cours de l'été 2023 a été adopté un texte habilitant le Gouvernement à prendre par voie d'ordonnance toute mesure relevant du domaine de la loi destinée, pendant une durée limitée, à accélérer ou à faciliter les opérations de reconstruction ou de réfection des équipements publics et des bâtiments affectés par des dégradations ou destructions à cette occasion.

L'article 2 de la loi n° 2023-656 du 25 juillet 2023 relative à l'accélération de la reconstruction et de la réfection des bâtiments dégradés ou détruits au cours des violences urbaines survenues du 27 juin au 5 juillet 2023 précisait que ces mesures devaient permettre aux acheteurs publics :

- de conclure un marché ou des lots d'un marché sans publicité préalable mais avec mise en concurrence pour des marchés inférieurs à un seuil défini par l'ordonnance ;

- ainsi que de déroger au principe d'allotissement et de recourir aux marchés globaux.

Le Gouvernement s'est très rapidement saisi de cette faculté en publiant au lendemain de la promulgation du texte l'ordonnance n° 2023-660 du 26 juillet 2023 portant diverses adaptations et dérogations temporaires en matière de commande publique.

Les dérogations au droit commun de la commande publique prévues
par l'ordonnance du 26 juillet 2023

L'ordonnance n° 2023-660 du 26 juillet 2023 portant diverses adaptations et dérogations temporaires en matière de commande publique nécessaires à l'accélération de la reconstruction et de la réfection des équipements publics et des bâtiments dégradés ou détruits au cours des violences urbaines survenues du 27 juin au 5 juillet 2023 a permis la mise en oeuvre de procédures assouplies dans ce contexte exceptionnel.

Son article 1er autorisait ainsi la négociation sans publicité mais avec mise en concurrence préalable des marchés de travaux soumis au code de la commande publique nécessaires à la reconstruction ou à la réfection des équipements publics et des bâtiments dégradés ou détruits au cours des émeutes et répondant à un besoin dont la valeur estimée est inférieure à 1 500 000 euros HT, ainsi que des lots dont le montant est inférieur à 1 000 000 d'euros HT - à la condition que leur montant cumulé n'excède pas 20 % de la valeur totale estimée de tous les lots.

Par ailleurs, il était prévu à l'article 2 que, par dérogation au principe d'allotissement134(*), les marchés publics nécessaires à la reconstruction ou à la réfection de ces équipements publics et bâtiment puissent faire l'objet d'un marché unique.

De même, l'article 3 permettait aux acheteurs publics de confier à un opérateur économique une mission globale portant sur la conception, la construction ou l'aménagement de ces équipements publics et bâtiments, même si les conditions de droit commun135(*) ne sont pas remplies. Les dispositions prévoyant que la mission de maîtrise d'oeuvre est distincte de celle confiée aux opérateurs économiques chargés des travaux136(*) n'étaient pas applicables aux contrats conclus dans ce cadre.

Aux termes de l'article 4, ces dérogations s'appliquaient aux marchés pour lesquels une consultation était engagée ou un avis de publicité envoyé à la publication à compter de l'entrée en vigueur de l'ordonnance et pendant un délai de neuf mois à compter de cette date, soit jusqu'en avril 2024.

Des dispositions largement similaires ont été adoptées par le Parlement en février 2025 pour faire face aux conséquences du passage à Mayotte, les 13 et 14 décembre 2024, du cyclone Chido, qui a ravagé l'île, provoquant des destructions sans précédent.

De fait, considérant « l'ampleur de la catastrophe et le risque d'inscription dans le temps de la gestion de ses conséquences »137(*), le Gouvernement a présenté au Parlement un projet de loi prévoyant, à titre temporaire, des dérogations au droit commun de la commande publique.

Les dérogations au droit commun de la commande publique prévues par
la loi du 24 février 2025 d'urgence pour Mayotte

La loi n° 2025-176 du 24 février 2025 d'urgence pour Mayotte comporte plusieurs articles visant à faciliter la passation des marchés publics pour la reconstruction de l'île et à favoriser le recours aux PME locales dans ce cadre.

Ainsi, son article 17 autorise la passation sans publicité mais avec mise en concurrence préalable des marchés de travaux soumis au code de la commande publique qui sont nécessaires à la reconstruction ou à la réfection des équipements et des bâtiments affectés par le cyclone Chido ou par les évènements climatiques survenus entre le 13 décembre 2024 et le 13 mai 2025 et qui répondent à un besoin dont la valeur estimée est inférieure à deux millions d'euros HT. Il en va de même des lots dont le montant est inférieur à un million d'euros HT - à la condition que le montant cumulé de ces lots n'excède pas 20 % de la valeur totale estimée de tous les lots.

Est également admise la passation sans publicité ni mise en concurrence préalables des marchés de travaux, de fournitures et de services soumis au code de la commande publique qui sont nécessaires pour remédier aux conséquences du cyclone et des évènements climatiques qui l'ont suivi et qui répondent à un besoin dont la valeur estimée est inférieure à 100 000 euros HT. Peuvent également être attribués de cette manière les lots dont le montant est inférieur à 80 000 euros HT pour les marchés de services et de fournitures et à 100 000 euros HT pour les marchés de travaux - à la condition que le montant cumulé de ces lots n'excède pas 20 % de la valeur totale estimée de tous les lots.

Ces marchés doivent néanmoins faire l'objet d'une publication numérique destinée à l'information du public, lors de leur lancement, d'une part, et lors de leur passation, d'autre part, sur les sites Internet de la préfecture de Mayotte et de l'établissement public chargé de coordonner les travaux de reconstruction de Mayotte. Il est prévu que ces publications demeurent accessibles au public pendant une durée de deux ans.

L'article 18 de la loi permet en outre que, par dérogation au principe d'allotissement, les marchés publics nécessaires pour remédier aux conséquences du cyclone et des évènements climatiques qui l'ont suivi fassent l'objet d'un marché unique.

Aux termes de son article 19, les acheteurs publics peuvent également confier à un opérateur économique une mission globale portant sur la conception, la construction ou l'aménagement des équipements publics et des bâtiments affectés par le cyclone et les évènements climatiques qui l'ont suivi, même si les conditions de droit commun ne sont pas remplies.

Par ailleurs, l'article 20 autorise les acheteurs publics à réserver jusqu'à 30 % du montant estimé des marchés passés dans les conditions dérogatoires prévues par les articles 17 à 19 du texte dont la valeur estimée HT est inférieure aux seuils européens des procédures formalisées aux microentreprises et aux PME ainsi qu'aux artisans, dont le siège social était établi dans le département de Mayotte le 13 décembre 2024. Ces PME et ces artisans peuvent se grouper pour présenter une offre commune.

Le même article dispose que les soumissionnaires qui ne possèdent pas la qualité de microentreprise, de PME ou d'artisan formalisent par un plan de sous-traitance le montant et les modalités de participation d'entreprises possédant cette qualité à l'exécution du marché auquel ils postulent. Lorsque les soumissionnaires ne prévoient pas de sous-traiter à des microentreprises, à des PME ou à des artisans établis à Mayotte, le plan de sous-traitance doit se limiter à en mentionner les motifs, qui peuvent tenir notamment à l'absence de microentreprise, de PME ou d'artisan en activité dans le secteur concerné par les prestations du marché public ou en mesure de répondre à ses exigences.

Il est précisé que si le titulaire d'un marché passé dans les conditions dérogatoires prévues aux articles 17 à 19 de la loi n'est pas lui-même une microentreprise, une PME ou un artisan, il doit s'engager à confier, directement ou indirectement, à des microentreprises, à des PME ou à des artisans établis à Mayotte au moins 30 % du montant prévisionnel estimé du marché, sauf lorsque la structure économique du secteur concerné ne le permet pas.

Pour terminer, l'article 21 prévoit que les soumissionnaires à un marché public passé dans les conditions dérogatoires prévues aux articles 17 à 19 de la loi fournissent à l'acheteur public, si celui-ci en fait la demande, tout renseignement sur les éléments techniques et comptables de l'estimation du coût de revient des prestations qui font l'objet du marché. Les titulaires de tels marchés, quant à eux, doivent fournir à l'acheteur public, à sa demande, tout renseignement sur les éléments techniques et comptables du coût de revient des prestations faisant l'objet du marché. Enfin, les titulaires de ces marchés, les entreprises qui leur sont liées et leurs sous-traitants ont l'obligation de permettre et de faciliter la vérification éventuelle sur pièces et sur place, par les agents de l'administration, de l'exactitude de ces renseignements.

Comme le précise l'article 22, l'ensemble de ces dispositions s'appliquent aux marchés pour lesquels une consultation est engagée ou un avis de publicité envoyé à la publication à compter de l'entrée en vigueur de la loi et pendant un délai de deux ans à compter de cette date, soit jusqu'en février 2027.

Ces dérogations n'ont toutefois pas toujours été bien calibrées. Ainsi, selon Mme Guylaine Bourdais-Naimi, RMA du ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, d'une part, et du ministère des sports, de la jeunesse et de la vie associative, d'autre part, alors que certains lycées mahorais ne disposent encore à ce jour que de moins de 60 % de leurs capacités d'accueil, avec seulement la moitié de classes opérationnelles, « la passation d'un marché portant sur l'installation de bâtiments modulaires a été mise en suspens par les services centraux du ministère afin de procéder à l'analyse juridique de sa faisabilité dans les conditions dérogatoires prévues par la loi d'urgence »138(*).

En effet, une dispense de publicité - mais avec mise en concurrence préalable - est autorisée pour les marchés de travaux nécessaires à la reconstruction ou à la réfection des équipements et des bâtiments affectés par le cyclone d'un montant inférieur à deux millions d'euros HT. Or, « les modulaires temporaires ne relèvent pas clairement de cette dérogation »139(*), seuls les pérennes pouvant être assimilés à une solution de reconstruction.

L'équipement en bâtiments modulaires temporaires relève donc des marchés de travaux, de fournitures et de services nécessaires pour remédier aux conséquences du cyclone, qui sont dispensés de publicité et de mise en concurrence préalables, mais à la condition que leur montant soit inférieur à 100 000 euros HT, un seuil insuffisant dans le cas d'espèce.

(2) Des adaptations utiles, mais qui « fissurent » le droit de la commande publique

Au total, il s'est agi, pour le législateur, de sécuriser le recours à des procédures simplifiées, déjà permis en cas d'urgence impérieuse, dans le cadre de situations particulières impliquant une mobilisation conséquente de la commande publique.

Or ces textes, que M. Jean-Marc Joannès, rédacteur en chef d'achatpublic.info, qualifie de « lois de circonstances », s'inscrivent à rebours de l'effort d'unification qui s'est traduit par l'entrée en vigueur du code de la commande publique en avril 2019. Ainsi, elles « fragilisent l'homogénéité du code de la commande publique, qui faisait pourtant sa force »140(*), et « laissent à penser que le code de la commande publique ne propose aucun outil pour réagir en urgence, ce qui est faux. Cela participe non seulement de la complexité du droit, mais aussi d'une forme de décrédibilisation du droit de la commande publique »141(*).

Pour autant, comme l'a relevé un rapport d'information de la commission des lois du Sénat142(*), il n'a été fait qu'un usage « modeste » des dérogations permises par la loi n° 2023-656 relative à l'accélération de la reconstruction et de la réfection des bâtiments dégradés ou détruits au cours des violences urbaines survenues du 27 juin au 5 juillet 2023.

De fait, parmi la cinquantaine de communes consultées, interrogées ou visitées par la mission d'information, seules douze ont indiqué les avoir utilisées, soit un peu plus d'une sur cinq. Du reste, des villes de taille conséquentes telles que Marseille ou Strasbourg, qui plus est particulièrement touchées par les émeutes, ont indiqué n'avoir pas recouru à ces dispositifs. Aussi la mission d'information évoquait-elle une « loi d'exception davantage incantatoire que fonctionnelle ».

Concernant la loi n° 2025-176 d'urgence pour Mayotte, M. Jean-Marc Joannès s'étonne du « grand écart » qu'il constate entre ses dispositions assouplissant les possibilités de recours à des marchés globaux et celles qui visent à favoriser le recours aux microentreprises, PME et artisans locaux. M. Joannès s'interroge d'ailleurs sur l'incidence réelle de ces dernières : « Nous sommes-nous demandé si le tissu économique local était capable de répondre à cette demande ? »143(*).

2. La défense d'intérêts stratégiques à l'échelle nationale ou européenne justifie la mise en oeuvre d'aménagements au droit de la commande publique

Dans certains cas, le respect des principes cardinaux de la commande publique, en ouvrant les marchés publics nationaux à des entreprises étrangères, est susceptible de porter atteinte à la souveraineté de la France ou aux intérêts commerciaux de l'Union européenne.

La réglementation européenne et le code de la commande publique autorisent donc la mise en oeuvre de dérogations aux principes d'égalité d'accès à la commande publique et de non-discrimination en permettant, dans de telles circonstances, d'écarter des candidatures soumises par des entreprises étrangères.

a) Les intérêts commerciaux de l'Union européenne prévalent sur le principe de non-discrimination en fonction de l'origine des offres
(1) Les acheteurs publics peuvent écarter les candidatures issues de pays tiers non signataires d'un accord relatif aux marchés publics avec l'Union européenne

Il est prévu, en droit de l'Union européenne, que « les opérateurs économiques de pays tiers qui n'ont pas conclu d'accord prévoyant l'ouverture des marchés publics de l'Union, ou dont les biens, services ou travaux ne sont pas couverts par un tel accord, n'ont pas un accès garanti aux procédures de passation de marchés dans l'Union et peuvent être exclus »144(*).

Dès lors, le code de la commande publique ne fait obligation aux acheteurs publics de garantir un traitement équivalent à celui garanti aux opérateurs économiques, travaux, fournitures et services issus de l'Union européenne qu'aux opérateurs économiques, travaux, fournitures et services issus des États parties à l'accord sur les marchés publics conclu dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) ou à un autre accord international équivalent auquel l'Union européenne est partie (et dans la limite de ces accords).

Dans les autres cas, ces acheteurs sont autorisés à introduire dans les documents de la consultation des critères ou des restrictions fondés sur l'origine de tout ou partie des travaux, fournitures ou services composant les offres proposées ou la nationalité des opérateurs autorisés à soumettre une offre145(*).

À titre d'exemple, la Chine et l'Inde ne sont pas parties à l'accord sur les marchés publics de l'OMC.

(2) Les entités adjudicatrices peuvent rejeter les offres de fournitures intégrant plus de 50 % de produits originaires de pays non signataires d'un accord relatif aux marchés publics avec l'Union européenne

Dans certains cas spécifiques, l'origine géographique des composants du produit fini faisant l'objet d'un marché public peut servir de base au rejet d'une offre.

Lorsqu'une offre présentée dans le cadre de la passation d'un marché de fournitures par une entité adjudicatrice contient des produits originaires de pays tiers avec lesquels l'Union européenne n'a pas conclu, dans un cadre multilatéral ou bilatéral, un accord assurant un accès comparable et effectif des entreprises de l'Union européenne aux marchés de ces pays ou auxquels le bénéfice d'un tel accord n'a pas été étendu par une décision du Conseil de l'Union européenne, le code de la commande publique permet, conformément aux dispositions de la directive européenne relative aux marchés publics146(*), de rejeter cette offre si les produits originaires des pays tiers représentent la part majoritaire de la valeur totale des produits composant cette offre147(*).

De plus, lorsque deux ou plusieurs offres sont équivalentes au regard des critères d'attribution - ce qui signifie que l'écart entre leur prix respectif n'excède pas 3 % -, une préférence doit être accordée à celle qui ne peut être rejetée sur cette base148(*).

Il conviendrait d'étendre cette possibilité aux pouvoirs adjudicateurs.

Recommandation n° 7. - À l'instar de ce qui est autorisé pour les entités adjudicatrices, permettre aux pouvoirs adjudicateurs de rejeter les offres des marchés de fournitures intégrant une majorité de produits originaires de pays extra-européens non signataires d'un accord relatif aux marchés publics avec l'Union européenne.

(3) Sauf décision contraire de l'acheteur, les marchés de défense ou de sécurité ne peuvent être passés qu'avec des entreprises européennes

De façon générale, les marchés de défense ou de sécurité (MDS), qui sont exclus ou exemptés de l'accord sur les marchés publics et des autres accords internationaux équivalents auxquels l'Union européenne est partie, ne peuvent être passés qu'avec des opérateurs économiques d'États membres de l'Union européenne149(*).

Néanmoins, l'acheteur public peut décider d'autoriser, au cas par cas, les opérateurs économiques d'un pays tiers à l'Union européenne à participer à une procédure de passation en tenant notamment compte des impératifs de sécurité de l'information et de l'approvisionnement, de la préservation des intérêts de la défense et de la sécurité de l'État, de l'intérêt de développer la base industrielle et technologique de défense (BITD) européenne, des objectifs de développement durable, de l'obtention d'avantages mutuels et des exigences de réciprocité.

(4) La Commission européenne peut contraindre les acheteurs publics à pénaliser ou à écarter les offres issues de pays faisant l'objet d'une mesure relevant de l'instrument relatif aux marchés publics internationaux

De sa propre initiative ou sur la base d'une plainte dûment étayée d'une partie intéressée de l'Union ou d'un État membre, la Commission européenne peut ouvrir une enquête sur une prétendue mesure ou pratique d'un pays tiers150(*).

Lorsqu'elle établit, à la suite de cette enquête, qu'une mesure ou pratique d'un pays tiers existe, elle adopte, si elle estime qu'une telle action va dans le sens des intérêts de l'Union, une mesure relevant de l'Instrument relatif aux marchés publics (Impi)151(*).

Celle-ci ne s'applique alors qu'aux procédures de passation de marchés dont la valeur estimée est supérieure à un seuil déterminé par la Commission à la lumière des résultats de l'enquête et qui doit être au moins égal à 15 millions d'euros HT pour les travaux et les concessions et à 5 millions d'euros HT pour les biens et services.

Concrètement, la Commission est ainsi habilitée à restreindre l'accès aux procédures de passation de marchés publics pour les opérateurs économiques, les biens ou les services du pays tiers concerné en exigeant des acheteurs publics qu'ils ajustent la note attribuée aux offres présentées par des opérateurs économiques originaires de ce pays ou qu'ils excluent les offres émanant de tels opérateurs.

Lorsqu'elle recourt à la première option et qu'un opérateur économique originaire du pays concerné se voit tout de même attribuer un marché, les documents de marché doivent inclure l'interdiction, pour celui-ci, de sous-traiter plus de 50 % de la valeur totale du marché à des opérateurs originaires d'un pays tiers faisant l'objet d'une mesure relevant de l'Impi, ainsi que l'obligation, pour les marchés dont l'objet concerne la fourniture de biens, de faire en sorte que les biens ou les services fournis dans le cadre de l'exécution du marché et originaires du pays tiers concerné ne représentent pas plus de 50 % de la valeur totale du marché152(*).

(5) Il est permis aux acheteurs d'imposer la localisation dans l'Union européenne des moyens d'exécution du marché

L'acheteur public peut imposer que les moyens utilisés pour exécuter tout ou partie d'un marché, pour maintenir ou pour moderniser les produits acquis soient localisés sur le territoire des États membres de l'Union européenne afin, notamment, de prendre en compte des considérations environnementales ou sociales ou d'assurer la sécurité des informations et des approvisionnements153(*).

(6) Des sanctions adoptées par l'Union européenne peuvent exclure un État étranger du champ de la commande publique

Enfin, l'accès des opérateurs économiques étrangers aux marchés publics européens peut être restreint par l'Union européenne dans le cadre de sanctions ciblées.

De fait, l'article 215 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) dispose que, lorsqu'une décision prévoit l'interruption ou la réduction, en tout ou partie, des relations économiques et financières avec un ou plusieurs pays tiers, le Conseil de l'Union européenne, statuant à la majorité qualifiée, sur proposition conjointe du Haut représentant de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité et de la Commission européenne, adopte les mesures nécessaires et en informe le Parlement européen.

Au surplus, lorsqu'une décision le prévoit, le Conseil peut adopter, selon la même procédure, des mesures restrictives à l'encontre de personnes physiques ou morales, de groupes ou d'entités non étatiques.

Après l'invasion de l'Ukraine par la Russie, en février 2022, le Conseil a ainsi adopté une décision comportant plusieurs mesures de rétorsion, et notamment l'interdiction d'attribuer et de poursuivre l'exécution de marchés publics et de contrats de concession avec des ressortissants russes et des entités ou organismes établis en Russie154(*).

Les marchés concernés sont ceux dont le montant est égal ou supérieur aux seuils européens, y compris à certains types de contrats normalement exclus du champ d'application des directives - par exemple, les marchés de services financiers ou ceux qui sont destinés aux activités de renseignement. L'interdiction s'applique lorsque :

- l'attributaire est un ressortissant russe ou une personne physique ou morale, une entité ou un organisme établi sur le territoire russe ;

- l'attributaire est détenu à plus de 50 %, de manière directe ou indirecte, par une entité établie sur le territoire russe ;

- l'attributaire est une personne physique ou morale, une entité ou un organisme agissant pour le compte ou sur instruction d'une entité établie sur le territoire russe ou d'une entité détenue à plus de 50 % par une entité elle-même établie sur le territoire russe ;

- le sous-traitant, le fournisseur ou toute entité aux capacités de laquelle il est recouru se trouve dans l'un de ces trois cas alors que le montant de ses prestations représente plus de 10 % de la valeur du marché155(*).

b) Les marchés de défense ou de sécurité : un monde à part du droit de la commande publique
(1) Le champ des marchés de défense ou de sécurité est défini par la loi

En raison de la spécificité et de la sensibilité des équipements et services concernés, il est possible de déroger aux grands principes du droit de la commande publique dans le cadre des marchés de défense ou de sécurité (MDS).

Il s'agit de marchés conclus par l'État ou l'un de ses établissements publics et ayant pour objet :

- la fourniture d'équipements, y compris leurs pièces détachées, composants ou sous-assemblages, qui sont destinés à être utilisés comme armes, munitions ou matériel de guerre, qu'ils aient été spécifiquement conçus à des fins militaires ou qu'ils aient été initialement conçus pour une utilisation civile puis adaptés à des fins militaires ;

la fourniture d'équipements destinés à la sécurité, y compris leurs pièces détachées, composants ou sous-assemblages, et qui font intervenir, nécessitent ou comportent des supports ou informations protégés ou classifiés dans l'intérêt de la sécurité nationale ;

- des travaux, fournitures et services directement liés à un équipement de cette nature, y compris la fourniture d'outillages, de moyens d'essais ou de soutien spécifique, pour tout ou partie du cycle de vie de l'équipement, qui correspond à l'ensemble des états successifs que ce dernier peut connaître, notamment la recherche et développement, le développement industriel, la production, la réparation, la modernisation, la modification, l'entretien, la logistique, la formation, les essais, le retrait, le démantèlement et l'élimination ;

- des travaux et services ayant des fins spécifiquement militaires ou des travaux et services destinés à la sécurité et qui font intervenir, nécessitent ou comportent des supports ou informations protégés ou classifiés dans l'intérêt de la sécurité nationale156(*).

La passation d'un MDS est obligatoire dès lors que l'État ou l'un de ses établissements publics souhaite procéder à un achat entrant dans ce champ. D'après M. Christophe Mauriet, secrétaire général pour l'administration du ministère des armées, « les MDS sont passés à 98 % par le ministère des armées. À l'exception de quelques-uns passés par le ministère de l'intérieur, nous réalisons donc la totalité de ces marchés, qui constituent la véritable spécificité du cadre juridique applicable aux achats du ministère des armées »157(*).

Le code de la commande publique précise que les principes fondamentaux de la commande publique - égalité de traitement des candidats, liberté d'accès et transparence des procédures - ont également pour objectif d'assurer le renforcement de la BITD européenne lorsqu'ils s'appliquent à des MDS.

(2) La passation d'un marché de défense ou de sécurité est sensiblement simplifiée

Lorsqu'il passe un MDS, l'acheteur public dispose de davantage de possibilités de recours à une procédure sans publicité ni mise en concurrence préalables que dans le cadre d'un marché classique.

Les principaux cas de passation d'un marché de sécurité ou de défense
sans publicité ni mise en concurrence préalables

Un MDS peut être passé sans publicité ni mise en concurrence préalables notamment lorsque :

les conditions de passation ne sont pas compatibles avec les délais minimaux d'urgence prévus par le code de la commande publique, parce que le marché est conclu pour faire face à une urgence résultant d'une crise en France ou à l'étranger, notamment avec des opérateurs ayant mis en place ou maintenu, en exécution d'un autre marché, les capacités nécessaires pour faire face à une éventuelle augmentation des besoins158(*) ;

les conditions de passation ne sont pas compatibles avec les délais minimaux d'urgence prévus par le code de la commande publique et que l'objet du marché est strictement limité aux mesures nécessaires pour faire face à une urgence impérieuse résultant de circonstances imprévisibles et extérieures, notamment les catastrophes technologiques ou naturelles159(*) ;

le marché ne peut être confié qu'à un opérateur économique déterminé, pour des raisons tenant à la protection de droits d'exclusivité, ou pour des raisons techniques comme, par exemple, des exigences spécifiques d'interopérabilité ou de sécurité qui doivent être satisfaites pour garantir le fonctionnement des forces armées ou de sécurité, ou en raison de la stricte impossibilité technique, pour un candidat autre que l'opérateur économique retenu, de réaliser les objectifs requis, ou du fait de la nécessité de recourir à un savoir-faire, un outillage ou des moyens spécifiques dont ne dispose qu'un seul opérateur, notamment en cas de modification ou de mise en conformité rétroactive d'un équipement particulièrement complexe160(*) ;

- le marché porte sur des services de recherche et développement dont l'acheteur acquiert la propriété exclusive des résultats et qu'il finance entièrement161(*) ;

- le marché est lié à la fourniture de services de transport maritime et aérien pour les forces armées ou de sécurité d'un État membre, qui sont ou vont être déployées à l'étranger, lorsque l'acheteur doit obtenir ces services d'opérateurs économiques qui garantissent la validité de leur offre uniquement pour des périodes très brèves, de sorte que les délais applicables aux procédures formalisées ne peuvent être respectés162(*) ;

- le marché porte sur des travaux, fournitures ou services innovants163(*) et répondant à un besoin dont la valeur estimée est inférieure à 300 000 euros HT164(*).

Du reste, en cas de recours à une procédure formalisée, la publicité et la mise en concurrence préalables font l'objet d'aménagements adaptés aux spécificités du MDS :

- si l'acheteur choisit de passer le MDS selon la procédure de l'appel d'offres, celui-ci ne peut être que restreint, et non ouvert165(*) - seuls les candidats sélectionnés par lui sont alors autorisés à soumissionner ;

- s'il recourt à la procédure avec négociation, il ne négocie les conditions du marché qu'avec le ou les opérateurs économiques autorisés à participer aux négociations166(*) ;

- il peut recourir à la procédure du dialogue compétitif s'il n'est objectivement pas en mesure de définir seul et à l'avance les moyens techniques pouvant répondre à ses besoins ou d'établir le montage juridique ou financier d'un projet167(*).

À ces adaptations s'ajoute la faculté accordée à l'acheteur public d'allotir ou non le MDS168(*). S'il décide d'un allotissement, celui-ci peut limiter le nombre de lots pour lesquels un même opérateur économique peut présenter une offre ou le nombre de lots qui peuvent être attribués à un même opérateur économique.

(3) L'acheteur dispose des moyens d'assurer la sécurité de l'information ou des approvisionnements

Certaines prérogatives spécifiques sont accordées par le droit de la commande publique aux acheteurs dans le cadre de la passation d'un MDS pour assurer la sécurité de l'information ou des approvisionnements.

Pour mémoire, les MDS ne peuvent être passés qu'avec des opérateurs économiques issus d'États membres de l'Union européenne, sauf décision contraire de l'acheteur public concerné169(*).

L'acheteur est ainsi autorisé à refuser un opérateur économique proposé par le candidat, le soumissionnaire ou le titulaire comme sous-contractant s'il est placé dans un cas d'exclusion de la procédure de passation170(*) ou au motif qu'il ne présente pas les garanties suffisantes telles que celles exigées pour les candidats du marché public principal, notamment en termes de capacités techniques, professionnelles et financières, de sécurité de l'information ou de sécurité des approvisionnements171(*).

Lorsque la passation d'un MDS nécessite la détention de données protégées, l'acheteur exige des candidats qu'ils produisent les éléments justifiant de leur capacité à traiter, stocker et transmettre ces données au niveau de protection nécessaire172(*).

En outre, il lui est loisible d'imposer des conditions d'exécution particulières du MDS, qui peuvent comporter des éléments à caractère social ou environnemental ainsi que des exigences relatives à la sécurité d'approvisionnement, aux sous-contrats, à la sécurité des informations ou à la localisation sur le territoire des États membres de l'Union européenne ou des parties à l'Espace économique européen (EEE) du lieu d'exécution de tout ou partie des prestations ou des moyens utilisés pour exécuter tout ou partie du marché, maintenir ou moderniser les produits acquis173(*).

(4) En matière de défense et de sécurité, certains marchés sont soumis à un cadre juridique très allégé

Le régime des MDS ne permettant pas à lui seul de garantir la sécurité des achats les plus stratégiques, plusieurs types de marchés sont exemptés de l'application des règles de passation de droit commun en raison de leur très grande sensibilité.

Il s'agit notamment des marchés :

portant sur des armes, munitions ou matériel de guerre lorsque la protection des intérêts essentiels de sécurité de l'État l'exige, notamment pour des achats qui nécessitent une confidentialité extrêmement élevée ou une grande rapidité d'acquisition, pour le remplacement accéléré des équipements militaires et des munitions mis à disposition des partenaires et des alliés de la France et pour les acquisitions de matériels militaires destinées à tirer rapidement les enseignements des conflits et des crises affectant la sécurité du continent européen ou celle des outre-mer ou lorsque le rythme du progrès technologique nécessite une très grande rapidité d'acquisition ;

- pour lesquels l'application des règles de passation de droit commun obligerait à une divulgation d'informations contraire aux intérêts essentiels de sécurité de l'État, notamment pour des travaux, des fournitures ou des services particulièrement sensibles, qui nécessitent une confidentialité extrêmement élevée, tels que certains achats destinés à la protection des frontières ou à la lutte contre le terrorisme ou la criminalité organisée, des achats liés au cryptage ou destinés spécifiquement à des activités secrètes ou à d'autres activités tout aussi sensibles menées par les forces de sécurité intérieure ou par les forces armées ;

conclus en vertu de la procédure propre à une organisation internationale et dans le cadre des missions de celle-ci ou qui doivent être attribués conformément à cette procédure ;

- conclus selon des règles de passation particulières prévues par un accord international ou un arrangement administratif conclu entre au moins un État membre de l'Union européenne et au moins un État tiers ;

- destinés aux activités de renseignement, y compris les activités de contre-espionnage, de contre-terrorisme et de lutte contre la criminalité organisée174(*).

Les intérêts essentiels de sécurité

L'article 346 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne dispose que, nonobstant ses autres dispositions :

- aucun État membre n'est tenu de fournir des renseignements dont il estimerait la divulgation contraire aux intérêts essentiels de sa sécurité ;

- tout État membre peut prendre les mesures qu'il estime nécessaires à la protection des intérêts essentiels de sa sécurité et qui se rapportent à la production et au commerce d'armes, de munitions et de matériel de guerre, ces mesures ne devant pas altérer les conditions de la concurrence dans le marché intérieur en ce qui concerne les produits non destinés à des fins spécifiquement militaires.

Comme le précise le ministère des armées, la notion d'intérêts essentiels de sécurité « reste d'interprétation et d'utilisation stricte et demeure sous contrôle de la Commission »175(*). En tout état de cause, « le caractère d'intérêt essentiel de sécurité n'implique pas nécessairement une acquisition en gré à gré à une société française mais limite les candidatures à celles compatibles avec ces intérêts ».

II. UN CHEMIN SEMÉ D'EMBÛCHES : LA TRANSFORMATION INACHEVÉE D'UNE POLITIQUE EN MUTATION

A. LA COMMANDE PUBLIQUE, UN OUTIL MIS AU SERVICE DES TRANSITIONS ENVIRONNEMENTALES ET SOCIALES

1. Le volume des achats publics impose la prise en compte des enjeux sociaux et environnementaux dans la commande publique

Initialement conçu comme un outil visant à garantir l'efficacité de la dépense publique, le cadre juridique de la commande publique a connu une profonde évolution depuis le début des années 2000 avec l'assignation de nouveaux objectifs environnementaux et sociaux visant à rendre les achats publics « responsables ».

Sous l'influence d'une dynamique internationale, émerge en effet, dès les années 1990, une réflexion sur la façon dont les marchés publics pourraient contribuer à la protection de l'environnement. Le programme « Action 21 » des Nations Unies, adopté à Rio en 1992, afin de concilier développement économique et préservation d'un environnement de qualité pour tous, mentionne ainsi pour la première fois la nécessité d'intégrer progressivement les enjeux environnementaux au sein des politiques d'achats publics. En septembre 2015, les Nations Unies ont par ailleurs adopté, dans le cadre de leur Agenda 2030, les dix-sept Objectifs de développement durable (ODD), qui ont notamment vocation à servir de lignes directrices à toute politique visant à améliorer la soutenabilité de l'économie, comme la commande publique176(*).

L'Union européenne a, dans le même temps, progressivement ouvert la voie à l'introduction de critères d'appréciation tenant compte des enjeux environnementaux dans les marchés publics. La directive 2004/18/CE du 31 mars 2004 admet ainsi la possibilité que les caractéristiques environnementales des offres fassent partie des critères d'appréciation et indique que les spécifications techniques peuvent tenir compte des niveaux de performance environnementale. Le décret n° 2006-975 du 1er août 2006 portant code des marchés publics introduit également en droit français la possibilité que les conditions d'exécution d'un marché ou d'un accord-cadre comportent des éléments à caractère social ou environnemental prenant en compte des objectifs de développement durable. Le même décret crée aussi les premières formes de marchés réservés à certains acteurs économiques dans une perspective sociale, notamment s'agissant des emplois dits « protégés » occupés par des personnes en situation de handicap.

Pourtant, si elle s'inscrit dans une prise de conscience sociétale globale, la mobilisation de la commande publique à des fins autres qu'économiques demeure contestée par les économistes.

D'un point de vue économique, en effet, la commande publique relève d'un mécanisme contractuel devant aboutir à la conclusion d'un accord présentant l'offre de la meilleure qualité possible au prix juste pour l'acheteur public et le prestataire.

L'analyse économique issue de la théorie des incitations, dont les Français MM. Jean-Jacques Laffont et Jean Tirole sont les principaux concepteurs, souligne que l'atteinte de cette offre « optimale » est entravée par une double asymétrie qui nuit aux acheteurs publics : une asymétrie d'information d'une part, l'acheteur public n'ayant pas connaissance des coûts de production des soumissionnaires, de leurs marges de productivité ni du niveau de la concurrence sur le segment de marché ; ainsi qu'une asymétrie de compétences, d'autre part, l'acheteur étant dépendant des offres qu'il reçoit.

Dès lors, d'un point de vue économique, afin de permettre à l'acheteur d'obtenir la meilleure offre au plus bas prix, ce dernier doit disposer du plus grand nombre de soumissionnaires possible afin de pallier les asymétries mentionnées ci-avant et de contraindre ces derniers à présenter l'offre la plus compétitive.

Dans cette perspective, l'introduction de tout critère annexe au prix d'achat, à l'instar de critères tenant à la localisation des entreprises, ou à des considérations environnementales, suppose mécaniquement une réduction du nombre d'entreprises en mesure de répondre aux besoins de la puissance publique, aboutissant in fine à une augmentation potentielle du prix d'achat.

À cet égard, M. Stéphane Saussier, professeur d'économie et de management public à l'Institut d'administration des entreprises de l'Université Paris I - Panthéon Sorbonne, a noté, devant la commission d'enquête, que la part de contrats publics attribués en France après un appel d'offres avec un soumissionnaire unique est dans la moyenne européenne (23 %), mais que cette part « a augmenté de plus de 50 % entre 2011 et 2021 »177(*). Or, selon les conclusions d'une étude d'octobre 2024178(*), l'augmentation du nombre de soumissionnaires d'un à quatre pourrait réduire les coûts de la commande publique de 10 à 13 %.

En définitive, la théorie économique considère que l'assignation d'objectifs relatifs à la protection de l'environnement dans le cadre de la commande publique tend à décroître l'efficacité de celle-ci vis-à-vis de son objectif principal, c'est-à-dire le coût le plus efficient pour l'acheteur.

Mme Anne Perrot, inspectrice générale des finances et correspondante du Conseil d'analyse économique et Stéphane Saussier indiquent ainsi que, théoriquement, le recours à des politiques environnementales globales, telles que la taxe carbone ou les droits d'émission de CO2, serait plus susceptible d'atteindre des résultats efficaces, lisibles et contrôlables en matière environnementale ou sociale, plutôt que l'inclusion obligatoire de considérations annexes à la qualité et au prix du produit dans la procédure de passation des marchés publics. En effet, selon eux, « une politique environnementale correctement mise en oeuvre, qui taxerait les émissions carbone à un niveau adéquat, devrait renchérir les coûts des entreprises les plus contributives au réchauffement climatique, sans qu'il soit besoin de rajouter une clause de sélection dans les appels d'offres pour limiter l'accès aux seules entreprises " vertes " »179(*).

En outre, cette théorie économique avance que la mobilisation des marchés publics au service d'objectifs sociaux et environnementaux demeure moins efficace qu'« une approche à la fois uniforme et globale. Uniforme, car elle suppose des règles claires, communes, harmonisées -- en matière de critères, de pondération, d'indicateurs. Globale, car elle ne saurait se limiter à la seule commande publique, qui ne représente qu'une partie de la demande nationale180(*) » De fait, si de tels objectifs ne sont pas également assignés à la commande privée, l'atteinte d'objectifs environnementaux et sociaux serait inévitablement ralentie.

De la même manière, l'ajout de clauses d'insertion sociale au sein des contrats publics nécessite un suivi renforcé pour l'acheteur public comme pour l'entreprise sélectionnée, ce qui augmente inévitablement le coût de l'acquisition. En conséquence, pour M. Stéphane Saussier, « il faut se demander s'il n'existe pas d'autres instruments plus efficaces pour réinsérer les personnes éloignées de l'emploi, plutôt que de compliquer davantage la tâche des acheteurs publics » 181(*).

En d'autres termes, la théorie économique réfute l'utilité d'intégrer des considérations environnementales au sein de la commande publique, soutenant que celles-ci devraient faire l'objet d'une politique propre afin de maximiser leur efficacité sans affaiblir l'objectif premier du cadre régissant la commande publique. Cette théorie se fonde néanmoins sur le postulat selon lequel les politiques environnementales et sociales mises en oeuvre permettraient une atteinte parfaite des objectifs assignés. Devant les effets insuffisants de ces dernières et les limites qu'elles rencontrent, les économistes entendus sont convenus de la nécessité de prévoir d'autres outils au service de la préservation de l'environnement et de la cohésion sociale.

En effet, en dépit de ces considérations théoriques, l'essor du développement durable comme priorité des politiques publiques rendrait incompréhensible qu'une part aussi essentielle des marchés demeure exempte de toute considération à ce sujet. De fait, selon les données du CGDD, les achats de l'État représentent 23 % de ses émissions totales de gaz à effet de serre, soit 10 millions de tonnes en équivalent CO2182(*). Plus précisément, l'achat de produits textiles et d'habillement (uniformes, linge), de produits chimiques et d'entretien et de meubles représente 9 % des émissions totales ; les services d'ingénierie, de maintenance, de communication ou financiers représentent également 9 % et les services numériques 5 %. Si l'ensemble des émissions indirectes sont prises en compte, notamment celles des véhicules, des consommations d'énergie ou des déplacements professionnels, la part des émissions de l'État liées directement ou indirectement à sa politique d'achat atteint 80 %. Dès lors, l'amélioration de la soutenabilité des achats des pouvoirs adjudicateurs apparaît comme un levier essentiel afin de mener à bien une transition écologique globale.

L'introduction de nouvelles exigences au sein du code de la commande publique interroge néanmoins la capacité des acheteurs à s'en saisir. Alors que la commande publique reste perçue comme une matière complexe et rigide, toute nouvelle injonction à l'égard des acheteurs doit faire l'objet d'une réflexion sur la charge administrative qu'elle suppose pour ces derniers. M. Boris Ravignon, maire de Charleville-Mezières et auteur du rapport intitulé « Coût des normes et de l'enchevêtrement des compétences entre l'État et les collectivités : évaluation, constats et propositions », remis au Gouvernement en mai 2024, rappelait ainsi devant la commission d'enquête qu'en matière de lutte contre le changement climatique, les « meilleures intentions du monde » peuvent se traduire pour les élus locaux par « une complexification » du droit et « des postures parfois artificielles »183(*). La France, qui se singularise vis-à-vis de ses voisins européens par un nombre élevé de pouvoirs adjudicateurs (la France en dénombre 130 000, alors que l'Union européenne en recense 250 000 sur l'ensemble de son territoire184(*)) est particulièrement concernée par ce risque de complexité du droit en raison de son nombre élevé de petits acheteurs, pour lesquels se former et se conformer à un droit en constante évolution représente un défi.

Dès lors, la connaissance des « risques » liés à l'introduction de nouvelles exigences au sein de la commande publique (perte d'efficacité, charge administrative accrue pour les plus petits acheteurs) doit conduire l'État, en tant que prescripteur de la norme, à assurer un accompagnement renforcé des acheteurs ainsi qu'un contrôle de l'efficacité de ces nouveaux objectifs. Cet accompagnement semble en effet être la condition sine qua non d'un cadre juridique acceptable pour les petits acheteurs, et efficace, c'est-à-dire permettant d'atteindre des résultats en matière environnementale et sociale sans aboutir à une hausse des coûts auxquels font face les acheteurs publics. La commission d'enquête s'est ainsi employée à évaluer l'accompagnement fourni par l'État en la matière, ainsi que ses effets sur les achats publics en France.

2. Ces dix dernières années, le cadre juridique de la commande publique a été largement remanié pour accélérer la soutenabilité des achats publics
a) L'introduction d'obligations environnementales et sociales dans la loi

Après avoir reconnu la possibilité pour les acheteurs publics de tenir compte des enjeux environnementaux et sociaux dans leurs marchés, le législateur a progressivement instauré, ces dix dernières années, des normes imposant la prise en considération du développement durable dans la commande publique.

Cette volonté d'améliorer la soutenabilité de la commande publique s'est matérialisée, dans un premier temps, par l'adoption de multiples dispositions législatives sectorielles.

La loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement avait introduit de premières obligations en matière de restauration collective responsable, avec l'obligation pour les services de restauration de l'État de recourir à des produits biologiques pour au moins 15 % de leurs commandes à compter de 2010 et 20 % en 2012, ainsi qu'une part identique de produits saisonniers ou à faible impact environnemental.

La loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous (dite loi « Egalim ») rehausse ces objectifs et les étend à l'ensemble des services publics de restauration collective, dont ceux des collectivités territoriales. Elle impose ainsi une modification substantielle des achats publics de ces services, désormais tenus de proposer des repas comprenant au moins 50 % de produits durables, dont 20 % issus de l'agriculture biologique à compter du 1er janvier 2022, ainsi qu'une option végétarienne depuis 2023 pour les services de restauration de l'État. À compter de 2024, la part de produits durables et de qualité pour les viandes et les poissons doit également atteindre 60 % et 100 % pour ces derniers185(*).

Le législateur a par la suite souhaité impulser une profonde évolution de la manière de consommer des acheteurs publics en introduisant des normes relatives à la consommation de produits issus de l'économie circulaire au sein de la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire (loi dite « Agec »).

En application de son article 58, l'État, les collectivités et leurs groupements se doivent désormais de réserver une part de leurs achats allant de 20 % à 100 %, selon le type de produit, à des biens issus du réemploi, de la réutilisation, ou intégrant des matières recyclées. L'article 60 du même texte les contraint également à l'achat de pneumatiques rechapés. La loi Agec est ainsi venue compléter des dispositions législatives éparses visant l'acquisition de papier recyclé, d'achats de produits de construction issus du réemploi, de la réutilisation ou du recyclage186(*) ou l'achat de véhicules à faibles émissions187(*).

À la suite de ces premières avancées sectorielles, la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets (loi dite « Climat et résilience »), issue des travaux de la Convention citoyenne pour le climat, a constitué une avancée inédite dans la généralisation de la prise en compte des enjeux sociaux et environnementaux au sein de la commande publique, plaçant la France parmi les pays disposant des législations les plus ambitieuses en la matière.

Si le texte consacre premièrement les objectifs de développement durable au sein du titre préliminaire du code de la commande publique au même niveau que les principes fondamentaux destinés à garantir une libre et égale concurrence entre les entreprises, son article 35 prévoit surtout un recours systématique à des considérations environnementales et sociales au sein des marchés publics.

Plus précisément, ledit article instaure, à l'article L. 2112-2 du code de la commande publique, l'obligation de tenir compte des considérations relatives à l'environnement dans les conditions d'exécution d'un marché. Cette obligation s'entend, de manière non cumulative, soit par l'inclusion d'une clause relative aux caractéristiques environnementales du marché et de ses modalités de mise en oeuvre soit par une spécification technique prenant en compte des objectifs de développement durable dans leurs dimensions économique, sociale et environnementale.

Le même article impose également aux acheteurs de recourir au minimum à un critère d'attribution des offres basé sur la performance environnementale des travaux, fournitures ou services objets du marché. L'article L. 2152-7, qui précise que le marché est attribué au soumissionnaire ayant présenté l'offre économiquement la plus avantageuse sur la base d'un ou plusieurs critères objectifs est ainsi complété afin de préciser qu'« au moins un de ces critères prend en compte les caractéristiques environnementales de l'offre ». Comme souligné par la DAJ, « en pratique, cette évolution interdira le recours au critère unique du prix. Si l'acheteur fait le choix de ne retenir qu'un seul critère de sélection, seul le critère du coût global intégrant nécessairement des considérations environnementales ou fondé sur le coût du cycle de vie pourra désormais être retenu »188(*).

L'article 36 de la loi Climat et Résilience prévoit à ce titre la mise à disposition des acheteurs par l'État d'outils opérationnels de définition et d'analyse du coût du cycle de vie des biens pour les principaux segments d'achats. Ces outils, qui ont vocation à intégrer le coût global lié à l'acquisition, l'utilisation, la maintenance, la fin de vie et les coûts externes (par exemple, la pollution atmosphérique, les émissions de gaz à effet de serre, la perte de la biodiversité ou la déforestation) devaient être mis à disposition au plus tard le 1er janvier 2025.

L'analyse du coût du cycle de vie (ACV) dans les marchés publics

La notion d'analyse du coût du cycle de vie permet de prendre en compte dans les critères d'acquisition la totalité des coûts. Elle se distingue du simple critère prix, car elle permet d'intégrer tout ou partie des coûts imputables à un produit ou un service tout au long de son cycle de vie, c'est-à-dire aussi bien les coûts financiers directement supportés par l'acheteur, que les coûts liés à l'utilisation ou à la maintenance du produit, en passant par les coûts des externalités négatives (pollution atmosphérique, déforestation, etc.).

L'utilisation de cet outil, théoriquement séduisant, se heurte toutefois à d'importantes difficultés pratiques. Afin de garantir la sécurité juridique d'une procédure recourant à une analyse du coût du cycle de vie, celle-ci doit s'appuyer sur des paramètres non discriminatoires, vérifiables de manière objective et accessibles à l'ensemble des candidats.

Source : La prise en compte des enjeux du développement durable dans les achats de l'État, Rapport public thématique de la Cour des comptes, décembre 2024.

Enfin, l'article 35 impose, pour les marchés dont le montant est supérieur aux seuils européens, la présence de conditions d'exécution prenant en compte des considérations relatives au domaine social ou à l'emploi, notamment en faveur des personnes défavorisées189(*). Cette prise en compte peut en pratique se traduire par une clause sociale d'insertion, une clause favorisant l'égalité femmes-hommes ou l'achat équitable ou en réservant un contrat aux structures de l'économie sociale et solidaire, du handicap, de l'insertion par l'activité économique ou intervenant dans les services pénitentiaires.

Compte tenu du fort changement de pratique qu'implique l'application de ces mesures, leur entrée en vigueur a été différée de cinq ans, soit au 22 août 2026, avec quelques adaptations sectorielles :

- Entrée en vigueur au 1er juillet 2024 pour les marchés relatifs à l'implantation ou l'exploitation d'installation de production ou de stockage d'énergies renouvelables ;

- Au 1er janvier 2025 s'agissant des marchés interministériels nationaux ;

- Au 1er juillet 2025 pour les marchés interministériels régionaux.

La loi Climat et résilience a également renforcé les exigences liées aux schémas de promotion des achats publics socialement et écologiquement responsables (Spaser), s'agissant notamment de leur publicité et de la présence d'indicateurs précis. Ces documents, instaurés par la loi du 31 juillet 2014 relative à l'économie sociale et solidaire, visent à « déterminer les objectifs de politique d'achat comportant des éléments à caractère social visant à concourir à l'intégration sociale et professionnelle de travailleurs handicapés ou défavorisés et des éléments à caractère écologique » et « contribuer à la promotion d'une économie circulaire ».

La loi n° 2023-973 du 23 octobre 2023 relative à l'industrie verte est venue compléter un certain nombre de dispositions de la loi Climat et résilience. Elle a premièrement étendu à l'État et à tous les acheteurs publics atteignant le seuil annuel de 50 millions d'euros HT d'achats publics l'obligation d'adopter un Spaser, et a autorisé son élaboration conjointe entre plusieurs acheteurs. Afin d'accompagner les acheteurs publics vers la mise en conformité avec les dispositions de la loi Climat et Résilience entrant en vigueur en 2026, elle a également précisé les critères de détermination de l'offre économiquement la plus avantageuse qui régit, conformément au droit européen, l'attribution des marchés publics, en indiquant que cette appréciation peut « être déterminée sur le fondement d'une pluralité de critères non discriminatoires et liés à l'objet du marché ou à ses conditions d'exécution, parmi lesquels figure le critère du prix ou du coût et un ou plusieurs autres critères comprenant des aspects qualitatifs, environnementaux ou sociaux ».

b) L'émergence d'obligations en matière de marchés publics écologiques au sein de l'Union européenne

La volonté de renforcer le rôle des achats publics dans la transition écologique a également émergé au niveau européen, avec l'introduction de premières obligations s'inscrivant dans la démarche globale du Pacte vert, dont l'objectif est la réduction de 55 % des émissions nettes de gaz à effet de serre d'ici à 2030.

Ces obligations figurent notamment dans deux règlements, tous deux publiés en juin 2024.

· Le règlement 2024/1735/UE relatif à l'établissement d'un cadre de mesures en vue de renforcer l'écosystème européen de la fabrication de produits de technologie « zéro net »

Le règlement européen pour une industrie « zéro net » entend contribuer au développement des technologies « propres » au sein de l'Union européenne et attirer les investissements dans ce domaine. Pour ce faire, il contient notamment des mesures similaires à celles de la loi Climat et résilience.

Son article 25 impose en effet aux acheteurs des obligations nouvelles en matière de développement durable et de résilience, qui seront définies au sein d'un acte d'exécution de la Commission européenne. Celui-ci fixera notamment des exigences minimales obligatoires en matière de durabilité environnementale pour les marchés au montant supérieur aux seuils européens portant sur certaines technologies durables 190(*), exigences qui pourront relever de conditions d'exécution ou de spécifications techniques.

Le règlement prévoit également l'inclusion de conditions d'exécution relatives au domaine social et à l'emploi au sein des marchés publics, ou une obligation pour le titulaire de démontrer la conformité de ses marchés avec les exigences en matière de cybersécurité prévues par le règlement sur la cyberrésilience191(*), ou une clause spécifique imposant au titulaire de livrer les technologies dans un certain délai.

· Le règlement 2024/1781/UE établissant un cadre pour la fixation d'exigences en matière d'écoconception pour des produits durables

Publié le 28 juin 2024, ce règlement habilite la Commission européenne à fixer, par acte d'exécution, des exigences minimales visant à encourager l'acquisition de produits durables sur le plan environnemental pour les marchés publics dont le montant est supérieur aux seuils européens. Ces exigences, qui pourront prendre la forme de spécifications techniques, de critères d'attribution, de conditions ou d'objectifs d'exécution du marché seront identifiées par groupes de produits au moyen d'un acte délégué.

L'article 65 du règlement précise en outre que les critères d'attribution feront l'objet d'une pondération minimale comprise entre 15 % et 30 % dans le processus d'attribution afin « d'avoir une incidence significative sur le résultat de la procédure de passation des marchés qui favorise la sélection des produits les plus durables sur le plan environnemental ». De même, les objectifs devront concerner un pourcentage minimal de 50 % des marchés passés au niveau des pouvoirs adjudicateurs ou des entités adjudicatrices, ou à un niveau national agrégé, pour les produits les plus durables sur le plan environnemental.

*

Bien que ces dispositions demeurent suspendues à des mesures d'exécution, elles supposent une avancée notable à l'échelle européenne : d'une part, le pourcentage élevé de marchés qui devront se soumettre aux exigences créées présage d'un changement significatif de pratique pour la majorité des pouvoirs adjudicateurs et, d'autre part, la définition d'exigences précises quant au niveau de pondération des critères d'attribution pourrait entraîner de réels effets sur les prestataires retenus.

La commission d'enquête s'interroge néanmoins sur la cohérence d'ensemble de ces mesures qui, relevant de textes différents adoptés à quelques jours d'écart, auraient pu bénéficier d'une approche globale unique.

c) Des objectifs infra-législatifs déclinés au sein des plans nationaux d'action pour les achats publics durables (PNAD)

En parallèles des réformes du code de la commande publique et du droit communautaire, la France s'est dotée depuis le milieu des années 2000 d'objectifs infra-législatifs pour une commande publique verte et responsable, aux ambitions croissantes.

Sous l'impulsion d'une communication de la Commission européenne192(*) de 2003 demandant aux pays membres de s'engager dans une démarche d'achat public responsable, la France s'est dotée en effet, dès 2007 d'un plan d'action national pour les achats publics durables (PNAD) pour la période 2007-2010, feuille de route non contraignante à destination des trois fonctions publiques (État, collectivités territoriales, hôpitaux).

Ce premier plan portait l'objectif de faire de la France l'un des pays de l'Union européenne les plus engagés dans l'intégration du développement durable au sein de la commande publique. Il comportait des objectifs sectoriels liés au recours à des matières recyclées ainsi qu'une réduction de la consommation de ressources non renouvelables et de la production de déchets.

Par la suite, deux PNAD ont été adoptés pour les périodes 2015-2020 et 2022-2025 afin de guider et inciter les acteurs publics à adopter une politique d'achats durables. Alors que le deuxième PNAD (2015-2020) avait pour objectif l'inclusion d'une stipulation sociale dans 25 % des marchés passés en 2020, et d'une stipulation environnementale dans 30 % des marchés, le troisième, couvrant la période 2022-2025, a rehaussé ses attentes dans la perspective de l'entrée en vigueur de l'article 35 de la loi Climat et résilience en 2026. Il vise ainsi l'inclusion d'une considération environnementale dans la totalité des contrats de la commande publique notifiés en 2025, et d'une considération sociale dans au moins 30 % d'entre eux.

Afin d'atteindre ces objectifs ambitieux, le PNAD 2022-2025 comprend deux axes déclinés en 22 actions visant à « aider les acheteurs à s'emparer des objectifs du PNAD » et « mobiliser, animer, promouvoir et suivre le PNAD ». Ce déploiement se fait en collaboration avec les acteurs de l'État (DGEFP, DAE, DAJ des ministères économiques et financiers, DGE, DGOS), les représentants des collectivités locales, des centrales d'achat ainsi que des associations d'acheteurs. Il a récemment été élargi à de nouveaux acteurs publics et privés, afin d'assurer une mobilisation la plus large possible.

Les axes et les actions de déploiement du PNAD 2022-2025

En parallèle de ces initiatives, de multiples plans gouvernementaux193(*) et « feuilles de route »194(*), avaient vu le jour afin d'accompagner la transition vers une commande publique durable. La pluralité de ces initiatives souligne d'ailleurs l'éclatement des administrations mobilisées pour conduire cette transition, en l'absence d'un chef de file clairement désigné à ce sujet.

B. LE BILAN EN DEMI-TEINTE DES MESURES DÉJÀ MISES EN oeUVRE

1. Un bilan très contrasté de l'application des normes introduites ces dernières années en matière de commande publique responsable

L'impulsion issue de l'adoption ces dernières années de multiples dispositions contraignantes ou incitatives a indéniablement conduit la France à se positionner à l'avant-garde européenne en matière de commande publique responsable. Selon les données présentées à la commission par M. Stéphane Saussier et Mme Anne Perrot, en 2023, seuls 8 % des contrats conclus en France sont désormais attribués sur le seul critère du prix, contre une moyenne européenne de 80 %. De plus, 27 % des marchés publics, en valeur, incluent des clauses sociales, et 40 % des clauses environnementales, plaçant la France parmi les leaders européens dans ce domaine.

Pour autant, si ces nouvelles obligations ont conduit à une accélération dans le changement de pratiques des acheteurs publics, les éléments communiqués à la commission d'enquête laissent entrevoir un respect très partiel du nouveau cadre juridique.

À cet égard, la commission regrette de n'avoir pu obtenir de bilans exacts et précis de la mise en conformité des pouvoirs adjudicateurs aux nouvelles dispositions législatives, faute d'un suivi exhaustif et régulier des données de la commande publique par les administrations centrales dans l'atteinte des objectifs fixés.

À titre d'exemple, la commission n'a pu obtenir de panorama complet de l'application des normes issues de la loi Égalim, la direction générale de l'alimentation (DGAL) n'ayant pu fournir que des données issues de la télédéclaration depuis la plateforme « Ma Cantine », sur laquelle seuls 21 % des cantines de l'ensemble du territoire national ont émis leur déclaration en 2023.

Sur cet échantillon restreint, l'appropriation des mesures adoptées en matière d'achats publics semble faible : seuls 15 % des télédéclarants se conformaient en 2023 à l'obligation de proposer 50 % de produits durables et de qualité, et 30,4 % à l'obligation de servir 20 % de produits issus de l'agriculture biologique.

La DGAL indique également que les services de restauration collective des établissements gérés par l'État proposent, en moyenne, 28 % de produits durables et de qualité, dont 12 % de produits bio. Les services de restauration relevant du bloc communal atteignent de bien meilleurs résultats, en proposant en moyenne 39 % de produits durables et de qualité et 23 % de produits biologiques sur l'année 2023, tout comme les collèges, gérés par les départements, dont la part de produits biologiques est de 16 %, et de 27 % pour les produits durables et de qualité. Ces taux sont légèrement plus faibles s'agissant des services de restauration des lycées (19 % et 10 %), gérés par les régions.

Les services de restauration du secteur hospitalier observent en revanche un retard alarmant, en ne proposant, en 2023, que 4 % de produits biologiques et 14 % de produits durables et de qualité conformes aux objectifs Egalim.

Part moyenne de produits durables et de qualité proposée au sein des services de restauration collective en 2023

Source : commission d'enquête, à partir des données de la DGAL pour la France métropolitaine. Santé : hôpitaux (CHU,CHR), cliniques, établissements de soins.

Le rapport du gouvernement au Parlement présentant le bilan statistique annuel de l'application des objectifs d'approvisionnement fixés à la restauration collective indique en outre que seuls 25,6 % des télédéclarants du secteur « Administration » ont atteint les 20 % de bio ; et 9 % l'ensemble des objectifs Egalim. Ces taux tombent respectivement à 1,8 % et 0,8 % pour le secteur hospitalier. La commission regrette que les diverses données des collectivités n'aient pas été traitées plus finement par ce rapport, ne distinguant qu'une catégorie « éducation », au sein de laquelle 37,4 % des télédéclarants se conforment à l'objectif de produits biologiques et 17,3 % à l'ensemble des objectifs Egalim.

Taux d'atteinte des seuils Egalim dans chaque secteur selon les télédéclarations en France métropolitaine pour 2023

Secteurs

Objectifs bio et Egalim atteints

Objectif bio atteint

Administration

9 %

25,6 %

Éducation195(*)

17,3 %

37,4 %

Médico-social196(*)

14,8 %

24,7 %

Santé

0,8 %

1,8 %

Entreprise

10,1 %

14 %

Autres

14,5 %

27,4 %

Tous secteurs

15 %

30,4 %

Source : Rapport du Gouvernement remis au Parlement ; bilan statistique annuel de l'application des objectifs d'approvisionnement fixés à la restauration collective pour 2024.

Les données des centres régionaux des oeuvres universitaires et scolaires (CROUS) font également état d'une difficile progression vers le respect des objectifs de la loi Egalim, qui sont encore loin d'être atteints.

Conformité des achats alimentaires des centres régionaux des oeuvres universitaires et scolaires aux objectifs de la loi Egalim entre 2021 et 2025197(*)

 

Part de produits durables

Part de produits biologiques

2021

12,74 %

5,57 %

2022

13,45 %

5,90 %

2023

11,91 %

6,31 %

2024

16,13 %

8,49 %

2025198(*)

17,18 %

12,06 %

Source : réponse du centre national des oeuvres universitaires et scolaires au questionnaire de la commission d'enquête.

Enfin, dans les collectivités ultramarines, les objectifs Egalim font également état d'une faible mise en oeuvre. En effet, bien que les seuils à respecter aient fait l'objet d'adaptations199(*) pour tenir compte des difficultés propres à ces territoires (contraintes d'approvisionnement, surcoûts importants), seuls 18 % de télédéclarants se conforment aux exigences en matière de produits biologiques et 16 % atteignent les objectifs Egalim200(*).

S'agissant de la mise en oeuvre des normes instaurées au titre de l'article 58 de la loi AGEC en matière d'économie circulaire, la commission d'enquête observe également des difficultés à disposer d'une évaluation en temps réel. Il est en effet alarmant que l'évaluation la plus aboutie et récente, réalisée par le commissariat général au développement durable (CGDD) en 2023, ne prenne appui que sur une part restreinte des acheteurs concernés : alors que les dispositions de l'article 58 de la loi Agec s'appliquent à l'État, aux collectivités et leurs groupements, l'étude du CGDD se fonde sur les résultats déclarés par ces derniers auprès de l'Observatoire économique de la commande publique (OECP) au 30 juin 2022, c'est-à-dire 211 structures, dont 68 inexploitables, soit seulement 143 réponses valides.

Les échanges conduits par la commission d'enquête avec les collectivités territoriales ont d'ailleurs permis de mettre en lumière les difficultés de celles-ci à effectuer des déclarations régulières et exhaustives s'agissant de la mise en conformité aux normes environnementales. La métropole de Nantes rappelait à cet égard que « le reporting Agec constitue un exercice très chronophage pour les collectivités qui, contrairement aux entreprises privées, n'ont pas de « custom relationship management » (CRM) intégré combinant système d'information achats, approvisionnement et données financières. Il est ainsi impossible de déterminer directement la part de dépenses entrant dans les objectifs de l'article 58 de la loi Agec, les items concernés étant éparpillés dans les bordereaux de prix unitaires de nombreux marchés et les dépenses afférentes « noyées » dans des mandats plus globaux »201(*). 

Parmi les 143 acheteurs pour lesquels le CGDD disposait d'une déclaration d'achats, une minorité seulement avait atteint, en 2022, les objectifs fixés par l'article 58 :

- 7 % des acheteurs déclarants respectent les minima imposés en matière d'achats de vêtements ;

- 8 % respectent les minima imposés en matière d'achats de bicyclettes ;

- 11 % respectent les minima imposés en matière d'achats de matériel informatique ;

- 27 % respectent les minima imposés en matière d'achats de fournitures de bureau ;

- 42 % respectent les minima imposés en matière d'achats de véhicules ;

Étant rappelé que ces résultats ne concernent que 143 acheteurs, très probablement parmi les plus volontaires, de tels résultats ne peuvent qu'apparaître comme très mitigés.

À ce titre, il est intéressant de noter que la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable du Sénat202(*) a très récemment déploré l'impossibilité d'obtenir des chiffres consolidés et représentatifs concernant la mise en oeuvre de l'article 58 de la loi Agec et fait le constat plus général que la politique d'économie circulaire manquait d'une « boussole »203(*), faute de coordination interministérielle efficace. Cette situation, similaire à celle découverte par la commission d'enquête à propos de la commande publique (cf. supra), appelle selon nos collègues la même réponse : l'élaboration « au plus haut niveau »204(*) d'une stratégie industrielle, par un service rattaché au Premier ministre, qui s'imposerait à l'ensemble des ministères. La commission d'enquête aurait évidemment pu faire sienne cette recommandation.

Enfin, si les objectifs de la loi Climat et résilience n'entreront en vigueur, pour une majorité des acheteurs publics, qu'à compter du 22 août 2026, la possibilité d'une application réelle de telles exigences d'ici un an apparaît comme un défi de taille au regard du niveau actuel d'appropriation de ces objectifs par les acheteurs.

En effet, selon les données remontées à l'OECP, en 2023, 30,9 % des contrats dont le montant est supérieur à 90 000 euros HT conclus par l'État et le secteur hospitalier incluaient une clause environnementale (27,2 % en montant des marchés), 20,1 % des marchés des collectivités territoriales (27,9 % en montant) et 54,4 % des contrats du reste des acheteurs publics205(*) (68,9 % en montant, soit un total de 29,1 % des contrats publics).

Les données transmises par la DAJ concernant la part de marchés supérieurs à 25 000 euros HT incluant une clause environnementale font état de résultats légèrement différents, puisque 27 % des marchés conclus par l'État et le secteur hospitalier disposent d'une clause environnementale en 2023 (contre 14 % en 2020), 28 % des marchés des collectivités territoriales (contre 18 % en 2020) et 69 % des marchés des établissements publics et des opérateurs, soit 40 % de l'ensemble des marchés supérieurs à 25 000 euros HT.

Les données de la DAE s'agissant des seuls marchés de l'État font toutefois état d'une réelle progression dans l'inclusion de considérations environnementales et sociales ces dernières années, avec plus de 70 % de marchés présentant une considération environnementale en 2024, contre 21 % deux ans auparavant.

Tableau : Indicateurs de performance relatifs à l'achat responsable sur la période 2020-2024

 

Services de l'État

2020

2021

2022

2023

2024206(*)

Part des marchés avec considération environnementale

18,1 %

20,4 %

21,2 %

54,7 %

71,6 %

Part des marchés avec considération sociale

6,1 %

6,1 %

7,7 %

24,7 %

41,2 %

Source : données de la DAE.

Devant ces données, la commission d'enquête note néanmoins des disparités entre les données transmises par la DAJ, la DAE, ainsi que les données disponibles en source ouverte sur le site de l'OECP, disparités qui témoignent de l'absence de remontées d'informations complètes et standardisées pour l'ensemble des marchés publics, ne permettant pas de disposer d'un réel état des lieux de l'application de telles mesures, à un an ans de l'entrée en vigueur des dispositions issues de l'article 35 de la loi Climat et résilience.

S'agissant des clauses sociales, elles sont, selon le recensement de l'OECP, présentes dans 13,2 % des contrats conclus par l'État et le secteur hospitalier en 2023 (12,3 % en montant des marchés), 12,7 % des contrats des collectivités territoriales (22,5 % en montant) 39,5 % des contrats du reste des acheteurs publics (49,7 % en montant), soit un total de 18,7 % des contrats publics.

La progression marquée de l'inclusion de considérations sociales et environnementales au sein des marchés publics depuis 2023 s'observe également dans le bilan de mise en oeuvre du PNAD, qui prévoit l'inclusion de considération environnementale dans tous les marchés d'ici 2025 et de considération sociale dans au moins 30 % des contrats de la commande publique.

L'atteinte des objectifs fixés par le PNAD en matière de considérations environnementales dans les achats entre 2020 et 2025

Source : OCDE, juin 2025, Promouvoir les marchés publics stratégiques et écologiques en France.

*

La transition de la commande publique vers des pratiques plus durables et responsables semble ainsi actuellement au milieu du gué : si l'adoption de nombreuses normes, dont le non-respect n'engendre aucune sanction, a effectivement permis une prise de conscience des acheteurs et une impulsion décisive pour le changement des pratiques, les bilans très partiels de la mise en conformité avec l'ensemble des obligations nouvelles interrogent en creux la capacité concrète des acheteurs - les petits comme les plus substantiels - à faire évoluer leurs achats de manière significative dans un laps de temps restreint tout comme la volonté politique de l'État à accompagner l'ensemble des pouvoirs adjudicateurs dans cette transition.

Convaincue du bien-fondé de la démarche d'amélioration de la soutenabilité et de responsabilisation des achats publics, la commission d'enquête a toutefois abouti à des conclusions sévères quant au processus de mise en oeuvre de celle-ci. Elle a ainsi constaté :

- un pilotage par la donnée trop peu développé ayant conduit à la définition de normes sans visibilité sur les pratiques initiales des acheteurs ;

- un défaut d'accompagnement par l'État des plus petits acheteurs générant une appropriation très disparate du nouveau cadre juridique ;

- en conséquence, l'impréparation de nombreux acheteurs à l'entrée en vigueur de la loi Climat et résilience en 2026, de laquelle découle un risque de voir apparaître des mesures d'ordre cosmétique.

2. L'élaboration de la norme à l'aveugle, facteur de retard des acheteurs dans l'appropriation des obligations nouvelles

La commission s'est premièrement intéressée à la manière dont la transition écologique et sociale de la commande publique avait été initiée. À cet égard, il lui est apparu assez clairement que l'élaboration de nouveaux impératifs juridiques au sein des marchés relevait certes d'une initiative nécessaire et de bon sens, mais que celle-ci s'était opérée sans égard pour les pratiques initiales des acheteurs qui allaient pourtant devoir faire l'objet de fortes évolutions.

Il convient tout d'abord de rappeler l'état lacunaire des données dont disposaient le Gouvernement et la représentation nationale entre les années 2016 et 2022, durant lesquelles le cadre juridique des achats publics a été fortement remanié.

Si, en vertu de l'article R. 2196-4 du code de la commande publique, l'Observatoire économique de la commande publique (OECP) effectue chaque année un recensement économique des contrats de la commande publique, celui-ci était jusqu'à très récemment ostensiblement incomplet. Jusqu'au recensement des données pour 2024 (cf. infra), le recueil de données de l'OECP ne reposait en effet que sur une partie des marchés publics (supérieurs à un montant de 90 000 euros HT) et n'incluait que très faiblement des indicateurs en lien avec le développement durable ou les considérations sociales. À compter du 1er janvier 2024, la publication des données essentielles de la commande publique doit désormais intervenir en données ouvertes sur le portail national data.gouv.fr dès 25 000 euros HT, le nombre de contrats référencés devrait ainsi sensiblement augmenter207(*).

Conséquence de ce manque de visibilité criant sur les données des contrats publics, le législateur a édicté des normes nouvelles sans être en mesure de tenir compte des pratiques initiales des acheteurs (l'équivalent d'un T0) ni d'engager un processus de concertation préalable ou de recensement des bonnes pratiques des collectivités, prenant ainsi le risque de leur imposer des changements importants, voire irréalistes.

L'élaboration des exigences nouvelles en matière d'acquisition d'aliments durables et de qualité au sein de la loi Egalim illustre notamment ce processus puisque l'étude d'impact du Gouvernement ne s'appuyait pas sur un état des lieux détaillé du recours à l'agriculture biologique au sein des services de restauration collective, se limitant tout juste à préciser que la part de produits bio dans la restauration collective s'élevait « environ à 2,9 % » - sans pouvoir préciser cette donnée pour les seuls services publics de restauration. Interrogée par la commission d'enquête à ce propos, la DGAL a confirmé208(*) que les premiers chiffres collectés à ce sujet datent de 2019, soit un an après l'adoption de la loi. En d'autres termes, aucune donnée sur le recours à des produits durables ou issus de l'agriculture biologique en restauration collective publique, que ce soit en fonction des catégories de collectivités ou du type d'acheteur, n'était disponible lors de l'examen au Parlement de ces dispositions.

Sans préjudice de sa conviction du bien-fondé de l'adoption de normes visant à la transition alimentaire durable et responsable, la commission d'enquête estime néanmoins que la définition d'un cadre normatif aussi exigeant que celui de la loi Egalim n'aurait pas dû reposer sur un bilan aussi approximatif. Elle juge dès lors que si les difficultés constatées aujourd'hui dans la mise en oeuvre de ces dispositifs révèlent un regrettable manque de volonté politique de l'État dans l'accompagnement des pouvoirs adjudicateurs, elles sont également les conséquences logiques et prévisibles d'une norme édictée en l'absence d'un pilotage robuste par la donnée.

De plus, la connaissance fine de la composition des achats des différents acheteurs en amont de l'édiction de la norme aurait éventuellement pu conduire à un ajustement de celle-ci, en préconisant des seuils ou des dates d'entrée en vigueur différenciées afin de permettre à chaque catégorie d'acheteurs d'être en mesure d'atteindre les objectifs fixés et de se les approprier.

Le même constat peut s'appliquer à l'élaboration de la loi Climat et résilience. L'étude d'impact de celle-ci reconnaissait alors, à demi-mot, que les objectifs en matière de recours à des clauses sociales et environnementales étaient loin d'être atteints, en spécifiant que « le plan national d'action pour les achats publics durables pour la période 2014-2020 avait notamment fixé un objectif ambitieux de 30 % des marchés publics intégrant une clause environnementale, or en 2018 (...) seulement 18 % des marchés publics recensés contiennent une clause environnementale ». Il convient de rappeler que ce taux de 18 % est à relativiser au vu des défaillances que présentait à l'époque le recensement effectué par l'OECP. Au demeurant, la commission d'enquête, si elle comprend la portée incitative des obligations nouvelles instaurées par la loi Climat et résilience, s'interroge néanmoins sur la faisabilité d'un tel changement de pratiques pour l'ensemble des acheteurs publics alors même que l'échantillon restreint et non représentatif étudié en 2018 laissait craindre un coût d'adaptation élevé pour l'ensemble des pouvoirs adjudicateurs, et a fortiori les petites collectivités.

Toutefois, la commission d'enquête ne souhaite nullement remettre en cause la nécessité de se doter d'une législation ambitieuse afin de susciter un effet levier dans l'économie française pour accélérer la transition sociale et environnementale. Elle est en revanche convaincue qu'une telle transition doit à tout le moins aller de pair avec un important travail d'accompagnement des acheteurs dans la mise en conformité avec ces obligations nouvelles.

3. Faute d'un accompagnement suffisant de la part de l'État, une application en demi-teinte du nouveau cadre juridique de la commande publique responsable

La commission d'enquête a en effet relevé que les disparités dans l'application des nouvelles normes environnementales et sociales pouvaient pour partie être attribuées à la sous-estimation des difficultés rencontrées par les acheteurs face aux changements de pratique demandés ainsi que, en conséquence, de lacunes dans l'accompagnement proposé par l'État face à l'évolution du cadre juridique.

Ces difficultés, s'agissant de l'article 58 de la loi Agec, sont, au regard des éléments communiqués à la commission d'enquête, de plusieurs natures : la nécessité de recourir à des matériaux recyclés ou issus du réemploi a pu susciter de la méfiance chez les acheteurs quant au niveau de sécurité et de qualité de ces produits, tandis que la faible connaissance des écosystèmes de l'économie circulaire a également inquiété certains acteurs vis-à-vis de leur capacité à se conformer aux nouvelles exigences ; exigences qui, de surcroit, étaient peu claires pour eux.

Face à ces inquiétudes, la commission d'enquête estime que l'État n'a pas pleinement joué son rôle d'accompagnateur. En effet, le décret d'application du texte209(*), présentant les diverses catégories de produits soumises aux obligations prévues, paru plus d'un an après l'adoption de la loi, a pu, du fait de son faible niveau de détail, susciter plus d'interrogations que de réponses quant au périmètre de la loi et aux moyens de s'y conformer.

Si, dans son rapport d'évaluation de l'application de l'article 58 réalisé en 2023, le CGDD rappelle les dispositifs d'accompagnement mis en place par l'État (note explicative de la DAJ, webinaire, page ressource, ateliers), il constate néanmoins que « l'accompagnement devra être renforcé pour lever les blocages identifiés »210(*), notamment face à la complexité et l'illisibilité du décret d'application. Le Commissariat note ainsi que « la mauvaise compréhension des aspects techniques du décret [...] a été décrite comme ayant freiné l'appropriation du dispositif par les acheteurs » et concluait que, « compte tenu des multiples questionnements remontés sur cette question, il s'avère que cette présentation, faute d'être intuitive et bien comprise, mérite d'être modifiée ».

Devant ce bilan sévère, il est étonnant de constater qu'il aura fallu près de trois ans au Gouvernement pour publier un nouveau décret. Abrogeant le précédent, le décret n° 2024-134 du 21 février 2024 relatif à l'obligation d'acquisition par la commande publique de biens issus du réemploi ou de la réutilisation ou intégrant des matières recyclées et à l'interdiction d'acquisition par l'État de produits en plastique à usage unique détermine finalement de manière plus précise les règles relatives aux modalités d'acquisition des biens issus du réemploi ou intégrant des matières recyclées, et décline la part minimale d'acquisition en fonction du type de produits ainsi qu'un échéancier de mise en oeuvre, permettant enfin aux acheteurs une meilleure compréhension du cadre juridique auquel ils doivent se soumettre.

L'AMF souligne néanmoins des difficultés persistantes vis-à-vis de l'article 58 de la loi Agec, particulièrement quant aux obligations de déclaration des acquisitions issues de dons, dont les modalités sont qualifiées d'« usine à gaz »211(*). Il est en effet demandé aux collectivités d'estimer la valeur de ces dons sur la base d'un barème prévu par un arrêté du 29 février 2024 et d'un arrêté en date du 13 janvier 2025 fixant une grille de valeur forfaitaire permettant la comptabilisation des dons acquis, jugés peu clairs. Ce constat est partagé par l'association France urbaine qui précise que « le reporting Agec constitue un exercice très chronophage pour les collectivités »212(*).

Il ne fait ainsi nul doute que le manque d'anticipation de l'État dans la définition de la norme et l'accompagnement des pouvoirs adjudicateurs sont des causes directes de la lente appropriation de ces enjeux par ces derniers. Sans doute trop tardivement, l'État semble néanmoins avoir pris conscience de la nécessité d'assister les collectivités dans la mise en oeuvre de la loi Agec. Le CGDD a ainsi présenté à la commission d'enquête le dispositif « La Réf » répertoriant, par type d'acheteurs et segments d'achat, l'ensemble des obligations issues de la loi Agec, ainsi que le marché de l'inclusion, outil en open data référençant les structures de l'insertion et du handicap existantes à l'échelle de chaque territoire. La commission d'enquête a également observé la qualité des dispositifs d'accompagnement proposés par les réseaux régionaux, tels que « La Clause Verte ».

Un bilan similaire se dégage de la mise en oeuvre de la loi Égalim. Les difficultés rencontrées par les collectivités, premières concernées par les nouvelles obligations, sont multiples, le recours à des produits durables et de qualité supposant :

- la formation des acheteurs aux enjeux de sourcing et à l'adaptation des procédures de manière à les rendre plus accessibles aux producteurs locaux ;

- une anticipation des surcoûts induits par la transition vers une alimentation durable, qui s'élèvent en moyenne à 10 % à 20 %213(*) - surcoûts pouvant être compensés par la lutte contre le gaspillage alimentaire et le recours au « fait maison » ;

- une adaptation de la ressource humaine, des locaux et des équipements de cuisine, insuffisamment pensés pour la production de menus avec des composantes « faites maison » ;

- l'accompagnement des responsables des services de restauration - notamment les établissements scolaires - du fait de leur statut autonome. Départements de France note à cet égard que les secrétaires généraux des collèges semblent peu sensibilisés à la nécessité de se conformer à la loi Égalim par le ministère de l'Éducation nationale214(*) ;

- la gestion des difficultés d'approvisionnement, qui sont, selon l'AMF, en augmentation ces dernières années215(*) ;

- un travail lourd pour le développement de plateformes territorialisées et mutualisées efficaces et visibles afin de faciliter les commandes de produits locaux prêts à l'emploi.

Ces enjeux ont visiblement entraîné des difficultés plus ou moins importantes au regard des disparités dans l'atteinte des objectifs fixés dans la loi.

Comme indiqué précédemment, seuls 9 % des services de restauration de l'administration, 17,3 % des services du secteur de l'éducation, 14,3 % de ceux du secteur médico-social et 0,8 % de ceux du secteur hospitalier se conformaient, en 2023, aux objectifs de la loi Egalim.

Si, pour ces deux derniers secteurs, un groupe de travail spécifique a été ouvert avec la DGAL, de tels résultats ne peuvent dans l'ensemble être jugés satisfaisants. La commission d'enquête rappelle que les obstacles au respect de la loi relèvent avant tout de la rigidité du cadre juridique européen interdisant l'introduction de clauses favorisant le recours à des fournisseurs locaux, au sujet duquel elle porte des recommandations, développées dans la troisième partie du rapport. Néanmoins, elle considère que la lente évolution des pratiques des services de restauration s'explique également par un déficit indéniable d'accompagnement de l'État face à des objectifs qu'il a lui-même fixés. Elle appelle à cet égard à la poursuite et au renforcement des mesures d'aide aux acheteurs publics rencontrant des difficultés dans le changement des pratiques alimentaires, mais également à une vigilance accrue vis-à-vis des baisses de moyens transférés aux collectivités qui, année après année, réduisent leurs marges de manoeuvre dans le pilotage de leurs achats.

Par ailleurs, outre l'enjeu des moyens, le pilotage de la restauration scolaire se heurte à l'articulation parfois complexe des compétences entre les collectivités territoriales et l'État. En effet, si les collectivités sont prescriptrices du fonctionnement des services de restauration collective des établissements publics locaux d'enseignement (EPLE) et assurent leur financement, les adjoints au chef d'établissement chargés de la gestion matérielle, financière et administrative, agents de l'Éducation nationale, ont conservé la maîtrise des recettes et des dépenses de certaines sections du budget des établissements scolaires, notamment de celle relative au service de restauration.

Bien que l'article 145 de la loi dite 3DS216(*) ait consacré une forme d'autorité fonctionnelle des collectivités sur les adjoints gestionnaires des EPLE, cette solution reste insatisfaisante. L'effet concret d'une telle mesure est à relativiser aux dires des collectivités entendues et plaide en faveur du transfert de ces agents du ministère de l'Éducation nationale aux collectivités, afin de créer une réelle autorité hiérarchique, plus concrète et efficace, sur ces gestionnaires.

Recommandation n° 8. - Transférer les adjoints gestionnaires des établissements publics locaux d'enseignement aux collectivités de tutelle de ces derniers, afin d'assurer un pilotage plus cohérent de leurs services de restauration scolaire.

Pour les services de restauration collective de l'État, dont les moyens et de leviers d'action sont plus importants que les services relevant des collectivités territoriales ou du secteur hospitalier, il est impératif que, dans un délai d'un an, ils se soient conformés entièrement aux prescriptions de la loi Egalim.

Recommandation n° 9. - Exiger de l'État et de ses opérateurs le respect, dans un délai d'un an, des prescriptions de la loi Egalim en matière de restauration collective.

Les collectivités entendues au cours des travaux regrettent par ailleurs que l'État ne simplifie pas le système de télédéclaration mis en place pour assurer le suivi de la loi Egalim. Lourdes pour les acteurs de terrain, les procédures de télédéclaration font l'objet de publications peu exploitables. France urbaine et Départements de France rappellent sur ce point que les données du logiciel « Ma cantine » sont difficilement utilisables pour elles puisqu'elles ne permettent pas d'extraire des résultats par strate de collectivités, ce qui rend impossible un accompagnement ciblé des acheteurs en difficulté.

Alertés par la commission d'enquête à ce sujet, les services de la direction générale de l'alimentation du ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire ont indiqué avoir « entrepris des démarches de simplification »217(*).

Outre un accompagnement encore perfectible, la commission d'enquête a déploré que l'État soit, en matière de commande publique responsable, en retard vis-à-vis des collectivités qui, pour leur part, s'investissent fortement pour porter cette transition.

À titre d'exemple, alors que 81 départements se sont d'ores et déjà dotés d'un Spaser, à la suite de l'entrée en vigueur de la loi Industrie verte abaissant le seuil du volume d'achats rendant obligatoire la réalisation d'un tel document218(*), l'État ne l'a toujours pas publié au moment de la présentation des conclusions de la commission d'enquête. Annoncé pour l'année 2024, puis retardé à la suite de la censure du gouvernement Barnier en décembre de cette même année, il importe que ce document, dans le cadre duquel l'État doit se montrer exemplaire, soit publié dans les meilleurs délais. Malgré l'intérêt marqué par la commission d'enquête pour ce sujet, aucun projet ou document préparatoire ne lui a été communiqué.

Recommandation n° 10Assurer dans les plus brefs délais la mise en conformité de l'État avec ses obligations légales en le dotant d'un schéma de promotion des achats publics socialement et écologiquement responsables (Spaser), applicable à l'ensemble de ses opérateurs.

C. RÉUSSIR L'ANCRAGE ENVIRONNEMENTAL DE LA COMMANDE PUBLIQUE : LE DÉFI DE LA LOI CLIMAT ET RÉSILIENCE

Le bilan en demi-teinte des mesures environnementales déjà entrées en vigueur met en lumière le défi que représente le respect des mesures prévues par l'article 35 de la loi Climat et résilience, auxquelles l'ensemble des pouvoirs adjudicateurs devront se conformer à compter du 22 août 2026. Comme évoqué ci-avant, à cette date, l'ensemble des marchés publics, quel que soit leur montant, devra comporter une clause d'exécution environnementale et un critère d'attribution autre que le seul critère du prix prenant en compte les caractéristiques environnementales de l'offre. La présence d'une considération sociale sera également requise pour les marchés dont le montant excède les seuils européens.

Les travaux de la commission d'enquête ont ainsi permis de souligner l'impréparation globale des acheteurs publics à une telle évolution du cadre juridique, faute d'un accompagnement à la hauteur des enjeux. Tout en saluant la mise en place de plusieurs dispositifs visant à mieux accompagner les acheteurs publics vers l'intégration de considérations environnementales et sociales, la commission d'enquête s'inquiète du risque que la pluralité des acteurs mobilisés ainsi que la variété de dispositifs brouillent le message à destination des plus petites structures. De la même manière, elle redoute que cet accompagnement lacunaire à l'entrée en vigueur de normes si ambitieuses n'aboutisse à des mesures à la portée restreinte.

1. Assurer la clarté et l'exhaustivité des dispositifs d'accompagnement des acheteurs publics

Le PNAD 2022-2025, qui affiche l'objectif de l'intégration d'une clause environnementale dans tous les marchés publics de l'État à compter de 2025, porte une variété de dispositifs visant à accompagner les acheteurs dans cette démarche, animés par différents acteurs de la commande publique responsable.

En effet, comme souligné par l'OCDE dans un rapport sur la promotion des marchés publics stratégiques et responsables219(*), une multitude croissante d'acteurs sont mobilisés au service des marchés publics environnementaux, conduisant à un éparpillement et une désarticulation regrettable des dispositifs d'accompagnement à la gestion de la commande publique responsable.

Le cadre institutionnel pour les politiques publiques des marchés publics environnementaux en France

Source : OCDE, Promouvoir les marchés publics stratégiques et écologiques en France, juin 2025.

Ainsi, diverses plateformes d'échanges de bonnes pratiques ont été mises en place afin d'encourager un dialogue constructif entre les acheteurs :

- la plateforme Rapidd220(*), créée en 2016, pilotée par le CGDD, la DAE et le DGEFP, permet à ses 5 700 utilisateurs, investis dans l'achat public durable, d'échanger et de partager des problématiques récurrentes rencontrées pour le verdissement des achats ainsi que les solutions apportées. Le PNAD 2022-2025 affiche l'objectif de faire évoluer la plateforme afin que celle-ci soit dotée d'un clausier type selon les contributions des acheteurs publics.

- le réseau social professionnel des achats de l'État (RESPAE) permet également aux acheteurs de tous les ministères et de leurs établissements publics d'échanger sur leurs projets et leurs bonnes pratiques ;

- le marché de l'inclusion, outil numérique développé par une start-up d'État, met en relation des acheteurs et des fournisseurs inclusifs (cf. supra) ;

- la plateforme Osmose constitue en outre un espace d'échange et de partage pour les acheteurs publics de l'État afin de partager de la documentation, des outils de mise en oeuvre, des bonnes pratiques et des retours d'expériences autour des achats responsables.

En outre, plusieurs outils numériques ont été constitués afin d'accompagner les acheteurs publics dans l'intégration de clauses sociales et environnementales dans leurs marchés. La Réf, portée par des réseaux régionaux de la commande publique et soutenue par le PNAD, offre par exemple un panorama des obligations par secteur d'activité et une typologie des structures acheteuses, tandis que « La Clause Verte », lancée en 2020 sous le pilotage du réseau régional CD2E (centre de déploiement de la transition écologique dans les entreprises et les territoires) des Hauts-de-France, met à disposition des acheteurs un clausier environnemental et social en libre accès. Dans le même esprit, la page Internet « achats publics durables et d'innovation » créée par la DAJ en 2024 propose des ressources documentaires avec des outils spécifiques pour l'accompagnement des acheteurs publics (tableau d'aide à la définition d'un achat durable, nomenclature sectorielle pour piloter ses achats par la donnée, indicateurs mobilisables dans l'achat durable), ainsi qu'un clausier « général » ayant pour objectif d'intégrer des clauses environnementales et sociales dans les contrats de la commande publique. Le kit de formation « achats publics durables », réalisé par l'Ademe, l'association Nouvelle-Aquitaine des Achats publics responsables (3AR) et RESECO, est un autre outil de sensibilisation et de formation aux achats inclusifs composé de MOOCS, de tutoriels et permet le partage de bonnes pratiques.

Les réseaux régionaux, disposant d'une connaissance fine du territoire, animent en outre des guichets verts, services de conseil environnemental gratuit à destination des acheteurs publics pour l'intégration de considérations environnementales dans leurs marchés.

Les réseaux régionaux : pierre angulaire de la transition écologique et sociale des marchés publics à l'échelle locale

Depuis les années 2000, les collectivités territoriales ont cherché à fédérer les acheteurs engagés dans la commande publique durable en constituant des réseaux d'animation sur le territoire. Le rôle d'un réseau est d'accompagner les acheteurs dans la prise en compte du développement durable dans les marchés publics et permettre la mutualisation des connaissances et l'essor de bonnes pratiques.

Afin de faciliter les synergies entre les différentes initiatives territoriales et d'engager des actions collectives, ces réseaux se sont ensuite organisés en un inter-réseaux « Commande publique et développement durable », qui est animé depuis 2012 par le Commissariat général au développement durable.

Le PNAD 2022-2025 prévoit l'implication des réseaux pour des actions de formation et d'accompagnement des acheteurs.

Source : Commissariat général au développement durable.

Plusieurs modules de formation existent également pour les achats durables. La DAJ apporte ainsi son appui sur le contenu de certaines formations, notamment la fresque des achats responsables à destination des élus locaux et des acheteurs afin de s'approprier les enjeux du développement durable, ou encore sur le module e-learning relatif au Spaser réalisé par le CNFPT.

Si la commission d'enquête salue la prise de conscience des administrations s'agissant du besoin d'outils et de formation des acheteurs publics au vu de la proximité de l'échéance de l'entrée en vigueur de la loi Climat et résilience, elle regrette la dispersion globale de ces dispositifs et l'absence de désignation d'une administration « chef de file » qui les coordonnerait.

Dans son rapport portant uniquement sur la transition écologique et sociale des achats publics de l'État, la Cour des comptes partageait déjà ce constat en notant que « cette diversité de sources peut compliquer la recherche d'informations »221(*).

La commission d'enquête, devant le constat du fort besoin d'accompagnement de l'ensemble des collectivités, notamment les plus petites d'entre elles, vers des marchés publics durables, appelle à la désignation d'une administration pilote chargée de coordonner l'action de l'ensemble des acteurs mobilisés sur ces sujets, afin d'assurer la cohérence et le caractère opérationnel des dispositifs d'aide à la transition des politiques d'achat public.

Recommandation n° 11. - Dans le cadre du nouveau pilotage interministériel de la commande publique, mieux coordonner, autour d'un chef de file désigné par le Premier ministre, les actions de la DAJ, la DAE, du CGDD, de l'Ademe et des réseaux locaux dans l'élaboration d'outils et de formation d'aide à la transition des politiques d'achat public locales vers des achats durables, afin de garantir la cohérence et la pertinence de ceux-ci.

Enfin, l'élaboration très tardive et incomplète de l'outil devant permettre l'analyse en cycle de vie des produits est jugée fortement regrettable par la commission d'enquête.

De fait, la complexité que suppose l'intégration de considérations sociales et environnementales au sein des marchés nécessite une montée en compétence rapide des acheteurs publics, souvent peu formés aux enjeux des marchés publics responsables. Or ces derniers se heurtent aujourd'hui à des difficultés techniques que des outils opérationnels pourraient venir alléger. Les acteurs économiques et les responsables des achats publics rencontrés au cours des travaux de la commission d'enquête ont d'ailleurs unanimement souligné le besoin de disposer d'instruments fiables afin de pouvoir évaluer précisément les caractéristiques environnementales des produits et des services acquis, et de prendre en compte le coût global du cycle de vie de ces derniers.

Ce constat est partagé par l'OCDE qui, dans son rapport sur la promotion des marchés publics stratégiques et responsables222(*), explique le retard des acheteurs publics dans l'inclusion de considérations environnementales par un manque d'outils pratiques d'évaluation des offres sous l'angle environnemental.

Pour ce faire, l'article 36 de la loi Climat et résilience prévoyait la mise à disposition des pouvoirs adjudicateurs « au plus tard le 1er janvier 2025 » d'outils opérationnels de définition et d'analyse du coût du cycle de vie des biens pour les principaux segments d'achat, afin de permettre l'élaboration de critère de choix au sein des marchés publics tenant compte du coût global des biens, c'est-à-dire intégrant les coûts environnementaux liés à l'acquisition, l'utilisation, la maintenance et la fin de vie des biens ainsi que, le cas échéant, les coûts externes supportés par l'ensemble de la société, tels que la pollution atmosphérique, les émissions de gaz à effet de serre, la perte de biodiversité ou la déforestation. En application de cet article, le dispositif conçu par l'Ademe et le ministère de la transition écologique, intitulé Écobalyse, vise à estimer rapidement les impacts environnementaux d'un produit sur la base de quelques critères : sa masse, sa composition, ou son lieu de confection.

Toutefois, cet instrument mis à la disposition des acheteurs publics demeure très imparfait, près de quatre ans après l'adoption de la loi Climat et résilience. De fait, à la date de la présentation par la commission d'enquête des conclusions de ses travaux, soit plusieurs mois après l'échéance fixée par l'article 36, l'outil Écobalyse ne couvre que deux types de biens : le textile et l'alimentaire, alors que les acheteurs doivent désormais se préparer à l'entrée en vigueur de l'article 35 de cette même loi qui impose une généralisation des pratiques responsables à l'ensemble des marchés publics.

La commission d'enquête appelle dès lors à une montée en puissance rapide des dispositifs d'accompagnement des acheteurs publics vers le respect des exigences de la loi Climat et résilience, sans lesquels ces derniers ne seront pas en mesure de se conformer au droit et de garantir la sécurité juridique de leur contrat lors de l'entrée en vigueur de son article 35, dans quelques mois.

Recommandation n° 12. - Mettre enfin à disposition des acheteurs publics, au plus tard le 1er janvier 2026, des outils d'analyse du coût du cycle de vie des biens des principaux segments d'achat, comme l'imposait l'article 36 de la loi Climat et résilience au 1er janvier 2025.

2. Garantir l'efficacité de l'inclusion de considérations environnementales et sociales au sein des marchés publics 

La commission d'enquête rappelle également que l'impréparation globale des acheteurs publics à l'entrée en vigueur de ces dispositions risque de conduire à l'adoption à la hâte de clauses et de critères d'attribution environnementaux, afin de garantir la validité juridique de leurs marchés, sans que ces nouvelles considérations aient une véritable portée qualitative, faute d'avoir été bien conçues.

De fait, les travaux de la commission d'enquête ont permis de mettre en lumière les réticences qu'ont aujourd'hui certains pouvoirs adjudicateurs à intégrer des clauses et critères environnementaux dans leurs marchés par crainte de contentieux juridique. L'entrée en vigueur de la loi Climat et résilience va conduire à un renversement de ce phénomène, et contraindre des acheteurs peu aguerris à changer rapidement leurs pratiques pour se prémunir de tout recours de la part de soumissionnaires évincés en l'absence de clauses environnementales.

Le changement de doctrine a ainsi pu produire, pour certains acheteurs, des doutes certains sur la portée des nouvelles normes. Comme l'a rappelé Me Guillaume Delarue222(*), avocat au barreau de Paris, « à ce jour, il y a effectivement un flou et, je pense, une impréparation des acheteurs publics comme des entreprises. Jusqu'en 2026, les acheteurs publics doivent déterminer la nature et l'étendue de leurs besoins à satisfaire, avant le lancement de la consultation, en prenant en compte des objectifs de développement durable dans leurs dimensions économique, sociale et environnementale - or le juge estimait que cette prise en compte du développement durable n'avait pas à se retrouver dans les critères223(*). Avec le décret n° 2022-767 du 2 mai 2022, les critères doivent désormais obligatoirement comprendre soit le coût du cycle de vie d'un produit en cas de critère unique, soit au moins un critère prenant en compte les caractéristiques environnementales de l'offre, en plus du produit ou du coût. La définition de ces critères comporte néanmoins une dose de risque : il a ainsi été jugé [en 2013] que la prise en compte de la politique sociale de l'entreprise, notamment la formation des personnels et les exigences en matière de sécurité, est trop éloignée de l'objet du marché224(*). Le sous-critère relatif à l'impact environnemental, qui consiste seulement dans la remise d'un bilan carbone sans en préciser le contenu ni en définir les modalités d'appréciation, est également irrégulier, car imprécis225(*) ». Il ne fait dès lors nul doute que l'entrée en vigueur de la loi Climat et résilience supposera de fortes évolutions de la jurisprudence et, dans ce laps de temps, d'éventuelles incertitudes juridiques pour les acheteurs publics.

Outre les craintes juridiques soulevées par l'évolution de la norme, les acheteurs disent également redouter la charge administrative forte que supposera la prise en compte de ces nouvelles exigences. M. Hervé Fournier, conseiller municipal de Nantes, co-président du forum de l'achat public durable de l'association France urbaine, rappelait ainsi que cette obligation nouvelle supposera, pour les collectivités « de regarder chaque segment de marché, dès lors qu'il s'agit d'imposer un critère zéro plastique ou zéro perturbateur endocrinien, ou d'autres clauses de ce type », et d'ajouter « nous avons identifié 80 sujets environnementaux qui pourraient être pris en compte dans le cadre de notre commande publique et de nos marchés, il faudrait seize mois de travail chacun pour les intégrer dans nos marchés. Imaginez le temps et le nombre d'agents que cela représenterait ! »226(*).

Or, les constats formulés par la Cour des comptes dans son rapport réalisé en 2024 au sujet des achats durables de l'État tendent à montrer que, pour les plus gros acheteurs, l'introduction de critères et de clauses environnementales est déjà un exercice difficile, aux résultats limités227(*). En effet, la Cour a étudié le recours aux clauses et critères environnementaux de la DAE et de l'Ugap, deux acheteurs publics de premier plan, en procédant à une analyse qualitative de leurs marchés pour déterminer la proportion effective d'utilisation des différents outils juridiques à disposition de l'acheteur public ainsi que leur effectivité. Elle conclut que l'utilisation des critères environnementaux d'attribution est très répandue dans les marchés de l'Ugap, mais se révèle en pratique peu discriminante - et donc peu efficace - faute d'une pondération suffisante pour avoir un réel impact sur le produit finalement retenu. Les clauses environnementales intégrées ont pour leur part été décrites comme étant « de qualité variable », dont certaines « purement cosmétiques ».

Sur la base de cette étude, la Cour indique que, « même pour deux acheteurs centraux et très professionnalisés, l'obligation établie par la loi « Climat et résilience » que tous les marchés attribués à partir d'août 2026 contiennent un critère et une clause sur les aspects environnementaux représente une marche très haute à franchir » et alerte en conséquence sur le fait que ces difficultés « laissent à penser que les acheteurs peuvent parfois être tentés d'insérer des critères ou des clauses sans réelle portée ».

Dès lors, le manque d'anticipation des pouvoirs adjudicateurs de taille plus réduite, la faible professionnalisation de certains, ainsi que les interrogations quant aux risques juridiques que peuvent constituer le recours à ces nouveaux outils laissent nécessairement présager, à tout le moins pendant quelques années, une qualité des clauses environnementales moindre que celle -déjà très mitigée - observée par la Cour des comptes chez des acteurs à la pointe tels que l'Ugap et la DAE.

De la même manière, la Cour des comptes fait état « d'un poids limité des achats de l'État pour le secteur de l'insertion ». En effet, si les heures d'insertion réalisées dans le cadre des marchés des administrations centrales de l'État ont plus que triplé depuis 2014, la Cour constate que ces mesures ne font pas l'objet d'évaluation suffisante afin de déterminer si l'insertion professionnelle des personnes concernées est durable, ce qui impliquerait de mettre en oeuvre des techniques d'enquête complémentaires.

Sur la base de ces constats, et considérant que les collectivités ne seront pas en mesure, à moyen terme, de mener de telles enquêtes afin d'évaluer l'effectivité des clauses d'insertion de leurs marchés publics, la commission rejoint la recommandation de la Cour appelant à l'élaboration de suivi de cohorte par l'État afin d'affiner sa compréhension des effets de ses heures d'insertion, ainsi que les retombées positives d'autres outils à visée sociale inclus dans les marchés publics tels que le recours au travail adapté, l'utilisation de marchés réservés, la lutte contre les discriminations, beaucoup moins mobilisés. Ce travail pourrait dès lors être partagé et repris par les collectivités afin de garantir l'efficacité de leurs propres considérations sociales au sein de leurs achats publics.

En effet, comme le rappelait l'AMF, l'emploi de telles considérations sociales demeure aujourd'hui difficile pour les communes, le code de la commande publique ne « précisant pas ce qui peut être considéré ou non comme une considération sociale »228(*) et la jurisprudence en la matière étant peu développée. En conséquence, si certaines collectivités sont précurseurs en la matière, à l'image de l'Eurométropole de Strasbourg, générant 470 000 heures d'insertion chaque année par ses marchés publics229(*) à l'attention de personnes éloignées de l'emploi, des collectivités ne disposant pas de direction achat aussi solide préfèrent, par prudence, ne pas mobiliser ces outils.

L'Engagement pour le Renouveau du Bassin minier : un chantier exemplaire pour la réinsertion professionnelle

Conclu en mars 2017 pour une période de dix ans, l'engagement pour le renouveau du bassin minier (ERBM) est un contrat partenarial conclu entre l'État, les collectivités (région Hauts-de-France, départements du Nord et du Pas-de-Calais, huit intercommunalités) et les bailleurs sociaux afin de rénover certains habitats tout en soutenant l'économie du territoire.

Le projet porte notamment l'ambition de construire des parcours d'insertion et de formation dans les opérations de rénovation de cités minières et mobilise massivement pour ce faire des clauses sociales au sein des marchés publics. Entre 2018 et 2024, les opérations menées dans les cités minières ont suscité 1 024 650 heures d'insertion, réparties entre 1 487 bénéficiaires. Le taux de sorties dynamiques, en emploi, à la suite de ces heures d'insertion, s'élève à 35 % selon la direction régionale de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (DREETS) des Hauts-de-France.

Il convient donc que l'État engage une évaluation plus précise de l'efficacité réelle de ces clauses et des différents outils permettant de l'améliorer, ainsi que de leur mise en oeuvre. Il apparaît également nécessaire de clarifier un certain nombre d'incertitudes juridiques relatives à l'introduction de considérations sociales dans les marchés publics afin de lever les doutes des plus petits acheteurs.

Recommandation n° 13. - Confier à l'État la responsabilité de conduire des enquêtes de qualité sur les différentes considérations sociales mobilisées au sein des marchés publics, notamment la mutualisation des parcours d'insertion entre personnes publiques, afin d'améliorer l'insertion durable dans l'emploi de leurs bénéficiaires.

Il appartiendra au Parlement de s'assurer au cours des années à venir, dans le cadre du débat annuel d'évaluation de la politique d'achat de l'État qu'il est proposé d'instituer (recommandation n° 6) de la mise en oeuvre des recommandations n° 11, 12 et 13 visant à la montée en puissance et à la clarification des dispositifs d'accompagnement des acheteurs publics afin de se mettre en conformité avec les obligations de la loi Climat et résilience et de relever pleinement le défi de la commande publique responsable.

D. D'UNE FONCTION ESSENTIELLEMENT JURIDIQUE À UN MÉTIER SPÉCIFIQUE : LA PROFESSIONNALISATION DE LA FONCTION ACHAT AU MILIEU DU GUÉ

La commission d'enquête a porté une attention particulière, au cours de ses travaux, à l'évolution des moyens mis au service de la commande publique, et plus précisément à la professionnalisation des acheteurs publics ainsi qu'aux limites de cette dernière.

En effet, l'évolution rapide du cadre juridique de la commande publique a indéniablement conduit à un renforcement de la complexité de celui-ci. Les pouvoirs adjudicateurs ont ainsi dû se conformer, en l'espace de quelques années, à des exigences accrues en matière de publicité, de mise en concurrence, de déclarations, de contrôles administratifs ou encore, comme mentionné précédemment, en matière de normes environnementales et sociales. De surcroit, l'instabilité de ce cadre juridique et le poids accru de la jurisprudence contraignent désormais des pouvoirs adjudicateurs à exercer une veille permanente ainsi qu'une mise à niveau régulière des outils comme des pratiques des équipes chargées des achats.

Interrogé par la commission d'enquête sur l'impact de l'accélération de l'évolution du cadre juridique sur le métier d'acheteur public, M. Grégory Kalflèche, professeur de droit public à l'Université Toulouse-Capitole, rappelait ainsi que « l'achat public, longtemps perçu comme une procédure purement administrative, a évolué avec la création du métier d'acheteur public, qui va au-delà du simple suivi des procédures »230(*). M. Jean-Marc Joannès, rédacteur en chef d'achatpublic.info, précisait à cet égard que ce dernier doit désormais « connaître son marché, le passer dans de bonnes conditions, en suivre l'exécution et avoir conscience de la nécessité de travailler avec son écosystème, en conservant de bonnes relations juridiques et économiques avec les entreprises »231(*).

En conséquence, a été observée, à compter des années 2000, une volonté de montée en compétences des pouvoirs adjudicateurs en matière d'achats publics, qui s'est traduite pour beaucoup d'entités, et notamment les collectivités territoriales, par le recrutement d'acheteurs professionnels. Comme l'a souligné France urbaine auprès de la commission d'enquête « la transformation des processus d'achat dans les grandes collectivités s'est amorcée au cours des années 2000-2010, avec l'intégration progressive d'enjeux économiques plus larges. Ce mouvement a conduit à une évolution profonde des structures : les anciennes directions des affaires juridiques ont progressivement été remplacées par de véritables directions des achats et de la commande publique. Cette évolution s'est accompagnée de la création de postes d'acheteurs - fonctions alors inédites dans les collectivités - chargés d'impulser une approche renouvelée, à rebours de la logique strictement juridique qui prédominait jusqu'alors »232(*).

Au-delà de la structuration de nouveaux services achat sont apparues des unités de « contrôle de gestion achats », chargées du suivi des indicateurs, de la programmation, de l'actualisation des cartographies et de l'analyse des risques. L'importance de ces services se trouve, selon les élus entendus par la commission d'enquête, renforcée par la mise en oeuvre progressive des Spaser, qui ont contribué à consolider de véritables politiques d'achat durable.

M. Jean Bouverot, responsable ministériel des achats (RMA) du ministère de l'intérieur, notait à cet égard lors de son audition233(*) que les étapes préalables et postérieures à la contractualisation (phases de « stratégie » et « d'approvisionnement et de suivi ») font souvent l'objet d'un sous-investissement de la part des services achat, alors qu'elles sont des leviers essentiels pour la réduction des coûts et la performance des achats. Pour y remédier, le ministère a réformé son service achat, désormais intitulé service de l'achat, de l'innovation et de la logistique du ministère de l'intérieur (Sailmi), afin de confier à des sous-directions propres le soin de définir les stratégies d'acquisition du ministère et d'assurer le suivi de l'approvisionnement, du contrôle du service fait et de la logistique.

Les principes directeurs de l'achat au ministère de l'intérieur

Source : Présentation du responsable ministériel des achats du ministère de l'intérieur à la commission d'enquête.

Le métier d'acheteur public est donc aujourd'hui en profonde mutation, se composant d'une part de fonctionnaires généralistes disposant d'une spécialisation juridique, et d'autre part de contractuels acheteurs en sortie d'étude ou issus du privé. Le Conseil national des achats (CNA) notait à cet égard que le recours à des acheteurs de métier « permet d'intégrer des profils spécialisés dans un domaine d'achats »234(*) mais présente des enjeux d'attractivité tant en matière de rémunération vis-à-vis du secteur privé que de perspectives d'évolution au sein de l'administration.

La commission d'enquête a néanmoins constaté que la professionnalisation de la fonction achat n'est pas sans soulever plusieurs difficultés chez les pouvoirs adjudicateurs, et notamment pour les petites collectivités locales. Cette professionnalisation se heurte en effet premièrement à des difficultés persistantes de recrutement, en raison notamment de la faible attractivité des rémunérations dans la fonction publique. Par ailleurs, pour les collectivités ne pouvant pas nécessairement s'aligner sur les grilles salariales proposées dans le secteur privé, comme pour les structures s'étant dotées d'acheteurs professionnels, l'évolution constante du cadre juridique de la commande publique impose désormais d'importants efforts en matière de formation continue. De fait, la diversité des profils des acheteurs ainsi que le fort turn over sur ces postes impliquent que nombre d'entre eux ne disposent pas d'une formation initiale dédiée aux achats, accentuant le besoin d'une formation tout au long de la carrière, selon les besoins de chacun et les évolutions juridiques.

Le centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT), pour les collectivités, et la DAE et la DGAFP, pour les services de l'État, proposent à cet égard des parcours structurés permettant de renforcer les compétences des agents en charge des achats publics. Ces offres sont également complétées par l'intervention de plusieurs associations d'acheteurs qui proposent de contribuer à la formation continue de ces dernières. Le CNA, l'association des acheteurs publics (AAP) et l'association pour l'achat dans les services publics (APASP) ont ainsi présenté à la commission d'enquête les différents supports qu'ils proposent à leurs adhérents (revues, des webinaires, des évènements et des groupes de réflexion) visant à réunir, former et faire échanger les acheteurs autour de certaines thématiques d'achats, ainsi que la diffusion de bonnes pratiques. Elles réalisent par ailleurs un travail pédagogique d'explication et d'étude de la norme.

Ces associations et les représentants des collectivités territoriales entendus ont également insisté sur la nécessité de proposer des formations aux élus locaux, premiers responsables des achats réalisés et vecteurs essentiels des transitions rendues nécessaires en matière sociale et environnementale. Parmi eux, les élus membres des commissions d'appel d'offres (CAO) ou réalisant des achats en lien avec leur service pourraient être prioritaires pour bénéficier d'une formation minimale afin de garantir une appropriation satisfaisante des enjeux liés aux achats publics.

En dépit de toutes ces initiatives, la commission d'enquête a pu observer que l'ensemble des collectivités ne disposent pas des moyens nécessaires pour mener à bien une telle professionnalisation. Les plus petites, notamment, n'ont souvent ni les volumes d'achat suffisants, ni les effectifs dédiés ni encore un budget permettant de créer des postes de catégorie A ou de recruter des acheteurs disposant d'une formation initiale dans le domaine. Dans sa consultation des élus locaux réalisée depuis la plateforme dédiée du Sénat, la commission d'enquête a interrogé les collectivités sur leur recours à des acheteurs professionnels. Il en ressort que, parmi les 626 communes ayant répondu à cette question, seules 9,74 %235(*) disposent aujourd'hui d'un acheteur professionnel. Près de la moitié des communes ne disposant pas d'acheteurs professionnels estime néanmoins qu'il serait utile de bénéficier d'une meilleure professionnalisation des personnels chargés de la commande publique au sein de leur collectivité236(*).

Pour faire face à ces problématiques, la commission appelle à un recours accru aux procédures de mutualisation des achats permettant de pallier les difficultés liées à l'éclatement bien plus important qu'à l'étranger des pouvoirs adjudicateurs.

La mutualisation des achats

Les acheteurs peuvent faire le choix d'acquérir seuls les travaux, les fournitures et les services qui répondent à leurs besoins, de se grouper avec d'autres acheteurs ou de recourir à une centrale d'achat.

- La centrale d'achat

Selon l'article L. 2113-2 du code de la commande publique, une centrale d'achat est un acheteur qui a pour objet d'exercer de façon permanente, à titre onéreux ou non, des activités d'achat centralisées. Son activité peut ainsi tenir à l'acquisition de fournitures ou de services destinés à des acheteurs (rôle de « grossiste ») ou à la passation des marchés publics de travaux, de fournitures ou de services destinés à des acheteurs (rôle « d'intermédiaire »). Les centrales d'achat peuvent également fournir aux acheteurs une assistance à la passation des marchés publics, qui peut prendre la forme d'une mise à disposition d'infrastructures techniques permettant aux acheteurs de conclure des marchés, de conseil sur le déroulement ou la conception des procédures de passation des marchés publics, ou de la préparation et la gestion des procédures de passation des marchés publics au nom de l'acheteur concerné et pour son compte.

Tout acheteur public peut se constituer en centrale d'achat, dans les limites de ses statuts et de sa compétence.

- Le groupement de commandes

Conformément aux dispositions des articles L. 2113-6 à L. 2113-8 du code de la commande publique, des groupements de commandes peuvent être constitués entre des acheteurs afin de passer conjointement un ou plusieurs marchés publics. Cette mutualisation des achats présente les mêmes intérêts que ceux apportés par le recours à une centrale d'achat qui recherche cependant davantage la massification des besoins. À la différence de la centrale d'achat, le groupement de commandes n'a pas de personnalité juridique.

L'intérêt principal pour les acheteurs repose sur le lancement d'une consultation unique pour répondre aux besoins de plusieurs acheteurs en matière de travaux, de fournitures ou de services. Alors que la centrale d'achat n'a pas à satisfaire un besoin propre lorsqu'elle passe un marché public, il est nécessaire que chaque membre du groupement de commandes soit intéressé par la conclusion d'un ou des marchés publics qui seront conclus dans le cadre du groupement.

Un groupement de commandes peut être constitué soit de façon temporaire, pour répondre à un besoin commun ponctuel, soit de manière permanente en vue de répondre à des besoins récurrents.

Source : Direction des affaires juridiques.

La mutualisation des achats constitue en effet un vecteur précieux de réduction des dépenses pour les pouvoirs adjudicateurs, puisqu'elle suppose l'abaissement du nombre de procédures de passation des marchés publics et la réalisation d'économies d'échelle et des gains de temps cruciaux, puisqu'elle ne requiert la mobilisation que d'une seule équipe d'acheteurs parmi l'ensemble des collectivités membres d'un groupement ou au sein de la centrale d'achat.

Elle permet en outre, pour les petites collectivités disposant de personnels peu spécialistes, de bénéficier de l'expertise du processus d'achat des acheteurs du groupement afin de sécuriser leurs marchés et exploiter les possibilités offertes par les différentes procédures de la commande publique. Pour tous les membres du groupement, la mutualisation suppose également une visibilité accrue de leurs marchés, assurant un élargissement de la concurrence et un prix éventuellement plus intéressant.

Comme rappelé par France urbaine, la mutualisation des achats est également un outil de coordination de l'action à l'échelle d'un territoire. En prenant l'exemple d'une rénovation thermique de bâtiments, France urbaine note qu'il est possible de réunir les besoins de plusieurs communes, et ce faisant d'assurer une bonne coordination des travaux, en veillant à ce qu'ils ne soient pas tous réalisés en même temps afin de ne pas saturer les capacités des entreprises locales237(*). La massification de l'achat peut également permettre la structuration de certaines filières à l'échelle locale, notamment dans le domaine de l'alimentation ou des services.

La massification n'est d'ailleurs pas un obstacle à l'accès aux marchés des petites et moyennes entreprises, puisque les directions des achats ainsi constituées disposent généralement de meilleures capacités d'ingénierie achat que des plus petites structures et peuvent en conséquence ajuster les procédures pour permettre aux TPE/PME identifiées en amont de répondre aisément aux consultations, notamment grâce à un allotissement optimisé. La massification est également un levier vers l'achat innovant, encore faiblement développé dans les petites communes.

Enfin, plus de la moitié des collectivités ayant contribué à la consultation organisée via la plateforme dédiée du Sénat indique que le recours à des centrales d'achat permet de réaliser des économies238(*).

À cet égard, M. Grégory Kalflèche rappelait devant la commission d'enquête que certains de nos voisins européens ont une approche plus généralisée de la mutualisation des achats à l'échelle locale, notamment l'Italie, où « les petites communes ont systématiquement recours à des centrales d'achat et ne passent pas de marchés publics »239(*).

La commission d'enquête a pu observer de nombreuses initiatives vertueuses en matière de constitution de centrales locales d'achat public qui, contrairement aux centrales nationales (qui sont également fortement mobilisées par les collectivités territoriales) présentent l'intérêt de pouvoir s'adapter aux spécificités des marchés locaux.

Les collectivités sont ainsi plusieurs à avoir créé des centrales locales d'achat public pour acheter des fournitures et services relevant des moyens généraux qu'elles ont mis au bénéfice des communes et intercommunalités. La constitution d'une centrale territoriale d'achat commence souvent par se concentrer sur le domaine alimentaire, pour favoriser l'achat local de produits bio et de qualité. C'est notamment le cas de Breizh Achats, l'une des centrales territoriales d'achat les plus récentes qui, depuis sa création en 2024 par la région Bretagne et les quatre départements de la Bretagne administrative (Ille-et-Vilaine, Côte d'Armor, Finistère, Morbihan) mutualise l'approvisionnement de denrées alimentaires auprès de producteurs locaux, au bénéfice de 306 établissements publics locaux d'enseignement (collèges et lycées).

Le groupement de commandes, consistant pour des pouvoirs adjudicateurs à engager conjointement une procédure de passation d'un marché, est apparu légèrement moins plébiscité par les collectivités entendues dans le cadre des travaux de la commission d'enquête. Ce délaissement s'explique, comme rappelé par l'Association des acheteurs publics, « par le manque de flexibilité des groupements, notamment s'agissant de l'évolution de ses membres en cours d'exécution d'un marché ». De fait, dans le cadre d'un groupement de commandes permanent, les membres dont l'adhésion serait postérieure au lancement d'une procédure de passation ne peuvent pas bénéficier des prestations eu égard à l'obligation de définir précisément la nature et l'étendue des besoins préalablement à la passation d'un marché public. Une telle contrainte semble peu adaptée à la réalité des politiques d'achat de petits pouvoirs adjudicateurs, notamment les communes qui peuvent souhaiter bénéficier d'un marché groupé dont la passation serait déjà initiée mais pour lequel l'ajout d'un bénéficiaire au volume très restreint ne serait pas de nature à bouleverser l'équilibre du marché. De ce fait, on constate ces dernières années un phénomène de transformation de groupements de commande permanents en centrales d'achat, alimentant la croissance de ces dernières.

La commission d'enquête appelle dès lors à encourager fortement le recours à la mutualisation des achats publics, notamment pour les petites communes aux faibles volumes d'achats afin qu'elles bénéficient de l'expertise et de la force de structuration des achats offertes par la massification des marchés. Pour ce faire, elle préconise la révision des conditions de participation aux groupements de commande à l'échelle intercommunale, en permettant une adhésion plus souple des communes aux contrats en cours.

Recommandation n° 14. - Assouplir les conditions de recours aux groupements de commandes pour les communes et les intercommunalités.

La commission préconise en outre, selon des modalités laissées à l'appréciation des acteurs locaux -la commission d'enquête ayant pu découvrir la diversité de celles déjà mises en oeuvre dans de nombreux territoires - une mutualisation de la fonction achat à l'échelle intercommunale, permettant une spécialisation croissante des agents en charge de l'achat et une massification du volume de commandes pouvant conduire à des économies substantielles, en particulier pour les petites communes, et à une meilleure technicité des acheteurs, permettant de mieux répondre aux besoins de chaque commune.

Recommandation n° 15. - Encourager la mutualisation de la fonction achat à l'échelle des intercommunalités.

E. LES ATTENTES DES ÉLUS LOCAUX VIS-À-VIS DE LA COMMANDE PUBLIQUE : LES ENSEIGNEMENTS DE LA CONSULTATION RÉALISÉE PAR LA COMMISSION D'ENQUÊTE

La commission d'enquête a souhaité disposer d'un panorama plus représentatif des enjeux et défis que suppose l'évolution substantielle du cadre juridique de la commande ces dernières années pour les collectivités locales. Pour ce faire, elle a recueilli le ressenti des élus locaux dans le cadre d'une consultation publique sur la plateforme dédiée du Sénat en avril 2025, à laquelle ont répondu 1 182 participants, dont la majorité représentait des communes.

Sans surprise, une majorité des collectivités répondantes reconnaît avoir le sentiment que le cadre juridique de la commande publique s'est complexifié au cours des dix dernières années240(*).

Pour les élus, cette évolution se traduit premièrement par un allongement des délais de passation des marchés (constaté par 54,1 % des répondants)241(*), en raison d'une charge administrative démultipliée (renforcement des obligations de vérification de certains documents et déclarations fournis par les candidats et lourdeur des commissions d'appel d'offres), des obligations strictes quant aux délais imposés pour les réponses des candidats ainsi qu'en raison de la multiplication des lots infructueux.

Près de la moitié des collectivités indique également supporter, pour la majorité de leurs marchés, des coûts d'exécution plus importants qu'anticipés242(*), du fait de causes externes243(*), telles que l'inflation observée ces dernières années, de circonstances imprévues dans le cadre de l'exécution du contrat244(*) ainsi qu'à cause d'une mauvaise estimation financière du coût du projet245(*) et de délais d'exécution trop importants246(*).

Les collectivités expriment à cet égard l'impression que le cadre de la commande publique a tendance à favoriser les entreprises, tout en leur imposant des normes irréalistes. Un élu souligne à ce propos que « les principales difficultés résident dans le temps considérable que demande le lancement d'un marché public, ainsi que dans les compétences juridiques nécessaires pour éviter tout risque de recours devant le tribunal administratif. Ce qui peut paraître paradoxal dans la commande publique, c'est que les collectivités doivent respecter de nombreuses obligations -- neutralité, égalité de traitement des candidats, transparence -- pour garantir une concurrence saine. Pourtant, dans les faits, certaines entreprises contournent ces principes en négociant discrètement entre elles pour se répartir les marchés sur certains territoires, évitant ainsi de se concurrencer directement. Ce type de pratiques est notamment observé dans des secteurs comme les transports, les réseaux d'assainissement ou l'eau potable, restauration collective (...). Ainsi, la concurrence existe, mais elle est parfois davantage théorique que réelle. »

Cette impression de déséquilibre dans les obligations et les contraintes des acheteurs et des entreprises s'illustre par une forte inquiétude des représentants des collectivités quant aux risques juridiques auxquels les exposent les procédures d'achats ; 84,4 % des répondants indiquant en effet avoir le sentiment d'être exposés à un risque pénal247(*). Ce sentiment doit toutefois être nuancé ; la consultation ayant mis en lumière un décalage entre les craintes des élus à cet égard et la faible proportion d'entre eux ayant eu récemment à connaître d'un contentieux devant le juge administratif (9,6 %) ou des poursuites pénales (1,6 %).

Plus globalement, les petites collectivités ayant répondu à la consultation se disent dépassées par le niveau et l'évolution des normes. Comme le souligne un participant, ces communes font face à « un problème de compétence des agents pour maîtriser des règles qui changent très (trop) régulièrement alors que le nombre des procédures lancées par les petites communes est assez variable et reste faible pour permettre aux agents de maîtriser ces règles ». Les évolutions juridiques des dix dernières années laissent ainsi le sentiment « qu'il y a toujours plus de normes, alors que les élus de petite commune ne disposent que d'un secrétariat ouvert une journée par semaine ». Ce décalage entre la lourdeur des procédures et la réalité des moyens de certaines municipalités peut même pousser les plus démunis d'entre eux à trouver des solutions alternatives peu conformes à l'esprit du code, tel que cet élu qui admet « en tant que maire et pour limiter les coûts, il m'arrive d'acheter personnellement des produits pour ensuite me faire rembourser par délibération, tout simplement, car nous ne pouvons acheter sur tous les sites Internet et sommes donc soumis à des prix de fournisseurs abusés ». En toute franchise, un élu rappelle ainsi que « la bonne pratique c'est le bon sens. Il n'y a pas d'expert chez nous ».

Pour faire face à ces difficultés, les élus demandent, sans surprise, un élan de simplification du droit de la commande publique. Tant dans les rencontres de terrain effectuées par la commission d'enquête qu'au sein de la consultation, si beaucoup soulignent le vaste champ des possibilités ouvert par le code de la commande publique, le corsetage du recours à la négociation, est dénoncé comme une source de lourdeur et de surcoûts pour les collectivités.

Beaucoup appellent également à un allègement des exigences déclaratives (reporting) et de vérifications dans le cadre de la passation et l'exécution des marchés devant la charge démultipliée que peuvent supposer ces dernières. « Dans une collectivité comme la nôtre de 5000 habitants et avec seulement deux cadres de catégorie A, complétés en ressources des membres du bureau exécutif par leur savoir professionnel, nous croulons et c'est le terme sous un empilement de normes, de contraintes, de justifications à donner à la préfecture, aux partenaires financiers, à la DGFIP. Tous ces services ont diminué la voilure et reportent la charge de leurs obligations sur l'ensemble des collectivités. Nous sommes à la limite de nos capacités de répondre à ce trop-plein d'injonctions » témoigne l'un d'eux.

Dans le même esprit, près de la moitié des collectivités interrogées estime que les seuils actuels de mise en concurrence et de publicité pour les procédures adaptées devraient être rehaussés afin de ne plus s'appliquer aux marchés d'un faible montant (44,2 % des répondants à la consultation).

En conséquence, lorsqu'elles sont interrogées sur les bonnes pratiques leur permettant de mieux se conformer aux exigences juridiques, les petites collectivités font, pour beaucoup, mention des procédures leur permettant de mutualiser leurs achats (centrales d'achat nationales ou locales, groupements de commande au niveau de l'intercommunalité), car elles estiment ne pas être en mesure de se conformer à l'ensemble des règles nouvelles avec les moyens restreints dont elles disposent. Dans certaines intercommunalités, la mutualisation s'entend au sens large et vise ainsi à accompagner les mairies dans toutes les composantes de leur politique d'achat. Un élu breton explique ainsi « gérer les marchés de ma communauté de communes et des communes membres, permettant d'harmoniser les modèles de marché et les pratiques. Sur tout le Finistère, nous harmonisons nos documents et nos pratiques entre plusieurs EPCI toujours dans cette optique de faciliter l'accès des entreprises. Ce réseau nous permet d'être à jour de la veille juridique, de rédiger des modèles types de documents optimisant les pratiques métiers (clauses types ajustées à la réalité des relations avec les entreprises, le Trésor public, RGPD, cyber, etc.). »

Interrogés sur leur politique d'achats responsables, les élus locaux ont majoritairement indiqué s'être engagés dans cette démarche (53, % des répondants indiquant s'être dotés d'une politique en faveur des achats durables), bien que l'inclusion systématique des critères et clauses environnementales demeure peu fréquente (respectivement 23,8 % et 20,3 % des répondants). Des taux plus faibles ont été constatés s'agissant de l'inclusion systématique de critères et de clauses sociales dans les marchés (respectivement 18 % et 16,9 % des déclarants).

Sans être réfractaires à l'introduction de normes en matière environnementale et sociale, les élus demandent néanmoins que le cadre juridique de la commande publique se stabilise désormais, afin de laisser le temps à leurs agents de pleinement s'approprier le périmètre de ces obligations et de les mettre en oeuvre efficacement et sans surcoût. Elles rappellent à cet égard que le respect des nouvelles exigences environnementales peut présenter des enjeux de surcoûts.

Certaines collectivités plaident ainsi en faveur d'obligations prenant en compte la taille des pouvoirs adjudicateurs, devant les difficultés rencontrées par certaines petites communes disposant de faibles moyens au sein de leur service des affaires juridiques pour se conformer aux nouvelles exigences environnementales. La dispense d'obligation de se doter d'un Spaser pour les collectivités dont le volume d'achat est inférieur à 50 millions d'euros HT annuels constitue un exemple pertinent, en écartant les plus petits pouvoirs adjudicateurs de normes qu'ils ne sont pas en mesure d'appliquer.

En outre, les réponses à la consultation témoignent de la forte volonté des élus de voir évoluer le cadre juridique européen et national quant à la possibilité d'inclure dans les marchés des critères géographiques de provenance des achats. La possibilité de privilégier des entreprises locales est avancée comme un levier vers la définition de circuits courts et responsables, notamment pour l'atteinte des objectifs de la loi Egalim, ainsi qu'un moyen de structurer des filières à l'échelle locale en soutenant les petites et moyennes entreprises d'un territoire. 96,8 % des collectivités répondantes indiquent en effet vouloir utiliser leur politique d'achat pour soutenir les entreprises de proximité, ce qui se traduit aujourd'hui, du fait de la rigidité du cadre juridique, par le recours à l'allotissement (pour 25 % des répondants), à la publicité adaptée (25 %), aux méthodes de sourcing (19 %) et à des considérations sociales et environnementales (14 %).

À cet égard, la commission a été particulièrement attentive aux travaux de l'Eurométropole de Strasbourg qui, grâce à l'introduction de dispositions environnementales et sociales significatives dans 80 % des marchés, parvient à attribuer, depuis 2020, 75 % de ces derniers à des entreprises situées dans le Bas-Rhin et 80 % à des entreprises alsaciennes, sans contrevenir à l'interdiction de clauses de préférence locale au sein des marchés publics248(*). De la même manière, la région Bretagne s'est fixé comme objectif, en 2025, d'attribuer 80 % de ses marchés à des entreprises dont le siège se situe en Bretagne et dans le département de la Loire-Atlantique, et atteint déjà 76 % en 2024.

F. DÉFAILLANCES ET CONTRADICTIONS : L'ÉTAT PRIS EN FAUTE

1. Souveraineté et innovations françaises : les ambivalences de l'État
a) La carte nationale d'identité électronique, une occasion manquée pour promouvoir l'innovation française

La commission d'enquête a relevé, au cours de ses travaux, des difficultés persistantes de l'État à retenir, dans le cadre de ses marchés publics, des start-ups ou PME françaises et européennes innovantes, en raison notamment de craintes quant à la robustesse des prestataires comme de leurs solutions. Au regard de l'ensemble des auditions réalisées par la commission d'enquête, ces craintes, qui s'apparentent plutôt à des prétextes, n'apparaissent néanmoins pas fondées.

Illustration de ces difficultés, le déploiement de la nouvelle carte nationale d'identité électronique (CNIe) française, projet structurant mêlant hautes exigences de sécurité et d'innovation technologique, semble avoir été conduit au détriment de solutions émergentes en France ayant, par dépit, poursuivi leur déploiement à l'étranger, où elles ont rencontré un grand succès.

La nouvelle carte nationale d'identité électronique

Conformément au règlement (UE) 2019/1157 du Parlement européen et du Conseil, visant à renforcer et harmoniser les niveaux de sécurité des cartes nationales d'identité par la mise en circulation de nouvelles cartes d'identité conformes au plus tard le 2 août 2021, la France a entrepris en 2019 une démarche de modernisation de la carte d'identité, dont le format précédent datait de 1995.

Ces nouveaux titres de sécurité doivent ainsi, en application des nouvelles exigences européennes, comporter des données biométriques, des empreintes digitales et photographies dans un composant électronique hautement sécurisé, comme cela existe déjà sur les passeports, afin de réduire le risque de falsification ou de lecture à distance non désirée.

Pour satisfaire aux exigences européennes ainsi qu'aux enjeux de sécurité nationaux, elle se caractérise par un nouveau format « ID-1 » ainsi que par l'introduction de technologies innovantes garantissant la sécurisation du titre et des données qu'elle comporte, parmi lesquelles :

- un fond sécurisé, comportant des symboles visibles à la loupe et se prolongeant sur les bords transparents sécurisés permettant de vérifier l'intégrité du titre ;

- des dispositifs holographiques de nouvelle génération, changeant de couleur et protégeant la photographie du titulaire de la carte (technologie « DOVID ») ;

une puce gravée hautement sécurisée qui contient les mentions apposées sur la carte ainsi que la photographie du titulaire et deux de ses empreintes digitales ;

- une image changeante (technologie « MLI - multiple laser Image) permettant de certifier que l'image du titulaire n'a pas été modifiée ;

- un cachet électronique visible qui permet de signer numériquement la carte et assure l'intégrité et l'origine du titre en cas d'impossibilité d'accéder aux données de la puce.

Le déploiement de ce nouveau modèle de CNI a été progressif : dans un premier temps, une phase transitoire a eu lieu dans plusieurs départements, puis, à compter du 8 juillet 2021, toute demande de CNI déposée a donné lieu à la délivrance du nouveau modèle.

Source : ANTS

Le pilotage de la conception de la nouvelle carte d'identité a été assuré par la direction des libertés publiques et des affaires juridiques du ministère de l'intérieur et l'Agence nationale des titres sécurisés (ANTS), chargés de définir les exigences attendues en matière de sécurité physique du titre, ainsi que celles en matière de sécurité des approvisionnements, de constitution de stock de sécurité et de maintien des conditions de sécurité de la puce.

La production de la CNIe a été confiée à l'Imprimerie nationale (aujourd'hui IN Groupe), société anonyme à capitaux publics, qui, conformément à l'article 2 de la loi n° 93-1419 du 31 décembre 1993, est « seule autorisée à réaliser les documents déclarés secrets ou dont l'exécution doit s'accompagner de mesures particulières de sécurité, et notamment les titres d'identité, passeports, visas et autres documents administratifs et d'état civil comportant des éléments spécifiques de sécurité destinés à empêcher les falsifications et les contrefaçons ».

Pour la conception et la fabrication de la CNIe, l'Imprimerie nationale a fait appel à des fournisseurs externes en mesure de délivrer des technologies de pointe assurant la sécurisation du titre, conformément au cahier des charges transmis par l'ANTS.

Selon les informations transmises à la commission d'enquête par l'Imprimerie nationale, la sélection de ces fournisseurs s'est effectuée de manière différenciée en fonction des niveaux d'innovation et de sécurité exigés pour chaque composante :

- Pour certaines prestations de sécurisation physiques de la CNIe, exigeant des garanties de sécurité et de confidentialité maximales, des fournisseurs ont été sélectionnés en application de la procédure prévue à l'article L. 2512-3 du code de la commande publique. Cette procédure, distincte de celle applicable aux marchés de défense ou de sécurité, permet aux marchés publics qui exigent le secret, ou dont l'exécution doit s'accompagner de mesures particulières de sécurité ou pour lesquels la protection des intérêts essentiels de l'État l'exige, de déroger aux obligations de publicité et de mise en concurrence prévues par le code. Pour ces marchés, l'Imprimerie nationale a néanmoins consulté plusieurs prestataires potentiels par des appels d'offres restreints sans publicité auprès de plusieurs candidats, et sélectionné le plus pertinent d'entre eux selon elle. C'est le cas pour la fourniture des puces sur la période 2020-2022 et la fourniture des hologrammes dits « Dovid ».

- Pour certaines composantes émergentes sur le marché, l'Imprimerie nationale a organisé une sélection de prestataires en deux temps afin de répondre, dans un premier temps, à des exigences particulières de sécurité pour le lancement de la fabrication, avant d'ouvrir la procédure de sélection à davantage de candidats dans un second temps. À titre d'exemple, l'acquisition de polycarbonate (plastique utilisé pour la CNIe) ou d'encre a été conduite, dans la phase de mise en production du produit, sous la forme d'un marché négocié sans publicité ni mise en concurrence préalables, en raison de motifs techniques rendant nécessaire que des fournisseurs historiques qualifiés exécutent la première phase de production. À compter de 2023, de nouveaux marchés ont été lancés selon la procédure avec négociation, le besoin ne pouvant être satisfait sans adapter des solutions immédiatement disponibles.

- Enfin, pour certaines composantes, telles que les puces électroniques, IN Groupe a eu recours dès l'origine à une procédure avec négociation classique, conforme aux exigences de mise en concurrence et de publicité traditionnelle du code de la commande publique.

Si la procédure de sélection de prestataires d'IN Groupe apparaît conforme aux dispositions du code de la commande publique, qui permettent certaines dérogations aux exigences de publicité et de mise en concurrence pour des motifs liés au secret ou à la protection des intérêts essentiels de l'État, cette entreprise fait néanmoins état d'un manque de volontarisme pour l'inclusion de technologies innovantes émergentes et développées en France.

IN Groupe n'a par exemple pas jugé utile de consulter, dans le cadre des travaux préalables à la mise en production de la CNIe, certaines entreprises émergentes sur le marché français. M. Cosimo Prete, président de l'entreprise CST, qui a mis au point une encre de sécurisation des titres par un procédé de vérification visuelle colorimétrique (Optical Variable Material) a ainsi regretté de ne « jamais [avoir] été consulté sur le projet de carte nationale d'identité française, malgré toutes les recommandations obtenues de la part du ministère de l'intérieur »249(*).

Il n'appartient évidemment pas à la commission d'enquête de se prononcer sur le bien-fondé du choix de prestataires de l'Imprimerie nationale, celle-ci ayant en outre indiqué que « la technologie proposée par CST ne faisait pas partie des technologies obligatoires spécifiées par le règlement européen, ni par celles spécifiées par l'ANTS et le ministère de l'intérieur, mais constitue une sécurité supplémentaire que chaque pays peut choisir ou non d'intégrer »250(*) et que cette technologie ne présentait pas des garanties de sécurité suffisantes au regard des exigences du ministère de l'intérieur (pérennité du fournisseur, situation financière, technologie multisourcée, présence de références prouvant sa robustesse).

Néanmoins, la solution de cette entreprise ayant été sélectionnée, quelques mois plus tard, pour être intégrée au sein des titres d'identité allemands, portugais, australiens ou encore mexicains, ainsi que très récemment au sein du permis de conduire de l'État du Texas, il s'agit de toute évidence d'une regrettable illustration d'une occasion manquée pour un pouvoir adjudicateur français de soutenir une innovation française, ayant conduit celle-ci à poursuivre son expansion à l'étranger.

La commission d'enquête s'interroge d'autant plus sur cette décision au vu des engagements de l'entreprise française pour lever des craintes relatives à la robustesse de la technologie présentée. M. Cosimo Prete a en effet indiqué avoir pris contact avec la direction de l'Imprimerie nationale pour « expliquer que des stocks de sécurité avaient été constitués pour garantir la livraison des titres pendant les dix prochaines années et qu'ainsi, quand bien même l'entreprise viendrait à disparaître, l'Imprimerie nationale pourrait se servir dans ces stocks de matière première pour imprimer les titres »251(*).

En définitive, ce projet structurant pour la souveraineté française témoigne tristement des réticences de certains pouvoirs adjudicateurs à favoriser l'émergence d'entreprises innovantes françaises en raison des craintes liées à la pérennité et la robustesse des solutions développées. La commission d'enquête s'inquiète de la tendance de l'État et de ses opérateurs à privilégier, par facilité, des candidats plus installés sur les marchés, ce qui représente un frein dramatique au développement ainsi qu'à la structuration de filières innovantes françaises et européennes. Elle formule des recommandations dans la troisième partie de ce rapport à ce sujet.

b) La plateforme des données de santé face aux contradictions de l'État

De la même manière, la commission d'enquête a relevé, dans l'ensemble, une grande ambivalence de l'État s'agissant des enjeux de souveraineté numérique et de protection de données sensibles dans le cadre de la commande publique.

Malgré une doctrine de l'État s'étant étoffée ces dernières années, s'agissant notamment de l'hébergement souverain des données, de nombreux ministères et opérateurs persistent à s'en éloigner de peur de modifier des usages anciens ou au prétexte de l'absence de solutions équivalentes à celles proposées par des acteurs étrangers historiques.

Le cas du Health Data Hub, désormais intitulée plateforme des données de santé (PDS), est à ce titre emblématique.

La plateforme des données de santé (PDS)

Groupement d'intérêt public (GIP) institué par la loi du 24 juillet 2019252(*), la plateforme de données de santé avait pour objectif de favoriser l'utilisation et d'accroître les possibilités d'exploitation des données de santé dans les domaines de la recherche, de l'appui au personnel de santé et du pilotage du système de santé.

La création d'une telle plateforme fait suite aux préconisations du rapport sur la stratégie française et européenne en matière d'intelligence artificielle253(*), qui appelait à la constitution de grandes plateformes de données dans l'ensemble des secteurs stratégiques tels que la santé.

L'article L. 1462-1 du code de la santé publique lui confie les missions suivantes :

- réunir, organiser et mettre à disposition des données, issues notamment du système national des données de santé (SNDS) et promouvoir l'innovation dans l'utilisation des données de santé ;

- informer les patients, promouvoir et faciliter l'exercice de leurs droits ;

- contribuer à l'élaboration des référentiels de la CNIL ;

- faciliter la mise à disposition de jeux de données de santé présentant un faible risque d'impact sur la vie privée ;

- contribuer à diffuser les normes de standardisation pour l'échange et l'exploitation des données de santé ;

- accompagner, notamment financièrement, les porteurs de projets sélectionnés dans le cadre d'appels à projets lancés à son initiative et les producteurs de données associés aux projets retenus.

Le choix de confier l'hébergement des données de la plateforme à Microsoft Azure, et non à une solution souveraine, soulève des interrogations légitimes, notamment compte tenu de la sensibilité forte de ces dernières mais également au regard de la doctrine de l'État en matière de protection des données, déjà existante en 2019.

De fait, depuis la loi n° 2016-1231 du 7 octobre 2016 pour une République numérique, l'État, les collectivités territoriales ainsi que les autres personnes de droit public ou privé chargées d'une mission de service public sont tenus de « préserver la maîtrise, la pérennité et l'indépendance de leurs systèmes d'information ». Or, comme l'ont confirmé plusieurs interlocuteurs devant la commission d'enquête, le recours aux solutions d'entreprises comme Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft (Gafam) présente des écueils clairs en matière de souveraineté et de protection des données, notamment en raison de l'application des lois extraterritoriales dont la portée est développée en troisième partie du présent rapport.

Le choix de recourir à la solution de Microsoft est d'ailleurs intervenu dans une période de réaffirmation, à l'échelle européenne, des enjeux de protection des données vis-à-vis de pays tiers. Entre 2015 et 2020, la Cour de justice de l'Union européenne a en effet rappelé, à deux reprises, la nécessité que le transfert de telles données ne s'effectue que vers des pays présentant un niveau de protection équivalent à celui présent en Europe.

La CJUE a ainsi invalidé, dès 2015, l'accord transatlantique sur le transfert de données de citoyens européens vers les États-Unis, dit « Safe Harbor »254(*), au motif que les États-Unis ne présentaient pas un niveau de protection de données à caractère personnel comparable à celui des autorités nationales européennes. Cinq ans plus tard, la Cour reprend des arguments similaires pour dénoncer le Privacy Shield, accord conclu à la suite de l'invalidation du Safe Harbor pour reconnaître l'adéquation de protection des données entre l'UE et les États-Unis255(*). Après avoir rappelé qu'un transfert international de données ne peut s'effectuer « que s'il est prévu des garanties appropriées et à la condition que les personnes concernées disposent de droits opposables et des voies de droit effectives », la Cour observe que les garanties de protection équivalente des données à caractère personnel transférées depuis l'Union vers des organisations établies aux États-Unis dans le cadre du bouclier de protection des données » peuvent être limitées [aux États-Unis] par, notamment, les exigences relatives à la sécurité nationale, à l'intérêt public et au respect de la législation » visant ainsi explicitement les effets des lois extraterritoriales sur les données transférées. La Cour invalide ainsi, une fois de plus, la présomption de protection équivalente des données, et rappelle les atteintes que porte le Privacy Shield aux exigences du règlement général de protection des données (RGPD) ainsi qu'aux articles 7256(*) et 8257(*) de la Charte des droits fondamentaux de l'UE.

Les risques liés au partage de données avec les Gafam ont été à maintes reprises relevés lors des auditions conduites par la commission d'enquête. L'ancien Haut responsable chargé de l'intelligence économique auprès du Premier ministre, M. Alain Juillet, rappelait ainsi que les lois extraterritoriales peuvent permettre un transfert de données « aux concurrents américains de nos entreprises », ajoutant, en réponse à une interrogation sur la plateforme des données de santé, « Je connais des entreprises françaises qui ne travaillent qu'avec Microsoft. Si vous leur dites qu'en recourant exclusivement aux services de Microsoft, toutes leurs données peuvent être transmises à la concurrence, elles vous répondent que vous êtes paranoïaques, jusqu'à ce qu'elles finissent par perdre une affaire... »258(*)

En dépit de ces éléments, le ministère de la santé, dont la titulaire était alors Mme Agnès Buzyn, a, ainsi qu'elle l'a confirmé devant la commission d'enquête259(*), retenu la solution d'hébergement de la plateforme des données de santé proposée par Microsoft, au motif qu'elle était la seule à présenter la capacité de stockage et les garanties de sécurité nécessaires.

Selon l'ancienne ministre, aucune autre alternative crédible ne lui aurait été soumise, celle-ci ayant en effet précisé devant la commission d'enquête : « il m'a été indiqué que le choix n'était pas entre Microsoft et un acteur européen mais entre faire le Health Data Hub avec Microsoft comme hébergeur ou ne pas le faire du tout. Mes services m'ont indiqué qu'aucun autre outil ne pourrait assurer cette fonction avant quatre ans »260(*).

Interrogés sur la procédure ayant conduit à la sélection de la solution Microsoft Azure, les responsables de la plateforme des données de santé ont indiqué à la commission d'enquête qu'une phase de préfiguration de la plateforme a été menée entre 2018 et 2019, sous l'égide de la Drees261(*), avec l'appui du cabinet de conseil Capgemini et la participation de plusieurs acteurs de l'écosystème (Cnam, chercheurs, hôpitaux, start-ups) afin de définir les exigences fonctionnelles, techniques et de sécurité de la future PDS. Il a ainsi été précisé que « plus d'une dizaine d'acteurs industriels de référence et d'acteurs de la recherche ont été consultés »262(*) afin d'évaluer leur capacité à répondre à ces exigences.

La commission d'enquête n'a pas eu accès à des éléments permettant d'attester que de telles rencontres ont eu lieu, au-delà d'une simple comparaison des caractéristiques techniques des offres sur la base d'informations accessibles au grand public. Plusieurs rencontres avec des responsables d'entreprises françaises proposant des solutions d'hébergement souveraines permettent par ailleurs de conclure que le travail de sourçage effectué par le ministère de la santé était insuffisant, ces responsables ayant indiqué que les consultations n'ont en réalité consisté qu'en de simples échanges téléphoniques non préparés, et non à un processus transparent et complet de dialogue et d'information qui aurait permis d'obtenir un véritable panorama de l'ensemble des solutions disponibles sur le marché.

Étude de l'écosystème technique conduite pour identifier la solution d'hébergement en février 2019

Source : Plateforme des données de santé.

S'il est ainsi affirmé que le recours à la solution d'hébergement de Microsoft Azure était impératif au regard des exigences de sécurité, la commission d'enquête a constaté que ce choix pouvait également être motivé par l'opportunité que présentait le marché interministériel conclu avec l'Ugap, qui proposait une telle solution. L'étude comparative des solutions existantes au lancement de la plateforme par la Drees, présentée ci-dessus, indique en effet qu'une autre solution d'hébergement, française, disposait de protection en matière de sécurité, de fonctionnalité et de performance équivalentes à celle d'Azure, mais ne jouissait pas, en revanche, de véhicule contractuel avec le ministère, pouvant engendrer un surcoût de réalisation et une durée de mise en oeuvre de cinq à huit mois supérieure à celle proposée par l'Ugap.

Une note réalisée par la Drees, à l'attention de la ministre des solidarités et de la santé, en date de février 2019263(*), indique par ailleurs que si « au vu des impératifs de sécurité, de qualité et de délais de réalisation du projet, la seule solution d'hébergement et de traitement identifiée, convenant aux attentes et faisant consensus (...) est Microsoft Azure disponible via l'Ugap » pour la réalisation du prototype de la plateforme des données de santé, « davantage de choix sont disponibles quant à la prestation de réalisation de la plateforme » et que « chacun des acteurs français sollicités (Atos, Open, Thalès), détenteur d'un marché existant, se considère à même de répondre au besoin dans les délais impartis, et nous a communiqué des propositions au niveau de qualité attendu ».

Il aurait donc pu être décidé, sur la base de ce constat, de scinder la prestation en faisant appel à Microsoft pour le seul prototype, afin de répondre à une compréhensible « nécessité de démonstration de valeur en délais contraints », et de lancer dans le même temps une procédure de mise en concurrence pour la réalisation de la plateforme, permettant à l'ensemble des acteurs cités de se porter candidats. C'est en tout cas ce qui était envisagé à l'époque.

Pourtant, dans sa réponse au questionnaire de la commission d'enquête, la Plateforme de données de santé affirme que « le lancement d'un appel d'offres aurait entraîné un délai de mise en oeuvre important et aurait soit conduit au même résultat soit à une procédure infructueuse, étant donné que les solutions souveraines ne disposaient pas encore des services requis à ce moment »264(*). Il y est également indiqué que « cette approche [de recours à l'appel d'offres] n'était pas compatible avec les délais de mise en oeuvre imposés par le ministère, n'aurait malheureusement pas non plus permis de soutenir les entreprises françaises dans le développement des services manquants, dans la mesure où cela aurait nécessité un temps conséquent mais également une enveloppe financière très importante - une telle politique publique de soutien ne relevait par ailleurs pas des missions de la future plateforme des données de santé, ni même du ministère de la santé »265(*). Ces affirmations contredisent néanmoins les résultats de l'étude comparative et la note de la Drees mentionnés ci-avant, indiquant clairement que des acteurs français étaient en mesure de répondre à certaines prestations pour la mise en oeuvre de la plateforme.

La commission d'enquête s'étonne par ailleurs que la ministre de l'époque n'ait, visiblement, pas eu accès à l'ensemble de ces informations, puisqu'une note d'arbitrage lui étant adressée mentionne des délais d'attente pour le recours à une solution souveraine allant de deux à six ans, et non cinq à huit mois comme indiqué dans l'étude comparative de la Drees exposée plus haut.

Devant la commission d'enquête, M. Vincent Strubel, directeur général de l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (Anssi) confirmait que « lorsque le Health data hub a été lancé en 2019, il aurait effectivement été envisageable de recourir exclusivement à des acteurs français, mais avec un coût beaucoup plus élevé et un délai beaucoup plus long, car des développements supplémentaires substantiels auraient été nécessaires pour des fonctionnalités alors absentes des offres des fournisseurs de cloud français »266(*), rejoignant ainsi le sentiment de la commission d'enquête que ce choix relevait au moins en partie de considérations d'ordre financier et calendaire.

Le témoignage de M. Cédric O, alors conseiller du Président de la République chargé de l'économie numérique puis secrétaire d'État chargé du numérique, corrobore également cette intuition puisque celui-ci a indiqué que le recours à Microsoft relevait clairement d'une volonté d'accélérer les délais de mise en oeuvre du projet : « à l'époque, nous avions pris une décision temporaire pour démarrer rapidement en mettant la plateforme à disposition, [...] l'objectif était de permettre à nos chercheurs d'avancer rapidement pendant deux ans »267(*).

Au regard de ces éléments, la commission d'enquête ne peut que déplorer que des enjeux de délais aient pu conduire à se passer d'une procédure de mise en concurrence plus large, sans recours à une centrale d'achat, pour un marché aussi crucial que celui-ci, dont l'effet levier certain sur la filière française d'hébergement souverain en nuage aurait, à tout le moins, mérité un véritable processus de sourçage et de dialogue avec les entreprises du secteur.

Lors de son audition, Mme Agnès Buzyn a ainsi souligné que le « dilemme »268(*) de l'hébergement de la PDS n'avait pas été résolu par ses successeurs et qu'il ne s'agissait donc pas selon elle « d'une erreur manifeste de [sa] part et de [son] cabinet ou de [ses] services »269(*) que de l'avoir confié à Microsoft, puisqu'aucun ministre depuis son départ du Gouvernement n'était parvenu à « rectifier le tir »270(*).

Il s'agit surtout, pour la commission d'enquête, de la preuve de l'absence de pilotage interministériel de ce dossier depuis son lancement et d'un manque flagrant de volonté politique ainsi que d'une distorsion majeure entre les actes et les discours tenus par les ministres chargés de la santé qui se sont succédé depuis 2020.

La procédure d'élaboration de la plateforme illustre tristement le réflexe, que la commission d'enquête juge largement dépassé pour un acteur aussi outillé que le ministère de la santé, visant à recourir, par facilité, à des solutions certes conformes au droit mais peu vertueuses pour l'innovation et l'industrie française et européenne, se passant d'une véritable stratégie d'achat vertueuse en amont d'un projet si structurant.

Ce constat est amplifié par les rencontres qu'a effectuées la commission d'enquête avec des acteurs européens à la pointe de la technologie d'hébergement de données, qui ont rappelé avec force d'une part, leur capacité à répondre et remporter des marchés de telle envergure et, d'autre part, le rôle crucial que joue la commande publique dans la structuration de leurs offres.

M. Stéphane Blanc, président-directeur général d'Antemeta, déplorait ainsi « qu'en 2023, le top 10 des entreprises de services du numérique (ESN) a concentré près de 1,5 milliard d'euros de commandes informatiques de l'État, soit environ 40 % du budget public des nouvelles technologies de l'information ; tandis qu'aucune PME ni ETI de moins de 250 millions d'euros de chiffres d'affaires n'apparaît dans le classement des 30 premiers fournisseurs »271(*), quand Jérôme Lecat, PDG de Scality, rappelait que « 80 % des dépenses de l'État en matière de cloud et de logiciels sont effectuées auprès des fournisseurs américains » créant ainsi « une dépendance évidente qui limite notre autonomie stratégique ; une telle disproportion ne permet pas à une filière française du numérique d'émerger réellement »272(*).

Aussi, ces entrepreneurs semblent partager les premiers constats de la commission d'enquête à l'égard de la PDS en affirmant qu'« il y a en réalité des offres françaises, mais beaucoup de responsables des achats publics français ont peur de faire confiance à des sociétés françaises »273(*), rappelant le rôle évident que la commande publique peut jouer en matière d'entraînement sur l'économie française et soulignant néanmoins « un problème de formation, mais également une peur, car la responsabilité de l'acheteur est d'ordre pénal, ce qui le conduit à prendre le moins de risques possible et à choisir, par habitude, ce que les autres ont choisi - et c'est en partie pourquoi 80 % des achats de l'État en numérique se font auprès d'acteurs américains »274(*).

Les entreprises rencontrées ont également indiqué que les appels d'offres, quand ils existent, sont fréquemment orientés vers les géants américains, appels d'offres « qui ne sont pas toujours rédigés par les donneurs d'ordre eux-mêmes, qui n'en ont pas la compétence, mais peuvent être sous-traités à une ESN, comme Capgemini, Sopra Steria ou encore Atos, qui peuvent avoir un intérêt à privilégier des fournisseurs avec qui ils travaillent déjà »275(*). En somme, pour M. Jean-Noël de Galzain, président d'Hexatrust, pour les entreprises innovantes françaises et européennes, « il y a un plafond de verre, c'est la commande publique »276(*).

S'agissant des garanties de protection des données de santé hébergées par Microsoft, la commission d'enquête a observé des positions à tout le moins contradictoires.

D'une part, la PDS a, à maintes reprises, affirmé que la plateforme technologique est hautement sécurisée, sur la base d'audits indépendants, réalisés y compris par l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (Anssi), en 2021. Si Mme Stéphanie Combes, directrice de la plateforme des données de santé, a par ailleurs indiqué que la plateforme avait été élaborée « dans une logique pragmatique », elle rappelait également que le choix d'hébergement « a été conçu dès l'origine comme réversible, tant sur le plan technique que contractuel, afin de permettre une migration future vers des solutions souveraines, à mesure que le marché français du cloud monterait en compétence »277(*). De même, la directrice a indiqué que l'application des législations extraterritoriales aux données hébergées par la solution Azure était jugée « peu crédible », expliquant selon elle le rejet, par le Conseil d'État, de plusieurs recours à ce sujet. Dans une de ces décisions, le Conseil d'État indique en effet qu' » il n'apparaît pas, en l'état de l'instruction, que des données à caractère personnel du système de santé puissent à ce jour faire l'objet de transferts en dehors de l'Union européenne en application du contrat conclu entre la plateforme des données de santé et Microsoft ». La commission d'enquête souligne néanmoins que le Conseil d'État note, s'agissant des autres catégories de données, « qu'il ne peut être totalement exclu, sur le plan technique, que Microsoft soit amenée à faire droit à une demande des autorités américaines fondée sur l'article 702 du FISA »278(*).

D'autre part, la même année, la direction interministérielle du numérique (Dinum) juge, dans son avis sur la PDS, la stratégie de réversibilité de l'hébergement de la plateforme chez Microsoft « incomplète et ne permettant pas d'établir un plan d'actions clair de nature à rassurer sur la capacité du HDH à être transféré vers un autre acteur du cloud offrant un panel de services similaires » 279(*), laissant craindre une forme de dépendance de la plateforme à une entreprise étrangère. Face à ce constat, la Dinum demande à ce que le plan de réversibilité soit finalisé et tenu à jour, et indique que « tout nouvel usage de services Azure Cloud non utilisés pour la première version devra être conditionné à son niveau de réversibilité et à la non remise en cause du cahier des charges des futurs services Cloud qui aura été établi ».

Dans sa délibération du 20 avril 2020 portant avis sur un projet d'arrêté prévoyant, dans le contexte de la crise de la covid-19, le regroupement de certaines données de santé sur la PDS à des fins de gestion de l'urgence sanitaire, la commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) a également été amenée à examiner les conditions d'hébergement des données de la plateforme280(*). Elle note à cet égard que si « la plateforme des données de santé exige de son hébergeur que les données « au repos » soient hébergées au sein de l'Union européenne [...], la localisation ne s'applique qu'aux données « au repos », alors même que le contrat mentionne l'existence de transferts de données en dehors de l'Union européenne dans le cadre du fonctionnement courant de la plateforme, notamment pour les opérations de maintenance ou de résolution d'incident »281(*). La Cnil demande, en conséquence « qu'une vigilance particulière soit accordée aux conditions de conservation et aux modalités d'accès aux données » et recommande « que la plateforme des données de santé assure un hébergement et un traitement des données sur le territoire de l'Union européenne »282(*). Du reste, et comme développé dans la troisième partie de ce rapport, un hébergement des données sur le territoire européen ne constitue pas une garantie suffisante vis-à-vis du risque de fuite de données dès lors que l'hébergeur est soumis, comme l'est l'entreprise Microsoft, aux effets des lois extraterritoriales telles que le Foreign Intelligence Surveillance Act (Fisa) ou le Cloud Act.

*

Pour la commission d'enquête, la plateforme des données de santé est l'exemple même de la lente prise de conscience de l'État vis-à-vis des enjeux de souveraineté numérique, mais également de son manque de volonté politique pour opérer un revirement rapide de prestataire en capacité de protéger ses intérêts.

En effet, en 2020, lors du lancement de la plateforme, l'ensemble des acteurs concernés ont semblé faire état d'une grande naïveté au sujet des enjeux de l'hébergement de données sensibles chez des acteurs extra-européens, en dépit des premières alertes venues de la Cour de justice de l'Union européenne rappelées précédemment. Interrogé par notre collègue Mme Catherine Morin-Desailly sur le choix de la solution Azure de Microsoft pour l'hébergement de données à caractère hautement sensible, le ministre de la Santé d'alors, M. Olivier Véran, indique que Microsoft « est considéré dans son entité gestionnaire des données de santé françaises, comme une entité européenne, même si le groupe est américain »283(*), déclaration étonnante au vu des observations de la Dinum et de la Cnil mentionnées ci-avant. Pour Mme Stéphanie Schaer, directrice interministérielle du numérique, « les questions qui se sont posées sur le HDH ont sans doute contribué à définir plus précisément au travers de la doctrine ce qu'il fallait attendre de l'hébergement en cloud »284(*).

Après avoir négligé les enjeux de souveraineté de l'hébergement des données, le Gouvernement a développé un discours proactif en matière de Cloud souverain sans pour autant garantir, dans les faits, une migration des données publiques vers des solutions sécurisées. De fait, dès 2021, le ministère de l'économie et des finances présente une stratégie nationale pour le Cloud visant à « faire émerger une alternative technologique française et européenne, qui fasse de la France une puissance économique et souveraine du Cloud » et à « développer une politique industrielle du Cloud »285(*).

Pourtant, si le Gouvernement affirmait alors clairement que « le Cloud présente des enjeux de souveraineté indéniable » appelant à « ne plus faire preuve de naïveté » face à une situation de domination du marché par des acteurs étrangers, et ce « d'autant plus que les acteurs internationaux du Cloud sont soumis à des lois à portée extraterritoriale qui pourraient exposer des citoyens, des administrations et des entreprises à un risque important de captation », il n'a alors nullement été question d'engager une migration de l'hébergement de la PDS vers une solution souveraine, malgré une pleine conscience des enjeux de sécurité des données hébergées.

Plus récemment, et concomitamment au renforcement de la doctrine de la France en matière de sécurité et de souveraineté numérique, détaillée dans la troisième partie du présent rapport, une prise de conscience semble avoir émergé chez les acteurs gouvernementaux, notamment à la suite d'un rapport remis le 5 décembre 2023286(*) aux ministres de l'Économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, de l'enseignement supérieur et de la recherche et de la santé, préconisant de programmer l'arrêt de l'hébergement sur Azure de la plateforme des données de santé et de lancer les travaux pour l'hébergement de la plateforme sur un cloud SecNumCloud, à horizon de 24 mois.

Les responsables de la Plateforme de données de santé ont ainsi indiqué leur souhait de migrer les données vers une offre d'hébergement souveraine, « dès que les entreprises auront atteint le niveau de maturité requis »287(*), projet inscrit dans sa feuille de route triennale 2022-2025.

Cette évolution est également guidée par l'obligation de tenir compte de « l'entrée en vigueur prochaine de ce nouveau cadre, et en particulier de l'introduction du critère SecNumCloud, qui marque une évolution importante par rapport aux exigences antérieures »288(*). De fait, la loi n° 2024-449 du 21 mai 2024 visant à sécuriser et à réguler l'espace numérique, dite loi Sren, dont le décret d'application devrait, selon le Gouvernement, paraître dans les prochains mois, encadre strictement le recours des autorités publiques aux prestations d'informatique en nuage, en conditionnant ces prestations à une protection complète des données hébergées. La commission d'enquête souligne d'ailleurs à cet égard son incompréhension face à l'absence de publication de ce décret, attendu depuis plus d'un an, alors qu'il semble urgent d'activer tous les leviers en mesure de garantir la protection des données françaises.

Les responsables de la plateforme ont, dans ce cadre, initié une nouvelle étude comparative des solutions d'hébergement existantes, préalablement à la passation d'un marché visant à la sélection d'un prestataire pour une « solution intercalaire souveraine »289(*) dans l'attente d'un projet d'hébergement souverain définitif. Une procédure de mise en concurrence, sous la forme d'une procédure avec négociation, pour la sélection de cette solution intercalaire a été lancée et publiée le 1er juillet 2025, l'avis de publicité mentionnant qu'elle aurait vocation à être utilisée sur une durée maximale de 48 mois à compter du 15 janvier 2026 et plafonnant ce marché à 6,2 millions d'euros HT sur cette durée, ou 4,3 millions d'euros HT sur sa durée initiale de deux ans.

La commission d'enquête a d'ailleurs relevé que l'étude comparative commandée par la plateforme des données de santé au cabinet B2Cloud en 2022, à laquelle elle a pu avoir accès, recensait une offre française parmi les trois solutions cloud les plus performantes, notamment sur le volet sécurité.

Toutefois, en dépit de l'inscription de l'objectif de migration vers une solution souveraine dans la feuille de route triennale 2022-2025, force est de constater, à la mi-2025, qu'une telle migration semble encore lointaine, et qu'elle supposera des coûts très importants, qui auraient pu être évités si l'impératif souverain avait été intégré dès le lancement du projet de PDS. La plateforme des données de santé a néanmoins indiqué « s'engager depuis plusieurs années dans des coopérations avec Outscale, Scaleway, OVH, Adista, veillant à recourir - dans le respect du code de la commande publique - à des services souverains pour tous les systèmes d'information et outils qu'elle gère et dont le niveau de sécurité attendu n'est pas aussi élevé que pour la plateforme elle-même »290(*).

Pour la commission d'enquête, l'hébergement depuis plus de six ans, des données de santé chez Microsoft Azure, solution dont les spécialistes s'accordent à affirmer qu'elle présente des vulnérabilités, met en lumière les profondes contradictions de l'État qui, d'une part, n'a cessé d'étoffer sa doctrine sur la souveraineté numérique des données et, d'autre part, semble incapable de mettre en oeuvre cet impératif crucial dans ses propres achats publics. Une fois de plus, la commission d'enquête souligne que cet immobilisme n'est pas sans conséquence sur le retard constaté dans l'émergence de champions technologiques français et européens dans le domaine du cloud, capables de lutter à armes égales avec leurs concurrents américains.

Elle déplore enfin le constat d'un véritable manque de volonté politique pour assurer la souveraineté des données publiques : alors que Mme Agnès Buzyn a rappelé que « le marché [d'hébergement] a été renouvelé tous les deux ans, et [que] mes successeurs ont, à ma connaissance, rencontré les mêmes difficultés », preuve selon elle « [qu'il n'est pas] encore possible de les confier à un autre hébergeur »291(*), cette inertie relève avant tout, selon la commission d'enquête, d'un immobilisme inquiétant des plus hauts responsables de l'État au cours des dernières à l'égard des risques en matière de souveraineté des données, qui semblent désormais découvrir l'urgence de la situation. Signe de cette prise de conscience tardive, Éric Lombard, ministre de l'Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, affirmait devant la commission d'enquête que « le monde a changé depuis le 10 janvier dernier, ce n'est pas anodin et affecte la façon dont nous concevons les menaces sur notre souveraineté »292(*) - or, pour la commission d'enquête, de telles menaces pouvaient être anticipées depuis plusieurs années déjà.

Au mois de mai 2021, l'un de ses prédécesseurs affirmait déjà, à l'occasion du lancement de la stratégie nationale pour le cloud : « Chaque produit numérique manipulant des données sensibles, qu'elles relèvent notamment des données personnelles des citoyens français, des données économiques relatives aux entreprises françaises ou d'applications métiers relatives aux agents publics de l'État, devra impérativement être hébergé sur le cloud interne de l'État ou sur un cloud industriel qualifié SecNumCloud par l'Anssi et protégé contre toute réglementation extracommunautaire. »293(*)

Dès lors, et de manière urgence, la commission d'enquête exige le transfert de l'hébergement de la plateforme des données de santé sur une solution souveraine, immune aux législations extraterritoriales, conformément à l'article 31 de la loi dite Sren.

Recommandation n° 16. - Transférer dans les meilleurs délais l'hébergement de la plateforme des données de santé, dite Health Data Hub, sur une solution souveraine, immune aux législations extraterritoriales, conformément à l'article 31 de la loi Sren.

c) Gestion de la plateforme Place : l'État récidive

Le même constat semble malheureusement pouvoir être formulé à l'égard de la décision récente de l'Agence pour l'information financière de l'État (AIFE) de retenir la société canadienne CGI pour la gestion technique de la plateforme Place, plateforme de dématérialisation des procédures de marchés publics de l'État.

En effet, depuis 2008, des appels d'offres avaient successivement attribué à l'éditeur français Atexo l'appui à maîtrise d'oeuvre de la plateforme, notamment afin de gérer les fonctionnalités du logiciel en matière de sécurité. Ces prestations techniques sont capitales pour le bon fonctionnement de la plateforme, utilisée par 2 400 services acheteurs pour 39 400 consultations par an concernant des marchés de plus de 40 000 euros HT294(*).

Or, en 2024, alors que le marché conclu avec l'entreprise française arrivait à son terme, l'AIFE a fait le choix - difficilement compréhensible pour la commission d'enquête - de ne pas relancer d'appel d'offres pour cette prestation mais de recourir à une solution contractuelle proposée par l'Union des groupements d'achats publics (Ugap), attribuée à la filiale française de l'entreprise canadienne CGI. Selon la DAE, ce changement de procédure de sélection du prestataire est motivé par le besoin de procéder à des évolutions techniques de la plateforme rendues nécessaires par l'ouverture de Place à de nouveaux acheteurs publics consécutivement à l'adoption éventuelle de l'article 4 du projet de loi de simplification de la vie économique.

Si l'AIFE a indiqué que le recours à CGI pour la maintenance de la plateforme devrait constituer une solution temporaire, avant le lancement d'un nouvel appel d'offres, force est de constater que cette opération témoigne encore une fois de contradictions profondes et alarmantes dans la conduite des marchés publics de l'État.

Le choix de ne pas recourir à un appel d'offres pour des prestations jusqu'alors attribuées à une PME française, en privilégiant une procédure plus rapide par le recours à l'Ugap, apparaît en effet en décalage avec la doctrine de soutien aux TPE et PME françaises et européennes développée par le ministère de l'économie et des finances depuis plus de dix ans. Le recours à une entreprise étrangère pour la gestion technique d'une plateforme hébergeant des données aussi sensibles et stratégiques parait tout aussi incohérent et rappelle, tristement, les erreurs soulignées ci-avant concernant l'hébergement de la plateforme des données de santé. De fait, la plateforme Place héberge des procédures de passation de marchés particulièrement sensibles, notamment du ministère des armées ou de la santé, et les offres déposées par les entreprises candidates à ces procédures, qui doivent faire l'objet de garanties de protection maximales, y compris face au risque existant en matière d'intelligence économique.

Interrogé par le député M. Alexandre Sabatou (Oise - Rassemblement national) lors d'une séance de questions au Gouvernement, Laurent Saint-Martin, alors ministre du budget et des comptes publics, indiquait que « la filiale française de CGI, à qui le marché a été confié, n'aura accès à aucune information confidentielle, comme c'était d'ailleurs le cas d'Atexo depuis 2020. »295(*) Une telle déclaration souligne une incompréhension ou, à tout le moins, un détachement inacceptable concernant les enjeux de sécurisation des données, et laisse à penser que l'État n'a toujours pas pris la mesure du besoin de dresser un cap intangible en matière de commande publique, tant en assurant le non-contournement de procédures pouvant bénéficier aux entreprises innovantes françaises et européennes, qu'en garantissant la sécurité et la souveraineté de données publiques sensibles et stratégiques contenues dans ces marchés.

2. La réforme des e-Forms : la complexité des normes européennes et les difficultés de l'État dans l'accompagnement des acheteurs

La commission d'enquête a par ailleurs observé des effets pervers de l'adoption de certaines normes au niveau européen sans tenir compte des effets concrets engendrés dans le quotidien des acheteurs. La réforme des modalités de publication en ligne des consultations, entreprise depuis 2019, semble ainsi illustrer cette complexité issue du droit européen et dont l'État peine à contenir les effets.

Le 23 septembre 2019, la Commission européenne a adopté le règlement d'exécution 2019/1780/UE établissant de nouveaux formulaires types - dits e-Forms - pour la publication d'avis dans le cadre de la passation de marchés publics et abrogeant le règlement d'exécution (UE) 2015/1986.

Ce faisant, les 25 formulaires standards instaurés en 2015 ont été remplacés par 40 nouveaux formulaires électroniques, avec comme objectif de garantir une meilleure efficacité de la publicité des contrats publics dans le cadre de la dématérialisation des offres. La réforme portait également l'ambition de générer ces formulaires de manière automatique au moyen d'informations figurant dans des avis antérieurs.

La mise en oeuvre de cette réforme s'est heurtée à des difficultés sérieuses, en dépit de la mise à disposition par la Commission européenne d'un kit de développement « e-Form Software Development Kit (SDK) ».

Les nouveaux formulaires étant plus nombreux et prévoyant des champs à compléter également plus précis et nombreux, leur adoption a premièrement engendré des difficultés pratiques dans les usages des profils d'acheteur. Les éléments de développement fournis par la Commission ont à cet égard été jugés peu exploitables, instables et lacunaires, ne permettant pas une véritable appropriation par les éditeurs de plateforme de publication en France. Selon la DAJ, « ces difficultés ont été aggravées par des délais importants de réponse du service de support de l'office des publications de l'Union européenne »296(*).

Au fait des difficultés rencontrées par de nombreux éditeurs de solutions privées, les autorités françaises ont sollicité un report d'entrée en vigueur des nouveaux formulaires, auquel la Commission a consenti, la mise en oeuvre ayant ainsi été reportée du 15 octobre 2023 au 31 janvier 2024.

Même après ce délai, le service de bulletin officiel des annonces des marchés publics (BOAMP) a reconnu des dysfonctionnements dans la publication des marchés par les nouveaux formulaires e-Forms, constatant des anomalies dans les outils de saisie des formulaires ayant conduit à des rejets de publication parfois dans des proportions importantes, pénalisant ainsi la diffusion des avis de certains acheteurs.

Si la plupart des éditeurs français ont finalement pu respecter ce délai, la DAJ note un léger recul des chiffres de publication d'avis de publicité européen en 2024 vis-à-vis des années antérieures : alors que l'on recensait 82 418 avis publiés en 2022, ce chiffre tombe à 79 112 en 2024, pouvant révéler des difficultés de publication de certains pouvoirs adjudicateurs.

Les fonctionnalités de cette publicité étant actualisées chaque année, les éditeurs de plateformes sont par ailleurs contraints de procéder à une mise à jour au moins annuelle de leurs systèmes d'informations, ce qui suppose une charge démesurée pour ces plateformes. La DAJ a indiqué « être très mobilisée pour obtenir des interlocuteurs européens une stabilisation et une simplification des avis de publicité européens » mais demeure dans les faits peu en capacité de proposer de véritables mesures de simplification aux acheteurs publics.

La DAJ indique avoir « obtenu de la Commission européenne un cadre de gouvernance des e-Forms, afin de fixer des limites à l'instabilité du SDK, restreindre l'adjonction de nouveaux champs pour limiter la charge administrative qu'ils imposent aux acheteurs au stade de l'avis de publicité »297(*).

C'est M. Jean-Marc Joannès, rédacteur en chef d'achatpublic.info, qui a le mieux résumé l'impact de la mise en oeuvre ratée des e-Forms, qui s'apparente à une catastrophe industrielle : « un drame d'autant plus douloureusement ressenti qu'il reste incompris »298(*). Il estime que cette « très mauvaise expérience » a contribué à « décrédibiliser la commande publique »299(*). La commission d'enquête partage son point de vue.

L'Association des acheteurs publics (AAP) dresse également un constat d'échec : selon elle, « Plus d'un an après, le système est toujours défaillant : la saisine des avis de publicité est plus longue, plus abstraite et certains profils d'acheteurs n'offrent toujours pas une solution fiabilisée et stabilisée pour remplir les e-Forms »300(*). Il a fallu aux acheteurs publics démontrer leur agilité et leur ingéniosité, alors qu'ils n'ont plus été en mesure de lancer des appels d'offres et ont dû « se débrouiller sans aucune aide pour sortir de cette impasse »301(*).

Il reviendra au Parlement de suivre attentivement la stabilisation de la mise en oeuvre de cette réforme, et au Gouvernement de garantir un accompagnement méticuleux des éditeurs comme des acheteurs publics afin de garantir une mise en conformité facilitée avec ces nouvelles exigences, tout en permettant aux acheteurs de conduire leurs appels d'offres sans cette complexité procédurale superflue.

3. Le défaut de pilotage des marchés stratégiques : l'exemple des masques

L'approvisionnement en masques au cours de la crise sanitaire illustre les écueils dans le pilotage des marchés d'approvisionnement stratégiques en France, ainsi que les conséquences néfastes d'achats conclus dans l'urgence.

L'inconséquence de l'État est à l'origine des difficultés rencontrées à l'époque. Alors que les capacités de production nationale avaient été renforcées à l'occasion de la grippe H1N1, en 2009, et que des engagements de commande302(*) avaient été pris dès 2005 envers un fournisseur en capacité de produire 180 millions de masques FFP2 par an, ceux-ci n'ont pas été tenus après 2010, entraînant une chute des commandes qui a largement contribué, en 2018, à la fermeture de cette usine située à Plaintel (Côtes-d'Armor).

De ce fait, Santé publique France, chargée, en sa qualité d'agence sanitaire, de constituer un stock stratégique de masques FFP2 et chirurgicaux et de procéder à leur distribution en cas de crise épidémique sous l'égide du ministère chargé de la santé, a rencontré des difficultés critiques d'approvisionnement en équipements de protection individuelle (EPI) en 2020, en raison d'une impréparation globale face à une crise sanitaire d'une ampleur et d'une progression inédites, ayant conduit à la passation de marchés sous-optimaux.

Pour rappel, selon la Cour des comptes, en 2020, SPF a passé 38 marchés pour l'acquisition de masques FFP2 et chirurgicaux, pour un montant total d'engagements de 2 952 millions d'euros303(*). Ces marchés ont été réalisés sous le régime de la procédure d'urgence impérieuse, sans publicité ni mise en concurrence304(*).

- Dans un premier temps, les commandes de masques ont été assurées par un pont aérien entre la Chine et la France, auquel ont participé treize fournisseurs qui n'étaient pas, eux-mêmes, fabricants de masques mais s'approvisionnaient auprès d'une diversité de producteurs. Au total, le pont aérien a permis l'acheminement de 500 millions de masques chirurgicaux et 110 millions de masques FFP2, destinés aux personnels soignants. Le caractère urgent de l'approvisionnement en EPI a même conduit SPS a contracté avec trois entreprises pouvant s'approvisionner en Chine pour l'achat de masques, de matériels médicaux et de médicaments (LVMH305(*), L'Oréal306(*), Sanofi307(*)). Comme l'observe la Cour des comptes, la sensibilité juridique des conditions contractuelles de ces marchés a conduit le ministre à signer les lettres de saisine en personne.

- La direction des achats de l'État a par la suite complété ces premiers achats afin de mettre à disposition des agents de l'État relevant des ministères de l'économie et des finances, de la justice et de l'éducation nationale des EPI. L'objectif de cette commande était de pallier le besoin des ministères, le temps que l'UGAP soit en mesure de proposer des solutions alternatives. Les trois marchés interministériels conclus dans ce cadre (4,24 millions de masques chirurgicaux) ont été passés auprès de deux prestataires français disposant d'acheteurs en Chine308(*).

- Après le confinement, SPF a également passé des commandes de masques s'élevant à 61 millions d'euros entre le 17 et le 20 juillet, puis à 156 millions d'euros du 31 juillet au 11 décembre 2020, en émettant des bons de commande sur les marchés déjà existants.

La commission d'enquête sénatoriale ayant réalisé l'évaluation des procédures d'approvisionnement en EPI à compter de mars 2020 a notamment mis en lumière les défaillances de l'État dans la gestion de ces procédures d'achat d'urgence, en relevant premièrement que la mauvaise coordination entre Santé publique France et la direction générale de la Santé avait induit de lourds retards dans la passation des marchés ainsi que dans la livraison des fournitures309(*).

En outre, les travaux de la commission soulignent que le recours à des achats extra-européens, a fortiori chinois, a exposé la France à des vulnérabilités largement évitables si une filière stratégique avait été structurée en amont à l'échelle européenne. En effet, la commission a noté des délais supérieurs de livraison en raison de « changements soudains de réglementation à l'export en Chine, intervenus début avril », ainsi qu'à « des commandes signées mais réorientées brutalement vers des acheteurs proposant un prix plus élevé ».

Par ailleurs, ces importations massives de masques produits en Chine tout au long de la crise sanitaire ont eu pour conséquence de faire échouer les tentatives de rebâtir une filière de production souveraine française. D'importants investissements avaient été consentis en 2020 et 2021, notamment en Bretagne, pour développer une capacité de production autonome, capable de rompre la dépendance de la France en matière d'EPI envers des fournisseurs étrangers. En faisant primer dans ses appels d'offres le prix sur de telles considérations, pourtant essentielles, l'État et ses opérateurs comme SPF ont, par leur incohérence, mis les entreprises en question dans l'incapacité d'atteindre la rentabilité et les ont condamnées à la fermeture, comme l'illustrent les exemples successifs de la Coop des masques en 2022 ou Klap en 2025, toutes deux situées dans les Côtes-d'Armor.

Dans un rapport évaluant les achats de SPF au cours de la crise pandémique, SPF relève également le taux important de masques en provenance de Chine ne répondant pas aux exigences de qualité ou présentant de faux marquages de qualité, représentant environ 30 % des commandes reçues, soit 80 millions d'euros310(*). Ces défaillances ont conduit à la destruction de nombreuses livraisons, notamment à destination d'enseignants ou de soignants.

Outre des retards d'acheminement très marqués (sur 664 millions de masques commandés, seuls 314 millions avaient été réceptionnés en France en mai 2020, soit moins de la moitié) la Cour des comptes note également que ces choix d'approvisionnement ont conduit à d'occasionnels surcoûts.

Ces commandes, tardives et massives, au coeur de la crise sanitaire, ont par ailleurs conduit à l'accumulation d'un stock important de masques d'origine asiatique, dont la péremption devait intervenir en 2022. Certains ont finalement été distribués, à compter de janvier 2022, aux agents du ministère de l'éducation nationale, conformément à l'évolution de la doctrine sanitaire en la matière. Les enseignants constatèrent néanmoins l'origine chinoise des masques, en décalage avec les annonces gouvernementales en faveur de la structuration d'une filière française de production de masques, ainsi que leur délai très restreint d'utilisation, la péremption rapide de ces fournitures ayant conduit ensuite à la destruction d'une part significative du stock du ministère.

À titre de comparaison, le ministère chargé de la santé a pu élaborer une véritable doctrine de l'achat souverain de masques sanitaires chirurgicaux et FFP2 et de gants.

L'instruction n° DGOS/PF/PHARE/2021/254 du 15 décembre 2021 du ministre des solidarités et de la santé à l'attention des directeurs généraux des agences régionales de santé, reconnaissant « la dépendance aux matières premières asiatiques (...), les problèmes de qualité d'équipements, de durée de péremption, des délais de livraison erratiques et une exposition à de très fortes hausses de prix difficiles à maîtriser », rappelait que le cadre juridique européen permet de favoriser l'émergence de filières de production de masques sanitaires en Europe, et préconisait pour ce faire de mobiliser les leviers juridiques visant à :

- « exiger la réalisation en Europe d'une partie de la production pour assurer la sécurité d'approvisionnements stratégiques pour le bon fonctionnement du système de santé » ;

- « insérer des clauses et conditions d'exécution de performance et protectrices de l'environnement, et prévoir un critère de choix associé qui soit significativement pondéré » ;

- « faire du respect des normes de qualité des équipements une condition de recevabilité des offres et pondérer fortement le critère de la valeur technique pour l'attribution du marché, tout en réduisant symétriquement le poids du critère financier » ;

- « prévoir des pénalités financières lourdes en cas de dégradation significative de la qualité des fournitures ou des conditions de livraison des commandes passées ».

L'instruction demandait également :

- à ce que les cahiers des charges d'appels d'offres abordent systématiquement les aspects de qualité des équipements, des processus de production, des processus logistiques, et les impacts environnementaux et sociétaux des produits ;

- à ce que les critères de qualité technique et logistiques soient tous deux pondérés au minimum à 30 %, que le critère de qualité environnementale et sociétale soit pondéré au minimum à 15 % et que la pondération du critère relatif aux conditions financières et au prix ne dépasse pas 25 % ;

- le recours à la clause d'implantation européenne des moyens de production et des matières premières critiques (notamment le meltblown pour les masques), prévue à l'article L. 2112-4 du code de la commande publique.

Enfin et surtout, l'instruction introduisait le principe de compensation des surcoûts des achats réalisés par les établissements dans le cadre de ce dispositif, en précisant que la compensation serait intégrée à la construction de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM). Ce mécanisme a ainsi permis de couvrir la différence financière induite par l'application de l'instruction par rapport à un processus d'achat classique. Un dispositif similaire a par la suite été prévu pour l'achat de poches de perfusion311(*).

Selon les documents transmis par la direction générale de l'offre de soins (DGOS), le mécanisme de compensation représente, pour l'année 2024, un montant de 2 millions à 3 millions d'euros pour les masques chirurgicaux, et de 18 millions à 23 millions d'euros pour les trois catégories d'achat couvertes (gants, masques, poches de perfusion).

Prévision de la DGOS relative aux surcoûts liés au mécanisme de compensation pour l'achat souverain de fournitures essentielles

Produit

Achats 2024

(collecte 2025)

Achats 2025

(collecte 2026)

Achats 2026

(collecte 2027)

Gants

10 millions

14 millions

14 millions

Masques (chirurgicaux et FFP2)

2-3 millions

3 - 6 millions

4 - 7 millions

Poches de perfusion

6-10 millions

12 - 17 millions

12 - 17 millions

Total

18-23 millions

29 - 37 millions

30 - 38 millions

en euros

Source : réponse de la DGOS au questionnaire de la commission d'enquête.

En somme, exception faite de l'initiative exemplaire de la DGOS en matière d'approvisionnement souverain, le défaut d'anticipation dans l'établissement de la doctrine d'approvisionnement de fournitures stratégiques a conduit à une mise en oeuvre très perfectible de l'approvisionnement d'urgence au cours de la crise sanitaire, n'ayant pas permis de structurer durablement des filières d'achat et de production vertueuse sur le sol européen. La commission d'enquête appelle donc, pour les actifs stratégiques de l'État français, à l'identification de fournisseurs européens disponibles ou en voie de structuration afin d'anticiper d'éventuelles procédures d'urgence en cas de besoins non anticipés ou de ruptures d'approvisionnement, et ainsi garantir la résilience des actifs français.

III. FIXER UN CAP CLAIR ET ACCÉLÉRER : PILOTER LA COMMANDE PUBLIQUE AU SERVICE DE LA SOUVERAINETÉ ÉCONOMIQUE

A. LE PROCESSUS ENGAGÉ DE RÉVISION DES DIRECTIVES EUROPÉENNES RELATIVES À LA COMMANDE PUBLIQUE : VERS LA SIMPLIFICATION ET L'HARMONISATION ?

Par son poids économique - environ 2 000 milliards d'euros par an - la commande publique apparaît clairement comme un levier stratégique au service des politiques publiques et du renforcement de la compétitivité de l'Union européenne et des industries européennes.

Elle constitue assurément désormais un pilier du marché intérieur européen et donc de la croissance des économies européennes.

Selon certaines études312(*), le paquet « marchés publics » de 2014 (cf. infra) ajouterait à lui seul 2,88 milliards d'euros au PIB de l'UE chaque année.

1. Le cadre juridique européen : les directives de 2014 et leur évaluation par la Cour des comptes européenne

Dans le cadre de ce marché intérieur, principalement régi par le Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE)313(*), le cadre juridique de l'Union européenne en matière de marchés publics vise à garantir l'application d'un ensemble harmonisé de règles et de procédures lors de l'attribution de marchés.

a) Un cadre juridique fondé sur le marché intérieur

Ce cadre plonge ses racines dans la réalisation du marché commun, coeur historique de la construction européenne, fondé par le traité de Rome du 25 mars 1957, devenu marché intérieur avec l'Acte unique européen en 1986, mettant en oeuvre les libertés de circulation des marchandises, des prestations de services et d'établissement314(*).

Le TFUE consolide ces libertés fondatrices par les principes d'égalité de traitement, de non-discrimination, de reconnaissance mutuelle, de proportionnalité et de transparence.

Depuis l'époque pionnière des années 1970, le droit de la commande publique a fortement évolué, avec le développement du marché commun. Son champ d'application s'est considérablement élargi, incluant désormais de multiples secteurs. En effet, certains secteurs spécifiques (eau, énergie, transports, services postaux) ainsi que la défense et la sécurité font l'objet de directives spécifiques, tandis que d'autres relèvent du cadre dit « général ».

b) Le « paquet » de 2014

Le « paquet » de 2014, encore en vigueur en 2025, s'appuie sur trois directives. Deux d'entre elles constituent des réformes de deux directives de 2004315(*) :

1) la directive 2014/24/UE, qui définit les règles générales applicables au cadre des marchés publics316(*) ;

2) la directive 2014/25/UE relative à la passation de marchés par des entités opérant dans les secteurs de l'eau, de l'énergie, des transports et des services postaux317(*).

Elles ont été complétées par la directive 2014/23/UE sur l'attribution de contrats de concession318(*).

Le « paquet » de 2014

Selon la Cour des comptes européenne, la réforme des directives relatives à la commande publique en 2014 visait à assouplir l'encadrement des marchés publics, en simplifiant les procédures, de manière à faciliter l'accès des PME à la commande publique et à permettre une utilisation plus stratégique des marchés publics. La réforme de 2014 visait également à renforcer les exigences en matière de transparence et à durcir les dispositions relatives à l'intégrité afin de lutter contre la corruption et la fraude319(*).

Transposition de la directive 2014/24/UE par les États membres (2015-2018)

Source : Cour des comptes européenne

Or, plus de dix ans après, force est de constater que la plupart de ces objectifs demeurent toujours actuels, dans un contexte géopolitique qui en modifie profondément la donne, et impose de progresser.

La transition écologique pose également de nombreux défis de politique publique.

c) Une transposition inégale et échelonnée

Le schéma ci-dessus, tiré du rapport de la Cour des comptes européenne précité, montre que la transposition des directives de 2014 a pris presque cinq ans au total, alors qu'une échéance de deux ans était fixée au départ320(*).

Cela a conduit la Commission européenne à adresser une lettre de mise en demeure à pas moins de 21 États321(*). Certains, comme l'Espagne et l'Italie, ont pris des mesures d'urgence pour y remédier, sous forme de décrets-lois, pour éviter de fortes astreintes, en cas de saisine de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) par la Commission.

La France n'a pas attendu pour procéder à cette transposition par les ordonnances n° 2015-899 du 23 juillet 2015 pour les marchés publics, et n° 2016-65 du 29 janvier 2016 pour les concessions, reprises et intégrées ensuite dans le code de la commande publique, entré en vigueur le 1er avril 2019, au champ bien plus large que celui des directives (cf. supra).

La transposition des directives a également été inégale selon les États, selon leur forme, fédérale ou non.

Le cas de l'Allemagne a été étudié dans une note de législation comparée du Sénat, commandée par cette commission d'enquête et publiée en annexe au présent rapport. Le droit de la commande publique n'y est pas codifié et distingue les procédures selon qu'elles dépassent ou non les seuils européens.

Au-dessus, cinq procédures formalisées sont autorisées, alignées sur le droit de l'Union européenne (UE). En dessous des seuils européens, il existe quatre types de procédure et la procédure de gré à gré s'applique en deçà de certains seuils internes. Il revient toutefois à chaque Land de définir ces seuils internes, à partir desquels la passation d'appels d'offres est obligatoire. Il en résulte une grande hétérogénéité.

Le droit de la commande publique en Allemagne

Le droit allemand de la commande publique n'est pas codifié et fait l'objet d'une bipartition entre, d'une part, les règles de dévolution concurrentielle applicables au-dessus des seuils européens, relevant du droit de la concurrence, et, d'autre part, les règles en deçà de ces seuils, qui découlent du droit budgétaire et peuvent varier selon que le pouvoir adjudicateur relève du niveau fédéral, régional ou communal.

S'agissant des marchés publics et concessions dont les montants sont supérieurs aux seuils européens, la loi contre les restrictions de concurrence (GWB)322(*) autorise cinq types de procédures formalisées (la procédure ouverte, la procédure restreinte, la procédure avec négociation, la procédure de dialogue compétitif et le partenariat d'innovation), conformément au droit de l'Union européenne.

En dessous de ces seuils européens, il existe quatre types de procédures : l'appel d'offres public, l'appel d'offres restreint, la procédure négociée (avec ou sans mise en concurrence) et, en deçà de certains seuils, la procédure de gré à gré. Il revient toutefois à chaque Land de définir les seuils internes à partir desquels la passation d'appels d'offres est obligatoire. Il en résulte une grande hétérogénéité, les seuils internes pour les marchés publics de fournitures et de services allant de 1 000 euros au niveau fédéral à 100 000 euros dans certains grands Länder (Bade-Wurtemberg, Bavière et Hambourg). Des seuils internes différents peuvent également s'appliquer aux marchés et concessions conclus au niveau communal.

Dans la continuité de la réforme du droit de la commande publique allemand de 2016, le gouvernement fédéral sortant a présenté à l'automne 2024 un projet de loi de transformation de la commande publique visant à simplifier les procédures d'adjudication et à réduire la charge administrative pour les PME et les collectivités territoriales. Si ce texte n'a pu aboutir, le contrat de coalition conclu en 2025 entre la CDU, la CSU et le SPD prévoit un engagement à simplifier, accélérer et numériser le droit de la commande publique au niveau national et européen et annonce le relèvement des seuils internes afin de faciliter le recours aux marchés de gré à gré au niveau fédéral.

Il propose également de ramener le droit de la commande publique « en phase avec son objectif initial, à savoir des achats économiques, non discriminatoires et exempts de corruption », semblant reléguer au second plan la prise en compte des impératifs sociaux et environnementaux dans ce cadre.

Source : étude de législation comparée du Sénat, jointe en annexe du présent rapport

Le cas du Royaume-Uni est évidemment particulier, en raison du Brexit, qui a bouleversé l'ordre juridique britannique. Il a aussi fait l'objet d'une étude de législation comparée du Sénat, publiée en annexe. Elle montre que les seuils de passation des marchés publics britanniques, même après le Brexit, restent très proches des seuils définis par la législation européenne.

Le droit de la commande publique au Royaume-Uni

À la suite de la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne, le pays a réformé le cadre juridique applicable à la commande publique, jusqu'alors fragmenté en plusieurs textes, afin de le simplifier et de le rendre plus flexible.

Entrée en vigueur le 24 février 2025, la loi sur la commande publique de 2023 (Procurement Act 2023) procède à une refonte complète du cadre juridique, sans pour autant constituer une rupture avec les règles issues du droit de l'Union européenne (en particulier, les seuils de passation des procédures de marchés publics demeurent quasiment identiques).

Les principales modifications introduites concernent : (i) le libre choix de la procédure de passation par l'autorité adjudicatrice entre, d'une part, une procédure ouverte en une seule étape, et d'autre part, une procédure concurrentielle dite « flexible » qu'elle peut concevoir elle-même ; (ii) des exigences de transparence accrues avec de nombreuses nouvelles obligations de publications par les autorités adjudicatrices, tout au long de la procédure et (iii) le renforcement des mesures de supervision et de contrôle avec la création d'un nouvel organe (Procurement Review Unit) chargé d'enquêter en cas de non-respect de la loi.

Source : étude de législation comparée du Sénat, jointe en annexe du présent rapport

2. Une évaluation assez sévère de la mise en oeuvre des directives de 2014 par la Cour des comptes européenne

Le « paquet » de 2014 constitue un tronc commun européen, sur lequel sont bâties les différentes législations nationales. Des divergences assez importantes apparaissent ainsi, le code de la commande publique français faisant figure d'exception en Europe par l'ampleur de son champ, son ambition stratégique et unificatrice.

La diversité des délais de transposition révèle en revanche, comme le montrent l'exemple allemand, où la commande publique est essentiellement appréhendée sous l'angle de la concurrence, mais aussi celui des Pays-Bas, où les contrats d'achats publics sont régis par le droit civil, une grande hétérogénéité au sein de l'Union européenne, encore sensible plus de dix ans après l'adoption du « paquet » de 2014.

De plus, l'accroissement significatif des législations européennes sectorielles, sous la première présidence de la Commission européenne de Mme von der Leyen, a pu complexifier la lisibilité et la mise en application des règles de la commande publique. 

Le rapport de la Cour des comptes européenne de novembre 2023 précité porte un jugement sévère sur la mise en oeuvre des directives de 2014 à l'échelle de l'Union européenne.

Censé « apporter un nouvel éclairage et mieux faire connaître le niveau de concurrence atteint dans les marchés publics cinq ans après la date limite de transposition des directives en la matière en droit national »323(*), afin de « contribuer à apporter des améliorations susceptibles d'aider les pouvoirs adjudicateurs des États membres à assurer une utilisation optimale de l'argent public »324(*), le rapport constate un « recul de la concurrence pour les contrats de travaux, de biens et de services passés entre 2011 et 2021 ».

Synthèse du rapport de la Cour des comptes européenne

1°) La réforme de 2014 entendait assouplir les marchés publics, grâce à des procédures simplifiées, améliorer l'accès des PME à la commande publique et faciliter une utilisation plus stratégique des marchés publics pour en tirer de meilleurs résultats. Elle visait également à renforcer les exigences en matière de transparence et à durcir les dispositions relatives à l'intégrité afin de lutter contre la corruption et la fraude.

2°) L'audit de la Cour des comptes européenne a consisté à évaluer le niveau de concurrence pour les marchés publics au sein du marché intérieur de l'UE sur une décennie, ainsi que les mesures prises par la Commission et les États membres pour repérer et lever les obstacles à la mise en concurrence, en vue de faire le meilleur usage possible des fonds publics.

3°) Globalement, la Cour des comptes européenne estime dans ses conclusions que le niveau de concurrence dans les marchés publics pour la fourniture de travaux, de biens et de services au sein du marché intérieur a diminué au cours de la dernière décennie.

Selon la Cour, la Commission et les États membres n'ont pas systématiquement utilisé les données disponibles pour cerner les causes profondes de la faible concurrence. Ils n'ont pris que des mesures sporadiques pour lever les obstacles à la concurrence dans les marchés publics.

4°) L'analyse des données auditées dans les 27 États membres indique une augmentation globale significative des marchés à soumissionnaire unique325(*), un niveau élevé d'attribution directe de marchés dans la plupart des États membres et un faible nombre de marchés publics transfrontaliers directs entre les États membres326(*).

Par ailleurs, des entretiens approfondis ont été menés par les auditeurs avec des représentants des organes de surveillance dans six États membres : la Croatie, le Danemark, la Grèce, la Hongrie, le Luxembourg et la Pologne.

5°) Plusieurs objectifs de la réforme de 2014 n'ayant toujours pas été atteints, le rapport d'audit conclut que l'entrée en vigueur de ces directives réformées n'a pas eu d'effet démontrable. Au contraire, le rapport relève que les soumissionnaires et les pouvoirs adjudicateurs estiment que les procédures de marché public continuent d'engendrer une charge administrative importante. Il n'y a pas non plus eu de hausse sensible de la part des petites et moyennes entreprises participant aux marchés publics, et les aspects stratégiques (liés à l'environnement, aux conditions sociales et à l'innovation, par exemple) sont rarement pris en compte dans les appels d'offres publics en Europe.

6°) La Cour a aussi mis en évidence la nécessité pour la Commission européenne d'améliorer son suivi des marchés publics : les données collectées sur les marchés attribués sont loin d'être exhaustives et toutes ne sont pas exactes. Elle soutient que les outils de suivi de la Commission présentent des lacunes qui limitent leur efficacité et leur transparence (cf. infra).

7°) Selon la Cour, la Commission et les États membres accordent une attention insuffisante à la concurrence dans les marchés publics. Les initiatives visant à analyser les données relatives aux marchés publics et à cerner les causes possibles du recul de la concurrence sont rares, et le problème passe relativement inaperçu au sein de la Commission et des États membres. Pour toutes ces raisons, la Commission européenne est invitée en conclusion à :

- clarifier et hiérarchiser les objectifs en matière de marchés publics ;

- combler les failles dans les données collectées sur les marchés publics ;

- améliorer ses outils de suivi afin de permettre une meilleure analyse ;

- étudier plus en détail les causes profondes de la faible concurrence et proposer des mesures qui visent à lever les principaux obstacles à la concurrence dans les marchés publics.

Ainsi, l'analyse des données auxquelles la Cour des comptes européenne a procédé montre que les procédures de marché durent beaucoup plus longtemps qu'avant l'adoption et la mise en oeuvre du « paquet » commande publique. Le délai de prise de décision jusqu'à l'attribution du marché, hors procédures de recours contre les décisions d'attribution, est en l'occurrence, passé de 62,5 jours en 2011 à 96,4 jours en 2021.

Délai de prise de décision jusqu'à l'attribution du marché (2011 et 2021)

Source : Rapport de la Cour des comptes européenne

Dans sa réponse, publiée sur le site de la Cour des comptes européenne, la Commission européenne reconnaît le rôle que peut jouer la commande publique pour contribuer à l'atteinte des « objectifs stratégiques » de résilience et de durabilité.

Elle laissait présager, à la fin du mandat précédent, une future « évaluation du cadre réglementaire applicable », préalable indispensable, dans le circuit de décision bruxellois, à d'éventuelles réformes législatives. Une refonte des directives de 2014, bien que parfois réclamée par la doctrine et par des praticiens, n'était pas encore à l'ordre du jour. Elle viendra lors du mandat suivant.

Extrait de la Synthèse des réponses de la Commission européenne
au rapport de la Cour des comptes européenne

« La Commission tient à souligner que les marchés publics, qui représentent 14 % du PIB de l'UE, peuvent jouer un rôle majeur dans la réalisation des principaux objectifs stratégiques de l'Union européenne, en particulier pour répondre à la nécessité de renforcer la résilience et la durabilité de l'économie de l'UE et la sécurité de l'approvisionnement. Dans cette perspective, le renforcement d'une concurrence effective revêt une importance capitale.

La Commission a pris un certain nombre d'initiatives dans des propositions législatives récentes visant à imposer aux acheteurs publics l'obligation d'évaluer la contribution des appels d'offres à la durabilité et à la résilience. Ces nouveaux objectifs devront être intégrés dans toute évaluation future du cadre réglementaire applicable aux marchés publics. »

3. Le suivi des données européennes sur les marchés publics laisse à désirer

Au sein de la Commission, la direction générale du marché intérieur, de l'industrie, de l'entrepreneuriat et des PME (DG GROW), qui est chargée à la fois de la politique en matière de marchés publics et du suivi de la mise en oeuvre, par les États membres, des directives de l'UE dans ce domaine, gère également le système de publication toujours cité selon son acronyme en anglais, Tenders Electronic Daily (TED)327(*) et les sites internet associés eTendering et eNotices.

Tous les appels d'offres et les avis d'attribution pour les marchés dont la valeur est supérieure aux seuils européens doivent être publiés sur le portail TED afin que les fournisseurs potentiels soient informés des possibilités de marchés à venir. Les pouvoirs adjudicateurs peuvent également y publier des procédures d'une valeur inférieure auxdits seuils.

Selon la Cour des comptes européenne328(*), en 2020, plus de 640 000 avis de marché ont été publiés sur TED. On estime qu'ils concernaient 226 000 procédures de marché public, pour une valeur d'environ 800 milliards d'euros. Depuis 2016, ces avis sont accessibles au public en données ouvertes.329(*)

Lorsque les pouvoirs adjudicateurs utilisent d'autres plateformes de marchés publics pour publier des avis de marché, les États membres doivent veiller à ce que toutes les données relatives aux procédures d'une valeur supérieure aux seuils fixés soient transférées vers TED, conformément à l'article 51 de la directive 2014/24/UE.

La qualité des données sur les marchés publics dans l'UE est insuffisante
selon la Cour des comptes européenne

Principaux champs de données TED dont les valeurs faisaient défaut
pour la période 2011-2021

Le document unique de marché européen (DUME) n'a pas eu les effets escomptés en termes de simplification.

Le DUME, instauré aux fins de simplification par la directive 2014/24/UE, fournit un cadre pour la gestion des déclarations sur l'honneur pour l'évaluation des critères d'exclusion et de sélection.

Les pouvoirs adjudicateurs doivent définir les critères de sélection des entreprises (par exemple la capacité à fournir la prestation demandée, la situation financière, la régularité fiscale et l'absence de condamnation pénale) et établir la liste des critères d'exclusion dans le DUME pour leurs procédures de marchés publics, et les partager en ligne avec les soumissionnaires potentiels.

Ceux-ci peuvent confirmer dans le DUME qu'ils remplissent les critères, mais n'ont pas besoin de joindre de pièces justificatives. Celles-ci ne seront demandées qu'aux soumissionnaires retenus.

Source : rapport de la Cour des comptes européenne

4. La refonte des directives de 2014 est inscrite au programme législatif de la Commission von der Leyen II
a) La présidence française de l'Union européenne, dès 2022, avait ouvert la voie à une réforme de la commande publique

La France avait initié une dynamique exigeante d'utilisation de la commande publique dans le cadre des directives de 2014 et des droits nationaux applicables, dès sa présidence du Conseil européen du premier semestre 2022.

Le 9 juin 2022, le Conseil de l'Union européenne a adopté les conclusions proposées par la présidence française visant à rendre plus durable la commande publique européenne.

Ces conclusions330(*) appelaient la Commission et les États membres à travailler étroitement avec le Parlement européen à l'adoption de règles communes pour qu'à terme tous les contrats de la commande publique promeuvent la transition vers une économie plus verte, innovante, circulaire et socialement responsable.

Pour mettre en oeuvre cette approche stratégique, des secteurs d'activité prioritaires devaient être identifiés au regard de leur importance, de leur empreinte écologique, de leur perméabilité aux considérations de développement durable, du degré de maturité des entreprises et des pouvoirs adjudicateurs concernés.

Ces conclusions appelaient aussi à une réforme, d'ici à 2030, de tous les textes concernant les secteurs prioritaires et de tous ceux relatifs à la commande publique pour accueillir ces considérations de développement durable.

b) Les rapports Draghi et Letta creusent ce sillon vers une réforme en profondeur de la commande publique à l'échelle européenne

Le 9 septembre 2024, l'ancien président de la Banque centrale européenne, et ancien Premier ministre italien, M. Mario Draghi, a remis à la présidente de la Commission européenne, Mme Ursula von der Leyen, réélue par le Parlement européen en juillet 2024, à l'issue du scrutin de juin de la même année, un rapport331(*) sur le futur de la compétitivité européenne. La réalisation de ce rapport lui avait été confiée par la présidente de la Commission à l'automne 2023.

La remise de ce rapport avait été précédée par celle du rapport de M. Enrico Letta, autre ancien Premier ministre italien et président actuel de l'Institut Jacques Delors, intitulé « Much more than a market » (« Bien plus qu'un marché »), couramment appelé « Rapport Letta », qui avait été présenté à la réunion extraordinaire du Conseil européen des 17 et 18 avril 2024332(*). Ce document pose un diagnostic ainsi que des recommandations visant à réformer en profondeur le marché intérieur européen. Il avait été commandé par le Conseil européen en juin 2023, prenant acte de la nécessité de revoir entièrement les fondations du marché unique - datant des années 1980 -, au vu du contexte multipolaire et de la multiplication des crises. Selon le rapport Letta, le marché unique doit être repensé pour mieux répondre aux enjeux actuels, autour de trois priorités stratégiques : assurer une transition verte et numérique équitable, accompagner l'élargissement de l'Union et renforcer la sécurité européenne face aux défis géopolitiques. Le rapport plaide aussi pour une « simplification réglementaire », afin de réduire la complexité administrative qui freinerait les entreprises en Europe.

Le rapport Draghi complète les vastes propositions horizontales du rapport Letta, en analysant en quelque sorte verticalement, secteur par secteur, le retard de compétitivité et le décrochage économique européens du fait d'un ralentissement de la croissance dans l'UE depuis les années 2000 et avance une liste de 170 propositions, essentiellement fondées sur la stimulation et la valorisation de l'innovation, mais aussi par un profond aggiornamento de la plupart des politiques sectorielles européennes. Il recommande la mise en place de véritables politiques industrielles européennes, notamment dans le domaine de la défense, pour réduire la vulnérabilité économique du continent.

Les recommandations du rapport Draghi en faveur de la compétitivité
et de la souveraineté européennes au prisme de la commande publique

1) Défense

D'après le rapport, une part trop importante des achats de défense est réalisée à l'étranger, notamment aux États-Unis, alors que des équivalents européens pourraient être mobilisés dans de nombreux cas et que le marché militaire américain reste quant à lui fermé à l'Europe.

Recommandations du rapport :

- introduire un principe de préférence européenne par le biais d'une réforme de la législation sur les marchés publics de défense ;

- augmenter la part des dépenses de défense conjointes et des achats communs pour consolider les capacités industrielles de l'UE.

2) Décarbonation

Le rapport évoque notamment les matières premières critiques, qui sont décrites comme étant essentielles pour accélérer la transformation de l'économie européenne, et pour fournir des technologies propres pour la transition écologique.

Recommandations du rapport :

- utiliser les marchés publics afin de stimuler la demande et de faire croître l'industrie des matières premières critiques ;

- les États membres devraient introduire dans les marchés publics un quota pour certains produits ou composants produits localement quand cela est nécessaire pour atteindre les objectifs de fabrication de technologies propres (préférence européenne) ;

- ces quotas devraient être mis en place lorsque l'UE ne peut pas être autonome dans les industries stratégiques ;

- stimuler la demande pour les produits verts en introduisant dans les directives européennes des critères obligatoires de faible émission de carbone pour les marchés publics, accompagnés d'exigences minimales de durabilité environnementale.

3) Innovation

Le rapport Draghi souligne que le potentiel d'innovation des marchés publics est « lourdement » sous-exploité, ceux-ci étant souvent caractérisés par une « focalisation excessive sur la minimisation des risques et la satisfaction des exigences préétablies ».

Recommandations du rapport :

- les institutions européennes, la Commission incluse, devraient montrer l'exemple et créer leur propre plan d'action pour intégrer l'innovation dans les marchés publics ;

- rendre la réglementation plus simple et plus favorable pour les entreprises innovantes ;

- réviser les directives, les règles de passation des marchés publics pour favoriser et valoriser leur importance stratégique pour l'innovation ;

- fixer des objectifs aux États membres ;

- introduire des règles plus favorables à la propriété intellectuelle ;

- privilégier la qualité des offres sur le prix lors de l'attribution des marchés ;

- éviter les exigences financières strictes et les limitations technologiques, car elles pénalisent les start-ups et les entreprises en expansion ;

- le futur programme de R&I devrait établir un budget ad hoc ou un sous-programme pour renforcer l'innovation dans les marchés publics, en particulier dans les secteurs où les acheteurs publics sont des clients importants ;

- les États membres devraient tous mettre en place des cadres politiques nationaux ambitieux en matière de marchés publics d'innovation, avec des objectifs, des ressources et des calendriers clairs, ainsi qu'un cadre de suivi efficace.

Le cas du cloud

Le rapport Draghi constate que l'innovation européenne est particulièrement en retard dans le domaine de l'informatique en nuage, dite « cloud ». L'UE perd du terrain en matière de R&D et de création d'entreprises d'envergure mondiale. Ce retard risque de s'accentuer en raison, notamment, de la multiplicité des règles nationales en matière de marchés publics qui entraîne des coûts élevés pour les fournisseurs de services de cloud. Cet écosystème réglementaire favorise les grandes entreprises non européennes pouvant se conformer à ces règles.

Recommandations du rapport :

Adopter une législation européenne sur le développement du cloud et de l'IA pour se doter de règles européennes homogènes et contraignantes pour ces domaines, afin de créer des conditions équitables pour les entreprises européennes face aux acteurs non européens plus importants.

Il est donc recommandé d'adopter une politique unique au niveau de l'UE pour les marchés publics liés aux services cloud.

Les marchés publics devraient être harmonisés entre les États membres pour favoriser la collaboration et la consolidation des entreprises européennes.

c) L'annonce de la proposition de révision des directives de 2014 par la Commission européenne

C'est dans ses « orientations politiques », intitulées « Le choix de l'Europe : orientations politiques pour la prochaine Commission européenne 2024-2029 »333(*) présentées devant le Parlement européen dès le 18 juillet 2024, alors qu'elle est encore candidate à la présidence de la Commission européenne pour un deuxième mandat, que Mme von der Leyen a inclus la « révision de la [sic] directive sur les marchés publics », avec un objectif, « optimiser notre utilisation des marchés publics ».

Extrait des « orientations politiques » de Mme Ursula von der Leyen, candidate à la présidence de la Commission européenne, 18 juillet 2024

« Nous devons également optimiser notre utilisation des marchés publics, qui représentent 14 % du PIB de l'UE.

Un gain d'efficacité de 1 % pour les marchés publics pourrait se traduire par une économie annuelle de 20 milliards d'euros. Il s'agit d'ailleurs de l'un des principaux leviers dont nous disposons pour développer des biens et des services innovants et créer des marchés pilotes dans le domaine des technologies propres et stratégiques.

Je proposerai une révision de la directive sur les marchés publics. Elle permettra de donner la préférence aux produits européens dans les marchés publics pour certains secteurs stratégiques. Elle contribuera à assurer à nos citoyens une valeur ajoutée de l'UE, ainsi que la sécurité de l'approvisionnement en technologies, produits et services vitaux. Elle modernisera et simplifiera aussi nos règles en matière de marchés publics, en tenant compte notamment des start-ups et des innovateurs de l'UE. »

Une fois la présidente de la Commission européenne nommée, ces orientations ont été transcrites dans les lettres de mission adressées aux candidats désignés aux différents postes de commissaires le 17 septembre 2024. C'est le Commissaire français désigné comme « vice-président exécutif », en charge de la « prospérité et de la stratégie industrielle », responsable du portefeuille de l'industrie, des PME et du marché unique, M. Stéphane Séjourné, qui se voit confier la mission de réviser « les directives sur les marchés publics afin de contribuer à garantir la sécurité de l'approvisionnement en certains produits, services et technologies essentiels, tout en simplifiant les règles et en réduisant la charge administrative. »

Et la présidente renouvelée d'ajouter : « Cette révision devrait permettre de privilégier les produits européens lors de la passation de marchés publics pour certains secteurs et technologies stratégiques. »

L'objectif est réitéré lors de l'entrée en fonctions de la nouvelle Commission européenne, approuvée par le Parlement européen, et du discours prononcé à cette occasion par Mme Ursula von der Leyen, le 1er décembre 2024, et dans la communication de la Commission européenne au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions du 11 février 2025 présentant son programme de travail pour 2025, intitulée « Avancer ensemble : une Union plus audacieuse, plus simple et plus rapide »334(*).

L'annonce d'une « boussole pour la compétitivité », « priorité absolue », fait écho aux recommandations du rapport Draghi et celle d'une « nouvelle stratégie horizontale pour un marché unique modernisé » au rapport Letta.

Cette stratégie devra se concentrer « sur la mise en oeuvre intégrale des règles existantes et l'élimination des obstacles afin de renforcer le potentiel des entreprises compétitives de l'UE »335(*).

Ce programme de travail présente également une première série de propositions dites « omnibus » destinées à « simplifier divers actes législatifs, ainsi qu'un nombre record d'initiatives présentant une forte dimension de simplification. Elles contribueront à la réalisation de l'objectif de réduction des charges administratives d'au moins 25 % et d'au moins 35 % pour les PME. »336(*)

Ce programme est accompagné d'une annexe, présentée sous forme de tableaux, indiquant les objectifs et le calendrier prévu de mise en oeuvre, en distinguant les « nouvelles initiatives » du « plan annuel d'évaluations et de bilans de qualité » où figure, en 5e position sur 37 lignes, « l'évaluation des directives sur les marchés publics », avec une date indicative d'achèvement au 3e trimestre 2025.

Le Sénat a adopté, sur le rapport de nos collègues MM. Jean-François Rapin et Didier Marie, respectivement président et vice-président de la commission des affaires européennes du Sénat, une proposition de résolution européenne337(*), devenue résolution du Sénat le 28 avril 2025338(*), sur ce programme de travail, dont un paragraphe est ainsi rédigé :

« Le Sénat [...] attend avec impatience la révision de la directive “marchés publics” annoncée pour 2026, pour réduire la complexité des procédures actuelles de passation de ces marchés, qui pèse sur l'activité des entreprises concessionnaires mais aussi sur les choix des collectivités territoriales en tant que pouvoir adjudicateur ; salue la volonté affichée de la Commission européenne de reconnaître, à l'occasion de cette réforme, une “préférence européenne” pour les marchés des secteurs stratégiques ; considère à cet égard que le numérique fait partie de ces “secteurs stratégiques” »339(*).

Cette résolution, qui s'adresse au Gouvernement français, afin de faire valoir les positions du Sénat à Bruxelles, au sein du Conseil, s'accompagne d'un avis politique qui en reprend les termes, à destination de la Commission européenne (et envoyé en copie au Parlement européen).

5. Le cadre et le calendrier prévisible de la révision des directives
a) La procédure européenne en cours
(1) Rappel de la procédure législative européenne

La mission de pilotage de la procédure de révision des directives de 2014 est donc confiée à Stéphane Séjourné, vice-président exécutif de de la Commission européenne, en charge de la prospérité et de la stratégie industrielle, qui supervise la DG GROW, direction générale en charge du marché intérieur.

Afin d'alimenter sa réflexion, M. Stéphane Séjourné a annoncé son intention de consulter toutes les parties prenantes. La Commission européenne a lancé à cette fin, le 13 décembre 2024, une consultation publique de trois mois.

Le Parlement européen, pour sa part, prépare un rapport dit d'initiative sur le sujet, au sein de sa commission du marché intérieur, dite IMCO340(*) (cf. infra).

La Commission devrait publier sa proposition de texte modifiant les directives de 2014 d'ici à la fin de l'année 2026, ce qui ouvrira ensuite la voie au début des négociations formelles avec le Parlement européen et les 27 États membres.

(2) Une consultation publique servira de base à l'évaluation de la Commission européenne

Dès le 13 décembre 2024, la Commission européenne a lancé une évaluation des trois principaux actes législatifs susmentionnés qui réglementent la commande publique dans l'Union : la directive sur les marchés publics, la directive sur les services d'utilité publique et la directive sur les concessions.

Elle doit porter sur leur performance et leur incidence dans l'Union, et déterminera s'ils restent adaptés à leur finalité, s'ils atteignent les objectifs fixés à un coût minimal et s'ils sont en mesure de relever les défis actuels.

Cette évaluation s'appuiera sur les dossiers et les retours reçus par la Commission européenne depuis la mise en oeuvre des directives mais aussi sur une procédure spécifique, fondée sur une consultation publique, qui a été ouverte le 13 décembre 2024 et close le 7 mars 2025. Cette consultation a eu lieu sur le site Internet dédié aux consultations de la Commission européenne, intitulé « have your say »341(*) ou « prenez la parole ! ».

La liste des groupes de « parties prenantes » susceptibles d'être les plus intéressés par l'évaluation comprend au premier chef les gouvernements mais la consultation s'adresse également aux autres acheteurs publics, y compris au niveau régional ou local, ainsi qu'aux entreprises et organisations professionnelles, y compris les PME, les start-ups et les entreprises sociales.

La collecte de données sous-tendant l'évaluation comprend également des recherches documentaires et un examen des travaux de recherche existants et des rapports, études et analyses disponibles. Des études seront également commanditées auprès d'experts privés. La collecte des données et leur analyse seront réalisées avec la contribution des groupes d'experts de la commission, dès le premier semestre 2025.

L'analyse qualitative des contributions reçues est en cours et devrait paraître à l'été 2025.

L'analyse quantitative a été publiée le 14 mai 2025 : 949 contributions ont été reçues.

Réponses à la consultation publique de la Commission européenne

Source : Commission européenne342(*)

(3) L'impulsion nécessaire de la présidence polonaise avec l'encouragement de la France

Sous la présidence polonaise du Conseil de l'Union européenne, au premier semestre 2025, la révision des directives de 2014 s'inscrit dans le cadre des travaux prioritaires pour l'approfondissement et l'élargissement du marché intérieur, conformément aux conclusions des rapports Letta et Draghi.

Rappelons que le marché intérieur de l'UE est le plus grand marché intégré au monde, représentant 18 % du PIB mondial, plus de 440 millions de citoyens-consommateurs et 23 millions d'entreprises qui emploient près de 128 millions de personnes.

La politique de la commande publique s'inscrit aussi et surtout dans le cadre de la politique industrielle européenne qu'il s'agit de promouvoir, dans un contexte de tensions géopolitiques très fortes. Après que le Conseil européen eut appelé, en avril 2024, à un nouveau pacte pour la compétitivité européenne, puis accueilli favorablement les rapports Draghi et Letta, il s'agit de promouvoir une véritable base industrielle européenne pour remédier aux dépendances à de nombreux produits, matières premières, mais aussi services, mises en évidence par la crise sanitaire et la guerre d'agression russe en Ukraine.

Assurer la double transition écologique et numérique des écosystèmes industriels européens et renforcer la souveraineté stratégique de l'UE sont les deux objectifs majeurs de cette nouvelle politique industrielle à réinventer, non sans une certaine urgence.

C'est dans ce contexte stratégique que s'inscrit la mise à jour d'un droit européen de la commande publique efficace et à la hauteur des défis des années à venir, et c'est pourquoi la France, au sein du Conseil de l'Union européenne, encourage la révision des directives de 2014.

Ce sujet a été à l'ordre du jour du conseil compétitivité du 22 mai 2025 qui s'est tenu à Varsovie.

(4) La « nouvelle stratégie pour le marché unique » incorpore la révision des directives sur les marchés publics

La Commission européenne a publié le 21 mai 2025 sa communication intitulée « Le marché unique : notre marché intérieur européen dans un monde incertain, Stratégie pour un marché unique simple, homogène et solide »343(*).

Au chapitre premier, « Supprimer les obstacles », consacré à la simplification des règles, la révision du cadre européen de la commande publique doit permettre de centraliser et rationaliser des dispositions fragmentées et complexes. Il s'agit aussi de généraliser l'utilisation des critères de durabilité, de résilience et des critères sociaux.

S'y ajouteraient, « dans certaines technologies et dans certains secteurs stratégiques », des critères de préférence européenne, tout en garantissant des appels d'offres concurrentiels.

En coordination avec la révision du cadre des marchés publics, la révision de la directive 2009/81/CE du 13 juillet 2009 relative aux marchés de défense ou de sécurité doit permettre de simplifier et d'harmoniser les règles et les procédures pour ces marchés et de prendre en compte une éventuelle préférence européenne.

Au chapitre 3, consacré aux PME, la stratégie indique que la Commission tiendra compte des besoins des PME ainsi que des petites ETI (comptant entre 250 et 749 salariés) lors de la révision des directives. L'objectif est notamment d'aider les PME dans leur évolution vers le statut d'entreprise à petite ou moyenne capitalisation boursière.

Le quatrième chapitre, dédié à la numérisation, souligne que les données relatives aux marchés publics demeurent fragmentées et que les bases de données ne sont pas encore interopérables. Dans le cadre de la révision des directives, la Commission affirme que le principe « dites-le-nous une fois » devrait être intégré dans la législation. L'authentification numérique devrait également être introduite dans les processus de marchés publics. La transformation numérique des marchés de travaux devrait, quant à elle, être favorisée par l'utilisation d'outils numériques spécifiques, tels que les logiciels de modélisation des données du bâtiment (BIM). La révision de la directive sur la facturation électronique344(*) est également prévue et son évolution vers un règlement est envisagée.

(5) La suite des rapports et consultations prévus par la Commission et les autres institutions européennes

Outre la consultation publique ci-dessus mentionnée, la Commission, conformément aux usages en vigueur à Bruxelles en matière de préparation des propositions législatives, au niveau du cabinet du Commissaire et de la DG GROW, continue de mener des consultations ciblées.

La Commission a également commandité des études externes, comme elle le fait habituellement, afin de concourir à l'évaluation des directives, qui devaient lui être remises en juin 2025 pour les premières conclusions. Des analyses coûts/bénéfices plus poussées seraient publiées d'ici septembre 2025.

Le Comité des régions a mené une consultation auprès des collectivités, dont les résultats devraient être connus en septembre 2025. Le comité rendra également un avis officiel sur la révision des directives.

Le Comité économique et social européen (CESE) rendra aussi un avis officiel sur cette révision.

La Banque mondiale devait présenter un rapport sur la concurrence dans les marchés publics de l'UE lors d'une conférence organisée le 12 juin 2025 à Varsovie par la présidence polonaise du Conseil de l'UE345(*).

b) Le rapport d'initiative du Parlement européen

Le 11 avril 2025, la commission du marché intérieur et de la protection des consommateurs, dite IMCO, du Parlement européen a examiné un projet de rapport d'initiative sur les marchés publics du député européen polonais, M. Piotr Müller (groupe CRE). Ce projet de rapport souligne que les marchés publics doivent promouvoir l'innovation tout en restant neutres sur le plan technologique, et expose quatre priorités clés, notamment l'amélioration de l'accès des PME en renforçant l'allotissement et la numérisation complète de la procédure de passation des marchés publics.

Tout en rappelant que les marchés publics européens devraient rester un « pilier essentiel du bon fonctionnement du marché intérieur et de l'économie au sens large » et en convenant qu'une « réforme ciblée s'impose pour en libérer le véritable potentiel », le rapport demande à la Commission « d'aligner pleinement la réforme des marchés publics sur des objectifs stratégiques » de simplification et de compétitivité. Il prévient que « la tendance croissante à utiliser les marchés publics pour atteindre des objectifs stratégiques multiples et souvent contradictoires risque d'ajouter de la complexité et des obstacles bureaucratiques et procéduraux ».

Il reconnait certes la nécessité de rendre les marchés publics plus accessibles, en particulier pour les PME et appelle en conséquence à « réduire sensiblement les 476 articles ou les 907 pages de lois actuellement en vigueur » et à concentrer la réforme sur trois « principes directeurs » : rentabilité, concurrence et mesures de lutte contre la corruption.

Parmi les domaines d'amélioration, il souligne, par rapport à l'actualisation des seuils, que « la révision devrait plutôt viser à la réduction des obstacles administratifs et à la simplification des procédures, qui constituent toujours la cause principale de nombreux problèmes ».

Il demande en conséquence une harmonisation limitée à « l'essentiel » : les outils numériques, la normalisation des procédures et des structures de marchés publics, pour améliorer l'efficacité et la prévisibilité, plutôt que « d'harmoniser pour harmoniser ».

Les recommandations sont centrées sur les PME, « épine dorsale de l'économie européenne », la simplification, la concurrence, mais le rapport reconnaît dans son exposé des motifs que « les marchés publics devraient soutenir la résilience de secteurs stratégiques » et que « la transformation numérique et le soutien à l'innovation sont essentiels ». Il recommande un équilibre entre efficacité, concurrence et viabilité économique.

Près de 800 amendements ont été initialement déposés sur ce rapport. Il a été adopté le 7 juillet 2025 par la commission IMCO, modifié par onze amendements, avant un examen en séance plénière prévu le 8 septembre suivant. Cela souligne le caractère peu consensuel des orientations proposées par le rapporteur du Parlement européen.

Ce texte déterminera néanmoins sa position, qui joue évidemment un rôle clé dans la procédure législative.

c) Les principaux enseignements du déplacement à Bruxelles

Une délégation de la commission d'enquête, composée de son président, de son rapporteur et de Mme Lauriane Josende, s'est rendue à Bruxelles le 12 mai 2025 afin de rencontrer les principaux acteurs de la réforme en cours, et quelques interlocuteurs clés, d'ores et déjà très engagés dans le processus de consultation lancé par la Commission.

La délégation a ainsi pu s'entretenir avec la Directrice en charge du dossier à la DG GROW, Mme Nathalie Berger, et son équipe chargée de la réforme. Outre de premiers éléments chiffrés sur la consultation publique, ils se sont montrés très attentifs en particulier aux problématiques des PME, et en attente de propositions concrètes de toutes les parties prenantes.

La question clé de la composition et du rôle des groupes d'experts consultés par la Commission dans le cadre de la préparation de la réforme a également été évoquée.

Sur le fond, la préférence européenne dans la commande publique apparaît désormais comme un enjeu clé pour la Commission européenne, avec de fortes divergences entre États membres à ce stade sur l'envergure de cette préférence dans les marchés publics et sur la définition des « secteurs stratégiques » auxquels elle pourrait s'appliquer, selon les propositions initiales de la Commission. La DG GROW semble soucieuse de consulter largement et de prendre en compte tous les enjeux, y compris géopolitiques, afin de « bien légiférer », en améliorant et simplifiant le dispositif actuel.

Toutefois, compte tenu des enjeux internationaux, notamment, de l'accès aux marchés publics européens, une coordination étroite avec d'autres branches de la Commission semble nécessaire, notamment avec la DG TRADE, en charge des accords commerciaux internationaux, et la DG REGIO, en charge de la cohésion territoriale de l'UE et des fonds de cohésion.

Les enjeux transfrontaliers ont aussi été évoqués, qui mettent en jeu de nombreux leviers, tenant par exemple aux politiques sociales, à l'origine de nombreuses distorsions de concurrence, sur lesquelles la Commission ne peut agir qu'en vertu des compétences qui lui sont confiées par les traités, sous le contrôle du respect du principe de subsidiarité par les parlements nationaux.

Un échange avec le Commissaire Séjourné, après une réunion de travail avec son cabinet, a permis de préciser le calendrier envisagé à ce stade.

La Commission prévoyait de publier les propositions de directives au dernier trimestre 2026. Mais ce calendrier paraît insuffisamment ambitieux pour répondre aux enjeux immédiats auxquels fait face l'économie européenne, et gagnerait à être avancé au premier trimestre 2026, sans préjudice de l'avancement des travaux portant sur le futur acte d'accélération de décarbonation de l'industrie dont il est également possible de tirer parti parallèlement pour introduire des considérations relatives à la commande publique.

Il est apparu aussi que des pressions « à la baisse » s'exercent de la part d'un certain nombre d'interlocuteurs de la Commission européenne, en faveur d'une révision a minima, qui se concentrerait uniquement sur les problématiques de concurrence, voire se focaliserait sur le prix, au détriment des effets de levier de la commande publique sur la politique industrielle ou sur les politiques stratégiques de soutien aux transitions. Ainsi, l'association BusinessEurope, qui représente les organisations patronales européennes (mais seul le Medef pour la France), se situe-t-elle sur une ligne qui a paru à la délégation minimaliste en termes d'exigences sociales et environnementales, correspondant pourtant à des orientations stratégiques, en matière de compétitivité industrielle et économique.

D'autres organisations, interlocutrices régulières de la Commission européenne, comme le Conseil des Communes et Régions d'Europe, représentant des collectivités de la grande Europe (41 pays) au-delà même de l'UE, doivent trouver des points d'équilibre qui s'apparentent souvent au plus petit dénominateur commun.

Les échanges avec le Représentant permanent adjoint de la France auprès de l'Union européenne, M. Cyril Piquemal, ont permis de mesurer la mobilisation des autorités françaises en faveur de la réforme en cours de préparation mais aussi le travail de persuasion et d'influence à fournir auprès de certains États membres pour « tirer vers le haut » les ambitions du nouveau « paquet » législatif et veiller au respect d'un calendrier exigeant. Il y a encore beaucoup à faire pour contribuer à bâtir la majorité qualifiée nécessaire. En effet, selon les règles actuellement en vigueur, l'adoption d'un texte au sein du Conseil de l'UE est conditionnée au soutien d'au moins 55 % des États membres, soit 15 sur 27, représentant au moins 65 % de la population totale de l'UE.

La volonté politique est claire de ne pas laisser le sujet aux mains de groupes d'experts, fussent-ils de haut niveau, pour lui conférer la dimension stratégique incontournable qu'il revêt, à la hauteur des défis économiques et géopolitiques de l'UE. La France a, à l'évidence, un rôle moteur à jouer en la matière et les autorités administratives et politiques paraissent relativement bien alignées pour ce faire.

La délégation a émis le souhait que le Parlement soit pleinement partie prenante et que le travail de la commission d'enquête soit utilisé par les autorités françaises. La diplomatie parlementaire devra en être une composante, à travers ses différents moyens d'influence : travaux des commissions, notamment de la commission des affaires européennes, tels les résolutions européennes, avis politiques, et réunions de la Cosac346(*), ainsi que les groupes d'amitié et rencontres avec des parlementaires, membres des parlements nationaux et membres du Parlement européen.

Recommandation n° 17. - Mobiliser la diplomatie parlementaire pour contribuer à bâtir une majorité qualifiée afin d'adopter une révision ambitieuse des directives européennes sur la commande publique.

d) Le dispositif mis en place à l'échelle française pour piloter la révision des directives

Si la Représentation permanente à Bruxelles est l'outil politique et diplomatique informant les autorités françaises et exprimant la voix de la France dans les négociations auprès des institutions européennes à Bruxelles, le suivi de ce dossier est interministériel, sous la coordination à Paris du secrétariat général aux affaires européennes, placé sous l'autorité du Premier ministre, et piloté, pour la commande publique, par la direction des affaires juridiques (DAJ) du ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, qui s'est fortement impliquée, depuis la préparation de la présidence française du Conseil de l'Union européenne en 2020, en faveur de l'amélioration du cadre juridique européen de la commande publique.

La commission d'enquête, sans méconnaître l'expertise juridique de la DAJ, souligne que la DAE, dont l'expérience en matière d'achat public est incontournable, doit être fortement impliquée dans la définition des positions françaises.

Afin de porter des positions ambitieuses et aussi adaptées que possible aux attentes des parties prenantes, la DAJ a engagé en janvier 2025 une large consultation, qui a associé, outre les directions de Bercy (DAE347(*), DGE348(*), APE349(*), DG Trésor) réunies au sein d'un cercle de réflexion ministériel, les autres ministères intéressés et l'ensemble des acteurs concernés : fédérations professionnelles, entreprises, acheteurs, professionnels du conseil en commande publique, magistrats...

Plus d'une dizaine d'ateliers de travail ont ainsi été conduits entre janvier et mars 2025, associant l'ensemble de ces composantes.

Cette démarche, initiée dans le cadre de la consultation publique de la Commission européenne, est appelée à se poursuivre tout au long du processus de révision.

La directrice des affaires juridiques des ministères économiques et financiers, Mme Clémence Olsina, en a précisé les contours devant la commission d'enquête : « Au plan européen, la prise en compte de ces enjeux appelle un chantier normatif de plus grande ampleur - ce qui ne veut pas dire que tout doive être réécrit - en vue de compléter le cadre en vigueur pour traduire ces différents objectifs. La Commission européenne a annoncé ce chantier et les autorités françaises y sont favorables et avaient plaidé en ce sens. Ce chantier est lancé, avec actuellement une consultation au niveau européen. La DAJ relaie et amplifie ce travail au plan interne. Elle a ainsi déjà mené plus d'une dizaine de groupes de travail associant acteurs économiques, administrations, représentants des acheteurs et monde universitaire à cette réflexion. Des textes devraient être présentés cette année, s'agissant de certains secteurs stratégiques, et en 2026 pour ce qui concerne les directives elles-mêmes. »350(*)

Ce dispositif paraît opérationnel et performant. Il pourra être évalué à l'issue de l'aboutissement du processus, en particulier quant à la prise en compte d'un objectif majeur, et prioritaire pour la commission d'enquête : la préférence européenne.

Extrait de la contribution du ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, pour les autorités françaises,
à la consultation en ligne de la Commission européenne

La contribution de la France à la consultation de la Commission européenne constitue une esquisse de la position qui pourrait être défendue par notre pays au cours du processus de révision des directives. Elle reste préliminaire mais mérite d'être mentionnée ici puis renforcée sur plusieurs points, notamment en matière de préférence européenne et de soutien aux PME. Les éléments suivants sont à noter :

« Les autorités françaises appellent à renforcer la simplicité et le caractère opérationnel des dispositions du droit de la commande publique dans son ensemble, par une rédaction claire, une mise en oeuvre simple et sans risque juridique pour les pouvoirs adjudicateurs, et à permettre à ceux-ci de tirer parti de toutes les possibilités qui leur sont offertes, en évaluant avec précision ce qui leur est permis et ce qui leur est interdit.

« En effet, plusieurs règlements ou directives à ambitions sectorielles récemment adoptés ont fait évoluer le droit de la commande publique, pour mieux prendre en compte les critères d'achat durable ou de résilience de nos chaînes d'approvisionnement. Afin de systématiser les principes esquissés dans ces différents textes, il apparaît maintenant nécessaire de les rassembler dans le droit de la commande publique. Cela permettra en outre d'améliorer la lisibilité du droit, tant pour les acheteurs que pour les opérateurs économiques, en limitant les jeux de renvois et les interprétations croisées et en offrant une vision exhaustive et cohérente des normes applicables. » (...)

« La commande publique doit être davantage mobilisée pour soutenir au mieux la transition vers une économie verte, innovante, circulaire, neutre en carbone et socialement responsable. En particulier, les autorités françaises considèrent qu'elle devrait être au service de l'objectif de la transition durable et de la neutralité carbone prévue pour 2050. » (...)

« Cette obligation pourrait prendre la forme d'une obligation générale pour les acheteurs publics d'intégration de clauses et critères environnementaux et sociaux dans tous les contrats de la commande publique couverts par les directives, obligation qui laisserait de la souplesse aux acheteurs en termes de modalités et d'intensité de mise en oeuvre.

« Ceci doit permettre de mieux valoriser, dans le cadre des règles de l'OMC, l'excellence environnementale des produits européens et d'encourager le développement de capacités industrielles européennes plus vertueuses d'un point de vue écologique. Il paraît important de sortir d'une logique guidée essentiellement par les prix, qui empêche de pleinement valoriser l'excellence environnementale et sociale des produits fabriqués en Europe, et permettra à terme de favoriser l'émergence de nouvelles filières industrielles européennes. La commande publique peut permettre également de garantir des débouchés en termes de marchés pour certains produits, dont les produits décarbonés. »

« Les directives "marchés publics" devraient prendre en compte la nécessité d'assurer la sécurité des approvisionnements. Alors que l'économie européenne fait face à des difficultés pour s'approvisionner en produits essentiels, y compris en médicaments, la directive 2014/24 régissant les secteurs classiques n'offre aucune latitude pour permettre aux acheteurs de prendre des dispositions pour assurer la sécurité des approvisionnements. Une telle disposition existe, en revanche, à l'article 23 de la directive relative aux marchés de défense et de sécurité (directive 2009/81).

« Il est nécessaire d'étendre la prise en compte de la sécurité d'approvisionnement, éventuellement sur le modèle de l'article 25 du règlement NZIA (Net Zero Industry Act), afin d'encourager et de garantir une production minimale sur le sol européen pour certains produits.

« De manière générale, en ce qui concerne l'acquisition de biens et de services stratégiques, les directives sont insuffisamment adaptées aux situations dites d'urgence (crises, attaques terroristes, événements climatiques extrêmes, etc.). La crise du Covid-19 ainsi que la guerre en Ukraine ont montré que les procédures actuellement prévues par les textes (notamment les procédures accélérées et négociées) ne permettent pas toujours de répondre aux impératifs de célérité en garantissant la sécurité juridique des procédures mises en oeuvre par les pouvoirs adjudicateurs. Les directives ne prévoient par ailleurs pas de mesures assurant la transition entre les situations d'urgence et le retour à un contexte ordinaire. »

Source : Secrétariat général aux affaires européennes (SGAE)

B. POUR UNE PRÉFÉRENCE EUROPÉENNE ÉLARGIE

Le concept de préférence européenne doit se déployer sur de nouveaux fronts, dans le contexte géopolitique actuel, où les notions de souveraineté économique, agricole, industrielle et numérique sont devenues cruciales pour l'Union européenne.

Afin de le remettre en perspective, il est utile d'examiner la façon dont cette préférence est mise en oeuvre outre-Atlantique et outre-Manche.

1. Aux États-Unis et au Royaume-Uni, un dispositif élargi de préférence nationale
a) Aux États-Unis, un protectionnisme assumé

L'étude de législation comparée réalisée par les services du Sénat à la demande de la commission d'enquête montre que le droit de la commande publique américain est largement empreint de protectionnisme, et ce de longue date.

La commande publique aux États-Unis

Au cours de l'année fiscale 2023, le montant total des contrats de la commande publique passés par le gouvernement fédéral s'est élevé à 759,2 milliards de dollars (668 milliards d'euros), ce qui représente une augmentation de 33 milliards de dollars (après ajustement lié à l'inflation) par rapport à l'année fiscale précédente. Parmi ces contrats, la majorité est conclue par le ministère fédéral de la défense (456 milliards d'euros).

À l'échelle des États fédérés, les contrats de la commande publique - dits SLED, pour State, Local and Education, puisqu'ils sont conclus par les États, les collectivités territoriales, les académies ainsi que les établissements scolaires et universitaires - représentent environ 1 500 milliards de dollars chaque année, soit 10 % du PIB américain.

Source : étude de législation comparée, direction de l'initiative parlementaire et des délégations, Sénat, mai 2025

Si les grands principes du droit suivent une logique similaire aux autres pays membres de l'accord sur les marchés publics (AMP) de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), notamment en ce qui concerne les procédures de passation concurrentielle, les États-Unis se démarquent par différents dispositifs de préférence nationale.

Ceux-ci complètent un dispositif de veille particulièrement actif et une politique de conquête des marchés publics à l'étranger très agressive. Ainsi, M. Alain Juillet, ancien Haut responsable chargé de l'intelligence économique, a indiqué lors de son audition devant la commission d'enquête que « chaque fois qu'un rapport est réalisé par un cabinet de conseil, une copie de celui-ci est envoyée au siège. Si le cabinet est américain, le rapport part donc aux États-Unis. »351(*) Et d'ajouter : « Le département du commerce américain dispose d'une petite organisation qui identifie tous les ans environ 120 ou 130 contrats essentiels pour les États-Unis. Tous les services américains - diplomates, services de renseignement, police, douanes, etc. - sont alors mobilisés pour donner aux entreprises américaines les moyens de remporter ces appels d'offres. »352(*)

Les principaux régimes de préférence nationale sont le Buy American Act, introduit en 1933, le Trade Agreement Act de 1979 qui permet l'articulation entre le principe de préférence nationale et les engagements contractés dans le cadre d'accords commerciaux, et le Berry Act et diverses restrictions supplémentaires propres aux achats du ministère fédéral de la défense. En outre, le principe de préférence nationale en matière d'approvisionnement a été étendu à un champ plus large de projets d'infrastructures (notamment en matière énergétique et numérique) et de matériaux de construction par le Build America, Buy America Act, adopté en 2021 dans le cadre de l'Infrastructure Investment and Jobs Act prévoyant plus de 1 000 milliards de dollars de nouveaux investissements fédéraux.

Ces divers régimes de préférence nationale en matière d'achat public prévoient néanmoins d'assez larges exceptions, en particulier en cas de prix « déraisonnable » de l'offre domestique, de quantité ou de qualité insuffisante ou, dans certains cas, d'accords commerciaux.

Le droit américain de la commande publique, depuis l'introduction du Small Business Act de 1953, se caractérise également par un large système de préférences accordées aux petites entreprises, qui prennent notamment la forme de marchés réservés ou de possibilités d'attribution directe jusqu'à des seuils plus élevés (cf. infra).

b) Les régimes de préférence nationale prévus par le droit fédéral américain de la commande publique
(1) Le Buy American Act et autres dispositions

Au fil des ans, en vertu de son large pouvoir sur les dépenses fédérales, le Congrès a promulgué un certain nombre de restrictions concernant l'achat de produits « étrangers » à partir de financements fédéraux. Ces restrictions exigent que les agences fédérales achètent des articles produits ou fabriqués aux États-Unis, sous réserve de diverses exceptions et exemptions.

(a) Le principe de préférence nationale

Aux États-Unis, la commande publique est irriguée par le principe de préférence nationale (domestic content), restreignant la possibilité pour les agences fédérales de se fournir à l'étranger.

Selon l'article 8302 du code des États-Unis, seuls les produits finaux, matériaux et fournitures extraits, produits ou manufacturés aux États-Unis peuvent être acquis pour un usage public, sauf si l'autorité adjudicatrice estime que l'achat est incompatible avec l'intérêt public, que son coût est déraisonnable ou que les produits, matériaux ou fournitures ne sont pas extraits, produits ou fabriqués aux États-Unis en quantités suffisantes et raisonnablement disponibles et d'une qualité satisfaisante.

À titre dérogatoire, le principe de préférence nationale ne s'applique ni :

- aux biens destinés à être consommés à l'étranger ;

- aux biens faisant l'objet d'un accord commercial avec un autre pays ou issus d'un pays moins avancé ;

- aux contrats dont le montant est inférieur au seuil de micro-achat, fixé à 10 000 dollars.

Qu'est-ce qu'un produit « national » aux États-Unis ?

À l'exception des produits ou matériaux en acier ou en fer, les produits finaux non manufacturés doivent être extraits ou produits aux États-Unis pour être considérés comme des produits nationaux aux fins du Buy American Act. S'agissant des produits finaux manufacturés, ils sont considérés comme nationaux s'ils sont manufacturés aux États-Unis et s'ils remplissent l'une des deux conditions suivantes : le coût des composants extraits, produits ou fabriqués aux États-Unis dépasse 60 % du coût de l'ensemble des composants, ou le produit final est fabriqué aux États-Unis, ou s'il s'agit d'un article disponible dans le commerce.

Source : étude de législation comparée, Sénat

(b) La clause de préférence nationale dans les marchés publics de travaux

Plus spécifiquement, le Buy American Act encadre les marchés publics de travaux et dispose que tous les contrats publics relatifs à la construction, la modification ou la réparation d'un bâtiment public ou de tout édifice public situé aux États-Unis doivent en principe être assortis d'une clause stipulant le recours obligatoire à des produits, matériaux et fournitures extraits, produits ou manufacturés aux États-Unis.

(2) Une limite au principe de préférence nationale : le critère du prix raisonnable de l'offre

Le principe de préférence nationale introduit par le Buy American Act n'est pas absolu et comporte certaines exceptions, en particulier en cas de prix déraisonnable de l'offre.

Cette dérogation communément appelée préférence fondée sur le prix est précisée dans le règlement sur la commande publique fédérale (FAR), qui met en oeuvre le Buy American Act.

Le mode de calcul du caractère raisonnable de l'offre domestique y est déterminé : dans l'hypothèse où une offre étrangère présente un meilleur rapport qualité-prix par rapport à une offre domestique, il convient d'augmenter fictivement le prix de l'offre la moins chère d'un certain pourcentage afin de la comparer avec l'offre domestique. Ce pourcentage varie de 20 % dans les cas où l'offre nationale la moins chère provient d'une grande entreprise, à 30 % lorsque l'offre nationale la moins chère provient d'une petite entreprise et 50 % pour les marchés publics du ministère de la défense. Les ministères et agences fédérales peuvent aussi adopter leurs propres règlements fixant des pourcentages plus élevés.

En cas d'égalité entre l'offre nationale la moins chère et l'offre étrangère réévaluée, l'autorité adjudicatrice doit privilégier l'offre nationale. Toutefois, si l'offre étrangère reste la moins chère, l'autorité peut attribuer le marché à l'entreprise étrangère au prix initialement proposé.

(3) Le Trade Agreements Act (1979)
(a) L'articulation entre préférence nationale et accords commerciaux

En 1979, le Congrès américain a adopté la loi sur les accords commerciaux (Trade Agreements Act), dans la lignée de l'ancien accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (General Agreement on Tariffs and Trade - GATT), remplacé ultérieurement par l'OMC, qui a pour objectif de promouvoir le commerce international et limiter le protectionnisme.

Le Trade Agreements Act permet aux pouvoirs publics de déroger à toute règle du droit de la commande publique qui caractériserait une discrimination à l'égard des biens issus de certains pays désignés, afin que les États-Unis puissent honorer leurs obligations découlant des différents accords de commerce multilatéraux. Pour ce faire, les dispositions réglementaires appliquant le Trade Agreements Act déterminent les produits éligibles de certains pays désignés qui sont légalement autorisés à être considérés de façon équivalente aux biens domestiques.

Les pays concernés sont notamment :

- les États parties à l'accord sur les marchés publics (AMP) de l'OMC ;

- les États signataires d'un accord de libre-échange avec les États-Unis353(*) ;

- les pays les moins avancés.

(b) Les seuils d'application de la loi sur les accords commerciaux

Le montant du marché public est déterminant pour savoir si le Trade Agreements Act s'applique : des seuils, révisés tous les deux ans par le Bureau du représentant américain au commerce, déterminent les conditions dans lesquelles les dispositions du Trade Agreements Act s'appliquent. Si ces seuils varient selon les pays354(*), il y a une convergence autour des seuils suivants : 174 000 dollars pour les marchés publics de fournitures et de services et 6 708 000 dollars pour les marchés publics de travaux.

(c) Les restrictions supplémentaires propres au ministère fédéral de la défense (Department of Defense)

L'amendement Berry prévoit un cadre juridique plus restrictif pour les marchés publics du ministère fédéral de la défense : ainsi, tous les achats de nourriture, vêtements, tentes et matériels connexes, coton et tout autre produit à fibres naturelles, ainsi que les outils manuels ou de mesure, doivent obligatoirement provenir des États-Unis.

Une série d'exceptions est prévue en cas de difficultés qualitatives ou quantitatives ou si le montant de l'opération est inférieur à un seuil de 150 000 dollars, auquel cas il convient de mettre en oeuvre une procédure de passation simplifiée355(*).

D'autres restrictions sont prévues pour la fourniture en métaux spéciaux, avec quelques exceptions similaires à celles de l'amendement Berry.

(4) L'élargissement du principe de préférence nationale par le Build America, Buy America Act

Le Build America, Buy America Act356(*) (BABA) est un ensemble de dispositions législatives adopté par le Congrès américain en novembre 2021 au sein de la loi sur l'investissement dans les infrastructures et l'emploi357(*). Il vise à renforcer les chaînes d'approvisionnement et la production nationales afin d'assurer l'indépendance stratégique des États-Unis.

Pour ce faire, il établit une préférence nationale en matière d'approvisionnement (domestic content procurement preference) pour toutes les aides financières fédérales affectées à des projets d'infrastructure après le 14 mai 2022. Cette préférence exige que tout le fer, l'acier, les produits manufacturés et les matériaux de construction utilisés dans les projets d'infrastructure couverts par la loi soient produits aux États-Unis. Dans le cas inverse, l'octroi d'une subvention par un programme fédéral n'est pas possible.

Ce principe de la préférence nationale en matière d'approvisionnement se justifie par les impératifs liés à la sécurité nationale, la volonté des pouvoirs publics de promouvoir la main-d'oeuvre américaine, d'honorer les engagements en matière de protection de l'environnement et de garantir de hauts standards de conditions de travail au long des chaînes d'approvisionnement.

Les infrastructures concernées sont déterminées ainsi : il s'agit des structures, installations et équipements relatifs aux routes, autoroutes, ponts, transports publics, barrages, ports et autres installations maritimes, au transport ferroviaire interurbain de passagers et de marchandises, aux installations de fret et intermodales, aéroports, réseaux d'eau, y compris les réseaux d'eau potable et les eaux usées, installations et systèmes de transmission électrique, services publics, infrastructures à haut débit, bâtiments et biens immobiliers. Certaines infrastructures, telles que les autoroutes, le transport ferroviaire interurbain de passagers, les aéroports et la construction de réseaux d'eau et d'égouts étaient déjà couverts par le Buy American Act mais le BABA étend le principe de préférence nationale essentiellement aux installations énergétiques et à haut débit358(*).

La loi a également élargi la couverture des produits Buy America aux « matériaux de construction » y compris les métaux non ferreux (par exemple, le cuivre utilisé dans le câblage électrique), les produits à base de plastique et de polymère, le verre (y compris la fibre optique) et d'autres matériaux (bois d'oeuvre, cloisons sèches, etc.). Selon les lignes directrices publiées par le bureau de gestion et du budget (Office of Management and Budget, OMB), pour être considérés comme « produit aux États-Unis » au sens de cette loi, les produits manufacturés autres que le fer et l'acier doivent contenir plus de 55 % de contenu national359(*).

Le Build America Buy America Act prévoit enfin certaines dérogations (waivers). Le principe de préférence nationale peut être écarté dans trois cas de figure : en cas d'incompatibilité avec l'intérêt public, lorsque les quantités produites ne sont pas suffisantes ou que la qualité n'est pas satisfaisante, ou lorsque l'inclusion de ces produits augmenterait le coût du projet de plus de 25 %.

(5) Le manque de transparence de la commande publique aux États-Unis

Selon la Commission européenne, un autre obstacle à l'ouverture du marché américain est le manque de transparence du système de commande publique.

« Les États-Unis ne disposent pas d'un portail électronique unique présentant les avis de marchés publics. En outre, dans de nombreux États américains, les entreprises doivent d'abord s'enregistrer auprès de l'État pour recevoir des informations sur les appels d'offres et pour soumissionner. Pour ce faire, chaque État applique ses propres exigences. Certains États exigent un paiement pour s'enregistrer en tant que soumissionnaire. Les exigences en matière d'enregistrement constituent des obstacles supplémentaires à l'accès au marché.

« Le manque d'accès à l'information sur les possibilités de marchés publics dans les États américains est un facteur dissuasif important pour la participation aux marchés publics américains. Les entreprises de l'UE ne peuvent soumissionner que si elles sont en mesure de trouver des informations sur les marchés. Les entreprises de l'UE doivent naviguer sur des centaines de portails de marchés publics différents et se heurter à de nombreux obstacles pour s'inscrire en tant que soumissionnaires.

« En outre, en ce qui concerne l'IIJA, le système d'exemptions et de dérogations, qui peuvent être accordées de manière ad hoc ou en tant que dérogations d'application générale, représente un autre élément de complexité dans le système de passation des marchés publics des États-Unis. En particulier, il n'y a pas d'orientation claire concernant l'octroi de dérogations pour le respect d'obligations internationales et, en ce qui concerne les dérogations d'application générale, les agences fédérales peuvent définir des exigences supplémentaires pour des programmes de financement spécifiques, ce qui ajoute à la mosaïque de règles applicables. »360(*)

c) Au Royaume-Uni, une volonté de préférence britannique qui fait son chemin
(1) La commande publique au Royaume-Uni

La commande publique représente environ un tiers des dépenses publiques du Royaume-Uni361(*). Pour l'exercice budgétaire 2021-2022, les données consolidées indiquent que le secteur public - administrations centrales et locales confondues - a dépensé 329 milliards de livres sterling (385 milliards d'euros) en achats auprès du secteur privé, soit 32 % du total des dépenses publiques. La part de la commande publique est relativement stable depuis dix ans, avec un pic à 34 % en 2017-2018 et une chute à 29 % en 2020-2021.

Le secteur ayant le plus recours aux marchés publics est celui de la santé (131,8 milliards de livres sterling en 2023/2024, soit 153,4 milliards d'euros). Par ailleurs, en 2021-2022, 26,5 % des dépenses de marchés publics de l'État étaient à destination des petites à moyennes entreprises.

(2) Le débat pour la préférence britannique : Buying British

L'introduction de mesures de préférence nationale dans le cadre de la commande publique est un sujet présent dans le débat public britannique depuis de nombreuses années362(*). Ainsi, en 2019, le parti Conservateur plaidait pour un secteur public qui « achète britannique » (Buy British), notamment pour soutenir les agriculteurs et réduire les coûts environnementaux, et le parti travailliste s'est prononcé en faveur de mesures similaires après la pandémie de Covid-19363(*). Sous l'ancien régime juridique de la commande publique, il était néanmoins impossible de mettre en place une préférence nationale, allant à l'encontre des principes de non-discrimination et d'égalité de traitement des fournisseurs découlant du droit de l'UE et transposés dans la législation nationale.

La loi sur la commande publique de 2023 ne contient pas de mesure de préférence nationale stricto sensu. Indirectement, l'objectif de prendre en compte les obstacles particuliers des PME et « d'examiner si ces obstacles peuvent être supprimés ou réduits » peut néanmoins permettre de privilégier des entreprises nationales.

Lors de l'examen du projet de loi sur la commande publique à la Chambre des Lords, un amendement a été déposé visant à fixer un objectif de 50 % des produits et ingrédients locaux, dans le cadre des marchés publics alimentaires et de boissons. Cet amendement fut rejeté, le gouvernement indiquant qu'un tel quota de produits alimentaires britanniques serait contraire aux engagements internationaux du Royaume-Uni au titre de l'accord de l'OMC sur les marchés publics. Toutefois, le gouvernement avait précisé que d'autres options étaient disponibles pour réserver des contrats en dessous des seuils de passation des marchés publics, tout en respectant les engagements internationaux.

(3) Une évolution récente

La note de politique de commande publique intitulée « Réserver des marchés publics inférieurs aux seuils », publiée par le Bureau du Cabinet en 2020 et mise à jour en février 2025, indique que les ministères et les agences du gouvernement central peuvent envisager, le cas échéant, les deux options suivantes pour la passation de marchés de biens, services et travaux inférieurs aux seuils :

réserver le marché grâce à des critères de localisation du fournisseur. Dans ce cas, un appel d'offres peut être organisé, spécifiant que seuls les fournisseurs situés dans une zone géographique déterminée - par exemple à l'échelle du Royaume-Uni dans son ensemble ou d'un comté ou d'un arrondissement à Londres - peuvent soumissionner, dans le but de lutter contre les inégalités économiques et de soutenir les recrutements et l'investissement au niveau local ;

réserver le marché aux petites et moyennes entreprises (PME) et à des entreprises volontaires, communautaires et sociales (voluntary, community and social enterprises, VCSE). Cela signifie que seules ces catégories d'entreprises peuvent soumissionner364(*).

Par ailleurs, en décembre 2024, dans une déclaration d'intention relative à la stratégie industrielle de défense, le gouvernement a annoncé son intention de réformer les marchés publics afin de donner une priorité aux entreprises britanniques dans le cadre des marchés publics de défense, et de les encourager à investir, sans perdre les avantages de la concurrence.

Il n'en reste pas moins que, conformément à l'accord de commerce et de coopération conclu entre l'UE et le Royaume-Uni, un principe de non-discrimination dans la commande publique à l'égard des entreprises européennes installées au Royaume-Uni et des entreprises anglaises installées dans l'UE est en vigueur : elles ne peuvent subir un traitement moins favorable que celui appliqué aux entreprises nationales, en sus de l'application de l'AMP365(*). L'objectif posé y est bien de « garantir l'accès des fournisseurs de chaque Partie à des possibilités accrues de participer aux procédures de marchés publics et d'améliorer la transparence de ces procédures »366(*).

2. La problématique internationale de la préférence européenne : le cadre de l'AMP et de l'IMPI
a) Le cadre fondateur de l'OMC

Le droit de la commande publique n'est pas que national et européen.

Les comparaisons internationales sur les évolutions plus ou moins récentes aux États-Unis et au Royaume-Uni ne peuvent éluder les règles internationales que le droit de l'UE en particulier se doit de respecter, en l'absence de négociation internationale pour les faire évoluer. Or, ont été déterminées dans le cadre de l'OMC, héritière du GATT, des règles importantes, mais peu nombreuses, s'appliquant aux marchés publics : obligation de publicité, exigence de non-discrimination à l'égard de soumissionnaires établis dans des États tiers, transparence des informations.

Quelle que soit l'érosion constatée de ces principes à l'échelle internationale, qui progressivement tend à remettre en cause le système même de l'OMC, celui-ci demeure en vigueur, même s'il est parfois tempéré par les accords bilatéraux que l'UE en particulier conclut avec des États tiers.

b) L'accord sur les marchés publics (AMP), intégré au droit de l'UE

L'accord sur les marchés publics (AMP) a été conclu en 1994 sous l'égide de l'OMC dans le but de contribuer à la libéralisation et à l'expansion du commerce mondial, qui sont à l'origine de cette organisation. Il établit un cadre multilatéral de droits et d'obligations équilibrés en matière de marchés publics afin que les fournisseurs de biens et de services puissent avoir accès, dans les mêmes conditions que les fournisseurs nationaux, aux marchés publics passés par les pouvoirs adjudicateurs des États membres. Il a été tôt intégré dans l'ordre juridique communautaire par une décision du Conseil du 22 décembre 1994367(*).

L'AMP s'applique aux marchés de fournitures, à certains marchés de services et aux marchés de travaux dont le montant atteint des seuils exprimés en droits de tirage spéciaux (DTS) du Fonds monétaire international (FMI), convertis tous les deux ans en euros, et correspondant aux seuils européens mentionnés à l'article L. 2124-1 du code de la commande publique.

Conclu dans un premier temps entre les membres de la CEE et onze autres pays parties au GATT, l'AMP compte aujourd'hui 22 parties (représentant 49 membres de l'OMC, l'Union européenne et ses 27 États membres comptant pour une partie à l'accord).

Les parties à l'accord sur les marchés publics de l'OMC

Parties à l'AMP

Date d'entrée en vigueur / d'accession

AMP de 1994 
(remplacé par l'AMP de 2012 le 1er janvier 2021)

AMP de 2012

Arménie

15 septembre 2011

6 juin 2015

Australie

N/A

5 mai 2019

Canada

1er janvier 1996

6 avril 2014

Corée, République de

1er janvier 1997

14 janvier 2016

États-Unis d'Amérique

1er janvier 1996

6 avril 2014

Hong Kong, Chine

19 juin 1997

6 avril 2014

Islande

28 avril 2001

6 avril 2014

Israël

1er janvier 1996

6 avril 2014

Japon

1er janvier 1996

16 avril 2014

Liechtenstein

18 septembre 1997

6 avril 2014

Macédoine du Nord

N/A

30 octobre 2023

Moldavie

N/A

14 juillet 2016

Monténégro

N/A

15 juillet 2015

Norvège

1er janvier 1996

6 avril 2014

Nouvelle-Zélande

N/A

12 août 2015

Pays-Bas, pour le compte d'Aruba

25 octobre 1996

21 août 2014

Royaume-Uni

1er janvier 1996 
(en tant qu'État membre de l'Union européenne à cette date)

1er janvier 2021

Singapour

20 octobre 1997

6 avril 2014

Suisse

1er janvier 1996

1er janvier 2021

Taipei chinois

15 juillet 2009

6 avril 2014

Ukraine

N/A

18 mai 2016

Union européenne et ses 27 États membres

1er janvier 1996

6 avril 2014

Allemagne, Autriche, Belgique, Danemark, Espagne, Finlande, France, Grèce, Irlande, Italie, Luxembourg, Pays-Bas, Portugal et Suède

1er janvier 1996

Chypre, Estonie, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Malte, Pologne, République slovaque, République tchèque et Slovénie

1er mai 2004

Bulgarie et Roumanie

1er janvier 2007

Croatie

1er juillet 2013

En outre, 37 membres de l'OMC participent au Comité des marchés publics en tant qu'observateurs368(*).

Carte des États parties à l'AMP et des observateurs

Source : OMC369(*)

Son objet est d'ouvrir à la concurrence internationale pour une part aussi large que possible les marchés publics en faisant en sorte que les lois, réglementations, procédures et pratiques des États parties soient plus transparentes et qu'elles n'aient pas pour effet de protéger les produits ou fournisseurs nationaux ou d'entraîner une discrimination à l'encontre des produits ou fournisseurs étrangers.

L'AMP a été intégré dans l'ordre communautaire, mais seules les dispositions qui le transposent peuvent être invoquées devant les juridictions européennes ou les États membres.

Prise en compte de l'AMP dans les considérants de la directive 2014/24/UE

(17) La décision 94/800/CE du Conseil a notamment approuvé l'accord de l'Organisation mondiale du commerce sur les marchés publics (AMP). Le but de l'AMP est d'établir un cadre multilatéral de droits et d'obligations équilibrés en matière de marchés publics en vue de réaliser la libéralisation et l'expansion du commerce mondial. Pour les marchés relevant des annexes 1, 2, 4 et 5 et des notes générales relatives à l'Union européenne de l'appendice I de l'AMP ainsi que d'autres accords internationaux pertinents par lesquels l'Union est liée, les pouvoirs adjudicateurs devraient remplir les obligations prévues par ces accords en appliquant la présente directive aux opérateurs économiques des pays tiers qui en sont signataires.

(18) L'AMP s'applique aux marchés dont le montant dépasse certains seuils fixés dans l'AMP et exprimés en droits de tirage spéciaux. Il convient d'harmoniser les seuils fixés par la présente directive pour qu'ils correspondent aux équivalents en euros des seuils prévus par l'AMP. Il convient également de prévoir une révision périodique des seuils exprimés en euros afin de les adapter, par une opération purement mathématique, en fonction des variations éventuelles de la valeur de l'euro par rapport à ces droits de tirage spéciaux. Outre ces adaptations mathématiques périodiques, il conviendrait d'étudier la possibilité de relever les seuils fixés dans l'AMP lors du prochain cycle de négociations correspondant.

Source : directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics et abrogeant la directive 2004/18/CE)

c) Le champ de l'AMP et l'évolution du contexte international

L'accord n'engage pas tous les membres de l'OMC, mais seuls les signataires, dont ne font par exemple par partie la Chine ou l'Inde.

Rappelons que l'UE représente 17,5 % de la richesse produite mondialement et compte parmi les plus grandes économies mondiales, avec les États-Unis et la Chine. Son taux d'ouverture, c'est-à-dire le ratio de ses échanges internationaux par rapport à son PIB, dépasse 50 %, contre 37 % pour la Chine et 27 % pour les États-Unis370(*). En 2023, elle était la deuxième exportatrice mondiale, derrière la Chine, et le deuxième importateur, derrière les États-Unis.

Face à un contexte international de plus en plus dégradé, en proie à la multiplication des tentatives de déstabilisation, y compris dans le domaine des échanges internationaux, l'UE doit continuer à renforcer sa capacité à faire respecter des conditions équitables de concurrence et à rendre les chaînes de valeur européennes plus durables. Tel est le sens des évolutions souhaitables du modèle d'ouverture de l'UE au sein du système de l'OMC, défendues par la France depuis plusieurs années déjà, mais qui doivent s'intensifier, au service des priorités stratégiques et économiques de l'UE et de la France, afin que les entreprises françaises et européennes puissent opérer dans des conditions de concurrence équitables, en cohérence avec les objectifs de souveraineté économique et d'autonomie stratégique.

d) L'instrument sur les marchés publics internationaux (IMPI) : un premier pas vers plus d'équité internationale

L'adoption, dans le cadre de la présidence française de l'Union européenne, du règlement (UE) 2022/1031 du 23 juin 2022, dit « instrument relatif aux marchés publics internationaux (Impi) »371(*), a parachevé avec succès dix années de négociations européennes afin d'offrir aux pouvoirs adjudicateurs et aux entités adjudicatrices les moyens d'assurer une concurrence internationale plus équitable dans le champ de la commande publique.

Ce règlement dote l'Union européenne d'un nouvel outil permettant de dissuader les États non-signataires d'un accord de libre accès mutuel à la commande publique de restreindre l'accès des opérateurs économiques européens à leurs propres contrats de la commande publique et de les inciter à conclure avec elle de tels accords.

En parallèle, ce règlement clarifie les règles de détermination de la nationalité des opérateurs économiques et de l'origine des travaux, fournitures et services en matière de commande publique.

Il donne enfin une base expresse à la possibilité, pour les acheteurs et les autorités concédantes, de mettre directement en oeuvre des mesures de traitement différencié et de restriction d'accès à la commande publique envers les entreprises des pays qui n'ont pas conclu un accord de libre accès et les offres originaires de pays tiers non couverts par un accord d'ouverture des marchés publics ou dont les biens, services ou travaux, ne sont pas couverts par un tel accord. Il sécurise en conséquence l'utilisation de l'article L. 2153-1 du code de la commande publique.

L'intérêt de ce règlement est donc triple :

- doter l'UE d'un outil susceptible d'amener les pays tiers non-signataires d'un tel accord et qui pratiquent des restrictions à l'accès des opérateurs économiques européens à leurs propres contrats de la commande publique à cesser ces discriminations à l'encontre des entreprises et des prestations de l'Union européenne et à conclure avec elle de tels accords (« level playing field ») ;

- clarifier les règles de détermination de la nationalité des opérateurs économiques et de l'origine des travaux, fournitures et services en matière de commande publique ;

- et à permettre la mise en oeuvre, en toute sécurité juridique, de l'article L. 2153-1 du code de la commande publique, y compris à l'égard des opérateurs, fournitures, services et travaux issus des pays tiers non-signataires d'un accord relatif à l'accès aux marchés publics conclu avec l'UE372(*).

3. La problématique de la préférence européenne : aller plus loin dans le cadre de la révision des directives de 2014

La mise en place d'un véritable principe de préférence européenne généralisée doit être une priorité dans le cadre de la révision des directives, notamment pour accélérer la structuration des filières économiques à l'échelle de l'Union européenne.

a) Pour garantir la sécurité et la résilience de nos économies

Les directives relatives à la commande publique devraient prendre en compte la nécessité d'assurer la sécurité des approvisionnements. Alors que l'économie européenne fait face à des difficultés pour s'approvisionner en produits essentiels, y compris en médicaments, la directive 2014/24/UE régissant les secteurs classiques n'offre aucune latitude pour permettre aux acheteurs de prendre des dispositions visant à assurer la sécurité des approvisionnements. Une telle disposition existe, en revanche, aux articles 23 et 42 de la directive relative aux marchés de défense et de sécurité (directive 2009/81).

De manière générale, il serait opportun de prévoir au niveau européen des dispositions spécifiques permettant aux États membres, en cas de menace pesant sur leur population ou de circonstances exceptionnelles qu'ils pourront eux-mêmes définir, d'assouplir voire de déroger aux règles relatives à l'égalité de traitement des entreprises à raison de leur origine pour privilégier un approvisionnement européen.

b) Pour répondre aux situations d'urgence ou de crise

Introduire une préférence européenne pourrait avoir un effet bénéfique sur la rapidité des procédures destinée à répondre à des situations d'urgence ou de crise.

De manière générale, les directives devraient accorder plus de souplesse aux pouvoirs adjudicateurs, s'agissant de la passation et de la modification de leurs contrats, faisant face à des situations d'urgence.

Cela pourrait, notamment, passer par une extension de la notion d'urgence qui permettrait de couvrir des situations telles que les catastrophes naturelles, crises sanitaires, conflits armés, émeutes, mais aussi la défaillance d'un fournisseur mettant en péril l'exécution du contrat et à laquelle il ne pourrait être remédié autrement que par une modification urgente, etc.

Dans ces cas d'urgence, les pouvoirs adjudicateurs pourraient être autorisés à conclure un contrat sans publicité ni mise en concurrence préalable.

Une exclusion du champ d'application des directives pourrait être créée en faveur des contrats stratégiques destinés à prévenir les situations dangereuses ou à garantir l'approvisionnement de certains biens et services.

c) Saisir l'occasion de la révision des directives pour introduire une exception alimentaire

La révision des directives est un important levier d'action pour inscrire dans le droit européen de la commande publique un véritable ancrage territorial des achats de denrées alimentaires, participant à l'effort de sécurité et de souveraineté alimentaires au niveau de l'Union européenne.

Il est en effet urgent d'agir en la matière pour mettre en cohérence le cadre juridique et les stratégies nationales et européennes afin de promouvoir un modèle alimentaire local, régional, national et européen plus résilient et plus durable. Il convient à cet effet d'introduire, à l'occasion de la révision des directives relatives à la commande publique, des dispositions spécifiques aux achats alimentaires, au travers d'une « exception alimentaire ».

La commande publique est en l'espèce un levier majeur pour contribuer à structurer les systèmes alimentaires territoriaux, par l'effet d'entraînement qu'elle génère et les masses financières qu'elle mobilise, en soutien à nos agriculteurs pour garantir la juste rémunération de leur travail.

Le droit européen doit donc évoluer pour introduire, dans les marchés publics d'achats alimentaires, un critère de proximité, s'inscrivant dans une démarche, cohérente au plan européen, visant à renforcer la résilience du territoire et développer les circuits courts. Il faut que les producteurs locaux puissent se positionner sur ces marchés sans accroître les risques de contentieux. Cela contribuera à la fois à la transition écologique et à la souveraineté alimentaire, européenne, qui passe par des systèmes productifs locaux et durables.

Recommandation n° 18. - Défendre une exception alimentaire à l'échelle européenne pour faciliter le recours aux producteurs locaux.

d) Pourquoi limiter la préférence européenne à certains secteurs ?

Sur le modèle de la boussole pour la compétitivité373(*) de l'Union européenne, la Commission européenne, comme cela a été confirmé à la délégation de la commission d'enquête à Bruxelles, a proposé d'introduire « une préférence européenne dans les marchés publics pour les secteurs critiques et technologiques ». Cette proposition va de pair avec celle qui a été inscrite dès le 26 février 2025 dans le Pacte pour l'industrie propre374(*).

Ainsi, Mme Clémence Olsina, directrice des affaires juridiques des ministères économiques et financiers, a souligné que c'était la première fois que la Commission européenne employait « expressément le terme de préférence européenne »375(*), dont la définition précise et juridique constitue « l'un des enjeux de la révision et de la négociation »376(*) des directives récemment engagées. Elle a surtout énoncé que les autorités françaises y étaient « favorables, et ce de façon transversale, pas seulement pour quelques secteurs stratégiques mais pour le cadre général de la commande publique applicable au niveau européen »377(*).

Partageant cette position, la délégation de la commission d'enquête a défendu auprès de ses interlocuteurs à Bruxelles, et en particulier les services de la Commission européenne et le cabinet du Commissaire Séjourné, l'introduction d'un principe de préférence européenne qui ne se limite pas à certains secteurs, afin de favoriser les produits fabriqués sur le territoire européen et non pas revendus par un importateur.

La définition de l'origine européenne des produits et services concernés et les conséquences à en tirer devraient, dans ce cadre, faire l'objet d'un travail approfondi (cf. infra).

e) Le traitement des offres en provenance des pays tiers non couverts par l'AMP

Les directives relatives à la commande publique pourraient comprendre un article dédié au traitement des offres de pays tiers non couverts par l'AMP.

Ainsi, au principe proclamé à l'origine, dans un contexte mondial très différent, d'une ouverture générale de la commande publique européenne aux opérateurs et prestations non couverts par l'AMP ou tout accord équivalent pourrait succéder un principe inverse de fermeture sauf à démontrer, au cas par cas, qu'un opérateur tiers bénéficie d'une mesure d'ouverture, charge étant laissée à l'opérateur économique candidat de le démontrer.

En outre, le dispositif de préférence reconnu aux entités adjudicatrices par l'article 85 de la directive 2014/25 s'agissant des marchés de fournitures, et transposé à l'article L. 2153-2 du code de la commande publique, pourrait être étendu aux marchés passés par des pouvoirs adjudicateurs (cf. supra recommandation n° 7).

L'AMP, à cet égard, ne paraît pas constituer une contrainte. En effet, un droit, ou une obligation, de préférence n'est pas en soi contraire au principe de traitement équivalent prévu par cet accord, si seules des prestations non couvertes par l'AMP sont visées.

À cet égard, il importe de bien distinguer l'appréciation de la localisation d'une offre spécifique, en se gardant de tout localisme exacerbé. Qu'est-ce en effet qu'une entreprise française ou européenne ? Une entreprise dont le siège, éventuellement aux faibles effectifs, serait domicilié en France ou en Europe, ou une entreprise dont les produits ou les services incorporeraient une part prépondérante, à déterminer, d'origine française ou européenne, en s'inspirant éventuellement des exemples américains cités ci-dessus.

La mise en place de la préférence européenne devrait donc conduire les acheteurs à demander aux fournisseurs l'origine des produits qu'ils achètent, et les fournisseurs à transmettre ces informations pour pouvoir accéder aux marchés.

La réforme pourrait ainsi intégrer des dispositions permettant de déterminer l'origine des produits et des opérateurs, sur le modèle de l'article 3 du règlement Impi.

L'article 3 du règlement du 23 juin 2022 
dit « Instrument relatif aux marchés publics internationaux » (Impi)

Article 3

Détermination de l'origine

1. L'origine de l'opérateur économique est réputée être :

a) dans le cas d'une personne physique, le pays dont la personne est un ressortissant ou où cette personne jouit d'un droit de séjour permanent ;

b) dans le cas d'une personne morale, l'un ou l'autre des pays déterminés comme suit :

i) le pays selon la législation duquel la personne morale est constituée ou autrement organisée et sur le territoire duquel elle effectue des opérations commerciales substantielles ;

ii) si la personne morale n'effectue pas des opérations commerciales substantielles sur le territoire du pays dans lequel elle est constituée ou autrement organisée, l'origine de la personne morale est celle de la personne ou des personnes qui peuvent exercer, directement ou indirectement, une influence dominante sur la personne morale en vertu de leur propriété de celle-ci, de leur participation financière à celle-ci ou des règles qui régissent cette personne morale.

Aux fins du premier alinéa, point b) ii), il est présumé que cette personne ou ces personnes ont une influence dominante sur la personne morale si, directement ou indirectement, elles :

a) détiennent la majorité du capital souscrit de la personne morale ;

b) disposent de la majorité des voix attachées aux parts émises par la personne morale ; ou

c) peuvent désigner plus de la moitié des membres de l'organe d'administration, de direction ou de surveillance de la personne morale.

2. Lorsqu'un opérateur économique est un groupe de personnes physiques ou morales ou d'entités publiques, ou toute combinaison de celles-ci, et qu'au moins une de ces personnes ou entités provient d'un pays tiers où les opérateurs économiques, les biens ou les services sont soumis à une mesure relevant de l'IMPI, cette mesure s'applique également aux offres soumises par ce groupe.

Toutefois, lorsque la participation de ces personnes ou entités d'un groupe représente moins de 15 % de la valeur d'une offre soumise par ce groupe, la mesure relevant de l'IMPI ne s'applique pas à cette offre, sauf si ces personnes ou entités sont nécessaires pour atteindre la majorité pour au moins un des critères de sélection d'une procédure de passation de marchés publics.

3. Les pouvoirs adjudicateurs ou entités adjudicatrices peuvent, à tout moment au cours de la procédure de passation de marchés publics, demander à l'opérateur économique de soumettre, de clarifier ou de compléter les informations ou les documents liés à la vérification de son origine dans un délai approprié, pour autant que ces demandes soient en conformité avec les principes d'égalité de traitement et de transparence. Lorsque l'opérateur économique ne fournit pas ces informations ou ces documents sans apporter d'explication raisonnable, empêchant ainsi les pouvoirs adjudicateurs ou les entités adjudicatrices de vérifier son origine ou rendant cette vérification pratiquement impossible ou très difficile, cet opérateur économique est exclu de la participation à la procédure de passation de marché public concernée.

(...)

Une telle préférence européenne généralisée pour les marchés publics, ardemment souhaitée par cette commission d'enquête, ne peut être applicable sans l'instauration d'un large droit de regard des pouvoirs adjudicateurs sur l'origine des produits et des services qu'ils achètent.

f) Une priorité à défendre

Instaurer une telle préférence européenne, sans limitation à certains secteurs, est une priorité de la réforme à venir pour cette commission d'enquête, qui entend le faire largement partager et assumer par toutes les parties prenantes et d'abord par la France. Tous les leviers d'influence évoqués plus haut devraient être mobilisés par les autorités françaises afin de mobiliser une communauté d'action européenne autour de l'intérêt stratégique de la commande publique.

Au sein de la Commission européenne, il serait éminemment souhaitable que le vice-président exécutif en charge du pilotage de cette réforme emmène ses collègues dans une véritable dynamique afin que la verticalité propre aux directions générales soit « désilotée » en faveur de l'intérêt général européen, dans une approche de la commande publique incluant et la politique industrielle et la politique commerciale pour reconquérir une souveraineté économique, agricole, industrielle et numérique européenne.

Pour commencer, un principe général d'interdiction d'accès à la commande publique européenne pourrait être posé pour les produits et prestations provenant de pays non signataires de l'AMP ou d'un accord équivalent, qui ne se limiterait donc pas à certains secteurs.

Il conviendrait également de garantir une réciprocité effective dans l'accès à la commande publique entre les pays signataires de tels accords.

Les autres objectifs de la réforme, tels que les envisage la commission d'enquête, en matière de cybersécurité, de résilience, de durabilité environnementale et sociale, et territoriale, non dans un localisme rigide mais dans une perspective d'articulation avec la politique de cohésion et d'autres politiques européennes visant à réduire les inégalités, n'en prendraient que plus de poids.

Recommandation n° 19. - Instaurer, dans le cadre de la révision des directives européennes sur la commande publique, un principe général de préférence européenne dans les achats des personnes publiques.

C. VERS UN SMALL BUSINESS ACT EUROPÉEN

1. Un projet inachevé

Le processus de révision de la réglementation européenne de la commande publique doit aussi être l'occasion de mettre en pratique un engagement évoqué de longue date mais jusqu'à présent jamais tenu : celui de soutenir le développement des petites et moyennes entreprises (PME) en leur réservant une part des marchés publics, sur le modèle du Small Business Act (SBA) américain.

Ce serpent de mer de la commande publique figurait par exemple déjà parmi les priorités de la présidence française du Conseil de l'Union européenne au second semestre 2008. À l'époque, un rapport de M. Lionel Stoleru rappelait déjà cette évidence : l'accès des PME à la commande publique est vital pour leur permettre de conquérir ensuite des marchés privés et internationaux, car « on ne vend pas à l'étranger si l'on ne vend pas chez soi, notamment par les références que confère l'achat public »378(*).

Une telle mesure s'est jusqu'à présent heurtée à divers obstacles juridiques et, au niveau européen, aux réticences de certains États membres, attachés avant tout au respect, par la commande publique, des principes de liberté d'établissement et de libre prestation de services au sein de l'Union européenne.

À l'échelle nationale, le Conseil d'État a jugé que faire de la taille des entreprises un critère de sélection des candidatures dans les procédures restreintes revêtait un caractère discriminatoire, dans la mesure où ce critère n'était pas toujours lié à l'objet du marché, et qu'une telle disposition méconnaissait donc le principe d'égal accès à la commande publique, ce qui l'a conduit à annuler des dispositions de l'ancien code des marchés publics qui allaient dans ce sens.379(*)

S'agissant de la réglementation européenne, force est de constater que la directive 2014/24/UE du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics, si elle reconnaît le « potentiel de création d'emplois, de croissance et d'innovation » des PME, estime qu'il n'est pas approprié « d'imposer [aux États] des quotas obligatoires de réussite »380(*), c'est-à-dire une part de la valeur totale des marchés réservée à ces entreprises. Ainsi, elle ne prévoit aucune mesure particulière en leur faveur, se contentant de rappeler qu'il convient de faciliter leur participation aux marchés publics et de veiller à ne pas les défavoriser en développant la concentration des achats.

La cible est pourtant bien identifiée. Selon la recommandation 2003/361/CE de la Commission du 6 mai 2003, constituent des PME les entreprises qui emploient moins de 250 personnes et dont le chiffre d'affaires annuel n'excède pas 50 millions d'euros ou dont le total du bilan annuel n'excède pas 43 millions d'euros. Cette même définition a été reprise au niveau national par le décret n° 2008-1354 du 18 décembre 2008381(*), pris en application de l'article 51 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie. Cela représentait 159 000 entreprises en France en 2024, hors micro-entreprises, selon l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), et plus de 2,4 millions d'entreprises à l'échelle de l'Union européenne selon Eurostat.

2. Le modèle américain : un exemple à suivre ?

La mise en place d'un dispositif de soutien aux PME par la commande publique est directement inspirée du Small Business Act américain, initié en 1953 puis formalisé dans une loi autonome en 1958382(*).

Cette loi institue, outre une agence, la Small Business Administration (SBA), dédiée à l'assistance et à la promotion des PME - définies comme les entreprises manufacturières employant jusqu'à 500 personnes et les entreprises non manufacturières ayant un chiffre d'affaires annuel de 7,5 millions de dollars maximum383(*) - un dispositif de marchés réservés, au niveau fédéral, à ces entreprises.

Ainsi, 34,8 millions de petites entreprises en 2024, selon les estimations de la SBA, bénéficiaient de ce régime. Il repose sur des objectifs annuels d'attribution d'une part des contrats publics à des petites entreprises, fixés dans la loi (cf. tableau infra). Ces objectifs globaux sont ensuite déclinés pour chaque ministère et agence fédérale, dans le cadre de négociations entre ceux-ci et la SBA, et peuvent varier de 17 % pour le ministère de l'éducation à 58 % pour le ministère de l'intérieur. Pour les marchés d'un montant important, des objectifs minimaux de sous-traitance à des petites entreprises sont également fixés. Chaque année, les résultats atteints par les ministères fédéraux sont présentés, sous la forme d'un tableau de bord, sur le site internet de la SBA.

Objectifs fédéraux annuels de commande publique en faveur des
petites entreprises

(en % de la valeur monétaire des contrats attribués directement - hors sous-traitance)

Type d'entreprise

Objectifs

Résultats (année fiscale 2023)

Petite entreprise (Small business)

23 %

28,35 %

Petites entreprises désavantagées (SDB)384(*)

5 %

12,1 %

Petites entreprises détenues par des femmes (WOSB)

5 %

4,91 %

Petites entreprises détenues par des anciens combattants handicapés (SDVOSB)

5 %

5,07 %

Petites entreprises situées dans des zones d'activité sous-utilisées (HUB Zone Small Businesses)

3 %

2,78 %

Source : article 644, Titre 15, Code des États-Unis et CRS, R45 576, An Overview of Small Business Contracting, 2024.

De plus, par dérogation au principe selon lequel les marchés publics doivent être attribués dans le respect d'une concurrence pleine et ouverte (« full and open competition »385(*)), le Small Business Act oblige les administrations fédérales à réserver un appel d'offres de fournitures ou de services en totalité aux petites entreprises si le montant du contrat se situe entre le seuil de micro-achat (fixé à 10 000 dollars, soit 8 800 euros) et le seuil de procédure simplifiée (fixé à 250 000 dollars, environ 220 000 euros).

Les marchés réservés aux petites entreprises
dans le cadre de la commande publique fédérale

Montant du contrat

Nombre de petites entreprises répondantes

Exigence de marchés réservés

En deçà de seuil de micro-achat de 10 000 dollars

-

-

Entre 10 000 dollars et 250 000 dollars (seuil de procédure simplifiée)

Au moins 2

Marchés réservés en totalité ou attribution directe

Au-dessus de 250 000 dollars

Au moins 2

Marchés réservés en totalité ou partiellement ou programmes socio-économiques

Source : Congressional Research Service, R45 576, An Overview of Small Business Contracting, 2024.

La mise en concurrence est alors limitée aux seules PME et ces marchés sont qualifiés de total or partial set-asides.

Si aucune offre acceptable n'est déposée, une nouvelle procédure d'appel d'offres - cette fois ouverte à des entreprises de plus grande taille - est engagée.

Par ailleurs, dans les appels d'offres d'un montant plus important et qui peuvent être allotis, un ou plusieurs lots du marché doivent être réservés aux PME.

De plus, la réglementation fédérale fixe des seuils spécifiques d'attribution de gré à gré - sans mise en concurrence - (sole-source awards) lorsque les contrats sont attribués à des petites entreprises. Cette faculté offerte à l'administration fédérale s'applique jusqu'à 250 000 dollars pour l'ensemble des petites entreprises, tandis que des plafonds d'un montant plus élevé s'appliquent pour les petites entreprises participant à des programmes socio-économiques (cf. infra).

Plafonds d'attribution directe de contrats publics aux petites entreprises

Type de petite entreprise

Plafond d'attribution directe
(en dollars)

Petites entreprises

250 000

Participants au programme 8(a)
(personnes socialement et économiquement défavorisées)

4,5 millions
7 millions pour les contrats de biens manufacturés

Entreprises autochtones d'Alaska ou détenue par une tribu indienne

Pas de plafond
Uniquement une justification écrite pour les contrats d'un montant supérieur à 25 millions

Entreprises autochtones hawaïennes

Pas de plafond
Uniquement une justification écrite pour les contrats d'un montant supérieur à 100 millions

Petites entreprises détenues par des femmes (WOSB)

4,5 millions
7 millions pour les contrats de biens manufacturés

Petites entreprises détenues par des anciens combattants handicapés (SDVOSB)

4 millions
7 millions pour les contrats de biens manufacturés

Petites entreprises situées dans des zones d'activité sous-utilisées (HUB Zone Small Businesses)

4,5 millions
7 millions pour les contrats de biens manufacturés

Source : Congressional Research Service, R45 576 précité.

L'arbitrage entre un set-aside et un sole-source award, c'est-à-dire entre un marché réservé ou un marché attribué de gré à gré, relève de l'appréciation de l'acheteur fédéral, en fonction notamment du degré de concurrence dans le secteur économique et du nombre attendu de PME pouvant répondre à sa demande.

À titre d'illustration, en 2023, sur les 171 milliards de dollars consacrés par l'État fédéral aux marchés publics en faveur des PME, 28,7 milliards, soit 16,8 %, étaient constitués de sole-source awards386(*).

3. Faire aboutir une mesure demandée unanimement par les acteurs de la commande publique

Dès 1997, le Sénat, s'inspirant de l'exemple américain, plaidait pour la mise en place d'une « préférence PME » dans les marchés publics387(*) afin de leur faciliter l'accès à la commande publique et contribuer à leur développement.

D'autres mesures existent déjà pour y parvenir, au premier rang desquels figure l'allotissement, qui constitue, selon M. Jean Deguerry, président du conseil départemental de l'Ain, « le gage d'un large accès des PME à la commande publique »388(*). Conformément à l'article L. 2113-10 du code de la commande publique, tous les marchés doivent être allotis, sauf si leur objet « ne permet pas l'identification de prestations distinctes ». Toute décision de ne pas allotir doit ainsi être motivée, par exemple pour un motif économique si la dévolution en lots était susceptible d'entraîner un renchérissement de l'offre par rapport à un marché unique.

Le droit de la commande publique contient d'autres dispositions qui, si elles n'ont pas été spécifiquement créées pour soutenir les PME, peuvent permettre plus facilement aux pouvoirs adjudicateurs de se tourner vers elle. Ainsi que l'a rappelé à la commission M. Alain Bénard, président de l'association des acheteurs publics (AAP)389(*), les « petits lots », dans le cadre d'une procédure formalisée ou adaptée, permettent de faire travailler le tissu économique local en passant selon une procédure négociée sans publicité ni mise en concurrence les lots dont le montant est inférieur à 40 000 euros HT et dont le montant cumulé n'excède pas 20 % de la valeur totale estimée de tous les lots390(*).

De même, la constitution de groupements momentanés d'entreprises offre une autre solution aux difficultés d'accès des PME à certains marchés, en leur permettant « d'avoir recours aux capacités d'autres opérateurs économiques »391(*) pour se porter candidates à des procédures d'une complexité particulière ou d'un volume plus important que celui auquel elles auraient pu répondre seules. Ainsi, un récent décret392(*) a apporté une certaine souplesse à leur formation en permettant, dans les procédures soumises à négociation ou dialogue, à des entreprises de se constituer en groupement entre la date de remise des candidatures et la date de signature du marché, ou bien à un groupement déjà constitué de modifier sa composition, sous réserve notamment du respect du principe d'égalité de traitement des candidats et de ne pas porter atteinte à la concurrence.

Mme Clémence Olsina, directrice des affaires juridiques des ministères économiques et financiers393(*), a tenu à souligner devant la commission d'enquête que le droit actuel offrait déjà de nombreux outils destinés à encourager les PME à se tourner vers la commande publique : part d'exécution réservée, en sous-traitance, des marchés globaux - portée de 10 % à 20 % depuis le 1er janvier 2025394(*), clauses de révision des prix, relèvement des seuils des marchés négociés sans publicité ni mise en concurrence à 40 000 euros HT pour les fournitures et services depuis le 1er janvier 2020 et à 100 000 euros HT pour les travaux depuis le 8 décembre 2020.

En conséquence, la part des PME dans les marchés publics en France est proche du résultat américain, même en l'absence d'obligation réglementaire dédiée : elles représentaient 27,2 % du montant total des marchés passés en 2023 selon l'Observatoire économique de la commande publique395(*), contre 28,35 % aux États-Unis (cf. supra).

Pour autant de nombreux acteurs entendus par la commission d'enquête, représentant tout autant les acheteurs publics que les opérateurs économiques, ont estimé qu'il était nécessaire d'aller plus loin et de mettre en place un dispositif plus ambitieux destiné à faciliter l'accès des PME à la commande publique, sur le modèle américain.

Ainsi, M. Emmanuel Sallaberry, maire de Talence et co-président de la commission des finances de l'association des maires de France (AMF), a expliqué à la commission d'enquête que la première proposition de celle-ci était « d'adopter un Small Business Act européen, qui réserverait à des TPE-PME une partie des marchés inférieurs à un certain seuil »396(*). De même, M. Hervé Fournier, conseiller municipal de Nantes, co-président du forum de l'achat public durable de l'association France urbaine, a promu un Small Business Act qui « permettrait, selon des critères de proximité, de sanctuariser une part de la commande publique au profit des entreprises du territoire »397(*) et de répondre ainsi à la demande de proximité, notamment en matière d'approvisionnement alimentaire pour la restauration collective, qui émane des citoyens.

Du côté des entreprises, une telle demande est formulée aussi bien par les représentants des secteurs économiques traditionnels que de l'économie de l'innovation.

Mme Dominique Moreno, responsable du pôle des politiques territoriales et régionales de la chambre de commerce et d'industrie Paris Île-de-France, a, pour sa part, estimé que la révision des directives européennes constituait « une véritable occasion de promouvoir un Small Business Act européen »398(*), tout en soulignant la complexité de définir la part à réserver aux PME, en raison de l'hétérogénéité de la situation des secteurs d'activité au regard de la commande publique.

M. Jean-Noël de Galzain, président d'Hexatrust, a quant à lui clairement énoncé que « Ce dont nous avons besoin, c'est que, comme le fait le Small Business Act aux États-Unis, on réserve des marchés publics aux petites entreprises »399(*), qui ont besoin de grands marchés pour « déployer leur technologie, former des personnes, assurer une maintenance et un support au quotidien »400(*). De ce fait un tel mécanisme inciterait, à tout le moins dans le cadre de la sous-traitance, les grandes entreprises à intégrer les offres innovantes des start-ups et à les déployer à grande échelle. Il veut y voir ici le moyen d'enclencher un cercle vertueux au bénéfice des entreprises innovantes mais aussi des acheteurs publics, qui auraient ainsi accès à des solutions de pointe plus rapidement.

À défaut de Small Business Act, des initiatives locales dans les collectivités ultramarines ont visé à favoriser l'accès aux PME à la commande publique, dans un contexte où celle-ci est souvent dominée par des acteurs extérieurs. Une stratégie du bon achat avait été mise en place à La Réunion et reposait sur un dialogue territorial approfondi entre les acheteurs publics et les acteurs économiques, sur un travail d'inventaire de l'offre et des savoir-faire locaux et un accent particulier mis sur la définition du besoin. Elle avait inspiré une expérimentation, prévue par l'article 73 de la loi dite « Erom » du 28 février 2017401(*), permettant, pour une durée de cinq ans, de réserver dans ces collectivités jusqu'à un tiers des marchés publics aux PME locales.

Le bilan de cette expérimentation a toutefois été mitigé. Ainsi, la direction générale des outre-mer souligne qu'elle a « mis en lumière des limites structurelles liées à la capacité d'offre des PME, ainsi qu'à l'adoption et la mise en oeuvre du dispositif par certains acheteurs publics »402(*). De même, M. Dominique Vienne, président du Conseil économique et social régional de La Réunion, ancien président de l'association de la stratégie du bon achat et du Haut Conseil de la commande publique de La Réunion, qui fut l'instigateur de cette stratégie, a regretté la « prudence »403(*) dont ont fait preuve les agents des services acheteurs, et non les responsables politiques, dans sa mise en oeuvre, en raison de la rigidité des procédures suivies. Il a dénoncé la « différence entre l'intention politique de la commande publique et la mise en oeuvre des achats »404(*) et surtout « une gangrène, pour ne pas dire un cancer » qui touche les entreprises ultramarines en lien avec la commande publique : les délais de paiement, qui par diverses manoeuvres procédurales seraient considérablement allongés par rapport à la situation dans l'Hexagone, fragilisant ainsi leur trésorerie.

Dans ce contexte, il apparaît indispensable de saisir l'opportunité que représente la remise à plat de la réglementation européenne sur la commande publique pour introduire un véritable Small Business Act européen, inspiré de l'exemple américain, qui imposerait aux acheteurs publics de réserver une part de leurs marchés aux TPE et PME. Il pourrait également être envisagé de réserver les marchés en dessous d'un certain montant - par exemple le seuil des procédures formalisées, à tout le moins pour les fournitures et les services405(*) - à ces entreprises. Un geste fort pour mettre le levier économique que constitue la commande publique au service du développement PME est indispensable.

Cette position n'est d'ailleurs pas antithétique avec celle défendue par le Gouvernement français à Bruxelles. Ainsi, une note des autorités françaises à la Commission européenne du 1er avril 2025, communiquée à la commission d'enquête, estime bien que la révision des directives peut être « également l'occasion d'envisager la mise en place, en cas d'offres équivalentes, d'un système de préférence - voire de contrats ou de parts d'exécution réservés - en faveur des PME »406(*).

Recommandation n° 20. - Instituer, à l'occasion de la révision des directives européennes sur la commande publique, un Small Business Act européen réservant aux PME une part d'au moins 30 %, en valeur, des marchés publics passés par l'ensemble des pouvoirs adjudicateurs.

Recommandation n° 21. - Dans le cadre du Small Business Act européen, réserver aux TPE et PME les marchés publics d'un montant inférieur au seuil des procédures formalisées pour les fournitures et les services et à 100 000 euros HT pour les travaux, sauf en cas d'infructuosité d'une première procédure.

D. CHANGER DE LOGICIEL : GARANTIR LA SOUVERAINETÉ NUMÉRIQUE EUROPÉENNE DANS LE CADRE DE LA COMMANDE PUBLIQUE

1. Protéger les données publiques dans le cadre des marchés face aux prédations étrangères
a) La montée en puissance du droit extraterritorial étranger menace la souveraineté de la France et les intérêts de l'Union européenne
(1) Une grande partie des données européennes sont exposées à des législations extraterritoriales étrangères

Comme le confirme le contexte géopolitique actuel, jamais plus qu'aujourd'hui l'enjeu de préservation de notre souveraineté numérique n'aura été aussi vif.

L'assujettissement d'un grand nombre d'opérateurs économiques à des législations extraterritoriales étrangères doit de toute urgence inciter les États européens à mettre en oeuvre des mesures de protection non seulement des données personnelles de leurs ressortissants, mais aussi et surtout de leurs données publiques.

« Du fait de l'explosion du numérique, les données ont tendance à se promener à droite et à gauche. Il est extrêmement grave que nous ayons du mal à protéger les données qui sont au coeur de nos entreprises et concernent leurs techniques et leurs innovations. Au niveau européen, l'accès aux données est pratiquement garanti à tous, alors qu'il faudrait les protéger »407(*). Aussi lucide soit le constat posé en ces termes devant la commission d'enquête par l'ancien Haut responsable chargé de l'intelligence économique auprès du Premier ministre, M. Alain Juillet, force est de constater que la situation actuelle est extrêmement préoccupante.

De fait, comme l'illustre le recours à Microsoft Azure pour l'hébergement de la plateforme des données de santé (PDS) évoqué dans le présent rapport, les acteurs publics français font preuve, envers les technologies américaines, d'une véritable « adhérence », pour reprendre l'expression utilisée par le député Philippe Latombe (Les Démocrates - Vendée), rapporteur de la mission d'information de l'Assemblée nationale sur le thème « Bâtir et promouvoir une souveraineté numérique nationale et européenne »408(*).

Or, les fournisseurs de services de communications électroniques domiciliés aux États-Unis ou dont certaines opérations sont sous-traitées à des fournisseurs de tels services domiciliés aux États-Unis entrent dans le champ d'application de législations étrangères de portée extraterritoriale telles que le Foreign Intelligence Surveillance Act (Fisa), qui permet aux autorités américaines de recueillir des renseignements concernant les personnes ne disposant pas de la nationalité américaine ou ne résidant pas aux États-Unis, ou le Clarifying Lawful Overseas Use of Data (Cloud) Act, aux termes duquel le gouvernement américain peut notamment accéder aux données de communications stockées par une entité privée située en dehors des États-Unis mais assujettie à la loi américaine, et ce sans en demander l'autorisation ni même en informer les propriétaires de ces données.

Le Fisa et le Cloud Act, des outils de renseignement ciblant en particulier les fournisseurs de services de communications électroniques

En application de la section 702 du Fisa, le ministre de la justice des États-Unis et le directeur du renseignement national peuvent autoriser conjointement, pour une période maximale d'un an à compter de la date d'entrée en vigueur de l'autorisation, le ciblage de personnes dont ils ont des raisons de croire qu'elles se trouvent en dehors des États-Unis afin d'acquérir des renseignements.

Pour ce faire, ces autorités doivent fournir à la cour fédérale spécialisée Fisa une certification attestant notamment de la mise en oeuvre de procédures visant à garantir que l'acquisition de renseignements respecte le cadre fixé par le texte409(*).

Une fois cette certification approuvée par la cour, il peut être exigé d'un fournisseur de services de communications électroniques qu'il fournisse immédiatement au gouvernement américain « toutes les informations, tous les accès et toute l'assistance nécessaires à l'acquisition de renseignements étrangers ».

En pratique, toutefois, cette procédure n'est applicable qu'aux entreprises domiciliées aux États-Unis.

La section 103 du Cloud Act, quant à elle, habilite le gouvernement américain à contraindre un fournisseur de services de communications électroniques ou de services informatiques à distance auquel la loi américaine est applicable à « préserver, sauvegarder ou lui dévoiler le contenu d'une communication électronique et tout enregistrement ou toute autre information concernant un client ou un abonné et se trouvant en sa possession, sous sa garde ou sous son contrôle, que cette communication, cet enregistrement ou cette information se trouve ou non aux États-Unis ».

L'émission d'un mandat de perquisition par un juge américain est toutefois nécessaire à cet effet, ce qui implique l'existence d'un motif raisonnable de penser que les informations à collecter peuvent constituer des preuves utiles dans le cadre d'une enquête en cours sur un crime relevant de la juridiction des États-Unis.

Le champ des données dont la communication est susceptible d'être exigée en application du Cloud Act est particulièrement large et inclut, par exemple, les données hébergées par les filiales d'entreprises américaines domiciliées en dehors des États-Unis ou par des entreprises non américaines ayant des clients américains.

Les États-Unis ne sont toutefois pas le seul pays à avoir mis en place des législations extraterritoriales applicables aux données électroniques. C'est également le cas de la Chine, avec la loi de 2021 sur la sécurité des données, ou encore de l'Inde, avec la loi de 2023 sur la protection des données personnelles numériques.

M. Vincent Strubel, directeur général de l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (Anssi), l'a ainsi clairement exposé devant la commission d'enquête : contre les législations extraterritoriales, il n'existe ni contre-mesures techniques ni contre-mesures contractuelles efficaces. Dans le premier cas, ni le chiffrement, ni la localisation, ni l'anonymisation des données « ne rendent (...) impossible la captation des données en vertu du droit applicable »410(*). Dans le second cas, « un prestataire américain - ou chinois d'ailleurs - qui promettrait de ne jamais communiquer vos données à une autorité de son pays - qu'il s'agisse d'un juge ou d'un service de renseignement - vous promettrait en fait d'aller en prison à votre place ».

L'audition de Microsoft France a permis de le confirmer. Invité à garantir que les données des citoyens français hébergées par Microsoft France ne seront jamais transmises à des autorités étrangères sans l'accord des autorités françaises, M. Anton Carniaux, directeur des affaires publiques et juridiques, a été contraint de le reconnaître en ces termes : « Non, je ne peux pas le garantir »411(*), nonobstant les procédures internes mises en place pour contester les demandes imprécises auprès des autorités ou informer les clients concernés.

Interrogé, par ailleurs, sur le bien-fondé des informations obtenues par la commission d'enquête selon lesquelles Microsoft aurait communiqué la clé de cryptage de la messagerie Outlook à la National Security Agency (NSA) dans le cadre du programme de surveillance électronique Prism, M. Pierre Lagarde, directeur technique du secteur public de Microsoft France, a répondu : « Je ne dispose pas de cette information et ne peux donc vous répondre »412(*).

L'entreprise a ensuite indiqué à la commission d'enquête ne pas participer à un quelconque « programme national de sécurité volontaire plus large visant à collecter des données clients », au-delà de demandes « ciblant des comptes ou identifiants spécifiques » 413(*).

En tout état de cause, il convient de souligner que ces informations, tout comme les « rapports de transparence » que Microsoft publie deux fois par an et qui présentent des statistiques sur les demandes de transmission de données qui lui sont adressées par des autorités étrangères, résultent d'une démarche purement déclarative et n'offrent donc pas d'autre garantie que la confiance en la bonne foi de l'entreprise, qui indique qu'entre 2023 et 2024 aucune entreprise européenne n'a été concernée par une demande des autorités américaines au titre du Cloud Act414(*).

(2) Cette exposition induit des risques considérables trop souvent méconnus ou sous-estimés

Il apparaît néanmoins qu'une part non négligeable des personnalités entendues par la commission d'enquête sous-estime largement les risques que l'exposition des données détenues par les structures publiques ou privées qu'elles dirigent à ces législations extraterritoriales fait courir non seulement à ces entités, mais aussi et surtout à la France et à l'Union européenne dans leur ensemble. Ainsi, en 2019, lors de la création de la plateforme des données de santé, l'administration estimait encore, à tort, que le Cloud Act ne visait que les citoyens américains et que les utilisateurs non américains des solutions Microsoft ne pouvaient donc « pas être pris pour cible »415(*) par cette loi.

De fait, comme le souligne Hexatrust, association professionnelle des acteurs français et européens de la cybersécurité et du cloud de confiance, « pour l'Europe, cette situation crée des risques stratégiques, entre perte de contrôle possible sur les données sensibles de l'État, risque d'utilisation des données à des fins de renseignement économique, dépendance accrue vis-à-vis d'acteurs étrangers et vulnérabilité face aux changements de politique étrangère, comme le montre le contexte actuel »416(*).

Dans un monde complexe où la donnée est devenue le nouvel actif stratégique par excellence, d'autres usages détournés de ces informations peuvent même être envisagés, par exemple dans le cadre de la concurrence économique internationale.

M. Alain Juillet rappelle ainsi que « les lois américaines permettent aux services américains de récupérer toutes les données que nous transmettons aux États-Unis et d'en faire ce qu'ils veulent. Ils peuvent donc, par exemple, les communiquer aux concurrents américains de nos entreprises » - et d'ajouter : « Je connais des entreprises françaises qui ne travaillent qu'avec Microsoft. Si vous leur dites qu'en recourant exclusivement aux services de Microsoft, toutes leurs données peuvent être transmises à la concurrence, elles vous répondent que vous êtes paranoïaques, jusqu'à ce qu'elles finissent par perdre une affaire... »417(*).

Au-delà même de ces enjeux fondamentaux doit être pris en compte le risque d'accoutumance, voire de dépendance, à des solutions étrangères, qui fragilise gravement la souveraineté numérique européenne.

De fait, les tensions géopolitiques actuelles font légitimement craindre le recours par des puissances étrangères à tous les leviers de pression dont elles peuvent disposer à l'encontre de la France et de l'Union européenne. Dans un tel scénario, la fermeture de l'accès des Européens à ces solutions serait de nature à susciter des difficultés substantielles pour le fonctionnement des administrations publiques et la vie économique du continent.

Ainsi, à la question de savoir si le système français de défense serait en capacité de fonctionner à plein régime s'il advenait que les États-Unis et les grands fournisseurs américains de services numériques coupent toute forme de lien avec la France, le commissaire général hors classe M. Olivier Marcotte, directeur central du service du commissariat des armées, a répondu prudemment : « Pour ce qui me concerne, les données étatiques, c'est-à-dire celles qui sont sous notre contrôle, sont hébergées chez nous. En revanche, je ne peux pas m'engager pour les fournisseurs du ministère »418(*).

De même s'agissant de l'ingénieur général hors classe de l'armement M. Guilhem Reboul, directeur des opérations, du maintien en condition opérationnelle et du numérique à la direction générale de l'armement (DGA) : « Il est difficile à la DGA de s'engager au nom du chef d'état-major des armées, mais nous fournissons des systèmes de liaison de données et de transfert d'informations qui sont suffisamment sécurisés - en fonction de leur niveau de classification - pour permettre aux armées d'accomplir leurs missions quoi qu'il arrive »419(*). Il n'a toutefois garanti que la capacité de la France à « agir seul[e] dans le cadre de la dissuasion, contre tout le monde »420(*).

Par ailleurs, les médias se sont fait l'écho de la suspension de la boîte mail du procureur de la Cour pénale internationale (CPI). Toutefois, M. Anton Carniaux, directeur des affaires publiques et juridiques de Microsoft France, a contesté cette affirmation, sans fournir de preuve à l'appui de cette position421(*).

Il convient d'ailleurs de noter qu'au-delà de celles qui peuvent être obtenues par la contrainte par des gouvernements étrangers, d'autres types de données tout aussi précieuses sont transmises chaque jour à des acteurs étrangers auxquels les acheteurs publics recourent et utilisées contre les intérêts nationaux et européens.

À titre d'exemple, en pointant du doigt la dépendance technique des acheteurs publics français à l'égard des grands acteurs étrangers en matière de suites bureautiques, Hexatrust témoigne d'un phénomène particulièrement inquiétant : « L'achat de licences peut inclure des fonctionnalités d'intelligence artificielle hébergées sur des clouds étrangers, permettant l'utilisation des données publiques pour l'entraînement de modèles d'intelligence artificielle étrangers, créant ainsi une nouvelle forme de dépendance technologique alors que des acteurs français et européens existent et permettent de localiser la donnée et l'usage sans crainte de fuites ou utilisations extraterritoriales pouvant porter préjudice à la compétitivité du tissu économique français et européen »422(*).

Aussi, par le biais d'un mécanisme auto-entretenu, l'adhérence française et européenne envers les solutions étrangères s'aggrave-t-elle progressivement, ce qui réduit continuellement notre capacité à donner corps au sursaut que la situation actuelle impose et à bâtir des alternatives crédibles.

Certains États européens semblent toutefois commencer à prendre conscience des risques auxquels cette situation les expose. Le gouvernement danois a, par exemple, annoncé récemment sa volonté de remplacer progressivement les offres Windows et Office 365 de Microsoft par Linux et LibreOffice.

b) Une forte dépendance aux offres étrangères s'exprime en matière de suites bureautiques et d'informatique en nuage, à rebours des doctrines officielles
(1) Des données publiques sensibles ne sauraient être hébergées par le biais d'une offre de cloud commerciale exposée à des règlementations extraterritoriales étrangères

Dès 2016, le législateur a affirmé le principe selon lequel l'État, les collectivités territoriales, les autres personnes de droit public et les personnes de droit privé chargées d'une mission de service public devaient veiller à « préserver la maîtrise, la pérennité et l'indépendance de leurs systèmes d'information » et encourager l'utilisation des logiciels libres et des formats ouverts lors du développement, de l'achat ou de l'utilisation de tout ou partie de ces systèmes d'information423(*).

Par la suite, une circulaire de juillet 2021 du Premier ministre424(*), actualisée en mai 2023425(*), a conditionné le recours par les services de l'État à l'informatique en nuage (« cloud computing ») pour l'hébergement de tout produit numérique nouveau ou faisant l'objet d'une évolution substantielle au respect des prescriptions de la doctrine « cloud au centre ».

Cette dernière impose, s'agissant de l'hébergement de données d'une sensibilité particulière au travers d'une offre de cloud commerciale, le respect par celle-ci de la qualification SecNumCloud et son immunité à l'égard de toute réglementation extracommunautaire.

La qualification SecNumCloud

SecNumCloud est une qualification de sécurité proposée par l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (Anssi) à destination des opérateurs cloud fournissant des services en « Platform as a Service » (PaaS), « Infrastructure as a Service » (IaaS) ou « Software as a Service » (SaaS).

Le référentiel SecNumCloud inclut un ensemble de règles garantissant un haut niveau d'exigences du point de vue technique, opérationnel et juridique, ainsi qu'un niveau élevé de sécurité de la solution.

L'Anssi a créé ce référentiel pour répondre à l'évolution de la menace, les attaquants ayant identifié depuis plusieurs années les offreurs de solutions cloud et leurs infrastructures comme des cibles d'intérêt pour la conduite d'attaques informatiques, tandis que l'application des législations extraterritoriales étrangères contraint les hébergeurs auxquels elles sont applicables à transmettre à des autorités étrangères les données de leurs clients, sans information de ces derniers ni voie de recours. Il vise par conséquent à garantir la sécurité des données les plus sensibles hébergées en nuage face aux menaces informatiques et aux lois extraterritoriales.

Dans le cadre du processus de qualification sont notamment évalués les facteurs qui doivent permettre au prestataire qualifié de résister à une injonction étrangère de ce type. Il s'agit donc de vérifier la résilience des solutions techniques -le cloisonnement des systèmes d'information -, organisationnelles - le prestataire qualifié doit être le seul à pouvoir intervenir sur les ressources supportant le service - et juridiques - la protection vis-à-vis du droit étranger.

À ce jour, une quinzaine d'offres disposent de la qualification SecNumCloud et une douzaine d'offres sont en cours de qualification par l'Anssi, l'ensemble de ces offres étant portées par 19 sociétés. Le taux de réussite s'élève à 65 %, tandis que le délai d'instruction d'un dossier est compris entre 18 mois et 24 mois en moyenne.

Selon l'Anssi, « les coûts minimaux [pour les entreprises] des audits externes obligatoires et de l'évaluation par un centre d'évaluation sont de l'ordre de 200 000 euros pour la durée de la qualification (trois ans) »426(*).

Par ailleurs, la circulaire du 5 juillet 2021 invitait les membres du Gouvernement à « promouvoir la diversité des technologies, des fournisseurs et des infrastructures retenues », en leur demandant de veiller à ce que les offres technologies retenues par leurs services et par les opérateurs placés sous leur tutelle « n'entravent pas l'autonomie de l'État dans ses choix numériques à venir ».

L'application de la doctrine « cloud au centre » en cas de recours
à une offre de cloud commerciale

Le contrôle du respect de la doctrine « cloud au centre », selon laquelle les données sensibles de l'État doivent être hébergées en interne ou par des solutions disposant de la qualification SecNumCloud, est intégré à celui qu'effectue la Dinum sur les projets informatiques des ministères dont le montant excède 9 millions d'euros, en application de l'article 3 du décret n° 2019-1088 du 25 octobre 2019 relatif au système d'information et de communication de l'État et à la direction interministérielle du numérique. En dessous de ce seuil, le contrôle relève des ministères.

Si, dans le cadre d'un nouveau projet informatique, un ministère choisit de recourir à une offre de cloud commerciale plutôt qu'interne, plusieurs règles doivent être respectées.

Ainsi, tous les systèmes et applications informatiques traitant des données à caractère personnel, y compris celles des agents publics, doivent être conformes au règlement général sur la protection des données (RGPD). À ce titre, une attention particulière doit être portée à d'éventuels transferts de données à caractère personnel en dehors de l'Union européenne.

Par ailleurs, même lorsqu'elles sont localisées dans l'Union, les données doivent être immunisées contre toute demande d'autorités publiques d'États tiers, qu'elles soient judiciaires ou administratives, en dehors d'un accord international en vigueur entre le pays tiers demandeur et l'Union ou un État membre. Pour les systèmes contenant des données de santé, l'hébergeur doit par ailleurs être conforme à la législation sur l'hébergement de données de cette nature.

Si le système ou l'application informatique traite des données, à caractère personnel ou non, d'une sensibilité particulière et dont la violation est susceptible d'engendrer une atteinte à l'ordre public, à la sécurité publique, à la santé et à la vie des personnes ou à la protection de la propriété intellectuelle, l'offre de cloud commerciale retenue doit impérativement respecter la qualification SecNumCloud ou une qualification européenne d'un niveau au moins équivalent et être immunisée contre tout accès non autorisé par des autorités publiques d'États tiers

Dans le cas contraire, le recours à une offre de cloud commerciale qualifiée SecNumCloud et immunisée contre tout accès non autorisé par des autorités publiques d'États tiers n'est pas requis.

Les données d'une sensibilité particulière recouvrent, d'une part, les données qui relèvent de secrets protégés par la loi, par exemple les secrets liés aux délibérations du Gouvernement et des autorités relevant du pouvoir exécutif, à la défense nationale, à la conduite de la politique extérieure de la France, à la sûreté de l'État, aux procédures engagées devant les juridictions ou encore le secret de la vie privée, le secret médical ou le secret des affaires, et, d'autre part, les données nécessaires à l'accomplissement des missions essentielles de l'État, notamment la sauvegarde de la sécurité nationale, le maintien de l'ordre public et la protection de la santé et de la vie des personnes.

La violation de ces données, susceptible d'engendrer une atteinte à l'ordre public, à la sécurité publique, à la santé et à la vie des personnes ou à la protection de la propriété intellectuelle, doit être évaluée sous chaque angle des critères de sécurité élémentaires - la confidentialité, l'intégrité, la disponibilité, voire la traçabilité. Il peut être en pris en compte dans cette analyse différentes natures de conséquences possibles - opérationnelles, politiques, économiques, juridiques, environnementales ou patrimoniales, par exemple.

À titre transitoire, pour les projets déjà engagés, une dérogation aux exigences formulées dans le cadre de la doctrine peut être accordée sous la responsabilité du ministre dont relève le projet et après validation du Premier ministre, sans qu'elle ne puisse se prolonger au-delà de 12 mois après la date à laquelle une offre de cloud acceptable - c'est-à-dire dont les éventuels inconvénients sont supportables ou compensables - sera disponible en France.

Enfin, la portabilité multi-clouds doit être assurée, ce qui implique que les équipes informatiques s'assurent que les adhérences techniques et fonctionnelles à la plateforme cloud retenue n'entravent pas notablement cette capacité de réversibilité et de changement de fournisseur de cloud. Dans le cas où cette adhérence est néanmoins légitimée par des gains opérationnels immédiats, le surcoût de la réversibilité doit être financé par ces gains.

Le directeur interministériel du numérique a alors précisé, dans une note du 15 septembre 2021 adressée aux secrétaires généraux des ministères, que le respect de la doctrine « cloud au centre » faisait obstacle à l'utilisation de l'offre Office 365 de Microsoft par les services de l'État : « Les solutions collaboratives, bureautiques et de messagerie proposées aux agents publics relèvent des systèmes manipulant des données sensibles. Ainsi, la migration de ces solutions vers l'offre Office 365 de Microsoft n'est pas conforme à la doctrine cloud au centre ».

Les ministères envisageant d'externaliser la construction et le fonctionnement de leurs suites collaboratives hors de leurs systèmes d'information étaient dès lors invités :

- à se rapprocher de la Dinum pour évaluer l'opportunité de construire et d'opérer une offre de service « bureautique collaborative et messagerie » sur le cloud interne de l'État ou sur le cloud commercial de confiance, mutualisée entre les ministères qui rejoindraient l'initiative ;

- ou à privilégier un scénario dans lequel le consortium « Bleu » réalise son ambition de construction d'une offre labellisée SecNumCloud conforme à la doctrine « cloud au centre », avec une suite Office 365 bénéficiant d'un transfert de compétences et des responsabilités technique et juridique à son profit, et donc à prendre contact avec la direction de ce consortium ;

- ou à envisager de recourir aux produits interministériels « Sac à dos numérique de l'agent public » (Snap) ;

- ou, en l'absence d'urgence, à différer leurs projets de remplacement de leurs outils existants dans l'attente d'une amélioration de l'offre disponible sur le marché.

Bleu : un « cloud de confiance » ?

Pour remplir les critères d'attribution de la qualification SecNumCloud, certaines sociétés développent des solutions souveraines concurrençant les offres américaines.

Il s'agit, selon M. Guillaume Poupard, directeur général adjoint de Docaposte et ancien directeur général de l'Anssi, de faire « opérer des technologies européennes par des acteurs européens tant pour le développement que pour l'exploitation »427(*). C'est le cas, entre autres, d'OVHcloud ou d'Outscale, qui bénéficient de la qualification SecNumCloud.

D'autres initiatives consistent, pour leur part, « à opter pour des technologies américaines, mais à les faire opérer par des acteurs qui ne sont pas soumis au droit américain »428(*). Des offres de cette nature sont en cours de certification SecNumCloud, à commencer par le cloud de confiance Bleu, porté par Orange et Capgemini, qui permet de recourir à l'offre Microsoft 365 et aux services Microsoft Azure dans le cadre d'un cloud sécurisé. Figure également parmi ces solutions le cloud de confiance S3NS, qui associe Thales et Google Cloud.

La version 3.2 du référentiel SecNumCloud inclut des exigences d'immunité au droit extra-européen permettant de se prémunir de l'essentiel des menaces touchant les environnements cloud. Dès lors, l'Anssi rappelle que « l'ensemble des offres candidates à la qualification SecNumCloud est jugé à l'aune des exigences du référentiel et aucune d'entre elles ne peut prétendre à ce visa de sécurité si une non-conformité majeure est relevée lors de l'évaluation »429(*). En tout état de cause, les offres hybrides telles que Bleu et S3NS « ont intégré le processus de qualification mais ne sont pas à la date de réponse à ce questionnaire qualifiées »430(*).

M. Nicolas Guérin, secrétaire général d'Orange, a catégoriquement écarté l'idée selon laquelle l'utilisation de ces offres présenterait des risques sur le plan de l'autonomie stratégique de la France : « La presse a récemment rapporté que le président de la Cour pénale internationale s'était vu couper ses accès à des outils Microsoft sur ordre de l'administration américaine. Le recours à Bleu éviterait d'en arriver là en garantissant un accès à ces outils, quitte à ne plus bénéficier de leurs mises à jour. Microsoft envisage d'ailleurs de nouer d'autres partenariats de ce genre garantissant aux utilisateurs une continuité de service »431(*).

Les représentants de Microsoft France reçus par la commission d'enquête ont eux aussi tenu à se montrer rassurants sur ce point. Pour M. Anton Carniaux, directeur des affaires publiques et juridiques, Bleu est « (...) une entreprise totalement indépendante de Microsoft, créée par Capgemini et Orange. Nous sommes fournisseurs technologiques et nous avons mis en place un système qui permet de séparer cette offre d'informatique en nuage de celle de Microsoft, afin de la protéger de tout effet extraterritorial. À cela s'ajoute une séparation juridique, en vertu de laquelle Microsoft n'est pas présent au capital de Bleu »432(*).

Il est toutefois permis de douter des garanties effectivement apportées par ces offres, à l'exemple de M. Poupard : « Les offres hybrides que j'évoquais sont-elles souveraines ? De toute évidence, on ne parle pas du même type de produit, la principale différence tenant, à mon sens, non pas à la sécurité, mais à la disponibilité des technologies. Si, demain, les fournisseurs de technologies américains décident de couper l'accès à leurs technologies, compte tenu de l'évolution constante des outils et des mises à jour nécessaires à leur fonctionnement, les systèmes hybrides s'effondreront très rapidement, au bout non pas de quelques années ou de quelques décennies, mais de quelques jours, peut-être de quelques semaines »433(*).

Aussi juge-t-il préférable d'écarter l'option du recours à des solutions hybrides : « Dans le contexte géopolitique actuel, que personne n'aurait pu prédire il y a quelques années, même les personnes aussi paranoïaques que moi, des décisions politiques pourraient tout à fait interdire la diffusion de technologies. C'est un risque que l'on ne peut pas prendre »434(*).

En outre, d'après le ministère de l'éducation nationale435(*), la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) aurait recommandé aux établissements d'enseignement supérieur, par un courrier du 27 mai 2021, de ne recourir, en l'absence de mesures supplémentaires susceptibles d'assurer un niveau de protection adéquat, qu'à des suites collaboratives proposées par des prestataires exclusivement soumis au droit européen, hébergeant les données au sein de l'Union européenne et ne les transférant pas vers les États-Unis.

S'inscrivant dans la même logique, le Gouvernement indiquait en novembre 2022 que le ministère de l'éducation nationale avait informé, en octobre 2021, les recteurs de région académique et d'académie de la doctrine « cloud au centre », de la position de la Dinum et de l'avis de la Cnil sur ce sujet et leur avoir « demandé d'arrêter tout déploiement ou extension de cette solution [l'offre Office 365 de Microsoft] ainsi que de celle de Google, qui seraient contraires au RGPD »436(*).

S'il soulignait à cette occasion que la charge d'assurer l'équipement et le fonctionnement des établissements scolaires, et notamment l'acquisition et la maintenance des matériels informatiques et des logiciels prévus pour leur mise en service, incombait aux collectivités territoriales auxquelles ces établissements sont rattachés437(*), il n'est pas admissible de s'en remettre à elles pour « fournir des solutions d'environnement numérique de travail (ENT) aux établissements qui offrent des fonctionnalités de communication et de collaboration respectant les principes du RGPD et de souveraineté numérique, permettant ainsi de se passer des offres collaboratives états-uniennes non immunes au droit extraterritorial »438(*) tout en recourant auxdites offres américaines pour l'équipement des services centraux et déconcentrés du ministère.

Il convient à ce propos de rappeler que le code dispose que, dans le cadre du service public du numérique éducatif, « la détermination du choix des ressources utilisées tient compte de l'offre de logiciels libres et de documents au format ouvert, si elle existe »439(*) et que « les logiciels libres sont utilisés en priorité » par le service public de l'enseignement supérieur440(*).

Plus récemment, le Parlement a donné une valeur législative aux prescriptions de la doctrine « cloud au centre » relative aux conditions de recours à des offres de cloud commerciales au travers de l'article 31 de la loi n° 2024-449 du 21 mai 2024 visant à sécuriser et à réguler l'espace numérique, dite loi Sren.

L'article 31 de la loi Sren, consécration législative de doctrine « cloud au centre » et garantie de la sécurité des données publiques sensibles ?

L'article 31 de la loi Sren s'applique aux administrations de l'État, à ses opérateurs et aux groupements d'intérêt public (GIP) comprenant des administrations ou des opérateurs de l'État, lorsque ceux-ci ont recours à un service d'informatique en nuage fourni par un prestataire privé pour la mise en oeuvre de systèmes ou d'applications informatiques.

Si le système ou l'application informatique concerné traite de données d'une sensibilité particulière, qu'elles soient à caractère personnel ou non, et si leur violation est susceptible d'engendrer une atteinte à l'ordre public, à la sécurité publique, à la santé ou à la vie des personnes ou à la protection de la propriété intellectuelle, l'administration, l'opérateur ou le GIP en question doit veiller à ce que le service d'informatique en nuage fourni par le prestataire privé mette en oeuvre des critères de sécurité et de protection des données garantissant notamment la protection des données traitées ou stockées contre tout accès par des autorités publiques d'États tiers non autorisé par le droit de l'Union européenne ou d'un État membre.

Relèvent de la qualification de données d'une sensibilité particulière les données qui relèvent de secrets protégés par la loi et celles qui sont nécessaires à l'accomplissement des missions essentielles de l'État, notamment la sauvegarde de la sécurité nationale, le maintien de l'ordre public et la protection de la santé et de la vie des personnes.

Une administration, un opérateur ou un GIP ayant déjà engagé un projet nécessitant le recours à un service d'informatique en nuage à la date d'entrée en vigueur de l'article 31 de la loi Sren peut solliciter une dérogation à ces obligations.

Il était prévu par la loi qu'un décret précise, dans un délai de six mois à compter de sa promulgation, les modalités d'application de son article 31, notamment les critères de sécurité et de protection, y compris en termes de détention du capital, des données sensibles. Ce décret doit également préciser les conditions dans lesquelles une dérogation motivée et rendue publique peut être accordée sous la responsabilité du ministre dont relève le projet déjà engagé et après validation par le Premier ministre, sans que cette dérogation puisse se prolonger au-delà de 18 mois à compter de la date à laquelle une offre de services d'informatique en nuage acceptable - selon des critères devant eux aussi être fixés par ce décret - est disponible en France.

À ce jour néanmoins, plus d'un an après la promulgation de la loi Sren, ce décret n'a toujours pas été publié. La Dinum indique qu'un projet de décret a été rédigé et transmis à la Commission européenne, qui n'a pas émis d'avis à son sujet, et doit désormais être examiné par la Cnil, puis soumis à l'avis du Conseil d'État. Selon elle, le décret devrait donc être publié à la rentrée 2025, soit avec un retard de près d'un an avec le délai fixé par la loi.

En attendant, « les principes sont appliqués par les ministères et les éventuelles dérogations, portées à la connaissance de la Dinum, concernent l'utilisation de suites bureautiques dans certains ministères ou organismes sous tutelle de l'État ainsi que l'hébergement de la plateforme des données de santé »441(*).

Comme le souligne l'Agence du numérique en santé (ANS), dont aucun des systèmes informatiques stratégiques n'est hébergé par des prestataires de services de cloud soumis à des obligations extraterritoriales, « dans l'attente du décret d'application à venir, les acteurs concernés par un tel risque devront se préparer à potentiellement migrer les systèmes d'information traitant des données dites « sensibles » vers des hébergeurs « cloud de confiance » en anticipant les évolutions applicatives, les contraintes opérationnelles et les coûts qu'un tel changement d'hébergeur pourrait induire »442(*).

S'agissant plus spécifiquement du cas de l'éducation nationale, le secrétaire général du ministère a rappelé aux recteurs et secrétaires généraux de région académique et d'académie que l'institution scolaire devait « nécessairement observer la plus grande neutralité vis-à-vis des suites collaboratives commerciales pour ne pas habituer les élèves et biaiser leurs choix futurs d'outils, à titre personnel comme professionnel », « les former aux méthodes de collaboration numérique de façon indépendante d'une suite collaborative commerciale donnée » et « leur faire acquérir une aisance dans l'utilisation de tout type d'outil numérique »443(*).

Il leur était par conséquent indiqué que « conformément à la priorité donnée à la protection des données à caractère personnel des élèves et des personnels et à la volonté de la France de privilégier des solutions souveraines, le ministère continue de proscrire tout déploiement de suites collaboratives en ligne d'éditeurs états-uniens ou non européens dans les écoles et les établissements publics »444(*).

(2) En dépit des proclamations officielles, une dépendance persistante et dangereuse envers les offres numériques étrangères : l'exemple de l'éducation nationale

Bien que les risques en la matière soient très clairement identifiés par l'ensemble des personnalités et organismes entendus par la commission d'enquête, cette dernière a constaté à regret un décalage persistant entre les discours publics et les actes concrets.

Une multitude d'exemples de recours par des organismes publics français à des offres numériques étrangères, à contresens des prescriptions officielles, ont en effet été évoqués au cours des travaux de la commission d'enquête, à commencer par la récente conclusion par le ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse d'un accord-cadre pour le renouvellement de ses licences Microsoft en mars dernier pour un montant estimé à 75 millions d'euros HT sur quatre ans.

Le marché passé par le ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse pour l'équipement de ses services centraux et déconcentrés en solutions Microsoft

Le ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse a récemment attribué un marché dont l'objet est la « concession de droits d'usage à titre non exclusif de diverses solutions de type Microsoft ou équivalent, de support, de gestion, de prestations, de formations et d'assistance technique associées couvrant les usages des agents des services centraux et déconcentrés des ministères chargés de l'éducation nationale et de la jeunesse, de l'enseignement supérieur et de la recherche, des sports et des jeux olympiques et paralympiques ainsi que pour le compte des établissements de formation et de recherche »445(*).

Il s'agissait, selon Mme Guylaine Bourdais-Naimi, RMA des ministères de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, d'une part, et des sports, de la jeunesse et de la vie associative, de « répondre à la nécessité de maintenir et préserver les investissements déjà consentis au titre des équipements Microsoft faisant partie du patrimoine logiciel ministériel existant »446(*) - 800 000 postes de travail massivement équipés du système d'exploitation Windows, la suite bureautique Office installée sur les postes de travail et certaines architectures applicatives très minoritaires.

Ce marché, dont le montant HT est estimé à 74,72 millions d'euros sur quatre ans - et le montant maximal à 152 millions d'euros - a fait l'objet d'un allotissement en trois lots. Deux d'entre eux, qui portent sur la fourniture, d'une part, de solutions MPSA, EES et CSP-NCE-Educ de Microsoft et, d'autre part, de solutions Microsoft SPLA, ont été attribués à la société Crayon France pour un montant HT estimé à, respectivement, 64 millions d'euros et 6 millions d'euros.

La société Open SAS a remporté le dernier lot, dont le montant HT est estimé à 4,72 millions d'euros et qui inclut la fourniture de prestations de services, de conseils, d'expertises et de support technique sur lesdites solutions.

Ces trois lots ont été attribués pour une durée initiale de 12 mois et peuvent être renouvelés par période de 12 mois par reconduction tacite, la durée globale ne pouvant excéder 48 mois.

Pour M. Frédéric Pomiès, sous-directeur du socle numérique à la direction du numérique pour l'éducation : « Il ne faut pas confondre les technologies Microsoft avec l'hébergement de données dans le cloud : ces deux sujets sont liés, mais ils ne coïncident pas exactement. En réalité, ce marché vise à ce que le ministère et ses opérateurs continuent à utiliser des technologies Microsoft à l'échelle des postes de travail et de systèmes d'information hébergés localement - on parle d'usage "on premise", ou "sur site", donc d'outils qui recourent à des technologies Microsoft, par exemple les serveurs de base de données ou d'applications, qui font partie des technologies disponibles pour les développeurs qui conçoivent des applications et sont parfois imposées à travers la solution technologique applicative retenue comme briques sous-jacentes nécessaires au bon fonctionnement de l'application dont on s'équipe. En clair, l'usage principal et quasi exclusif du marché Microsoft consiste à acquitter des droits d'usage de technologies et de produits qui sont installés sur nos propres infrastructures. Quant à l'échelle plus large que le poste de travail, celle des systèmes d'information qui manipulent des données et où peut se poser la question de la circulation des données sensibles, le ministère de l'éducation nationale s'est équipé d'un système d'information basé à 98 % sur de l'open source. Nous utilisons très massivement Red Hat Linux - nous recourons à de l'open source pour nos applications, nos services numériques et nos briques technologiques »447(*).

Ce dernier a donc minimisé l'importance du marché en question : « Ce marché avec Microsoft vient donc combler un besoin résiduel à notre échelle, même s'il est important financièrement, car notre ministère comprend beaucoup d'agents. En schématisant, il vise à ce que les postes de travail du ministère soient équipés des dernières versions de Windows, Word et Excel. Il n'a rien à voir avec l'hébergement des données, puisque cet hébergement se situe sur les machines des agents et sur les services de fichiers partagés qui sont opérés sur des serveurs du ministère »448(*).

Ce point de vue diverge manifestement de celui de Mme Stéphanie Schaer, directrice interministérielle du numérique, qui a clairement indiqué à la commission d'enquête que ce marché « comporte une partie bureautique et une partie cloud »449(*). Mme Bourdais-Naimi l'a d'ailleurs elle-même confirmé : « Le lot 2 couvre les besoins spécifiques des quelques datacenters en mesure de fournir des prestations d'hébergement dans le cloud. Il appartient à chaque prescripteur de ce marché de déterminer s'il lui est possible d'utiliser le marché Microsoft en fonction de la caractérisation des données qu'il décide de déposer sur le cloud en application du cadre juridique national (...) »450(*).

Au-delà même des interrogations que soulève le recours par les services de l'État à des offres assujetties aux lois extraterritoriales américaines et l'exposition de nos données publiques au risque de transfert à des autorités étrangères, il apparaît que ce marché a été passé en méconnaissance des règles applicables visant à assurer sa conformité à la doctrine « cloud au centre ».

De fait, comme le précise cette dernière, « le contrôle de la doctrine « cloud au centre » est désormais intégré à la procédure de contrôle de conception des grands projets informatiques de l'État issue de l'article 3 du décret n° 2019-1088 du 25 octobre 2019, au-delà du seuil de neuf millions d'euros. Sous ce seuil, ce contrôle relève des ministères ».

De tels projets doivent en effet être soumis pour avis conforme à la direction interministérielle du numérique (Dinum), ce qui n'a pas été le cas du renouvellement des licences Microsoft du ministère de l'éducation nationale.

La direction interministérielle du numérique et la procédure prévue
par l'article 3 du décret du 25 octobre 2019

Créée en 2019 et rattachée au Secrétaire général du Gouvernement451(*), la Dinum est chargée d'orienter, de soutenir et de coordonner les actions des administrations de l'État et celles des organismes placés sous sa tutelle, visant à améliorer la qualité, l'efficacité et la fiabilité des services rendus par le système d'information et de communication de l'État452(*).

Elle conseille par conséquent le Premier ministre et les ministres compétents sur la prise en compte du numérique dans les politiques publiques mises en oeuvre par les ministères.

La Dinum intervient à différents niveaux pour faire aboutir les projets numériques des ministères :

- elle contribue, en appui de la DAE, à l'élaboration des stratégies et politiques interministérielles relatives à l'achat de matériels, de logiciels et de prestations intellectuelles informatiques et porte différents marchés interministériels, notamment pour la conception de produits numériques ;

- sa brigade d'intervention numérique peut, depuis 2023, appuyer les ministères en fonction de leurs besoins, y compris sur les sujets liés à l'achat public ;

- enfin, elle assume une mission de sécurisation des grands projets numériques dans le cadre de laquelle elle est amenée à donner un avis sur la structuration des marchés utilisés.

Sur ce dernier plan, l'article 3 du décret n° 2019-1088 du 25 octobre 2019 relatif au système d'information et de communication de l'État et à la Dinum impose que les projets interministériels et ministériels en matière d'action publique numérique et de systèmes d'information et de communication répondant à certaines caractéristiques soient soumis pour avis conforme au directeur interministériel du numérique.

Les projets des organismes placés sous la tutelle de l'État et répondant aux mêmes caractéristiques lui sont quant à eux soumis pour avis afin qu'il émette des recommandations.

Relèvent de ces procédures les projets mettant en oeuvre un système d'information dont le montant prévisionnel global est égal ou supérieur à 9 millions d'euros TTC453(*). Ce montant comprend l'ensemble des coûts estimés depuis la phase de construction ainsi que ceux relatifs aux 24 premiers mois de maintien en conditions opérationnelles consécutifs à la fin de cette phase454(*). Sont pris en compte l'ensemble des coûts afférents au projet, et notamment les dépenses de fonctionnement, d'investissement ou de personnel nécessaires à son bon achèvement.

Dès que, lors de la phase de construction, l'autorité ou l'organisme concerné estime que le montant du projet dépassera 9 millions d'euros TTC, il doit en informer le directeur interministériel du numérique. Il doit ensuite solliciter son avis dès que les options majeures du projet sont arrêtées, et avant toute phase de contractualisation455(*).

Le directeur interministériel du numérique transmet alors au directeur de l'Anssi et au directeur du budget les projets dont il est saisi afin qu'ils lui fassent part de leurs observations dans un délai de 25 jours.

Son avis est réputé favorable en l'absence de réponse dans un délai d'un mois après réception du dossier de présentation. Du reste, la Dinum peut, dans ce délai, demander aux administrations concernées tout complément d'information nécessaire à la formation de son avis, une telle demande suspendant le délai.

Les avis sont adressés au Premier ministre, aux ministres concernés, au ministre chargé de la transformation publique et au ministre chargé du budget.

La Dinum n'intervient pas spécifiquement auprès des collectivités territoriales, à l'exception de ses actions continues de communication sur l'application de sa doctrine en matière d'emploi du cloud visant à les inviter à s'en inspirer.

Mme Stéphanie Schaer, directrice interministérielle du numérique, a en effet déclaré devant la commission d'enquête que « la Dinum n'a pas été saisie en amont [de ce projet] au titre de sa mission de sécurisation des projets informatiques »456(*).

Pour sa part, Mme Guylaine Bourdais-Naimi, RMA des ministères de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, d'une part, et des sports, de la jeunesse et de la vie associative, considère que le marché portant sur des solutions Microsoft « fournit un cadre d'achat permettant à ses bénéficiaires d'approvisionner des technologies Microsoft pour réaliser des projets mettant en oeuvre des systèmes d'information ».

Selon cette logique, le marché global, en lui-même, « n'entre pas dans la catégorie des « projets mettant en oeuvre un système d'information et par conséquent n'est pas concerné par l'article 3 » : « Chacun des bénéficiaires est ainsi placé en responsabilité vis-à-vis des différents cadres applicables et notamment l'article 3 Dinum. À titre d'illustration, le montant annuel commandé par la direction du numérique pour l'éducation (DNE) pour le ministère de l'éducation s'élève à 2,2 millions d'euros, ce qui place ces achats sous le seuil de l'article 3 »457(*).

Y voyant manifestement un manquement, le ministre de l'action publique, de la fonction publique et de la simplification, la ministre chargée des comptes publics et la ministre déléguée chargée de l'intelligence artificielle et du numérique ont adressé aux membres du Gouvernement, le 22 avril 2025, un courrier commun.

Celui-ci rappelle qu'en application de la doctrine « cloud au centre » et de l'article 31 de la loi Sren, « les ministères doivent impérativement s'assurer que les hébergements et que les applications utilisées pour le traitement des données sensibles au titre de cette loi, et en particulier les solutions collaboratives, bureautiques et de messagerie ainsi que les solutions d'intelligence artificielle, sont conformes à ces exigences de protection contre tout accès non autorisé par des autorités publiques d'États tiers » et les invite à recourir, s'agissant du cloud, à des offres commerciales disposant de la qualification SecNumCloud ou à des solutions interministérielles sécurisées - le cloud PI du ministère de l'intérieur et le cloud Nubo du ministère des finances - et, pour ce qui concerne les suites bureautiques, aux outils collaboratifs et sécurisés proposés par la Dinum et baptisés « La Suite numérique ».

Pour s'assurer de la mise en oeuvre de ces instructions, les ministres informaient par la même occasion leurs collègues qu'à compter du 31 mai 2025, chaque contrôleur budgétaire et comptable ministériel (CBCM) refusera tout achat qui, conformément à l'article 3 du décret n° 2019-1088, aurait dû faire l'objet d'un avis préalable de la Dinum sans que cette procédure ait été respectée - sauf dérogation pour les projets déjà en cours.

La commission d'enquête s'étonne vivement que des membres du Gouvernement soient contraints de rappeler à leurs collègues et aux administrations placées sous leur autorité qu'il existe des règles applicables en la matière et que leur respect s'impose à tous, sans exception, et y voit une illustration supplémentaire du pilotage défaillant de la politique numérique de l'État.

Quoi qu'il en soit, cette nouvelle illustration de l'ampleur de la dépendance française aux solutions numériques étrangères est d'autant moins compréhensible que le ministère de l'éducation nationale a prohibé dès 2021 tout déploiement ou extension par ses services de l'offre Office 365 de Microsoft.

Des motifs financiers sont ainsi souvent mis en avant pour justifier le recours à Microsoft plutôt qu'à ses concurrents européens, comme l'a fait devant la commission d'enquête M. Frédéric Pomiès, sous-directeur du socle numérique à la DNE : « La suite collaborative proposée par Microsoft Office 365 permet de travailler en ligne, donc à plusieurs en même temps. Des entreprises françaises et européennes proposent des produits concurrents, c'est pourquoi le marché dont nous parlons a fait l'objet d'un sourcing où quatre entreprises ont été interrogées, en plus de Microsoft : Wimi, GoFAST, Jamespot et Interstis. Je ne peux pas vous communiquer publiquement les chiffres, mais je vous assure que les coûts bruts de ces solutions étaient très largement supérieurs à ceux de Microsoft, sans compter le coût de la transition et de la transformation des usages. Enfin, choisir un acteur de ce type ne nous libérerait pas du système d'exploitation Windows, qui est la base logicielle sur tous les postes de travail, et nous parlons d'environ un million de personnes à équiper »458(*).

Ces prétextes sont d'ailleurs quasi systématiquement associés à la remise en question de la capacité des acteurs français et européens à assurer un niveau de performance comparable à celui des géants américains : « Il faut également souligner que ces acteurs sont des challengers, la question se pose du rattrapage du niveau fonctionnel, du niveau d'intégration - par rapport aux grandes sociétés en place que sont Microsoft ou Google, qui sont des defenders »459(*).

À en croire Mme Bourdais-Naimi, quatre éditeurs de solutions souveraines (Wimi, Gofast, Jamespot et Interstis) auraient été consultés en amont du sourçage460(*). Pourtant, selon elle, les solutions Microsoft s'avéraient plus compétitives à plusieurs égards :

- les solutions souveraines sont plus chères de 200 % à 1 300 % que les solutions Microsoft ;

- bien que les solutions souveraines puissent permettre la substitution de la suite bureautique Microsoft Office, mais la « situation de quasi-monopole du système d'exploitation Microsoft Windows déployé sur les 800 000 postes de travail du périmètre ne semble pas pouvoir être remise en question à court ou moyen terme » ;

- la conduite du changement d'une migration des usages vers ces suites souveraines, la formation et la reprise de tous les modèles de documents bureautiques « constituent un coût très important qu'il convient d'ajouter au coût des solutions en elles-mêmes, déjà très supérieur » ;

- si les solutions souveraines proposent différentes briques (messagerie, suite bureautique, drive, chat, etc.), elles offrent « une interopérabilité insuffisante avec le reste des écosystèmes collaboratifs en lien avec les fonctions qu'elles ne couvrent pas ou qui seraient déjà couvertes par d'autres outils déjà déployés » ;

- enfin, les solutions souveraines seraient « encore insuffisamment développées pour répondre [aux] besoins [des ministères concernés] au niveau de l'ensemble des services attendus »461(*).

Ces éléments sont contestés par un des éditeurs de solutions souveraines mentionnés, qui a indiqué au président de la commission d'enquête n'avoir « aucunement été consulté » avant l'attribution du marché à Microsoft et, à ce titre, n'avoir « aucunement proposé quelque montant que ce soit »462(*).

Pour mémoire, comme le rappelle France Digitale, association de start-ups et d'investisseurs visant à faire émerger des champions français et européens de l'innovation à l'échelle mondiale, 71 % du marché français du cloud sont concentrés par AWS, Google Cloud et Microsoft Azure463(*).

De manière générale, cette dépendance à Microsoft a un coût, qui se fait par exemple sentir à chaque mise à jour de son système d'exploitation. Ainsi, selon des informations parues dans la presse, le passage de Windows 10, qui ne sera plus maintenu à compter du 14 octobre 2025, à Windows 11 devrait contraindre la police nationale à remplacer un quart de ses ordinateurs, ce qui devrait entraîner une dépense supplémentaire de 15 millions d'euros.

À une autre échelle, lors du conseil de surveillance du 16 juin 2025, le centre hospitalier Basse Vilaine de Nivillac (soins médicaux et de réadaptation, maison de retraite et établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes [EHPAD] pour un total de 92 lits) a pour sa part été contraint de voter le remplacement progressif de tous les postes informatiques, pourtant en parfait état de marche. Alors qu'il doit faire face, comme tous les établissements de santé, à de très fortes tensions budgétaires, il a dû débuter par une première dépense de 10 000 euros pour dix postes.

La gendarmerie nationale, qui a adopté le système d'exploitation open source Linux depuis 2009, ne sera quant à elle pas affectée.

(3) Des centrales d'achat se bornant à un rôle d'intermédiation entre l'offre et la demande de solutions étrangères

Compte tenu de leur importance pour une grande partie des acheteurs publics, et notamment des collectivités territoriales, les centrales d'achat ont évidemment un rôle crucial à jouer pour garantir la souveraineté numérique de la France.

Elles constituent de fait un instrument particulièrement utile pour les collectivités territoriales. Près de 62 % des élus locaux ayant répondu à la consultation menée par la commission d'enquête ont indiqué que leur collectivité avait recours aux services de ces structures, tandis que quasiment 80 % d'entre eux affirment qu'elles leur permettent de réaliser des économies ou d'autres gains.

Leur performance en termes d'économies d'échelle repose sur trois leviers principaux :

- la standardisation, qui permet de limiter le nombre de modèles produits par suppression, autant que faire se peut, du sur mesure et des surcoûts qu'il induit ;

- la massification, qui permet de rentabiliser plus rapidement les outils de production et de diminuer les coûts de fabrication ;

- et la programmation, qui permet d'éviter les à-coups de production, sources de surcoûts.

De plus, comme le souligne l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité (AMF), « les centrales d'achat permettent aux acheteurs publics d'éviter une lourde mise en concurrence » et « sont également gages de sécurité juridique, car les procédures de passation sont suivies de manière stricte »464(*).

L'avis de l'Assemblée des départements de France (ADF) ne diffère pas de celui des maires à ce sujet : « Les départements sont globalement satisfaits du recours aux centrales d'achat. Dans leurs politiques achats, ces centrales représentent un outil important, notamment pour satisfaire leurs achats internes, car pour un certain nombre de familles d'achats, les centrales proposent des prix, des délais et des prestations intéressantes »465(*).

Ce modèle présente toutefois les inconvénients de ses avantages. L'Association des acheteurs publics (AAP) et le Conseil national des achats (CNA) ont ainsi identifié plusieurs limites :

- l'acheteur n'a pas le choix de son fournisseur, le catalogue des centrales d'achat étant limité ;

- l'acheteur dispose de peu de marges de manoeuvre sur les garanties d'exécution ;

- l'acheteur perd en autonomie dans la définition des cahiers des charges et de la hiérarchisation des critères de sélection ;

- la massification limite l'accès aux marchés publics des TPE et PME ;

- et les tarifs pratiqués ne sont pas toujours compétitifs.

L'Ugap : une performance insuffisante ?

Les indicateurs suivis par l'Ugap semblent démontrer que les acheteurs au profit desquels elle passe ses marchés sont très majoritairement satisfaits du service fourni.

Ainsi, bien que le nombre de ses clients actifs soit resté stable depuis 2002, autour de 21 500, le montant des commandes qu'ils lui adressent est passé de 420 millions d'euros en 2002 à 5 640 millions d'euros en 2024.

Elle précise en outre que « (...) la satisfaction des clients de l'Ugap est par ailleurs mesurée tous les ans par le cabinet d'études CSA auprès d'un échantillon aléatoire, mais représentatif, d'environ 900 clients » et que « le taux de clients se déclarant satisfaits de l'Ugap oscille régulièrement depuis 5 ans entre 80 % et 84 %, ce qui, selon les professionnels, constitue un résultat très satisfaisant. Il est même compris entre 91 % et 94 % au sein des collectivités territoriales »466(*).

Cette satisfaction, certes largement répandue, n'est toutefois pas unanimement partagée par les acteurs de l'achat public. Un certain nombre d'entre eux ont effectivement formulé des interrogations sur la performance de l'Ugap au cours des travaux de la commission d'enquête.

Ce fut notamment le cas de la DAE elle-même, qui « considère qu'il est légitime de réinterroger périodiquement la performance des offres proposées par la centrale d'achat et de s'inscrire dans une démarche de progrès » et indique l'avoir fait « lors du renouvellement de stratégies d'achat de l'État reposant sur des offres de l'Ugap, ce qui a pu conduire à faire évoluer celles-ci pour mieux répondre aux besoins et aux objectifs de performance de l'État ou, dans certains cas au cours des années récentes, à une « réinternalisation » (achat direct par l'État) »467(*).

M. Emmanuel Sallaberry, maire de Talence et coprésident de la commission des finances de l'AMF, a, par exemple, insisté sur le sujet des délais de livraison : « Les centrales d'achat sont nécessaires, mais les délais de livraison d'un certain nombre d'équipements sont déraisonnables. À titre personnel, j'ai attendu deux ans la livraison d'un véhicule de police municipale. Dans un contexte où l'argent public est devenu rare, cela génère des économies, mais nos centrales d'achat, notamment l'Ugap, se retrouvent confrontées à une distorsion entre ce qui est demandé et ce qu'elles peuvent réaliser. Cela crée de la frustration, car dans un marché qui représente des milliards d'euros, on ne bénéficie finalement pas des conditions de prix ou de livraison que n'importe quel interlocuteur aurait »468(*). Et de conclure : « L'Ugap fait un travail formidable, mais le modèle des centrales d'achat est sans doute à revoir ».

Sur cette question particulière, M. Edward Jossa, PDG de l'Ugap, invite à distinguer la qualité de service de l'Ugap de celle de ses fournisseurs, en précisant que cette dernière « a constitué une problématique au cours des dernières années. Par exemple, les délais de livraison se sont considérablement allongés dans le secteur de l'automobile »469(*).

Les tarifs pratiqués par l'Ugap ont, quant à eux, fait l'objet d'une attention médiatique particulière dans la période récente. À cet égard, il convient de garder à l'esprit que le prix de vente des centrales d'achat inclut le coût de la procédure de passation du marché.

L'Ugap évalue ce dernier à 12 000 euros en moyenne - contre, selon elle, 7 000 euros pour une procédure simple, 8 000 euros pour une procédure élaborée et 9 000 euros pour une procédure complexe lorsqu'un acheteur public passe son propre marché. D'après l'Ugap, cet écart « tient principalement à la diversité (cinq domaines d'achat parmi les plus complexes de l'achat public : véhicules techniques, matériels médicaux...), la complexité et la technicité des procédures qu'elle lance. L'Ugap ne lance que des appels d'offres européens quand les études analysent tout à la fois les procédures non formalisées et formalisées »470(*).

Dès lors, pour M. Grégory Kalflèche, professeur de droit public à l'université Toulouse-Capitole : « Il faut réfléchir à la comparabilité des offres, et le tarif grand public n'est pas toujours adapté pour cela. C'est le cas pour les billets d'avion, dont il peut être attendu qu'ils soient échangeables et annulables en raison des contraintes liées à l'activité de la personne publique. Ils seront donc forcément plus chers que ceux réservés par un particulier pour ses vacances. De même, les tarifs de l'Ugap intègrent le coût des procédures passées et le service offert. Il faut donc exercer un contrôle sur les achats en tenant compte des exigences auxquelles ceux-ci sont soumis »471(*).

Au surplus, M. Jossa a rappelé que le taux de marge de l'Ugap s'était élevé à 3,74 % sur les commandes enregistrées en 2024, un niveau en baisse et jugé « plutôt compétitif » - la commission d'enquête ne dispose pas d'éléments lui permettant d'appuyer cette opinion - et que « les comparaisons qui sont parfois faites par les médias concernent principalement les prix standards, hors convention de partenariat »472(*).

Or, ceux-ci ne représentent que 10 % de l'activité de l'Ugap, tandis que les prix partenariaux leur sont inférieurs d'un point en moyenne : « Les comparaisons requièrent beaucoup de rigueur. Je pense à un exemple récemment évoqué dans le cadre de l'audit que mène actuellement une mission de l'inspection générale des finances (IGF) : sur deux tables paraissant identiques en catalogue, l'une était faite en bois mélaminé, l'autre d'un bois beaucoup plus solide. De façon générale, des différences notables peuvent parfois passer inaperçues : le respect des normes NF, la solidité du plateau, la gamme de couleurs, la durée de la garantie, etc. Le prix du mobilier peut inclure ou non la livraison et le montage. Les comparaisons réalisées sont assez approximatives, car elles ne tiennent pas compte de ces différences »473(*).

Une autre question importante, celle de la lourdeur des procédures mises en place par l'Ugap, a par ailleurs été soulevée par M. Nicolas Guérin, secrétaire général d'Orange. Celui-ci a en effet évoqué le cas d'un appel à candidatures lancé en décembre 2020 pour le référencement d'un catalogue « Internet des Objets » (IoT). Le marché n'aurait été attribué que trois ans et demi plus tard, en juin 2024, avec un an de retard : « Songez un peu aux évolutions technologiques qui se sont succédé au cours des 43 mois séparant l'appel d'offres de la passation du marché dans le secteur des télécommunications. Il a fallu maintenir la motivation des équipes de cocontractants avec qui nous avions constitué un consortium, qui ont dû rédiger deux offres de 3 000 pages chacune et définir une grille tarifaire de plus de 30 000 prix à maintenir durant cette durée. Nous avons dû répondre à six séries de questions mais n'avons pu défendre notre dossier que lors de deux soutenances physiques. Nous avons finalement perdu cet appel d'offres, au périmètre de toute façon trop étendu pour qu'une entreprise de la taille d'Orange y réponde seule »474(*).

Pourtant, selon M. Guérin, la Canut aurait lancé un appel d'offres comparable, lequel aurait donné lieu à une attribution sensiblement plus rapide : « Moins de six mois ont séparé son lancement de l'attribution du marché. Une start-up aurait tout à fait pu y répondre, même si le périmètre de l'offre s'avérait un peu trop étendu. Les centrales d'achat gardent un rôle à jouer. Simplement, il importe de simplifier leurs modalités de fonctionnement »475(*).

Une mission de l'IGF, que le président et le rapporteur de la commission d'enquête ont rencontrée et dont les travaux sont en cours depuis novembre 2024, doit très prochainement apporter des éléments d'analyse comparatifs sur la performance économique des différentes centrales d'achat. Elle n'avait pas encore remis son rapport à la date d'achèvement des travaux de la commission d'enquête.

Quoi qu'il en soit, la commission d'enquête n'entend pas remettre en cause l'intérêt présenté par la mutualisation des achats, qui n'est pas contestable. Des initiatives locales émergent d'ailleurs régulièrement pour donner naissance à des centrales d'achat territoriales.

Les centrales d'achat territoriales

La massification opérée par les centrales d'achat nationales, qui permet la réalisation d'économies d'échelle, est cependant susceptible de limiter l'accès des TPE et des PME à la commande publique du fait de la passation de marchés de taille trop importante.

Pourtant, comme le souligne France urbaine, à l'échelle locale, elle permet également de mieux coordonner l'achat public sur un territoire, en évitant que tous les achats ou travaux nécessaires à plusieurs collectivités soient effectués en même temps et excèdent les capacités des entreprises locales, et de maximiser l'effet de levier de la politique d'achat sur ce territoire.

En outre, la massification peut être tempérée par un allotissement technique très fin, par corps de métier, complété au besoin par un allotissement géographique, tandis que les directions des achats des centrales disposent généralement des capacités d'ingénierie achat pour calibrer la procédure de telle sorte que les entreprises locales soient en capacité de répondre à un appel d'offres, que ce soit par le biais du sourcing, du legal design ou des cahiers des charges fonctionnels.

C'est la raison pour laquelle un certain nombre de collectivités ont créé leur propre centrale d'achat territoriale, à la suite des départements d'Eure-et-Loir, du Loiret et du Loir-et-Cher, qui ont fondé en 2014 le groupement d'intérêt public (GIP) Approlys Centr'Achats, lequel compte aujourd'hui plus de 800 adhérents.

Le 1er janvier 2025, la région Bretagne et les quatre départements qui la composent ont lancé la centrale d'achat Breizh Achats, qui vise à mutualiser l'approvisionnement en denrées alimentaires de qualité, auprès de producteurs locaux, des cantines scolaires au bénéfice de 306 établissements scolaires (collèges et lycées).

En tout état de cause, du fait de sa position dominante vis-à-vis des autres centrales d'achat, l'action de l'Ugap a nécessairement des implications majeures en termes de souveraineté, notamment numérique.

Celle-ci propose par exemple à ses clients une bibliothèque multi-éditeurs, dont la commercialisation et l'animation sont assurées par l'entreprise SCC France et qui permet l'acquisition par les acheteurs publics de logiciels - de cybersécurité, de dématérialisation, de gestion de la ville, de lutte contre la fraude, de santé ou encore de gestion de flotte automobile -, de mises à jour, de supports d'installation et de documentation, de maintenance-support et de prestations associées sans développement spécifique - installation, paramétrage, formation, etc.

Le marché multi-éditeurs de l'Ugap

L'accord-cadre passé par l'Ugap avec la société SCC France a été conclu pour une durée initiale de 24 mois, avec possibilité de reconduction à deux reprises pour une période de 12 mois par période de reconduction, et un début de commercialisation au 25 avril 2023.

Dans la mesure où il s'agit d'un accord-cadre mono-attributaire, il donne lieu à des marchés subséquents avec son seul titulaire. Les prix sont déterminés par application d'un taux d'intermédiation ferme sur le prix d'achat du titulaire pour les produits et prestations éditeurs.

Ce dernier verse dans le même temps à l'Ugap une contribution fournisseur égale à 1 % HT incompressible des sommes TTC qu'il a effectivement encaissées au cours du trimestre précédent, au titre de sa contribution aux dépenses de facilitation de la commercialisation des offres.

De nouveaux éditeurs initialement non référencés au sein de la bibliothèque multi-éditeurs peuvent à tout moment l'intégrer en cours d'exécution, via une clause de réexamen. 2 832 éditeurs étaient ainsi référencés au 26 mai 2025, contre 1 267 présents au cahier des clauses techniques particulières (CCTP).

Concrètement, il revient à l'Ugap de décider de l'introduction de nouveaux éditeurs dans le marché, comme l'a expliqué Mme Sylvie Wethli, directrice commerciale de SCC France : « L'entrée d'un nouvel éditeur se fait sous l'impulsion de SCC : nous invitons les éditeurs à déposer leur candidature sur le site de l'Ugap. La centrale d'achat examine le dossier comportant les premiers éléments financiers, tandis que SCC se charge d'introduire l'entreprise dans le marché et de rédiger la fiche fournisseur. L'intégration de nouveaux éditeurs résulte donc d'un travail conjoint. Mais c'est bien l'Ugap qui, in fine, est responsable du réexamen du marché et notifie à SCC l'entrée de nouveaux éditeurs »476(*).

91 % des éditeurs référencés dans cette bibliothèque sont français - une donnée à nuancer, dans la mesure où elle inclut les filiales françaises de certains éditeurs étrangers, dans la mesure où celles-ci disposent d'un numéro de Siret -, tandis que 75 % d'entre eux sont des PME.

Au total, 1,49 milliard d'euros de commandes ont été enregistrés par l'Ugap dans le cadre de ce marché entre l'ouverture à la commercialisation en avril 2023 et le 10 mars 2025. En 2024, selon M. Edward Jossa, PDG de l'Ugap, le marché multi-éditeurs a donné lieu à environ 860 millions d'euros de ventes477(*).

M. Gaël Menu, directeur général de SCC France, a rappelé l'importance de marché pour le développement des PME françaises : « Nos PME françaises n'ont qu'un accès limité aux grandes marketplaces internationales. Leur développement, comme leur promotion, repose donc largement sur des dispositifs tels que l'Ugap, plutôt que sur les contrats passés avec les plateformes des grands hyperscalers »478(*).

Pour autant, comme l'a admis M. Menu, la bibliothèque multi-éditeurs de l'Ugap n'intègre pas de fonctionnalité permettant à l'acheteur d'identifier les éditeurs garantissant l'immunité de leur offre vis-à-vis du droit extraterritorial étranger.

En parallèle, l'Ugap a passé des marchés spécifiquement dédiés à deux grands éditeurs de logiciels, Microsoft et Oracle, qui ont représenté respectivement environ 230 millions et 100 millions d'euros de ventes en 2024. Au premier trimestre de 2025, sept des dix prestations de services les plus vendues par l'Ugap concernaient des produits Microsoft.

Enfin, un autre marché, passé sous la forme d'un accord-cadre dont le titulaire est le groupement composé des entreprises Crayon et SMLB, porte sur des prestations d'hébergement en cloud.

Le marché de prestations d'hébergement en cloud de l'Ugap

La passation par l'Ugap d'un marché portant sur des prestations d'hébergement en nuage résulterait d'une initiative de l'État, selon M. Edward Jossa, PDG de l'Ugap : « En matière de cloud Iaas et PaaS, nous avons passé un marché à la demande de la Dinum et de la DAE. Les tentatives de mettre au point une solution nationale de cloud se sont jusqu'ici heurtées à l'écueil d'un volume d'activité trop limité pour en assurer la rentabilité. L'Ugap a été sollicitée pour le cercle 3, présentant de moindres enjeux de confidentialité et un volume potentiel plus important. Elle a passé un marché avec le distributeur Crayon, qui a succédé à Capgemini et propose une quinzaine de fournisseurs de cloud »479(*).

En 2024, d'après M. Jossa, 44 millions d'euros de ventes auraient été enregistrés dans le cadre de ce marché, dont 19,5 millions d'euros pour OVHcloud, 8,1 millions d'euros pour Microsoft, 3,7 millions d'euros pour Outscale, 3,6 millions d'euros pour Scaleway et 2,2 millions d'euros pour AWS480(*).

Au total, les solutions d'entreprises françaises ont représenté près de 72 % des ventes et les solutions qualifiées SecNumCloud 33 % d'entre elles. M. Jossa justifie le référencement d'offres ne disposant pas de cette qualification par le coût des offres qualifiées, qui serait supérieur de 15 % à 25 % à celui des autres : « Cet écart de prix justifie le fait de réserver le SecNumCloud aux projets qui le justifient »481(*).

Après son audition par la commission d'enquête, Mme Stéphanie Schaer, directrice interministérielle du numérique, lui a précisé que ce marché totalisait 146 millions d'euros de commandes publiques cumulées entre son lancement en octobre 2020 et le 31 mai 2025 - elle avait assimilé ce montant, durant son audition, à la « consommation de cloud de l'État »482(*), puis a indiqué ultérieurement que « la dépense publique d'informatique en nuage ne fait pas l'objet d'un suivi centralisé »483(*) et que « l'extraction Chorus dont nous disposons fait état d'une dépense IT de l'État (toutes dépenses confondues, allant du matériel aux licences en passant par les prestations de services) de 4,5 milliards d'euros en 2024 »484(*). La fiabilité de ce dernier montant doit toutefois être relativisée en raison de la possibilité d'erreurs de saisine, soulignant le défaut de transparence et de clarté du suivi de la dépense publique de l'État dans le domaine informatique.

64 % de ces 146 millions d'euros ont bénéficié à des fournisseurs de services français - 29 % à des fournisseurs qualifiés SecNumCloud et 35 % à des fournisseurs ne disposant pas de cette qualification485(*). OVHcloud en a été le premier bénéficiaire (37 % de parts de marché), devant Microsoft (19 %), Outscale (11 %), AWS (8 %) et Scaleway (7 %).

Le total de 146 millions d'euros est toutefois largement minoré : il n'inclut que des dépenses d'infrastructure, liées à l'hébergement informatique et aux services connexes, et ne prend pas en compte certaines dépenses de logiciel sur le modèle Saas, incluant des services d'infrastructure, tandis que le marché n'est pas exclusif en dehors de l'administration centrale, les établissements publics de l'État et les collectivités territoriales restant libres d'utiliser d'autres vecteurs d'achat.

Lorsqu'un client demande à l'Ugap un devis pour des prestations d'hébergement en cloud, il lui est demandé s'il souhaite que le fournisseur ne soit pas soumis à une législation extra-européenne. S'il répond par l'affirmative, une liste de fournisseurs non assujettis au droit extraterritorial étranger lui est alors proposée. Pour M. Jossa, la situation se résume en ces termes : « En somme, il revient à l'utilisateur final d'assumer la responsabilité de ses choix, tant l'organisation des marchés publics se révèle complexe dans le domaine du numérique »486(*).

Pourtant, au détriment, précisément, de cette obligation de conseil, l'Ugap semble engagée dans une démarche de simple mise en relation de l'offre et de la demande : « Si, un jour, l'État décide d'interdire Microsoft, l'Ugap cessera de lui vendre des logiciels de cette marque. En tant que centrale d'achat, l'Ugap n'a pas un rôle prescripteur. Elle se contente de répondre aux demandes des clients utilisateurs des solutions. Si elle ne proposait plus de produits Microsoft, d'autres centrales prendraient le relais. De fait, des marchés Microsoft sont passés par le Resah, la Canut ou UniHA »487(*).

Interrogé par la commission d'enquête sur d'éventuelles actions d'information ou de sensibilisation des acheteurs publics aux risques pesant sur les données qu'ils confient à des fournisseurs de cloud extra-européens, M. Jossa a reconnu ne pas être « suffisamment au fait de la manière dont [ses] commerciaux interviennent sur ce sujet »488(*) pour répondre.

S'il admet que l'Ugap doit réaliser des progrès en la matière - « De toute évidence, un travail reste à mener, de notre part, sur ce sujet. Jusqu'ici, nous nous sommes surtout concentrés sur la satisfaction des besoins de nos clients, quels qu'ils soient, dans le respect du code de la commande publique, dont l'application n'est pas toujours aisée »489(*) -, il est particulièrement inquiétant de constater qu'un acteur aussi important de l'achat public peine autant à prendre conscience des enjeux vitaux qui sont attachés à la protection des données publiques françaises.

De manière générale, il a indiqué que 1 % seulement des références proposées par l'Ugap à ses clients étaient labellisées « Made in France », ce qui, malgré des progrès récents, s'avère encore tout à fait insuffisant : « Au-delà du numérique, l'Ugap a décidé, malgré de nombreux avertissements juridiques, d'afficher dans son catalogue des labels « Made in France », de sorte que celui-ci ne propose pas moins de 10 000 références fabriquées en France, contre 2 000 à peine voici quelques années encore - certes, sur un total de plus d'un million ». Ce constat rejoint celui formulé par la délégation aux entreprises du Sénat dans son récent rapport sur le « Fabriqué en France »490(*).

c) Agir pour défendre notre souveraineté numérique par la commande publique : une nécessité impérieuse
(1) Contrairement aux idées reçues, la France dispose d'acteurs d'envergure dans le domaine de l'hébergement en nuage

Comme dans le cas de la plateforme des données de santé (PDS), l'absence supposée d'acteurs français ou européens capables de rivaliser avec les champions étrangers, et notamment américains, en matière d'hébergement en cloud est souvent mise en avant pour justifier le recours à des solutions étrangères, dans le cadre d'une logique d'autodénigrement systématique.

Ainsi Mme Anne Perrot, inspectrice générale des finances et correspondante du Conseil d'analyse économique (CAE), a-t-elle par exemple déclaré devant la commission d'enquête : « Concernant la souveraineté numérique, le problème principal est l'absence d'entreprise européenne de taille mondiale dans ce secteur, malgré les talents disponibles en Europe »491(*).

À l'instar d'Hexatrust et de France Digitale, le député Philippe Latombe a très clairement affirmé que la France disposait d'entreprises susceptibles de répondre aux besoins des administrations publiques : « Avons-nous des solutions pour héberger ces données ? Oui. Parmi toutes les entreprises françaises qui peuvent le faire, je citerai OVH, Scaleway et NumSpot depuis quelques jours, ou encore Outscale ou Cloud Temple »492(*).

La société OVHcloud, dont la commission d'enquête a rencontré le président, M. Octave Klaba, emploie ainsi 3 000 personnes, réalise un chiffre d'affaires annuel de l'ordre d'un milliard d'euros et investit chaque année 350 millions d'euros, avec une cible de 600 millions d'euros à l'horizon de 2030.

Cet écosystème extrêmement dynamique représente une opportunité unique pour la France et l'Union européenne et doit être mis à contribution pour assurer la protection des données publiques européennes, ce qui favoriserait la poursuite de son développement et contribuerait à son indispensable amplification.

M. Guillaume Poupard, directeur général adjoint de Docaposte et ancien directeur général de l'Anssi, l'a affirmé devant la commission d'enquête : « Aujourd'hui, il est certain que des acteurs français sont prêts ! Leur catalogue de services est certes moins complet que celui des Gafam, mais, lorsque l'on achète une voiture, on n'achète pas l'ensemble du catalogue de la marque. Aujourd'hui, les clouders français proposent les services dont nous avons besoin »493(*).

(2) Assurer la protection des données détenues par les services de l'État contre le droit extraterritorial étranger

Il importe aujourd'hui d'accélérer la migration des données publiques particulièrement sensibles vers des hébergeurs non soumis à des législations extraterritoriales étrangères, conformément à l'article 31 de la loi Sren.

Le décret d'application de ce dernier doit désormais être publié le plus rapidement possible et respecter la volonté du législateur afin de garantir la protection effective des données les plus sensibles, manifestement traitées de façon encore trop négligente par certaines administrations publiques.

Recommandation n° 22. - Publier au plus vite le décret d'application de l'article 31 de la loi Sren qui respecte pleinement la volonté du législateur et en assurer la mise en oeuvre effective.

En outre, la commission d'enquête partage entièrement la remarque formulée par M. Poupard quant au champ des données qualifiées de « sensibles » : « Le périmètre des données sensibles ne doit pas pour autant être trop réduit. Ainsi, les données issues de l'éducation, voire de la santé, ne sont pas formellement reconnues comme sensibles aujourd'hui »494(*).

Certaines personnes auditionnées, comme M. Thomas Balladur, PDG d'Interstis, ont même estimé qu'il fallait « inverser la logique : considérer par défaut que toute donnée produite par une administration publique est sensible, à l'exception de celles explicitement déclassifiées »495(*). De cette façon, il serait clair que « ces données doivent échapper au droit américain »496(*).

Il est donc urgent de considérer l'ensemble des données publiques comme sensibles à afin de mieux assurer leur protection.

Recommandation n° 23. - Élargir le périmètre des données considérées comme sensibles à l'ensemble des données produites ou détenues par des personnes publiques.

Pour ce faire, la commission d'enquête croit d'abord nécessaire d'amener l'ensemble des acheteurs publics, et notamment les collectivités territoriales, à exploiter les marges de manoeuvre juridiques dont ils disposent pour favoriser des fournisseurs de services de cloud européens.

En effet, il est possible d'introduire dans les cahiers des charges des procédures de mise en concurrence des clauses techniques ou organisationnelles visant à garantir l'immunité des données des marchés concernés contre les législations extraterritoriales étrangères, dans le respect des règles du droit de l'Union européenne et de l'Organisation mondiale du commerce (OMC).

Quelles clauses de souveraineté numérique dans les marchés publics ?

Plusieurs leviers peuvent être actionnés par les acheteurs publics pour favoriser des fournisseurs de services de cloud souverains.

Ceux-ci peuvent d'abord exiger que les données personnelles stockées dans le cadre du marché soient exclusivement traitées au sein de l'Union européenne ou de l'Espace économique européen (EEE), ce qui permet de réduire significativement les risques liés à l'application extraterritoriale de certaines législations étrangères.

Il est également envisageable d'imposer la localisation dans l'Union européenne ou l'EEE des équipes et des infrastructures mobilisées pour l'exécution des services prévus par le marché, de façon à maîtriser l'ensemble de la chaîne de prestation. L'acheteur public peut au surplus exiger d'être informé de tout changement significatif dans la structure de propriété ou de contrôle des prestataires et de leurs sous-traitants.

De telles clauses ne sauraient toutefois suffire à garantir la sécurité des données concernées, dans la mesure où, même si les services qu'ils fournissent et les ressources qu'ils mobilisent sont localisés en Europe, les opérateurs économiques peuvent rester soumis à des obligations juridiques extérieures, notamment du fait de leur domiciliation ou de l'origine géographique de leur clientèle.

Seule une clause de non-exposition du prestataire et de ses sous-traitants aux lois extraterritoriales étrangères peut donc permettre de protéger les données stockées et exploitées dans le cadre du marché, à la condition que l'acheteur public soit en mesure de vérifier son respect effectif.

Au terme des travaux de la commission d'enquête, il apparaît que rien ne fait obstacle au recours à de telles clauses, si tant est qu'elles soient justifiées par l'objet du marché concerné, nécessaires et proportionnées à l'objectif poursuivi. Mme Clémence Olsina, directrice des affaires juridiques des ministères économiques et financiers, a d'ailleurs confirmé que « le droit actuel permet d'introduire dans les marchés des considérations qui ont trait à des enjeux de sécurité, en particulier à la sécurité des données - dès lors que cela ne discrimine pas des entreprises issues d'États membres de l'Union européenne »497(*).

Du député Philippe Latombe à M. Guillaume Poupard, en passant par OVHcloud, tous les acteurs interrogés sur ce point par la commission d'enquête se sont dits favorables à l'insertion de clauses de souveraineté dans les cahiers des charges des marchés publics comportant des prestations d'hébergement de données en cloud.

Dans un tel cas, cette intégration devrait constituer une obligation, au même titre que l'inclusion prochaine dans tous les marchés d'au moins une clause environnementale.

Recommandation n° 24. - Rendre obligatoire, dans les plus brefs délais, l'insertion d'une clause de non-soumission aux lois extraterritoriales étrangères dans tous les marchés publics comportant des prestations d'hébergement et de traitement de données publiques en cloud.

Une fois cette première étape franchie, il sera nécessaire de faire en sorte que les solutions choisies pour l'hébergement des données publiques garantissent obligatoirement leur protection contre le droit extraterritorial étranger.

Il est évident qu'en l'état actuel des choses, la mise en oeuvre de l'obligation de recourir, pour l'hébergement de ces données, à des offres disposant de la qualification SecNumCloud serait susceptible de susciter des difficultés.

En premier lieu, ces offres sont, logiquement, encore très limitées, ainsi que l'a rappelé M. Hugo Ruggieri, directeur juridique et délégué à la protection des données de Doctrine : « Il y a un panel d'offres très limité d'hébergements SecNumCloud : seuls quelques acteurs sont certifiés, et pas pour toutes leurs offres. OVH, par exemple, propose un type d'offre très particulier avec moins de fonctionnalités que ses autres offres »498(*).

M. Guillaume Poupard, qui ne s'est pas déclaré défavorable à la protection de l'ensemble des données publiques par le biais d'offres disposant de la qualification SecNumCloud, appelle toutefois à avancer progressivement dans cette voie : « Faut-il que toutes les données publiques imaginables soient hébergées sur du cloud qualifié SecNumCloud ? On pourrait le souhaiter, mais cela pourrait s'avérer contre-productif et faire peur à nos partenaires. Il convient donc, par pragmatisme, de procéder par étapes, en commençant par les données sensibles. Pour autant, la définition de celles-ci ne va pas de soi, et ce travail impose d'accepter que certaines données soient moins sensibles - je le dis non par gaieté de coeur, mais par souci de pragmatisme »499(*).

Soucieuse de faire preuve de réalisme, la commission d'enquête a pleinement conscience de l'impossibilité matérielle de réaliser une telle ambition à brève échéance. Elle juge cependant indispensable la fixation d'un tel horizon à atteindre au cours des prochaines décennies, non seulement pour protéger les données publiques des Français, mais aussi pour stimuler l'innovation et le développement de l'écosystème national du cloud.

Elle propose néanmoins dans l'intervalle une démarche ambitieuse et progressive, conduisant à revoir le contenu et le niveau d'exigence de la doctrine « cloud au centre ».

Il conviendrait en effet, pour toutes les données publiques, conformément aux recommandations n° 23 et 24, de garantir leur immunité aux législations extraterritoriales. Dans l'attente du développement suffisant de l'écosystème SecNumCloud, et pour les données publiques les moins sensibles, cette immunité devrait être garantie contractuellement, par une clause dédiée dans le cadre des marchés publics.

Il est néanmoins crucial de garantir le respect immédiat de l'obligation de recours à une offre qualifiée SecNumCloud pour l'hébergement de données d'une sensibilité particulière, en application de la réglementation actuellement en vigueur.

En tout état de cause, la commission d'enquête appelle les administrations concernées à retenir de préférence, à cet effet, des solutions reposant sur des technologies intégralement souveraines plutôt que des offres hybrides, associant un opérateur européen et une technologie étrangère, dont la résilience en cas de coupure de ce lien technologique ne semble, selon plusieurs experts entendus par la commission d'enquête, pas garantie.

Recommandation n° 25. - Faire respecter le recours obligatoire à des offres disposant de la qualification SecNumCloud pour l'hébergement des données publiques d'une sensibilité particulière.

Recommandation n° 26. - Parmi les solutions qualifiées SecNumCloud, privilégier le recours à celles qui reposent sur des technologies intégralement souveraines.

En dehors du cas de l'hébergement en cloud, sur lequel se sont concentrés les travaux de la commission d'enquête, plusieurs de ses interlocuteurs ont mis en lumière les risques liés à l'exploitation des données collectées par les cabinets de conseil étrangers dans le cadre des missions qui leur sont confiées par les entités publiques françaises.

M. Alain Juillet, notamment, a insisté sur cette question déterminante : « Chaque fois qu'un rapport est réalisé par un cabinet de conseil, une copie de celui-ci est envoyée au siège. Si le cabinet est américain, le rapport part donc aux États-Unis. On vous répondra - si l'on daigne vous répondre - que le rapport est alors anonymisé. Toutefois, imaginons qu'une étude sur les centrales nucléaires de Cadarache, de Tricastin ou de Flamanville soit réalisée par un cabinet américain. Le rapport sera envoyé aux États-Unis et ne mentionnera qu'une centrale nucléaire, sans plus de précision. Pour autant, là-bas, personne ne s'y trompera ; ils sauront ce qui se passe chez nous »500(*).

Compte tenu de l'ampleur - déjà révélée par des rapports parlementaires, notamment - du recours par l'État et d'autres organismes publics aux services de ces cabinets et à la sensibilité des données auxquelles ces derniers peuvent avoir accès à cette occasion, il paraît souhaitable de prévoir l'insertion systématique, dans les cahiers des charges des marchés incluant des prestations de conseil, d'une clause interdisant le transfert vers un pays tiers des livrables produits dans le cadre de ces prestations et d'une clause de non-soumission aux lois extraterritoriales étrangères.

Recommandation n° 27. - Rendre obligatoire l'insertion dans tous les marchés publics comportant des prestations de conseil d'une clause interdisant le transfert vers un pays tiers des livrables produits dans le cadre de la fourniture de ces prestations.

Recommandation n° 28. - Exiger l'immunité aux législations extraterritoriales des cabinets de conseil travaillant pour le secteur public.

Enfin, pour remédier à l'éparpillement des acteurs de la politique numérique de l'État, il conviendrait de réaffirmer le rôle de pilote du Premier ministre en la matière, à travers la Dinum, cette dernière devant d'ailleurs être la seule structure habilitée à définir la réglementation applicable en la matière et avoir autorité sur les directions du numérique des différents ministères.

Dans le même temps, il convient de rappeler une fois pour toutes aux services de l'État que le respect des prescriptions de la doctrine « cloud au centre » revêt un caractère obligatoire, et non facultatif.

Recommandation n° 29. - Rationaliser le pilotage de la politique numérique de l'État en réaffirmant le rôle de pilote de la direction interministérielle du numérique, sous l'autorité du Premier ministre, et en rappelant aux administrations de l'État le caractère obligatoire de la doctrine « cloud au centre ».

(3) Faire de l'Ugap un outil de souveraineté

S'agissant de l'Ugap, son PDG, M. Edward Jossa, s'est engagé devant la commission d'enquête à mieux conseiller à l'avenir les acheteurs publics au sujet de l'exposition de leurs données à des législations extraterritoriales étrangères : « (...) Je comptais vous faire part de suggestions à l'issue de cette audition. Dans le cadre du marché multi-éditeurs, nous devrions donner à nos clients plus d'informations sur les éditeurs de logiciels et leurs conditions d'hébergement. Il y a encore du travail à faire et, lors de vos auditions, celle-ci comme les précédentes, nous avons appris des choses sur lesquelles il nous faut maintenant réfléchir »501(*).

Il appartiendra au Parlement de s'assurer, au cours des mois et des années à venir, que ces engagements sont tenus. Il n'est pas concevable, en effet, qu'une structure disposant d'un tel poids au sein de l'écosystème de la commande publique n'exerce pas avec zèle son rôle de conseil en la matière, compte tenu de l'ampleur des risques encourus en matière de souveraineté numérique.

Il serait judicieux, pour garantir la mise en oeuvre de mesures concrètes en ce sens, d'assurer un véritable pilotage politique de l'Ugap, qui fait cruellement défaut aujourd'hui.

À cet égard, dans un souci de cohérence, il conviendrait d'en confier la tutelle au seul ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, qui l'assure aujourd'hui conjointement avec le ministre chargé de l'éducation nationale.

Dans la même logique, la commission d'enquête préconise d'inclure un député et un sénateur au sein du conseil d'administration de l'Ugap, qui comprend actuellement six représentants de l'État, trois personnalités qualifiées au titre des collectivités locales, trois personnalités choisies en raison de leur compétence dans le domaine d'activité de l'Ugap et six représentants des salariés502(*).

Recommandation n° 30. - Remédier au défaut de pilotage politique de l'Ugap pour en faire un outil de souveraineté industrielle et numérique en confiant sa tutelle au seul ministère chargé de la souveraineté industrielle et numérique, en limitant à deux mandats successifs l'exercice des fonctions de membres du conseil d'administration et en intégrant deux parlementaires à celui-ci.

En tout état de cause, les recommandations formulées par la commission d'enquête et portant sur le recours à des offres qualifiées SecNumCloud pour l'hébergement des données publiques stockées en cloud, l'élargissement du périmètre des données considérées comme particulièrement sensibles et l'insertion d'une clause de non-soumission à des lois extraterritoriales étrangères dans tous les marchés publics comportant des prestations d'hébergement de données en cloud ont vocation à s'appliquer à l'Ugap et aux autres centrales d'achat.

Il est par ailleurs urgent qu'au travers de la DAE et avec l'appui de la Dinum, l'État fixe à l'Ugap des lignes directrices visant à favoriser le recours à des solutions véritablement souveraines en matière de logiciels et d'hébergement en cloud afin que l'établissement contribue à la structuration de ces filières en France et en Europe et à la souveraineté de notre économie en général.

Recommandation n° 31. - Assigner aux centrales d'achat nationales, et en particulier à l'Ugap, un objectif d'appui à la structuration des filières françaises et européennes, notamment dans le secteur du numérique, avec la diffusion de solutions souveraines en matière de logiciels et d'hébergement en nuage.

2. Offrir à nos start-ups des perspectives de développement grâce à la commande publique pour nous affranchir des solutions étrangères
a) L'accès des start-ups à la commande publique : le parcours du combattant
(1) Les start-ups peinent à remporter des marchés publics en France

La commande publique constitue un levier essentiel de croissance pour les entreprises de manière générale, et plus particulièrement pour les start-ups.

L'association France Digitale, qui oeuvre à favoriser l'émergence de champions européens du numérique, résume en ces termes les enjeux que représente l'achat public pour ces acteurs de l'innovation : « La commande publique joue un rôle particulier en ce qu'elle permet à une entreprise - davantage qu'aucune subvention - de générer du chiffre d'affaires et d'estimer ses potentialités de croissance. Une entreprise innovante doit en effet d'abord investir avant d'atteindre le cap de la rentabilité, le chiffre d'affaires permettant donc de s'orienter vers un parcours économique plus classique, ouvrant l'accès au crédit bancaire »503(*). Au surplus, « une deuxième dimension de l'acte de la commande publique tient à son caractère structurant, qui engage les deux cocontractants sur le long terme, qu'il s'agisse de l'acheteur public ou du fournisseur ».

Pourtant, et malgré une progression de 18 % entre 2021 et 2022, seul 1 % du montant total de la commande publique, soit 1,75 milliard d'euros, a été consacré à des achats auprès des start-ups en 2022 selon l'Observatoire des relations entre start-ups et grands comptes. Cette proportion est inférieure de plus de 50 % à la médiane de la part des achats des grands groupes effectués auprès des start-ups, qui s'établissait à 2,4 % en 2022.

Les start-ups captaient une part très légèrement supérieure des achats des ministères cette même année - 1,31 %, soit 296 millions d'euros.

Évolution des achats effectués auprès des start-ups

(en milliards d'euros)

Total de la commande publique Achats des ministères

Source : Rapport de l'Observatoire des relations entre start-ups et grands comptes, édition 2023

Du reste, 43 % des 335 start-ups de secteurs très divers ayant répondu à un sondage mené par l'Observatoire ont déclaré ne pas réaliser de chiffre d'affaires auprès du secteur public, tandis que 31 % d'entre elles indiquaient que ce dernier représentait moins de 20 % de leur chiffre d'affaires.

Réponses des start-ups interrogées au sondage de l'Observatoire
des relations entre start-ups et grands comptes

Source : Rapport de l'Observatoire des relations entre start-ups et grands comptes, édition 2023

Des données variables, mais qui reflètent les difficultés d'accès
des start-ups à la commande publique

D'autres données relatives à l'accès des start-ups à la commande publique, plus ou moins solides, témoignent de la même manière du « parcours du combattant » que doivent traverser les start-ups pour accéder à la commande publique.

Ainsi, d'après le Gouvernement, « la part des achats attribués à des start-ups reste faible, représentant 2,3 milliards d'euros en 2023 alors que l'achat public se situait à 170 milliards d'euros (1,43 %) »504(*) - sans tenir compte des marchés d'un montant inférieur à 90 000 euros HT, que les acheteurs publics ne sont pas tenus de déclarer auprès de l'Observatoire économique de la commande publique (OECP).

Concernant plus spécifiquement l'État, la DAE indiquait en décembre 2024 que ses achats auprès des start-ups ne représentaient que 329 millions d'euros TTC depuis 2023, soit 1,37 % du montant total de ses achats, pour 1 579 start-ups identifiées comme fournisseurs de l'État505(*).

Par ailleurs, selon France Digitale et EY, seuls 17 % des revenus des start-ups françaises provenaient d'acheteurs publics en 2023, tandis que 60 % de ces revenus étaient issus de grands groupes et 23 % de start-ups506(*).

Enfin, bien que 71,4 % des start-ups et jeunes entreprises européennes interrogées se disaient intéressées par la perspective de prendre part à des marchés publics, seuls 29,1 % d'entre elles en avaient déjà expérimenté par le passé, contre 51,5 % de l'ensemble des entreprises507(*).

Comme le souligne Hexatrust, association professionnelle des acteurs français et européens de la cybersécurité et du cloud de confiance, en dressant un constat similaire s'agissant de l'accès de la filière française de la cybersécurité aux marchés publics, « cette situation est d'autant plus paradoxale que les entreprises françaises démontrent une excellence technologique reconnue internationalement »508(*).

(2) Les causes de ce phénomène sont multiples et résident notamment dans les principes du droit européen et les carences des acheteurs publics

Un grand nombre de freins limitant l'accès des start-ups à la commande publique ont été identifiés par la commission d'enquête.

À en croire ces entreprises elles-mêmes, les principales causes de cette problématique résideraient dans la longueur des cycles de vente, les difficultés à entrer en contact avec les acheteurs publics et l'inadaptation de la structure des appels d'offres au modèle des start-ups.

Les principaux freins rencontrés par les start-ups
pour accéder à la commande publique

Cause de difficultés

Proportion de start-ups répondantes concernées

Cycle de vente trop long

75 %

Difficulté à entrer en contact avec les acheteurs publics

60 %

Structure des appels d'offres inadaptée aux start-ups

53 %

Manque d'informations sur les appels d'offres

38 %

Délais de paiement trop longs

28 %

Coûts externes requis pour répondre aux appels d'offres trop importants

19 %

Manque de formation des acheteurs publics

18 %

Source : France Digitale et EY, Baromètre sur la performance économique et sociale des start-ups et fonds de capital-risque français, édition 2023.

France Digitale retient en particulier deux facteurs systémiques :

- l'encadrement des règles de passation des marchés par le droit européen, qui limite les initiatives nationales visant à favoriser l'accès des start-ups à la commande publique au nom du principe d'égalité de traitement des candidats et de l'interdiction du favoritisme ;

- et les difficultés d'intégration de la commande publique dans une réflexion stratégique et politique globale.

Sur ce dernier plan, l'association dénonce l'incohérence des politiques publiques menées au cours des dernières années en la matière : « Il est peu fructueux de faire émerger de nouvelles filières et de nouveaux acteurs économiques par des financements publics si, in fine, rien n'est fait pour permettre à l'État d'acquérir ou d'utiliser les innovations produites en France »509(*). Elle rappelle également qu'« aujourd'hui, certaines start-ups se retrouvent en concurrence avec des administrations publiques, qui préfèrent internaliser une solution ».

Un certain nombre de causes secondaires de difficultés d'accès aux marchés publics ont également été identifiées :

- un manque de dialogue oral entre start-ups et acheteurs publics et le caractère limitant de la procédure écrite, qui ne permet pas toujours aux acheteurs de comprendre la plus-value d'une brique innovante dans son marché et d'adapter en conséquence son appel d'offres ;

- la tendance des acheteurs publics à privilégier les grands groupes en reconduisant par réflexe le même cahier des charges que pour les appels d'offres précédents, imposant aux start-ups des critères inadaptés tels que des exigences de capacités financières ne correspondant pas à leur modèle économique, de références dont elles disposent rarement, de nombreux documents difficiles à fournir ou de critères secondaires pénalisant les petites entreprises ;

- l'absence de prise en compte des variantes dans les appels d'offres, ce qui exclut de nombreuses start-ups ;

- les délais induits par la lenteur des procédures d'examen des offres, tandis que les délais de soumission sont souvent trop courts pour des start-ups ;

- le manque de données relatives aux marchés passés, qui empêche les start-ups de comprendre les critères de qualité d'une offre aux yeux d'un acheteur public ;

- la centralisation excessive des décisions au niveau ministériel, qui limite la mise en place de projets pilotes dans les directions métiers ou locales ;

- des délais de paiement trop longs, qui pénalisent les start-ups, dont la trésorerie est globalement fragile ;

- la multitude de documents et d'informations à fournir à chaque appel d'offres, qui décourage les candidatures de start-ups ;

- et l'inadéquation entre l'achat public et l'innovation.

C'est sur ce dernier point qu'a insisté tout particulièrement M. Pierre Pelouzet, Médiateur des entreprises : « Quand les grands acheteurs veulent réaliser un achat, ils définissent un besoin, lancent un appel d'offres et retiennent l'offre présentant le meilleur rapport qualité-prix. Or, par définition, les start-ups ne répondent pas à un besoin existant, mais proposent une nouveauté. Elles ont donc du mal à se positionner sur des besoins existants et à être compétitives et, dans le même temps, à trouver des portes d'entrée pour leurs innovations »510(*).

Par ailleurs, « les grands comptes et les start-ups n'ont pas la même notion du temps. Le même délai de réalisation d'un achat est perçu comme normal par les grands acheteurs publics et privés et comme infiniment long par les start-ups, qui craignent que leur innovation ne s'essouffle ou que leurs financements ne s'épuisent »511(*).

S'y ajoute un troisième facteur de dissonance : la recherche de sécurité juridique de la part des acheteurs publics, qui ne favorise pas le choix - risqué par nature - de prestataires de très petite taille. Ainsi, pour France Digitale, « l'objectif principal d'une procédure de commande publique est de limiter les risques. La priorité d'un acheteur public est donc de s'assurer que le marché soit inattaquable et parfaitement conforme. Il adopte une approche avant tout juridique, ce qui ne l'incite pas à se tourner vers des start-ups qui, de fait, ne peuvent apporter autant de garanties financières qu'un grand groupe et ont moins d'années d'exercice et des effectifs plus réduits. L'entreprise d'une taille plus importante et ayant déjà une expérience des marchés publics sera donc toujours favorisée »512(*).

Ces éléments permettent d'expliquer le recours par un certain nombre d'acheteurs publics aux offres de grands fournisseurs étrangers, notamment dans le domaine du numérique.

Un choix qui, selon Hexatrust, amorcerait un cercle vicieux : « Le recours à des acteurs extra-européens doit également être analysé sous l'angle économique : celui-ci fait fuir de la valeur ajoutée hors du territoire national, un processus amplifié par les stratégies d'optimisation fiscale agressives des grands acteurs étrangers. Avec pour conséquence un affaiblissement de l'écosystème numérique français, notamment via la perte de compétences et d'expertise locales »513(*).

b) La clé de la souveraineté numérique : piloter stratégiquement le développement de l'innovation par le biais de la commande publique
(1) Des dispositifs spécifiques facilitent les achats publics innovants

Pourtant, les acheteurs publics disposent de plusieurs outils pour soutenir l'innovation et favoriser le développement de nos start-ups, à commencer par le partenariat d'innovation.

Le partenariat d'innovation

Prévu par l'article 31 de la directive 2014/24/UE sur la passation des marchés publics, le partenariat d'innovation est un marché ayant pour objet la recherche et le développement de produits, services ou travaux innovants ainsi que l'acquisition ultérieure des produits, services ou travaux en résultant et répondant à un besoin ne pouvant être satisfait par l'acquisition de produits, services ou travaux déjà disponibles sur le marché514(*).

Sont considérés comme innovants les travaux, fournitures ou services nouveaux ou sensiblement améliorés. Le caractère innovant peut consister dans la mise en oeuvre de nouveaux procédés de production ou de construction, d'une nouvelle méthode de commercialisation ou d'une nouvelle méthode organisationnelle dans les pratiques, l'organisation du lieu de travail ou les relations extérieures de l'entreprise.

Depuis 2023515(*) et jusqu'en mai 2025516(*) étaient également considérés comme innovants tous les travaux, les fournitures ou les services proposés par les jeunes entreprises innovantes517(*).

Le code de la commande publique permet aux acheteurs de décider de mettre en place un partenariat d'innovation avec un ou plusieurs opérateurs économiques qui exécutent les prestations de manière séparée dans le cadre de contrats individuels518(*). Le cas échéant, cette décision doit être indiquée dans l'avis de marché ou dans un autre document de la consultation519(*).

L'acheteur définit, dans les documents de la consultation, le besoin relatif aux produits, services ou travaux innovants et indique les éléments de cette définition qui fixent les exigences minimales que doivent respecter toutes les offres520(*).

Le partenariat d'innovation comprend une ou plusieurs phases successives qui suivent le déroulement du processus de recherche et de développement et une ou plusieurs phases d'acquisition des produits, services ou travaux qui en sont le résultat. La valeur estimée des produits, services ou travaux dont l'acquisition est envisagée ne doit pas être disproportionnée par rapport à l'investissement requis pour leur développement, quelle que soit la part des activités de recherche et de développement financée par l'acheteur521(*).

Enfin, il est prévu par le code que le partenariat d'innovation définisse les objectifs de chaque phase que le partenaire doit atteindre ainsi que la rémunération associée à chaque phase522(*) et prévoie la répartition des droits de propriété intellectuelle, notamment quant aux résultats des phases de recherche et développement523(*).

La procédure avec négociation s'applique aux partenariats d'innovation d'un montant égal ou supérieur aux seuils de procédure formalisée524(*).

Il est interdit à l'acheteur d'attribuer le partenariat d'innovation sur la base des offres initiales sans négociation. Il doit négocier les offres initiales et toutes les offres ultérieures en vue d'en améliorer le contenu à l'exception des offres finales. Les critères d'attribution et les exigences minimales ne peuvent faire l'objet de négociation525(*).

La négociation peut se dérouler en phases successives à l'issue desquelles certains soumissionnaires sont éliminés par application des critères d'attribution définis dans les documents de la consultation. L'acheteur informe, à l'issue de chaque phase, tous les soumissionnaires dont l'offre n'a pas été éliminée des changements apportés aux documents de la consultation et leur accorde un délai suffisant pour leur permettre de modifier leur offre et, le cas échéant, de la présenter à nouveau.

À l'issue de chaque phase, sur la base des résultats obtenus, l'acheteur décide :

- soit de poursuivre l'exécution du partenariat d'innovation, éventuellement après avoir précisé ou modifié, avec l'accord du partenaire, les objectifs de la phase suivante et les moyens à mettre en oeuvre pour les atteindre ;

- soit de mettre un terme au partenariat d'innovation ou, lorsqu'il existe plusieurs partenaires, de réduire leur nombre en mettant un terme à leurs contrats526(*).

À l'issue de la procédure, l'acheteur ne peut acquérir les produits, les services ou les travaux résultant des phases de recherche et de développement que s'ils correspondent aux niveaux de performance et n'excèdent pas les coûts maximaux prévus initialement527(*).

Présentation schématique de l'exécution d'un partenariat d'innovation
conclu avec trois partenaires

Source : Direction des affaires juridiques des ministères économiques et financiers.

Par ailleurs, le dispositif dit « achats innovants », lancé à titre expérimental en 2018528(*) et pérennisé en 2021529(*), permet aux acheteurs publics de passer un marché sans publicité ni mise en concurrence préalables portant sur des travaux, fournitures ou services innovants et répondant à un besoin dont la valeur estimée est inférieure à 100 000 euros HT530(*).

Un dispositif similaire a été créé en 2024 pour les marchés de défense ou de sécurité (MDS), à ceci près que la valeur estimée du marché concerné doit être inférieure à 300 000 euros HT531(*).

Dans les deux cas, la même possibilité est accordée aux acheteurs publics pour les lots dont le montant est inférieur à 80 000 euros HT pour des fournitures ou des services innovants ou à 100 000 euros HT pour des travaux innovants et dont le montant cumulé n'excède pas 20 % de la valeur totale estimée de tous les lots.

Le code de la commande publique impose à l'acheteur de veiller, lorsqu'il fait usage de cette faculté, à choisir une offre pertinente, à faire une bonne utilisation des deniers publics et à ne pas contracter systématiquement avec un même opérateur économique lorsqu'il existe une pluralité d'offres susceptibles de répondre au besoin.

(2) Des instruments qui n'ont pas encore trouvé leur public et doivent être assouplis et renforcés

De l'aveu de plusieurs des acheteurs entendus par la commission d'enquête, le recours à ces dispositifs est encore largement insuffisant.

Ainsi, pour M. Alain Bénard, président de l'Association des acheteurs publics (AAP), « la difficulté, pour les très nombreux acheteurs publics locaux, réside dans l'identification des besoins susceptibles d'être satisfaits par un marché d'innovation, besoins qui diffèrent selon que l'on est une commune de 60 000 habitants, ou une communauté d'agglomération de 350 000 habitants comprenant 42 communes. (...) Les acheteurs éprouvent des difficultés à lancer ces marchés d'innovation, faute d'être en mesure d'identifier leurs besoins qui correspondent à ces marchés »532(*).

De même, « le partenariat d'innovation est très peu utilisé », d'après M. Jean-Marc Peyrical, président de l'Association pour l'achat dans les services publics (Apasp), qui partage, sur cette question, le pessimisme de son confrère : « L'innovation fait un peu peur aux acheteurs publics d'aujourd'hui, car ils sont peu familiers de ce milieu. On en revient à l'importance des rencontres entre acheteurs et entreprises. Les entreprises ont plein d'idées, mais la priorité des acheteurs est d'acheter vite et de manière efficace. Je crains que l'innovation passe après les préoccupations sociales et environnementales »533(*).

Me Laurent Bidault, avocat spécialisé en matière de protection des données personnelles, porte un regard analogue sur la situation. Selon lui, « ce type de contrat [le partenariat d'innovation] est sous-utilisé, car les acheteurs l'imaginent réservé aux grands projets et craignent de manquer d'expertise face au partenaire privé. Ce n'est pourtant pas plus compliqué qu'un dialogue compétitif ou un marché d'acquisition d'un logiciel. Comme pour des opérations de construction complexes, l'acheteur peut s'entourer d'experts. Ce raisonnement, admis dans les marchés de construction, pourrait parfaitement s'appliquer aux marchés numériques. Une piste à suivre serait donc de mieux faire connaitre le partenariat d'innovation »534(*).

Le dispositif « achats innovants » pâtit des mêmes réticences : seuls 26 % des acheteurs interrogés par l'Observatoire économique de la commande publique (OECP) en 2020 ont déclaré avoir l'intention d'y recourir prochainement, alors que 72 % d'entre eux déclaraient le connaître535(*).

France Digitale, qui juge elle aussi insuffisant le recours à ce dispositif, identifie quatre raisons principales à ce phénomène :

- le montant de 100 000 euros HT est souvent insuffisant pour permettre de générer des innovations de rupture, par exemple dans les domaines de l'industrie, du quantique ou de la biotech ;

- la difficile appréhension de la notion d'innovation, dont la définition est très large et peu claire ;

- le manque de formation des acheteurs à l'achat innovant ;

- et les risques d'annulation du marché, voire de condamnation pour favoritisme.

S'agissant du premier point, l'Assemblée nationale a récemment adopté, dans le cadre de l'examen du projet de loi de simplification de la vie économique, un amendement du Gouvernement visant à donner une valeur législative au dispositif « achats innovants » et à relever le montant en deçà duquel celui-ci peut être utilisé au niveau du seuil européen de procédure formalisée applicable aux marchés de fournitures et de services passés par les pouvoirs adjudicateurs centraux, soit 143 000 euros HT536(*) - un montant qui doit d'ailleurs être révisé au 1er janvier 2026 -, à compter du 1er juillet 2025.

Au surplus, les députés ont adopté un amendement gouvernemental insérant dans le code de la commande publique un article L. 2113-17, lequel permet aux acheteurs publics, lorsqu'ils passent un marché alloti portant sur des travaux, des fournitures ou des services innovants et répondant à un besoin dont la valeur estimée est inférieure au même seuil de 143 000 euros HT, de réserver 15 % du montant total des lots de ces marchés à des jeunes entreprises innovantes (JEI)537(*). Ce taux a ensuite été porté à 30 % en séance publique538(*).

En revanche, un article inséré par le Sénat à l'initiative de plusieurs de ses groupes politiques et intégrant dans le champ des achats innovants les travaux, fournitures et services « qui tiennent compte de leurs incidences énergétiques et environnementales et qui recourent en priorité à des matériaux issus de la seconde main, du réemploi, de la réutilisation et du recyclage »539(*) a été supprimé par l'Assemblée nationale, au motif que cette définition de l'innovation n'était pas compatible avec les dispositions de la directive 2014/24/UE sur la passation des marchés publics.

Il apparaît aujourd'hui nécessaire de renforcer ces dispositifs et de massifier leur utilisation. Ils peuvent en effet constituer un levier extrêmement efficace pour faire émerger tout un écosystème et libérer nos services publics et nos entreprises de leurs dépendances, notamment à l'égard des offres américaines dans le domaine du numérique.

Devant la délégation de la commission d'enquête qui s'est rendue à Lille le 5 mai 2025, M. Octave Klaba, président du conseil d'administration d'OVHcloud, a d'ailleurs mis en lumière ce qu'il considère comme le meilleur moyen de favoriser le développement de l'innovation en France : garantir des marchés en contrepartie de l'effort d'investissement demandé.

Aussi a-t-il indiqué qu'il serait possible à sa société - ou à des concurrents - de produire en deux ans une solution collaborative comparable à l'offre Office 365 de Microsoft et que celle-ci serait prête à investir 50 millions d'euros chaque année à cet effet si un marché d'une valeur de 20 millions d'euros par an lui était garanti à terme. Or, ce type de projet est justement réalisable dans le cadre d'un partenariat d'innovation.

La commission d'enquête préconise par conséquent de permettre à chaque catégorie d'acheteurs publics de recourir au dispositif « achats innovants » pour des marchés d'un montant inférieur au seuil européen applicable aux marchés de fournitures et de services qu'ils passent, à savoir :

- 143 000 euros HT pour les pouvoirs adjudicateurs centraux ;

221 000 euros HT pour les autres pouvoirs adjudicateurs, et notamment les collectivités territoriales ;

- et 443 000 euros HT pour les entités adjudicatrices et les MDS.

Recommandation n° 32. - Relever le seuil applicable aux marchés innovants à 143 000 euros pour les pouvoirs adjudicateurs centraux, à 221 000 euros pour les autres pouvoirs adjudicateurs et à 443 000 euros pour les entités adjudicatrices et les marchés de défense ou de sécurité.

D'autre part, il est indispensable de remédier au flou entourant la définition de l'achat innovant pour sécuriser les acheteurs publics et réduire les risques contentieux et pénaux induits par la passation de marchés dans le cadre des procédures dédiées au soutien à l'innovation.

En rappelant que depuis mai 2025, les travaux, fournitures et services proposés par les JEI n'étaient plus considérés comme innovants, et ce de façon à assurer la conformité du dispositif au droit de l'Union européenne, M. Yann Boulay, responsable des affaires publiques de France Digitale, a en effet indiqué que si la définition de l'innovation « était censée faciliter le recours à ce dispositif, elle constitue en réalité une source d'insécurité pour les acheteurs qui, à défaut de pouvoir appréhender le caractère innovant d'une solution, n'ont finalement pas recours au dispositif » et estimé qu'il était « essentiel de diminuer ce risque pesant sur les acheteurs grâce à un faisceau d'indices renforcé »540(*).

De fait, l'article 2 de la directive 2014/24/UE sur la passation des marchés publics définit l'innovation comme « la mise en oeuvre d'un produit, d'un service ou d'un procédé nouveau ou sensiblement amélioré, y compris mais pas exclusivement des procédés de production ou de construction, d'une nouvelle méthode de commercialisation ou d'une nouvelle méthode organisationnelle dans les pratiques, l'organisation du lieu de travail ou les relations extérieures de l'entreprise, notamment dans le but d'aider à relever des défis sociétaux ou à soutenir la stratégie Europe 2020 pour une croissance intelligente, durable et inclusive ».

Cette définition, particulièrement englobante, est symétriquement transposée à l'article L. 2172-3 du code de la commande publique, sans plus de précision.

Dans ce contexte, la commission d'enquête invite le Gouvernement à porter, dans le cadre de la révision en cours de la réglementation européenne de la commande publique, la piste d'une simplification de la définition de l'innovation afin de permettre aux acheteurs publics de mieux distinguer ce qui est susceptible d'être considéré comme tel de ce qui ne l'est pas.

Recommandation n° 33. - Dans le cadre de la révision des directives européennes, simplifier et préciser la définition de l'innovation en droit de la commande publique.

(3) Mobiliser tous les leviers disponibles pour favoriser l'innovation

D'autres mesures pourraient utilement être mises en oeuvre pour compléter la boîte à outils que les acheteurs publics sont en capacité de mobiliser en soutien au développement des start-ups.

L'abaissement des garanties demandées aux entreprises pour pouvoir répondre à un appel d'offres constitue la piste la plus intéressante à cet égard.

De fait, conformément à l'article 58 de la directive 2014/24/UE sur la passation des marchés publics, le code de la commande publique permet aux acheteurs publics d'imposer aux opérateurs économiques des conditions relatives à leurs capacités économiques et financières.

Les garanties économiques et financières exigibles dans le cadre
d'un appel d'offres

Aux termes du code de la commande publique, les acheteurs publics peuvent notamment exiger que les opérateurs économiques réalisent un chiffre d'affaires annuel minimal, notamment dans le domaine concerné par le marché541(*).

Le chiffre d'affaires minimal exigé ne peut être supérieur à deux fois le montant estimé du marché ou du lot, sauf justifications liées à son objet ou à ses conditions d'exécution542(*).

En cas de marché alloti, ce plafond s'applique pour chacun des lots. Toutefois, l'acheteur peut exiger un chiffre d'affaires annuel minimal pour des groupes de lots, dans l'éventualité où un titulaire se verrait attribuer plusieurs lots à exécuter en même temps543(*).

L'acheteur peut également exiger que les opérateurs économiques fournissent des informations sur leurs comptes annuels indiquant notamment le rapport entre les éléments d'actif et de passif. Le cas échéant, il doit préciser, dans les documents de la consultation, les méthodes et les critères objectifs et non discriminatoires qu'il appliquera pour prendre en compte ces informations544(*).

Par ailleurs, l'acheteur peut exiger un niveau approprié d'assurance des risques professionnels545(*).

Enfin, si, pour une raison justifiée, l'opérateur économique n'est pas en mesure de produire les renseignements et documents demandés par l'acheteur, il est autorisé à prouver sa capacité économique et financière par tout autre moyen considéré comme approprié par l'acheteur.

De plus, les acheteurs publics sont autorisés à définir des conditions relatives aux capacités techniques et opérationnelles des entreprises candidates.

Ils peuvent donc imposer des conditions garantissant que les opérateurs économiques possèdent les ressources humaines et techniques et l'expérience nécessaires pour exécuter le marché en assurant un niveau de qualité approprié546(*).

À titre d'exemple, M. Yann Boulay, responsable des affaires publiques de France Digitale, a indiqué à la commission d'enquête que l'entreprise WeMaintain « a été disqualifiée d'un appel d'offres pour la maintenance des équipements547(*) de l'université Panthéon-Sorbonne au motif qu'elle ne disposait pas d'une usine de fabrication de pièces détachées et d'un centre de formation dédié, ce qui a été perçu comme un manque de capacité à répondre aux exigences du marché : dans la pratique, ce type de critères avantage largement les grands groupes, qui sont les seuls à pouvoir les satisfaire »548(*).

De même, il est loisible aux acheteurs publics d'exiger que les opérateurs économiques disposent d'un niveau d'expérience suffisant, démontré par des références adéquates provenant de marchés exécutés antérieurement, étant précisé que l'absence de références relatives à l'exécution de marchés de même nature ne peut justifier, à elle seule, l'élimination d'un candidat549(*).

Aux yeux de la commission d'enquête, ces dispositions représentent un frein considérable à l'accès aux marchés publics des start-ups, dans la mesure où elles peuvent conduire à écarter leurs offres au prétexte, entre autres, d'un chiffre d'affaires insuffisant, malgré la solidité de leurs capitaux propres ou du soutien de leurs investisseurs, ou d'un manque d'ancienneté.

Elle recommande dès lors, d'une part, d'abaisser le plafond de droit commun du chiffre d'affaires minimal exigible, de deux fois le montant estimé du marché ou du lot à une fois et demie ce montant, afin d'assurer la capacité des entreprises les plus petites et les plus jeunes à soumissionner. Il serait opportun qu'en parallèle, les acheteurs publics eux-mêmes donnent de l'élan à cette évolution en exigeant - lorsqu'ils peuvent le faire - un chiffre d'affaires minimal encore inférieur à ce nouveau plafond.

D'autre part, la commission d'enquête suggère de ne permettre la fixation de conditions relatives aux capacités techniques et opérationnelles des soumissionnaires que si celle-ci est justifiée par l'objet ou les conditions d'exécution du marché et proportionnée à l'objectif poursuivi, ce qui nécessiterait une révision de l'article 58 de la directive 2014/24/UE sur la passation des marchés publics.

Recommandation n° 34. - Abaisser le plafond réglementaire du chiffre d'affaires minimal exigible des entreprises candidates à un marché public (de deux fois le montant du marché à une fois et demie ce montant) et inviter les acheteurs publics à réduire les montants de chiffre d'affaires exigés dans leurs marchés publics afin de soutenir l'innovation et faciliter l'accès des nouveaux entrants à la commande publique.

Recommandation n° 35. - Limiter la possibilité, pour les acheteurs publics, d'imposer aux entreprises candidates à un marché public des conditions relatives à leurs capacités techniques et opérationnelles aux seuls cas où de telles exigences sont justifiées par l'objet ou les conditions d'exécution du marché et proportionnées à l'objectif poursuivi.

In fine, au-delà même de la question des mécanismes de soutien à l'innovation, le développement de nos start-ups passera avant tout par la mobilisation de moyens plus importants.

En faisant le constant d'une asymétrie entre la France et les États-Unis, qui ont soutenu l'émergence des grands acteurs américains des nouvelles technologies par le biais de la commande publique, Hexatrust aboutit de fait à une conclusion partagée par la commission d'enquête : « Ce modèle de soutien public se retrouve aujourd'hui dans de nombreux pays (Arabie saoudite, Corée, Japon) et même, dans une certaine mesure, chez nos voisins européens comme l'Allemagne. Sans l'activation de ces leviers, la France aura des difficultés à faire émerger ses champions »550(*).

M. Jean-Marc Joannès, rédacteur en chef d'achatpublic.info, porte d'ailleurs un regard analogue sur la véritable nature du problème : « Concernant le soutien aux start-ups, elles ont davantage besoin d'argent que de mesures juridiques pour se lancer et prospérer »551(*).

L'effort financier nécessaire devrait s'appuyer sur le programme « Je choisis la French Tech », lancé en juin 2023 et piloté par la mission French Tech, administration de l'État rattachée à la direction générale des entreprises (DGE) et chargée de déployer les politiques publiques à destination des start-ups et de fédérer l'écosystème des start-ups en France et à l'international.

Ce programme rassemble plus de 600 entreprises et de 90 partenaires institutionnels autour d'un objectif central : le doublement des achats des acteurs publics et des grands groupes auprès des start-ups à l'horizon de 2027.

Pour atteindre cet objectif, des rencontres commerciales sont organisées, des engagements d'augmentation de leurs achats auprès de start-ups pris par certaines entreprises et des formations proposées aux start-ups, dont une sur la commande publique, construite en partenariat avec la start-up OpenClassrooms.

Toutefois, comme le rappelle France Digitale, « ce programme ne repose que sur le bon vouloir des acteurs engagés et n'assure pas de suivi des éventuelles contractualisations qu'il a pu favoriser. Par ailleurs, les collectivités territoriales et les établissements publics de santé ne sont pas associés au programme, alors qu'ils représentent la majorité des acheteurs publics en France »552(*).

Il serait donc avisé, d'une part, d'y intégrer des représentants des collectivités territoriales et du secteur hospitalier et, d'autre part, de proposer aux acheteurs publics de s'engager, dans le cadre d'une charte, à atteindre des objectifs chiffrés en termes d'achat auprès de start-ups, par exemple à l'horizon de 2030.

Recommandation n° 36. - Intégrer les collectivités territoriales et le secteur hospitalier dans le programme « Je choisis la French Tech ».

Recommandation n° 37. - Inviter les acheteurs publics à se fixer des objectifs chiffrés d'achat auprès de start-ups.

E. LA SIMPLIFICATION : PASSER DU SLOGAN À L'ACTION

L'enjeu de simplification a constitué l'un des axes principaux des travaux de la commission d'enquête.

De fait, si l'allègement des procédures de la commande publique ne doit être ni un totem ni un tabou, il ne saurait être mené d'un même mouvement au bénéfice de l'ensemble des acteurs de l'achat public.

Comme le rappelle en effet M. Grégory Kalflèche, professeur de droit public à l'université Toulouse-Capitole, « en matière de complexité, il faut également distinguer le point de vue des entreprises et celui des collectivités. Ce qui peut constituer une simplification pour une collectivité peut induire une complexification pour une entreprise, et vice versa. Par exemple, une collectivité peut demander aux entreprises de répondre à un appel d'offres en remplissant un fichier Excel spécifique, ce qui simplifie certes le travail de la collectivité, mais complique celui des entreprises, lesquelles doivent s'adapter à ce format particulier »553(*).

Il est donc nécessaire de prendre en compte les effets de bord des mesures destinées à simplifier le droit et les pratiques de la commande publique et d'arbitrer entre des intérêts divergents : « Les entreprises se plaignent souvent de la complexité administrative liée aux marchés publics, mais cette rigueur simplifie grandement le travail de comparaison des offres pour les collectivités »554(*).

Du reste, il est nécessaire de garder à l'esprit, comme l'y invite M. Jean-Marc Joannès, rédacteur en chef d'achatpublic.info, que « certaines normes ont un rôle protecteur - un aspect souvent négligé dans les discussions sur la simplification »555(*).

1. Libérer les acheteurs publics des normes excessives
a) Débroussailler le maquis des seuils
(1) La multiplicité des seuils de procédure et de publicité des marchés publics induit de la complexité et de l'insécurité juridique

Il est apparu, tout au long des travaux de la commission d'enquête, que la question des seuils des différentes procédures de la commande publique se trouvait en tête des préoccupations de nombreux acteurs de l'achat public, et en particulier des élus locaux.

À cette question s'ajoute d'ailleurs celle des seuils de publicité. Pour mémoire, aucune publicité préalable n'est requise dans le cadre de la procédure de gré à gré, mais différentes modalités de publicité sont prévues par le code de la commande publique s'agissant des Mapa et des marchés passés selon une procédure formalisée.

De fait, nombre d'entre eux constatent, à l'instar de l'association Régions de France, « des incertitudes sur les règles à appliquer en raison, parfois, de jurisprudences divergentes sur certains aspects de la commande publique »556(*).

Ainsi, la sollicitation de trois devis dans le cadre d'une procédure de gré à gré, pratique traditionnellement utilisée par les acheteurs publics pour choisir l'offre économiquement la plus avantageuse et mettre informellement en concurrence ses fournisseurs potentiels, est susceptible d'entraîner la requalification de la procédure de marché négocié en procédure adaptée.

Les trois devis : procédure de marché négocié ou Mapa ?

Le code de la commande publique dispense l'acheteur public de publicité et de mise en concurrence préalables pour ses achats inférieurs à 40 000 euros HT lorsqu'il s'agit de services ou de fournitures et à 100 000 euros HT lorsqu'il s'agit de travaux, dans le cadre de la procédure dite de gré à gré.

Il lui est toutefois imposé de veiller à choisir une offre pertinente, à faire une bonne utilisation des deniers publics et à ne pas contracter systématiquement avec un même opérateur économique lorsqu'il existe une pluralité d'offres susceptibles de répondre au besoin557(*).

Toutefois, les contradictions récentes de la jurisprudence administrative ont semé le doute sur les moyens dont dispose réellement l'acheteur public pour respecter cette obligation.

La plupart des acheteurs publics ont, de longue date, l'habitude, pour procéder à un achat dont le montant est inférieur aux seuils de publicité et de mise en concurrence, de solliciter un devis auprès de trois opérateurs économiques différents et de retenir l'offre la moins disante.

Or, il y a plus de 10 ans, la cour administrative d'appel de Douai a jugé qu'une commune ayant, en vue de l'achat d'une tondeuse, demandé à quatre fournisseurs une demande de devis indiquant les caractéristiques de la tondeuse dont elle souhaitait faire l'acquisition sans leur faire connaître les critères, notamment de prix et de performance technique, sur lesquels elle se serait fondée pour retenir l'une des offres en concurrence avait attribué le marché en cause à l'issue d'une procédure menée en méconnaissance des principes de liberté d'accès à la commande publique, d'égalité de traitement et de transparence des procédures applicables dans le cadre de la passation d'un marché selon la procédure adaptée558(*).

Il résultait de cette décision que la mise en concurrence de plusieurs entreprises emportait la requalification du marché en Mapa.

À l'inverse, la cour administrative d'appel de Nantes a récemment considéré que la circonstance qu'une commune ait demandé trois devis pour effectuer des travaux de voirie n'impliquait pas que celle-ci ait entendu se placer dans le cadre d'une procédure adaptée impliquant une mise en concurrence et que la consultation de différents devis avait uniquement pour but le choix d'une offre pertinente et d'une bonne utilisation des deniers publics559(*).

En revanche, d'autres éléments sont susceptibles de conduire à une requalification dans le cas de marchés de faible montant. Ainsi, le tribunal administratif de Strasbourg a décidé qu'une commune ayant fait le choix, en vue de la passation d'un marché de coordination en matière de sécurité et de protection de la santé des travailleurs, d'assurer une publicité et une mise en concurrence préalables par la sollicitation de plusieurs devis et l'établissement d'un document fixant les règles de la consultation, précisant que le jugement des offres serait effectué dans les conditions prévues par le code de la commande publique et prévoyant le choix de l'offre économiquement la plus avantageuse selon le critère unique du prix devait se plier aux règles du code de la commande publique et ne pouvait, sans méconnaître les règles qu'elle s'était fixées pour passer le marché, recourir au critère unique du prix560(*).

Ce dernier ne peut en effet être retenu comme critère unique qu'à condition que le marché ait pour seul objet l'achat de services ou de fournitures standardisés dont la qualité est insusceptible de variation d'un opérateur économique à l'autre561(*), ce qui n'est pas le cas s'agissant de prestations intellectuelles, dont la qualité est susceptible de varier d'un opérateur économique à l'autre.

En tout état de cause, un pourvoi en cassation aurait été enregistré à l'encontre de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes, ce qui pourrait permettre au Conseil d'État de trancher enfin la question des conséquences du recours à la pratique des trois devis sur la procédure de passation du marché public concerné562(*).

Au contraire, l'obligation de recourir à un Mapa pour des marchés dont le montant est situé entre les seuils des marchés négociés et les seuils des procédures formalisées complexifie la tâche des acheteurs publics, contraints d'assurer une publicité et une mise en concurrence préalables non requises par le droit européen en deçà des seuils qu'il fixe.

(2) Donner de l'air aux acheteurs publics en supprimant la procédure adaptée

La commission d'enquête a constaté que le relèvement du seuil de dispense de publicité et de mise en concurrence préalables constituait une demande récurrente des élus locaux.

De fait, plus de 44 % des élus ayant répondu à la consultation menée par la commission d'enquête ont indiqué estimer que ces seuils devraient être relevés.

Cette opinion est partagée par M. Boris Ravignon, maire de Charleville-Mezières et auteur du rapport intitulé « Coût des normes et de l'enchevêtrement des compétences entre l'État et les collectivités : évaluation, constats et propositions », remis au Gouvernement en mai 2024, qui formule deux préconisations en la matière :

- s'agissant des seuils de publicité, il suggère « que la formalité de publicité ne soit plus imposée jusqu'au seuil des procédures formalisées, mais qu'elle soit laissée à l'appréciation des collectivités », ce qui revient à « faire coïncider les seuils de procédures et les seuils de publicité » ;

- concernant les seuils de procédures, il propose « un relèvement du seuil de passation sans formalité de publicité de 40 000 euros à 150 000 euros pour les prestations de services et les achats de biens et à 250 000 euros pour les travaux »563(*).

Sur ce dernier point, M. Ravignon met en avant la liberté offerte aux acheteurs publics par la procédure de gré à gré : « Les collectivités sont soumises dès le premier euro au code de la commande publique : elles s'organiseront donc pour réaliser les mises en concurrence de manière sommaire et définiront leur politique d'achat public pour acheter le moins cher, en assurant leur sécurité juridique ». Et d'ajouter : « Ce relèvement des seuils ne crée pas un espace de non-droit, mais permet aux collectivités d'acheter plus librement, avec des formalités plus légères et plus rapides, en privilégiant davantage les fournisseurs locaux ».

Une position analogue a d'ailleurs été soutenue par Me Guillaume Delarue, avocat au barreau de Paris, qui a déclaré n'être « pas défavorable au relèvement des seuils inférieurs aux seuils communautaires, qu'il s'agisse de ceux des Mapa ou de celui de 90 000 euros HT spécifique aux obligations de publicité », dans la mesure où « les principes de la commande publique resteraient de toute manière applicables, comme c'est le cas aujourd'hui dans les marchés de gré à gré »564(*).

D'autres experts du droit de la commande publique entendus par la commission d'enquête se sont toutefois montrés plus circonspects.

C'est le cas, notamment, de M. Jean-Marc Joannès, rédacteur en chef d'achatpublic.info, qui estime que « nous avons déjà relevé les seuils à plusieurs reprises ces vingt dernières années sans pour autant simplifier significativement la commande publique » et s'interroge au sujet de la proposition de M. Ravignon relative au relèvement des seuils de procédures : « Comment les collectivités vont-elles sécuriser leurs achats ? Vont-elles adopter leurs propres procédures ? Le cas échéant, comment les entreprises connaîtront-elles la manière dont seront attribués les marchés ? »565(*).

Évoquant le risque de créer « une zone de risque contentieux important » et sur les incertitudes entourant la règle des trois devis, qui « alimente l'incompréhension et des pratiques multiples »566(*), M. Joannès, qui considère que « sous le seuil règne la plus grande opacité », rappelle par ailleurs que le relèvement du seuil de dispense de publicité et de mise en concurrence préalables risquerait d'accroitre les difficultés à mesurer les achats publics de faible montant mais importants en quantité et que « sur des marchés importants, en nombre et bientôt en montant (100 000 euros !), le bénéfice attendu de « souplesse » pour les entreprises risque en réalité d'amener à une politique de « sécurisation » incontrôlée des procédures, chaque acheteur public étant amené, sous ces seuils, à adopter une politique de sécurisation »567(*).

M. Grégory Kalflèche a abondé dans ce sens : « Cela reviendrait en quelque sorte à remplacer le code de la commande publique par un mini-code par collectivité... »568(*).

Cependant, force est de constater qu'une telle proposition est très largement partagée par les acteurs de terrain de l'achat public, qui appellent de leurs voeux sa mise en oeuvre.

Ainsi, selon M. Jean Deguerry, président du conseil départemental de l'Ain et représentant de l'Assemblée des départements de France (ADF), le seuil de la procédure de gré à gré devrait être porté « à 200 000 euros, peut-être même à 250 000 euros » de façon à « tenir compte de l'augmentation des prix des matériaux et de la hausse des salaires »569(*).

L'association Régions de France, quant à elle, a formulé plusieurs propositions allant dans le même sens, notamment :

- le relèvement de 90 000 euros HT à 100 000 euros HT du seuil de dispense de publicité et de mise en concurrence préalables applicable aux marchés de fourniture de livres non scolaires pour les besoins propres de certains acheteurs publics, notamment l'État et les collectivités territoriales,570(*) ou pour l'enrichissement des collections des bibliothèques accueillant du public571(*) ;

- le relèvement, à titre expérimental, de 40 000 euros HT à 100 000 euros HT du seuil de dispense de publicité et de mise en concurrence préalables applicable aux marchés de gré à gré lorsque ceux-ci portent sur des denrées alimentaires ;

- la suppression du seuil de publicité de 90 000 euros HT applicable aux Mapa ;

- et la suppression de l'obligation de publicité au BOAMP en sus du JOUE pour les marchés passés selon une procédure formalisée572(*).

D'ailleurs, l'Assemblée nationale a récemment adopté, dans le cadre de l'examen du projet de loi de simplification de la vie économique, cinq amendements identiques visant à relever de 40 000 euros à 100 000 euros le seuil de dispense de publicité et de mise en concurrence préalables pour les marchés de fournitures et de services573(*).

Cette mesure est approuvée par M. Joël Marivain, président de l'Association des maires ruraux du Morbihan, aux yeux duquel « la proposition de porter à 100 000 euros le seuil des procédures adaptées permet de ne pas perdre de temps dans des excès administratifs pour des marchés qui ne vaudraient pas le coup »574(*).

De même, M. Hervé Fournier, conseiller municipal de Nantes et coprésident du forum de l'achat public durable de l'association France urbaine, juge « nécessaire de rehausser les seuils des marchés publics, dans des limites qu'il convient de discuter avec le législateur »575(*).

La commission d'enquête propose, pour sa part, d'aller plus loin en supprimant la procédure adaptée.

Elle considère en effet qu'une telle mesure simplifierait la tâche des acheteurs publics en leur permettant de recourir à la procédure négociée en deçà des seuils européens, sans les exonérer pour autant de l'obligation de veiller au respect des principes d'égalité de traitement des candidats, de liberté d'accès et de transparence des procédures.

Sa mise en oeuvre bénéficierait également aux PME, dans la mesure où, comme l'a rappelé M. Marivain, « avec les petites entreprises, le gré à gré est le seul mode de discussion possible, car elles refusent la complexité »576(*).

En contrepartie de cette simplification considérable et afin de garantir le respect des principes fondamentaux du droit de la commande publique, les acheteurs publics devraient être tenus de publier sur leur profil d'acheteur une annonce pour tout marché dont la valeur estimée est inférieure aux seuils européens. Au surplus, une publication devrait également être réalisée sur un support habilité à publier une annonce légale, au libre choix de l'acheteur.

Recommandation n° 38. - Supprimer la procédure adaptée et permettre le recours à la procédure négociée en deçà des seuils européens, dans le respect des principes fondamentaux du droit de la commande publique.

Recommandation n° 39. - En conséquence, assurer la publicité des marchés dont la valeur estimée est inférieure aux seuils européens sur le profil d'acheteur et sur un support habilité à publier une annonce légale librement choisi par les acheteurs publics.

Du reste, au-delà des seuils de procédure formalisée, la suppression de l'obligation de double publication au BOAMP et au JOUE pourrait utilement être envisagée.

M. Schahl souligne à juste titre que celle-ci « est inutile, car les entreprises qui ont l'habitude de « chasser » ce type de contrats consultent indifféremment le BOAMP et le JOUE » et « induit un coût, du temps et un risque juridique pour la collectivité qui passe le marché » : « Nous sommes dans un marché européen, avec des règles européennes : pourquoi ne pas se limiter à l'obligation de publier au JOUE ? »577(*).

Recommandation n° 40. - Supprimer l'obligation de publication des marchés passés selon une procédure formalisée au BOAMP en sus du JOUE.

Au total, la commission d'enquête partage entièrement le point de vue de M. Emmanuel Sallaberry, maire de Talence et coprésident de la commission des finances de l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité (AMF), qui estime qu'« introduire davantage de liberté n'obèrera pas la probité des acteurs dans le cadre des marchés publics » : « Faisons-leur confiance, et s'il le faut, nous pourrons toujours taper fort, administrativement et pénalement, sur ceux qui se seront écartés du chemin »578(*).

Dans la même perspective, les évolutions - et parfois même les contradictions - de la jurisprudence administrative relative à la commande publique sont si fréquentes et si complexes, comme l'a encore récemment illustré la question des trois devis, que le droit applicable devient de moins en moins lisible pour les acheteurs publics, qui ne disposent pas, pour la plupart, des moyens nécessaires pour en assurer le suivi.

Par conséquent, il serait bon de mettre à leur disposition et à celle du grand public une plateforme de veille jurisprudentielle présentant de manière pédagogique et compréhensible les décisions rendues et leurs conséquences sur les modalités d'application de la réglementation en vigueur.

Recommandation n° 41. - Mettre en place une plateforme publique de veille jurisprudentielle sur la commande publique pour assurer la bonne information de tous les acheteurs publics sur son évolution.

b) Assouplir les conditions de recours à la négociation
(1) Plusieurs types de procédures permettent aux acheteurs publics de négocier avec les entreprises soumissionnaires, dans l'intérêt de tous

La négociation peut constituer un moyen efficace de favoriser l'accès des PME aux marchés publics, dès lors qu'elle leur permet de promouvoir et de faire évoluer leur offre dans le cadre d'un dialogue avec l'acheteur public plutôt que de la figer dans le marbre d'un dossier de candidature.

Côté acheteur public, la négociation permet d'assurer la bonne utilisation des deniers publics par le choix de l'offre la plus compétitive et la mieux adaptée au besoin exprimé.

La faculté de négocier est évidemment ouverte aux acheteurs dans le cadre de la procédure de gré à gré, mais aussi dans celui de la procédure adaptée (Mapa). Lorsqu'il recourt à cette dernière procédure, l'acheteur en détermine les modalités en fonction de la nature et des caractéristiques du besoin à satisfaire, du nombre ou de la localisation des opérateurs économiques susceptibles d'y répondre ainsi que des circonstances de l'achat579(*).

Le recours à la négociation doit alors être expressément indiqué dans l'avis de publicité ou les documents de la consultation, tandis que l'acheteur doit veiller à garantir l'égalité de traitement des candidats. Lorsque celui-ci prévoit une négociation, il peut tout de même attribuer le marché sur la base des offres initiales sans négociation, à condition d'avoir indiqué qu'il se réservait cette possibilité dans les documents de la consultation580(*).

Si elle n'est pas permise dans le cadre d'un appel d'offres, que celui-ci soit ouvert ou restreint581(*), deux autres procédures formalisées, auxquelles il peut être recouru dans les cas prévus à l'article 26 de la directive 2014/24/UE sur la passation des marchés publics, reposent sur la négociation avec les entreprises candidates :

- la procédure avec négociation, au travers de laquelle l'acheteur négocie les conditions du marché avec un ou plusieurs opérateurs économiques582(*) ;

La procédure avec négociation

Le recours à la procédure avec négociation est permis aux pouvoirs adjudicateurs dans des cas limitativement listés par le code de la commande publique :

- lorsque le besoin ne peut être satisfait sans adapter des solutions immédiatement disponibles ;

- lorsque le besoin consiste en une solution innovante ;

- lorsque le marché comporte des prestations de conception ;

- lorsque le marché ne peut être attribué sans négociation préalable du fait de circonstances particulières liées à sa nature, à sa complexité ou au montage juridique et financier ou en raison des risques qui s'y rattachent ;

- lorsque le pouvoir adjudicateur n'est pas en mesure de définir les spécifications techniques avec une précision suffisante en se référant à une norme, une évaluation technique européenne, une spécification technique commune ou un référentiel technique ;

- lorsque, dans le cadre d'un appel d'offres, seules des offres irrégulières ou inacceptables ont été présentées, pour autant que les conditions initiales du marché ne soient pas substantiellement modifiées583(*).

Les entités adjudicatrices, quant à elles, peuvent passer librement leurs marchés selon la procédure avec négociation584(*).

Au travers de cette procédure, conformément à l'article 29 de la directive 2014/24/UE sur la passation des marchés publics, le pouvoir adjudicateur négocie avec tous les soumissionnaires leurs offres initiales et ultérieures, à l'exception des offres finales. Il peut toutefois attribuer le marché sur la base des offres initiales sans négociation, à condition d'avoir indiqué dans l'avis de marché ou dans l'invitation à confirmer l'intérêt qu'il se réserve la possibilité de le faire. Les exigences minimales mentionnées que doivent respecter les offres585(*) et les critères d'attribution ne peuvent faire l'objet de négociations586(*).

La procédure peut se dérouler en phases successives de manière à réduire le nombre d'offres à négocier en appliquant les critères d'attribution définis dans les documents de la consultation587(*). Le pouvoir adjudicateur doit indiquer, dans l'un de ces documents, s'il fera usage de cette possibilité.

Dans la phase finale de négociation, le nombre d'offres restant à négocier doit être suffisant pour assurer une concurrence réelle, pour autant qu'il y ait un nombre suffisant d'offres remplissant les conditions requises.

Le pouvoir adjudicateur informe par écrit tous les soumissionnaires dont les offres n'ont pas été éliminées de tous les changements apportés aux spécifications techniques ou aux autres documents de la consultation, à l'exception de ceux qui définissent les exigences minimales. À la suite de ces changements, il doit accorder aux soumissionnaires un délai suffisant et identique pour leur permettre de modifier leurs offres et, le cas échéant, de les présenter à nouveau588(*).

Enfin, lorsqu'il entend conclure les négociations, le pouvoir adjudicateur en informe les soumissionnaires restant en lice et fixe une date limite commune pour la présentation d'éventuelles offres nouvelles ou révisées589(*).

- le dialogue compétitif, par le biais duquel l'acheteur dialogue avec les candidats admis à y participer en vue de définir ou développer les solutions de nature à répondre à ses besoins et sur la base desquelles ces candidats sont invités à remettre une offre590(*).

Le dialogue compétitif

Les pouvoirs adjudicateurs peuvent passer leurs marchés selon la procédure du dialogue compétitif dans les mêmes cas que dans ceux qui permettent le recours à la procédure avec négociation591(*), tandis que les entités adjudicatrices peuvent passer librement leurs marchés selon cette procédure592(*).

Dans ce cadre, conformément à l'article 30 de la directive 2014/24/UE sur la passation des marchés publics, l'acheteur définit ses besoins et ses exigences dans l'avis de marché et, le cas échéant, dans un programme fonctionnel ou un projet partiellement défini593(*). Les modalités du dialogue, les critères d'attribution et un calendrier indicatif doivent être précisés dans l'avis de marché ou dans un autre document de la consultation.

L'acheteur ouvre avec les participants sélectionnés un dialogue dont l'objet est l'identification et la définition des moyens propres à satisfaire au mieux ses besoins, et dans le cadre duquel tous les aspects du marché peuvent être discutés avec les participants sélectionnés594(*).

Le dialogue peut se dérouler en phases successives de manière à réduire le nombre de solutions à discuter, en appliquant les critères d'attribution définis dans l'avis de marché ou dans un autre document de la consultation. L'acheteur doit indiquer, dans les documents de la consultation, s'il fera usage de cette possibilité595(*).

Dans la phase finale de dialogue, le nombre de solutions restant à discuter doit être suffisant pour assurer une concurrence réelle, pour autant qu'il y ait un nombre suffisant de solutions remplissant les conditions requises.
L'acheteur poursuit le dialogue jusqu'à ce qu'il soit en mesure d'identifier la ou les solutions qui sont susceptibles de répondre à ses besoins.

Lorsqu'il estime que le dialogue est arrivé à son terme, l'acheteur en informe les participants restant en lice et les invite à présenter leur offre finale sur la base de la ou des solutions qu'ils ont présentées et spécifiées au cours du dialogue596(*). Il vérifie que les offres finales comprennent tous les éléments requis et nécessaires pour la réalisation du projet.

Des précisions, clarifications, perfectionnements ou compléments peuvent être demandés aux participants sur leur offre finale597(*). Cependant, ces demandes ne peuvent avoir pour effet de modifier les aspects essentiels de l'offre finale, notamment les besoins et exigences indiqués dans les documents de la consultation.

En outre, à la demande de l'acheteur, l'attributaire peut être amené à clarifier des aspects de son offre ou à confirmer les engagements figurant dans celle-ci, ces demandes ne pouvant avoir pour effet de modifier des éléments fondamentaux de l'offre ou des caractéristiques essentielles du marché598(*).

Enfin, l'acheteur peut prévoir des primes au profit des participants au dialogue599(*). Le montant de la prime doit être indiqué dans les documents de la consultation, tandis que la rémunération du titulaire du marché doit tenir compte de la prime qui lui a été éventuellement versée pour sa participation à la procédure.

(2) Les conditions de recours à la négociation, trop peu utilisée par les acheteurs publics, doivent être assouplies

De l'avis général, ces procédures sont trop peu utilisées par les acheteurs publics. M. Éric Schahl identifie deux raisons à ce phénomène :

- d'une part, les exigences liées à la négociation : « Les collectivités y sont réticentes, car la négociation prend beaucoup plus de temps et suppose des qualifications exigeantes de la part des personnels chargés des achats. Il est plus simple pour ceux-ci de privilégier l'offre la mieux disante que de choisir la procédure négociée » ;

- d'autre part, le risque juridique lié au recours à ces procédures : « Il est possible que le juge donne tort à une collectivité qui aurait eu recours à la procédure négociée. Le risque juridique est lié au fait que la jurisprudence s'affine progressivement. Toutefois, le fait que, dans le cadre de la procédure négociée, les collectivités doivent avancer au fur et à mesure, ce qui implique des critères évolutifs, est désormais reconnu. Le risque juridique, joint au risque de perte financière, peut conduire des collectivités à choisir un marché classique de préférence à une procédure négociée »600(*).

Un autre facteur est mis en avant par un très grand nombre d'acheteurs : l'encadrement trop strict des cas dans lesquels les pouvoirs adjudicateurs peuvent recourir à ces procédures.

Pour France urbaine, le cadre juridique des procédures négociées est inadapté à l'enjeu de bonne utilisation des deniers publics : « Alors que l'absence de négociations apparaitrait incongrue à n'importe quel acheteur privé, celles-ci demeurent l'exception pour l'acheteur public dès lors que la procédure est au-delà des seuils européens et que la collectivité agit en tant que pouvoir adjudicateur, sauf cas particuliers »601(*).

Il est en effet difficilement compréhensible que les marchés les plus importants en valeur soient les seuls à ne pas pouvoir faire l'objet d'une négociation, en dehors de quelques cas limitativement énumérés.

La négociation constitue pourtant l'un des leviers les plus adaptés d'optimisation de l'offre. Certes plus chronophage et requérant une grande technicité, elle offre une meilleure adéquation entre l'offre et le besoin de l'acheteur, permet de réduire les risques d'exécution liés aux imprécisions ou incompréhensions du cahier des charges et contribue à limiter les écarts entre le budget prévisionnel et les coûts réels.

Un exemple de recours pertinent à la négociation : les marchés de transport routier de la région Grand Est

La région Grand Est est la seule à recourir à la procédure avec négociation pour ses marchés de transport scolaire et interurbain.

En effet, depuis la rentrée scolaire de septembre 2021, la pénurie de conducteurs dans le transport routier de voyageurs est devenue structurelle en raison des difficultés à recruter et à fidéliser ces salariés, ce qui modifie sensiblement le contexte social au sein des entreprises. Or, ce dernier conditionne directement le cadre économique et contractuel de l'achat de prestations de services de transport routier de voyageurs.

Il en résulte des difficultés empêchant la région de définir seule et à l'avance l'ensemble des moyens et effectifs pouvant être mobilisés par les opérateurs pour répondre à ses besoins. Il est donc nécessaire de densifier le temps de travail des conducteurs afin que les entreprises puissent proposer des contrats de travail plus attractifs et d'optimiser l'exploitation des services de transport.

Aussi les candidats doivent-ils participer à la conception du plan de transport et à l'ajustement de l'offre de transport de la région au travers de la présentation de leur offre, en faisant profiter la région de leur connaissance des contraintes d'exploitation, qui ne peuvent être définies en amont avec un degré suffisant de précision par la seule collectivité.

Les éléments à prendre en compte dans ce cadre - le choix de la motorisation des autocars, les kilomètres supplémentaires à intégrer en fonction des lieux d'avitaillement, le temps d'avitaillement, les heures de travail des conducteurs ou la maintenance - conditionnent directement la structure de l'offre et ne peuvent être déterminés que par les entreprises.

Dans ce contexte, seule la procédure avec négociation peut permettre la définition des spécifications techniques de l'offre avec un niveau de précision suffisant de façon à assurer la continuité du service public.

Comme le note Régions de France, « in fine, l'intérêt n'est pas de simplifier la passation du marché (on sait à quel point une procédure négociée est plus complexe et longue à mener qu'un appel d'offres), mais de faciliter l'exécution du contrat. Pouvoir négocier avec les transporteurs sur leurs offres évite nombre de difficultés dans l'exploitation du service (même si ça ne résout pas tout) »602(*).

C'est la raison pour laquelle un très grand nombre d'acheteurs publics entendus par la commission d'enquête ont formé le voeu d'un assouplissement du recours à la négociation dans les procédures formalisées.

La commission d'enquête, qui s'associe à cette demande, préconise par conséquent de saisir l'occasion de la révision de la réglementation européenne de la commande publique pour modifier l'article 26 de la directive 2014/24/UE sur la passation des marchés publics de façon à aligner les dispositions relatives au choix de la procédure de passation applicables aux pouvoirs adjudicateurs sur celles qui s'appliquent aux entités adjudicatrices, lesquelles peuvent recourir à la négociation chaque fois qu'elles le jugent nécessaire.

Une telle mesure découlerait du bon sens, dans le contexte de contrainte budgétaire que traversent les acteurs publics. À cet égard, M. Emmanuel Sallaberry, maire de Talence et coprésident de la commission des finances de l'AMF, a parfaitement résumé l'état d'esprit de la commission d'enquête : « Si je peux comprendre dans le principe que l'intangibilité de l'offre garantit une certaine stabilité du marché, il me semble néanmoins qu'il faudrait faire davantage confiance aux élus en leur permettant des modifications. Qui accepterait de ne rien changer dans les offres qu'il reçoit pour construire sa maison ? Et pourquoi donc imposer aux maires ce que l'on n'exige de personne d'autre ? »603(*).

La DAE elle-même s'est déclarée favorable à cet assouplissement, rendu nécessaire par l'évolution des circonstances et des pratiques d'achat public, considérant que « les limites imposées aux acheteurs pour recourir à la négociation ne sont plus en phase, à tout le moins pour les acheteurs de l'État, avec le degré de professionnalisation des acheteurs, les enjeux budgétaires et d'achat responsable »604(*).

Dès lors, « dans un objectif de performance de l'achat, il serait souhaitable de permettre aux acheteurs de recourir librement à la procédure avec négociation, sans condition de recours à justifier, à l'instar du régime déjà applicable aux entités adjudicatrices et aux marchés de défense ou de sécurité »605(*).

Recommandation n° 42. - À l'instar de ce qui est autorisé pour les entités adjudicatrices, permettre aux pouvoirs adjudicateurs de recourir librement à une procédure formalisée avec négociation, sans justification, dans le cadre de la révision des directives européennes.

Quant aux deux autres freins à l'utilisation de la négociation, M. Schahl estime que les efforts de mutualisation des achats devraient permettre des avancées : « La logique des groupements de commandes et des centrales d'achats devrait faire progresser le niveau d'expertise des acheteurs et permettre aux collectivités de recourir davantage à la procédure négociée (...) »606(*).

c) Simplifier les démarches administratives des acheteurs
(1) Le respect par l'attributaire pressenti d'un marché de ses obligations légales ou réglementaires doit être vérifié par l'acheteur public

Pour accéder à un marché, et, dans certains cas, périodiquement jusqu'à la fin de l'exécution du marché, un opérateur économique est tenu de fournir à l'acheteur public un certain nombre de documents, ce qui représente une véritable lourdeur administrative pour les deux parties.

Il s'agit notamment pour l'acheteur public de vérifier que l'attributaire pressenti d'un marché est à jour de ses obligations fiscales et sociales.

Liste des documents à fournir par l'attributaire d'un marché public

Attestation

Contrat visé

Cocontractant visé

Entreprise visée

Durée de validité

Périodicité

Titulaire

Cotraitant

Sous-traitant

Au début

Tous les 6 mois

Au fil de l'exécution

Numéro Siren607(*)

Tous

X

X

X

Toutes

En cours de validité

Avant notification

   

Régularité fiscale

Tous

X

X

X

Toutes

6 mois

Avant notification

   

Vigilance

= 5 000 €

X

X

X

Toutes entreprises avec des salariés

6 mois

Avant notification

X

 

Cotisations vieillesse et invalidité-décès

Tous

X

X

X

Professions libérales

 

Avant notification

   

Déclaration de détachement

Tous

X

X

X

Établies à l'étranger

En cours de validité

Avant notification

 

X

Travailleurs étrangers

= 5 000 €

X

X

X

Avec étrangers

6 mois

Avant notification

X

 

Congés pays et chômage intempéries

Tous

X

X

X

BTP, maçons, couvreurs...

6 mois

Avant notification

   

PV comité social et économique

Tous

X

X

X

= 50 salariés

Année N-1

Avant notification

   

Plan de vigilance608(*)

Tous

X

X

X

= 5 000 salariés ou 10 000 salariés si = 5 000 en France

Année N-1

Avant notification

   

Bilan des émissions de gaz à effet de serre608

Tous

X

X

X

= 500 salariés (250 en outre-mer)

Année N-1

Avant notification

   

Publication des informations sur la durabilité609609(*)

Tous

X

X

X

PME sur marchés réglementés

Année N-1

Avant notification

   

Assurance responsabilité civile

Tous

X

X

 

Toutes

En cours de validité

Sous 15 jours après notification610(*)

   

Assurance décennale

Travaux avec décennale

X

X

 

Travaux avec décennale

En cours de validité

Avant notification et ouverture du chantier

   

Source : Pays d'Iroise Communauté

Obligations déclaratives en matière sociale et fiscale et accès aux marchés publics

Les personnes qui n'ont pas souscrit les déclarations leur incombant en matière fiscale ou sociale ou n'ont pas acquitté les impôts, taxes, contributions ou cotisations sociales exigibles sont exclues de la procédure de passation des marchés611(*).

Cette exclusion n'est pas applicable aux personnes qui, avant la date à laquelle l'acheteur se prononce sur la recevabilité de leur candidature, ont, en l'absence de toute mesure d'exécution du comptable ou de l'organisme chargé du recouvrement, acquitté lesdits impôts, taxes, contributions et cotisations ou constitué des garanties jugées suffisantes par le comptable ou l'organisme chargé du recouvrement, ou, à défaut, ont conclu et respectent un accord contraignant avec les organismes chargés du recouvrement en vue de payer les impôts, taxes, contributions ou cotisations, ainsi que les éventuels intérêts échus, pénalités ou amendes.

L'acheteur doit accepter comme preuve suffisante attestant que le candidat ne se trouve pas dans un cas d'exclusion pour manquement à ses obligations déclaratives les certificats délivrés par les administrations et organismes compétents612(*).

Il en va de même dans le cas d'un marché de défense ou de sécurité (MDS), à ceci près que, si le marché répond à un besoin dont la valeur estimée est inférieure aux seuils de procédure formalisée, l'acheteur peut accepter comme preuve suffisante une attestation sur l'honneur, en lieu et place de ces certificats613(*).

Sur le plan fiscal, donnent lieu à la délivrance de certificats aux opérateurs économiques l'impôt sur le revenu (IR), l'impôt sur les sociétés (IS) et la taxe sur la valeur ajoutée (TVA)614(*). Le certificat attestant la souscription des déclarations et les paiements correspondants à ces impôts est délivré par l'administration fiscale dont relève le demandeur.

En matière sociale, le certificat requis est l'attestation de vigilance remise par les Urssaf, les caisses générales de sécurité sociale (CGSS) en outre-mer et les caisses de mutualité sociale agricole (MSA)615(*) afin de certifier qu'un opérateur économique est à jour de ses obligations de déclaration et de paiement de ses cotisations et contributions sociales616(*). Le donneur d'ordre doit recueillir cette attestation auprès de son cocontractant lors de la conclusion d'un contrat d'un montant au moins égal à 5 000 euros HT617(*) et tous les six mois jusqu'à la fin de son exécution618(*).

Bien que les candidats à un marché public doivent notamment produire à l'appui de leur candidature une déclaration sur l'honneur permettant de justifier qu'ils n'entrent dans aucun cas d'exclusion de la procédure de passation des marchés619(*), l'acheteur public ne peut exiger que du seul candidat auquel il est envisagé d'attribuer le marché qu'il justifie ne pas relever d'un motif d'exclusion de la procédure de passation du marché620(*).

Il peut en outre lui demander de compléter ou d'expliquer les documents justificatifs et moyens de preuve fournis ou obtenus621(*).

Si un candidat ou un soumissionnaire se trouve dans un cas d'exclusion, produit, à l'appui de sa candidature, de faux renseignements ou documents, ou ne peut produire dans le délai imparti les documents justificatifs, les moyens de preuve, les compléments ou explications requis par l'acheteur, sa candidature est déclarée irrecevable et le candidat est éliminé622(*). Dans ce cas, lorsque la vérification des candidatures intervient après la sélection des candidats ou le classement des offres, le candidat ou le soumissionnaire dont la candidature ou l'offre a été classée immédiatement après la sienne est sollicité pour produire les documents nécessaires.

En tout état de cause, les candidats ne sont pas tenus de fournir les documents justificatifs et moyens de preuve que l'acheteur peut obtenir directement par le biais d'un système électronique de mise à disposition d'informations administré par un organisme officiel ou d'un espace de stockage numérique - à condition que l'accès à ceux-ci soit gratuit et, le cas échéant, que figurent dans le dossier de candidature toutes les informations nécessaires à leur consultation623(*).

En outre, ils ne sont pas non plus tenus de fournir les documents justificatifs et moyens de preuve qui ont déjà été transmis au service acheteur concerné lors d'une précédente consultation et qui demeurent valables, même si celui-ci ne l'a pas expressément prévu624(*).

(2) La création d'un « passeport commande publique » pour faire gagner du temps aux acheteurs publics et aux opérateurs économiques

Les contraintes qui en découlent pour les acheteurs publics paraissent excessives à la plupart des personnes et organismes entendus par la commission d'enquête, et notamment à M. Éric Schahl, représentant Régions de France : « Je voudrais dire un mot sur une réelle absurdité : les collectivités sont contraintes de procéder elles-mêmes - et simultanément - à des recherches sur les entreprises qui soumissionnent à leurs marchés, afin de vérifier si celles-ci sont à jour de leurs cotisations sociales, de leurs obligations fiscales... C'est kafkaïen ! »625(*).

Au nom de l'AMF, M. Emmanuel Sallaberry a lui aussi dénoncé ce qu'il considère comme une anomalie : « Il y a eu des avancées pertinentes pour les entreprises, mais les communes doivent systématiquement refaire des vérifications tout au long de l'année, ce qui représente un travail administratif colossal »626(*).

Du reste, comme l'indique l'Association des acheteurs publics (AAP), « la récupération des données n'est pas toujours automatique (la récupération des attestations fiscales et sociales via les profils d'acheteurs ne fonctionne pas toujours) et d'autres documents doivent également être fournis par l'attributaire, en plus du dossier de candidature »627(*).

De même, lors de son déplacement à Vannes le 28 avril 2025, la commission d'enquête a pu confirmer auprès des représentants des collectivités territoriales bretonnes qu'elle a rencontrés qu'il s'agissait d'une demande très largement partagée, et ce quelle que soit la taille de la collectivité.

Par ailleurs, alors que certaines attestations doivent être recueillies périodiquement jusqu'à la fin de l'exécution du contrat, « les outils proposés par les profils d'acheteurs ne permettent pas une récupération automatique de ces attestations en cours d'exécution du marché (et les interfaces de programmation d'applications mises en place pour les récupérer manuellement ne sont pas toujours fonctionnelles) » et « la récupération périodique de ces attestations représente un temps important pour les acheteurs et/ou des surcoûts lorsqu'ils investissent dans des solutions informatiques »628(*).

Dans ce contexte, la création d'un « passeport commande publique », soutenue tant par l'AMF et Régions de France que par l'AAP et France Digitale, constituerait une véritable simplification, tant pour les acheteurs que pour les soumissionnaires.

Concrètement, il s'agirait de créer une plateforme d'évaluation des fournisseurs, remplie, notamment, par l'administration fiscale et les organismes chargés du recouvrement des cotisations sociales, consultable par les acheteurs publics et respectant les exigences posées par la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil).

Une attestation de non-exclusion de la procédure de passation des marchés serait ainsi automatiquement générée lorsque l'attributaire pressenti est à jour de ses obligations légales et réglementaires.

Le temps gagné en conséquence par les acheteurs et les opérateurs économiques pourrait dès lors être réinvesti dans le sourcing des offres locales et l'amélioration de l'expression de leurs besoins dans l'objectif de faciliter l'accès des TPE et des PME à la commande publique.

De premiers pas en ce sens ont été déjà été accomplis. En effet, le plan d'action « Simplification ! », lancé par le Gouvernement en 2024, vise, entre autres, à élaborer un outil de simplification de la candidature aux marchés publics, baptisé « Fast-Track ». Celui-ci devrait permettre de faciliter l'accès des TPE et des PME aux marchés publics en mobilisant le dispositif « Dites-le-nous une fois » pour permettre aux acheteurs publics de récupérer, au stade de la candidature, les données dont dispose déjà l'administration.

Par ailleurs, l'Assemblée nationale a récemment adopté, dans le cadre de l'examen du projet de loi de simplification de la vie économique, un amendement insérant dans le code de la commande publique un article L. 2132-3629(*). Celui-ci tend à dispenser le candidat à un marché public de fournir les documents justificatifs et moyens de preuve dès lors qu'il communique son numéro Siret à l'acheteur et que celui-ci peut obtenir directement ces documents par le biais d'un système électronique de mise à disposition d'informations administré par un organisme officiel ou d'un espace de stockage numérique - à condition que l'accès à ceux-ci soit gratuit et que figurent dans le dossier de candidature toutes les informations nécessaires à leur consultation. L'amendement renvoie au pouvoir réglementaire le soin de préciser les modalités de mise en oeuvre de ce système ainsi que les documents justificatifs et moyens de preuve concernés. Cette disposition est très similaire à celle déjà prévue aux articles R. 2143-13 et R. 2143-14 du code de la commande publique.

À cet effet, l'API Entreprise, outil développé par la Dinum pour donner automatiquement accès aux personnes publiques à des données sur les entreprises, provenant de sources telles que l'Insee, la DGFIP, l'Urssaf, pourrait être mis à profit. Un de ces cas d'usage est d'ailleurs la facilitation de la candidature, de l'instruction et du suivi des marchés publics.

Recommandation n° 43. - Dans l'intérêt des acheteurs publics et des opérateurs économiques, mettre en place, via une plateforme en ligne, un « passeport commande publique » attestant du respect par les soumissionnaires à un marché public et son titulaire de leurs obligations légales et réglementaires, notamment en matière fiscale et sociale.

d) Mieux encadrer la rémunération des maîtres d'oeuvre et faciliter les démarches des acheteurs en cas de défaillance du titulaire d'un marché
(1) La rémunération demandée par le maître d'oeuvre dans le cadre d'un concours devrait être connue dès sa candidature

Plusieurs autres mesures de simplification ont été suggérées par les acheteurs publics entendus par la commission d'enquête, s'agissant par exemple de la rémunération du maître d'oeuvre.

En effet, M. Emmanuel Sallaberry, maire de Talence et coprésident de la commission des finances de l'AMF, a fait état des conséquences financières de la libre négociation de cette rémunération : « Je prendrai pour exemple une modification dans les concours d'architectes qui a moins de cinq ans. Auparavant, on choisissait à la fois l'équipe et le pourcentage de rémunération de la maîtrise d'oeuvre [...] Désormais, on choisit l'équipe et l'on négocie ensuite le pourcentage de gré à gré. En conséquence, ce pourcentage a augmenté, passant de 5 % ou 10 % à 15 % avec la rémunération de tous les bureaux d'études. L'alternative serait de déclarer la procédure infructueuse et de la recommencer depuis le début, mais la passation d'une procédure coûte 10 000 euros en moyenne »630(*).

Au total, « la loi était censée nous être bénéfique puisqu'elle nous laissait négocier, mais in fine, le marché public coûte de plus en plus cher, en raison du coût accru des prestations des groupements de maîtrise d'oeuvre »631(*).

De fait, le code de la commande publique impose aux acheteurs publics d'organiser un concours préalablement à la passation d'un marché de maîtrise d'oeuvre ayant pour objet la réalisation d'un ouvrage de bâtiment632(*).

Les modalités d'organisation d'un concours

L'acheteur publie un avis de concours selon les règles de publicité prévues en fonction du type de procédure choisi633(*). Lorsqu'il entend attribuer un marché de services au lauréat ou à l'un des lauréats du concours sans publicité ni mise en concurrence, comme le permet le code de la commande publique634(*), il doit l'indiquer dans l'avis de concours.

Lorsque le concours est restreint, l'acheteur établit des critères de sélection des participants au concours635(*). Le nombre de candidats invités à participer au concours doit être suffisant pour garantir une concurrence réelle. L'acheteur fixe, au vu de l'avis du jury, la liste des candidats admis à concourir et les candidats non retenus en sont informés.

Après avoir analysé les candidatures et formulé un avis motivé sur celles-ci, le jury examine les plans et projets présentés de manière anonyme par les opérateurs économiques admis à participer au concours, sur la base des critères d'évaluation définis dans l'avis de concours636(*). Il consigne ensuite dans un procès-verbal, signé par ses membres, le classement des projets ainsi que ses observations et, le cas échéant, tout point nécessitant des éclaircissements et les questions qu'il envisage en conséquence de poser aux candidats concernés. L'anonymat des candidats peut alors être levé. Le jury peut ensuite inviter les candidats à répondre aux questions qu'il a consignées dans le procès-verbal. Un procès-verbal complet du dialogue entre les membres du jury et les candidats est établi.

L'acheteur choisit enfin le ou les lauréats du concours au vu des procès-verbaux et de l'avis du jury et publie un avis de résultats de concours637(*).

Une prime doit être allouée aux participants qui ont remis des prestations conformes au règlement du concours638(*). Son montant est librement défini par l'acheteur et est indiqué dans les documents de la consultation. Lorsqu'un marché de services est attribué au lauréat ou à l'un des lauréats du concours, sa rémunération tient compte de la prime qu'il a reçue pour sa participation au concours639(*).

L'Assemblée des départements de France (ADF) a préconisé auprès de la commission d'enquête de « sortir la maîtrise d'oeuvre et l'architecture des régimes dérogatoires (concours, jurys) pour permettre de recourir à la procédure de conception-réalisation de droit commun »640(*), dans le cadre duquel l'acheteur peut confier à un opérateur économique une mission portant à la fois sur l'établissement des études et l'exécution des travaux641(*).

Une fois le maître d'oeuvre choisi, le code de la commande publique dispose que sa rémunération forfaitaire est fixée contractuellement642(*). Décomposée par éléments de mission, elle doit tenir compte de plusieurs éléments - l'étendue de la mission, le degré de complexité de celle-ci et le coût prévisionnel des travaux.

Aux yeux de la commission d'enquête, il serait préférable que la rémunération demandée par le soumissionnaire soit mentionnée dans son dossier de candidature et qu'il en soit tenu compte dans le cadre de l'analyse des offres.

Recommandation n° 44. - Exiger la mention, dans le dossier de candidature, de la rémunération demandée au titre de la maîtrise d'oeuvre dans le cadre d'un concours.

(2) La possibilité de mettre en oeuvre une procédure allégée en cas de défaillance du titulaire d'un marché garantirait les acheteurs contre les risques induits par le droit en vigueur

Une dernière rigidité problématique a été évoquée au cours des auditions menées par la commission d'enquête : l'impossibilité de remplacer rapidement l'attributaire d'un marché ou d'un lot en cas de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire du titulaire, le pouvoir adjudicateur étant contraint, dans ces circonstances, de repasser un marché selon la même procédure que le marché initial, ce qui peut s'avérer particulièrement pénalisant dans le cadre d'une opération de travaux.

Cette situation induit de lourdes contraintes pour les acheteurs. Par exemple, la Société des grands projets (SGP), établissement public industriel et commercial (Epic) de l'État chargé de la conception, de la réalisation et du financement du réseau de transport public du Grand Paris, qui estime qu'« en l'état du droit, l'acheteur public est assez démuni en cas de difficulté financière des entreprises titulaires de marchés »643(*), a dû mettre en place un système de veille économique et juridique de l'ensemble de ses titulaires.

À date, environ 50 fournisseurs sur 3 000 ont ainsi été identifiés comme étant en difficulté ou en défaillance financière, ce qui entraîne le déclenchement d'un plan d'action adapté à l'enjeu stratégique présenté par l'opérateur concerné. Dans ce cadre, la SGP prend contact avec le fournisseur et, le cas échéant, avec l'administrateur judiciaire ou le liquidateur et examine toutes les solutions de substitution envisageables.

La résiliation du marché en cas de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire du titulaire d'un marché de travaux

L'article 50 du cahier des clauses administratives générales (CCAG) des marchés publics de travaux prévoit la résiliation du marché :

- en cas de sauvegarde ou de redressement judiciaire, si, après mise en demeure de l'administrateur judiciaire, ce dernier indique ne pas reprendre les obligations du titulaire ;

- en cas de liquidation judiciaire du titulaire, si, après mise en demeure du liquidateur, ce dernier indique ne pas reprendre les obligations du titulaire.

La résiliation, si elle est prononcée, prend effet à la date de l'évènement et n'ouvre droit, pour le titulaire, à aucune indemnité.

Le ministère de l'intérieur précise qu'« en cas de résiliation, les nouveaux cahiers des clauses administratives générales règlent également les incidences d'une mise en redressement ou d'une mise en liquidation d'une société quant à la poursuite du marché public en cours, s'il y a lieu. Toutefois, la résiliation ne peut être décidée par la personne publique sans avoir au préalable mis en demeure l'administrateur judiciaire afin qu'il établisse les modalités d'exécution du marché. »644(*).

En tout état de cause, le code de la commande dispose que, pour les marchés de travaux - qui sont concernés au premier chef par ce type de situation -, la valeur estimée du besoin est déterminée, quels que soient le nombre d'opérateurs économiques auquel il est fait appel et le nombre de marchés à passer, en prenant en compte la valeur totale des travaux se rapportant à une opération ainsi que la valeur totale estimée des fournitures et des services mis à la disposition du titulaire par l'acheteur lorsqu'ils sont nécessaires à l'exécution des travaux645(*).

Dès lors, en cas de défaillance du titulaire du marché, la passation du nouveau marché doit être effectuée selon la même procédure que celle qui a été suivie pour le premier marché. Si ce dernier était alloti et s'il s'agit de remplacer le titulaire d'un lot ayant été attribué selon une procédure adaptée, le lot en question doit ainsi être réattribué dans le cadre d'un Mapa.

L'acheteur peut toutefois justifier le recours à une procédure de passation sans publicité ni mise en concurrence préalables s'il est en mesure de démontrer, par exemple, qu'une urgence impérieuse résultant de circonstances extérieures et imprévisibles ne lui permet pas de respecter les délais minimaux exigés par les procédures formalisées646(*) ou que les travaux, fournitures ou services ne peuvent être fournis que par un opérateur économique déterminé, notamment pour des raisons techniques647(*).

Une illustration des difficultés induites par ces mécanismes a été évoquée par M. Matthieu Schlesinger, vice-président d'Intercommunalités de France, maire d'Olivet et premier vice-président d'Orléans Métropole : « Lors de mon précédent mandat, nous avons construit une salle de spectacle sous le régime de la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d'ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d'oeuvre privée, dite loi « Mop ». L'entreprise chargée du lot « gros oeuvre », responsable des fondations et des structures en béton, a fait faillite avant le début des travaux. Bien que tous les autres lots aient été attribués, je ne pouvais pas commencer les travaux sans ce premier lot. La situation a entraîné un délai assez long, car, tant que l'entreprise n'avait pas été formellement liquidée, elle restait titulaire du marché. J'ai dû travailler en temps masqué pour pouvoir passer un marché de remplacement sur ce lot spécifique sans trop perdre de temps, ce qui m'a tout de même pris six mois. Le second marché s'est avéré un peu plus coûteux, mais j'ai pu le passer de manière plus souple que le premier, tenant compte du fait qu'il s'agissait d'un nouveau marché. Néanmoins, cet incident a retardé le projet de manière importante. Si l'entreprise qui a fait faillite avait déjà commencé à couler du béton, il aurait été quasiment impossible de trouver, pour reprendre le marché, une entreprise acceptant d'engager sa responsabilité décennale pour des travaux qu'elle n'a pas réalisés initialement. La solution habituelle dans de telles circonstances consiste à tout démolir pour recommencer entièrement »648(*).

En conséquence, M. Schlesinger a indiqué avoir préféré recourir, pour ses projets ultérieurs, à un marché global de performance, plus rapide mais plus coûteux et inaccessible aux TPE et aux PME, ce qui est aussi compréhensible que regrettable.

La commission d'enquête préconise donc, pour éviter que la crainte d'une défaillance ne contribue à limiter l'accès des petites entreprises à la commande publique et comme contrepartie à une accentuation de l'allotissement par les pouvoirs adjudicateurs, de dispenser les acheteurs se trouvant confrontés à une telle situation de leurs obligations de publicité et de mise en concurrence, sans condition, pour le remplacement du titulaire du marché ou du lot concerné.

Recommandation n° 45. - Autoriser le remplacement sans publicité ni mise en concurrence préalables du titulaire d'un marché ou d'un lot en cas de défaillance liée à une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire.

2. Soutenir davantage les entreprises en levant les irritants
a) Favoriser le recours aux variantes
(1) Les variantes permettent à la fois d'élargir le champ de la concurrence et de valoriser l'innovation

Bien que le code de la commande publique ne définisse pas explicitement la notion de variante, celle-ci a été précisée par la jurisprudence administrative, qui désigne sous ce terme une offre alternative, considérée comme une modification de spécifications techniques faite par l'entreprise par rapport à la solution de base décrite dans le cahier des charges du marché649(*).

Comme le rappelle la chambre de commerce et d'industrie (CCI) Paris-Île-de-France, les variantes permettent aux entreprises de mettre en avant leurs capacités créatives via des propositions sur les composantes du marché, qu'elles portent sur des solutions techniques innovantes, une méthode de commercialisation, les performances écologiques ou des économies de maintenance : « Ce dispositif est donc favorable aux PME et, là encore, c'est « gagnant-gagnant » tant pour l'acheteur public que pour l'entreprise »650(*).

La direction des achats de l'État (DAE) elle-même estime que les variantes constituent « un puissant levier de performance de l'achat, susceptible d'élargir le champ de la concurrence, notamment dans les domaines à évolution rapide, et de prendre en compte des considérations sociales, environnementales ou innovantes »651(*).

Les acheteurs publics peuvent autoriser la présentation de variantes dans certains cas :

- pour les marchés passés par un pouvoir adjudicateur selon une procédure formalisée, les variantes sont interdites sauf mention contraire dans l'avis de marché ou l'invitation à confirmer l'intérêt ;

- pour les marchés passés par une entité adjudicatrice selon une procédure formalisée, les variantes sont autorisées sauf mention contraire dans l'avis de marché ou l'invitation à confirmer l'intérêt ;

- pour les marchés passés selon une procédure adaptée, les variantes sont autorisées sauf mention contraire dans les documents de la consultation652(*).

Conformément à l'article 45 de la directive 2014/24/UE sur la passation des marchés publics, les variantes ne sont donc pas admises dans le cadre d'une procédure formalisée à défaut d'autorisation expresse.

Régime des variantes selon le type d'acheteur public
et de procédure de passation

Source : Observatoire économique de la commande publique

Les acheteurs publics peuvent également exiger la présentation de variantes, auquel cas ils doivent l'indiquer dans l'avis d'appel à la concurrence, dans l'invitation à confirmer l'intérêt ou, en l'absence d'un tel avis ou d'une telle invitation, dans les documents de la consultation653(*).

Que l'acheteur autorise ou exige la présentation de variantes, il doit mentionner dans les documents de la consultation les exigences minimales que les variantes doivent respecter ainsi que toute condition particulière de leur présentation654(*).

Le code de la commande publique interdit, pour les marchés de fournitures ou de services, de rejeter une variante au seul motif qu'elle aboutirait, si elle était retenue, à un marché de services au lieu d'un marché de fournitures ou à un marché de fournitures au lieu d'un marché de services655(*).

(2) La généralisation de l'autorisation des variantes serait bénéfique aux acheteurs et à l'innovation

Le recours aux variantes n'est pas dépourvu de conséquences pour les acheteurs publics. En effet, comme le rappelle le Conseil national des achats (CNA), elles nécessitent davantage de temps - l'acheteur doit analyser plus d'offres - et d'anticipation - il doit être en mesure d'arrêter et de pondérer des critères de jugement des offres opérants tant pour des offres de base que pour des offres innovantes -, ainsi qu'une expertise dont il ne dispose pas toujours, un renforcement du lien entre le prescripteur et l'acheteur et un suivi spécifique de l'exécution.

Au surplus, « les variantes souffrent également d'une mauvaise image auprès de certains acheteurs qui ne perçoivent dans les variantes qu'un phénomène de dépréciation technique et commerciale de l'offre visant à baisser les prix », dans la mesure où « lorsqu'on évoque les variantes, les acheteurs pensent principalement aux variantes techniques, rares sont ceux qui pensent à d'autres types de variantes, comme des variantes financières qui pourraient bonifier des résultats »656(*).

Aussi les services achats ne plaident-ils pas en faveur de l'autorisation des variantes, souvent à tort. M. Emmanuel Sallaberry, maire de Talence et coprésident de la commission des finances de l'AMF, relève ainsi qu'« elles posent une difficulté dans la mesure où l'usage veut qu'on les interdise pour des raisons de comparaison des offres. En effet, dans les procédures formalisées, il est peu fréquent que les variantes soient autorisées, car l'offre finale risque de ne pas être techniquement, et donc financièrement, comparable avec le scénario de base qui a été défini. Or le risque de contentieux est grand, car les entreprises sont de plus en plus nombreuses, y compris les plus petites d'entre elles, à demander des comptes sur le classement des offres à l'issue de la procédure d'attribution du marché public, convaincues que la leur était la meilleure »657(*).

Par conséquent, si « les variantes sont un avantage qui nous permettrait d'avoir une plus grande marge de manoeuvre sur l'expression du besoin, dans la mesure où les entreprises pourraient répondre de manière plus pertinente à ce qui leur a été demandé », « (...) les acheteurs de nos collectivités, dès lors que deux offres ne sont pas comparables, nous recommandent toujours de choisir l'offre de base et pas les variantes »658(*).

Pour favoriser le développement des variantes et permettre aux entreprises innovantes de se démarquer, le CNA recommande donc de renforcer les partages d'expériences entre acheteurs publics pour les rassurer, de mieux former les acheteurs et les prescripteurs à l'analyse fonctionnelle des besoins et à l'élaboration de cahiers des charges fonctionnels pour s'ouvrir aux solutions nouvelles et de renforcer l'expertise catégorielle pour mieux armer les administrations dans l'analyse de ces solutions et la vérification de leur adéquation à leurs besoins.

Surtout, il préconise d'autoriser la mise en oeuvre de protocoles d'expérimentation pour valider les variantes avant de les retenir définitivement, ce qui permettrait de limiter les risques pour l'acheteur.

Recommandation n° 46. - Assurer la mise à disposition des acheteurs publics par l'État d'outils fiables d'analyse des variantes et les autoriser, lorsque le marché s'y prête, à expérimenter les variantes proposées par les soumissionnaires avant de les retenir.

Pour choisir une variante, encore faut-il que sa présentation soit autorisée. À cet égard, il apparaît que le cadre fixé par l'article 45 de la directive 2014/24/UE sur la passation des marchés publics, qui interdit la présentation de variantes dans le cadre d'une procédure formalisée à défaut d'autorisation formulée par l'acheteur, restreint inutilement le recours à cet instrument.

C'est la raison pour laquelle le Sénat, à l'initiative de divers groupes politiques, a adopté, dans le cadre de l'examen du projet de loi de simplification de la vie économique, un amendement tendant à insérer dans le code de la commande publique un nouvel article L. 2151-2 posant le principe d'une autorisation des variantes pour les marchés passés selon une procédure formalisée, sauf mention contraire dans l'avis de marché ou l'invitation à confirmer l'intérêt659(*).

L'article 4 quinquies qui en a découlé a ensuite été supprimé par la commission spéciale de l'Assemblée nationale au motif de son incompatibilité avec l'article 45 de la directive 2014/24/UE, avant d'être finalement rétabli en séance publique660(*).

Nombre d'acteurs de l'achat public entendus par la commission se sont dits favorables à cette proposition, à commencer, bien évidemment, par France Digitale et la CCI Paris Île-de-France.

La commission d'enquête soutient elle aussi cette mesure, dont la mise en oeuvre impliquerait toutefois, en effet, une modification de l'article 45 de la directive 2014/24/UE.

Recommandation n° 47. - Dans le cadre de la révision des directives européennes, autoriser par principe les variantes dans le cadre des marchés passés selon une procédure formalisée, sauf mention contraire dans l'avis de marché ou l'invitation à confirmer l'intérêt.

b) Faciliter la gestion de la trésorerie des TPE et PME
(1) Des délais maximaux sont prévus pour le paiement des sommes dues en exécution du marché

Aux termes du code de la commande publique, les pouvoirs adjudicateurs, y compris lorsqu'ils agissent en tant qu'entités adjudicatrices, doivent payer les sommes dues en principal en exécution d'un marché dans un délai prévu par le marché ou, à défaut, dans un délai fixé par voie réglementaire et qui varie selon les catégories de pouvoirs adjudicateurs661(*).

En tout état de cause, lorsqu'un délai de paiement est prévu par le marché, celui-ci ne peut excéder le délai prévu par voie réglementaire, actuellement fixé à 30 jours662(*).

Par dérogation, le délai de paiement réglementaire est toutefois fixé à 50 jours pour les établissements publics de santé et les établissements du service de santé des armées et à 60 jours pour les entreprises publiques, à l'exception de celles ayant la nature d'établissements publics locaux663(*).

Les délais de paiement : déclenchement et interruption

Conformément à un principe général du droit de la comptabilité publique, les sommes dues par une personne publique à son cocontractant privé dans le cadre d'un marché public ne peuvent être réglées qu'une fois celui-ci pleinement exécuté, en vertu de la règle du service fait, à la suite de la certification, par l'ordonnateur, de la conformité de la livraison ou de la prestation à l'engagement pris664(*).

Depuis le 1er janvier 2020, les titulaires des marchés publics sont soumis à une obligation de facturation électronique de leurs prestations et doivent déposer leurs factures sur le portail Chorus Pro665(*).

En règle générale, le délai de paiement court à compter de la date de réception de la demande de paiement par le pouvoir adjudicateur ou, si le marché le prévoit, par le maître d'oeuvre ou toute autre personne habilitée à cet effet666(*).

Toutefois, lorsque la date de réception de la demande de paiement est incertaine ou antérieure à la date d'exécution des prestations, le délai de paiement court à compter de la date d'exécution des prestations667(*).

La date de réception de la demande de paiement et la date d'exécution des prestations sont constatées par les services du pouvoir adjudicateur ou, le cas échéant, par le maître d'oeuvre ou la personne habilitée à cet effet668(*). À défaut, la date de la demande de paiement augmentée de deux jours fait foi. En cas de litige, il appartient au créancier d'apporter la preuve de cette date.
Il est par ailleurs précisé que la date de réception de la demande de paiement ne peut faire l'objet d'un accord contractuel entre le pouvoir adjudicateur et son créancier.

Lorsque le marché prévoit une procédure de vérification de la conformité des prestations, il peut prévoir que le délai de paiement court à compter de la date à laquelle cette conformité est constatée, si cette date est postérieure à la date de réception de la demande de paiement, la durée de la procédure de vérification ne pouvant excéder 30 jours669(*). Toutefois, une durée plus longue peut être prévue par le marché, à condition que cela ne constitue pas un abus manifeste à l'égard du créancier, notamment au regard de l'usage ou des bonnes pratiques. À défaut de décision expresse dans ce délai, les prestations sont réputées conformes.

Le délai de paiement du sous-traitant bénéficiant du paiement direct670(*) est identique à celui qui s'applique au titulaire671(*). Il court à compter de la réception par le pouvoir adjudicateur de l'accord, total ou partiel, du titulaire d'un marché sur le paiement demandé672(*). À défaut de notification d'un accord ou d'un refus par le titulaire dans le délai de 15 jours, le délai de paiement court à compter soit de l'expiration de ce délai, soit de la réception par le pouvoir adjudicateur de l'avis postal attestant que le pli contenant la demande de paiement a été refusé ou n'a pas été réclamé par le titulaire.

Lorsque la demande de paiement ne comporte pas l'ensemble des pièces et des mentions prévues par la loi ou par le marché ou que celles-ci sont erronées ou incohérentes, le délai de paiement peut être interrompu une seule fois par le pouvoir adjudicateur673(*). Pour les pouvoirs adjudicateurs dotés d'un comptable public, cette interruption ne peut intervenir qu'avant l'ordonnancement de la dépense.

L'interruption doit faire l'objet d'une notification au créancier par tout moyen permettant d'attester une date certaine de réception, cette notification devant préciser les raisons imputables au créancier qui s'opposent au paiement, ainsi que les pièces à fournir ou à compléter674(*).

À compter de la réception de la totalité des pièces et mentions prévues par la loi ou par le marché, un nouveau délai de paiement est ouvert675(*). Ce délai est de 30 jours ou égal au solde restant à courir à la date de réception de la notification de l'interruption si ce solde est supérieur à 30 jours.

Le retard de paiement est constitué lorsque les sommes dues au créancier qui a rempli ses obligations légales et contractuelles ne sont pas versées par le pouvoir adjudicateur à l'échéance prévue au marché ou à l'expiration du délai de paiement676(*).

Aux termes du code de la commande publique, dès le lendemain de l'expiration du délai de paiement ou de l'échéance prévue par le marché, le retard de paiement fait courir, de plein droit et sans autre formalité, des intérêts moratoires677(*) dont le taux est égal au taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne (BCE) à ses opérations principales de refinancement les plus récentes, en vigueur au premier jour du semestre de l'année civile au cours duquel les intérêts moratoires ont commencé à courir, majoré de huit points de pourcentage678(*). Ces intérêts courent jusqu'à la date de mise en paiement du principal incluse679(*).

Ce retard ouvre droit à des intérêts moratoires, à une indemnité forfaitaire et, le cas échéant, à une indemnisation complémentaire versés au créancier par le pouvoir adjudicateur et donne lieu, de plein droit et sans autre formalité, au versement d'une indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement, dont le montant est fixé à 40 euros680(*). Lorsque les frais de recouvrement exposés sont supérieurs au montant de l'indemnité forfaitaire, le créancier peut demander une indemnisation complémentaire, sur justification.

En tout état de cause, les intérêts moratoires et l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement doivent être payés dans un délai de 45 jours suivant la mise en paiement du principal681(*).

(2) Des retards de paiement aux conséquences considérables pour les entreprises

Les retards de paiement constituent une problématique majeure pour les entreprises, et en particulier pour les plus petites d'entre elles.

En évoquant les craintes des TPE et des PME en matière de commande publique, M. Jean-Marc Peyrical, président de l'Association pour l'achat dans les services publics (Apasp), note ainsi que « dans ce domaine, leur principale préoccupation tient aux délais de paiement. Être payé au bout de six mois pour une entreprise ou un artisan qui a besoin de trésorerie constitue un frein essentiel. Tant que ce sujet ne sera pas réglé, il n'y aura pas d'avancée concrète » 682(*).

Et de citer un exemple frappant : « Par exemple, en matière de sous-traitance, le mécanisme de paiement direct permet au sous-traitant d'être payé directement par la collectivité. Or, bien que le paiement direct soit d'ordre public, les sous-traitants demandent à être payés par l'entreprise, car celle-ci les paiera en temps et en heure, alors que la collectivité ne le fera pas. On contourne donc des règles d'ordre public, qui s'imposent, pour des questions de paiement »683(*).

D'après l'Observatoire des délais de paiement, les PME sont en effet les entreprises les plus pénalisées par les retards de paiement publics et privés. Ainsi, en l'absence de retards de paiement, des transferts de trésorerie à hauteur de 15 milliards d'euros auraient lieu des grandes entreprises et autres agents économiques vers les TPE et les PME.

Effets en trésorerie d'une absence de retards de paiement en 2021 et 2022

(en milliards d'euros)

Source : Observatoire des délais de paiement, rapport annuel 2023

L'État et les collectivités territoriales font figure de bons élèves en la matière : le délai global de paiement national des services de l'État atteignait 14,5 jours en 2023, en progression de 0,6 jour sur un an, tandis que le délai global de paiement moyen des collectivités territoriales hexagonales restait stable, à 19,6 jours684(*).

Ces données ne doivent toutefois pas masquer les retards de paiement d'une part significative des collectivités territoriales. De fait, toujours selon l'Observatoire des délais de paiement, 22 % des collectivités de 3 500 habitants et plus affichaient un délai global de paiement supérieur à 30 jours en 2023.

Les établissements publics de santé, quant à eux, font face à des difficultés financières spécifiques, qui ont été mises en lumière par Mme Cécile Chevance, responsable du pôle « Offres » de la Fédération hospitalière de France (FHF) : « Les difficultés de trésorerie que rencontrent certains établissements de santé doivent être soulignées, en raison de leur situation financière dégradée, ce qui induit une dégradation des délais de paiement, ceux-ci atteignant 61,2 jours en 2023 selon l'Observatoire des délais de paiement, soit une augmentation de 16 % entre 2019 et 2024, ce qui peut impacter les réponses des soumissionnaires ou leurs tarifs »685(*).

Dans un tel contexte, l'allongement des délais de paiement de ces établissements est inévitable : « Certains établissements sont presque exsangues en matière de trésorerie et peinent à payer leurs factures. Les charges salariales et les emprunts étant décaissés régulièrement, leur marge de manoeuvre repose sur les délais de paiement des fournisseurs et les dettes sociales et fiscales, deux postes en augmentation. Malgré tout, nous veillons à ne pas mettre en difficulté les fournisseurs, particulièrement ceux en situation vulnérable »686(*).

Compte tenu des enjeux que présente, tant pour eux que pour les entreprises concernées, le paiement des factures dans un délai raisonnable, la commission d'enquête tient à alerter le Gouvernement sur cette situation extrêmement préoccupante et l'appelle à assurer aux établissements publics de santé des moyens financiers suffisants pour acquitter les sommes dont ils sont redevables dans le délai de droit commun de 30 jours.

Recommandation n° 48. - Donner aux établissements publics de santé les moyens nécessaires pour régler leurs factures dans un délai de 30 jours.

La longueur excessive des délais de paiement constitue par ailleurs un problème endémique outre-mer, comme l'a souligné la Fédération des entreprises d'outre-mer (Fedom) : « Il est vrai que les acheteurs publics ultramarins se caractérisent par des délais de paiement excessifs, au détriment des entreprises »687(*).

En s'appuyant notamment sur les données des rapports annuels économiques de l'Institut d'émission des départements d'outre-mer (Iedom), la Fedom dresse un constat sans appel : « Le délai légal de paiement maximal est fixé par la loi à 30 jours pour les collectivités et à 50 jours pour le secteur hospitalier. En 2023, il a atteint 113,2 jours pour le BTP martiniquais. La même année, la moitié des entreprises guadeloupéennes du secteur sont en moyenne payées après 116 jours (contre 60 jours dans l'Hexagone). Le quart d'entre elles enregistre des délais de paiement au-delà de 180 jours. Selon les données du Fichier bancaire des entreprises (Fiben) 2022 pour les entreprises mahoraises de la construction, le quartile s'établit cette fois à 146,3 jours (contre 86,7 jours dans l'Hexagone) »688(*). Au total, « les retards de paiement de la sphère publique se répercutent sur les délais de paiement interentreprises et alourdissent nettement les besoins en fonds de roulement (BFR) des entreprises. Le BFR est d'au moins 52 jours pour la moitié des sociétés guadeloupéennes du BTP, contre seulement 26 jours dans l'Hexagone »689(*).

Les retards de paiement représentent aujourd'hui près de 40 % des saisines du Médiateur des entreprises. M. Pierre Pelouzet, qui assume ces fonctions, note à ce propos qu'« il peut s'agir aussi bien d'une facture restée sous le coude ou coincée dans je ne sais quel logiciel, notamment Chorus Pro dans le secteur public ou SAP dans le secteur privé, que d'une réception incomplète ou d'un service fait de manière incomplète »690(*).

Comportements de paiement des acheteurs publics en 2023

Source : Observatoire des délais de paiement, rapport annuel 2023.

Or, ainsi que l'a relevé la CCI Paris Île-de-France, ces chiffres ne tiennent pas compte des « délais cachés » résultant du comportement de certains acheteurs publics. Selon elle, ces délais « se matérialisent par des validations préalables de factures hors Chorus Pro en retardant le dépôt ou par des rejets illégaux de factures sur la plateforme (erreur de montants, finances non disponibles) conduisant à retarder le point de départ du règlement »691(*).

En outre, il est apparu, au cours des auditions menées par la commission d'enquête, que, de plus en plus souvent, les comptables publics faisaient preuve d'une rigueur excessive dans le contrôle de la régularité de la dépense qu'ils exercent et se livraient à une réinterprétation des clauses contractuelles excédant leur office pour rejeter les ordres de paiement émis par les acheteurs publics.

Pourtant, dans le même temps, les entreprises françaises sont celles qui, en Europe, recourent le moins aux mécanismes d'indemnités en cas de retard de paiement. D'après l'Observatoire des délais de paiement, seuls 39 % d'entre elles y faisaient appel en 2023, contre 47 % en moyenne en Europe.

Proportion d'entreprises exerçant (systématiquement ou parfois) le droit de réclamer l'indemnité pour frais de recouvrement et les intérêts compensatoires

Source : Observatoire des délais de paiement, rapport annuel 2023

Ce phénomène résulte sans doute des difficultés rencontrées dans ce cadre par les entreprises. La CCI Paris Île-de-France souligne ainsi que « les intérêts moratoires, qui sont de droit, doivent souvent être réclamés par les entreprises, voire négociés »692(*).

Face à cette situation, les pouvoirs publics ont créé le label « Relations fournisseurs et achats responsables » (RFAR), dont l'attribution est conditionnée, entre autres, au respect des délais réglementaires de paiement et à l'optimisation du temps de traitement des factures.

Le label « Relations fournisseurs et achats responsables » : un gage d'excellence

Depuis 2017, date à laquelle il a remplacé le label « Relations fournisseurs responsables » (RFR), lui-même créé en 2012, le label RFAR « distingue les entreprises ou entités publiques françaises ayant fait la preuve de relations durables et équilibrées avec leurs fournisseurs ». Il est décerné pour une durée de trois ans et fait l'objet d'une revue annuelle.

Adossé à la norme internationale ISO 20 400 sur les achats responsables, ce label porte spécifiquement sur l'équilibre et la qualité des relations entre donneurs d'ordre et fournisseurs pour garantir la réalisation d'achats à incidence positive.

Il repose sur la charte RFAR, pilotée par le Médiateur des entreprises et le Conseil national des achats (CNA), qui comporte dix engagements visant à « la construction d'une relation équilibrée et durable entre les organismes signataires et leurs fournisseurs, dans la connaissance et le respect des droits et devoirs respectifs de chaque partie ».

M. Pelouzet, Médiateur des entreprises, a insisté sur l'intérêt de ces outils pour la diffusion des bonnes pratiques : « Nous avons porté le parcours national des achats responsables, qui se décompose en plusieurs étapes et intègre notamment la charte RFAR, laquelle a été signée à ce jour par près de 3 000 acteurs - nous en recensions 2 800 à la fin de 2024. Avec toute une série d'outils d'autodiagnostic et d'aide ainsi que de bonnes pratiques, cette charte amène l'ensemble des acteurs de l'économie, qu'ils soient publics ou privés, petits ou grands, vers un label exceptionnel. Nous n'en sommes pas conscients, mais la France est le pays leader en matière d'achats responsables. Elle a porté au niveau mondial les travaux relatifs à la norme ISO et aux achats responsables. Nous pouvons être fiers de cette norme, sur laquelle s'appuie notre label. L'obtention de ce dernier signifie que l'entité labellisée respecte les meilleures pratiques non seulement françaises, mais aussi mondiales »693(*).

80 % des achats de l'État sont aujourd'hui labellisés. Au total, 120 organismes disposent du label RFAR contre 50 en 2019. Ainsi, pour M. Pelouzet : « Nous sentons donc une appétence pour la responsabilité, et en particulier au travers du levier des achats, au moins autant du côté du public que de celui du privé »694(*).

Parmi les principaux organismes labellisés figurent les ministères économiques et financiers - dont la DAE et les 13 PFRA - et ceux de l'intérieur, des armées, de l'éducation nationale et de la justice, les conseils départementaux des Hauts-de-Seine et des Yvelines, la région Centre-Val de Loire, la ville et la métropole de Toulouse, le centre hospitalier universitaire (CHU) régional de Nancy, l'Ugap, le Réseau des achats hospitaliers (Resah), EDF, Enedis, GRDF, La Poste ou encore la SNCF.

Dans une logique de justice et pour mieux garantir les droits des entreprises, la commission d'enquête juge nécessaire de rappeler le caractère obligatoire, pour les acheteurs publics, du versement des intérêts moratoires en cas de retard de paiement, de façon automatique, sans que les entreprises aient besoin d'en faire la demande.

Recommandation n° 49. - Garantir le versement automatique des intérêts moratoires en cas de retard de paiement relevant de la responsabilité de l'ordonnateur.

Quoi qu'il en soit, il n'est pas acceptable que les conséquences des retards de paiement de certains acheteurs soient financées par les deniers publics.

Aussi la commission d'enquête demande-t-elle que le Gouvernement rappelle aux services de l'État leurs obligations réglementaires en la matière et leur enjoigne de veiller scrupuleusement à les respecter.

Une communication sur cette question à l'endroit des collectivités territoriales et des établissements publics hospitaliers, mettant en avant les conséquences que produisent les retards de paiement sur la trésorerie des entreprises, serait également la bienvenue pour sensibiliser l'ensemble des acheteurs publics.

Recommandation n° 50. - Communiquer à l'endroit de l'ensemble des acheteurs publics sur les conséquences des retards de paiement pour les entreprises et enjoindre aux services de l'État de respecter les délais réglementaires de paiement.

(3) Davantage mobiliser les avances pour soutenir les TPE et PME

Au-delà de ces dispositions, et de façon générale, il est important d'augmenter le taux d'avance pratiqué par les différents acheteurs publics à destination des titulaires de leurs marchés, et notamment des TPE et des PME.

Les avances

L'acheteur doit accorder une avance au titulaire d'un marché lorsque le montant initial de celui-ci est supérieur à 50 000 euros HT et dans la mesure où le délai d'exécution est supérieur à deux mois695(*). Il peut toutefois prévoir le versement d'une avance dans les cas où elle n'est pas obligatoire696(*). En tout état de cause, le titulaire du marché peut refuser le versement de l'avance697(*).

Lorsque la durée du marché est inférieure ou égale à 12 mois, le montant de l'avance est fixé entre 5 % et 30 % du montant initial TTC du marché698(*). Lorsqu'elle est supérieure à cette durée, le montant de l'avance est fixé entre 5 % et 30 % d'une somme égale à 12 fois le montant initial TTC du marché divisé par sa durée exprimée en mois.

Lorsque le titulaire du marché public ou son sous-traitant admis au paiement direct est une PME, le taux minimal de l'avance est porté à :

- 30 % pour les marchés publics passés par l'État ;

- 10 % pour les marchés publics passés par les établissements publics administratifs (EPA) de l'État, autres que les établissements publics de santé, dont les charges de fonctionnement constatées dans le compte financier au titre de l'avant-dernier exercice clos sont supérieures à 60 millions d'euros ;

- 10 % pour les marchés publics passés par les collectivités territoriales, leurs établissements publics et leurs groupements, dont les dépenses réelles de fonctionnement constatées dans le compte de gestion du budget principal au titre de l'avant-dernier exercice clos sont supérieures à 60 millions d'euros.

Les collectivités territoriales, leurs établissements publics et leurs groupements peuvent conditionner le versement de l'avance à la constitution d'une garantie à première demande, laquelle peut porter sur tout ou partie de l'avance. Les deux parties peuvent s'accorder pour substituer à cette garantie une caution personnelle et solidaire. La constitution de cette garantie ne peut toutefois être exigée des personnes publiques titulaires d'un marché.

Au surplus, l'acheteur peut porter le montant de l'avance au-delà de 30 % du montant ainsi calculé et peut alors en conditionner le versement à la constitution d'une garantie à première demande, laquelle peut porter sur tout ou partie de l'avance699(*). Là encore, les deux parties peuvent s'accorder pour substituer à cette garantie une caution personnelle et solidaire, tandis que la constitution de cette garantie ne peut être exigée des personnes publiques titulaires d'un marché.

Certains acheteurs publics montrent d'ores et déjà l'exemple en la matière, à l'instar de la région Bretagne, qui accorde une importante avance de 60 %, sans garantie financière, aux titulaires de ses marchés qui en font la demande.

La commission d'enquête préconise à tout le moins d'inciter les acheteurs publics à fixer, autant que faire se peut, le taux d'avance à 30 % lorsqu'ils attribuent un marché à une TPE ou à une PME.

Recommandation n° 51. - Inciter tous les acheteurs publics à porter à 30 % le taux d'avance à destination des TPE et des PME.

c) Garantir l'équilibre et la transparence dans la notation des offres
(1) La préservation de l'équilibre des critères de notation des offres et la publication de la méthode de notation favoriseraient une meilleure adaptation des offres au besoin des acheteurs

D'autres propositions portant sur la notation des offres sont revenues avec insistance tout au long des travaux de la commission d'enquête.

En premier lieu, il apparaît que certaines méthodes de notation déséquilibrent la pondération entre les critères fixés par l'acheteur public. Ainsi, selon M. François Maréchal, économiste, professeur des universités à l'université Marie et Louis Pasteur, spécialiste de la commande publique, dans la mesure où la note attribuée à une entreprise candidate ne dépend pas seulement de son offre, mais aussi de celles de ses concurrents, « (...) l'annonce des pondérations sans précision sur la méthode de notation peut être trompeuse, puisque le choix de la méthode peut significativement altérer l'importance réelle des critères. La jurisprudence n'impose pas l'attribution de la note maximale à la meilleure offre sur chaque critère. Cependant, cette pratique peut dénaturer les pondérations initialement annoncées, créant un décalage entre les intentions affichées et la réalité de l'évaluation »700(*).

Il convient donc à la fois de privilégier le recours à des pratiques plus appropriées et de mettre à la disposition des opérateurs économiques les éléments nécessaires pour leur permettre de mieux cerner les attentes des acheteurs publics et de répondre de façon plus appropriée aux besoins de ces derniers.

À cet égard, M. Arthur Miller, cofondateur et chief product officer (CPO) d'Explain, s'est interrogé sur le manque de données relatives aux marchés passés dont pâtissent les entreprises : « C'est par exemple une entreprise privée comme la nôtre qui a la meilleure base de données des délibérations des conseils municipaux. C'est bizarre, cela devrait être une donnée publique. Même chose pour les marchés publics. Si vous allez sur les sites du BOAMP ou la plateforme des achats de l'État (Place), vous avez du flux, mais pas d'historique : vous ne pouvez pas retrouver le dossier de consultation des entreprises d'un marché d'il y a trois ans. Ce n'est pas normal que ce soient des entreprises privées qui le fassent »701(*).

Au total, selon lui, « (...) il est essentiel de favoriser la transparence des données et de mieux faire connaître les critères appliqués, car il s'agit d'un aspect essentiel pour les nouveaux venus, moins bien informés que l'entreprise sortante. Il reste encore du travail à faire sur cet enjeu de la transparence afin de faciliter l'accès de tous à la commande publique »702(*).

Ce point de vue est d'ailleurs partagé par M. François Maréchal : « (...) Je me demande pourquoi l'acheteur ne pourrait pas exprimer clairement ses propres préférences. Dans l'exemple d'un marché de construction, pourquoi l'acheteur ne pourrait-il pas stipuler qu'il est prêt à payer 200 000 euros supplémentaires pour gagner trois mois sur le délai de livraison ? Cette transparence permettrait aux entreprises de comprendre précisément les enjeux et de formuler des offres véritablement concurrentielles »703(*).

De fait, l'opacité des méthodes de notation n'est pas optimale d'un point de vue économique : « Je ne suis pas convaincu que la transparence entraînerait nécessairement une augmentation des offres anormalement basses. Ces offres résultent généralement soit d'une erreur de l'entreprise, soit d'une stratégie visant une renégociation ultérieure. Je pense au contraire que la concurrence serait plus efficace si les entreprises connaissaient précisément les critères d'évaluation. Actuellement, avec des méthodes de notation opaques ou dépendant de facteurs externes, les entreprises peuvent être tentées de proposer des offres inadaptées ».

Aussi France Digitale suggère-t-elle notamment de fournir des précisions aux soumissionnaires sur la méthodologie d'instruction des offres. La publication de la méthode de notation des offres, en particulier, serait de nature à favoriser une meilleure adéquation de l'offre par rapport au besoin de l'acheteur public.

Recommandation n° 52. - Promouvoir des méthodes de notation ne valorisant pas automatiquement, par l'attribution de la note maximale sur chaque critère de notation des offres, la meilleure offre sur chaque critère ou celle qui propose le prix le plus bas, afin de ne pas dénaturer la pondération entre ces critères.

Recommandation n° 53. - Rendre obligatoire la publication par l'acheteur public de la méthode de notation des offres dans le cadre de la passation d'un marché public.

(2) Compte tenu de l'hétérogénéité des régimes de TVA applicables aux entreprises, l'analyse des offres serait plus équitable si elle était menée sur la base du prix hors taxes

D'autre part, des interrogations ont été formulées quant à la base retenue pour l'évaluation du critère du prix lorsque les entreprises soumissionnaires sont assujetties à des taux de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) différents. C'est notamment le cas dans des situations où la concurrence transfrontalière est forte.

En effet, les juridictions administratives divergent sur cette question : en 2016, la cour administrative d'appel de Bordeaux considérait que « la régularité d'une méthode de notation de prix de prestations s'apprécie sans considération de la situation particulière de chacune des entreprises candidates et ne saurait donc dépendre, notamment de leur situation fiscale respective au regard de la taxe sur la valeur ajoutée »704(*), tandis que la cour administrative d'appel de Toulouse a plus récemment rappelé que « le montant du prix dont le pouvoir adjudicateur est débiteur dans le cadre d'un marché public de services correspond aux frais qu'il doit engager pour obtenir cette prestation, ces frais comprennent, en règle générale, la taxe sur la valeur ajoutée, élément indissociable du coût de la prestation, à moins que le pouvoir adjudicateur ne relève d'un régime fiscal lui permettant normalement de déduire tout ou partie de cette taxe de celle qu'il a perçue à raison de ses propres opérations »705(*).

Du reste, en leur article 10, les CCAG des marchés publics de fournitures courantes et de services, des marchés publics de prestations intellectuelles et des marchés publics de techniques de l'information et de la communication disposent que « les prix sont réputés comprendre toutes les charges fiscales ou autres frappant obligatoirement les prestations, les frais afférents au conditionnement, au stockage, à l'emballage, à l'assurance et au transport jusqu'au lieu de livraison, ainsi que toutes les autres dépenses nécessaires à l'exécution des prestations, les marges pour risque et les marges bénéficiaires ».

En revanche, l'article 9 du CCAG des marchés publics de travaux indique que « les prix sont réputés comprendre toutes les dépenses résultant de l'exécution des travaux et prestations, y compris les frais généraux, impôts et taxes, et assurer au titulaire une marge pour risques et bénéfice. Toutefois, les prix sont indiqués dans le marché hors taxe sur la valeur ajoutée ».

L'utilisation des CCAG n'est toutefois pas obligatoire, ceux-ci ne s'appliquant qu'aux marchés publics qui s'y réfèrent expressément. Il est également permis aux acheteurs publics de s'y référer tout en dérogeant à certaines de leurs clauses dans les documents particuliers du marché.

Il paraît dès lors nécessaire de clarifier cette situation en inscrivant dans le code de la commande publique le principe de la comparaison des offres sur la base du prix hors taxes, de façon à assurer un traitement équitable à tous les soumissionnaires, qu'ils soient assujettis ou non à la TVA et quel que soit le taux qui leur est applicable.

Recommandation n° 54. - Rendre obligatoire, dans le cadre de la comparaison des offres, l'évaluation du critère du prix sur la base des prix hors taxes.

F. SÉCURISER ET FORMER LES ACHETEURS PUBLICS POUR LIBÉRER LES ÉNERGIES

1. Redonner confiance aux acheteurs dans la commande publique
a) Un risque pénal limitant le potentiel de la commande publique : le délit de favoritisme
(1) Les contours actuels du délit de favoritisme suscitent une crainte paralysante chez les acheteurs publics

« (...) La forte pénalisation des infractions, dont celle du délit de favoritisme, rétroagit de manière puissante sur l'ensemble des services et des acheteurs publics, qui n'ont plus qu'une seule idée en tête, à savoir la sécurité juridique du processus, face à un droit complexe et à des sanctions potentiellement lourdes, sur le plan pénal, tant pour eux que pour les élus »706(*).

C'est en ces termes que M. Boris Ravignon, maire de Charleville-Mezières et auteur du rapport intitulé « Coût des normes et de l'enchevêtrement des compétences entre l'État et les collectivités : évaluation, constats et propositions », remis au Gouvernement en mai 2024, a présenté cet éminent enjeu d'actualité de l'achat public, en l'illustrant d'un exemple concret : « Dans ma collectivité, juste avant que je ne prenne mes fonctions, la quasi-totalité du service de la commande publique s'est retrouvée au service régional de police judiciaire (SRPJ) pour s'expliquer sur la passation d'un marché d'assainissement. Bien que l'affaire se soit soldée, quatre ans plus tard, par un non-lieu total pour l'ensemble des fonctionnaires mis en cause, ils ont néanmoins tous vécu une expérience éprouvante. Les élus n'étaient pas non plus rassurés par la tourne prise par les évènements »707(*). Et de conclure : « Ce contexte de pénalisation aboutit à ce que la sécurité juridique devienne l'objet principal, ce qui est préjudiciable ».

L'ensemble des acheteurs publics entendus par la commission d'enquête ont confirmé ce constat affligeant. Ainsi, par exemple, de M. Jean-Luc Baras, président du Conseil national des achats (CNA) : « (...) À mon avis, la rigidité ne tient pas tant aux textes, même s'il y en a trop, mais à leur application. C'est paradoxal ! Le cadre juridique de la commande publique et les guides mis à la disposition des acheteurs permettent de multiples possibilités d'intervention, mais celles-ci sont souvent mal utilisées, peut-être en raison de la crainte des sanctions encourues par les acheteurs. Je fais référence au délit de favoritisme, que je ne remets pas en cause et dont je reconnais le rôle, mais qui a un impact certain sur la prise de décision »708(*).

De fait, aux termes de l'article 432-14 du code pénal, est puni de deux ans d'emprisonnement et d'une amende de 200 000 euros, dont le montant peut être porté au double du produit tiré de l'infraction, le fait, pour une personne dépositaire de l'autorité publique, chargée d'une mission de service public, investie d'un mandat électif public ou exerçant les fonctions de représentant, d'administrateur ou d'agent de l'État, des collectivités territoriales, des établissements publics, des sociétés d'économie mixte (SEM) d'intérêt national chargées d'une mission de service public et des SEM locales ou pour toute personne agissant pour le compte d'une telle personne de procurer ou de tenter de procurer à autrui un avantage injustifié par un acte contraire aux dispositions législatives ou réglementaires ayant pour objet de garantir la liberté d'accès et l'égalité des candidats dans les marchés publics et les contrats de concession.

Le juge est par ailleurs tenu de prononcer, conformément aux articles 131-26-2 et 432-17 du même code, une peine complémentaire d'inéligibilité à l'encontre de toute personne condamnée pour favoritisme, sauf décision spécialement motivée.

Or, comme le souligne le CNA, « un aspect fondamental du risque pénal dans la commande publique est que le délit peut être reconnu même en l'absence d'intention criminelle, d'enrichissement personnel ou de volonté morale malveillante »709(*).

Ainsi, « un acheteur public peut se retrouver pénalement responsable simplement en raison d'une erreur technique ou d'une omission administrative, sans qu'il y ait eu de mauvaise foi ou d'intention de fraude »710(*). Dès lors, « connaissant ce risque, l'acheteur public considère qu'il n'a pas le droit à l'erreur. (...) Cela rend les acheteurs publics particulièrement prudents et averses au risque, souvent au détriment de l'innovation et de la flexibilité nécessaires pour répondre efficacement aux besoins des prescripteurs ».

En effet, ainsi que le rappelle le rapport remis en mars 2025 au Premier ministre par M. Christian Vigouroux, président de section honoraire au Conseil d'État, intitulé « Sécuriser l'action des autorités publiques dans le respect de la légalité et des principes du droit », le champ du délit de favoritisme est extrêmement large.

À titre d'exemple, celui-ci est caractérisé dès lors qu'un avantage concurrentiel a été attribué à une entreprise du seul fait du non-respect des principes du droit de la commande publique, même si l'entreprise en question ne s'est pas vue attribuer le marché in fine711(*). En outre, l'absence d'enrichissement personnel est sans incidence sur la caractérisation du délit. Du reste, ce dernier peut être commis dans le cadre de la passation de marchés sans publicité ni mise en concurrence préalables, dès le premier euro.

Enfin, et surtout, l'accomplissement, en connaissance de cause, d'un acte contraire aux dispositions législatives et réglementaires ayant pour objet de garantir la liberté d'accès et l'égalité des candidats aux marchés publics suffit à établir l'élément intentionnel du délit712(*). Le rapport de M. Vigouroux précise à ce propos que « l'élu ou l'agent public ne peuvent invoquer comme cause d'exonération de responsabilité pénale leur ignorance de cette législation. Ils sont présumés connaître les règles de la commande publique. C'est uniquement dans l'appréciation portée par le parquet sur l'opportunité des poursuites puis, le cas échéant, lors du choix de la sanction pénale, que cette circonstance pourra être prise en compte ».

Pourtant, « l'immense majorité des élus sont honnêtes et dévoués », comme le rappelle justement l'AMF. M. Emmanuel Sallaberry, maire de Talence et coprésident de la commission des finances de l'AMF, a ainsi souligné que « les élus craignent souvent la sanction des juges, car elle s'applique immédiatement en cas de manquement ou d'écart », ajoutant : « Certes, nous sommes dans un pays de droit, mais très souvent, les erreurs sont le résultat non pas d'une volonté frauduleuse, mais d'une méconnaissance de l'ensemble des réglementations applicables, qui sont modifiées quelques mois après leur adoption. Par ailleurs, certaines réglementations annexes mettent du temps à être votées, nous laissant dans une forme d'interprétation plus personnelle »713(*).

Si, selon M. Hervé Fournier, conseiller municipal de Nantes et co-président du forum de l'achat public durable de France urbaine, « les grandes collectivités sont moins exposées »714(*), dans la mesure où elles disposent d'agents dédiés à la sécurisation des procédures, cette problématique inquiète en particulier les maires ruraux, moins bien armés face à la complexité du droit de la commande publique. Aussi M. Joël Marivain, maire de Kerfourn et président de l'Association des maires ruraux du Morbihan, s'est-il exclamé : « Heureusement que nous ne pensons pas au pénal ! Sinon, nous démissionnerions »715(*).

Il est particulièrement regrettable que des élus n'ayant jamais eu l'intention de favoriser un opérateur économique au détriment des autres puissent être pénalement sanctionnés pour une erreur liée à leur méconnaissance de la réglementation. À cet égard, la commission d'enquête partage entièrement le point de vue de M. Sallaberry : « La quasi-totalité des élus sont de bonne foi, même quand ils se trompent. Parfois, certaines situations dépassent l'entendement. Lorsqu'un élu obtient un rabais sur une procédure formalisée, il oublie l'intangibilité de l'offre sans forcément s'en rendre compte »716(*).

(2) Si le risque pénal pesant sur les acheteurs publics doit être relativisé, d'autres types de risques sont susceptibles de générer des comportements de sécurisation

Il convient de noter qu'en dehors du risque pénal que les conditions de leur passation peuvent faire encourir aux élus, les contrats de la commande publique sont également exposés à un risque de contentieux devant le juge administratif susceptible d'entraîner leur annulation.

C'est d'ailleurs dans celui-ci que la Cour des comptes identifie la cause du recours limité à des critères environnementaux pour l'évaluation des offres. En estimant limité le nombre des recours formés contre des contrats attribués en tenant compte de critères environnementaux, M. Guilhem Blondy, conseiller maître à la Cour des comptes, a établi un lien entre cet avis et le recours extrêmement modéré à de tels critères : « Bien que nous n'ayons pas de chiffres à vous fournir, nous avons l'intuition qu'il n'y a pas de contentieux, car les acheteurs n'utilisent pas ces critères de manière discriminante par crainte d'être contestés s'ils y recouraient plus largement »717(*).

Selon M. Jean-Marc Joannès, rédacteur en chef d'achatpublic.info, ce serait ce risque-ci que craindraient la plupart des acheteurs publics : « Il est souvent avancé que ce qui peut paralyser acheteurs, agents et élus, c'est la peur du juge pénal, « l'épée de Damoclès ». La réalité contentieuse monte que la crainte du risque pénal n'est pas aussi présente. Pas plus que le contrôle de légalité en désuétude. Ce que craint l'acheteur public, c'est plutôt l'annulation de la procédure en référé, par le recours des candidats évincés »718(*).

Des vues qui ne diffèrent pas de celles de M. Jean-Marc Peyrical, président de l'Association pour l'achat dans les services publics (Apasp) : « Je mets à l'écart le contentieux pénal que j'évoquais tout à l'heure, parce qu'il n'est pas si important que cela : une trentaine de décisions de la Cour de cassation par an pour favoritisme sur 500 000 procédures annuelles. On le dramatise peut-être un peu, même s'il y a des décisions difficiles »719(*).

Dans le même temps, les collectivités territoriales sont soumises au contrôle de légalité pour leurs actes relatifs à la commande publique, conformément aux articles L. 2131-2 (communes), L. 3131-2 (départements), L. 4141-2 (régions) et L. 5211-3 (EPCI) du code général des collectivités territoriales. À titre d'exemple, dans le Morbihan, ces actes représentaient en 2024 19 % du total des actes reçus par le contrôle de légalité, les irrégularités constatées concernant principalement les conditions de mise en oeuvre de la procédure adaptée et les principes de la mise en concurrence : respect des délais de publicité, recours à la négociation alors qu'elle n'était pas précisée dans les documents de la consultation, mauvaise application des critères de jugement des offres720(*).

Il apparaît pourtant que, d'une part, le contentieux de la commande publique ne contribue qu'assez légèrement à l'encombrement des juridictions administratives, avec, selon le rapport public 2025 du Conseil d'État, 5 393 décisions rendues en 2024 sur un total de 295 432, soit 1,8 % du nombre total de décisions rendues721(*), et, d'autre part, que le délit de favoritisme ne donne pas lieu à un contentieux de masse devant les juridictions judiciaires.

En effet, les données communiquées à la commission d'enquête par la direction des affaires criminelles et des grâces (DACG) du ministère de la justice montrent que, sur la période 2014-2023, seules 211 condamnations ont été prononcées pour une infraction principale de favoritisme susceptible d'être commise par un décideur public. Dans plus de 57 % des cas, le tribunal a prononcé une peine d'amende ferme, pour un montant moyen de 10 548 euros.

M. Joannès appelle toutefois à tenir compte du risque lié à la responsabilité financière des gestionnaires publics (RFGP), dont le régime a récemment été modifié.

Le nouveau régime de responsabilité financière des gestionnaires publics

Jusqu'au 31 décembre 2022 coexistaient deux régimes distincts de responsabilité financière :

- le régime de responsabilité personnelle et pécuniaire (RPP) des comptables publics devant le juge des comptes, dont la finalité était réparatrice - un comptable public auteur d'un manquement ayant causé un préjudice financier à un organisme public était mis en débet722(*) ;

- et le régime de responsabilité des ordonnateurs devant la Cour de discipline budgétaire et financière (CDBF), dont la finalité était répressive - un ordonnateur ayant commis une infraction financière était condamné à une amende723(*).

Depuis le 1er janvier 2023 s'applique un nouveau régime unifié de RFGP, qui a abrogé le régime de RPP et étendu le régime de responsabilité des ordonnateurs aux comptables publics tout en l'assouplissant724(*).

Depuis lors, tout gestionnaire public qui, par une infraction financière, commet une faute grave ayant causé un préjudice financier significatif, est condamné à une amende, mais pas à indemniser l'organisme public concerné de l'éventuel préjudice financier occasionné par cette infraction. Ce contentieux est soumis en première instance à la chambre du contentieux de la Cour des comptes, puis à la cour d'appel financière avant de relever, en cassation, du Conseil d'État.

Comme auparavant, les élus locaux ne sont pas justiciables de la Cour des comptes au titre des infractions financières qu'ils peuvent commettre, à l'exception des cas de gestion de fait, d'octroi d'un avantage injustifié en cas de réquisition du comptable public, de défaut ou de retard d'exécution d'une décision de justice entraînant une astreinte ainsi que de défaut de paiement d'une condamnation pécuniaire dans le délai légal.

En effet, le Conseil d'État a récemment rejeté les recours formés contre une note du Secrétariat général du Gouvernement du 2 avril 2024 relative au nouveau régime de RFGP et à la protection fonctionnelle725(*).

Celle-ci demandait aux ministères de réserver l'attribution de cette protection aux agents faisant l'objet de poursuites pénales et de la refuser aux agents poursuivis devant la Cour des comptes, dans la mesure où ces derniers ne se trouvaient dans aucune des situations dans lesquelles la loi prévoit l'attribution de la protection fonctionnelle, la responsabilité financière n'étant assimilable ni à la responsabilité civile ni à la responsabilité pénale.

Le Conseil d'État a donc donné raison au Secrétariat général du Gouvernement en confirmant que les amendes infligées par la Cour des comptes n'ont pas le caractère d'une sanction pénale, tout en précisant qu'il est toujours loisible à l'administration d'apporter un soutien à un agent poursuivi devant la Cour des comptes, notamment par un appui juridique, technique ou humain dans la préparation de sa défense.

Considérant qu'il est « essentiel que ces agents se voient proposer un accompagnement par leur administration, adapté aux circonstances de chaque espèce », le Premier ministre a demandé aux membres du Gouvernement, par voie de circulaire, de prendre des mesures en ce sens :

- les administrations doivent identifier en leur sein et faire connaître l'entité qui fonctionnera comme un centre de ressources et sera chargée de mettre en oeuvre cet accompagnement ;

- l'administration où l'agent mis en cause était en poste au moment des faits qui lui sont reprochés doit lui permettre de disposer des archives papier ou numériques de son service, notamment des notes, correspondances et échanges de courriers ou de messages à même d'éclairer la juridiction sur les décisions prises par lui et sur le contexte dans lesquels se sont inscrits ces faits ;

- sauf lorsqu'ils estiment que l'agent a commis des fautes qui ne le justifient pas, les membres du Gouvernement doivent des ressources internes pour lui fournir un appui juridique, technique ou humain dans la préparation de sa défense726(*).

En dépit de ces garanties, M. Joannès fait état d' « une montée d'inquiétude très forte, allant jusqu'à la diffusion d'une pétition de la part du Syndicat national des directeurs généraux des collectivités territoriales (SNDGCT), relayée par France urbaine, autour du régime de RFGP » et estime que « la mise en place de sanctions financières à l'encontre des comptables et ordonnateurs publics en cas de « préjudice financier significatif » va inexorablement conduire à une forme de « sécurisation » de leur office »727(*).

b) Dépénaliser les cas de favoritisme les moins graves pour sécuriser les acheteurs publics

Face au risque pénal, qui constitue donc une source majeure de préoccupation pour les élus et leurs services achat, les associations d'élus ont mis en oeuvre un certain nombre de mesures de sensibilisation.

L'Assemblée des départements de France (ADF) indique ainsi que la majorité des départements ont déployé des chartes de déontologie de la commande publique à destination des élus et des agents, intégré dans le règlement des commissions d'appel d'offres (CAO) des dispositions rappelant les risques de conflit d'intérêts et les règles de déport à l'attention de leurs membres ou réalisé une cartographie des risques en matière d'achat pour les gestionnaires publics.

De son côté, l'AMF a publié avec l'Agence française anticorruption (AFA) un guide visant à accompagner les élus du bloc communal dans l'élaboration, la mise en oeuvre et le déploiement d'un dispositif de prévention des atteintes à la probité adapté à leur profil et à leurs moyens.

Néanmoins, il est aujourd'hui nécessaire d'aller plus loin pour sécuriser non seulement nos élus, mais aussi l'ensemble des acheteurs, et lever les freins qui pèsent sur la commande publique.

Certains, à l'exemple de M. Schlesinger, vice-président d'Intercommunalités de France, maire d'Olivet et premier vice-président d'Orléans Métropole, préconisent donc d'assouplir le dispositif répressif à leur encontre en consacrant un véritable droit à l'erreur : « (...) La sécurisation pénale des élus dans ce système très complexe est un enjeu important. Il serait pertinent d'envisager la reconnaissance d'un droit à l'erreur et de faire une place à la bonne foi. Les mécanismes de sanction sont parfois un peu formels, une simple méconnaissance de la procédure pouvant immédiatement constituer un délit. L'introduction d'une forme de droit à l'erreur ou de possibilité de rectification mériterait d'être étudiée pour éviter de faire prendre trop de risques aux élus sur ces questions, sachant qu'ils ne sont qu'un maillon dans une chaîne complexe »728(*).

De son côté, l'AMF souhaiterait que puisse être prise en compte la notion d'intérêt général : « (...) Comment demander aux maires de soutenir les PME et l'économie locale alors que le risque pénal demeure important et que le juge pénal se veut strict sur l'interprétation du code pénal, c'est-à-dire qu'il ne prend pas en compte l'intérêt général comme le fait le juge administratif ? »729(*).

Ces demandes ne sont pas le fait des seuls élus locaux, mais aussi de certains opérateurs économiques soucieux de favoriser l'accès des entreprises françaises, en particulier celles proposant des solutions innovantes, aux marchés publics. C'est le cas, par exemple, de M. Jérôme Lecat, PDG de Scality : « Enfin, je pense qu'il faut réviser la notion de délit de favoritisme, qui rend les agents très prudents et les conduit, pour ne pas prendre de risque, à préférer passer commande à des entreprises américaines. La définition du délit de favoritisme est propre à notre droit, c'est devenu un problème proprement français, il faut y travailler »730(*).

Le rapport de M. Christian Vigouroux formule justement une recommandation dans ce sens. Il lui paraitrait en effet « opportun d'ajouter dans le code pénal la mention selon laquelle l'agent ou l'élu qui méconnaît, même de façon délibérée, les règles de la commande publique n'engage pas sa responsabilité pénale lorsqu'il agit en vue d'atteindre un objectif d'intérêt général impérieux ».

Comme le souligne M. Vigouroux, l'imminence d'une échéance importante pour la collectivité, telle que les jeux Olympiques et Paralympiques, pourrait dès lors justifier la méconnaissance de certaines règles formelles en vue de l'achèvement d'un chantier, ce qui ne serait pas le cas de l'approche de la date d'expiration du mandat de l'élu concerné - et de son éventuel renouvellement...

La commission d'enquête soutient pleinement cette proposition, qui permettrait de faire la part des choses entre, d'une part, la nécessité née de l'urgence de la situation et, d'autre part, d'inexcusables abus.

M. Vigouroux suggère par ailleurs de réfléchir à une manière de mieux affirmer l'élément intentionnel du délit de favoritisme et trace plusieurs pistes à cet effet :

- réserver la peine d'emprisonnement aux seuls acheteurs ayant délibérément méconnu le droit de la commande publique, à l'exclusion de ceux qui l'ont méconnu par erreur ou négligence et de ceux qui n'ont agi de la sorte que pour atteindre un objectif d'intérêt général impérieux ;

- ne retenir la qualification de favoritisme « que si l'acte par lequel l'élu ou l'agent procure ou tente de procurer un avantage injustifié est « délibérément contraire » au droit de la commande publique », afin d'inciter les acheteurs publics à recourir à des procédures allégées dont « les conditions et les modalités concrètes de mise en oeuvre précise sont encore entourées d'incertitude » ;

- ne la retenir que lorsque l'acheteur public cherche « délibérément à octroyer un avantage injustifié », de façon à exonérer de responsabilité pénale non seulement les acheteurs qui se méprennent sur le droit applicable, mais aussi ceux qui le méconnaissent délibérément sans avoir l'intention de favoriser une entreprise par rapport à une autre, mais dans le but, par exemple, d'accélérer la réalisation du projet.

Si M. Vigouroux ne tranche pas entre ces trois options, la dernière a la préférence de la commission d'enquête, qui la juge mieux adaptée aux circonstances actuelles et aux enjeux évoqués par les personnes auditionnées.

En dehors du cadre pénal, une infraction administrative, l'octroi d'un avantage injustifié, se rapproche du délit de favoritisme.

De fait, tout justiciable des juridictions financières - à l'exclusion, donc, des élus - qui, dans l'exercice de ses fonctions ou attributions, en méconnaissance de ses obligations et par intérêt personnel direct ou indirect, procure à une personne morale, à autrui ou à lui-même, un avantage injustifié, pécuniaire ou en nature, est passible de sanctions731(*).

En l'occurrence, la juridiction peut prononcer à son encontre une amende d'un montant maximal égal à six mois de sa rémunération annuelle à la date de l'infraction, celle-ci devant être proportionnée à la gravité des faits reprochés, à l'éventuelle réitération de pratiques prohibées et, le cas échéant, à l'importance du préjudice causé à l'organisme732(*).

Comme le rappelait dernièrement auprès d'achatpublic.info M. Nicolas Groper, premier avocat général à la Cour des comptes, depuis la réforme de la RFGP, « la juridiction financière s'avère compétente seulement pour les manquements les plus graves. Son périmètre depuis la réforme a même été restreint, puisqu'il faut démontrer, pour cette infraction, dorénavant un « intérêt personnel ». Une condition quant à elle absente dans le code pénal, qui de fait, confère au juge pénal un périmètre beaucoup plus large. Autrement dit, la Cour des comptes se voit contrainte, en matière de commande publique, de renvoyer les affaires de moindre ampleur au pénal »733(*).

Dans le contexte évoqué par le présent rapport, la commission d'enquête juge cette situation incompréhensible.

Pour sa part, la procureure générale près la Cour des comptes, Mme Véronique Hamayon, s'est récemment déclarée favorable à un transfert des juridictions judiciaires vers la Cour des comptes de la charge de traiter les manquements les moins graves : « (...) Cette idée de dépénaliser une partie du délit de favoritisme, pour les cas où il n'y a pas d'enrichissement personnel ou de détournement, n'est pas nouvelle. Et vous l'aurez compris, j'y suis plutôt favorable... »734(*).

« Tenant compte du caractère récent de l'ordonnance du 23 mars 2022 et en l'absence d'effet clairement mesuré sur la charge du juge pénal, cet axe a été écarté en l'état » par la mission d'urgence relative à la dépénalisation, qui a toutefois préconisé de réévaluer les conséquences du nouveau régime de RFGP dans le cadre d'un futur bilan de sa réforme, « pour éviter de saisir les parquets des tribunaux judiciaires des dossiers qui ne le justifieraient pas »735(*).

Recommandation n° 55. - Exclure du champ du délit de favoritisme toute méconnaissance, même délibérée, du droit de la commande publique, lorsqu'elle visait à permettre d'atteindre un objectif d'intérêt général impérieux et lorsque l'acheteur, en le méconnaissant, même délibérément, n'avait pas l'intention d'octroyer un avantage injustifié.

2. Diffuser les bonnes pratiques et renforcer la formation des acheteurs publics
a) Diffuser plus largement les bonnes pratiques, notamment locales, en matière de marchés publics

Les travaux menés par la commission d'enquête lui ont permis de constater la créativité, l'agilité et la rigueur que savent mobiliser les élus locaux pour simplifier et optimiser la commande publique, tout en faisant preuve d'humilité.

L'expérience de leurs pairs et l'assistance de spécialistes sont ainsi régulièrement mises à contribution en milieu rural, comme le souligne M. Joël Marivain, maire de Kerfourn et président de l'Association des maires ruraux du Morbihan : « Certains maires n'hésitent pas à faire appel aux élus qui ont les compétences requises pour passer des marchés publics ou à recourir à des assistances à maîtrise d'ouvrage. D'autres sont plus précautionneux, par peur des contraintes juridiques, et font plutôt appel à une personne spécialisée sur le sujet dans le cadre de la communauté de communes, ou bien créent des groupements de commande »736(*).

Un certain nombre d'initiatives aussi intéressantes qu'innovantes ont ainsi été portées à la connaissance de la commission d'enquête. M. Jean-Marc Joannès, rédacteur en chef d'achatpublic.info, a notamment attiré son attention sur le cas d'Amiens Métropole : « Souvent, dans les collectivités territoriales, même dans celles qui disposent d'un formidable Spaser et ont décidé d'engager une politique d'achat durable et responsable, les élus ne s'expriment pas en commission d'appel d'offres, car ils n'ont pas la main sur les choix stratégiques et craignent de fragiliser la procédure. À Amiens Métropole, dans la mesure où la commande publique est politisée - au bon sens du terme -, les élus organisent un point régulier avec leur service achat et leurs services prescripteurs pour les amener à réfléchir et à travailler ensemble, par exemple en leur demandant pourquoi ils privilégient l'achat de matériel neuf plutôt que d'occasion. D'après nos informations, cette approche n'a pas été facile à mettre en place, certains se demandant à quel titre le politique s'immisçait dans le domaine juridique, mais elle fonctionne »737(*).

La diffusion des bonnes pratiques, qu'elles soient locales ou centrales, passe également par la publication de guides. M. Pierre Pelouzet, Médiateur des entreprises, a particulièrement insisté sur l'utilité de ces outils : « Nous essayons également de faire de la pédagogie. J'ai mentionné un certain nombre de guides que nous avons écrits ou co-écrits, notamment le guide des modes amiables de règlement des différends (Mard)738(*) ou celui des bonnes pratiques de paiement dans les travaux publics739(*). Nous avons également réalisé des livrets sur les marchés publics pour vulgariser ces sujets auprès des entreprises - et nous allons le refaire, car ils ont été bien accueillis -, en lien avec la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME), l'Union des entreprises de proximité (U2P) et le Mouvement des entreprises de France (Medef) et avec l'accord de la DAJ de Bercy. En discutant avec des chefs d'entreprise, nous nous sommes rendu compte que certains avaient peur de candidater à des appels d'offres, car ils n'en comprenaient pas tous les termes et se demandaient s'ils allaient être payés. Nous avons donc fait travailler un parterre de chefs d'entreprise pour déterminer la meilleure manière d'expliquer les marchés publics avec des mots simples. Cet outil a bien fonctionné et nous sommes en train de réfléchir à une nouvelle version »740(*).

De fait, ces guides permettent de sensibiliser les acheteurs publics sur certains leviers dont ils disposent pour soutenir les TPE et les PME : « Dans ces petits ouvrages, nous parlons de tout un tas de pratiques qui nous paraissent intéressantes, telles que les avances, la modulation des retenues de garantie, les conditions d'application des pénalités ou la fluidité des circuits de facturation. Beaucoup d'évolutions ont eu lieu sur ces sujets et nous nous en réjouissons, parce que cela aide les petites entreprises à accéder aux marchés publics »741(*).

L'éparpillement de ces initiatives ne favorisant pas leur lisibilité et la dernière édition du guide de bonnes pratiques en matière de marchés publics de la direction des affaires juridiques (DAJ) des ministères économiques et financiers datant de septembre 2014, la commission d'enquête recommande de mener un recensement national des bonnes pratiques en matière de marchés publics pour chaque type de marchés et chaque catégorie d'acheteurs publics.

Au terme de ce travail pourrait notamment être élaboré un clausier général de la commande publique diffusé auprès de l'ensemble des acheteurs publics de façon à généraliser l'usage des bonnes pratiques ainsi identifiées.

Recommandation n° 56. - Mener un recensement national des bonnes pratiques en matière de marchés publics pour chaque type de marchés et chaque catégorie d'acheteurs publics en vue de parvenir à l'élaboration d'un clausier général de la commande publique à diffuser auprès des acheteurs publics.

b) Mieux former les acheteurs publics pour garantir la sécurité et la performance de la commande publique
(1) La formation initiale et continue des acheteurs publics, un sujet cardinal

En France, la commande publique pâtit d'un déficit de formation des acheteurs qui en limite l'efficacité. Selon M. Grégory Kalflèche, professeur de droit public à l'université de Toulouse-Capitole, « on estime qu'environ 10 000 personnes travaillent dans le secteur de la commande publique, mais nombre d'entre elles n'ont pas reçu de formation initiale globale et ont appris sur le tas. Bien que certains soient devenus d'excellents professionnels, cette situation peut créer une incertitude face à des situations nouvelles. Les personnes ayant suivi une formation spécifique en commande publique sont généralement mieux équipées pour résoudre des problèmes inédits »742(*).

En conséquence, « [...] ce manque de vision globale contribue largement au sentiment de complexité de la commande publique. Il y a un réel problème de formation globale et une appréhension face aux situations inconnues qui accentuent cette perception de complexité »743(*).

Dans ce contexte, un certain nombre de mesures ont été mises en oeuvre, tant à l'échelle nationale qu'au niveau local, pour renforcer la formation des acheteurs publics.

Concernée au premier chef par cet enjeu, la DAE s'implique tout particulièrement en matière de formation, comme l'a rappelé M. François Adam, directeur des achats de l'État : « Nous avons créé plusieurs modules de formation, car la fonction achat revêt à la fois une dimension juridique, mais aussi des aspects tenant à la relation avec les fournisseurs, à l'exécution financière des marchés et aux enjeux liés à l'achat responsable. Ces formations, opérées par l'Institut de la gestion publique et du développement économique (IGPDE), sont ouvertes à tous les ministères. Développer des formations tenant compte des enjeux environnementaux de l'achat public est l'un des axes de travail importants pour les années à venir. Ainsi, nous créons cette année des formations certifiantes à l'achat responsable ; nous souhaiterions que d'ici trois à quatre ans, tous les acheteurs de l'État aient pu suivre l'une d'entre elles au moins une fois »744(*).

Or, la DAE fait face, dans cette démarche, à un certain nombre de difficultés : « C'est un sujet complexe, car le turnover n'est pas négligeable dans ces métiers ; il faut alors former les nouveaux entrants. En outre, il n'existe ni formation initiale [de telles formations existent bel et bien, cf. infra] ni corps spécifique pour les fonctions d'achat. Dans ce domaine, la professionnalisation des agents publics se fait non pas au début, mais en cours de carrière. Nous nous efforçons de leur proposer une offre de formation continue, même si c'est parfois complexe à organiser : il faut du temps, des crédits et les formations de quelques demi-journées ou quelques jours ne sont pas l'équivalent d'une formation de plusieurs mois »745(*).

La stratégie de formation des acteurs de la fonction achat de l'État

Il revient à la DAE de définir et de mettre en oeuvre la stratégie de formation des acteurs de la fonction achat de l'État et de ses établissements publics, qui fait l'objet de bilans réguliers lors du comité des achats de l'État.

En tant que chef de file de la filière des métiers « Achats publics », la DAE participe aux travaux interministériels pilotés par la direction générale de l'administration et de la fonction publique (DGAFP) sur la formation professionnelle des agents de la fonction publique de l'État, comme le schéma directeur de la formation professionnelle tout au long de la vie des agents 2024-2027 et la publication du répertoire des métiers de la fonction publique (RMFP).

Dans les formations qu'elle conçoit, elle veille à la prise en compte des enjeux croissants liés aux politiques publiques (performance économique, achats responsables sur le plan écologique et social, achats d'innovations, soutien aux filières françaises et européennes). Ce contexte implique une montée en compétence des acteurs à la fois sur les techniques métiers de l'achat et sur la connaissance d'un écosystème et d'une réglementation complexes. Or, certains acheteurs n'exercent leurs missions sur l'achat que ponctuellement, en particulier dans les services déconcentrés ou les établissements publics de taille modeste.

Au titre de l'année 2024, 4 824 stagiaires ont été formés aux achats dans les ministères (sessions de formation en présentiel), dont 291 sur une formation certifiante, et 6 900 agents se sont inscrits aux e-formations traitant de la commande et des achats publics sur la plateforme Mentor. Le nombre d'agents formés est en hausse constante depuis 2021, tandis que celui de formations certifiantes est substantiel, plus de 1 800 stagiaires des ministères et des établissements publics ayant été formés entre 2018 et 2024 via ces cursus, y compris sur des métiers experts tels que celui d'acheteur spécialisé en immobilier ou en informatique.

Par ailleurs, la DAE mène actuellement plusieurs actions pour renforcer l'accompagnement des acheteurs sur les achats comme levier de la transition écologique. Elle met en place, à partir de 2025, deux cursus certifiants sur les achats socialement et écologiquement responsables et bénéficie d'une assistance technique pour renforcer les compétences des acheteurs de l'État en matière de considérations environnementales, laquelle est financée par la Commission européenne et réalisée par l'OCDE. Les recommandations de l'OCDE, qui viennent d'être rendues746(*), et les expérimentations de formations pilotes en cours permettront à la DAE d'adapter son offre de formation et d'accompagnement des ministères et des établissements publics au plus proche de leurs besoins. Le projet de Spaser de l'État retient d'ailleurs un objectif de renforcement des formations à l'achat responsable sur la période 2025-2027.

Enfin, il faut noter que les ministères et les établissements publics font face à des difficultés de recrutement et de rétention des talents sur les postes d'acheteurs (fort turnover, prétentions salariales élevées pour les acheteurs issus du secteur privé, difficultés à attirer des fonctionnaires en l'absence de formations initiales dédiées aux achats). Dans la continuité d'actions précédentes, la DAE a engagé en juin 2024 une enquête sur les rémunérations dans la filière achats des services de l'État, actuellement en cours d'exploitation. Menée en collaboration avec la direction du budget et la DGAFP, celle-ci permettra d'objectiver les difficultés dont font état les ministères pour recruter des acheteurs.

Les collectivités territoriales ne sont pas en reste en la matière. France urbaine indique par exemple que, pour renforcer le suivi de l'exécution des marchés, essentiel à la performance de l'achat, la Métropole Nice Côte d'Azur a notamment mis en place des dispositifs de formation à destination des agents des directions opérationnelles747(*).

Il en va de même des départements, qui ont recours à des formations en externe, même si celles-ci « ne sont pas toujours assez qualifiantes ou onéreuses », selon l'Assemblée des départements de France (ADF), qui ajoute que « l'offre de formation via le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) est notamment trop limitée au regard de la complexité et de la technicité du domaine de la commande publique »748(*).

Par conséquent, certains départements créent et animent une offre de formation en interne, dans le cadre de laquelle des agents spécialisés dispensent des formations auprès de gestionnaires de marchés, leur communiquent des documents de vulgarisation et animent des temps de communication visant à mettre en valeur les achats menés ou à sensibiliser les gestionnaires sur certains sujets en lien avec l'actualité.

Certaines initiatives départementales visant à renforcer les connaissances des élus méritent à cet égard d'être mises en avant. Par exemple, selon l'ADF, les élus du département de la Gironde qui siègent à la commission d'appel d'offres (CAO) sont sensibilisés sur les enjeux de la commande publique au moment de leur prise de fonctions, tandis que dans le Gard, les conseillers départementaux sont régulièrement informés des achats de la collectivité dont le montant excède 25 000 euros.

En parallèle, l'effort de formation des acheteurs publics, et en particulier des élus, doit encore être accentué. En effet, pour M. Kalflèche, « il faut également travailler à la formation des élus. Bien que cela soit toujours ennuyeux pour eux, il s'agit d'un élément essentiel de leur travail, en tout cas pour ceux qui participent aux commissions d'appel d'offres ou qui réalisent des achats en lien avec les services. Une formation minimale dans ce domaine me semblerait vraiment utile »749(*).

Il est nécessaire, pour ce faire, de s'appuyer sur les associations d'élus, dont le maillage territorial constitue un véritable atout. M. Marivain, qui rappelle à cet égard que « la formation des jeunes élus est également essentielle », est notamment revenu sur l'exemple breton : « En Bretagne, l'Association régionale d'information des collectivités (Aric) propose une formation spécifique pour les élus. Celle-ci est indispensable, notamment dans la première année d'exercice du mandat. En tant que président de l'Association des maires ruraux du Morbihan, j'envisage avant les prochaines élections d'organiser des réunions par secteur géographique pour inciter les candidats à se former, à participer aux conseils municipaux, à aller consulter les documents administratifs pour s'imprégner de cette culture générale de base qu'ils doivent acquérir »750(*).

Aussi la commission d'enquête préconise-t-elle de prévoir une obligation de formation aux enjeux et au droit de la commande publique pour les élus membres d'une CAO dans un délai de six mois à compter de leur élection.

Recommandation n° 57. - Instaurer une obligation de formation aux enjeux et au droit de la commande publique pour les élus membres d'une commission d'appel d'offres.

Au-delà des seuls élus, il est impératif de renforcer la formation initiale des acheteurs publics, comme l'a recommandé M. Alain Bénard, président de l'Association des acheteurs publics (AAP) : « (...) Nous mesurons l'importance, comme pour tout métier, non seulement de la formation continue de l'acheteur public ainsi que des élus, mais aussi d'une solide formation initiale ; nous incitons donc au développement de programmes universitaires dédiés »751(*).

Il semble justement qu'une véritable demande s'exprime en la matière, à en croire M. Kalflèche : « La formation des élus et des fonctionnaires me paraît essentielle. J'ai d'ailleurs créé il y a quatre ans un master of business administration (MBA) « Juriste commande publique » [à l'université de Toulouse-Capitole]. J'ai reçu plus de 70 demandes provenant de toute la France pour suivre cette formation. L'année dernière, un participant est venu de Mayotte sept fois, tous les quinze jours, pour y assister. Tous ceux qui suivent ce parcours grimpent immédiatement dans la hiérarchie à la sortie, car ils acquièrent une vision globale dont peu de gens disposent. Il est crucial de multiplier ces formations »752(*).

Des initiatives locales dans ce domaine, dont la commission d'enquête a pu prendre connaissance lors de ses déplacements, méritent d'être saluées. Ainsi, à Redon, dans le Morbihan, le groupement d'intérêt public (GIP) CEI (Campus Esprit Industries) offre, au sein de l'école supérieure de logistique industrielle (ESLI), des formations, en alternance ou dans le cadre de la formation continue, permettant notamment d'obtenir un master « Manager logistique et achats industriels » (MLAI) avec une spécialisation en « Performance des achats publics ».

Ainsi que l'a indiqué M. Thierry Sauvage, directeur du GIP, ces formations, dont les effectifs représentent une soixantaine de diplômés par an, de bac + 3 à bac + 5, visent à répondre à la forte demande en ce sens, aussi bien chez les acheteurs publics que les grands fournisseurs industriels de l'État. L'objectif est également de développer la recherche dans ce domaine afin d'alimenter le système de formation, et de mieux former les acheteurs publics aux grandes transitions actuelles.

M. Sauvage a toutefois regretté que les collectivités territoriales ne puissent prendre en charge ces formations pour leurs agents, en raison de leur coût, compris en 7 000 et 10 000 euros, qui n'est pas couvert par le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT).

Le développement de programmes de ce type dans l'enseignement supérieur est fondamental pour permettre aux organismes publics de disposer de services achat solides et expérimentés, à même de garantir la sécurité des procédures et d'optimiser les retombées économiques de la commande publique. Il serait d'ailleurs particulièrement utile que des formations sensibilisant les acheteurs au lien entre commande publique et souveraineté numérique se développent.

Recommandation n° 58. - Renforcer la formation initiale des acheteurs publics en accompagnant plus fortement le développement des programmes universitaires consacrés à la commande publique, incluant les aspects de souveraineté et de durabilité.

Recommandation n° 59. - Créer un parcours de formation certifiant sur l'achat et la souveraineté numériques.

(2) Une nécessité pour contrecarrer l'omniprésence des assistants à maîtrise d'ouvrage

De fait, il convient de s'interroger sur la place prise dans la période récente par l'assistance à maîtrise d'ouvrage dans le cadre des procédures de la commande publique.

Le code de la commande publique permet au maître d'ouvrage de passer des marchés publics d'assistance à maîtrise d'ouvrage portant sur un ou plusieurs objets spécialisés, notamment en ce qui concerne tout ou partie de l'élaboration du programme, la fixation de l'enveloppe financière prévisionnelle de l'opération ou le conseil spécialisé dans un domaine technique, financier, juridique ou administratif753(*).

Le maître d'ouvrage peut également passer avec un conducteur d'opération un marché public ayant pour objet une assistance générale à caractère administratif, financier et technique754(*), étant entendu que la mission de conduite d'opération est incompatible avec toute mission de maîtrise d'oeuvre, de contrôle technique ou d'exécution de travaux portant sur la même opération et exercée soit par le conducteur d'opération directement, soit par une entreprise liée755(*).

Compte tenu de l'insuffisance des compétences juridiques ou techniques dont elles disposent, nombre de collectivités territoriales sont aujourd'hui contraintes de recourir à un assistant à maîtrise d'ouvrage (AMO ou Amoa) pour les aider à procéder à leurs achats ou à conduire une opération de travaux.

Dans certains cas, leur aide peut s'avérer précieuse. À titre d'exemple, SemBreizh, la société d'économie mixte de référence en Bretagne, qui intègre un critère environnemental dans l'ensemble des consultations relatives à des marchés de travaux, indique que la première version de son outil d'analyse de la performance environnementale des offres a pu être mise au point moyennant le recours à un AMO spécialisé.

En revanche, M. Matthieu Schlesinger, vice-président d'Intercommunalités de France, maire d'Olivet et premier vice-président d'Orléans Métropole, a témoigné devant la commission d'enquête de la dépendance de certaines collectivités à l'égard des AMO : « [...] Le rôle des AMO est crucial, car ni notre commune ni notre intercommunalité ne savent passer certains marchés. La plupart des contrats que nous passons sont rédigés par nos AMO, qui élaborent ces documents dans de nombreuses collectivités, que nous ajustons parfois avec nos spécificités. Lorsque nous retenons un AMO, nous retenons un savoir-faire, une expérience et des modèles éprouvés »756(*).

Une illustration de ce phénomène a d'ailleurs été fournie par ses soins à la commission d'enquête : « Auparavant, notre commune était rattachée à Approlys Centr'Achats, une grande centrale d'achat, pour sa fourniture d'électricité. Cette mutualisation permettait d'obtenir des conditions avantageuses, tant en termes de prix que de structuration de l'offre, grâce à des mécanismes d'optimisation financière rendus possibles par le volume important d'achat. La contrepartie est que nous ne disposions pas de facture détaillée pour notre commune. Lorsque nous avons décidé de passer notre propre marché pour avoir un contact direct avec le fournisseur d'électricité, nous avons repris le modèle du marché d'Approlys. Cependant, aucune entreprise n'a répondu, car les techniques d'optimisation financière demandées n'étaient pas rentables pour elles compte tenu du volume du marché. Nous pensions bien faire, sans nous rendre compte que le cahier des charges d'Approlys ne pouvait pas fonctionner pour une commune comme Olivet. Nous avons finalement fait appel à un AMO, qui nous a accompagnés. Cette expérience a mis en lumière un manque de compétences et le caractère indispensable des AMO dans certains cas »757(*).

Si M. Schlesinger précise « qu'il est important de remettre régulièrement en concurrence les AMO » et qu'« il est essentiel que les élus s'investissent et exercent leur rôle de contrôle »758(*), cet exemple est révélateur de la montée en puissance des AMO auprès des collectivités et des besoins de ces dernières en termes de compétences et de ressources humaines.

Le recours aux AMO est d'autant plus problématique qu'il peut induire une perte d'autonomie, mais aussi d'efficacité de l'action publique, comme l'a admis la Société des grands projets (SGP) : « Au début du projet, la SGP a eu très fortement recours à des marchés d'AMO pour pallier le manque de ressources internes (sujet du plafond d'emploi). Ceci a conduit à une externalisation de fonctions essentielles comme l'achat ou la conduite d'opérations, source d'inefficacité, de surcoûts et de retards »759(*).

Elle a ensuite, au contraire, « renforcé significativement ses compétences en matière de préparation et conduite de chantier, de même qu'en matière d'achat et de pilotage de marchés », limitant le recours à des prestataires externes à la seule satisfaction de besoins liés à une « hyper expertise » ou à la réalisation de tâches administratives « à valeur ajoutée limitée »760(*). Cet équilibre a permis à cet établissement public de passer près de 2 000 marchés - 1 993 - depuis 2011, et ce afin de faire sortir de terre un projet au coût d'objectif de 36,1 milliards d'euros761(*).

Du reste, certaines informations portées à la connaissance de la commission d'enquête la conduisent à penser que, sous couvert de leur rôle de conseil, certains AMO pourraient inciter un maître d'ouvrage à recourir à des solutions dans lesquelles ils ont, par ailleurs, des intérêts.

Interrogé sur la question, M. Guillaume Poupard, directeur général adjoint de Docaposte et ancien directeur général de l'Anssi, a toutefois nuancé ce risque : « À mon sens, les Amoa762(*) répondent au marché et à ce que leurs clients leur demandent ; je ne les considère par forcément comme des suppôts vendus aux acteurs américains ou chinois, même s'il peut exister des contre-exemples. [...] Les Amoa sont souvent un miroir renvoyant à leurs clients ce qu'ils veulent entendre. Un bon Amoa aidera un client qui souhaite réellement acheter français à le faire ; en revanche, si le client espère avant tout s'entendre dire qu'il n'y a pas d'autre choix que Microsoft, l'Amoa ne le détrompera pas. Ce n'est d'ailleurs probablement pas son rôle »763(*).

Il appartient néanmoins aux pouvoirs publics de protéger, par le développement de la formation des acheteurs, leur autonomie de jugement et d'action ainsi que leur liberté de choix, conditions sine qua non à la bonne utilisation des deniers publics.

Pour les accompagner dans cette démarche, la commission d'enquête recommande de soumettre les organismes qui assurent des missions d'AMO auprès de personnes publiques et privées à l'obligation d'obtenir une habilitation qui serait accordée par l'État à la condition de fournir des garanties suffisantes en termes de probité, notamment par la mise en oeuvre de processus internes de prévention des conflits d'intérêts.

Recommandation n° 60. - Mettre en place un mécanisme d'habilitation des organismes assurant des missions d'assistance à maîtrise d'ouvrage au profit des personnes publiques afin de faire disparaître les risques de conflit d'intérêts en lien avec l'exercice de telles missions au profit d'entreprises privées.

G. ASSURER UN PILOTAGE PAR LA DONNÉE EFFICACE ET TRANSPARENT DE LA COMMANDE PUBLIQUE POUR ATTEINDRE SES OBJECTIFS ET AMÉLIORER SON PILOTAGE

1. Le recensement économique très partiel de la commande publique
a) À l'échelle nationale, l'Observatoire économique de la commande publique se transforme afin de proposer un panorama plus précis des achats publics et de leur performance

Dans un contexte où la commande publique est de plus en plus appelée à jouer un rôle de levier stratégique au service des politiques publiques, la mise à disposition de données exhaustives, centralisées et exploitables relatives aux achats publics apparaît comme un nouvel impératif pour améliorer son pilotage.

De fait, sans constituer une fin en soi, la mise au point d'une base de données statistiques de la commande publique constitue un outil désormais indispensable à des fins d'évaluation de ses effets, tant sur le volet économique qu'en matière de performance environnementale et sociale. Un tel instrument, pour le législateur, doit permettre de mesurer l'effet de ses politiques et guider ses décisions à venir, tandis qu'il offre des informations précieuses pour les acteurs économiques qui pourront mieux prendre en compte les opportunités que représentent ces marchés. Enfin, il offre, à tout citoyen, un droit de regard légitime et démocratique sur les dépenses publiques, et relève à ce titre du « service public de la donnée » dont l'État a la charge en vertu de la loi pour une République numérique764(*).

La mise à disposition des données de la commande publique doit, en outre, s'articuler avec le processus de dématérialisation des achats publics, qui impose, depuis le 1er octobre 2018, que tous les marchés publics dont le montant estimé est égal ou supérieur à 40 000 euros HT765(*) fassent l'objet d'une procédure dématérialisée. Depuis, les profils d'acheteur, plateformes de dématérialisation, permettent aux pouvoirs adjudicateurs de mettre les documents de la consultation à disposition des opérateurs économiques par voie électronique et de réceptionner par cette même voie les documents transmis par les candidats et les soumissionnaires766(*).

Les différents profils d'acheteur

Le profil d'acheteur est un site centralisant les outils nécessaires à la dématérialisation des procédures de passation et la mise à disposition des acheteurs et des opérateurs économiques. Il se compose d'une interface à disposition de l'acheteur lui permettant de rendre publics ses procédures de mise en concurrence ainsi que les documents de sa consultation, puis de récupérer les candidatures et les offres. Il offre également un espace dédié aux opérateurs économiques afin qu'ils puissent consulter les avis de publicité, télécharger les documents de la consultation et déposer leur candidature.

L'acheteur public, pour se conformer aux exigences de dématérialisation, peut se doter d'un profil d'acheteur qu'il développe lui-même, acquérir un profil d'acheteur auprès d'un prestataire ou mutualiser les moyens avec d'autres acheteurs afin d'acquérir un profil d'acheteur (plateforme mutualisée).

Les administrations centrales et déconcentrées de l'État ont en revanche l'obligation d'utiliser la plateforme des achats de l'État, Place. Créée par un arrêté du 11 octobre 2012767(*) et désormais régie par un arrêté du 20 mai 2020768(*), la plateforme est mise à la disposition à titre gratuit des services de l'État, des établissements publics de l'État, des autorités publiques indépendantes, des autorités administratives indépendantes, des groupements d'intérêt public, des groupements d'intérêt économique investis d'une mission de service public d'intérêt national, des organismes de sécurité sociale, de l'Union des caisses nationales de sécurité sociale (UCANSS), de la Caisse des dépôts et consignations et de certains opérateurs économiques.

En 2024, 2 400 services d'acheteurs publics utilisaient Place dont 650 services d'établissements publics de l'État, 415 services d'établissements publics de santé, 130 services d'organismes de sécurité sociale et 240 services acheteurs des organismes consulaires, de groupements d'intérêt public (GIP), d'autorités constitutionnelles, d'autorités administratives indépendantes (AAI) et d'autorités publiques indépendantes (API), ainsi que d'associations déclarées soumises à la commande publique. Cela représente 39 400 consultations par an concernant des marchés de plus de 40 000 euros HT.

Pour les autres acheteurs publics, notamment les collectivités territoriales, une multitude de plateformes, privées ou mutualisées, sont disponibles afin de dématérialiser leurs procédures d'achats.

En raison de la diversité des plateformes de dématérialisation, l'annexe 7 du code de la commande publique769(*) prévoit à ce titre que les profils d'acheteurs respectent certaines exigences en matière d'interopérabilité.

Les données publiées sur data.gouv.fr recensent à ce jour plus de 700 profils d'acheteur hors sites internet institutionnels, les dix principaux regroupant 50 % des donneurs d'ordre publics.

Le processus de publicité des marchés peut également être complété par un support matériel. Beaucoup de collectivités s'appuient ainsi sur les éditeurs de la presse quotidienne régionale (PQR), qui proposent la publication d'annonces officielles et légales pour amplifier l'audience de leurs procédures de la commande publique. De fait, selon une étude Ifop de janvier 2023, 65 % des élus estiment que la PQR est l'acteur le plus légitime pour faire connaître les marchés publics770(*).

La centralisation et la publication des données de la commande publique sont confiées, depuis 2005, à un organisme rattaché à la direction des affaires juridiques du ministère de l'Économie, l'Observatoire économique de l'achat public (OEAP), auquel s'est substitué, en 2016, l'Observatoire économique de la commande publique (OECP). Ce dernier est chargé de suivre la mesure de l'impact économique de la commande publique, ainsi que de garantir la transparence des données relatives aux contrats de la commande publique.

Avant la réforme initiée en 2022, détaillée ci-après, l'OECP pilotait deux dispositifs visant à garantir une transparence des données relatives aux contrats de la commande publique : la publication des données essentielles en données ouvertes (open data) et la publication des données du recensement économique de la commande publique.

S'agissant premièrement du recensement, celui-ci s'appuyait sur l'obligation, pour tout acheteur dont le marché atteint le seuil de 90 000 euros HT, de renseigner les caractéristiques de cet achat auprès de l'OECP. Ces déclarations étaient effectuées selon trois canaux différents en fonction des acheteurs :

- les données de l'État étaient transmises à l'OECP sous forme de fichiers trimestriels élaborés par l'Agence de l'informatique financière de l'État (AIFE) ;

- les données des collectivités territoriales étaient transmises par la direction générale des finances publiques (DGFIP) ;

- les données des autres acheteurs publics étaient directement collectées par l'OECP via l'application de recensement économique des achats publics, dite « REAP ».

En complément, le dispositif de publication des données en données ouvertes771(*) (open data) reposait sur deux modalités de déclaration, les acheteurs pouvant, au choix, publier les données essentielles de leurs contrats notifiés et conclus sur leur profil d'acheteur pour une durée de cinq ans, ou déverser ces éléments directement dans le portail national des données ouvertes (data.gouv.fr). La transmission des données sur le portail national des données ouvertes peut s'effectuer par trois circuits d'alimentation :

- l'utilisation de l'interface applicative dite « API AIFE » à laquelle certains profils d'acheteur, dont la plateforme Place, sont connectés et qui transmet à data.gouv.fr ;

- l'utilisation du protocole d'échange standard de la DGFiP dit « PES Marchés » qui déverse les données qui proviennent des systèmes d'information des collectivités territoriales ;

- le dépôt d'un fichier structuré directement sur data.gouv.fr.

Le système de recueil et de publication des données de la commande établi en 2016 présentait néanmoins plusieurs lacunes, tenant premièrement au périmètre des données recueillies - le recensement ne concernant que les marchés supérieurs à 90 000 euros HT et excluant de son champ les concessions - mais également à son incroyable complexité, par la coexistence de plusieurs canaux de déclaration et des règles d'application disparates, suscitant inévitablement la confusion chez les acheteurs.

L'évolution rapide du cadre juridique de la commande publique, avec l'introduction de nouvelles exigences environnementales, ainsi que la lourdeur que suppose le renseignement de données multiples pour chaque marché, se sont ajouté à ces difficultés qui limitent l'obtention de données complètes sur l'impact économique de la commande publique.

Il convient néanmoins de souligner que, contrairement aux idées reçues et en dépit de la charge administrative forte que ces obligations supposent pour elles, les collectivités territoriales sont parmi les plus engagées dans la déclaration de leurs marchés. La hausse sensible du nombre annuel de marchés notifiés entre 2020 et 2023 (de 169 060 marchés en 2020 à 243 731 en 2023), est à attribuer à un fort engagement de leur part pour parvenir à des déclarations plus exhaustives - le nombre de marchés notifiés par les collectivités étant passés de 115 866 en 2020 à 194 993 en 2023 -, tandis que le nombre de marchés déclarés par l'État et le secteur hospitalier connait dans le même temps un recul qui interroge, le nombre de marchés notifiés en 2020, de 24 139, étant en recul constant depuis, pour atteindre 19 545 en 2023772(*).

Face à ces difficultés ainsi qu'à des fins de simplification et d'amélioration de la connaissance des achats publics, l'OECP a procédé à l'unification des procédures de déclaration, sur la base du décret n° 2022-767 du 2 mai 2022 portant diverses modifications du code de la commande publique, entré en vigueur le 1er janvier 2024. Ce nouveau cadre prévoit :

- la publication des données essentielles de la commande publique sur le portail national des données ouvertes773(*) pour tout marché dont le montant est supérieur ou égal à 25 000 euros HT ;

- l'élargissement de l'obligation de publication des données essentielles aux contrats de concession ;

- un enrichissement qualitatif des données essentielles sur les marchés publics, qui passent de 23 à 45 données, avec l'objectif d'obtenir une précision plus importante des informations sur les considérations environnementales et sociales ou le caractère innovant de l'achat.

Néanmoins, pour les marchés dont le montant est égal ou supérieur à 25 000 euros HT et inférieur à 40 000 euros HT, l'acheteur peut choisir de ne pas publier les données essentielles sur le portail national des données ouvertes mais se contenter de publier, au cours du premier trimestre de chaque année, sur le support de son choix, la liste des marchés conclus l'année précédente. Cette liste mentionne l'objet, le montant HT et la date de conclusion du marché ainsi que le nom de l'attributaire et son code postal ou le pays de son principal établissement s'il n'est pas établi en France774(*).

Procédure de collecte des données pour la plateforme data.gouv.fr depuis 2024 

Source : Direction des affaires juridiques du ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Si l'évolution du système de recueil des données de la commande publique permettra indéniablement d'obtenir un panorama plus représentatif des achats publics, ce dernier ne sera pas pour autant complet, étant rappelé, d'une part, que les marchés de moins de 25 000 euros HT demeurent encore exempts de toute obligation déclarative et, d'autre part, qu'un grand nombre de marchés soumis à de telles obligations ne sont pas renseignés via les circuits dédiés par manque d'informations, de temps ou d'implication des acheteurs publics, parfois peu sensibles à la nécessité de voir émerger une réelle « culture de la donnée ».

b) La stratégie européenne de la donnée se saisit finalement des enjeux d'achat public

Le recueil des données de la commande publique connaît des limites encore plus prononcées à l'échelle de l'Union européenne.

En mars 2023, la Commission européenne a annoncé la constitution d'un espace de données relatif aux marchés publics, conformément à sa stratégie européenne de la donnée, devant le constat que « seules les données provenant de 20 % de tous les appels d'offres lancés par les acheteurs publics sont disponibles à des fins d'analyse en un seul endroit, les données provenant des 80 % restants sont dispersées, sous différents formats, aux niveaux national et régional et il est difficile, voire impossible, de les réutiliser aux fins des politiques, de la transparence et de l'amélioration des dépenses »775(*).

L'espace de données relatif aux marchés publics prend la forme d'une plateforme digitale permettant d'accéder à l'ensemble des données relatives aux marchés publics disponibles à l'échelle européenne, proposant également des indications relatives à la qualité, la disponibilité et l'exhaustivité des données, grâce à « une coopération étroite entre la Commission et les États membres et à l'introduction de nouveaux formulaires électroniques »776(*), permettant une harmonisation des déclarations.

Parmi les effets attendus d'une telle réforme, la Commission souligne les possibilités décuplées en matière de mutualisation des achats, la lutte contre la collusion et la corruption- ainsi que le partage de connaissances et l'autonomisation de certaines tâches.

Au niveau national, ce nouvel objectif européen impose de poursuivre les efforts en matière de constitution du socle de données. La DAJ indique ainsi oeuvrer à la convergence de la base nationale de données de la commande publique avec la base européenne ainsi qu'au chaînage des données de passation (données de dépenses prévues) avec l'exécution (dépense effective) afin de disposer d'une vision enrichie des données de la commande publique avec la réalité de leur exécution financière. Pour ce faire, la DAJ envisage un travail conjoint avec les services de la DGFIP pour étudier la faisabilité d'un chainage des données de contractualisation avec les données de dépenses qui sont enregistrées dans les systèmes d'information des comptables publics.

Si la commission d'enquête salue cette initiative, force est de constater que cet outil laissera de côté plus de 80 % des marchés publics conclus en Europe, inférieurs aux seuils européens. Elle n'exonère donc aucunement les acteurs nationaux du besoin de poursuivre, à l'échelle nationale, la constitution d'une véritable base exhaustive de données de la commande publique.

c) Le pilotage par la donnée pour les collectivités : un défi récent

Enfin, à l'échelle locale également, la volonté de disposer d'un jeu de données complet s'agissant des achats des collectivités émerge, devant les perspectives de pilotage stratégique que permettraient de tels outils. Néanmoins et comme souligné par l'association France urbaine, « le pilotage par la donnée de la commande publique est un sujet récent sur lequel les collectivités manquent encore de maturité »777(*).

Les associations de collectivités souhaitent également jouer un rôle pour l'amélioration de la transparence des données de la commande publique. Départements de France a ainsi indiqué que de nombreux départements, à l'instar du Gard ou de la Gironde, ont établi, depuis plusieurs années, un ensemble de requêtes interfacées qui leur permettent de disposer de données clés en matière de commande publique. La formalisation de cartographie d'achats est également en cours dans plusieurs autres départements, afin de pouvoir les regrouper par famille d'achats, par fournisseur ou encore par localisation géographique. L'association travaille en interne à la constitution d'un « GIP de la donnée », destiné à recueillir et permettre aux départements d'en disposer778(*).

France urbaine a indiqué avoir monté un groupe de travail spécifique sur ce sujet, notamment afin d'étudier les potentialités de l'intelligence artificielle en la matière.

À l'échelle communale, les initiatives sont plus éparses, bien que la commission d'enquête ait identifié plusieurs acteurs très engagés dans cette démarche. À titre d'exemple, la métropole Nice Côte d'Azur s'est dotée depuis plusieurs années d'un logiciel métier, développé en interne, en capacité de fournir un suivi des indicateurs du Spaser (part des marchés contenant des clauses sociales ou environnementales, part des marchés intégrants des critères environnementaux, nombre de marchés réservés), en temps réel.

L'exemple de la région Bretagne, pionnière du pilotage par la donnée

Depuis plusieurs années, la région Bretagne, dans le cadre de ses schémas d'achat public responsable, a pris le parti de la digitalisation de la fonction achat et de l'élaboration d'une plateforme de données à des fins de performance et d'efficience de la commande publique.

En complément du profil d'acheteur Mégalis, la région a mis en ligne au printemps 2022 son observatoire des données de l'achat public, qui donne accès à sa programmation des achats sur une période de quatre ans, avec des moteurs de recherche dédiés en fonction des centres d'intérêt des opérateurs économiques, à l'ensemble des données relatives aux marchés passés et exécutés par la région en open source ainsi que, en temps réel, aux performances d'achat de la collectivité, conformément aux indicateurs cibles et engagements de publication qui figurent dans son Spaser.

Au-delà des obligations règlementaires, la région Bretagne a ainsi fait le choix de publier les données essentielles des marchés publics dès le premier euro dépensé, tout en intégrant des données qualitatives telles que le nombre de clauses sociales, la qualité des produits ou les délais de paiement. L'observatoire des données de l'achat public de la région Bretagne constitue ainsi un outil permettant de rendre compte aux citoyens de l'atteinte des objectifs fixés en matière d'achat public, notamment sur les volets environnementaux et sociaux, ainsi que sur les achats auprès de petites et moyennes entreprises et d'acteurs locaux.

Bien que ces initiatives soient extrêmement louables et marquent la prise de conscience, par certains acheteurs publics, des enjeux stratégiques liés à la commande publique, la commission d'enquête estime qu'il revient à l'État de poursuivre sa réforme du pilotage par la donnée afin de disposer, au niveau national, de données complètes et exploitables.

2. Une prise de conscience tardive qui doit céder la place à une mobilisation générale pour un pilotage efficient par la donnée

La commission d'enquête a ainsi identifié trois axes de travail afin de permettre à tous les acteurs de la commande publique de disposer d'une visibilité suffisante pour assurer un pilotage efficace de la commande publique par la donnée.

Premièrement, il conviendrait, pour garantir un pilotage par la donnée pleinement effectif, de systématiser les remontées statistiques dès le premier euro - tandis que le seuil de déclaration est aujourd'hui à 25 000 euros HT. Ce pas supplémentaire en matière de transparence est une garantie indispensable de la fiabilité et de l'exhaustivité des données présentées par le système. Une telle mesure apparaît également comme un gage de vérité à l'heure où, comme cela a été mis en lumière pas les travaux de la commission d'enquête, l'évolution rapide du cadre juridique se fait souvent au détriment de la prise en compte de son effet sur les plus petits acheteurs, les décideurs publics n'ayant accès qu'à un suivi de la mise en oeuvre de ces mesures nouvelles sur les plus gros marchés.

Recommandation n° 61. - Organiser le recensement des données de la commande publique dès le premier euro dépensé, tout en modulant les obligations de remontée des données en fonction du montant du marché.

Une telle mesure, aussi indispensable soit-elle, doit néanmoins s'accompagner d'un accompagnement approfondi des petits acheteurs, afin de ne pas représenter une charge administrative supplémentaire. Pour ce faire, la commission d'enquête préconise en outre la mise au point d'une interopérabilité complète entre l'ensemble des profils d'acheteur, ainsi que la remontée automatique de ces données vers le portail de données ouvertes de l'État.

Pour mémoire, en effet, les données de la commande publique sont aujourd'hui, par essence, disséminées sur une multitude de plateformes territoriales ayant pour objet la publication des consultations lancées par les collectivités. Si l'annexe 7 du code de la commande publique précitée exige déjà que chaque profil d'acheteur réponde aux exigences d'interopérabilité, force est de constater que l'application de celles-ci demeure très partielle, nuisant à une portabilité des données.

Il convient dès lors que l'État travaille à garantir une parfaite portabilité de ces offres, et des données qu'elles contiennent, vers des plateformes nationales, et permette un transfert facilité de ces données vers les DECP.

Recommandation n° 62. - Garantir l'interopérabilité des profils d'acheteur au bénéfice des opérateurs économiques afin de leur faciliter l'accès à l'information sur les procédures de la commande publique en cours.

Recommandation n° 63. - Organiser la remontée automatisée des données vers le portail national de données ouvertes en prenant appui sur les initiatives de recensement des données de la commande publique déjà conduites par les collectivités territoriales.

Enfin, la DAE, dans le cadre du plan de transformation numérique de la commande publique (TNCP) initié en 2016, a développé un ensemble de services digitaux relevant de son système d'information des achats (applications Appach, Approch, Place) ou du système d'information financier de l'État permettant de disposer d'une information détaillée sur l'ensemble des marchés publics de l'État. Ces chantiers numériques semblent néanmoins ralentis par des enjeux techniques, sans que la DAE ne s'engage sur une date d'achèvement de la réforme.

Le système d'information des achats de l'État

Source : DAE.

La commission soutient, sur la base de ces outils, l'élaboration d'un infocentre, portail de données, que projette de réaliser la DAE dans les meilleurs délais, afin de disposer d'une vision d'ensemble du nombre et des caractéristiques des achats de l'État, et souhaite en outre qu'un tel outil soit rendu public et accessible en ligne. Une telle transparence, déjà à l'oeuvre dans certaines régions mentionnées précédemment, semble indispensable pour piloter stratégiquement la commande publique relevant des administrations centrales ainsi que des établissements et groupements publics relevant de l'État.

De même, alors que l'Observatoire économique de la commande publique est le détenteur des données les plus exhaustives sur la commande publique en France, ses publications se limitent à des « chiffres clés » produits annuellement, qui offrent certes un panorama global sur les achats publics en France mais ne permettent pas leur analyse plus fine. Il lui appartient d'approfondir son analyse de ces données, qui pourraient être géographiques ou sectorielles, et surtout de publier ses travaux, dans un souci de transparence et de meilleure information des acteurs économiques et des citoyens.

Recommandation n° 64. - Achever dans les meilleurs délais la mise au point du portail de données des achats publics de l'État et rendre public et facilement accessible à tous l'ensemble de son contenu, avec une publication détaillée par segment d'achat et par origine des titulaires, en particulier pour les achats en matière numérique.

Recommandation n° 65. - Rendre publiques et facilement accessibles les données sur la commande publique détenues par l'Observatoire économique de la commande publique et ses analyses.

3. La transparence tout au long du processus d'achat : l'enjeu de la programmation

La démarche de transparence ayant conduit aux évolutions en matière de recensement des marchés publics doit par ailleurs se développer à l'égard de l'ensemble des étapes de la procédure d'achat, et notamment en amont de la procédure de passation. De fait, la mise à disposition des acteurs économiques d'informations sur les besoins à venir des pouvoirs adjudicateurs est déterminante afin qu'ils puissent s'organiser et proposer une offre pertinente, dans le cadre d'un dialogue vertueux entre les acheteurs et les candidats.

Dans cette perspective, la direction des achats de l'État a créé le portail Approch, interconnecté au reste du système d'information des achats (SIA) de l'État, qui vise à permettre aux entreprises d'identifier les projets d'achats des services de l'État et de leurs établissements publics, des établissements hospitaliers et des collectivités territoriales afin d'anticiper les marchés à venir dans leurs domaines d'activité. La programmation publiée demeure prévisionnelle et non engageante pour les services concernés.

Exemple de projet de programmation d'achat sur le portail Approch

Source : Présentation de la DAE devant la commission d'enquête.

Les entreprises intéressées par les marchés à venir peuvent ainsi signaler leur intérêt et transmettre leurs coordonnées, qui sont directement intégrées sur Appach, interface permettant aux acheteurs de piloter leurs procédures de passation et d'échanger avec les candidats.

Lors d'une visite dans les locaux de la DAE, la commission d'enquête s'est ainsi vue présenter les différentes interfaces du SIA de l'État visant à renforcer la transparence et le pilotage des marchés publics.

Source : Présentation de la DAE à la commission d'enquête.

Cette démarche contribue ainsi directement à augmenter le nombre de soumissionnaires ainsi qu'à atteindre les objectifs fixés en matière de performance environnementale et d'achat local.

La commission d'enquête salue ces initiatives en faveur d'une meilleure transparence de l'achat public et appelle à leur renforcement, afin que la programmation de l'achat devienne un réflexe pour les acheteurs publics.

Pour les achats publics de l'État et de ses établissements publics, qui présentent en moyenne des volumes plus importants que ceux des collectivités territoriales et qui disposent d'outils de pilotage, la commission estime que la programmation doit devenir la norme. Sur un modèle a minima triennal, il pourrait ainsi être prévu que ces acheteurs publient des projets programmatiques permettant aux entreprises d'anticiper les besoins à venir des administrations et entament un échange d'informations préalables à l'ouverture de la procédure de passation du marché.

Pour les acheteurs, un tel engagement incite par ailleurs à développer une réelle stratégie d'achat, facilitant le sourçage et l'inclusion de considérations sociales et environnementales, qui engendrent des économies mais également des progrès en matière d'achat local.

Recommandation n° 66. - Développer chez les acheteurs publics la programmation des achats et sa publicité et exiger de l'État et de ses opérateurs la réalisation d'une programmation de leurs achats, a minima triennale.

4. Évaluer l'impact de l'achat, dernière étape d'un chaînage vertueux pour la transparence et le pilotage de la commande publique

Enfin, dans la perspective de faire de la commande publique un véritable instrument en faveur du développement économique des territoires, de la transition écologique et sociale et de l'innovation, la mesure de son impact économique doit désormais tenir compte de la création de valeur réelle à l'échelle des territoires.

De fait, si la plupart des marchés publics sont aujourd'hui conclus auprès de fournisseurs relativement proches géographiquement des acheteurs - 165 kilomètres en moyenne selon l'OECP, avec 50 % des marchés attribués à moins de 49 kilomètres - cet indicateur demeure en réalité assez peu pertinent pour mesurer l'effet concret de l'achat sur l'économie locale, une entreprise locale pouvant tout à fait réaliser la majorité de sa production sur un territoire distinct, notamment à l'étranger, et ne créer aucune valeur sur sa région d'implantation.

Dès lors, s'il est avancé que 97 % des fournisseurs de l'État sont des entreprises établies en France, l'effet d'entraînement réel de ces fournisseurs sur l'emploi français reste aujourd'hui incertain. Interrogé à ce sujet par la commission d'enquête, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique Éric Lombard reconnaissait que malgré la volonté de sélectionner des fournisseurs dont le siège est implanté en France, les marchés s'inscrivent « dans des chaînes de valeur internationales, qui limitent parfois la possibilité de choisir des produits français »779(*).

Pour pallier ces effets de bord, des outils de mesure de l'impact économique réel des achats tendent à se développer, notamment grâce à des dispositifs d'intelligence artificielle. À titre d'exemple, le ministère de l'intérieur assure désormais, grâce à une solution développée par la start-up IN France, une évaluation de l'impact territorial de ses achats. Pour 2024, les achats du ministère, qui se sont élevés à 5,8 milliards d'euros, auraient ainsi permis de soutenir indirectement 14 500 ETP, engendré une fiscalité locale de 175 millions d'euros et représenté un impact carbone de 1,08 MtCO2.

Cette méthodologie d'évaluation présente l'intérêt de donner un aperçu plus fidèle de l'effet réel de l'achat sur un territoire, alors que beaucoup d'acheteurs publics, pensant soutenir des entreprises françaises sur le seul indicateur de la localisation de leur siège, ne disposent en réalité que de peu d'informations sur les lieux de production et l'impact de leurs achats sur l'emploi local et peuvent en fait, involontairement, défavoriser la production nationale au profit d'opérateurs économiques implantés à l'étranger.

La commission d'enquête appelle donc à développer l'évaluation de la création de valeur de la commande publique, grâce à la mise au point par l'État d'instruments de mesure facilement mobilisables par les collectivités.

Recommandation n° 67. - Développer des outils permettant d'assurer une traçabilité de la création de la valeur de la commande publique.

EXAMEN EN COMMISSION

(Mardi 8 juillet 2025)

M. Simon Uzenat, président. - Mes chers collègues, permettez-moi tout d'abord d'avoir une pensée pour notre regretté collègue député Olivier Marleix, dont nous connaissions tous l'engagement sur les questions de souveraineté. Je n'ai pas eu l'honneur de le connaître, mais j'ai pu suivre ses combats et nous pouvions les partager, quelles que soient nos sensibilités respectives.

Il y a presque quatre mois jour pour jour, le 5 mars dernier, notre commission d'enquête créée sur l'initiative du groupe Les Indépendants - République et Territoires tenait sa réunion constitutive. Je veux saisir cette occasion pour remercier très chaleureusement notre rapporteur Dany Wattebled et son groupe pour avoir pris l'initiative de cette commission, sur un sujet d'une grande importance pour les élus locaux et les opérateurs économiques. Nous nous retrouvons aujourd'hui pour clore des travaux qui ont été contraints par le temps et menés tambour battant. Nous avons collectivement accompli une véritable performance et, avec le rapporteur, avancé en tandem, dans le respect, l'écoute et le dialogue. Je tiens à saluer son engagement et sa capacité à faire confiance de notre commission.

Je veux aussi saluer la très bonne entente qui s'est immédiatement installée entre nous tous. Nous avons rapidement acquis une vision partagée du périmètre de nos travaux, des principaux constats et des insuffisances que nous devions mettre en lumière. Cela nous a permis de concentrer nos auditions et nos déplacements sur les enjeux principaux : la commande publique en tant que politique publique à part entière au service de la souveraineté économique, agricole, industrielle et numérique, française et européenne, son rôle de levier des transitions écologique et sociale, la nécessaire simplification - ni totem ni tabou - au service des acheteurs et des opérateurs économiques, et enfin la révision des directives européennes, avec l'horizon d'une préférence européenne élargie.

Je tiens également à saluer l'esprit de travail collaboratif qui a régné lors de nos auditions et déplacements et l'investissement régulier ou plus ponctuel de chacun des membres de la commission, en fonction de nos multiples contraintes et sollicitations.

Sans compter les réunions constitutive et finale, nous avons mené 51 auditions plénières au cours desquelles nous avons entendu 75 experts, structures et organismes incarnant la commande publique dans toute sa diversité : élus locaux, services de l'État, experts, juristes, économistes, acheteurs publics, acteurs économiques ou encore représentants du secteur hospitalier. Mentionnons également deux anciens ministres et deux membres du gouvernement actuel, M. Éric Lombard et Mme Clara Chappaz.

Nous avons aussi réussi, dans le temps limité qui nous était imparti, à réaliser trois déplacements, à Vannes, Lille et Bruxelles, en compagnie de certains d'entre vous.

Dans le Morbihan comme dans le Nord, nous sommes allés à la rencontre des élus et des acteurs économiques locaux, qui sont les premiers usagers de la commande publique et les meilleurs indicateurs de sa vitalité. Leurs témoignages ont permis de confirmer et d'approfondir les premières intuitions tirées de nos auditions et d'identifier des insuffisances ou des inadaptations du cadre juridique actuel, pour donner corps à une vraie simplification. Nous avons aussi été confortés dans l'idée que les collectivités ont réussi à développer, chacune à leur échelle, de bonnes pratiques qui mériteraient d'être mieux prises en compte par l'État.

À Bruxelles, l'objectif était de prendre le pouls du processus de révision des directives européennes sur la commande publique et de convaincre nos interlocuteurs d'adopter une approche ambitieuse et non purement juridique dans ce processus.

Il s'agit d'une opportunité qui ne se présente qu'une fois tous les dix ans : faire évoluer le cadre réglementaire commun à l'ensemble d'un continent. L'élection de Donald Trump bouleverse certes un peu la donne, mais nous parlons là de tendances lourdes à l'oeuvre depuis de nombreuses années. L'Europe doit prendre conscience qu'il est temps de changer de logiciel et de mettre en place des outils permettant de favoriser les acteurs européens. J'ai senti certains de nos interlocuteurs, notamment les services de la Commission européenne et le commissaire Stéphane Séjourné, très réceptifs à ce message. C'était exactement l'inverse avec d'autres, comme le lobby des collectivités locales européennes ou celui des entreprises. Un long travail de conviction va devoir être mené par la France dans les mois à venir pour surmonter la tentation d'une réforme a minima.

Au total, en additionnant nos travaux à Paris et lors de nos déplacements, nous avons rencontré 134 organismes, pour un total de 160 personnes, ce qui est remarquable dans le temps qui nous était imparti. Nous avons également pleinement tiré parti des outils offerts par le Sénat en appui de ses travaux de contrôle. Une étude de législation comparée sur la commande publique, présentant les cadres juridiques en vigueur aux États-Unis, au Royaume-Uni et en Allemagne, a été réalisée et sera, si vous l'acceptez, annexée au rapport. À notre initiative, une consultation des élus locaux a également été organisée sur la plateforme dématérialisée du Sénat, recueillant 1 182 réponses. J'y vois le signe du grand intérêt qu'ils portent à ce sujet, qui fait partie de leur quotidien. Les résultats de cette consultation sont présentés dans le projet de rapport.

Le rapporteur a également fait un très large usage de son droit de communication, à trente-trois reprises, auprès de diverses structures publiques et d'entreprises, préalablement et après leurs auditions. Les informations récoltées dans ce cadre, couvertes par le secret, sont venues alimenter son rapport.

À titre personnel, ce fut un honneur et une fierté d'assurer la présidence de cette commission d'enquête, qui fut une véritable aventure humaine. J'ai essayé de donner le meilleur de moi-même, en permettant à chacun de s'exprimer, en veillant au respect de l'institution sénatoriale et en considérant que nous sommes toujours plus forts et intelligents ensemble. Le plan que nous avions adopté ensemble le 6 mai dernier a été respecté. Je voudrais également remercier l'ensemble des fonctionnaires du secrétariat de la commission d'enquête pour la très grande qualité du travail accompli.

Je me dois à présent, mes chers collègues, de vous rappeler les règles de procédure applicables à la présente réunion.

Nos échanges ce matin sont confidentiels, nos travaux étant soumis au secret jusqu'à la publication de nos conclusions. Conformément à l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 et au chapitre V de l'Instruction générale du Bureau, le rapport est sous embargo pendant vingt-quatre heures à compter de la fin de notre réunion. Dans ce délai, une demande de constitution du Sénat en comité secret peut être formulée par un dixième de ses membres ou le Premier ministre pour débattre de sa publication.

Si vous décidiez de l'adopter, le rapport serait rendu public demain en fin de journée et Le résultat de nos travaux présenté au cours d'une conférence de presse demain à 14 heures. D'ici là, rien ne doit filtrer à l'extérieur, ce qui proscrit toute communication à la presse, à des tiers ou sur les réseaux sociaux.

Toute infraction à cette règle expose aux peines prévues à l'article 226-13 du code pénal - un an d'emprisonnement et 15 000 euros d'amende - et à l'article 8 ter du Règlement du Sénat - interdiction de faire partie d'une autre commission d'enquête pour la durée restant à courir du mandat.

La consultation du rapport a eu lieu les 2, 3 et 4 juillet dernier. Des exemplaires nominatifs vous ont été distribués contre émargement et il vous sera demandé de les restituer à la fin de la réunion.

Après l'exposé du rapporteur, je céderai la parole à ceux d'entre vous qui souhaiteraient s'exprimer. Nous procéderons ensuite à l'examen des éventuelles propositions de modification. Après le vote sur ces éventuelles propositions de modification, nous voterons sur les recommandations, puis sur le titre du rapport. Nous nous prononcerons enfin sur son adoption et sa publication. Je vous propose d'y annexer le compte rendu de notre réunion.

Je rappelle également que les éventuelles contributions des groupes politiques doivent être adressées au secrétariat avant demain 9 juillet midi. Elles seront annexées au rapport.

J'aimerais terminer mon propos par quelques brèves considérations sur ce que je retiens de nos travaux.

Nous avons, me semble-t-il, réussi à démontrer que les masses financières en jeu sont d'une telle importance - 400 milliards d'euros par an, soit bien davantage que les 170 milliards d'euros de l'estimation officielle - que la commande publique constitue bel et bien une politique publique à part entière, qui a vocation à être un levier d'accélération des transitions écologique, sociale et numérique, et plus largement un outil de souveraineté économique, pour accélérer la structuration de filière, renforcer notre autonomie stratégique et offrir, par son effet levier, un soutien à nos opérateurs économiques.

Le bilan en demi-teinte qu'en tire le rapport, lié à un défaut d'accompagnement de la part de l'État, est assez édifiant. On peut parler d'un État défaillant, d'un manque criant de volonté politique, d'incohérence majeure entre les actes et les discours. Plusieurs exemples viennent à l'esprit, notamment la loi 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite Égalim. Cela ne doit pas nous inciter au renoncement, mais au contraire à poursuivre et amplifier les efforts. Nous avons la conviction que souveraineté et transition écologique et sociale marchent d'un même pas. La commande publique est un outil majeur de soutien à l'emploi local et à nos très petites entreprises (TPE) et petites et moyennes entreprises (PME). Je ne crois pas qu'elle devrait se cantonner au choix du moins-disant.

Il nous semble donc indispensable d'améliorer le pilotage par la donnée de la commande publique, c'est-à-dire la capacité pour les acheteurs d'assurer un suivi fin de leur politique d'achat et de ses effets, au travers d'indicateurs pertinents, permettant notamment d'assurer la traçabilité de la création de valeur. À l'échelle de l'État, il convient de compiler et de rendre publiques et facilement accessibles, au-delà de quelques grandes masses financières, des données détaillées sur la commande publique en France. C'est une condition de l'efficacité de la dépense publique et de mesure de son retour sur investissement territorial.

D'importants progrès restent à réaliser en la matière. L'État n'est pas exemplaire, malgré des efforts récents, tandis que les initiatives des autres acheteurs publics restent éparses, malgré la volonté politique de certaines collectivités. Le rapport préconise donc plusieurs mesures fortes en ce sens, notamment le recensement dès le premier euro, une meilleure publicité des achats de l'État et des données de l'Observatoire économique de la commande publique ou encore le développement de la programmation des achats. Ces mesures sont indissociables des mesures de simplification concrètes pour faciliter l'accès des TPE et PME à la commande publique.

M. Dany Wattebled, rapporteur. - Je tiens tout d'abord à remercier le président de notre commission d'enquête, ainsi que l'ensemble de ses membres. Ce fut une belle expérience, qui montre que nous pouvons réaliser au Sénat un travail collectif transpartisan, dans un climat courtois et constructif. Cette commission d'enquête restera comme un de mes meilleurs souvenirs de mon mandat sénatorial.

Je tiens également à remercier les fonctionnaires du secrétariat de la commission d'enquête pour leur disponibilité et la qualité du travail réalisé.

Les travaux de notre commission d'enquête se sont avérés particulièrement riches et ont abouti à des conclusions que je qualifierais d'inquiétantes à bien des égards.

Je retire deux principaux constats de ces quatre mois passés à vos côtés.

Premièrement, la commande publique est une matière technique et aride, qui pèse lourdement sur le quotidien des élus locaux. Les collectivités sont en première ligne dans sa mise en oeuvre et leurs équipes souvent restreintes et insuffisamment formées à ces enjeux. Les élus locaux peuvent ainsi se trouver en difficulté face à une réglementation foisonnante et instable. Ils redoutent en permanence le risque contentieux. Il est donc grand temps d'agir pour simplifier le quotidien des acheteurs publics et des collectivités locales. Cela ira inévitablement de pair avec la facilitation de l'accès des TPE et PME aux marchés publics.

Deuxièmement, au niveau national, alors que la commande publique représente 14 % du PIB, force est de constater qu'elle ne fait pas l'objet d'un pilotage clair et cohérent.

Sur des sujets aussi primordiaux que le soutien aux TPE et PME et la souveraineté économique et numérique des achats, les choses sont claires : derrière de grands discours, les responsables politiques se renvoient la balle, esquivent les questions, se rejettent la faute. Combien d'occasions ont-elles été manquées à cause de ces atermoiements, au détriment des entreprises françaises ?

Nous avons été très surpris de l'imprécision de certaines réponses de hauts dirigeants politiques, de responsables d'administrations et de centrales d'achat à des questions pourtant concrètes et légitimes. Quelle politique la France mène-t-elle aujourd'hui pour soutenir nos entreprises via la commande publique ? Comment nous assurons-nous que les contrats conclus auprès d'entreprises étrangères n'empiètent pas encore davantage sur notre souveraineté économique et numérique ? Pourquoi l'État recourt-il encore massivement aux Gafam - Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft - pour ses marchés, alors que, depuis plusieurs années, il dépense des milliards pour soutenir l'innovation française ?

Certains parleront de naïveté ; j'y vois, pour ma part, une déresponsabilisation inacceptable de l'État et de ses dirigeants.

Il est donc grand temps de mettre un terme aux errements de l'État en matière de pilotage de la commande publique. Aujourd'hui, les administrations de l'État comme la direction des achats de l'État (DAE), la direction des affaires juridiques (DAJ) ou le Commissariat général au développement durable (CGDD) se concurrencent sans qu'aucune d'elles puisse véritablement être qualifiée de pilote de la commande publique. Il n'y a pas de pilote dans l'avion ! Cela aboutit nécessairement à une dilution des responsabilités et à une forte illisibilité.

Comment mettre de l'ordre dans ce maquis inextricable au travers duquel il a parfois été pénible d'avancer au cours de nos travaux ? À nos yeux, il s'agit, en priorité, de confier au Premier ministre la responsabilité du pilotage, de la cohérence et de l'efficience de la commande publique.

En parallèle, le Parlement devrait être mieux associé à la conduite et au suivi de cette politique. Nous préconisons donc d'organiser chaque année un débat parlementaire sur la politique d'achat de l'État, qui nous permettra d'exprimer nos sensibilités et nos attentes dans ce domaine et de veiller à la cohérence de l'action publique en la matière.

Nous considérons également que les sommes dépensées dans ce cadre doivent bénéficier à nos filières souveraines. Or, c'est souvent le contraire que nous avons constaté. Dans le cadre de la sécurisation de la nouvelle carte nationale d'identité électronique, par exemple, l'Imprimerie nationale a visiblement écarté CST, une entreprise française innovante proposant des technologies de pointe dont la performance est pourtant reconnue à l'international.

Nous proposons donc d'inscrire dans les textes européens le principe d'une préférence européenne dans l'achat public. Sans enfreindre les engagements internationaux de l'Union européenne, il nous faut cesser de faire preuve de naïveté à l'égard des pays étrangers qui, eux, ferment leurs marchés publics à nos entreprises, alors qu'ils profitent des nôtres.

Il faut adopter une approche transversale s'appliquant à l'ensemble des secteurs économiques à l'échelle européenne. La révision des directives européennes arrive donc à point nommé. Dans cette perspective, la France doit défendre et obtenir des avancées décisives pour la croissance économique de nos territoires.

Le rapport contient plusieurs recommandations en ce sens et appelle notamment à l'adoption d'un Small Business Act européen permettant de réserver une part des marchés publics, ainsi que certains marchés, à des petites et moyennes entreprises, sur le modèle des États-Unis. Ce sont des mesures fortement plébiscitées par les collectivités territoriales, qui souhaitent pouvoir soutenir leur tissu économique local.

Par ailleurs, dans un contexte géopolitique extrêmement tendu, la France et l'Europe doivent désormais garantir leur souveraineté économique et numérique dans le cadre de la commande publique.

Nos travaux ont mis en lumière la dépendance de la France à l'égard de solutions numériques étrangères, notamment américaines. Or, ces entreprises sont toutes assujetties au droit extraterritorial.

À titre d'exemple, le Foreign Intelligence Surveillance Act (Fisa) et le Cloud Act permettent au gouvernement américain d'ordonner à ces sociétés de lui transmettre les données qu'elles détiennent sur simple autorisation d'un juge, même si ces données sont stockées ailleurs qu'aux États-Unis, sans aucune information de leur propriétaire. Et je ne parle pas du cas des entreprises qui collaborent avec les autorités américaines dans le cadre de programmes de surveillance...

Face aux risques encourus, l'État semble rester passif. L'exemple le plus criant de cette inertie est bien sûr la plateforme des données de santé (PDS), hébergée depuis six ans chez Microsoft, et au sujet de laquelle des alertes sont régulièrement émises, notamment par la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil). Pourtant rien n'est fait, au prétexte qu'aucune solution souveraine d'hébergement ne serait disponible.

Les réponses apportées par les responsables de la PDS ainsi que par les ministres chargés du dossier à l'époque ne nous ont aucunement convaincus. Les dirigeants d'entreprises françaises et européennes que nous avons rencontrés nous ont assuré à plusieurs reprises être en mesure de répondre à un appel d'offres en vue de son hébergement et d'en assurer la protection.

Je rappelle à ce propos qu'en dépit de toutes les assurances qu'il a tenu à nous donner, le directeur des affaires publiques et juridiques de Microsoft France n'a pas été en mesure de nous garantir sous serment que les données des citoyens français hébergées par son entreprise ne seront jamais transmises à des autorités étrangères sans l'accord des autorités françaises.

Preuve qu'une autre voie est possible, certains États européens, comme le Danemark, ont décidé de cesser progressivement d'utiliser les solutions Microsoft.

Pourtant, ces dernières années, l'État a élaboré la doctrine « cloud au centre », qui impose, lorsque le recours à une solution commerciale est choisi pour l'hébergement de données particulièrement sensibles, de recourir à des services disposant de la qualification SecNumCloud. Cette obligation a d'ailleurs récemment été inscrite dans la loi, à l'article 31 de la loi du 21 mai 2024 visant à sécuriser et réguler l'espace numérique (Sren), dont le décret d'application n'a toujours pas été publié à ce jour...

Pourtant, le ministère de l'éducation nationale a récemment passé un important marché à hauteur de 75 millions d'euros pour l'équipement de ses services et des établissements d'enseignement supérieur en solutions Microsoft, sans même le soumettre au contrôle de la direction interministérielle du numérique (Dinum), pourtant obligatoire pour tout projet de cette nature d'un montant supérieur à 9 millions d'euros.

J'en conclus donc que ces nouvelles règles ne font pas l'objet d'une mise en oeuvre effective et que les administrations de l'État n'ont pas encore pris conscience des risques auxquels elles exposent nos données sensibles.

Ceux d'entre vous qui ont assisté à certaines auditions auront d'ailleurs perçu, comme nous, l'ambivalence des relations entre le secteur du numérique français et l'État, ainsi que la déconnexion entre les discours et les actes de ce dernier.

Cette tendance est malheureusement entretenue par les grandes centrales d'achat, et en premier lieu par l'Union des groupements d'achats publics (Ugap). Son PDG a reconnu devant nous qu'il ne conseillait pas suffisamment ses clients en matière de souveraineté numérique ; il a admis qu'il restait des progrès à accomplir en la matière.

En conséquence, nous vous proposons de formuler des recommandations claires sur ces questions.

Il convient tout d'abord d'assurer la mise en oeuvre effective de l'article 31 de la loi Sren dans les plus brefs délais.

Il est ensuite indispensable de reconnaître le caractère sensible de toutes les données détenues par des personnes publiques. En conséquence, l'insertion d'une clause de non-soumission aux législations extraterritoriales étrangères devrait être rendue obligatoire dans tous les marchés comportant des prestations d'hébergement de données publiques.

Quant aux cabinets de conseil, ils devraient faire la preuve de leur totale immunité à l'égard du droit extraterritorial étranger lorsqu'ils travaillent pour une personne publique. Il faut aussi interdire la transmission des livrables qu'ils produisent dans le cadre de leurs missions vers un pays tiers, où est souvent situé leur siège social.

En ce qui concerne les centrales d'achat, il est urgent d'assigner à l'Ugap une mission d'appui à la structuration des filières économiques françaises et européennes. Elle a la masse critique nécessaire pour diffuser les solutions souveraines en matière de logiciels et d'hébergement de données en nuage.

Nous proposons également de renforcer son pilotage politique, en confiant sa tutelle au seul ministère de la souveraineté industrielle et numérique, en nommant des parlementaires au sein de son conseil d'administration et surtout en limitant à deux le nombre de mandats successifs susceptibles d'être exercés en tant que membre de ce conseil. Je rappelle en effet que l'actuel PDG de l'Ugap est en poste depuis bientôt quinze ans, et que ses résultats sont pour le moins mitigés, notamment sur le plan de la promotion de notre souveraineté numérique, ce qu'il a d'ailleurs reconnu lui-même.

Enfin, je vous propose de formuler des recommandations en matière de simplification du droit de la commande publique et d'allégement des contraintes. En effet, les lourdeurs administratives de la passation des marchés publics ont été unanimement déplorées au cours de nos auditions et de nos rencontres.

Les collectivités sont ainsi soumises à des règles parfois aberrantes et souvent chronophages. Je pense notamment à l'obligation imposée aux acheteurs publics de vérifier que l'attributaire pressenti d'un marché respecte ses obligations légales et réglementaires, notamment en matière sociale et fiscale ; aux cas de défaillance du titulaire d'un marché du fait d'un redressement ou d'une liquidation judiciaires, dans lesquels l'acheteur est contraint de passer le nouveau marché selon la même procédure que celle qui a été suivie initialement ; ou à la limitation excessive de la possibilité de recourir à la négociation, pourtant indispensable à la réalisation d'économies et à l'adaptation des offres aux besoins de l'acheteur public.

Ces contraintes s'ajoutent au risque contentieux qui pèse sur les acheteurs et entrave leur action. De fait, la moindre erreur est susceptible d'entraîner des poursuites pour favoritisme, qui peuvent déboucher, entre autres, sur une peine d'inéligibilité, et ce même si l'acheteur était de bonne foi.

Nous proposons donc de conduire une vaste réforme simplificatrice, laquelle inclurait notamment la suppression de la procédure adaptée de passation de marché (Mapa). Alors que le droit européen n'exige pas l'existence d'une telle procédure, celle-ci implique un certain formalisme en matière de mise en concurrence et de publicité lorsque le montant du marché, tout en étant inférieur aux seuils européens des procédures formalisées, excède les seuils de la procédure négociée ou de gré à gré.

Nous proposons dès lors de supprimer cette procédure, tout en garantissant, par des obligations renforcées en matière de publicité, le respect des principes fondamentaux du droit de la commande publique : égalité de traitement des candidats, liberté d'accès et transparence des procédures. Une telle mesure permettrait aux acheteurs publics de soutenir le tissu économique local et d'être moins exposés au risque de contentieux.

Nous recommandons également de faciliter le travail des acheteurs publics en leur permettant de recueillir, par le biais d'une plateforme en ligne qui serait alimentée par l'administration à partir des données qu'elle détient, un « passeport commande publique » garantissant le respect par les candidats à un marché de leurs obligations légales et réglementaires.

En outre, pour redonner confiance aux acheteurs dans la commande publique, sans renoncer à sanctionner les abus volontaires, nous jugeons qu'il est indispensable d'exclure du champ du délit de favoritisme les cas de méconnaissance du droit de la commande publique les moins graves. Il en irait ainsi lorsque la méconnaissance s'expliquerait par un motif d'intérêt général impérieux ou si celle-ci n'a pas été commise dans l'intention d'octroyer un avantage injustifié.

Vous l'aurez compris, mes chers collègues, nous ne voulons pas faire dans la demi-mesure. Je vous propose d'adopter soixante-huit recommandations ; certaines sont particulièrement techniques, d'autres de portée plus générale. Il s'agit de donner un nouveau souffle à la commande publique, au service de nos entreprises et au bénéfice des acheteurs.

La commande publique représente un levier unique d'action publique, d'un montant de 400 milliards d'euros par an, à la main des acheteurs. Si ces derniers étaient convenablement sensibilisés aux enjeux, ils pourraient accélérer la transformation de nos politiques publiques vers une plus grande souveraineté économique, agricole, industrielle et numérique, française comme européenne.

J'espère que nos travaux contribueront à une prise de conscience des enjeux de la commande publique, et je vous renouvelle la satisfaction que j'ai eue à travailler avec l'ensemble d'entre vous ces derniers mois.

Mme Catherine Morin-Desailly. - Notre commission d'enquête a travaillé dans une excellente ambiance, grâce à son président et à son rapporteur. Je remercie le groupe Les Indépendants - République et Territoires qui a demandé sa création, car le sujet est très important.

Dans la continuité des travaux de la commission d'enquête sénatoriale sur l'influence croissante des cabinets de conseil privés sur les politiques publiques, nous avons étudié de manière fine et précise les dysfonctionnements de l'État. Les recommandations, qui confortent des analyses réalisées de longue date par le Sénat, arrivent à point nommé, au moment où nous devons réfléchir à la manière de résorber le déficit public et de combler nos lacunes en matière de politique industrielle et de souveraineté.

J'ai été frappée, lors des auditions, par la déresponsabilisation de l'État depuis une quinzaine d'années, sous les différents gouvernements successifs.

La commande publique représente une dépense non négligeable de 400 milliards d'euros. L'enjeu est, d'une part, la protection de nos données, qui constituent un actif stratégique majeur, et la défense de notre souveraineté, et, d'autre part, le développement de la Nation. Faute d'une stratégie claire en matière de commande publique, nous n'aidons pas notre tissu industriel et nous ne pouvons pas mener de politique industrielle ambitieuse. Les rapports Draghi et Letta, au niveau européen, sont particulièrement sévères en la matière.

Les travaux du Sénat ont déjà permis de mettre en lumière notre dépendance à l'égard des Gafam. Le Sénat a déjà formulé des recommandations en la matière, que notre rapporteur martèle utilement dans son rapport. Le Gouvernement est donc d'autant plus coupable que le législateur a déjà posé le diagnostic et proposé des solutions.

Je ne peux que soutenir les recommandations portant sur le chapitre « Changer de logiciel, garantir la souveraineté numérique européenne dans le cadre de la commande publique », puisque ces dernières ont déjà été formulées à de nombreuses reprises par le Sénat, notamment dans le rapport d'information intitulé L'Union européenne, colonie du monde numérique ?, que j'ai rédigé en 2013 au nom de la commission de la culture, et dans le rapport de la mission commune d'information transpartisane intitulée Nouveau rôle et nouvelle stratégie pour l'Union européenne dans la gouvernance mondiale de l'Internet, en 2014, dont j'étais la rapporteure.

La responsabilité des gouvernants est donc extrêmement importante. Il ne s'agit pas seulement, selon moi, de naïveté, car nous avons pu constater que la manière de répondre à nos questions de certaines personnes que nous avons auditionnées était parfaitement scandaleuse, mais plutôt d'une forme de connivence avec les Gafam, voire d'une forme de dépendance assumée à leur égard. Certains responsables tiennent un discours d'autodénigrement quant à notre capacité à développer des solutions souveraines, alors qu'elles existent et ne demandent qu'à être mises en oeuvre.

Lors des auditions, j'ai également été frappée de constater, lorsque nous avons évoqué la plateforme des données de santé, que chacun se repassait la patate chaude : c'était le jeu de la défausse, à croire que personne n'avait jamais pris la moindre décision sur le sujet ! Je remercie le rapporteur d'avoir mis cela en lumière.

Je souscris, dans l'ensemble, à ses recommandations.

La recommandation no 26, qui vise à privilégier, parmi les solutions qualifiées SecNumCloud, le recours à celles qui reposent sur des technologies intégralement souveraines, est très importante.

Les recommandations nos 24 et 25 ne concernent que les prestations d'hébergement des données. Il conviendrait de mentionner également les prestations de traitement des données. L'hébergement et le traitement constituent en effet des fonctionnalités différentes, et les entreprises jouent parfois de cette ambivalence, car si les données doivent être hébergées en Europe, rien n'empêche qu'elles soient traitées ailleurs !

Le décret d'application de l'article 31 de la loi Sren n'a toujours pas été publié. L'avant-projet a été examiné la semaine dernière par la Cnil, dont je suis membre : le rapporteur a été très sévère sur le texte proposé, qui ne respecte absolument pas la volonté du législateur de privilégier le recours à des solutions souveraines. Selon le commissaire du Gouvernement qui était présent, tout serait compliqué - ce sont les mêmes arguments que ceux que nous avons entendus durant les auditions ! Je propose donc de modifier la recommandation no 22 pour préciser que le décret doit correspondre à la volonté du législateur. Dans cet avant-projet, la prise en compte de l'autonomie stratégique et de la souveraineté n'est pas mentionnée parmi les critères d'acceptation de l'offre, contrairement au coût financier.

Je soutiens la proposition visant à rattacher au Premier ministre le pilotage de la politique numérique de l'État. La mission commune d'information sur la gouvernance d'Internet de 2014 avait déjà formulé cette proposition, et celle-ci a de nouveau été évoquée lors de l'examen de la loi du 7 octobre 2016 pour une République numérique. J'ai eu, par ailleurs, l'occasion d'évoquer ce point lors d'un entretien avec le Premier ministre, la semaine dernière. Il s'est dit choqué par l'attribution à une société extraeuropéenne, par le service d'information du Gouvernement (SIG), du marché relatif à la surveillance des réseaux sociaux pour le Gouvernement. Quelle que soit son implication, la ministre déléguée chargée du numérique ne pourra pas, à elle seule, prescrire aux autres ministères de se mettre en ordre de marche sur le sujet.

M. Jean-Luc Ruelle. - Je suis très favorable à la recommandation no 61 qui tend à mettre en place un mécanisme d'habilitation des organismes assurant des missions d'assistance à maîtrise d'ouvrage au profit des personnes publiques, afin de faire disparaître les risques de conflit d'intérêts.

Je ne sais pas si la recommandation no 28 est suffisamment explicite. Celle-ci vise à « exiger l'immunité aux législations extraterritoriales des cabinets de conseil travaillant pour le secteur public ». La version initiale du texte concernait les livrables, qui sont les rapports finaux. Mais ces derniers contiennent des éléments très succincts, qui comportent relativement peu d'informations. Il est donc judicieux d'avoir supprimé cette notion, car tous les travaux réalisés comprennent des informations confidentielles. Il convient de viser toutes les informations auxquelles pourraient avoir accès les cabinets de conseil et qui pourraient être communiquées à des institutions étrangères.

M. Simon Uzenat, président. - La question des livrables avait bien été identifiée par Alain Juillet. La recommandation no 27 vise à interdire le transfert vers un pays tiers des livrables fournis dans le cadre de la fourniture de prestations de conseil. La recommandation n° 28 va dans le même sens.

M. Jean-Luc Ruelle. - Notre rapport ne concerne que la commande publique, mais il ne faut pas oublier que les quatre plus grands cabinets de conseil et d'audit, les Big Four, contrôlent la quasi-totalité des comptes des sociétés du CAC 40. Des pays étrangers peuvent ainsi avoir accès à des données stratégiques pour notre économie.

M. Dany Wattebled, rapporteur. - J'avais été contacté par un avocat d'affaires à propos de la vente d'une société qui gérait les comptes à court terme de sociétés du CAC 40. J'ai alerté le ministre de l'économie : son directeur de cabinet s'était déclaré très intéressé mais le Gouvernement n'a rien fait. La société a été rachetée par un groupe américain. Celui-ci sait désormais tout de la situation financière à court terme de Thales ou de Safran, par exemple.

Mme Céline Brulin. - Je voudrais souligner la qualité du travail réalisé par notre rapporteur sur un sujet qui présente de multiples ramifications. Les volumes financiers en jeu, qui sont de l'ordre de 400 milliards d'euros, sont considérables et peuvent donner à la puissance publique des leviers d'action extrêmement importants.

Comme notre rapporteur, je déplore le manque de pilotage de la commande publique, en dépit des enjeux sous-jacents, qu'ils soient financiers, de souveraineté, sociaux ou environnementaux. La difficulté d'accès à la commande publique des TPE et des PME, qui constituent l'essentiel du tissu économique de notre pays, est bien mise en évidence dans le rapport, tout comme le sont les difficultés qu'ont les élus locaux pour s'y retrouver dans le maquis des règles de la commande publique. La protection des données est aussi un véritable enjeu.

La recommandation no 8 vise à transférer aux collectivités les adjoints gestionnaires des établissements publics locaux d'enseignement. Cela nécessite une concertation approfondie avec les personnels concernés. Ces derniers sont sous l'autorité fonctionnelle à la fois du ministère de l'éducation nationale et des collectivités depuis la loi du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale, dite loi 3DS. Cette situation n'est sans doute pas satisfaisante, mais les personnels sont très réticents à un transfert aux seules collectivités, car ils craignent de perdre leur rôle pédagogique dans la direction de l'établissement. Une concertation approfondie avec les personnels concernés me semble nécessaire.

La recommandation no 14 vise à assouplir les conditions de recours aux groupements de commandes. On ne peut qu'être favorable à tout ce qui concourt à simplifier. Néanmoins, l'existence de groupements de commandes contribue parfois à empêcher les TPE et les artisans d'accéder à la commande publique. Les collectivités ou le milieu hospitalier, avec les groupements hospitaliers de territoire (GHT), ont ainsi tendance, de plus en plus, à passer des marchés de très grande taille. Cela est contre-productif si l'on veut soutenir les TPE, notamment dans le domaine alimentaire.

Je m'interroge sur la pertinence de la recommandation no 57, qui tend à accorder aux élus membres des commissions d'appel d'offres (CAO) une indemnité spécifique, qui serait différente de celle que touchent les autres élus. Si l'objectif est de lutter contre la corruption, je ne pense pas que la réévaluation des indemnités soit la solution. Tous les élus travaillent dur, quelle que soit leur délégation. Je ne vois pas pourquoi il faudrait différencier les uns par rapport aux autres. De plus, comme cette mesure serait mise en oeuvre à enveloppe financière constante, cela signifie que ce que l'on donnera en plus aux uns sera retiré aux autres. Je ne suis pas sûre que cela soit bien compris ni parfaitement justifié.

M. Daniel Salmon. - Cette commission d'enquête s'est déroulée dans une très bonne ambiance. Les auditions ont donné lieu à des échanges francs et pugnaces.

La commande publique est un levier fondamental pour mener des politiques publiques, mais son potentiel n'est pas suffisamment utilisé. Je prendrai l'exemple de la transition écologique. La loi d'Egalim n'est pas appliquée ; c'est vrai à tous les échelons, mais en particulier au niveau de l'État. De même, la loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire, dite loi Agec n'est pas mise en oeuvre de manière satisfaisante.

Comme Céline Brulin, je suis dubitatif en ce qui concerne l'octroi d'une indemnité particulière aux membres de la CAO. Dans une collectivité territoriale, chaque élu exerce des responsabilités et a reçu des délégations. Siéger au sein de la commission d'appels d'offres représente un travail important, certes, mais d'autres fonctions ont les mêmes contraintes. La différenciation des indemnités proposée semble donc peu pertinente.

Il est nécessaire de simplifier, mais la démarche doit être menée avec précaution. Les règles relatives à la commande publique sont d'une grande complexité, car elles résultent d'une sédimentation de dispositions prises au fil du temps, pour remédier à des dérives ou pour éviter des conflits d'intérêts.

Je soutiens les autres préconisations. J'espère qu'elles seront mises en oeuvre, car ce n'est pas la première fois que l'on formule des préconisations sur la gouvernance de la commande publique. Souhaitons que les obstacles soient enfin surmontés.

Notre commission a mis l'accent sur le numérique. Il est fondamental en effet de disposer d'un numérique souverain. Ce domaine ne doit pas rester dans les mains des Gafam. Les entreprises françaises nous ont assuré de leur compétence en la matière, mais elles déplorent le manque de soutien de l'État, qui pourrait se manifester par le biais de la commande publique. Ce manque de soutien est-il dû à de la frilosité ou à de la paresse ? Chaque gouvernement a tendance naturellement à privilégier les solutions les plus simples et celles qui sont adoptées par les pays voisins. Il faut que nous ayons un déclic et que nous soutenions la prise de risque, comme le font les Américains.

Mme Karine Daniel. - Le rapport est dense et détaillé. Le champ étudié est très large et concerne tous les échelons : l'Union européenne, l'État, les collectivités territoriales, etc. Il convient de bien identifier les différents leviers d'action, à tous les niveaux d'intervention, pour bien valoriser ce travail.

Catherine Morin-Desailly a souligné les responsabilités de l'État dans le domaine du numérique. Lors de nos auditions, il est clairement apparu que la frontière est ténue entre ce qui relève, d'une part, d'une forme de facilité, et, d'autre part, d'un manque de volonté d'agir, voire d'une absence de réalisme politique ou économique, alors que la commande publique constitue un formidable levier d'action. Si nos interlocuteurs n'en ont pas conscience, soyons indulgents et espérons que nos travaux inciteront les responsables publics à activer enfin ces leviers.

Ce rapport sera aussi utile pour les collectivités locales et les élus en ce qui concerne la simplification. Chacun constate la complexité du système. Il a beaucoup été question, dans nos débats, de la responsabilité des élus, ce qui peut se traduire, un peu maladroitement, par la recommandation visant à différencier les indemnités des élus siégeant à la CAO. En tout cas, la question de la responsabilisation, du pilotage et de la simplification est posée. Il faut aussi conforter l'action des élus dans ce domaine. Il convient de mettre l'accent, dans notre communication, sur nos recommandations sur ces sujets, afin que nos travaux puissent être utiles pour les élus et les opérateurs économiques locaux.

M. Stéphane Sautarel. - Je félicite à mon tour notre rapporteur pour la qualité de son travail.

Le volet sur le numérique est essentiel. Il convient aussi de renforcer le pilotage stratégique et politique de la commande publique, afin de l'articuler avec les différentes politiques publiques.

J'ai une question sur le sourcing : proposez-vous de sécuriser le cadre juridique en la matière ? Ce serait un moyen d'améliorer la performance de la commande publique.

Je souscris à la recommandation no 8, relative au transfert aux collectivités territoriales des adjoints gestionnaires d'établissements publics locaux d'enseignement. Il reste à préciser les modalités de ce transfert, mais sur le principe, si l'on raisonne en termes d'efficacité, il est difficile de comprendre que les collectivités n'aient pas une autorité hiérarchique sur ceux qui pilotent la commande publique dans ces établissements.

Je souscris aussi aux recommandations nos 14 et 15 qui visent à faciliter la mutualisation et le développement des groupements de commandes. Il est toutefois important de trouver le bon équilibre pour éviter d'aboutir à une massification de la commande publique qui exclut les TPE et les PME.

Comment ne pas souscrire aux recommandations nos 20 et 21 relatives à la mise en oeuvre d'un véritable Small Business Act européen ? Il est tant attendu ! Je soutiens également les propositions relatives à la simplification, à la modification des seuils, à la suppression de la procédure adaptée, etc.

La recommandation no 45 visant à autoriser le remplacement sans publicité du titulaire d'un marché en cas de défaillance de l'entreprise est tout à fait pertinente.

La recommandation no 49 tend à garantir le versement automatique des intérêts moratoires en cas de retard de paiement. C'est important pour les entreprises, mais il faut distinguer selon que le retard de paiement est dû à l'ordonnateur ou au comptable public. Ce dernier peut en effet rencontrer des difficultés pour effectuer les paiements, notamment pour des raisons de disponibilité d'agents. Il ne faudrait pas que les collectivités paient des intérêts moratoires lorsqu'elles ne sont pas responsables des retards. J'attire votre attention sur ce point.

J'ai aussi quelques réserves sur la recommandation no 57 concernant la différenciation des indemnités entre les élus. Je ne suis pas convaincu que cela permettra de répondre aux enjeux, mais c'est un point marginal. Dans l'ensemble, je souscris aux préconisations formulées dans le rapport.

M. Paul Vidal. - Je m'associe aux félicitations sur la bonne tenue de nos débats et sur la qualité du travail de notre rapporteur. Sénateur depuis le mois d'octobre dernier, c'est la première fois que je participe à une commission d'enquête. J'ai pu mesurer la qualité du travail du Sénat dans ce cadre. Le grand public n'en a pas toujours conscience. Il faudrait peut-être davantage communiquer sur ce point. Les commissions d'enquête ont un grand pouvoir, et l'opinion ne le sait pas.

J'ai aussi été impressionné par la qualité des débats et la pugnacité des membres de notre commission lors des auditions pour obtenir des réponses de la part d'interlocuteurs, qui, souvent, ne répondaient pas aux questions posées.

Je soutiens la recommandation no 8. En tant que conseiller régional d'Auvergne-Rhône-Alpes, je suis concerné par la gestion des lycées. Le transfert aux collectivités territoriales des adjoints gestionnaires d'établissements publics locaux d'enseignement est nécessaire. Nous avons constaté, en effet, des abus, notamment en ce qui concerne la rénovation énergétique et les certificats d'économies d'énergie (C2E). Il est normal que celui qui finance ait un droit de regard important.

Je suis aussi favorable au développement des groupements de commandes, à condition, évidemment, d'encadrer le dispositif. Lorsque les communes regroupent leurs commandes à l'échelle d'une intercommunalité, elles peuvent obtenir des tarifs avantageux ou des modalités de livraison différentes.

En ce qui concerne la recommandation no 30, mes propositions seraient encore plus sévères que les vôtres. J'ai été affligé par l'audition du président de l'Ugap, qui n'a pas été à la hauteur de l'événement. Un mandat serait suffisant ! Je me demande aussi s'il ne convient pas de veiller à ce que le président de cette structure soit français ou européen. Le titulaire actuel est-il français ou américain ?

Je suis opposé à l'octroi d'une indemnité spécifique aux membres des commissions d'appel d'offres. Cela entraînerait une baisse des indemnités des élus siégeant dans les autres commissions. Attention au risque de surenchère, car chacun souhaitera siéger au sein des commissions d'appel d'offres. Lorsque l'on est élu, on sait à quoi on s'engage, que l'on soit rémunéré ou non. En revanche, je suis très favorable à l'instauration d'une obligation de formation. J'ai constaté que certains membres des commissions d'appel d'offres n'ont aucune notion des enjeux et se contentent de voter ce qu'on leur soumet, sans véritable engagement.

M. Simon Uzenat, président. - En ce qui concerne la recommandation no 8, nous entendons les réserves de Céline Brulin, mais la question n'est pas nouvelle et des concertations ont eu lieu. En tant que conseiller régional de Bretagne chargé du « bien manger », je trouve inacceptable que la collectivité, qui paie, ne puisse pas s'assurer que sa politique soit mise en oeuvre. En Bretagne, certains adjoints gestionnaires sont parfaits, mais d'autres ne veulent rien entendre. Même si la loi 3DS, nous a conféré une partie de l'autorité fonctionnelle, nous n'avons guère de leviers. Or les parents demandent des comptes non pas à l'éducation nationale, mais à la région, ou aux départements en ce qui concerne les collèges. J'ai rencontré des adjoints gestionnaires qui considèrent que le transfert proposé pourrait être avantageux pour eux, car rejoindre la fonction publique territoriale peut offrir des perspectives d'évolution. Il s'agit non pas de mettre en oeuvre cette mesure de manière brutale, mais de fixer un cap. Les collectivités ne parviennent pas à respecter les engagements de la loi Égalim. Il faut leur donner des leviers pour agir.

Sur la recommandation no 14, j'entends également l'inquiétude formulée par Céline Brulin également. Nous ne voulons pas massifier pour massifier, mais disposer d'une taille critique suffisante pour recruter des professionnels disposant de la technicité nécessaire pour mettre en place un allotissement pertinent. Ainsi, nous faciliterons l'accès aux TPE et PME à ces lots.

Concernant la recommandation no 22, Catherine Morin-Desailly souhaite préciser que le décret respecte la volonté du législateur. Cela ne me semble pas poser de problème.

La proposition de modification de Mme Catherine Morin-Desailly est adoptée.

M. Simon Uzenat, président. - Sur la recommandation no 24, Mme Morin-Desailly propose d'ajouter « et de traitement » après « prestations d'hébergement ». Cela ne semble pas problématique.

En revanche, faire cette même modification sur la recommandation no 25 ne me paraît pas opportun, car le SecNumCloud concerne uniquement l'hébergement. Il vaut mieux modifier la seule recommandation no 24.

Mme Catherine Morin-Desailly. - Soyons précis !

M. Simon Uzenat, président. - Tout à fait, mais la qualification SecNumCloud ne concerne que l'hébergement, et pas le traitement.

Je propose donc de faire la seule modification sur la recommandation no 24, qui serait ainsi rédigée : « Rendre obligatoire l'insertion d'une clause de non-soumission aux lois extraterritoriales étrangères dans tous les marchés publics comportant des prestations d'hébergement et de traitement de données publiques en cloud. »

La proposition de modification de Mme Catherine Morin-Desailly est adoptée.

M. Simon Uzenat, président. - Concernant la recommandation no 49, la remarque de Stéphane Sautarel sur la responsabilité de l'ordonnateur est tout à fait justifiée. Cette précision évitera que les services de l'État et les collectivités qui sont de bonne foi ne soient pas pénalisés. La recommandation no 49 serait donc ainsi rédigée : « Garantir le versement automatique des intérêts moratoires en cas de retard de paiement relevant de la responsabilité de l'ordonnateur. »

La proposition de modification de M. Stéphane Sautarel est adoptée.

M. Simon Uzenat, président. - La recommandation no 57 fait débat. Après discussion avec le rapporteur, nous vous proposons de la retirer, afin de préserver le caractère consensuel de nos travaux. La question demeure cependant. Dans un certain nombre de collectivités, les autres délégations font l'objet d'une indemnité, contrairement à la participation à la commission d'appel d'offres.

J'ai été président de commission d'appel d'offres - je ne le suis plus, je ne peux donc être soupçonné de conflit d'intérêts. Les élus présents dans ces commissions sont en réalité ceux qui sont le plus mobilisés, en présentiel comme en visioconférence. Des réunions se tiennent parfois chaque semaine. Or ces élus n'ont aucune forme de reconnaissance. Le sujet n'est pas de prévenir la corruption, mais d'assurer une forme de reconnaissance à ceux dont l'engagement n'a rien à envier à celui des élus qui ont des délégations exigeantes, mais rarement aussi chronophages.

La recommandation no 57 est retirée.

M. Simon Uzenat, président. - Mes chers collègues, je vous remercie pour votre active participation à cette commission d'enquête. Ce travail restera d'ores et déjà comme un très beau et grand souvenir de mon mandat.

Nous ne sommes qu'au début de l'histoire, même si certains sujets ont été traités depuis plusieurs années.

Je vous propose maintenant d'examiner les propositions de modification à l'initiative du rapporteur, qui sont essentiellement rédactionnelles. Elles ne bouleversent en rien l'économie du rapport.

Les propositions de modification du rapporteur sont adoptées à l'unanimité.

M. Simon Uzenat, président. - Je vous propose de passer au vote sur les 67 recommandations du rapport.

Les recommandations, ainsi modifiées, sont adoptées à l'unanimité.

M. Simon Uzenat, président. - Venons-en au titre du rapport. Nous vous proposons l'intitulé suivant : « L'urgence d'agir pour éviter la sortie de route : piloter la commande publique au service de la souveraineté économique. »

Nous voulons ainsi envoyer plusieurs messages. Il n'est plus temps d'ouvrir les yeux, les constats sont connus. Nous devons désormais agir vite et fort. Nous risquons une sortie de route, c'est-à-dire un décrochage par rapport à nos concurrents internationaux et à nos partenaires européens. Le pilotage de la commande publique, sous l'égide du Premier ministre, doit devenir un levier de souveraineté économique, étant donné que cette souveraineté est aussi appréciée dans sa dimension sociale et écologique, au regard des retours sur investissement territoriaux induits.

Mme Céline Brulin. - Pourquoi ne pas s'arrêter à « souveraineté », et donc supprimer le terme « économique » ?

M. Simon Uzenat, président. - Acheteurs publics et acteurs économiques constituent les deux grandes parties de l'écosystème. Le mot « économique » est pensé dans cette perspective.

Le risque est que si l'on ne parle que de « souveraineté », et non de « souveraineté économique », cela sera interprété comme « souveraineté française ».

M. Dany Wattebled, rapporteur. - La commande publique est un levier économique. Ne pas le rappeler serait une erreur.

M. Stéphane Sautarel. - Les termes de « souveraineté économique » restent assez larges et impliquent une dimension sociale et environnementale. Le titre est déjà assez long ! Le terme seul de « souveraineté » serait un peu pauvre, ou mal interprété.

J'aurais aimé que l'on parle de « performance », au sens de performance économique et de performance de la gestion des fonds publics.

M. Daniel Salmon. - Certains pensent que le terme « économique » brosse tout. Or, dans les faits, l'économie peut vouloir dire moins-disant social et moins-disant écologique. Ajouter « sociale » et « écologique » serait une bonne chose. Dans un monde libéral, c'est l'économie qui prime.

M. Simon Uzenat, président. - Parler de souveraineté économique implique de relocaliser des activités et des emplois, donc réduire l'empreinte carbone et maximiser les considérations sociales. Parler de souveraineté économique, c'est, dans un grand nombre de cas, être dans une logique inverse du moins-disant. L'idée est bien celle d'une économie territorialisée et de proximité.

Mme Lauriane Josende. - Le substantif « économie » peut être réducteur, mais l'adjectif qualificatif « économique » associé à « souveraineté » me semble suffisant. Il n'est pas nécessaire de le décliner. Ce serait rajouter une évidence.

M. Dany Wattebled, rapporteur. - L'expression « souveraineté économique » a un sens très large. Quand on dit « économique », on parle aussi d'économie circulaire, par exemple.

Mme Céline Brulin. - Je ne veux pas m'arcbouter sur le titre. Cependant, le président lui-même, en nous le lisant, a jugé bon d'ajouter ce que sous-entendait le terme « économique », à savoir environnemental et social.

Je connais le contenu du rapport, et là est l'essentiel.

M. Simon Uzenat, président. - Nous pourrions dire : « Piloter la commande publique au service d'une souveraineté durable. » Mais face aux réactions que suscite la suppression du mot « économique », voilà qui ne semble pas opportun.

M. Fabien Genet. - Et pourquoi pas, au lieu de « au service de la souveraineté économique », écrire « pour plus de performance et de souveraineté » ?

Inclure le terme de « performance » n'est pas inintéressant. Au niveau local, le coût de la construction publique explose. L'idée de performance me séduit assez. Ainsi, nous évoquerions le contexte international, mais aussi l'accès à la commande publique des entreprises locales, dimension à laquelle le Sénat est toujours très attentif.

M. Simon Uzenat, président. - « Plus de » sous-entend que nous serions déjà bien engagés dans cette voie, notamment en matière de souveraineté. Or nos constats en la matière sont très réservés.

À mes yeux, l'idée de performance est comprise dans la notion de souveraineté.

M. Dany Wattebled, rapporteur. - Le mot « souveraineté » est important. Le mot « économique » inclut toutes les dimensions évoquées. Restons sur le titre proposé.

M. Simon Uzenat, président. - Je vous propose donc de conserver le titre proposé : « L'urgence d'agir pour éviter la sortie de route : piloter la commande publique au service de la souveraineté économique. »

Dès lors, accepteriez-vous de donner mandat au rapporteur pour qu'il ajoute, dans l'introduction, dès les premières lignes, une phrase qui indique clairement la portée du concept de souveraineté économique et ce qu'il englobe ? Nous intégrerions aussi la notion de performance.

Il en est ainsi décidé.

La commission d'enquête adopte, à l'unanimité, le rapport ainsi modifié, ainsi que les annexes, et en autorise la publication.

CONTRIBUTION DU GROUPE
ÉCOLOGISTE - SOLIDARITÉ ET TERRITOIRES

Le groupe Écologiste - Solidarité et Territoires tient à remercier le Président et le rapporteur pour la qualité du travail mené depuis le début de cette commission d'enquête. Les nombreuses auditions et l'analyse approfondie livrent un rapport fouillé qui dresse une vision claire et exhaustive de la commande publique en France.

Il nous parait cependant utile d'ajouter quelques sujets supplémentaires à la réflexion.

La commande publique, qui représente près de 15 % du PIB, est un levier stratégique fondamental. Elle est bien plus qu'un outil d'achat : c'est un bras armé de l'action publique. Elle permet de structurer les filières économiques locales, de favoriser la transition écologique, l'insertion sociale, l'égalité entre les femmes et les hommes, et de promouvoir des entreprises engagées, notamment dans l'économie sociale et solidaire. Cette dimension est pleinement reconnue dans les pratiques pionnières des collectivités comme Strasbourg ou Rennes, à travers des dispositifs tels que le Spaser ou des groupements d'achats innovants.

La commande publique doit être pensée comme un outil de souveraineté. Cela concerne aussi bien la souveraineté numérique (via l'hébergement souverain des données sensibles) que la souveraineté alimentaire, enjeu stratégique majeur. Les travaux récents sur la réforme du cadre européen de la commande publique montrent qu'il est juridiquement possible d'intégrer des exigences territoriales dès lors qu'elles sont justifiées par des objectifs d'intérêt général : santé publique, qualité de l'air, protection des sols, préservation de l'eau, ou encore résilience alimentaire.

La restauration collective, notamment dans les collèges et lycées, est un levier structurant. La loi Egalim va dans le bon sens, mais son application est largement insuffisante : seulement 15 % des acteurs respectent les objectifs de durabilité et de bio. L'objectif de 50 % de produits durables et de qualité dont 20 % en bio doit devenir une réalité, avec des moyens adaptés et un pilotage clair. Il faut aller plus loin, avec une approche intégrée : diagnostics territoriaux, relocalisation des filières, critères adaptés à chaque bassin de vie. Le règlement européen sur les systèmes alimentaires durables doit permettre cette cohérence en sécurisant juridiquement ces pratiques.

D'autre part, malgré les obligations introduites par la loi Agec, la part des achats issus du réemploi reste marginale. Le pilotage par la donnée est insuffisant, et les acheteurs publics manquent de visibilité sur les filières et les produits concernés. Il est urgent de structurer les secteurs du réemploi, d'accompagner les acheteurs publics et de rendre obligatoire la déclaration des parts d'achats circulaires.

Enfin, nous devons sortir de la logique du « moins-disant » pour valoriser le « mieux-disant », en accentuant le poids des critères environnementaux, sociaux et territoriaux. Les clauses d'insertion, les exigences en matière de durabilité, le recours au réemploi ou encore la limitation des emballages sont autant de leviers pour faire de la commande publique un accélérateur de transformation. La commande publique doit intégrer cette transversalité avec comme fil conducteur la transition écologique.

Malheureusement, aujourd'hui, la complexité juridique et la crainte du risque pénal freinent l'innovation. La commande publique demeure trop complexe, parfois illisible pour les acheteurs comme pour les entreprises. La multiplication des seuils, des vérifications, des procédures dissuade les plus petites structures Il faut sécuriser les acheteurs, alléger les normes, simplifier les démarches et accompagner les agents par des formations adaptées. Le Spaser, lorsqu'il est bien conçu et piloté, est un outil efficace pour donner du sens et une ligne claire à la politique d'achat. Il faut généraliser son usage et en faire un outil de pilotage politique, stratégique et démocratique.

À ce titre, les propositions faites dans le rapport, notamment sur la simplification, la transparence des critères, le renforcement du pilotage interministériel, ou encore la création d'un « Small Business Act » européen, nous paraissent aller dans le bon sens.

La commande publique est une opportunité pour répondre aux urgences écologiques et sociales. Elle peut être un levier décisif pour transformer notre économie, soutenir les territoires et construire la résilience de demain.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES PAR LA COMMISSION

Mardi 11 mars 2025

Table ronde des représentants des communes

M. Emmanuel Sallaberry, maire de Talence, co-président de la commission des finances de l'association des maires de France (AMF) ;

M. Hervé Fournier, conseiller municipal de Nantes, co-président du forum de l'achat public durable de l'association France urbaine ;

M. Joël Marivain, maire de Kerfourn, président de l'association des maires ruraux du Morbihan.

Mercredi 12 mars 2025

M. Éric Schahl, conseiller régional d'Ile-de-France, représentant de l'association Régions de France.

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M. Boris Ravignon, maire de Charleville-Mézières, auteur d'un rapport au Gouvernement intitulé « Coût des normes et de l'enchevêtrement des compétences entre l'État et les collectivités : évaluation, constats et propositions » (mai 2024).

Mardi 18 mars 2025

M. François Adam, directeur des achats de l'État au ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

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M. Jean Deguerry, président du conseil départemental de l'Ain, représentant l'Assemblée des départements de France.

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M. Edward Jossa, président-directeur général de l'Union des groupements d'achats publics (UGAP).

Mercredi 19 mars 2025

Table ronde de juristes et de journalistes spécialisés dans la commande publique

Maître Guillaume Delarue, avocat au barreau de Paris ;

M. Jean-Marc Joannès, rédacteur en chef d'achatpublic.info ;

M. Grégory Kalflèche, professeur de droit public à l'Université Toulouse - Capitole.

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Table ronde d'économistes

Mme Anne Perrot, inspectrice générale des finances, correspondante du Conseil d'analyse économique ;

M. Stéphane Saussier, professeur d'économie et de management public à l'Institut d'administration des entreprises de l'Université Paris I - Panthéon Sorbonne.

Mardi 25 mars 2025

Table ronde des acheteurs publics

M. Jean-Luc Baras, président du Conseil national des achats (CNA) ;

M. Alain Bénard, président de l'association des acheteurs publics (AAP) ;

M. Jean-Marc Peyrical, président de l'association pour l'achat dans les services publics (APASP).

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Table ronde sur les achats au ministère des armées

M. Christophe Mauriet, secrétaire général pour l'administration ;

Ingénieur général hors classe de l'armement Guilhem Reboul, directeur des opérations à la direction générale de l'armement ;

Commissaire général hors classe Olivier Marcotte, directeur central du service du commissariat des armées.

Mardi 26 mars 2025

M. Matthieu Schlesinger, maire d'Olivet et premier vice-président d'Orleans métropole, vice-président d'Intercommunalités de France.

Mardi 1er avril 2025

M. Loïc Agnès, chef du service du pilotage de la performance sanitaire et de l'international, Mme Sophie Palin, sous-directrice de l'accompagnement des transitions alimentaires et agroécologiques, et M. Erwan de Gavelle, chef du bureau de la politique de l'alimentation, de la direction générale de l'alimentation du ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.

*

M. Brice Huet, commissaire général au développement durable, et Mme Julie Hanot, sous-directrice des entreprises au commissariat général au développement durable du ministère de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche.

*

MM. Guillaume Boudy, Président de section à la première chambre de la Cour des comptes, Guilhem Blondy, conseiller maître, et Thomas Basset, conseiller référendaire en service extraordinaire.

Mercredi 2 avril 2025

Mme Clémence Olsina, directrice des affaires juridiques des ministères économiques et financiers.

*

Table ronde d'économistes

M. Pierre-Henri Morand, économiste, chargé de mission à l'agence française anticorruption ;

M. François Maréchal, économiste, professeur des universités à l'université Marie et Louis Pasteur.

Mardi 8 avril 2025

M. Philippe Latombe, Député, rapporteur de la mission d'information de l'Assemblée nationale sur le thème « Bâtir et promouvoir une souveraineté numérique nationale et européenne ».

*

Mme Marianne Tordeux Bitker, directrice des affaires publiques, et M. Yann Boulay, responsable des affaires publiques, de France Digitale ;

M. Guillaume Houzel, directeur général délégué au développement, et M. Louis-Simon Boileau directeur du développement des programmes publics, d'OpenClassrooms ;

M. Arthur Muller, cofondateur et chief product officer (CPO) d'Explain ;

M. Hugo Ruggieri, directeur juridique et data protection officer (DPO) de Doctrine.

*

M. Alain Juillet, ancien Haut responsable chargé de l'intelligence économique.

*

M. Pierre Pelouzet, médiateur des entreprises.

Mercredi 9 avril 2025

M. Didier Trutt, président du conseil d'administration et du comité stratégique d'IN Groupe.

*

M. Hugues Souparis, ancien président de l'entreprise Surys.

*

M. Frédéric Trojani, ancien directeur général de l'entreprise Surys

Mardi 29 avril 2025

M. Benoit Coeuré, président de l'Autorité de la concurrence.

*

M. Jean-Noël de Galzain, président d'Hexatrust ;

Mme Dorothée Decrop, déléguée générale d'Hexatrust ;

M. Stéphane Blanc, président-directeur général de l'entreprise Antemeta ;

M. Jérôme Lecat, président-directeur général de l'entreprise Scality.

*

M. Cosimo Prete, président de l'entreprise CST.

Mardi 6 mai 2025

Mme Stéphanie Schaer, directrice interministérielle du numérique.

Mercredi 7 mai 2025

Mme Aliénor Courvalin, secrétaire générale, MM. Jean-Baptiste Lapeyrie, directeur de l'expertise, de l'innovation et de l'international, et Maxime Papillon, responsable des achats publics, de l'Agence du numérique en santé.

Mardi 13 mai 2025

Table ronde sur les achats hospitaliers

Mmes Marie Daudé, directrice générale de l'offre de soins (DGOS) et Véronique Chasse, cheffe de la mission achats en santé de la DGOS ;

Mme Cécile Chevance, responsable du pôle « offres », et M. Jean-François Husson, chargé de mission produits de santé au pôle « offres », de la Fédération hospitalière de France (FHF) ;

M. Walid Ben Brahim, Directeur général d'UniHA ;

M. Dominique Legouge, directeur général, et Mme Angélique Dizier, directrice générale adjointe en charge de la coordination des activités d'achat centralisé, du Resah (Réseau des acheteurs hospitaliers).

*

Mme Laura Chaubard, directrice générale de l'École polytechnique.

Mercredi 14 mai 2025

Mme Stéphanie Combes, directrice de la plateforme des données de santé (Health Data Hub).

*

MM. Frédéric Bredillot, membre du directoire, Benoit Dupuis, directeur des marchés et du pilotage contractuel, et Deniz Boy, directeur des affaires publiques, de la Société des grands projets (SGP).

Mardi 20 mai 2025

Mme Nathalie Carrasco, présidente de l'École nationale supérieure (ENS) Paris-Saclay.

*

M. Christian Brassac, vice-président de l'Eurométropole de Strasbourg, en charge de la commande publique responsable.

Mercredi 21 mai 2025

Table ronde sur la souveraineté numérique

M. Thomas Balladur, président-directeur général d'Interstis ;

Maître Laurent Bidault, avocat au barreau de Paris ;

Mme Emmanuelle Ertel, directrice générale de Tessi Innovation & Trust.

*

Mme Emmanuelle Ledoux, directrice générale de l'Institut national de l'économie circulaire.

Mardi 27 mai 2025

M. Guillaume Poupard, directeur général adjoint de Docaposte, ancien directeur général de l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (Anssi).

*

Table ronde sur la commande publique outre-mer

Mme Karine Delamarche, directrice générale adjointe des outre-mer ;

Mme Laetitia Malet, déléguée générale adjointe de l'association des communes et collectivités d'outre-mer (ACCDOM) ;

M. Anthony Lebon, administrateur et président de la commission BTP-Logement de la Fédération des entreprises d'outre-mer (FEDOM) ;

M. Dominique Vienne, président du Conseil économique et social régional de La Réunion, ancien président de l'association de la stratégie du bon achat et du Haut Conseil de la commande publique de La Réunion.

Mercredi 28 mai 2025

M. Vincent Strubel, directeur général de l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (Anssi).

*

M. Gaël Menu, directeur général, et Mme Sylvie Wethli, directrice commerciale, de l'entreprise SCC France.

*

MM. Christian Vigouroux, président de section honoraire au Conseil d'État, auteur du rapport au Premier ministre « Sécuriser l'action des autorités publiques dans le respect de la légalité et des principes du droit », et Didier Guérin, président honoraire de la chambre criminelle de la Cour de cassation.

Mardi 3 juin 2025

M. Thomas Pillot, chef du service de la protection des consommateurs et de la régulation des marchés, Mme Carla Deveille-Fontinha, sous-directrice des affaires juridiques et des politiques de concurrence et de consommation, et Mme Stéphanie Deguilly-Lepage, cheffe du bureau « Politique et droit de la concurrence », de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) du ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

*

Table ronde de responsables ministériels des achats

Mme Agnès Boissonnet, cheffe du service des achats et du soutien à la direction des affaires financières du secrétariat général des ministères de l'aménagement du territoire et de la décentralisation et de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche et Mme Oriane Gauffre, adjointe au sous-directeur des achats durables ;

Mme Guylaine Bourdais-Naimi, sous-directrice des achats au service de l'action administrative et des moyens du secrétariat général des ministères de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche et des sports, de la jeunesse et de la vie associative, et M. Frédéric Pomiès,
sous-directeur du socle numérique à la direction du numérique pour l'éducation ;

M. Jean Bouverot, chef du service de l'achat, de l'innovation et de la logistique du ministère de l'intérieur à la direction de l'évaluation de la performance, de l'achat, des finances et de l'immobilier du ministère de l'intérieur.

*

M. Jean-Marc Morandi, élu, et Mme Dominique Moreno, responsable du pôle des politiques territoriales et régionales, de la Chambre de commerce et d'industrie Paris Ile-de-France.

*

M. Nicolas Guérin, secrétaire général d'Orange.

*

MM. Edward Jossa, président-directeur général, et Olivier Giannoni, directeur juridique, de l'UGAP.

Mardi 10 juin 2025

MM. Anton Carniaux, directeur des affaires publiques et juridiques, et Pierre Lagarde, directeur technique du secteur public, de Microsoft France.

*

Mme Agnès Buzyn, ancienne ministre des solidarités et de la santé.

*

M. Cédric O, ancien secrétaire d'État chargé du numérique.

*

Mme Clara Chappaz, ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée de l'intelligence artificielle et du numérique.

Mercredi 11 juin 2025

M. Éric Lombard, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES PAR LE PRÉSIDENT ET LE RAPPORTEUR

Mercredi 4 juin 2025

Rencontre avec l'Union des industries textiles (UIT)

Mme Bernadette Fulton, Déléguée générale,

M. Denis Arnoult, cogérant de l'entreprise France Teinture, président de l'UIT Champagne-Ardenne.

*

M. Rémy Février, Maître de conférences au Conservatoire national des arts et métiers (CNAM).

Mardi 10 juin 2025

Rencontre avec la mission de l'Inspection générale des finances (IGF) sur les centrales d'achat :

Mme Pascale Dugos, inspectrice générale des finances ;

M. François-Xavier Boell, inspecteur des finances ;

M. Hippolyte Goutebroz, inspecteur des finances adjoint ;

M. Leo Blaszczyk, stagiaire.

*

Général Marc Boget, directeur de la stratégie digitale et technologique de la Gendarmerie nationale.

*

Rencontre avec le groupement d'intérêt économique (GIE) Publication des marchés :

M. Frédéric Crand, Membre du GIE ;

M. Sébastien Fernier, Conseiller technique ;

Mme Emma Alibert, consultante.

LISTE DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES

Mme Anne Le Hénanff, députée du Morbihan ;

Chambre de commerce et d'industrie de Paris Ile-de-France ;

Plateforme des données de santé ;

Microsoft France ;

M. Alain Issarni ;

M. Fabien Voisin ;

Fédération française des indications géographiques industrielles et artisanales et association Indication géographique granit de Bretagne ;

GIE Publication des marchés ;

M. Éric Bouchet ;

Wifirst ;

SemBreizh ;

April.

LISTE DES DÉPLACEMENTS

Lundi 28 avril 2025

Morbihan - Vannes

Visite du chantier du pôle d'échanges multimodal de la gare de Vannes

· M. Pierre Tixier, directeur général adjoint en charge du pôle « Ingénierie et transitions » de Golfe du Morbihan Vannes agglomération ;

· M. Pierre Desbois, chargé du projet du pôle d'échanges multimodal de la gare de Vannes ;

· M. Christophe Durand, directeur d'agence chez Colas ;

· M. Hugo Thomas, conducteur de travaux et responsable d'opération chez Bouygues ;

· M. Yohan Rault, gérant de l'entreprise Rault.

Réunion au groupement hospitalier Brocéliande Atlantique

· M. Philippe Couturier, directeur général ;

· M. Julien Bilhaut, directeur des achats, des équipements, des fonctions logistiques et hôtelières ;

· M. Romain Griveau, responsable de la cellule acheteurs ;

· Mme Cécile Ango, juriste achats ;

· M. Benoit Oliviero, responsable ingénierie et travaux ;

· Mme Stéphanie Legay, acheteuse travaux ;

· M. Vincent Bonnel, directeur du GIP SILGOM.

Réunion avec les acteurs économiques

· M. François Coville, membre du Medef Morbihan et ex-président de la FRTP Bretagne ;

· M. Loïc Hirrien, président de la fédération des acteurs de la compétence pour la Bretagne ;

· M. Damien Chapuis, vice-président chargé de l'artisanat de la CPME Morbihan

· M. Jean-Yves Scotto, président de l'U2P Morbihan ;

· M. Étienne Champagne, président de la CAPEB Morbihan

· M. Ludovic Espitalier-Noël, secrétaire général de la CAPEB Morbihan ;

· M. Stéphane Teuff, président de la FFB Bretagne ;

· M. Thierry Albert, président de l'entreprise BEAM CUBE ;

· M. Philippe Fillette, directeur général des Ateliers fouesnantais.

Visite des chantiers de la salle de raquettes et de l'espace culturel et créatif « Le Poulpe » à Plescop

· M. Loïc Le Trionnaire, maire de Plescop ;

· M. Bernard Danet, premier adjoint délégué à l'aménagement et aux travaux ;

· Mme Johanna Menges, directrice générale des services ; 

· M. Bertrand Bothua, directeur des services techniques.

Réunion avec des structures qui accompagnent les collectivités dans leurs stratégies d'achat responsable 

· M. Didier Quéraud, président de RESECO ;

· M. Rémi de Montaigne, directeur de RESECO ;

· M. Arnaud Salomon, directeur de l'entreprise CKS ;

· M. Thierry Sauvage, directeur du GIP CEI, professeur à l'école supérieure de logistique industrielle (ESLI).

Réunion avec les représentants des collectivités territoriales bretonnes

· Mme Lédie Le Hir, vice-présidente du conseil départemental du Finistère, et M. David Jourdan, responsable de la commande publique ;

· M. Jean-Paul Guidoni, conseiller départemental d'Ille-et-Vilaine, et Mme Emmanuelle Monin, cheffe du service de la commande publique ;

· M. Fabrice Robelet, maire de Brec'h, président de l'association des maires du Morbihan, et M. Hicham Abbad, directeur ;

· M. Joël Marivain, maire de Kerfourn, président de l'association des maires ruraux du Morbihan ;

· Mme Marjorie Guégan Raux, directrice de la commande publique de Saint-Malo Agglomération ;

· Mme Michèle Motel, vice-présidente déléguée aux marchés publics de la communauté de communes Vallons de haute Bretagne communauté ;

· M. Jean-Michel Gaigné, vice-président de la communauté de communes du Pays Bigouden Sud, et M. Clet Bargain, responsable des affaires juridiques ;

· M. Stéphane Rabillard, responsable du service « commande publique et assurances » de la communauté de communes Communauté Lesneven Côte des Légendes ;

· M. Gérard Gicquel, vice-président de la communauté d'agglomération Golfe du Morbihan - Vannes agglomération et président de la commission d'appel d'offres, et M. Loïc Perrot, directeur des affaires financières ;

· M. Loïc Boisgerault, vice-président de la communauté de communes Montfort Communauté ;

· Mme Hélène Le Gars, vice-présidente de la communauté de communes Baud Communauté ;

· M. Gwénaël Flégeo, chef du service de la commande publique, de la communauté de communes De l'Oust à Brocéliande Communauté ;

· M. Thomas Gendron, directeur général adjoint ressources de la communauté de communes Centre Morbihan Communauté ;

· M. Tony Jouzel, responsable des achats publics de la communauté de communes Pays d'Iroise Communauté.

Réunion avec les services de l'État 

· Mme Catherine Diserbeau, adjointe au secrétaire général pour les affaires régionales de Bretagne ;

· M. Stéphane Jarléguand, secrétaire général de la préfecture du Morbihan ;

· M. Olivier Grangette, directeur du secrétariat général commun départemental de la préfecture du Morbihan ;

· Mme Rachel Pailleux, directrice de la plateforme régionale des achats de l'État de Bretagne.

Lundi 5 mai 2025

Nord - Lille

Réunion avec des représentants d'OVHcloud

· M. Octave Klaba, Président du conseil d'administration ;

· Mme Solange Viegas Dos Reis, Directrice juridique groupe ;

· Mme Anne Duboscq, Directrice des affaires publiques ;

· Mme Blandine Eggrickx, Responsable senior des affaires publiques.

Table ronde sur la pratique des collectivités du Nord en matière de commande publique

· M. Bernard Gérard, Maire de Marcq-en-Baroeul, Président de l'association des maires du Nord - ;

· M. Jean-Gabriel Masson, Maire de Fromelles, Président de l'association des maires ruraux du Nord - ;

· M. Luc Monnet, conseiller départemental du Nord, Président de la commission d'appel d'offres du conseil départemental du Nord ;

· M. François-Xavier Cadart, Maire de Seclin ;

· M. Kevin Ambellouis, directeur de la commande publique de la Métropole Européenne de Lille 

Réunion avec les représentants de l'État dans la région Hauts-de-France

· M. Bertrand Gaume, préfet de la région Hauts-de-France, préfet de la zone de défense et de sécurité Nord, préfet du Nord ;

· M. Jean-Gabriel Delacroix, secrétaire général pour les affaires régionales ;

· M. Benoît Huber, adjoint au secrétaire général pour les affaires régionales en charge du pôle modernisation de l'action publique ;

· Mme Amélia Deron, directrice de la plateforme régionale des achats de l'État des Hauts-de-France.

Réunion avec la CPME du Nord

· M. Pierre Cerulus, Président ;

· M. Vincent Joly, Vice-président.

Réunion avec le Medef Lille métropole

· M. Yann Orpin, Président ;

· M. Arnaud Cousin, Délégué général.

Réunion avec des représentants de Suez

· M. Xavier Aguirre, Directeur commercial Hauts-de-France ;

· M. Rodolphe Vincent, Responsable affaires publiques en charge de l'eau.

Table ronde sur les achats responsables

· M. Emmanuel Bertin, directeur d'Apure/CERDD (Centre ressource du développement durable Hauts-de-France) ;

· M. Antoine Goxe, consultant achats publics durables au CD2E (Centre de déploiement de l'écotransition dans les entreprises et les territoires) ;

· M. Joackim Lebrun, directeur de l'association « Acteurs pour une économie solidaire » des Hauts-de-France (APES).

Lundi 12 mai 2025

Bruxelles

Entretien avec le Conseil des communes et régions d'Europe (CCRE) :

· Mme Axelle Griffon, Conseillère environnement et mobilité.

Entretien avec la DG Marché intérieur de la Commission européenne

· Mme Nathalie Berger, directrice ;

· M. Victor de Laleu, policy officer ;

· M. Olivier Coppens, policy assistant.

Réunion avec la Représentation permanente de la France auprès de l'Union européenne

· M. Cyril Piquemal, représentant permanent adjoint ;

· M. Luc Poulain, conseiller chargé des marchés publics.

Entretien avec BusinessEurope

· M. Martynas Barysas, directeur du département marché intérieur, et M. Jan Rempala, conseiller.

Entretien avec le Cabinet de M. Stéphane Séjourné, Vice-Président de la Commission européenne chargé de la prospérité et de la stratégie industrielle

· Mme Valentina Schaumburger, conseillère ;

· Mme Héléna Robyn, conseillère.

TABLEAU DE MISE EN oeUVRE ET DE SUIVI
DES RECOMMANDATIONS

Recommandations

Acteurs concernés

Calendrier prévisionnel

Support

2

Supprimer le plafond de 150 000 euros applicable aux transactions pouvant être proposée par la DGCCRF aux entreprises ayant recouru à des pratiques anticoncurrentielles

Parlement

2026

Texte législatif

4

Au vu des enjeux politiques et budgétaires et de l'inefficacité de sa gouvernance, confier au Premier ministre la responsabilité du pilotage, de la cohérence et de l'efficience de la politique nationale de commande publique

Parlement

Immédiat

Texte législatif

5

Créer un comité interministériel de l'achat public, instance de concertation sur la commande publique rassemblant l'État, les hôpitaux, les collectivités territoriales et l'ensemble des acteurs soumis au droit de la commande publique

Parlement

Immédiat

Texte législatif

7

À l'instar de ce qui est autorisé pour les entités adjudicatrices, permettre aux pouvoirs adjudicateurs de rejeter les offres des marchés de fournitures intégrant plus de 50 % de produits originaires de pays non signataires d'un accord relatif aux marchés publics avec l'Union européenne

Union européenne

2027

Directive européenne

8

Transférer les adjoints gestionnaires des établissements publics locaux d'enseignement aux collectivités de tutelle de ces derniers, afin d'assurer un pilotage plus cohérent de leurs services de restauration scolaire

Parlement

2026

Texte législatif

10

Assurer dans les plus brefs délais la mise en conformité de l'État avec ses obligations légales en le dotant d'un Spaser, applicable à l'ensemble de ses opérateurs

Gouvernement

Immédiat

Spaser

12

Mettre enfin à disposition des acheteurs publics, au plus tard le 1er janvier 2026, des outils d'analyse du coût du cycle de vie des biens des principaux segments d'achat, comme l'imposait l'article 36 de la loi Climat et résilience au 1er janvier 2025

Gouvernement

Immédiat

Texte réglementaire

14

Assouplir les conditions de recours aux groupements de commandes pour les communes et les intercommunalités

Parlement

2026

Texte législatif

16

Transférer dans les meilleurs délais l'hébergement de la plateforme des données de santé, dite Health Data Hub, sur une solution souveraine, immune aux législations extraterritoriales, conformément à l'article 31 de la loi Sren

Gouvernement

Immédiat

/

18

Défendre une exception alimentaire à l'échelle européenne pour faciliter le recours aux producteurs locaux

Union européenne

2027

Directive européenne

19

Instaurer, dans le cadre de la révision des directives européennes sur la commande publique, un principe général de préférence européenne dans les achats des personnes publiques

Union européenne

2027

Directive européenne

20

Instituer, à l'occasion de la révision des directives européennes sur la commande publique, un Small Business Act européen réservant aux PME une part d'au moins 30 %, en valeur, des marchés publics passés par l'ensemble des pouvoirs adjudicateurs

Union européenne

2027

Directive européenne

21

Dans le cadre du Small Business Act européen, réserver aux TPE et PME les marchés publics d'un montant inférieur au seuil des procédures formalisées pour les fournitures et les services et à 100 000 euros HT pour les travaux, sauf en cas d'infructuosité d'une première procédure.

Union européenne

2027

Directive européenne

22

Publier au plus vite le décret d'application de l'article 31 de la loi Sren qui respecte la volonté du législateur et en assurer la mise en oeuvre effective

Gouvernement

Immédiat

Texte réglementaire

23

Élargir le périmètre des données considérées comme sensibles à l'ensemble des données produites ou détenues par des personnes publiques

Parlement

2026

Texte législatif

24

Rendre obligatoire, dans les plus brefs délais, l'insertion d'une clause de non-soumission aux lois extraterritoriales étrangères dans tous les marchés publics comportant des prestations d'hébergement et de traitement de données publiques en cloud

Parlement

2026

Texte législatif

27

Rendre obligatoire l'insertion dans tous les marchés publics comportant des prestations de conseil d'une clause interdisant le transfert vers un pays tiers des livrables produits dans le cadre de la fourniture de ces prestations

Parlement

2026

Texte législatif

28

Exiger l'immunité aux législations extraterritoriales des cabinets de conseil travaillant pour le secteur public

Parlement

2026

Texte législatif

29

Rationaliser le pilotage de la politique numérique de l'État en réaffirmant le rôle de pilote de la direction interministérielle du numérique, sous l'autorité du Premier ministre, et en rappelant aux administrations de l'État le caractère obligatoire de la doctrine « cloud au centre »

Gouvernement

Immédiat

Circulaire

30

Remédier au défaut de pilotage politique de l'Ugap pour en faire un outil de souveraineté industrielle et numérique en confiant sa tutelle au seul ministère chargé de la souveraineté industrielle et numérique, en limitant à deux mandats successifs l'exercice des fonctions de membres du conseil d'administration et en intégrant deux parlementaires à celui-ci

Gouvernement

Immédiat

Texte réglementaire

32

Relever le seuil applicable aux marchés innovants à 143 000 euros pour les pouvoirs adjudicateurs centraux, à 221 000 euros pour les autres pouvoirs adjudicateurs et à 443 000 euros pour les entités adjudicatrices et les marchés de défense ou de sécurité

Gouvernement

Immédiat

Texte réglementaire

33

Dans le cadre de la révision des directives européennes, simplifier et préciser la définition de l'innovation en droit de la commande publique

Union européenne

2027

Directive européenne

34

Abaisser le plafond réglementaire du chiffre d'affaires minimal exigible des entreprises candidates à un marché public (de deux fois le montant du marché à une fois et demie ce montant) et inviter les acheteurs publics à réduire les montants de chiffre d'affaires exigés dans leurs marchés publics afin de soutenir l'innovation et faciliter l'accès des nouveaux entrants à la commande publique

Commission européenne / Gouvernement

2027

Directive européenne / Texte réglementaire / Circulaire

35

Limiter la possibilité, pour les acheteurs publics, d'imposer aux entreprises candidates à un marché public des conditions relatives à leurs capacités techniques et opérationnelles aux seuls cas où de telles exigences sont justifiées par l'objet ou les conditions d'exécution du marché et proportionnées à l'objectif poursuivi

Commission européenne / Gouvernement

2027

Directive européenne / Texte réglementaire

38

Supprimer la procédure adaptée et permettre le recours à la procédure négociée en deçà des seuils européens, dans le respect des principes fondamentaux du droit de la commande publique

Parlement

2026

Texte législatif

39

En conséquence, assurer la publicité des marchés dont la valeur estimée est inférieure aux seuils européens sur le profil d'acheteur et sur un support habilité à publier une annonce légale librement choisi par les acheteurs publics

Gouvernement

2026

Texte réglementaire

40

Supprimer l'obligation de publication des marchés passés selon une procédure formalisée au BOAMP en sus du JOUE

Gouvernement

2026

Texte réglementaire

42

À l'instar de ce qui est autorisé pour les entités adjudicatrices, permettre aux pouvoirs adjudicateurs de recourir librement à une procédure formalisée avec négociation, sans justification, dans le cadre de la révision des directives européennes

Union européenne

2027

Directive européenne

43

Dans l'intérêt des acheteurs publics et des opérateurs économiques, mettre en place, via une plateforme en ligne, un « passeport commande publique » attestant du respect par les soumissionnaires à un marché public et son titulaire de leurs obligations légales et réglementaires, notamment en matière fiscale et sociale

Gouvernement / Parlement

Immédiat

Texte législatif / Texte réglementaire

44

Exiger la mention, dans le dossier de candidature, de la rémunération demandée au titre de la maîtrise d'oeuvre dans le cadre d'un concours

Gouvernement

Immédiat

Texte réglementaire

45

Autoriser le remplacement sans publicité ni mise en concurrence préalables du titulaire d'un marché ou d'un lot en cas de défaillance liée à une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire

Union européenne

2027

Directive européenne

47

Dans le cadre de la révision des directives européennes, autoriser par principe les variantes dans le cadre des marchés passés selon une procédure formalisée, sauf mention contraire dans l'avis de marché ou l'invitation à confirmer l'intérêt

Union européenne

2027

Directive européenne

49

Garantir le versement automatique des intérêts moratoires en cas de retard de paiement relevant de la responsabilité de l'ordonnateur

Gouvernement

Immédiat

Circulaire

53

Rendre obligatoire la publication par l'acheteur public de la méthode de notation des offres dans le cadre de la passation d'un marché public

Gouvernement

2026

Texte réglementaire

54

Rendre obligatoire, dans le cadre de la comparaison des offres, l'évaluation du critère du prix sur la base des prix hors taxes

Gouvernement

2026

Texte réglementaire

55

Exclure du champ du délit de favoritisme toute méconnaissance, même délibérée, du droit de la commande publique, lorsqu'elle visait à permettre d'atteindre un objectif d'intérêt général impérieux et lorsque l'acheteur, en le méconnaissant, même délibérément, n'avait pas l'intention d'octroyer un avantage injustifié

Parlement

2026

Texte législatif

57

Instaurer une obligation de formation aux enjeux et au droit de la commande publique pour les élus membres d'une commission d'appel d'offres

Parlement

2026

Texte législatif

60

Mettre en place un mécanisme d'habilitation des organismes assurant des missions d'assistance à maîtrise d'ouvrage au profit des personnes publiques afin de faire disparaître les risques de conflit d'intérêts en lien avec l'exercice de telles missions au profit d'entreprises privées

Parlement

2026

Texte législatif

61

Organiser le recensement des données de la commande publique dès le premier euro dépensé, tout en modulant les obligations de remontée des données en fonction du montant du marché

Gouvernement

Immédiat

Texte réglementaire

62

Garantir l'interopérabilité des profils d'acheteur au bénéfice des opérateurs économiques afin de leur faciliter l'accès à l'information sur les procédures de la commande publique en cours

Gouvernement

Immédiat

Texte réglementaire

63

Organiser la remontée automatisée des données vers le portail national de données ouvertes en prenant appui sur les initiatives de recensement des données de la commande publique déjà conduites par les collectivités territoriales

Gouvernement

Immédiat

Texte réglementaire

64

Achever dans les meilleurs délais la mise au point du portail de données des achats publics de l'État et rendre public et facilement accessible à tous l'ensemble de son contenu, avec une publication détaillée par segment d'achat et par origine des titulaires, en particulier pour les achats en matière numérique

Gouvernement

Immédiat

Texte réglementaire

66

Développer chez les acheteurs publics la programmation des achats et sa publicité et exiger de l'État et de ses opérateurs la réalisation d'une programmation de leurs achats, a minima triennale

Gouvernement

Immédiat

Texte réglementaire

ANNEXES

I. ÉTUDE DE LÉGISLATION COMPARÉE : ALLEMAGNE - ROYAUME-UNI - ÉTATS-UNIS

- LÉGISLATION COMPARÉE -

NOTE

sur

LA COMMANDE PUBLIQUE

_____

Allemagne - Royaume-Uni - États-Unis

_____

Cette note a été réalisée en mai 2025 à la demande
de la Commission d'enquête sur les coûts et les modalités effectifs de la commande publique et la mesure de son effet d'entraînement sur l'économie française

DIRECTION DE L'INITIATIVE PARLEMENTAIRE

ET DES DÉLÉGATIONS

 

AVERTISSEMENT

Ce document constitue un instrument de travail élaboré à la demande des sénateurs, à partir de documents en langue originale, par la division de la Législation comparée de la direction de l'initiative parlementaire et des délégations. Il a un caractère informatif et ne contient aucune prise de position susceptible d'engager le Sénat.

À la demande de la commission d'enquête sur les coûts et les modalités effectifs de la commande publique et la mesure de son effet d'entraînement sur l'économie française, la division de la Législation comparée a réalisé une étude sur le droit de la commande publique dans trois pays : l'Allemagne, le Royaume-Uni et les États-Unis.

L'étude s'attache à identifier pour chaque pays les sources du droit de la commande publique, les différents types de procédures de dévolution concurrentielle ainsi que les spécificités propres à chaque régime juridique.

Le droit de la commande publique varie significativement entre les trois pays étudiés. En Allemagne, ce droit n'est pas codifié et distingue les procédures selon qu'elles dépassent ou non les seuils européens. Au-dessus, cinq procédures formalisées sont autorisées, alignées sur le droit de l'Union européenne (UE). En dessous des seuils européens, il existe quatre types de procédure et la procédure de gré à gré s'applique en deçà de certains seuils internes. Il revient toutefois à chaque Land de définir ces seuils internes, à partir desquels la passation d'appels d'offres est obligatoire. Il en résulte une grande hétérogénéité.

Le Royaume-Uni, après le Brexit, a adopté le Procurement Act 2023, entré en vigueur en février 2025. Cette réforme vise à simplifier le droit de la commande publique, notamment en introduisant une procédure ouverte unique et une procédure flexible, à concevoir par l'acheteur. Par ailleurs, elle renforce de façon significative les exigences de transparence et la supervision avec une nouvelle autorité de contrôle.

Aux États-Unis, le droit fédéral distingue trois types de procédures concurrentielles, avec un régime simplifié pour les faibles montants. Le système est marqué par un fort protectionnisme via plusieurs régimes de préférence nationale, bien que des exceptions existent, notamment en cas de prix déraisonnable de l'offre domestique ou d'accords commerciaux.

A. TABLEAU DE SYNTHÈSE

Pays

Sources juridiques

Types de procédures

Spécificités

Réformes récentes

Allemagne

Loi contre les restrictions de concurrence (GWB) et divers autres textes législatifs et réglementaires.

- Au-dessus des seuils UE : 5 procédures formalisées (ouverte, restreinte, négociée, dialogue compétitif, partenariat d'innovation)
- En dessous : 4 types (appel d'offres public/restreint, procédure négociée, gré à gré)

Hétérogénéité entre les Länder (seuils internes allant de 1 000 € à 100 000 € selon type de marché et le Land)

Projet de loi (2024) pour simplifier et alléger les charges, repris en 2025 dans le contrat de la nouvelle coalition

Royaume-Uni

Procurement Act 2023

- Procédure ouverte (1 étape)
- Procédure flexible (conçue par l'acheteur)

Maintien des seuils issus du droit de l'UE
Forte exigence de transparence (nouvelles obligations de publication)

Réforme post-Brexit entrée en vigueur le 24 février 2025

États-Unis

Code des États-Unis et Code des règlements fédéraux

- Appel d'offres fermé
- Proposition concurrentielle
- Combinaison de procédures
- Procédures simplifiées (micro-achat < 10 000 $)

Nombreuses exigences de préférence nationale : Buy American Act, Trade Agreement Act, Berry Act, Build America Buy America Act
Exceptions possibles

Extension du principe de préférence nationale par le Build America, Buy America Act (2021)

B. ALLEMAGNE

Le droit allemand de la commande publique n'est pas codifié et fait l'objet d'une bipartition entre, d'une part, les règles de dévolution concurrentielle applicables au-dessus des seuils européens, relevant du droit de la concurrence, et, d'autre part, les règles en deçà de ces seuils, qui découlent du droit budgétaire et peuvent varier selon que le pouvoir adjudicateur relève du niveau fédéral, régional ou communal.

S'agissant des marchés publics et concessions dont les montants sont supérieurs aux seuils européens, la loi contre les restrictions de concurrence (GWB) autorise cinq types de procédures formalisées (la procédure ouverte, la procédure restreinte, la procédure avec négociation, la procédure de dialogue compétitif et le partenariat d'innovation), conformément au droit de l'Union européenne.

En deçà de seuils européens, il existe quatre types de procédures : l'appel d'offres public, l'appel d'offres restreint, la procédure négociée (avec ou sans mise en concurrence) et, en deçà de certains seuils, la procédure de gré à gré. Il revient toutefois à chaque Land de définir les seuils internes à partir desquels la passation d'appels d'offres est obligatoire. Il en résulte une grande hétérogénéité, les seuils internes pour les marchés publics de fournitures et de services allant de 1 000 euros au niveau fédéral à 100 000 euros dans certains grands Länder (Bade-Wurtemberg, Bavière et Hambourg). Des seuils internes différents peuvent également s'appliquer aux marchés et concessions conclus au niveau communal.

Dans la continuité de la réforme du droit de la commande publique allemand de 2016, le gouvernement fédéral sortant a présenté à l'automne 2024 un projet de loi de transformation de la commande publique visant à simplifier les procédures d'adjudication et à réduire la charge administrative pour les PME et les collectivités territoriales. Si ce texte n'a pu aboutir, le contrat de coalition conclu en 2025 entre la CDU, la CSU et le SPD prévoit un engagement à simplifier, accélérer et numériser le droit de la commande publique au niveau national et européen et annonce le relèvement des seuils internes afin de faciliter le recours aux marchés de gré à gré au niveau fédéral.

1. Les spécificités du droit allemand de la commande publique
a) La place de la commande publique en Allemagne

En Allemagne, la commande publique (öffentliche Vergabe) représentait 35 % des dépenses publiques et 18 % du PIB en 2021, selon l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE)780(*).

Le rapport annuel fédéral sur la commande publique comptabilise quant à lui 188 916 marchés publics et concessions attribués en 2022, représentant un montant total de 131,6 milliards d'euros781(*). Seuls près de 12 % de ces contrats ont été attribués au niveau fédéral, 30 % par les Länder et 51 % au niveau communal782(*). Plus de 70 % du montant de la commande publique relève ainsi du niveau infra-fédéral en Allemagne783(*).

Nombre et volume des marchés publics et des concessions
(par niveau d'autorité adjudicatrice) en 2022

Niveau d'autorité adjudicatrice

Nombre de marchés publics et concessions

Volume de commandes

En valeur absolue

Part en %

En M€

Part en %

Niveau fédéral

22 064

11,7

37 777

28,7

Niveau fédéré (Länder)

56 065

29,7

31 313

23,8

Niveau communal

95 959

50,8

34 730

26,4

Autres donneurs d'ordre *

14 828

7,9

27 829

21,1

Total **

188.916

100

131 650

100

* Cette catégorie correspond notamment aux organismes de sécurité sociale et autres organismes de droit privé soumis à l'influence déterminante des pouvoirs publics et qui ne relèvent pas clairement de l'État fédéral, des Länder ou du niveau communal.

** Sur ce total, 9 282 marchés d'un montant total de 142,1 millions d'euros ont fait l'objet d'une notification volontaire, c'est-à-dire qu'ils se situaient dans la fourchette de 1 001 à 25 000 euros.

Source : BMWK, Vergabe Statistik

Sur le plan politique, la commande publique n'est pas considérée comme un simple moyen de couvrir les besoins de l'administration en matière de travaux, fournitures et services. Comme le souligne l'exposé des motifs du projet de loi de transformation du droit de la commande publique présenté en novembre 2024 (cf. infra), au regard des montants en jeu, les marchés publics représentent un moteur économique et une incitation à l'investissement pour les entreprises.

En outre, en accord avec le droit de l'Union européenne, l'ensemble des règles de droit encadrant la commande publique est irrigué par l'impératif de création d'un espace de concurrence transparent, garantissant l'égalité entre ses participants.

b) Les sources du droit de la commande publique

Le droit allemand de la commande publique (Vergaberecht) ne fait pas l'objet d'une codification, à l'inverse du code de la commande publique français. Ses sources sont fragmentées et figurent dans différents textes selon leur nature (législative ou réglementaire), leur domaine d'application (à l'ensemble des contrats de la commande publique ou à certains secteurs ou à partir de certains seuils) et leur niveau de compétences (fédéral ou fédéré).

Cette fragmentation s'explique à la fois par :

- la répartition des compétences législatives entre la Fédération et les Länder. Le droit de la commande publique appartient au domaine des compétences législatives concurrentes prévu à l'article 72 de la Loi fondamentale. Ainsi, parallèlement au droit fédéral, 15 des 16 Länder ont adopté leur propre loi en matière de commande publique784(*) ;

- et des raisons historiques. Au niveau fédéral, le cadre juridique des marchés publics prend sa source dans le droit budgétaire et ce n'est qu'à partir des années 1970, sous l'effet du droit européen, qu'une partie du droit de la commande publique (au-dessus des seuils européens) a été intégrée au droit de la concurrence.

La réforme du droit européen de la commande publique et l'adoption de trois nouvelles directives en 2014785(*) ont joué un rôle de catalyseur en faveur de la modernisation du droit de la commande publique en Allemagne, sans pour autant mettre fin à sa fragmentation786(*). En 2016, la loi sur la modernisation du droit de la commande publique (Vergaberechtsmodernisierungsgesetz)787(*) a transposé ces directives et a introduit diverses dispositions afin d'assouplir et d'accroître l'efficacité des procédures de passation des marchés publics. Elle a également simplifié les règles concernant l'aptitude et l'examen des qualifications des participants, encouragé le recours aux procédures numériques et obligé les entreprises attributaires de marchés publics à respecter certaines obligations en matière environnementale, sociale et de droit du travail788(*).

Le cadre juridique de la commande publique en Allemagne repose sur une dichotomie fondamentale entre, d'une part, les règles de dévolution concurrentielle applicables au-dessus des montants seuils (Schwellenwerte) prévus par le droit de l'UE et, d'autre part, celles applicables en deçà de ces seuils. La doctrine évoque ainsi fréquemment la bipartition du droit allemand de la commande publique (Zweiteilung des Vergaberechts)789(*).

Les seuils européens applicables aux marchés publics
et aux contrats de concession en 2024 et 2025
790(*)

Marchés de fournitures et services des pouvoirs adjudicateurs centraux

143 000 euros

Marchés de fournitures et services des autres pouvoirs adjudicateurs

221 000 euros

Marchés de fournitures et services des entités adjudicatrices (Sektorenauftraggeber) et marchés de de fournitures et services de défense ou de sécurité

443 000 euros

Marchés de travaux et contrats de concession

5 538 000 euros

Source :  https://www.bmwk.de/Redaktion/DE/Artikel/Wirtschaft/vergabe-uebersicht-und-rechtsgrundlagen.html (consulté le 30 avril 2025)

Le cadre juridique s'organise de la façon suivante :

pour les marchés supérieurs aux seuils européens, les fondements du droit de la commande publique figurent dans la loi contre les restrictions de concurrence (Gesetz gegen Wettbewerbsbeschränkungen, GWB)791(*), et plus particulièrement sa quatrième partie consacrée à la passation des marchés publics et concessions (articles 97 à 184). Ces dispositions sont complétées par un règlement sur la passation des marchés publics (Verordnung über die Vergabe öffentlicher Aufträge, VgV)792(*) et un règlement sur la passation des concessions (Verordnung über die Vergabe von Konzessionen, KonzVgV). Le règlement sur les secteurs spéciaux (Sektorenverordnung, SektVO) réglemente la passation de marchés de travaux, de fournitures et de services dans le domaine des transports, de l'approvisionnement en eau potable et en énergie et le règlement relatif aux marchés publics dans le domaine de la défense et de la sécurité (Vergabeverordnung Verteidigung und Sicherheit, VSVgV) tient compte des spécificités de l'achat de prestations liées à la défense et à la sécurité ;

pour les marchés inférieurs aux seuils européens, le droit budgétaire traditionnel s'applique (en particulier, l'article 55 du Règlement financier fédéral) ainsi que deux règlements de procédure spécifiques pour la passation de marchés de fournitures et de services (Unterschwellenvergabeordnung (UVgO) éventuellement dans sa version applicable à chaque Land ou, le cas échéant, la loi du Land sur la commande publique) et pour la passation de marchés de travaux (Vergabe- und Vertragsordnung für Bauleistungen Teil A, VOB/A).

Schéma simplifié du cadre juridique de la commande publique en Allemagne

Source :  https://bi-medien.de/vergabe-wissen/blog/vergaberecht-uebersicht-deutschland

2. Les règles de dévolution concurrentielle
a) Les règles applicables au-dessus des seuils européens

L'article 97 de la loi contre les restrictions de concurrence (GWB), énumérant les grands principes de la commande publique, dispose dans son alinéa 1er que la passation des contrats de la commande publique est soumise à une obligation de mise en concurrence. Le type de procédure de dévolution concurrentielle dépend du montant du marché public ou de la concession faisant l'objet d'un appel d'offres, conformément au droit de l'UE.

L'article 106 de cette même loi renvoie aux montants seuils (Schwellenwerte) définis au niveau européen (cf. encadré infra) et prévoit, lorsque ces seuils sont dépassés, qu'il convient de soumettre l'appel d'offres à un degré de publicité adéquat permettant de garantir la bonne concurrence et de vérifier que le processus de sélection de l'attributaire est réalisé de façon impartiale793(*).

Conformément au droit européen, l'article 119 de la loi énumère les cinq types de procédure formalisée autorisés au-dessus des seuils :

- la procédure ouverte (das offene Verfahren), considérée comme le modèle classique de procédure de dévolution concurrentielle et caractérisée par trois éléments : l'appel d'offres est publié à destination du plus grand nombre d'entreprises, le besoin du pouvoir adjudicateur est précisément décrit et toute entreprise intéressée peut déposer une candidature. Le contenu des candidatures (notamment le coût) doit rester secret jusqu'à la date butoir pour la soumission des candidatures et les négociations ultérieures sont interdites ;

- la procédure restreinte (das nicht offene Verfahren), dans le cadre de laquelle un nombre limité d'entreprises est présélectionné en vertu de critères objectifs, transparents et non discriminatoires, après publication préalable de l'appel d'offres et des critères de présélection. L'aptitude des entreprises est vérifiée séparément de l'analyse de leurs candidatures ;

- la procédure avec négociation (das Verhandlungsverfahren),

- la procédure de dialogue compétitif (der wettbewerbliche Dialog)

- et le partenariat d'innovation (die Innovationspartnerschaft)

Les deux premières procédures sont les procédures de droit commun et les pouvoirs adjudicateurs peuvent recourir à l'une ou à l'autre selon leur choix. Les trois dernières procédures sont autorisées dans un nombre limité de cas prévus par la loi.

En cas de soupçon de violation d'une règle de procédure, il est possible d'adresser des recours devant les chambres de la commande publique (Vergabekammer)794(*), voire de faire appel devant les tribunaux régionaux supérieurs. Les chambres de la commande publique sont compétentes uniquement pour les marchés ou concessions supérieurs aux seuils européens795(*).

b) Les règles applicables en deçà des seuils européens

Pour les marchés ou concessions dont les montants sont inférieurs aux seuils européens, l'article 55 du règlement financier fédéral (BHO) prévoit par principe l'obligation pour le pouvoir adjudicateur de procéder à un appel d'offres « à moins que la nature de l'opération ou des circonstances particulières ne justifient une exception ». Le règlement de procédure sur la passation des marchés publics de fournitures et de services inférieurs aux seuils (Unterschwellenvergabeordnung, UVgO) et le règlement de procédure sur la passation des marchés publics de travaux inférieurs aux seuils (Vergabe- und Vertragsordnung für Bauleistungen Teil A, VOB/A) précisent les procédures de publicité et de dévolution concurrentielle applicables dans ces cas.

Lors de la réforme de 2016, la structure et les règles de l'UvgO ont été partiellement harmonisées avec celles du règlement sur les marchés publics (VgV, applicable aux procédures supérieures aux seuils), à des fins de simplification pour les pouvoirs adjudicateurs et les entreprises796(*).

Pour les opérations inférieures aux seuils européens, les deux règlements de procédure prévoient désormais quatre types de procédures :

- l'appel d'offres public (öffentliche Ausschreibung), qui équivaut à la procédure ouverte au-dessus des seuils européens ;

- l'appel d'offres restreint (beschränkte Ausschreibung), qui équivaut à la procédure restreinte au-dessus des seuils européens, avec ou sans mise en concurrence ;

- la procédure avec négociation (Verhandlungsvergabe ou freihändige Vergabe pour les marchés de travaux publics) avec ou sans mise en concurrence, en vertu de laquelle les pouvoirs adjudicateurs invitent plusieurs entreprises, en principe au moins trois, à présenter une offre et à participer à des négociations. S'agissant des marchés de travaux publics, la procédure avec négociation n'est possible que jusqu'à un montant maximum de 10 000 euros797(*) ;

- et l'attribution directe ou procédure de gré à gré (Direktauftrag), dépourvue de formalités, en vertu des « principes budgétaires d'efficacité et d'économie ». Selon les deux règlements de procédure précités, l'attribution directe n'est en principe possible que jusqu'à un montant de 1 000 euros (hors taxes) s'agissant des marchés publics de fournitures et de services et jusqu'à un montant de 3 000 euros s'agissant des marchés publics de travaux. Le pouvoir adjudicateur doit toutefois veiller à diversifier ses cocontractants et privilégier régulièrement les PME et start-ups.

Les pouvoirs adjudicateurs peuvent recourir, selon leurs choix, à la procédure par appel d'offres public ou à la procédure par appel d'offres restreint avec mise en concurrence - les autres types de procédure sont autorisés dans un nombre limité de cas.

Cependant, ces règlements de procédure (Ordnungen) n'ont pas de valeur contraignante en eux-mêmes ; ils acquièrent une valeur juridique par des règlements d'application (Anwendungsbefehl) pris par l'État fédéral et les Länder dans le cadre de leurs droits respectifs de la commande publique. Si l'État fédéral applique pleinement ces règlements798(*), les Länder sont libres de les transposer en tout ou partie dans leur droit de la commande publique.

En particulier, il revient à chaque Land de définir les seuils internes à partir desquels les procédures de dévolution concurrentielle prévues par les deux textes fédéraux susmentionnés s'appliquent, au niveau régional ainsi qu'au niveau communal799(*). En deçà des seuils définis par chacun des 16 Länder, la procédure de gré à gré s'applique. Ce système offre aux États fédérés une large souplesse par rapport au cadre juridique applicable au niveau fédéral mais il a pour conséquence une différenciation territoriale importante du droit de la commande publique en Allemagne.

Le tableau ci-après présente les montants des seuils à partir desquels il est requis de passer un appel d'offres public ou restreint (voire une procédure avec négociation dans certaines conditions) dans les différents Länder allemands. En deçà de ces seuils, la procédure de passation est libre, i.e. de gré à gré.

Seuils de passation des appels d'offres des Länder allemands
(en deçà des seuils européens)

 

Marchés publics de fournitures et de services

Marchés publics de travaux

Niveau fédéral

1 000 euros

3 000 euros

Bade-Wurtemberg800(*)

100 000 euros

100 000 euros

Bavière801(*)

100 000 euros

250 000 euros

Basse-Saxe802(*)

20 000 euros

20 000 euros

Berlin803(*)

10 000 euros

50 000 euros

Brandebourg804(*)

5 000 euros

10 000 euros

Brême805(*)

50 000 euros

50 000 euros

Hambourg806(*)

100 000 euros

150 000 euros

Hesse807(*)

10 000 euros

10 000 euros

Mecklembourg-Poméranie-Occidentale808(*)

10 000 euros

50 000 euros

Rhénanie-Palatinat809(*)

20 000 euros

20 000 euros

Rhénanie du Nord-Westphalie810(*)

25 000 euros

25 000 euros

Sarre811(*)

25 000 euros

25 000 euros

Saxe812(*)

Seuil européen

Seuil européen

Saxe-Anhalt813(*)

40 000 euros

120 000 euros

Schleswig-Holstein814(*)

5 000 euros

10 000 euros

Thuringe815(*)

30 000 euros

75 000 euros

NB : les montants indiqués sont des montants nets, hors taxes.

Depuis plusieurs années, une tendance à la hausse des seuils de passation des marchés publics et des seuils des procédures négociées (sans mise en concurrence) est observée en Allemagne. Plusieurs Länder ont ainsi relevé leurs seuils de façon significative afin de réduire la charge administrative que représente la passation de marchés publics et permettre ainsi des achats plus efficaces816(*). Par exemple, en 2024, le Bade-Wurtemberg et la Bavière ont relevé la limite des marchés de gré à gré à 100 000 euros, contre respectivement 5 000 euros et 25 000 euros auparavant817(*).

La réforme des seuils de passation des marchés publics
du Land de Bade-Wurtemberg

En 2024, le Bade-Wurtemberg a révisé l'acte administratif du gouvernement régional relatif à la passation des marchés publics (VwV Beschaffung)818(*). La nouvelle version de l'acte administratif du 23 juillet 2024 est en vigueur depuis le 1er octobre 2024. Elle a considérablement allégé le texte, qui est passé de 58 à 12 pages.

Sur le fond, la révision de ce texte s'inscrit dans la tendance générale observée dans les Länder et s'accompagne d'un relèvement considérable des seuils pour les procédures de passation des marchés publics au niveau régional. Ainsi, la limite maximale pour les procédures d'attribution directe a été portée de 5 000 euros à 100 000 euros hors taxes. Les prestations de services libérales peuvent également faire l'objet d'une attribution directe jusqu'à une valeur maximale de 100 000 euros nets.

Les appels d'offres restreints sans mise en concurrence (jusqu'à présent autorisés jusqu'à 100 000 euros) et les marchés négociés avec ou sans mise en concurrence (jusqu'à présent autorisés jusqu'à 50 000 euros) sont désormais possibles jusqu'à un montant légèrement en deçà du seuil européen correspondant.

Le relèvement des seuils est limité à trois ans à compter de l'entrée en vigueur de l'acte administratif. Les effets des nouveaux seuils seront évalués à la fin de l'année 2026.

Au niveau communal également, le Bade-Wurtemberg a relevé les seuils pour les marchés publics simplifiés au niveau des seuils européens en 2024. Jusqu'au 31 décembre 2026, uniquement pour les travaux de construction communaux, les appels d'offres restreints sans mise en concurrence sont autorisés jusqu'à une valeur maximale de 1 000 000 d'euros nets, les marchés négociés jusqu'à une valeur maximale de 100 000 euros nets et les marchés de gré à gré jusqu'à une valeur maximale de 10 000 euros nets. Dans le domaine des fournitures et services communaux, les appels d'offres restreints sans mise en concurrence sont autorisés jusqu'à une valeur maximale de 221 000 euros nets, les marchés négociés jusqu'à une valeur maximale de 100 000 euros et les marchés de gré à gré jusqu'à une valeur maximale de 10 000 euros nets.

Source : BMWK, KOINNO Magazin, 02/2024, p. 10.

Cette évolution s'observe également au niveau fédéral : le « paquet » de transformation du droit de la commande publique présenté par le gouvernement fédéral à l'automne 2024 (cf. infra) prévoyait en effet de porter la limite générale pour les procédures de gré à gré à 15 000 euros pour les marchés de fournitures et de services, ainsi que l'introduction de seuils spéciaux pour les marchés passés avec des start-ups jusqu'à six ans après leur création et des entreprises d'intérêt général (100 000 euros) ainsi que pour les achats effectués sur des plateformes de marché en ligne (50 000 euros). Le contrat de la nouvelle coalition gouvernementale, conclu en avril 2025, prévoit quant à lui de relever le montant maximal des procédures de gré à gré au niveau fédéral de 1 000 euros à 50 000 euros pour les marchés de fournitures et de services et à 100 000 euros pour les jeunes start-ups proposant des services innovants (cf. encadré infra).

3. Le projet de loi de transformation de la commande publique

Le 27 novembre 2024, le gouvernement fédéral sortant a présenté un projet de loi de transformation de la commande publique (Gesetzesentwurf zur Transformation des Vergaberechts), conformément à l'engagement pris dans le contrat de coalition819(*). Selon l'exposé des motifs, le cadre politique, économique et social a considérablement évolué depuis la réforme de 2016, ce qui justifie de nouvelles modifications afin que le droit de la commande publique soit « mieux ciblé, moins bureaucratique et plus moderne » 820(*).

Le texte modifie ainsi la partie quatre de la loi allemande contre les restrictions de concurrence (GWB) et divers règlements afin de simplifier les procédures d'adjudication (notamment pour les projets d'infrastructures et les investissements de défense et de sécurité urgents), réduire la bureaucratie pour les PME et les collectivités territoriales et améliorer la prise en compte de critères sociaux et environnementaux dans les marchés publics821(*). Il prévoit également un ensemble de mesures d'accélération de la dématérialisation des procédures de passation des marchés. Ce projet de loi concerne uniquement les marchés publics et concessions dont le montant est supérieur aux seuils européens. Toutefois, dans le cadre d'un « paquet » de réformes le gouvernement fédéral avait également annoncé une révision ultérieure du règlement sur les marchés publics inférieurs aux seuils (UVgO), en accord avec les Länder822(*).

Examiné en décembre par le Bundesrat puis transmis au Bundestag823(*), le projet de loi de transformation de la commande publique est devenu caduc824(*) en raison de la tenue d'élections législatives anticipées en février 2025. Cependant, au regard du caractère relativement consensuel de certaines propositions et du fait que le contrat de coalition du nouveau gouvernement mentionne la nécessité de réformer le droit de la commande publique, il a été jugé pertinent de présenter ci-après certaines de ses propositions.

Extrait du contrat de coalition entre le parti chrétien démocrate (CDU),
l'Union chrétienne sociale (CSU) et le parti social-démocrate (SPD)
pour la 21e législature « Responsabilité pour l'Allemagne »

« Simplification du droit de la commande publique et gestion stratégique des achats

« Nous nous engageons à simplifier, accélérer et numériser le droit de la commande publique au niveau national et européen pour tous les types de fournitures et de prestations destinés à l'État fédéral, aux Länder et aux communes. Nous appliquons le principe d'une attribution favorable aux petites et moyennes entreprises.

« Nous ramènerons le droit de la commande publique en phase avec son objectif initial, à savoir des achats économiques, non discriminatoires et exempts de corruption. Nous créerons des possibilités d'exemption sectorielle du droit de la commande publique, en particulier dans les domaines de la sécurité nationale et pour les marchés porteurs de produits à faibles émissions dans l'industrie des matières premières, avec un domaine pionnier pour la Deutsche Bahn. Nous visons à harmoniser les seuils applicables aux marchés publics dans le droit national et souhaitons les relever, en particulier pour les marchés de gré à gré et les procédures avec négociation.

« Seuils pour les marchés de gré à gré

Au niveau fédéral, nous allons relever le seuil des procédures d'appels d'offres pour les fournitures et les services à 50 000 euros et à 100 000 euros pour les start-ups proposant des services innovants au cours des quatre premières années suivant leur création. Au niveau européen également, nous nous engageons en faveur d'une augmentation modérée des seuils et d'un traitement distinct des prestations de planification. »

Source : https://www.spd.de/fileadmin/Dokumente/Koalitionsvertrag2025_bf.pdf, lignes 2058 à 2072.

a) Les mesures de simplification et de réduction de la charge administrative
(1) L'assouplissement du principe d'allotissement

L'article 97 de la loi contre les restrictions de concurrence cite, parmi les grands principes de la commande publique, l'obligation d'allotissement des offres de marchés publics, c'est-à-dire de subdiviser une opération en plusieurs lots afin d'alléger la procédure de dévolution concurrentielle et, par là même, de favoriser l'accès des PME à la commande publique.

La réforme envisagée par le gouvernement fédéral sortant prévoit un élargissement des cas de dérogation au principe d'allotissement : plusieurs lots pourraient être attribués conjointement non seulement pour des motifs économiques et techniques (comme cela est admis en vertu du droit existant) mais aussi pour des raisons temporelles (gains de temps ou moyen d'éviter des retards). Par ailleurs, en cas de recours à cette dérogation, les pouvoirs adjudicateurs pourraient obliger les cocontractants à « tenir particulièrement compte des intérêts des petites et moyennes entreprises lors de la passation de marchés de sous-traitance »825(*).

L'exposé des motifs justifie cet assouplissement par la nécessité de déployer rapidement des projets d'infrastructure ou de transformation importants, comme par exemple le développement des infrastructures pour l'hydrogène vert et les énergies renouvelables826(*).

(2) L'allègement des exigences du cahier des charges

Dans sa rédaction actuelle, l'article 121 de la loi contre les restrictions de concurrence prévoit que le cahier des charges doit « décrire l'objet du marché de la manière la plus claire et la plus exhaustive possible ».

Considérant l'objectif de clarté comme déterminant et suffisant, le projet de loi de transformation de la commande publique propose de supprimer l'adjectif « exhaustif ». Selon l'exposé des motifs, la prestation doit être décrite aussi clairement que possible afin que toutes les entreprises la comprennent et que les offres puissent être comparées entre elles. Toutefois, il ne serait plus nécessaire que le pouvoir adjudicateur mette à disposition tous les documents et informations dont il dispose827(*).

Cette modification vise à réduire à la fois la charge de travail du pouvoir adjudicateur pour élaborer le cahier des charges et celle des entreprises pour l'analyser et l'évaluer. En outre, cette suppression est censée encourager les pouvoirs adjudicateurs à recourir davantage à des cahiers des charges fonctionnels828(*).

(3) L'allègement des exigences de mise à disposition des documents relatifs aux appels d'offres

Dans le cadre des publications d'appel d'offres, les pouvoirs adjudicateurs ont l'obligation de mettre à disposition de toutes les entreprises intéressées un lien électronique à partir duquel elles peuvent accéder à l'ensemble des documents relatifs à un appel d'offres829(*). L'accès à cet espace électronique doit être gratuit, sans restriction, complet et direct.

L'élaboration de ces documents représente souvent un coût significatif et constitue une charge importante pour les pouvoirs adjudicateurs. Dès lors, le projet de loi de transformation de la commande publique830(*) prévoit d'alléger cette contrainte en indiquant que seuls les documents nécessaires aux entreprises intéressées pour se décider sur leur éventuelle candidature à l'appel d'offres devront être mis à disposition ; le surplus n'est plus considéré comme nécessaire à ce stade de la procédure. Le gouvernement propose ainsi de codifier la jurisprudence de la Cour d'appel de Düsseldorf et rejette celle de la Cour d'appel de Munich, selon laquelle les documents doivent être fournis dans leur intégralité dès la publication du marché, « dans la mesure où ces documents peuvent être disponibles sous une forme définitive au moment de la publication du marché »831(*).

(4) La facilitation de la coopération entre entités publiques

L'article 108 de la loi contre les restrictions de concurrence traite des contrats passés entre entités du seul secteur public : dans ces situations, communément appelées contrats in house ou quasi-régies, les principes fondamentaux de la commande publique - notamment la dévolution concurrentielle - ne s'appliquent pas. La version actuellement en vigueur de l'article 108 est une transposition in extenso des dispositions pertinentes des directives européennes de 2014832(*). Sont ainsi prévus, outre les classiques contrats in house descendants directs, des contrats in house ascendants (article 108 alinéa 3) et des contrats in house ascendants à deux degrés (article 108 alinéa 2 phrase 2), par contrôle conjoint de plusieurs pouvoirs adjudicateurs (article 108 alinéa 4).

Le projet de loi de transformation entend faciliter la coopération entre entités publiques, en particulier entre l'État fédéral et les Länder, en permettant d'assimiler les situations de contrôle indirect ou inverse (contrats ascendants) à des contrats in house. D'après l'exposé des motifs, l'objectif est notamment de faciliter la coopération administrative dans le domaine informatique (par exemple, pour la mise en oeuvre de la loi sur l'accès en ligne833(*) et le modèle de coopération entre l'État fédéral et les Länder « Einer für alle » (Un pour tous))834(*).

La doctrine835(*) considère cette évolution audacieuse vis-à-vis de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE). En effet, la réforme envisagée impliquerait que des contrats ascendants à un ou deux degrés puissent être reconnus comme des contrats in house alors même que le contrôle conjoint effectué par les pouvoirs adjudicateurs serait épars et diffus, car partagé non seulement entre plusieurs pouvoirs adjudicateurs mais aussi entre plusieurs degrés. Dans une telle situation, le caractère effectif du contrôle fait par le pouvoir adjudicateur sur l'opérateur économique pourrait être remis en question, alors même qu'il s'agit d'un impératif jurisprudentiel836(*). La dérogation au principe fondamental de dévolution concurrentielle pourrait ainsi s'apparenter à une distorsion de concurrence, comme l'a jugé la CJUE dans la jurisprudence Sambre et Biesme de 2022837(*).

(5) L'abandon de la nullité systématique de l'adjudication en cas d'illégalité de fait

L'article 134 de la loi contre les restrictions de concurrence dispose que, après sélection de l'entreprise tributaire du contrat, le pouvoir adjudicateur doit informer les candidats évincés de la procédure de sélection et laisser s'écouler un délai de 15 jours (ou 10 jours en cas d'information par voie électronique) avant de signer définitivement le contrat. Il s'agit d'un délai dit de stand still (Wartepflicht).

Dans l'état actuel du droit, la méconnaissance du délai de stand still entraîne la nullité systématique du contrat (article 135 alinéa 1). Le même article sanctionne de nullité la situation dans laquelle l'appel d'offres n'a pas fait l'objet d'une publication préalable au Journal officiel de l'UE (dans l'hypothèse où le montant du contrat le nécessite vis-à-vis des seuils européens). Pour faire valoir une telle nullité, toute personne ayant un intérêt à agir838(*) doit contester la validité du contrat auprès d'une chambre de la commande publique (Vergabekammer) dans un délai de 30 jours après que le candidat évincé en a été informé, et au plus tard 10 jours après la prise de connaissance du vice entachant le contrat.

Le projet de loi de transformation de la commande839(*) publique introduit une exception à la règle d'annulation systématique du contrat signé en méconnaissance du délai stand still ou des règles de dévolution concurrentielle afin de laisser une marge d'appréciation à l'administration. En effet, l'article 135 serait complété d'un alinéa prévoyant un cas de tolérance si des raisons impérieuses d'intérêt général justifient le maintien du contrat. Une telle réforme est en réalité la consécration de quelques jurisprudences840(*) et la généralisation à l'échelle fédérale de dispositifs législatifs sectoriels841(*).

(6) Des seuils européens plus élevés pour certaines administrations fédérales

Dans sa rédaction actuelle, l'article 106 de la loi contre les restrictions de concurrence prévoit que le seuil européen des marchés publics de fournitures et de services applicable aux autorités publiques centrales (ie. 143 000 euros) concerne l'ensemble des autorités fédérales suprêmes ainsi que toutes les autorités fédérales supérieures et les institutions fédérales comparables. Le seuil des pouvoirs adjudicateurs sous-centraux pour les marchés de fournitures et services (221 000 euros) s'applique quant à lui aux Länder et à l'échelon communal.

Le projet de loi de transformation de la commande publique propose de restreindre le cercle des autorités fédérales tenues d'appliquer le seuil européen inférieur au minimum nécessaire en vertu du droit international et européen842(*). Ce seuil inférieur de 143 000 euros s'appliquerait ainsi uniquement à la Chancellerie fédérale et aux ministères fédéraux et non plus à leurs établissements publics et aux agences fédérales. Ce changement de périmètre permettrait, selon l'étude d'impact, à environ 400 marchés par an (sur un total de 520 précédemment) de se voir appliquer le seuil plus élevé de 221 000 euros843(*).

(7) Les simplifications en matière de procédure contentieuse
(a) L'extension des dérogations au principe de tenue d'une audience contradictoire

L'article 166 alinéa 1 de la loi contre les restrictions de concurrence pose le principe selon lequel les chambres de la commande publique délibèrent à l'issue d'un procès garantissant un débat contradictoire, lors d'une audience où les parties peuvent émettre des observations. En théorie, la décision doit être rendue dans un délai de cinq semaines à partir de la formation du recours contentieux. Une dérogation à l'obligation de tenir une audience contradictoire avec la possibilité de statuer uniquement sur la base des pièces du dossier est prévue dans trois cas : les parties y consentent ; l'irrecevabilité des observations des parties ; le recours contentieux est vraisemblablement infondé.

Afin d'accélérer le traitement des recours844(*) et à l'aune de ce qui est déjà prévu dans certains secteurs845(*), le projet de loi de transformation de la commande publique846(*) prévoit d'élargir les cas de dérogation au principe de tenue d'une audience contradictoire. En conséquence, il serait possible au juge de statuer sur pièces dans un plus grand nombre de dossiers, « dans la mesure où cela permet d'accélérer la procédure et où l'affaire ne présente pas de difficultés particulières en droit ou en fait ».

(b) La limitation de la prolongation de l'effet suspensif du recours en cas d'appel

Le délai stand still de 10 à 15 jours que le pouvoir adjudicateur est tenu de respecter avant la signature du contrat (art. 134 al. 2) permet à tout opérateur économique disposant d'un intérêt à agir de former un recours contentieux à l'encontre de la passation supposément frauduleuse du contrat auprès d'une chambre de la commande publique (art. 160 al. 2).

Un tel recours a un effet suspensif, c'est-à-dire que la signature du contrat est proscrite jusqu'à la fin de la procédure (pouvant durer jusqu'à cinq semaines), auquel s'ajoute un délai de deux semaines courant à partir de la fin de la procédure, donc jusqu'à sept semaines au total (art. 169 al. 1). Ce délai de deux semaines, postérieur au rendu de la décision en première instance, est le délai dans lequel les parties peuvent interjeter appel auprès d'un tribunal régional supérieur en cas de retard du délai de jugement (i.e. supérieur à cinq semaines) ou de décision défavorable (art. 172 al. 3).

En cas de procès en appel, la procédure a de nouveau un effet suspensif d'une durée de deux semaines à partir de l'écoulement du délai de recours.

Dans l'état actuel du droit, si la décision de la chambre de la commande publique attaquée est une décision de rejet (total ou partiel), le requérant est fondé à demander à l'instance d'appel la prolongation de l'effet suspensif à l'entièreté de la durée du procès, soit jusqu'au délibéré (art. 173 al. 1). L'alinéa suivant du même article précise que, pour apprécier la nécessité de prolonger l'effet suspensif du procès, le tribunal compétent met en balance l'ensemble des intérêts en jeu. Il s'agit pour la formation de jugement de rechercher la preuve selon laquelle le retard de la signature emporterait des inconvénients trop importants : si les éléments avancés sont probants, alors la demande de prolongation de l'effet suspensif est rejetée ; dans le cas contraire, elle est accordée.

Sur ce point, le projet de loi de transformation de la commande publique envisage un paradigme différent847(*). Dans un souci d'accélération de l'action publique, les prolongations de l'effet suspensif ne seraient plus accordées que de façon exceptionnelle et l'office du juge consisterait désormais à mettre en balance tous les intérêts en jeu et faire droit à cette demande dans le seul cas où il découlerait de cette suspension prolongée des conséquences avantageuses, notamment de nature économique.

b) Les mesures en faveur des entreprises, notamment les PME et les start-ups
(1) Le renforcement du principe de l'auto-déclaration et l'adaptation des critères de sélection

En vertu des grands principes de la commande publique inscrits à l'article 97 de la loi contre les restrictions de concurrence, les critères d'attribution des marchés publics et des concessions ne confèrent pas une liberté de choix discrétionnaire au pouvoir adjudicateur848(*).

La sélection de l'attributaire est strictement encadrée par l'article 122 de la loi précitée ainsi que les articles 123 et 124 prévoyant respectivement des cas d'exclusion d'office et des cas d'exclusion facultatifs. La sélection de l'attributaire a principalement trait à l'aptitude de l'entreprise candidate. Plus précisément, celle-ci doit remplir les critères d'aptitude (Eignungskriterien) considérés par le pouvoir adjudicateur comme nécessaires au bon déroulement de la prestation attendue. Ces critères peuvent uniquement porter sur les éléments suivants :

- la compétence et l'autorisation d'exercice de la profession ;

- la capacité économique et financière ;

- l'aptitude technique et matérielle.

La version actuellement en vigueur de l'article 122 dispose, en son alinéa 3, que la preuve de l'aptitude de l'entreprise candidate peut être apportée, en tout ou partie, par l'analyse d'un tiers - présenté dans la loi comme un système de préqualification.

La nouvelle rédaction proposée par le projet de loi de transformation849(*) prévoit de créer la possibilité pour les entreprises candidates de prouver leur aptitude par le biais de déclarations sur l'honneur. La valeur de ces auto-déclarations serait ainsi renforcée et l'exigence de déclarations supplémentaires attestées par des tiers serait uniquement nécessaire dans des cas exceptionnels et justifiés. Une telle disposition existait déjà dans un règlement relatif à la commande publique850(*). Le fait de l'intégrer dans la loi sur les restrictions de concurrence permet de consacrer la priorité des déclarations sur l'honneur d'aptitude à l'ensemble des contrats de la commande publique, y compris les marchés publics sectoriels et les marchés publics relatifs à la sécurité et la défense et les concessions.

(2) La prise en compte particulière des PME et des start-ups dans la fixation des critères de sélection

L'article 97 de la loi contre les restrictions de concurrence mentionne en son alinéa 4 le principe général selon lequel « les intérêts des PME doivent être pris en compte en priorité dans l'attribution des marchés publics ».

Le projet de loi de transformation de la commande publique va plus loin : celui-ci propose de modifier l'article 42 de l'ordonnance sur les marchés publics (VgV) afin d'établir que les circonstances particulières des jeunes entreprises851(*) et des PME, susceptibles de les désavantager dans les procédures de passation de marchés, sont prises en compte par les pouvoirs adjudicateurs lors de la détermination des critères de sélection et des moyens de preuve de l'aptitude852(*). L'objectif est de réduire les désavantages et les obstacles administratifs pour ces entreprises, d'accroître leurs possibilités de participer aux marchés publics et, par conséquent, de renforcer la concurrence dans les procédures de passation de marchés853(*).

C. ROYAUME-UNI

À la suite de la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne, le pays a réformé le cadre juridique applicable à la commande publique, jusqu'alors fragmenté en plusieurs textes, afin de le simplifier et de le rendre plus flexible.

Entrée en vigueur le 24 février 2025, la loi sur la commande publique de 2023 (Procurement Act 2023) procède à une refonte complète du cadre juridique, sans pour autant constituer une rupture avec les règles issues du droit de l'Union européenne (en particulier, les seuils de passation des procédures de marchés publics demeurent quasiment identiques).

Les principales modifications introduites concernent : (i) le libre choix de la procédure de passation par l'autorité adjudicatrice entre, d'une part, une procédure ouverte en une seule étape, et d'autre part, une procédure concurrentielle dite « flexible » qu'elle peut concevoir elle-même ; (ii) des exigences de transparence accrues avec de nombreuses nouvelles obligations de publications par les autorités adjudicatrices, tout au long de la procédure et (iii) le renforcement des mesures de supervision et de contrôle avec la création d'un nouvel organe (Procurement Review Unit) chargé d'enquêter en cas de non-respect de la loi.

1. Les spécificités du droit britannique de la commande publique
a) La place de la commande publique au Royaume-Uni

Jusque dans les années 1980, l'État et les organismes publics britanniques fournissaient directement la plupart des services publics. Les marchés publics étaient donc peu fréquents et soumis au droit commun des contrats854(*). En pratique, des immunités de la Couronne et des privilèges étaient toutefois insérées dans les termes et conditions des contrats afin d'anticiper les litiges, manifestant l'émergence d'un droit des contrats particuliers855(*). La réforme de l'État et les privatisations engagées par la Première ministre Margaret Thatcher, puis l'adhésion à l'Union européenne en 1973, ont accéléré le processus de recours à la commande publique comme mode d'action publique856(*).

La commande publique représente ainsi aujourd'hui environ un tiers des dépenses publiques du Royaume-Uni857(*). Pour l'exercice budgétaire 2021-2022858(*), les données consolidées nettes859(*) indiquent que le secteur public - administrations centrales et locales confondues - a dépensé 329 milliards de livres sterling (385 milliards d'euros) en achats auprès du secteur privé, soit 32 % du total des dépenses publiques. La part de la commande publique est relativement stable depuis dix ans, avec un pic à 34 % en 2017-2018 et une chute à 29 % en 2020-2021860(*).

Le secteur ayant le plus recours aux marchés publics est celui de la santé (131,8 milliards de livres sterling bruts en 2023/2024861(*), soit 153,4 milliards d'euros). Par ailleurs, en 2021-2022, 26,5 % des dépenses de marchés publics de l'État étaient à destination des petites à moyennes entreprises862(*).

b) Les sources du droit britannique de la commande publique
(1) Le régime « pré-Brexit »

Avant le départ du Royaume-Uni de l'Union européenne, le droit de la commande publique britannique provenait essentiellement de la réglementation européenne et était épars. Les sources principales étaient les trois directives de 2014 sur la passation des marchés publics863(*), l'attribution des contrats de concessions864(*) et les secteurs spécifiques865(*), transposées en droit national par plusieurs textes législatifs866(*), notamment :

- les règlements867(*) sur les contrats publics de 2015 (Public Contracts Regulations ou PCR 2015)868(*) ;

- les règlements sur les contrats de service public de 2016 (Utilities Contracts Regulations ou UCR 2016)869(*) ;

- les règlements sur les contrats de concessions de 2016 (Concession Contracts Regulations ou CCR 2016)870(*) ;

- et les règlements sur les contrats publics de défense et de sécurité de 2011 (Defence and Security Public Contracts Regulations ou DSPCR 2011)871(*).

Conformément au droit de l'Union européenne, ces règlements s'appliquaient aux contrats atteignant certains seuils (cf. tableau infra). Par exemple, le PCR 2015 s'appliquait uniquement aux organismes du gouvernement central pour leurs contrats d'achats de biens et de services d'une valeur supérieure à 138 760 livres sterling (environ 162 000 euros) et aux organismes locaux et autres organismes publics pour les contrats d'une valeur supérieure à 213 477 livres sterling (environ 250 000 euros). Le seuil était supérieur pour les contrats de travaux publics, s'élevant à 5 336 937 livres sterling (6 244 000 euros)872(*).

Ce cadre législatif était conforme aux engagements internationaux du Royaume-Uni, notamment l'Accord sur les marchés publics de l'Organisation mondiale du commerce873(*).

(2) Les dispositions transitoires

Le droit de l'Union européenne de la commande publique a théoriquement cessé de s'appliquer au Royaume-Uni le 1er janvier 2021. Il est cependant resté partiellement applicable pendant une certaine période sous l'effet de la loi sur le retrait de l'Union européenne de 2018 (European Union (Withdrawal) Act 2018)874(*), sous l'appellation de « droit de l'Union européenne retenu » (retained EU law).

Le gouvernement britannique a vu dans la sortie de l'UE une opportunité pour réformer le régime des marchés publics. Après une phase de consultation publique, il a lancé, en 2022, un programme de réforme intitulé « Transformer la commande publique »875(*). Au-delà du Brexit, plusieurs facteurs ont motivé cette réforme : le souhait de renforcer le rapport qualité-prix des services publics, d'encourager l'innovation, dont la commande publique est un des leviers876(*) et de créer un système d'achats publics plus simple, flexible et transparent.

Pour faciliter le passage entre le régime européen et le futur régime, des dispositions transitoires ont été adoptées877(*), comme les règlements sur la loi sur les marchés publics (entrée en vigueur n° 3 et dispositions transitoires et de sauvegarde)878(*). Les dispositions transitoires en matière de sécurité et de défense ont été incluses879(*) dans les règlements sur les contrats publics de défense et de sécurité n° 697 de 2019880(*) et n° 1450 de 2020881(*). En vertu de ces dispositions, le régime juridique antérieur au Brexit demeure applicable aux contrats conclus avant l'entrée en vigueur du nouveau régime882(*).

(3) Le régime « post-Brexit »

La réforme du droit de la commande publique a donné lieu à l'adoption d'une nouvelle loi regroupant l'ensemble des dispositions relatives aux marchés publics. La loi sur la commande publique de 2023 (Procurement Act 2023 ou PA 2023)883(*) a reçu l'accord royal (royal assent) en octobre 2023 et est entrée en vigueur le 24 février 2025884(*). Elle réunit au sein d'un texte unique les quatre régimes distincts préexistants (marchés publics, services publics, concessions et marchés de défense et de sécurité). Elle met l'accent sur la simplification et l'accélération des procédures, leur transparence et la facilité d'accès aux marchés pour les petites et moyennes entreprises885(*).

Les dispositions de la loi sont précisées par les règlements sur la commande publique de 2024 (The Procurement Regulations 2024)886(*), ainsi que diverses lignes directrices (guidance)887(*) élaborées par le Bureau du Cabinet (Cabinet Office).

Le nouveau cadre juridique s'applique à tous les marchés publics conclus par les autorités britanniques, ainsi que par les autorités décentralisées du Pays de Galles et d'Irlande du Nord, démarrant à partir du 24 février 2025888(*). L'Écosse conserve toutefois son propre cadre juridique, parallèlement au régime national. La loi sur la commande publique inclut en outre des dispositions relatives aux marchés publics conjoints et transfrontaliers avec les pouvoirs adjudicateurs écossais889(*).

Par ailleurs, en application de l'article 13 de la loi sur la commande publique, la déclaration de politique nationale en matière de commande publique (National Procurement Policy Statement, NPPS)890(*) a été présentée au Parlement le 13 février 2025. Les autorités adjudicatrices doivent tenir compte du contenu de cette déclaration dans le cadre de leurs fonctions.

2. Les principales modifications introduites par la loi sur la commande publique de 2023 (Procurement Act 2023) 

La loi sur la commande publique de 2023 a pour objectifs de simplifier et de rendre plus flexibles les procédures d'adjudication afin de faciliter la participation des PME et des entreprises de l'économie sociale, tout en renforçant la transparence et les mécanismes de supervision891(*).

Compte tenu de son entrée en vigueur le 25 février 2025, le recul demeure insuffisant pour évaluer si elle a atteint ses objectifs. S'il s'agit d'une refonte substantielle des règles de la commande publique, elle ne constitue pas un changement radical d'approche par rapport au régime pré-Brexit. De plus, certains cabinets d'avocats et juristes soulignent que les avantages en termes de flexibilité pour les autorités adjudicatrices pourraient être compensés par des exigences plus lourdes en matière de transparence892(*).

a) Des objectifs politiques plus larges

L'article 12 de la loi sur la commande publique élargit les objectifs que les autorités adjudicatrices doivent prendre en considération lors de la passation de marchés publics. Outre les principes de transparence et d'égalité de traitement qui figuraient déjà dans le cadre juridique antérieur, cet article mentionne également :

- l'objectif d'optimisation de l'usage des deniers publics (delivering value for money) ;

- l'objectif de maximiser l'intérêt public (maximising public benefit) ;

- et l'objectif d'agir et d'être perçu comme agissant avec intégrité.

Ce même article prévoit l'obligation des autorités adjudicatrices de prendre en compte les obstacles particuliers auxquels les petites et moyennes entreprises (PME) peuvent faire face et les moyens de les supprimer ou de les réduire (paragraphe 4).

Enfin, s'agissant du principe d'égalité de traitement des fournisseurs, le paragraphe 2 autorise un pouvoir adjudicateur à appliquer un traitement particulier dans des cas justifiés, en prenant « toutes les mesures raisonnables pour s'assurer qu'il ne place pas un fournisseur dans une situation d'avantage ou de désavantage injuste ».

Ces objectifs généraux sont complétés par les priorités stratégiques fixées par le gouvernement dans le cadre de la déclaration de politique nationale en matière de commande publique (NPPS).

Les priorités stratégiques de la déclaration de politique nationale
en matière de commande publique du 13 février 2025

La déclaration de politique nationale en matière de commande publique (NPPS) présentée le 13 février 2025 fixe les quatre priorités stratégiques suivantes :

optimiser l'usage des deniers publics. « Cela doit inclure la prise en compte des résultats et de la qualité afin d'éviter le gaspillage dû à des offres de faible valeur et de qualité médiocre. Il s'agit d'optimiser l'utilisation des fonds publics en équilibrant l'efficacité, l'efficience et l'économie tout au long du cycle de vie d'un produit, d'un service ou de travaux pour atteindre les résultats escomptés du marché. Cela inclut des avantages et des impacts socio-économiques et environnementaux plus larges »893(*) ;

stimuler la croissance économique, y compris en donnant une chance aux PME et aux entreprises bénévoles, communautaires et sociales (voluntary, community and social enterprises, VCSEs)894(*) ;

créer de la valeur sociale et économique, en travaillant en partenariat et en soutenant les missions du gouvernement ;

renforcer les capacités commerciales afin d'optimiser les ressources et d'obtenir de meilleurs résultats.

Source : UK Cabinet Office, National Procurement Policy Statement, 2025.

b) Les seuils de procédure : le maintien du statu quo

L'article 3 de la loi sur la commande publique définit tout « contrat public » (public contract) comme un contrat pour la fourniture de biens, de services ou de travaux, un contrat de concession ou un contrat-cadre dont la valeur estimée est supérieure aux seuils fixés par la loi et qui n'est pas un contrat exempté.

L'annexe 1 de la loi sur la commande publique895(*) fixe ainsi les montants seuils à partir desquels un contrat public doit être conclu et qui entrent dans le champ d'application du droit de la commande publique. Le tableau ci-dessous présente les seuils européens actuels (2023) en regard des nouveaux seuils britanniques. Même si les montants ne sont pas identiques - notamment en raison du fait que les seuils britanniques incluant la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) -, les seuils de procédure européens et britanniques respectent les mêmes ordres de grandeur. De plus, les nouveaux seuils sont très proches des seuils britanniques applicables avant le Brexit (cf. supra).

En revanche, il existe des différences en termes de catégorisation. En effet, la loi de 2023 a créé une catégorie particulière pour les activités relatives au gaz, au chauffage, à l'électricité, à l'eau, aux transports, aux ports, aéroports et extraction d'énergies fossiles, désignée sous le terme « utilities », qui pourrait se traduire par « services publics » - sans pour autant correspondre à l'acception française de ce terme. Alors que les contrats pour ce type de services étaient auparavant régis par un texte spécifique896(*), la loi sur la commande publique les intègre désormais. Selon les autorités britanniques, cette consolidation permet de réduire le volume global de la législation sur les marchés publics et de simplifier les règles de passation des marchés897(*).

La catégorie préexistante des contrats « allégés » (light-touch contracts), autorisée par l'article 74 de la directive 2014/24/UE, est maintenue. Cette catégorie concerne certains services sociaux et autres services spécifiques (par exemple en matière de santé ou d'éducation) soumis à des règles de passation de marchés plus souples et à des seuils plus élevés. Selon les lignes directrices, ces services ont en commun d'être des services fournis directement à des individus ou à des groupes de personnes qui justifient donc un traitement spécial et une plus grande flexibilité898(*).

Comparaison des seuils de passation des marchés publics

Type de contrat

Union européenne
(montants hors TVA en euros)

Royaume-Uni
(montants incluant la TVA en livres sterling)

Fourniture de biens et services

En matière de défense et de sécurité

443 000

429 809 (503 142 euros)

En matière de gaz, chauffage, électricité, eau, transports, ports, aéroports, extractions d'énergies fossiles

Dépend de l'autorité

429 809 (503 142 euros)

Pour les autorités inférieures au gouvernement central

221 000

214 904 (251 408 euros)

Pour les autorités du gouvernement central

143 000

139 688
(166 144 euros)

Travaux publics

En matière de défense et sécurité

5 538 000

5 372 609
(6 286 954 euros)

En matière de gaz, chauffage, électricité, eau, transports, ports, aéroports, extractions d'énergies fossiles

5 538 000

5 372 609
(6 286 954 euros)

Autres travaux pour les autorités inférieures au niveau central

5 538 000

214 904
(251 408 euros)

Autres travaux pour les autorités du gouvernement central

5 538 000

139 688
(166 144 euros)

Concession de service public

En matière de sécurité et défense

5 538 000

5 372 609
(6 286 954 euros)

Autres

Contrats allégés

En matière de gaz, chauffage, électricité, eau, transports, ports, aéroports, extractions d'énergies fossiles

1 000 000

884 720
(1 050 360 euros)

Autres

750 000

663 540
(787 7710 euros)

Source : Règlement délégué (UE) 2023/2497 du 15 novembre 2023899(*) pour les données concernant l'Union européenne et Procurement Act 2023, Schedule 1900(*) pour les données concernant le Royaume-Uni.

L'annexe 2 de la loi sur la commande publique901(*) définit les types de contrats « exemptés », c'est-à-dire ceux auxquels les règles de la commande publique ne s'appliquent pas. Il s'agit principalement de contrats exclus du champ d'application en raison de la relation entre le pouvoir adjudicateur et le cocontractant (notamment les contrats in house) ou en raison de la nature de l'objet du contrat (par exemple, un contrat de défense et de sécurité dont le fournisseur est le gouvernement d'un autre État). Le champ des contrats exemptés est identique à celui du régime pré-Brexit.

c) Les mesures de simplification

Tout d'abord, l'entrée en vigueur de la loi sur la commande publique a entraîné l'abrogation de près de 350 règlements individuels dérivés du droit de l'Union européenne, remplacés par un cadre législatif unique et uniforme, en principe plus simple902(*).

Ensuite, la structure même de la loi reflète la recherche de lisibilité : elle est organisée de façon chronologique, chaque partie traitant une période du cycle de la vie du contrat public. Ainsi, la loi commence par une première partie sur les principes clés de la commande publique, suivie des dispositions précontractuelles, puis de celles sur le contrat en lui-même, son attribution, sa gestion, les voies de recours en cas de litige et enfin la supervision du régime général de la commande publique. Un nouveau site internet, intitulé « Le chemin de la commande publique » (Procurement Pathway)903(*), a également été mis en place afin de guider les autorités contractantes tout au long du cycle de vie du contrat public. Il rassemble la législation pertinente pour chaque étape du parcours, divisé en quatre phases : planification, définition, commande et gestion des activités de passation de marchés.

De façon plus substantielle, le nouveau régime réduit le nombre de procédures de passation de marchés publics de sept904(*) à trois. Ainsi, les marchés publics peuvent être attribués par :

- une procédure concurrentielle (competitive award) comme prévu par le chapitre 2905(*), qui peut être soit une procédure ouverte (open procedure) soit une procédure flexible (competitive flexible procedure). La procédure ouverte est une procédure en une seule étape qui est ouverte à tous les fournisseurs (article 20(2)(b)). La procédure flexible correspond à « toute procédure compétitive que l'autorité contractante considère appropriée pour l'attribution du contrat » (article 20(2)(a)). Elle remplace toutes les procédures à plusieurs étapes préexistantes et est conçue par l'autorité adjudicatrice elle-même. Celle-ci peut, par exemple, limiter le nombre de participants, de manière générale ou pour des appels d'offres particuliers, prévoir des critères d'attribution spécifiques ou encore exclure certains fournisseurs pour des motifs définis (fournisseurs extérieurs au Royaume-Uni, exclusion à la suite d'un appel d'offres antérieur etc.) (article 20(4) et (5)) ;

- une procédure d'attribution directe (direct award) et sans mise en concurrence, comme prévu par le chapitre 3906(*). Il existe une douzaine de cas dans lesquels l'attribution peut être directe, qui sont énoncés à l'annexe 5907(*). Par exemple, peuvent être soumis à une procédure d'attribution directe les contrats relatifs à la production d'un prototype (paragraphe 2), la création ou l'acquisition d'une oeuvre d'art unique ou d'une performance artistique (paragraphe 4), l'extension ou le remplacement partiel de biens, services ou travaux existants quand un changement de fournisseur créerait des difficultés techniques disproportionnées en termes d'opération de maintenance (paragraphe 7), ou encore en cas d'urgence extrême, inévitable et imprévisible (paragraphe 13) ;

- une procédure d'attribution en application d'un contrat cadre (award under frameworks), comme prévu par le chapitre 4908(*). Un contrat cadre est un contrat entre une autorité contractante et un ou plusieurs fournisseurs, qui prévoit les attributions de marché futures (section 45(2)). En règle générale, le contrat doit prévoir une procédure de sélection concurrentielle (section 45(3)), mais peut également se faire sans une telle procédure quand le fournisseur est parti au contrat cadre ou si le contrat prévoit les termes du contrat public et un mécanisme de sélection des fournisseurs qui est objectif (section 45(4)).

Par ailleurs, afin de simplifier la procédure, l'article 51 de la loi sur la commande publique réduit le délai stand still - c'est-à-dire le délai de suspension pendant lequel l'autorité contractante ne peut conclure de contrat après avoir envoyé la notification de décision d'attribution du marché public à tous les candidats. Auparavant, l'autorité adjudicatrice devait attendre dix jours avant de contracter et désormais, ce délai est réduit à huit jours909(*).

d) Les mesures de flexibilité

La loi sur la commande publique de 2023 s'attache à conférer une plus grande flexibilité contractuelle aux autorités contractantes, aux différents stades du cycle de vie du contrat.

Tout d'abord, au stade du choix de la procédure de passation, il appartient désormais au pouvoir adjudicateur de déterminer librement la procédure à suivre910(*). En vertu de l'article 20, le pouvoir adjudicateur peut ainsi opter pour la procédure ouverte en une seule étape, ou bien choisir toute autre procédure concurrentielle qu'il estime appropriée. Cette procédure est dite « flexible » en ce qu'elle est conçue par l'autorité adjudicatrice elle-même.

Ensuite, au stade du choix de l'opérateur économique, l'autorité adjudicatrice peut attribuer le marché au fournisseur ayant présenté « l'offre la plus avantageuse »911(*) au regard de ses critères d'attribution - remplaçant ainsi l'ancienne formule de « l'offre la plus avantageuse économiquement »912(*). Selon le gouvernement, le but de cette reformulation est de permettre aux autorités d'avoir une vision plus large du rapport qualité-prix (value for money), qui dépasse la recherche du prix le plus bas913(*). Les autorités contractantes peuvent aussi redéfinir les critères d'attribution des marchés publics pendant la procédure de mise en concurrence, s'ils l'ont prévu dans l'annonce du marché public en question et que les changements ne permettent pas aux fournisseurs précédemment exclus de participer au marché914(*).

Enfin, une fois le contrat établi, l'autorité contractante peut modifier les termes d'un contrat915(*), même après son entrée en vigueur. Il existe des limites à cette nouvelle règle, notamment ne pas dépasser certaines dates limites clés - comme la date de soumission des offres dans le cadre d'une procédure ouverte - ainsi que veiller à ce que les délais soient adaptés aux modifications prévues.

e) Les mesures de transparence accrue
(1) La création d'une nouvelle plateforme centralisée d'appels d'offres

Tout d'abord, la nouvelle loi renforce la transparence en facilitant l'accès aux contrats et aux offres grâce à la nouvelle plateforme numérique centralisée appelée « Find a Tender »916(*) (« Trouvez un appel d'offres »). Les opérateurs économiques peuvent désormais s'inscrire facilement sur cette plateforme qui mémorise les informations et coordonnées des entreprises, ce qui permet aux candidats de participer à plusieurs appels d'offres en même temps. Le système permet également aux entreprises de gérer et mettre à jour leurs informations personnelles ainsi que de les partager avec les autorités adjudicatrices. Enfin, les opportunités de marchés publics sont visibles, gratuites et il est possible de mettre en place des alertes pour être prévenu des nouvelles offres917(*).

Depuis l'entrée en vigueur de la loi le 24 février 2025, la publication des avis de marchés inférieurs aux seuils s'effectue également sur la plateforme Find a Tender, tandis qu'auparavant elle devait se faire sur un site internet spécifique (« Contracts Finder »918(*))919(*). Les obligations de publicité pour les marchés inférieurs au seuil s'appliquent aux autorités du gouvernement central (ministères et agences) lorsque la valeur du marché est au moins égale à 12 000 livres sterling920(*) (14 260 euros) et à 30 000 livres sterling (35 650 euros) pour les marchés des pouvoirs adjudicateurs de niveaux inférieurs921(*).

(2) Les nouvelles obligations de publication

Afin d'accroître la transparence des procédures, la loi sur la commande publique prévoit de nouvelles exigences de publication d'informations tout au long du cycle de vie du contrat, de la planification à l'expiration du contrat922(*). L'ancien régime comprenait déjà des obligations de publication, mais ces dernières étaient moins nombreuses et se concentraient sur l'annonce des opportunités de marchés publics et sur leur attribution.

Parmi les nouvelles obligations de publicité sur la plateforme numérique Find a tender figurent notamment :

- la publication d'un avis sur la « réserve » de marchés (pipeline notice, article 93), lorsque l'autorité adjudicatrice prévoit qu'au cours de l'année à venir, elle paiera plus de 100 millions de livres sterling923(*) (118 880 euros) au titre des contrats concernés. En pratique, un avis est publié pour chaque marché composant la réserve d'un pouvoir adjudicateur924(*) ;

- la publication d'un avis préliminaire d'engagement sur le marché (preliminary market engagement notice, article 17), avant l'appel d'offres (ou avant l'avis de transparence en cas d'attribution directe d'un marché à un opérateur). L'objectif est d'encourager le pouvoir adjudicateur à consulter le marché avant d'entamer une procédure de passation. Cet avis ne doit cependant pas conférer d'avantage indu à un opérateur économique ou dérégler la concurrence925(*) ;

- la publication d'un avis de transparence (transparency notice, article 44) avant toute attribution directe d'un marché (dans les cas prévus à l'annexe 5). Cette nouvelle obligation vise à informer les parties prenantes qu'un pouvoir adjudicateur a l'intention d'attribuer directement un marché et leur permet d'examiner la justification de l'attribution directe ;

- la publication d'avis de résiliation du marché public (contract termination notice, article 80). L'avis contient des informations telles que la raison de la résiliation anticipée si tel a été le cas, ou autres informations utiles aux opérateurs économiques et au public. Cette obligation ne concerne pas les contrats de services « choisis par les utilisateurs » (user choice services) qui ont été attribués directement en application de l'annexe 5926(*).

De plus, pour les contrats d'une valeur supérieure à 5 millions de livres sterling (5,9 millions d'euros), les autorités adjudicatrices doivent définir trois indicateurs de performance (key performance indicators ou KPI, article 52) et publier les résultats de ces indicateurs au moins une fois par an et à la fin du contrat, dans le cadre d'avis d'exécution du marché (contract performance notice, article 71). L'objectif de cette nouvelle obligation est de surveiller la performance de l'opérateur économique et de faire état des potentielles violations des termes du contrat ou encore de son inexécution. Le gouvernement a annoncé mettre en place un registre d'exécution des contrats pour centraliser ces informations927(*).

Résumé des exigences en matière de publication d'avis
prévues par la loi sur la commande publique

Nom de l'avis

Exigences

Avis sur la « réserve de marchés »
(Pipeline notice)

Nouveau

Obligatoire (pour les organisations dont les dépenses s'élèvent à plus de 100 millions de livres sterling).
Aperçu prospectif sur 18 mois des achats planifiés d'une valeur supérieure à 2 millions de livres sterling.

Avis préliminaire d'engagement sur le marché
(Preliminary market engagement notice)
Nouveau

Obligatoire lorsque l'engagement est prévu ou a eu lieu (ou bien expliquer dans l'avis d'appel d'offres pourquoi il n'a pas été publié).

Avis de marché planifié
(Planned procurement notice)

Facultatif et de bonne pratique.
Informe le marché d'une passation de marché à venir. Un avis de marché planifié bien renseigné peut réduire les délais d'appel d'offres.

Avis d'appel d'offres

(Tender notice)

Obligatoire (pour une procédure de mise en concurrence).
À publier lors de l'engagement d'une procédure ouverte ou concurrentielle flexible (y compris pour établir un contrat-cadre et passer un marché dynamique ou lors de la passation d'un marché réglementé d'un montant inférieur aux seuils.

Avis de transparence
(Transparency notice)

Nouveau

Obligatoire (pour une attribution directe).
À publier avant l'attribution dans le cas d'une attribution directe.

Avis d'attribution de contrat
(Contract award notice)

Obligatoire.
À publier pour communiquer le résultat de la passation de marché et pour entamer la période de stand still avant l'attribution d'un marché dans le cadre d'une procédure ouverte ou concurrentielle flexible (et les périodes de stand still volontaire pour les attributions directes).

Avis de détails du contrat
(Contract details notice)

Obligatoire.
Informe sur le contenu du contrat attribué (y compris le contrat, pour les marchés publics de plus de 5 millions de livres sterling), y compris les marchés réglementés inférieurs aux seuils au-delà d'une certaine valeur et ceux passés par attribution directe.

Avis de paiement du contrat
(Contract payment notice)

Nouveau

Obligatoire.
Informe des paiements de plus de 30 000 livres sterling effectués dans le cadre d'un marché public (tous les trimestres).

Avis d'exécution du contrat
(Contract performance notice)

Nouveau

Obligatoire.
Indique le résultat des indicateurs de performances pour les marchés publics de plus de 5 millions de livres sterling (au moins une fois par an). À publier dans les 30 jours en cas de mauvaise performance d'un fournisseur ou de rupture de contrat.

Avis de modification du contrat
(Contract change notice)

Nouveau

Obligatoire.
À publier avant qu'une modification n'ait lieu, y compris, pour les contrats de plus de 5 millions de livres sterling, la publication du contenu de la modification.

Avis de résiliation du contrat
(Contract termination notice)

Nouveau

Obligatoire.
À publier lorsqu'un marché public est résilié ou arrive à son terme.

Avis de marché dynamique928(*)

(Dynamic market notices)

Obligatoire.
À publier et mettre à jour lors de la publicité, de l'établissement, de la modification ou de la suppression d'un marché dynamique (y compris les marchés dynamiques des services publics (utilities)).

Avis de conformité des paiements
(Payments compliance notice)

Nouveau

Obligatoire.
Informe sur le respect des délais de paiement dans les 30 jours (deux fois par an).

Source : UK Cabinet Office, Guidance Module 2: Transparency

f) Les mesures de supervision et de contrôle

Un nouvel organe administratif a été créé : l'« Unité d'examen de la commande publique » (Procurement Review Unit, PRU), chargée de superviser et de contrôler la bonne mise en oeuvre de la nouvelle loi sur la commande publique et de s'assurer que les modifications du cadre juridique sont bien prises en compte par les autorités adjudicatrices.

Les principales missions de la PRU sont d'enquêter sur les autorités adjudicatrices afin de s'assurer qu'elles respectent la loi, ainsi que sur les fournisseurs, en vue d'une éventuelle inscription sur la liste d'exclusion (debarment list)929(*) ainsi que de répondre aux demandes d'informations des usagers. Elle a pour objectifs de :

- relever le niveau de respect des normes (standards) dans l'ensemble des contrats de marchés publics et concessions en mettant l'accent sur l'identification précoce des infractions et leur résolution ;

- protéger l'argent public contre les fournisseurs qui présentent un risque, notamment au moyen d'une liste centralisée d'exclusion et des rapports d'enquête publiés930(*).

La PRU est composée de trois services :

- le Service d'examen de la commande publique (Public Procurement Review Service), qui existait déjà depuis 2011. Il a pour fonction d'examiner les procédures de passation des marchés publics en réponse à une plainte d'un opérateur économique concernant un marché spécifique. Il peut formuler des recommandations (non contraignantes) aux pouvoirs adjudicateurs, ce qui peut conduire à l'ajustement ou à la révision de marchés publics en cours d'exécution. L'objet de la plainte doit concerner un fait ayant eu lieu au cours des deux dernières années. Le service traite également les cas de retard de paiement de factures valides. Il peut rediriger les affaires pertinentes devant le Service de conformité (voir infra)931(*) ;

- le Service de conformité de la commande publique (Procurement Compliance Service). Il s'agit d'un nouveau service, créé par l'article 108 de la loi sur la commande publique, chargé d'enquêter de façon plus poussée sur la conformité de l'action des autorités adjudicatrices à la nouvelle loi. Il conduit des enquêtes sur des cas de non-conformité systémique (commun à plusieurs autorités adjudicatrice) ou institutionnelle (commis de façon répétée par une autorité en particulier)932(*). Il peut produire et publier des recommandations juridiquement contraignantes aux autorités concernées933(*) ;

- le Service d'examen des exclusions (Debarment review service). Il s'agit également d'un nouveau service qui conduit des enquêtes pour déterminer si une entreprise peut être exclue et si elle devrait être ajoutée à la liste publique des exclusions, dont le service a la charge934(*).

La liste des exclusions935(*) est régie par l'article 62 de la loi de 2023936(*). Elle regroupe les entreprises qui ont été exclues du consortium des opérateurs économiques pouvant candidater pour obtenir un marché public. Les motifs d'exclusion - obligatoires et discrétionnaires - sont inscrits dans la loi et sont largement similaires à ceux de l'ancien régime. De nouveaux motifs d'exclusion obligatoire sont néanmoins introduits comme le vol, l'homicide involontaire en entreprise et une infraction au droit de la concurrence937(*).

De plus, un opérateur économique qui a violé un contrat de façon suffisamment grave et/ou qui a eu des mauvaises performances dans le cadre de l'exécution du contrat et ne s'est pas amélioré après avoir été invité à le faire peut désormais faire l'objet d'une exclusion938(*).

Il est possible de suggérer au Service de révision des exclusions de considérer l'exclusion d'un opérateur économique en vertu des motifs d'exclusion prévus par la loi. Pour ce faire, il suffit de remplir un formulaire en ligne, sur le site du gouvernement939(*). Il existe un formulaire distinct pour les exclusions pour cause de sécurité nationale940(*).

Outre la PRU, il existe une entité distincte, rattachée au Bureau du Cabinet du Royaume-Uni appelée Unité de sécurité pour la commande publique (National Security Unit for Procurement)., qui est responsable des cas de radiation, d'exclusion et de résiliation des contrats des co-contractants de l'administration qui engagent la sécurité nationale941(*)&942(*).

g) Le débat sur la préférence nationale (Buying British)

L'introduction de mesures de préférence nationale dans le cadre de la commande publique est un sujet présent dans le débat public britannique depuis de nombreuses années943(*). Ainsi, en 2019, le parti Conservateur plaidait pour un secteur public qui « achète britannique » (Buy British), notamment pour soutenir les agriculteurs et réduire les coûts environnementaux, et le parti travailliste s'est prononcé en faveur de mesures similaires après la pandémie de Covid-19944(*). Sous l'ancien régime juridique de la commande publique, il était néanmoins impossible de mettre en place une préférence nationale, ceci allant à l'encontre des principes de non-discrimination et d'égalité de traitement des fournisseurs découlant du droit de l'UE et transposés dans la législation nationale.

La loi sur la commande publique de 2023 ne contient pas de mesure de préférence nationale stricto sensu. Indirectement, l'objectif prévu à l'article 12, paragraphe 4 de la loi de prendre en compte les obstacles particuliers des PME et « d'examiner si ces obstacles peuvent être supprimés ou réduits » peut néanmoins permettre de privilégier des entreprises nationales.

Lors de l'examen du projet de loi sur la commande publique à la Chambre des Lords, un amendement a été déposé visant à fixer un objectif de 50 % des produits et ingrédients locaux, dans le cadre des marchés publics alimentaires et de boissons. Cet amendement fut rejeté, le gouvernement indiquant qu'un tel quota de produits alimentaires britanniques serait contraire aux engagements internationaux du Royaume-Uni au titre de l'accord de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) sur les marchés publics945(*). Toutefois, le gouvernement avait précisé que d'autres options étaient disponibles pour réserver des contrats en dessous des seuils de passation des marchés publics, tout en respectant les engagements internationaux946(*).

Ainsi, la note de politique de commande publique intitulée « Réserver des marchés publics inférieurs aux seuils », publiée par le Bureau du Cabinet en 2020 et mise à jour en février 2025947(*), indique que les ministères et les agences du gouvernement central peuvent envisager, le cas échéant, les deux options suivantes pour la passation de marchés de biens, services et travaux inférieurs aux seuils :

réserver le marché grâce à des critères de localisation du fournisseur. Dans ce cas, un appel d'offres peut être organisé, spécifiant que seuls les fournisseurs situés dans une zone géographique déterminée - par exemple à l'échelle du Royaume-Uni dans son ensemble ou d'un comté ou d'un arrondissement à Londres) peuvent soumissionner, dans le but de lutter contre les inégalités économiques et soutenir les recrutements et l'investissement au niveau local ;

réserver le marché aux petites et moyennes entreprises (PME) et à des entreprises volontaires, communautaires et sociales (voluntary, community and social enterprises, VCSE). Cela signifie que seules ces catégories d'entreprises peuvent soumissionner948(*).

Par ailleurs, en décembre 2024, dans une déclaration d'intention (Statement of Intent) relative à la stratégie industrielle de défense949(*), le gouvernement a annoncé son intention de réformer les marchés publics afin de donner une priorité aux entreprises britanniques dans le cadre des marchés publics de défense, et de les encourager à investir, sans perdre les avantages de la concurrence.

D. LES ÉTATS-UNIS

Aux États-Unis, le droit fédéral de la commande publique - codifié dans le Code des États-Unis et dans le code des règlements fédéraux - prévoit trois types de procédures de dévolution concurrentielle : les appels d'offres fermés (sealed bids), les propositions concurrentielles (competitive proposals) ou une combinaison de procédures concurrentielles (combination of competitive procedures), par exemple un appel d'offres fermé en deux étapes (two-step sealed bidding). Il existe également des procédures de passation simplifiées en dessous de certains seuils et, en dessous de 10 000 dollars (8 800 euros), le régime de « micro-achat » permet de recourir à une procédure de gré à gré.

Le droit de la commande publique est largement empreint de protectionnisme. Si les grands principes du droit suivent une logique similaire aux autres pays membres de l'accord sur les marchés publics de l'Organisation mondiale du commerce, notamment en ce qui concerne les procédures de passation concurrentielle, les États-Unis se démarquent par différents dispositifs de préférence nationale. Les principaux régimes de préférence nationale sont le Buy American Act, introduit en 1933, le Trade Agreement Act de 1979 qui permet l'articulation entre le principe de préférence nationale et les engagements contractés dans le cadre d'accords commerciaux, et le Berry Act et diverses restrictions supplémentaires propres aux achats du ministère fédéral de la défense. En outre, le principe de préférence nationale en matière d'approvisionnement a été élargi à un champ plus large de projets d'infrastructures (notamment en matière énergétique et numérique) et de matériaux de construction par le Build America, Buy America Act, adopté en 2021 dans le cadre de l'Infrastructure Investment and Jobs Act prévoyant plus de 1 000 milliards de dollars de nouveaux investissements fédéraux.

Ces divers régimes de préférence nationale en matière d'achat public prévoient néanmoins d'assez larges exceptions, en particulier en cas de prix « déraisonnable » de l'offre domestique, de quantité ou de qualité insuffisante ou, dans certains cas, d'accords commerciaux.

Le droit américain de la commande publique, depuis l'introduction du Small Business Act de 1953, se caractérise également par un large système de préférences accordées aux petites entreprises, qui prennent notamment la forme de marchés réservés (contract set-asides) ou de possibilités d'attribution directe jusqu'à des seuils plus élevés.

1. Les spécificités du droit américain de la commande publique
a) La place de la commande publique aux États-Unis

Au cours de l'année fiscale 2023, le montant total des contrats de la commande publique passés par le gouvernement fédéral s'est élevé à 759,2 milliards de dollars (668 milliards d'euros), ce qui représente une augmentation de 33 milliards de dollars (après ajustement lié à l'inflation) par rapport à l'année fiscale précédente950(*). Parmi ces contrats, la majorité est conclue par le ministère fédéral de la défense (456 milliards d'euros)951(*).

À l'échelle des États fédérés, les contrats de la commande publique - dits SLED, pour State, Local and Education, puisqu'ils sont conclus par les États, les collectivités territoriales, les académies ainsi que les établissements scolaires et universitaires - représentent environ 1 500 milliards de dollars chaque année, soit 10 % du PIB américain952(*).

b) Les sources du droit américain de la commande publique

Selon que l'on se situe à l'échelle fédérale ou au niveau des États fédérés, différents corpus juridiques s'appliquent. Chaque État dispose en effet de ses propres lois, réglementations et politiques en matière de marchés publics. Les textes qui se sont développés au fil du temps présentent à la fois des similitudes et des différences importantes, ce qui s'avère complexe pour les entreprises qui proposent leurs produits à plusieurs États953(*). La présente étude se concentre sur le droit fédéral de la commande publique.

Au niveau fédéral, le droit américain de la commande publique est essentiellement issu de deux sources :

- en matière législative, le Code des États-Unis comporte des dispositions générales sur la commande publique dans son titre 41 relatif aux contrats publics954(*). D'autres dispositions pertinentes, s'agissant des contrats publics relevant du domaine de la défense, sont contenues dans le titre 10 relatif aux forces armées du même code955(*) ;

- en matière réglementaire, le Code des règlements fédéraux codifie en son titre 48, chapitre 1, le règlement sur la commande publique fédérale (Federal Acquisition Regulation, FAR)956(*) de 1984. Ce texte est la principale source juridique pour les agences exécutives de l'État fédéral souhaitant acquérir des fournitures et services. Le FAR définit notamment les critères devant être remplis par les entreprises pour participer à un marché public, les types de contrats, les programmes pour les petites entreprises et les contrats de fourniture fédérale. Selon son article 1.102957(*), le système fédéral de la commande publique vise à satisfaire le « client » en termes de coût, de qualité et de respect des délais, par exemple en maximisant l'utilisation de produits et de services commerciaux, faisant appel à des contractants qui ont fait leurs preuves dans le passé ou qui démontrent une capacité de performance supérieure, tout en promouvant la concurrence, diminuant les coûts administratifs de fonctionnement et conduisant les affaires avec intégrité, équité et ouverture.

Le FAR est complété par les règlements en matière de commande publique propres à chaque ministère et agence fédérale958(*). Ces quelque 32 textes apportent des précisions mais aussi répètent, paraphrasent ou reformulent le FAR - parfois inutilement du point de vue de l'administration générale fédérale959(*).

En outre, le droit américain de la commande publique se démarque par l'existence de dispositions en matière de préférence nationale dans les contrats publics, introduites principalement par deux lois : le Buy American Act (1933) et le Build America, Buy America Act (BABA, 2021), codifiées dans les textes législatifs et réglementaires susmentionnés.

c) Les procédures de dévolution concurrentielle

En vertu de l'article 3301 du titre 41 du Code des États-Unis960(*), l'attribution des contrats de la commande publique doit s'effectuer dans un cadre de concurrence totale et ouverte (full and open competition) au moyen de procédures de passation concurrentielles. La procédure la plus adéquate est déterminée en fonction des circonstances et caractéristiques de l'appel d'offres.

À cet égard, l'article 6.102 de la partie 6 du Code des règlements fédéraux961(*) établit une liste des différentes procédures de passation par ordre de priorité qui permettent de remplir cet objectif de concurrence totale et ouverte : les appels d'offres fermés (sealed bids), les propositions concurrentielles (competitive proposals) ou une combinaison de procédures concurrentielles (combination of competitive procedures), par exemple un appel d'offres fermé en deux étapes (two-step sealed bidding). Il existe enfin des procédures de passation simplifiées en dessous de certains seuils.

(1) La procédure d'appel d'offres fermé

S'agissant tout d'abord des appels d'offres fermés, l'alinéa b de l'article 3301 précise que l'autorité adjudicatrice (ie. au niveau fédéral, un ministère ou une agence) doit y recourir de façon prioritaire dès lors que l'ensemble des conditions suivantes sont remplies : i) les délais le permettent, ii) l'attribution s'effectuera sur la base du prix, iii) des négociations précontractuelles ne sont pas nécessaires et iv) il y a des raisons raisonnables de croire que plus d'un opérateur économique entend soumettre une candidature. Lorsque ces conditions sont remplies, la procédure par appel d'offres fermé doit impérativement être mise en oeuvre. 

Les différentes étapes qui composent cette procédure sont décrites à l'article 14.101 du titre 48 du Code des règlements fédéraux962(*) :

rédaction de l'appel d'offres : les caractéristiques du projet d'acquisition doivent y être décrites de façon claire, exacte et complète. Les critères restrictifs non nécessaires qui pourraient indûment aboutir à une limitation du nombre de candidatures sont interdits. L'appel d'offres inclut en outre tous les documents pertinents, directement joints ou sous forme de références ;

publication de l'appel d'offres : l'information doit être accessible à tous les candidats potentiels, donc l'appel d'offres doit faire l'objet d'une publication dans l'espace public ou sur une plateforme appropriée, et ce suffisamment tôt, de sorte que les candidats potentiels aient la possibilité de constituer puis de soumettre leurs offres ;

soumission de l'offre : les candidats soumettent leurs offres dont le contenu n'est dévoilé qu'au moment où la phase de candidature prend fin - cette date est mentionnée dans l'appel d'offres. Toutes les offres sont alors consultées concomitamment par le pouvoir adjudicateur ou l'entité à l'origine de l'appel d'offres ;

évaluation de l'offre : les offres sont évaluées telles quelles et ne font pas l'objet de négociations ;

attribution finale du contrat : après analyse publique des offres, l'attribution du contrat revient au candidat dont l'offre est la plus avantageuse pour le pouvoir adjudicateur ou l'entité adjudicatrice, eu égard au seul prix ou à des facteurs connexes au prix.

(2) La procédure de proposition concurrentielle

Dans l'hypothèse où les conditions de mise en oeuvre de la procédure par appel d'offres fermé ne sont pas remplies, les entités fédérales doivent recourir à des propositions concurrentielles, qui sont des procédures au cours desquelles ont lieu des négociations, contrairement à l'appel d'offres fermé. L'article 15.002 du titre 48 du Code des règlements fédéraux963(*) détermine les deux types de procédure par proposition concurrentielle possibles :

- la procédure d'acquisition à source unique (sole source acquisition) : si, pour des raisons techniques, il s'avère qu'un seul candidat est en mesure de remplir les attentes énoncées par l'autorité adjudicatrice, on parle d'acquisition à source unique. Étant donné que ce candidat est le seul à soumettre une offre, le prix et les caractéristiques de l'offre font l'objet de négociations entre ce dernier et l'administration. Aussi, dans le cadre d'une telle procédure, l'appel d'offres doit être adapté afin de supprimer les informations et les exigences inutiles, par exemple les critères d'évaluation et les instructions volumineuses relatives à l'élaboration des propositions ;

- la procédure d'acquisition concurrentielle (competitive acquisition) : dans le cas plus classique où plusieurs candidats sont susceptibles de soumettre une offre, cette procédure vise à réduire au minimum la complexité de l'appel d'offres, de l'évaluation et de la décision de sélection de la source, tout en maintenant un processus conçu pour favoriser une évaluation impartiale et complète des propositions des soumissionnaires, conduisant à la sélection de la proposition représentant la meilleure valeur pour l'État fédéral.

(3) Les procédures de passation simplifiées

Outre les procédures susmentionnées, le droit fédéral américain de la commande publique prévoit des procédures de passation simplifiées (simplified acquisition procedures) lorsque le montant du contrat n'excède pas certains seuils, afin de réduire les coûts administratifs, améliorer l'accès des petites entreprises aux marchés publics, garantir une plus grande efficience de la commande publique et éviter des charges superflues pour les agences et leurs co-contractants964(*).

Le cadre juridique des procédures de passation simplifiées est défini dans la partie 13 du titre 48 du Code des règlements fédéraux965(*). Les procédures de passation simplifiées sont certes des procédures de passation concurrentielle, mais leur déroulé est moins formalisé. Ainsi, il est toléré que certaines étapes de la procédure, notamment la présentation des devis, s'effectuent oralement et l'administration est habilitée à sélectionner son cocontractant et signer le contrat en son nom propre sans recourir à des équipes d'experts.

Actuellement, le seuil en dessous duquel la procédure de passation simplifiée est possible s'élève à 250 000 dollars966(*) (220 000 euros)967(*). Des seuils dérogatoires plus élevés s'appliquent en cas d'opérations d'urgence ou de réponses à une attaque ou d'opération humanitaire et de maintien de la paix.

Les agences fédérales doivent utiliser les procédures de passation simplifiées dans la mesure du possible, pour tous les achats de fournitures ou de services ne dépassant pas le seuil de passation simplifiée.

Il existe en outre un seuil supplémentaire en dessous duquel aucune mise en concurrence n'est exigée et l'attribution du contrat s'effectue de gré à gré : ce seuil, dit de « micro-achat » (micro-purchase threshold), est fixé à 10 000 dollars (8 800 euros)968(*).

Les seuils de procédures de passation simplifiées et de micro-achat
au niveau fédéral

 

Montant

Seuil général

250 000 dollars
(220 000 euros)

Opérations d'urgence ou de réponse à une attaque

800 000 dollars (704 000 euros) pour un achat aux États-Unis
1,5 million de dollars (1,3 million d'euros) pour un achat en dehors des États-Unis

Opération humanitaire ou de maintien de la paix en dehors des États-Unis

500 000 dollars
(440 000 euros)

Procédure de micro-achat
(gré à gré)

10 000 dollars
(8 800 euros)

Source : Code of federal regulations, Title 48, Chapter 1, Part 13

2. Les régimes de préférence nationale prévus par le droit fédéral de la commande publique
a) Le Buy American Act et autres dispositions

Au fil des ans, en vertu de son large pouvoir sur les dépenses fédérales, le Congrès a promulgué un certain nombre de restrictions concernant l'achat de produits « étrangers » à partir de financements fédéraux. Ces restrictions exigent que les agences fédérales achètent des articles produits ou fabriqués aux États-Unis, sous réserve de diverses exceptions et exemptions969(*).

Les trois principaux régimes de préférence nationale, qui s'appliquent dans des contextes différents, sont les suivants : loi sur la préférence nationale dans la commande publique (Buy American Act) de 1933, la loi sur les accords commerciaux (Trade Agreement Acts) de 1979 et les restrictions spécifiques au ministère de la défense (notamment introduites par l'amendement « Berry »).

En outre, il existe un certain nombre d'autres restrictions relatives au contenu national qui s'appliquent dans des contextes spécifiques et qui, dans de nombreux cas, sont destinées à combler les lacunes identifiées dans les trois régimes précédemment970(*).

Les restrictions prévues par ces régimes de préférence nationale s'appliquent au lieu de production ou de fabrication des fournitures. Elles ne concernent généralement ni le lieu d'exécution des services ni, à l'exception de certains cas, la nationalité de l'entreprise971(*).

(1) Le Buy American Act (1933)
(a) Le principe de préférence nationale

Aux États-Unis, la commande publique est irriguée par le principe de préférence nationale (domestic content), restreignant la possibilité pour les agences fédérales de se fournir à l'étranger. Ce principe découle initialement de la loi sur la préférence nationale dans la commande publique (Buy American Act) de 1933972(*) qui ajoute, au sein du titre 41 sur les contrats publics du Code des États-Unis les articles 8301 à 8305 précisant le champ d'application du principe de préférence nationale.

Selon l'article 8302 du code des États-Unis, seuls les produits finaux, matériaux et fournitures extraits, produits ou manufacturés973(*) aux États-Unis peuvent être acquis pour un usage public, sauf si l'autorité adjudicatrice estime que l'achat est incompatible avec l'intérêt public, que son coût est déraisonnable (cf. développement infra) ou que les produits, matériaux ou fournitures ne sont pas extraits, produits ou fabriqués aux États-Unis en quantités suffisantes et raisonnablement disponibles et d'une qualité satisfaisante.

À titre dérogatoire, le principe de préférence nationale ne s'applique pas non plus :

- aux biens destinés à être consommés à l'étranger ;

- aux biens faisant l'objet d'un accord commercial avec un autre pays ou issus d'un pays moins avancé ;

- et enfin aux contrats dont le montant est inférieur au seuil de micro-achat (mini-purchase threshold), fixé à 10 000 dollars974(*).

À l'exception des produits ou matériaux en acier ou en fer, les produits finaux non manufacturés doivent être extraits ou produits aux États-Unis pour être considérés comme des produits nationaux aux fins du Buy American Act. S'agissant des produits finaux manufacturés, ils sont considérés comme nationaux s'ils sont manufacturés aux États-Unis et s'ils remplissent l'une des deux conditions suivantes : le coût des composants extraits, produits ou fabriqués aux États-Unis dépasse 60 % du coût de l'ensemble des composants, ou le produit final est fabriqué aux États-Unis, ou s'il s'agit d'un article disponible dans le commerce (commercially available off-the-shelf (COTS) item).

(b) La clause de préférence nationale dans les marchés publics de travaux

Plus spécifiquement, le Buy American Act encadre les marchés publics de travaux et dispose, en son article 8303, que tous les contrats publics relatifs à la construction, la modification ou la réparation d'un bâtiment public ou de tout édifice public situé aux États-Unis doivent en principe être assortis d'une clause stipulant le recours obligatoire à des produits, matériaux et fournitures extraits, produits ou manufacturés aux États-Unis.

(c) Une limite au principe de préférence nationale : le critère du prix raisonnable de l'offre

Le principe de préférence nationale introduit par le Buy American Act n'est pas absolu et comporte certaines exceptions, en particulier en cas de prix déraisonnable de l'offre (cost to be unreasonable).

Cette dérogation communément appelée préférence fondée sur le prix (price preference) est précisée dans le règlement sur la commande publique fédérale (FAR)975(*), qui met en oeuvre le Buy American Act.

Les articles 25.105976(*) et 25.204977(*) du FAR déterminent le mode de calcul du caractère raisonnable de l'offre domestique : dans l'hypothèse où une offre étrangère présente un meilleur rapport qualité-prix par rapport à une offre domestique, il convient d'augmenter fictivement le prix de l'offre la moins chère d'un certain pourcentage afin de la comparer avec l'offre domestique. Ce pourcentage varie de 20 % dans les cas où l'offre nationale la moins chère provient d'une grande entreprise, à 30 % lorsque l'offre nationale la moins chère provient d'une petite entreprise et 50 % pour les marchés publics du ministère de la défense978(*). Les ministères et agences fédérales peuvent aussi adopter leurs propres règlements fixant des pourcentages plus élevés979(*).

En cas d'égalité entre l'offre nationale la moins chère et l'offre étrangère réévaluée, l'autorité adjudicatrice doit privilégier l'offre nationale. Toutefois, si l'offre étrangère reste la moins chère, l'autorité peut attribuer le marché à l'entreprise étrangère au prix initialement proposé.

(2) Le Trade Agreements Act (1979)
(a) L'articulation entre préférence nationale et accords commerciaux

En 1979, le Congrès américain a adopté la loi sur les accords commerciaux (Trade Agreements Act)980(*), dans la lignée de l'ancien accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (General Agreement on Tariffs and Trade - GATT), remplacé ultérieurement par l'Organisation mondiale du commerce (OMC), qui a pour objectif de promouvoir le commerce international et limiter le protectionnisme.

Le Trade Agreements Act permet aux pouvoirs publics de déroger à toute règle du droit de la commande publique qui caractériserait une discrimination à l'égard des biens issus de certains pays désignés, afin que les États-Unis puissent honorer leurs obligations découlant des différents accords de commerce multilatéraux. Pour ce faire, les dispositions réglementaires appliquant le Trade Agreements Act déterminent les produits éligibles (eligible products) de certains pays désignés (designated countries) qui sont légalement autorisés à être considérés de façon équivalente aux biens domestiques. En vertu de l'article 25.400 du code des règlements fédéraux981(*), les pays concernés sont notamment :

- les États parties à l'accord sur les marchés publics (AMP) de l'OMC ;

- les États signataires d'un accord de libre-échange avec les États-Unis982(*) ;

- les pays les moins avancés.

(b) Les seuils d'application de la loi sur les accords commerciaux

Le montant du marché public est déterminant pour savoir si le Trade Agreements Act s'applique : l'article 25.402 du règlement sur la commande publique fédérale (FAR) détermine les seuils, révisés tous les deux ans par le Bureau du représentant américain au commerce, à partir desquels les dispositions du Trade Agreements Act s'appliquent. Si ces seuils varient selon les pays983(*), il y a une convergence autour des seuils suivants : 174 000 dollars pour les marchés publics de fournitures et de services et 6 708 000 dollars pour les marchés publics de travaux.

(3) Les restrictions supplémentaires propres au ministère fédéral de la défense (Department of Defense)
(a) L'obligation d'acheter certains produits auprès de fournisseurs américains (Berry Amendment)

L'amendement Berry (Berry Amendment) fait référence à un texte législatif codifié en 1993, à l'article 4862 du titre 10 sur les forces armées du Code des États-Unis984(*). Il prévoit un cadre juridique plus restrictif pour les marchés publics du ministère fédéral de la défense : ainsi, tous les achats de nourriture, vêtements, tentes et matériels connexes, coton et tout autre produit à fibres naturelles, ainsi que les outils manuels ou de mesure, doivent obligatoirement provenir des États-Unis.

Les alinéas suivants de l'article 4862 prévoient une série d'exceptions au principe, notamment en cas de difficultés qualitatives ou quantitatives ou si le montant de l'opération est inférieur à un seuil de 150 000 dollars, auquel cas il convient de mettre en oeuvre une procédure de passation simplifiée.

(b) Les autres restrictions relatives aux métaux spéciaux

L'article 4863 du titre 10 sur les forces armées du Code des États-Unis985(*) prévoit des restrictions concernant la fourniture en métaux spéciaux. Ainsi, ces dispositions législatives proscrivent au ministère fédéral de la défense toute acquisition d'aéronefs, de systèmes de missiles, de navires, de chars, d'armes en général ou de munition, et de matériaux composant l'ensemble de ces biens, dès lors qu'ils contiennent des métaux spéciaux n'ayant pas été fondus ou produits aux États-Unis. Les métaux spéciaux concernés sont déterminés par l'article 4863 alinéa l : il s'agit de l'acier986(*), des alliages contenant du nickel, du titane et du zirconium.

De la même manière que l'amendement Berry, l'article 4863 prévoit certaines exceptions à ce principe : ainsi est-il possible d'y déroger lorsque les circonstances de qualité et de quantité y obligent et lorsque le montant de l'opération est inférieur à un seuil de 150 000 dollars, auquel cas il convient de mettre en oeuvre une procédure de passation simplifiée.

b) L'élargissement du principe de préférence nationale par le Build America, Buy America Act

Le Build America, Buy America Act987(*) (BABA) est un ensemble de dispositions législatives adopté par le Congrès américain en novembre 2021 au sein de la loi sur l'investissement dans les infrastructures et l'emploi (Infrastructure Investments and Jobs Act, IIJA - articles 70901 à 70927). Il vise à renforcer les chaines d'approvisionnement et la production nationales afin d'assurer l'indépendance stratégique des États-Unis.

Pour ce faire, il établit une préférence nationale en matière d'approvisionnement (domestic content procurement preference) pour toutes les aides financières fédérales (Federal financial assistance) affectées à des projets d'infrastructure après le 14 mai 2022. Cette préférence exige que tout le fer, l'acier, les produits manufacturés et les matériaux de construction utilisés dans les projets d'infrastructure couverts par la loi soient produits aux États-Unis. Dans le cas inverse, l'octroi d'une subvention par un programme fédéral n'est pas possible.

Selon l'article 70911, ce principe de la préférence nationale en matière d'approvisionnement se justifie par les impératifs liés à la sécurité nationale, la volonté des pouvoirs publics de promouvoir la main-d'oeuvre américaine, d'honorer les engagements en matière de protection de l'environnement et de garantir de hauts standards de conditions de travail au long des chaines d'approvisionnement.

Les infrastructures concernées sont déterminées à l'article 70912 : il s'agit des structures, installations et équipements relatifs aux routes, autoroutes, ponts, transports publics, barrages, ports et autres installations maritimes, au transport ferroviaire interurbain de passagers et de marchandises, aux installations de fret et intermodales, aéroports, réseaux d'eau, y compris les réseaux d'eau potable et les eaux usées, installations et systèmes de transmission électrique, services publics, infrastructures à haut débit, bâtiments et biens immobiliers. Certaines infrastructures, telles que les autoroutes, le transport ferroviaire interurbain de passagers, les aéroports et la construction de réseaux d'eau et d'égouts étaient déjà couverts par le Buy American Act mais le BABA étend le principe de préférence nationale essentiellement aux installations énergétiques et à haut débit988(*).

La loi a également élargi la couverture des produits Buy America aux « matériaux de construction » y compris les métaux non ferreux (par exemple, le cuivre utilisé dans le câblage électrique), les produits à base de plastique et de polymère, le verre (y compris la fibre optique) et d'autres matériaux (bois d'oeuvre, cloisons sèches, etc.). Selon les lignes directrices publiées par le bureau de gestion et du budget (Office of Management and Budget, OMB), pour être considérés comme « produit aux États-Unis » au sens de l'IIJA, les produits manufacturés autres que le fer et l'acier doivent contenir plus de 55 % de contenu national989(*).

Tous les actes octroyant une aide financière fédérale doivent contenir dans les conditions générales une clause relative à la préférence nationale en matière d'approvisionnement, qui s'applique en outre à toutes les éventuelles opérations de sous-traitance. D'un point de vue procédural, chaque agence fédérale doit soumettre au Bureau de la gestion et du budget (US Office of Management and Budget) et au Congrès un rapport qui identifie chaque cas d'octroi d'une subvention par l'agence fédérale (article 70913).

Le Build America Buy America Act prévoit enfin certaines dérogations (waivers). Le principe de préférence nationale peut être écarté dans trois cas de figure : en cas d'incompatibilité avec l'intérêt public, lorsque les quantités produites ne sont pas suffisantes ou que la qualité n'est pas satisfaisante, ou lorsque l'inclusion de ces produits augmenterait le coût du projet de plus de 25 % (article 70914).

Le manque de transparence de la commande publique aux États-Unis

Selon la Commission européenne, un autre obstacle à l'ouverture du marché américain est le manque de transparence du système de commande publique.

« Les États-Unis ne disposent pas d'un portail électronique unique présentant les avis de marchés publics. En outre, dans de nombreux États américains, les entreprises doivent d'abord s'enregistrer auprès de l'État pour recevoir des informations sur les appels d'offres et pour soumissionner. Pour ce faire, chaque État applique ses propres exigences. Certains États exigent un paiement pour s'enregistrer en tant que soumissionnaire. Les exigences en matière d'enregistrement constituent des obstacles supplémentaires à l'accès au marché.

« Le manque d'accès à l'information sur les possibilités de marchés publics dans les États américains est un facteur dissuasif important pour la participation aux marchés publics américains. Les entreprises de l'UE ne peuvent soumissionner que si elles sont en mesure de trouver des informations sur les marchés. Les entreprises de l'UE doivent naviguer sur des centaines de portails de marchés publics différents et se heurter à de nombreux obstacles pour s'inscrire en tant que soumissionnaires.

« En outre, en ce qui concerne l'IIJA, le système d'exemptions et de dérogations, qui peuvent être accordées de manière ad hoc ou en tant que dérogations d'application générale, représente un autre élément de complexité dans le système de passation des marchés publics des États-Unis. En particulier, il n'y a pas d'orientation claire concernant l'octroi de dérogations pour le respect d'obligations internationales et, en ce qui concerne les dérogations d'application générale, les agences fédérales peuvent définir des exigences supplémentaires pour des programmes de financement spécifiques, ce qui ajoute à la mosaïque de règles applicables ».

Source :  https://trade.ec.europa.eu/access-to-markets/en/barriers/details?isSps=false&barrier_id=11190 (consulté le 26 mai 2025)

3. L'accès des petites entreprises à la commande publique fédérale
a) Le statut de petite entreprise aux États-Unis

Une première loi contenant des dispositions en faveur de l'inclusion des petites entreprises (small businesses) dans le système économique américain fut adoptée par le Congrès américain le 30 juillet 1953990(*). Par un amendement voté en 1958, ces dispositions ont été dissociées de la loi de 1953 et constituent désormais une loi autonome désignée sous le nom de Small Business Act991(*). Celles-ci ont été codifiées dans le titre 15 du Code des États-Unis992(*).

Afin de mettre en oeuvre sa politique de promotion de la place des petites entreprises dans l'économie américaine, le Small Business Act a créé, dès son entrée en vigueur, une agence placée sous la direction et la supervision directe du Président des États-Unis mais indépendante du gouvernement fédéral : la Small Business Administration993(*) (SBA). L'un des objectifs de la SBA est de créer des dispositifs d'assistance et de promotion des petites entreprises : ces dispositifs prennent notamment la forme de financements (en fonds propres ou en prêts), de conseils et de formations ou encore de programmes d'aide à l'obtention des contrats publics.

L'article 632, titre 15, du Code des États-Unis définit le terme « petite entreprise » comme une entreprise opérant principalement aux États-Unis, détenue et exploitée de manière indépendante et qui n'occupe pas une position dominante dans son domaine d'activité (art. 632, al. a, 1). En fonction du domaine d'activité, des critères additionnels de reconnaissance du statut de petite entreprise peuvent être définis par la SBA, notamment quant au nombre d'employés, de volume d'affaires en dollars, de valeur nette, de revenu net, une combinaison de ces facteurs, ou d'autres facteurs appropriés (art. 632, al. a, 2, B).

En règle générale, la plupart des petites entreprises manufacturières employant jusqu'à 500 personnes et les entreprises non-manufacturières ayant un chiffre d'affaires annuel de 7,5 millions de dollars (6,5 millions d'euros) maximum sont considérées comme des petites entreprises994(*). La réglementation prévoit toutefois des critères spécifiques de taille pour chaque secteur et sous-secteur d'activité995(*). Le concept de petite entreprise est donc à la fois très large et relativement souple, puisqu'il peut être adapté à la réalité économique de chaque type d'activité. À titre d'exemple, entrent dans la catégorie des petites entreprises aux États-Unis notamment les entreprises de production de pommes de terre jusqu'à un chiffre d'affaires de 4,25 millions de dollars (3,71 millions d'euros), les entreprises de construction d'habitations en deçà de 45 millions de dollars (39 millions d'euros) ou encore les compagnies aériennes de transport de fret ou de passagers employant jusqu'à 1 500 salariés996(*).

Le nombre total de petites entreprises répondant aux critères fixés par la réglementation était estimé à 34,8 millions par la SBA en 2024997(*). Les petites entreprises certifient généralement elles-mêmes leur statut de petite entreprise lorsqu'elles s'enregistrent sur la base de données du gouvernement fédéral permettant d'accéder à la commande publique998(*) (System for Award Management, SAM)999(*).

La reconnaissance du statut de petite entreprise offre l'accès à des marchés réservés à cette catégorie d'entreprise et à des programmes d'aide. Certaines petites entreprises encore plus défavorisées d'un point de vue socio-économique bénéficient de programmes spéciaux supplémentaires (cf. infra).

b) Les objectifs annuels d'attribution de contrats publics fédéraux aux petites entreprises

Depuis 1988, des objectifs annuels d'attribution d'une part des contrats publics à des petites entreprises sont inscrits dans la loi1000(*). Selon l'article 644, titre 15, du Code des États-Unis, au moins 23 % du montant total des contrats publics passés au niveau fédéral doivent être attribués à des petites entreprises, 5 % à des petites entreprises désavantagées (Small Disadvantaged Businesses, SDB), 5 % à des petites entreprises détenues par des femmes (Women-Owned Small Businesses, WOSB), 5 % à des entreprises détenues par des anciens combattants handicapés (Service-Disabled Veteran-Owned Small Businesses, SDVOSB) et 3 % à des petites entreprises situées dans certaines zones défavorisées (Historically Underutilized Business Zone Small Businesses, HUB Zone Small Businesses).

Ces objectifs globaux au niveau de l'administration fédérale sont ensuite déclinés pour chaque ministère et agence fédérale et font l'objet de négociations avec la SBA. À titre d'exemple, l'objectif d'attribution de contrats à des petites entreprises est fixé à 33 % du montant total de la commande publique du ministère de la Justice contre 17 % pour le ministère de l'éducation1001(*). Pour les marchés d'un montant important, des objectifs minimaux de sous-traitance à des petites entreprises ont également été fixés.

Objectifs fédéraux annuels de commande publique en faveur des petites entreprises

(en % de la valeur monétaire des contrats attribués directement - hors sous-traitance)

Type d'entreprise

Objectifs

Résultats (année fiscale 2023)

Petite entreprise (Small business)

23 %

28,35 %

Petites entreprises désavantagées (SDB)1002(*)

5 %

12,1 %

Petites entreprises détenues par des femmes (WOSB)

5 %

4,91 %

Petites entreprises détenues par des anciens combattants handicapés (SDVOSB)

5 %

5,07 %

Petites entreprises situées dans des zones d'activité sous-utilisées (HUB Zone Small Businesses)

3 %

2,78 %

Source : article 644, Titre 15, Code des États-Unis et CRS, R45576, An Overview of Small Business Contracting, 2024

À la fin de chaque année fiscale, les ministères fédéraux sont tenus de rendre compte de leurs résultats vis-à-vis des objectifs1003(*). En 2023, en moyenne, l'administration fédérale a rempli ses objectifs à 109 %, dépassant ainsi les objectifs d'attribution de contrats publics à des petites entreprises.

c) Les marchés réservés et les attributions directes aux petites entreprises

La loi sur la concurrence dans les marchés publics de 19841004(*) , codifiée aux articles 3301 et suivants du code des États-Unis, exige en principe une « concurrence pleine et ouverte » dans l'attribution des marchés publics. Cependant, diverses dispositions du Small Business Act autorisent ou, dans certains cas, obligent les agences et ministères fédéraux à accorder une préférence aux petites entreprises lors de l'attribution d'un contrat1005(*).

Les préférences accordées aux petites entreprises peuvent prendre la forme de marchés réservés (contract set-asides) ou de « marchés à fournisseur unique » (sole-source awards), c'est-à-dire de marché de gré à gré.

Selon l'article 19.501 du Code des règlements fédéraux1006(*), l'objectif des marchés réservés est de limiter la concurrence en ouvrant la participation à certains appels d'offres uniquement à des petites entreprises. Cette attribution exclusivement à des petites entreprises peut être totale ou partielle (total or partial set-asides).

Il est obligatoire de réserver un appel d'offres de fournitures ou de services en totalité aux petites entreprises si le montant du contrat se situe entre le seuil de micro-achat (fixé à 10 000 dollars, soit 8 800 euros) et le seuil de procédure simplifiée (fixé à 250 000 dollars, environ 220 000 euros), conformément à l'article 19.502-2 du Code des règlements fédéraux. Cette obligation ne s'applique pas dans l'hypothèse où il serait vraisemblablement impossible d'obtenir au moins deux offres provenant de petites entreprises. Par ailleurs, si le montant du contrat excède le seuil de procédure simplifiée mais que le pouvoir adjudicateur estime probable d'obtenir au moins deux offres de la part de petites entreprises au prix du marché, alors l'appel d'offres doit tout de même être réservé en totalité aux petites entreprises. Si, à l'issue d'un appel d'offres réservé aux petites entreprises, le pouvoir adjudicateur n'obtient qu'une seule offre raisonnable, il est tenu de l'accepter. À l'inverse, si aucune offre acceptable n'est déposée, une nouvelle procédure d'appel d'offres - cette fois ouverte à des entreprises de plus grande taille - est réalisée.

Selon l'article 19.502-4 du code précité, les appels d'offres remplissant les conditions suivantes doivent être réservés en partie aux petites entreprises : le marché ne remplit pas les conditions pour être réservé en totalité aux petites entreprises ; les différentes tâches que le marché entend attribuer sont divisibles et peuvent faire l'objet d'un allotissement (can be divided in distinct portions) ; la procédure de passation n'est pas une procédure simplifiée et il est vraisemblable qu'au moins deux petites entreprises soumettent une offre. Si ces conditions sont remplies, un ou plusieurs lots du marché sont réservés aux petites entreprises.

Les marchés réservés aux petites entreprises
dans le cadre de la commande publique fédérale

Montant du contrat

Nombre de petites entreprises répondantes

Exigence de marchés réservés

En-deçà de seuil de micro-achat de 10 000 dollars

-

-

Entre 10 000 dollars et 250 000 dollars (seuil de procédure simplifiée)

Au moins 2

Marchés réservés en totalité ou attribution directe

Au-dessus de 250 000 dollars

Au moins 2

Marchés réservés en totalité ou partiellement ou programmes socio-économiques

Source : Congressional Research Service, R45576

En outre, la réglementation fédérale fixe des seuils spécifiques d'attribution de gré à gré - sans mise en concurrence - (sole-source awards) lorsque les contrats sont attribués à des petites entreprises. Cette faculté offerte à l'administration fédérale s'applique jusqu'à 250 000 dollars pour l'ensemble des petites entreprises, tandis que des plafonds d'un montant plus élevé s'appliquent pour les petites entreprises participant à des programmes socio-économiques (cf. infra).

Plafonds d'attribution directe de contrats publics aux petites entreprises

Type de petite entreprise

Plafond d'attribution directe
(en dollars)

Petites entreprises

250 000

Participants au programme 8(a)

4,5 millions
7 millions pour les contrats de biens manufacturés

Entreprises autochtones d'Alaska ou détenues par une tribu indienne

Pas de plafond
Uniquement une justification écrite pour les contrats d'un montant supérieur à 25 millions

Entreprises autochtones hawaïennes

Pas de plafond
Uniquement une justification écrite pour les contrats d'un montant supérieur à 100 millions

Petites entreprises détenues par des femmes (WOSB)

4,5 millions
7 millions pour les contrats de biens manufacturés

Petites entreprises détenues par des anciens combattants handicapés (SDVOSB)

4 millions
7 million pour les contrats de biens manufacturés

Petites entreprises situées dans des zones d'activité sous-utilisées (HUB Zone Small Businesses)

4,5 millions
7 million pour les contrats de biens manufacturés

Source : Congressional Research Service, R45576

Enfin, pour les marchés dont le montant est plus élevé, le programme de contrats de sous-traitance au profit des petites entreprises (Small Business Development Program), prévu à la sous-partie 19.7 du Code des règlements fédéraux, vise à promouvoir la sous-traitance au profit des petites entreprises. En vertu de ce programme, tout contrat de la commande publique dont le montant est supérieur au seuil de procédure simplifiée (fixé à 250 000 dollars) doit contenir une clause selon laquelle les petites entreprises auront la possibilité de participer à l'exécution du contrat par l'intermédiaire de contrats de sous-traitance. Afin de suivre l'exécution de ce programme, la SBA exige des ministères fédéraux qu'ils produisent chaque année un plan de sous-traitance (subcontracting plan).

d) Les programmes socio-économiques en faveur de certaines catégories de petites entreprises

Outre les règles de préférence en faveur des petites entreprises, la SBA met en oeuvre différents programmes de soutien à l'accès à la commande publique, en fonction de la nature des difficultés auxquelles sont confrontées les petites entreprises. Ces programmes dits « socio-économiques » doivent être considérés en priorité pour les marchés réservés et les attributions directes dépassant le seuil de 250 000 dollars1007(*).

(1) Le programme en faveur des petites entreprises défavorisées (8(a) Business Development Program)

Le programme 8(a) de développement des petites entreprises (8(a) Business Development Program) - qui tire son nom de l'article 8(a)1008(*) du Small Business Act - fournit une aide au développement commercial des entreprises détenues et contrôlées par des personnes socialement et économiquement défavorisées, ayant une « bonne moralité » et démontrant un potentiel de réussite.

Le programme crée des préférences en matière de contrats fédéraux, telles que des contrats réservés et des contrats attribués directement jusqu'à un montant plafond plus élevé (4,5 millions de dollars), en plus du soutien apporté par la SBA à travers des actions de mentorat, de formation et de conseils aux entreprises éligibles1009(*). En pratique, l'article 19.800 permet à la Small Business Administration de devenir elle-même attributaire de contrats publics avec d'autres agences fédérales afin de procéder, in fine, à de la sous-traitance : elle confie dès lors les contrats à des petites entreprises éligibles au programme1010(*).

La participation au programme 8(a) peut durer jusqu'à neuf ans ; à l'issue de cette période, l'objectif est que les entreprises puissent remporter des contrats fédéraux sans l'aide du programme1011(*). Bien que le programme 8(a) ait été initialement créé au profit des personnes défavorisées, dans les années 1980, le Congrès l'a élargi aux petites entreprises appartenant aux quatre groupes suivants : les petites entreprises appartenant à des sociétés autochtones d'Alaska (ANC), des sociétés de développement communautaire, des tribus indiennes et des organisations autochtones hawaïennes (NHO)1012(*).

(2) Le programme pour les petites entreprises dans des zones d'activité historiquement sous-utilisées (HUBZone Program)

La sous-partie 19.13 du Code des règlements fédéraux1013(*) consacre un programme spécial d'assistance aux petites entreprises situées dans des territoires à faible niveau de développement économique : le programme HUBZone (Historically Underutilitized Business Zone Program). Le but de ce programme est de soutenir les petites entreprises tout en accroissant le taux d'emploi, l'investissement et le développement économique sur ces territoires historiquement défavorisés1014(*).

Pour être éligibles au programme HUBZone, les petites entreprises doivent remplir les conditions fixées par l'article 126.200 du Code des règlements fédéraux ayant trait à : la citoyenneté des personnes dirigeant l'entreprise ; la taille de l'entreprise ; la localisation du siège de l'entreprise sur le territoire classifié comme une HUBZone et le lieu de résidence des employés. Les participants à ce programme peuvent bénéficier de marchés réservés et d'attributions directes de contrats publics.

(3) Le programme pour les petites entreprises dirigées par des anciens combattants handicapés (Service-Disabled Veteran-Owned Small Business Program)

Il s'agit d'un programme spécifique d'assistance aux petites entreprises lorsque celles-ci appartiennent à des militaires souffrant de handicaps les rendant incapables de servir. Ce programme (Service-Disabled Veteran-Owned Small Business Program) est consacré dans la sous-partie 19.14 du Code des règlements fédéraux1015(*). L'éligibilité à ce programme est conditionnée à : la reconnaissance du statut d'ancien combattant ; la reconnaissance du handicap et la domiciliation des employés sur le territoire américain - lorsque ces critères sont réunis, une certification est octroyée. Le programme pour les anciens combattants handicapés permet au pouvoir adjudicateur de réserver (totalement ou partiellement) des contrats publics aux petites entreprises dirigées par cette catégorie de personne1016(*).

(4) Le programme pour les petites entreprises dirigées par des femmes (Women-Owned Small Business Program)

La sous-partie 19.15 du Code des règlements fédéraux1017(*) établit le cadre d'un programme spécial d'assistance aux petites entreprises dirigées par des femmes dans des situations économiques défavorables : il s'agit du programme pour les cheffes de petites entreprises (Women-Owned Small Business Program).

Pour participer à ce programme, l'entreprise doit être considérée comme une petite entreprise, être exclusivement dirigée par une ou plusieurs femmes résidant aux États-Unis et se trouver dans une situation économique défavorable1018(*). Ce programme permet d'accéder à des marchés réservés et des attributions directes jusqu'à des montants plafonds plus élevés.

II. NOTES ADRESSÉES EN 2019 À MME AGNÈS BUZYN, MINISTRE DES SOLIDARITÉS ET DE LA SANTÉ, SUR LES SCÉNARIOS DE RÉALISATION DE LA PLATEFORME DES DONNÉES DE SANTÉ


* 1 Audition de M. Éric Lombard le 11 juin 2025 ; le second mandat du président Trump a en réalité débuté le 20 janvier 2025.

* 2 Source : Observatoire économique de la commande publique, Recensement économique de la commande publique - chiffres 2023.

* 3 Source : Cour des comptes européenne, rapport spécial 28/2023 : « Marchés publics dans l'UE - Recul de la concurrence pour les contrats de travaux, de biens et de services passés entre 2011 et 2021 », décembre 2023.

* 4 Directive 2014/23/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 sur l'attribution de contrats de concession.

* 5 Ordonnance n° 2016-65 du 29 janvier 2016 relative aux contrats de concession.

* 6 Directive 2014/25/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 relative à la passation de marchés par des entités opérant dans les secteurs de l'eau, de l'énergie, des transports et des services postaux et abrogeant la directive 2004/17/CE.

* 7 CJUE, 14 juillet 2016, Promoimpresa Srl, aff. C-458/14.

* 8 Article L. 2122-1-1 du code général de la propriété des personnes publiques.

* 9 Article 9-1 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations.

* 10 Ibid.

* 11 Directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics et abrogeant la directive 2004/18/CE.

* 12 Rapport spécial, 28/2023, Cour des comptes européenne, « Marchés publics dans l'UE, recul de la concurrence pour les contrats de travaux, de biens et de services passés entre 2011 et 2021 ».

* 13 En avril 2025.

* 14 https://www.europarl.europa.eu/factsheets/fr/sheet/34/marches-publics, consulté le 17 juin 2025.

* 15 Sénat, rapport d'information n° 82 (2015-2016) de M. Martial Bourquin, fait au nom de la MCI sur la commande publique, déposé le 14 octobre 2015 « Passer de la défiance à la confiance : pour une commande publique plus favorable aux PME », p. 126-130, l'expression visait avant tout la collecte des données françaises et plus spécialement celles relatives aux PME.

* 16 Audition de M. Pierre-Henri Morand le 2 avril 2025.

* 17 Données de la Commission européenne (DG GROW).

* 18 Hors avenants et actes de sous-traitance.

* 19 Entreprises publiques, opérateurs de réseaux, etc.

* 20 Hors marchés de défense et sécurité.

* 21 Hors marchés de défense ou de sécurité.

* 22 Source : réponse de la direction générale de l'offre de soins au questionnaire de la commission d'enquête.

* 23 Audition de Mme Véronique Chasse, 13 mai 2025.

* 24 Banque des territoires, Intercommunalités de France, Baromètre de la commande publique, septembre 2024.

* 25 Dont les services de prestations intellectuelles informatiques.

* 26 Audition devant la commission d'enquête le 2 avril 2025.

* 27 Audition de MM. Guillaume Delarue, Jean-Marc Joannès et Grégory Kalflèche, 19 mars 2025.

* 28 Publiée au Bulletin de lois du Royaume de France, IXème série, 1ère partie, tome V, août 1833.

* 29 Publiée au Bulletin de lois du Royaume de France, IXème série, deuxième semestre de 1836, tome XIII, février 1837.

* 30 Publiée au Bulletin de lois du Royaume de France, IXème série, deuxième semestre de 1837, tome XV, mars 1838.

* 31 Qui sont les ancêtres des centres communaux d'action sociale (CCAS).

* 32 Supprimée par la loi n° 82-213 du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions.

* 33 Décret n° 64-729 du 17 juillet 1964 portant codification des textes réglementaires relatifs aux marchés publics.

* 34 Directive 71/305/CEE du Conseil du 26 juillet 1971 portant coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux.

* 35 Directive 93/37/CEE du Conseil du 14 juin 1993 portant coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux.

* 36 Directive 2004/18/CE du Parlement européen et du Conseil du 31 mars 2004 relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services.

* 37 Directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics et abrogeant la directive 2004/18/CE.

* 38 CJCE, 25 avril 1996, affaire C-87/94, Commission des Communautés européennes contre Royaume de Belgique.

* 39 CJCE, 7 décembre 2000, affaire C-324/98, Telaustria Verlags GmbH, Telefonadress GmbH.

* 40 Conseil d'État, avis, 29 juillet 2002, n° 246921, Société Maj Blanchisseries de Pantin.

* 41 Conseil constitutionnel, 22 août 2002, décision n° 2002-460 DC, Loi d'orientation et de programmation sur la sécurité intérieure.

* 42 Conseil constitutionnel, 26 juin 2003, décision n° 2003-473 DC, Loi habilitant le Gouvernement à simplifier le droit.

* 43 Ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics ; ordonnance n° 2016-65 du 29 janvier 2016 relative aux contrats de concession.

* 44 Décret n° 2016-86 du 1er février 2016 relatif aux contrats de concession ; décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics ; décret n° 2016-361 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics de défense ou de sécurité.

* 45 Ordonnance n° 2018-1074 du 26 novembre 2018 portant partie législative du code de la commande publique ; décret n° 2018-1075 du 3 décembre 2018 portant partie réglementaire du code de la commande publique.

* 46 Article L. 3 du code de la commande publique.

* 47 Loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets.

* 48 Article L. 3-1 du code de la commande publique.

* 49 Article L. 1 du code de la commande publique.

* 50 Article L. 2 du code de la commande publique.

* 51 Article L. 5 du code de la commande publique.

* 52 Article L. 4 du code de la commande publique.

* 53 Article L. 6 du code de la commande publique.

* 54 Audition de MM. Guillaume Delarue, Jean-Marc Joannès et Grégory Kalflèche, 19 mars 2025.

* 55 Articles R. 2122-1 à R. 2122-7 du code de la commande publique.

* 56 Article R. 2122-8 du code de la commande publique.

* 57 Loi n° 2020-1525 du 7 décembre 2020 d'accélération et de simplification de l'action publique, article 142 ; décret n° 2022-1683 du 28 décembre 2022 portant diverses modifications du code de la commande publique, article 6 ; décret n° 2024-1217 du 28 décembre 2024 relatif au seuil de dispense de publicité et de mise en concurrence préalables pour les marchés de travaux, article 1er.

* 58 Article R. 2123-1 du code de la commande publique.

* 59 Article R. 2124-1 du code de la commande publique.

* 60 À l'exception des marchés de fournitures passés par des autorités publiques centrales dans le domaine de la défense pour des produits autres que ceux figurant à l'annexe 4 de l'appendice I de l'offre de l'Union européenne au titre de l'accord sur les marchés publics, auxquels le seuil de 221 000 euros HT est applicable.

* 61 Avis relatif aux seuils de procédure et à la liste des autorités publiques centrales en droit de la commande publique.

* 62 Article R. 2131-12 du code de la commande publique.

* 63 Article R. 2131-13 du code de la commande publique.

* 64 Article R. 2131-16 du code de la commande publique.

* 65 Article R. 2131-18 du code de la commande publique.

* 66 Article R. 2123-1 du code de la commande publique.

* 67 Avis relatif aux contrats de la commande publique ayant pour objet des services sociaux et autres services spécifiques, publié au Journal officiel du 31 mars 2019.

* 68 Audition de M. Benoît Coeuré, 29 avril 2025.

* 69 Article L. 420-1 du code de commerce.

* 70 Article L. 420-3 du code de commerce.

* 71 Article L. 420-4 du code de commerce.

* 72 Article L. 420-6 du code de commerce.

* 73 Article L. 2141-9 du code de la commande publique.

* 74 Audition de la DGCCRF, 3 juin 2025.

* 75 Réponse de l'Autorité de la concurrence au questionnaire de la commission d'enquête.

* 76 Audition de la DGCCRF, 3 juin 2025.

* 77 Article L. 420-2 du code de commerce.

* 78 Articles L. 420-5 et D. 450-3 du code de commerce.

* 79 Article L. 464-9 du code de commerce.

* 80 Audition de la DGCCRF, 3 juin 2025.

* 81 Ibid.

* 82 Article 100 du code de procédure pénale.

* 83 Articles 706-1-2 et 706-95 du code pénal.

* 84 Réponses écrites de la DGCCRF au questionnaire de la commission d'enquête.

* 85 Article L. 462-1 du code de commerce.

* 86 Article L. 462-5 du code de commerce.

* 87 Audition de M. Benoît Coeuré, 29 avril 2025.

* 88 Article L. 464-2 du code de commerce.

* 89 Article L. 464-1 du code de commerce.

* 90 Article L. 464-2 du code de commerce.

* 91 Audition de M. Benoît Coeuré, 29 avril 2025.

* 92 Ibid.

* 93 Mail du 23 avril 2025 au secrétariat de la commission d'enquête.

* 94 Décret n° 2016-247 du 3 mars 2016 créant la direction des achats de l'État et relatif à la gouvernance des achats de l'État.

* 95 Audition de M. François Adam, mardi 18 mars 2025.

* 96 Réponses écrites de la DAE du ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique au questionnaire de la commission d'enquête.

* 97 Décret n° 98-975 du 2 novembre 1998 portant création d'une direction des affaires juridiques au ministère de l'économie, des finances et de l'industrie.

* 98 Décret n° 2019-1454 du 24 décembre 2019 relatif à la direction des affaires juridiques des ministères économiques et financiers, article 2.

* 99 Audition de Mme Clémence Olsina, 2 avril 2025.

* 100 Décret n° 2008-680 du 9 juillet 2008 portant organisation de l'administration centrale des ministères chargés de la transition écologique, de la cohésion des territoires et de la mer, article 3.

* 101 Audition de M. Brice Huet, 1er avril 2025.

* 102 Ibid.

* 103 Article R. 2196-2 du code de la commande publique.

* 104 Audition de M. François Adam, 18 mars 2025.

* 105 Ibid.

* 106 Décret n° 2016-247 du 3 mars 2016 créant la direction des achats de l'État et relatif à la gouvernance des achats de l'État, articles 2 à 4.

* 107 Ibid.

* 108 Décret n° 2016-247 du 3 mars 2016 créant la direction des achats de l'État et relatif à la gouvernance des achats de l'État, article 8.

* 109 Ibid.

* 110 Audition de responsables ministériels des achats, 3 juin 2025.

* 111 Décret n° 2016-247 du 3 mars 2016 créant la direction des achats de l'État et relatif à la gouvernance des achats de l'État, article 9.

* 112 Arrêté du 17 juin 2024 pris en application de l'article 9 du décret n° 2016-247 du 3 mars 2016 créant la direction des achats de l'État et relatif à la gouvernance des achats de l'État, article 1er.

* 113 Article L. 2122-1 du code de la commande publique.

* 114 Articles R. 2361-2, R. 2361-6 et R. 2361-8 du code de la commande publique.

* 115 Directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics et abrogeant la directive 2004/18/CE, considérant n° 46 : « Les pouvoirs adjudicateurs devraient être autorisés à raccourcir certains délais applicables à des procédures ouvertes, restreintes ou concurrentielles avec négociation, lorsque les délais en question seraient impossibles à respecter en raison d'une situation d'urgence que les pouvoirs concernés devraient être tenus de justifier en bonne et due forme. Il convient de préciser qu'il ne s'agit pas nécessairement d'une urgence extrême résultant d'évènements imprévisibles par le pouvoir adjudicateur et qui ne lui sont pas imputables ».

* 116 Conseil d'État, 4 avril 1997, Département d'Ille-et-Vilaine, n° 145388.

* 117 Article R. 2161-3 du code de la commande publique.

* 118 Article R. 2161-3 du code de la commande publique.

* 119 Article R. 2161-6 du code de la commande publique.

* 120 Article R. 2161-7 du code de la commande publique.

* 121 Article R. 2161-8 du code de la commande publique.

* 122 Article R. 2161-12 du code de la commande publique.

* 123 Article R. 2161-14 du code de la commande publique.

* 124 Article R. 2161-15 du code de la commande publique.

* 125 Article R. 2132-6 du code de la commande publique.

* 126 Article R. 2361-2 du code de la commande publique.

* 127 Article R. 2361-3 du code de la commande publique.

* 128 Article R. 2361-6 du code de la commande publique.

* 129 Article R. 2361-8 du code de la commande publique.

* 130 Article R. 2122-1 du code de la commande publique.

* 131 Réponses écrites du RMA du ministère de l'intérieur au questionnaire de la commission d'enquête.

* 132 Article R. 2322-4 du code de la commande publique.

* 133 Article R. 2112-17 du code de la commande publique.

* 134 Articles L. 2113-10 et L. 2113-11 du code de la commande publique.

* 135 Article L. 2171-2 du code de la commande publique.

* 136 Article L. 2431-1 du code de la commande publique.

* 137 Exposé des motifs du projet de loi d'urgence pour Mayotte, enregistré à la présidence de l'Assemblée nationale le 8 janvier 2015.

* 138 Réponses écrites du RMA des ministères de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche et des sports, de la jeunesse et de la vie associative au questionnaire de la commission d'enquête.

* 139 Ibid.

* 140 Audition de MM. Guillaume Delarue, Jean-Marc Joannès et Grégory Kalflèche, 19 mars 2025.

* 141 Réponses écrites de M. Jean-Marc Joannès au questionnaire de la commission d'enquête.

* 142 Rapport d'information fait au nom de la commission des lois du Sénat, investie des pouvoirs d'une commission d'enquête, sur les émeutes survenues à compter du 27 juin 2023, par M. François-Noël Buffet, sénateur (n° 521, 2023-2024).

* 143 Audition de MM. Guillaume Delarue, Jean-Marc Joannès et Grégory Kalflèche, 19 mars 2025.

* 144 Règlement (UE) 2022/1031 du Parlement européen et du Conseil du 23 juin 2022 concernant l'accès des opérateurs économiques, des biens et des services des pays tiers aux marchés publics et aux concessions de l'Union et établissant des procédures visant à faciliter les négociations relatives à l'accès des opérateurs économiques, des biens et des services originaires de l'Union aux marchés publics et aux concessions des pays tiers (Instrument relatif aux marchés publics internationaux - Impi), considérant n° 10.

* 145 Articles L. 2153-1 et R. 2153-1 du code de la commande publique.

* 146 Directive 2014/25/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 relative à la passation de marchés publics par des entités opérant dans les secteurs de l'eau, de l'énergie, des transports et des services postaux et abrogeant la directive 2004/17/CE, article 86.

* 147 Articles L. 2153-2 et R. 2153-3 du code de la commande publique.

* 148 Article R. 2153-4 du code de la commande publique.

* 149 Article L. 2353-1 du code de la commande publique.

* 150 Règlement (UE) 2022/1031 du Parlement européen et du Conseil du 23 juin 2022 concernant l'accès des opérateurs économiques, des biens et des services des pays tiers aux marchés publics et aux concessions de l'Union et établissant des procédures visant à faciliter les négociations relatives à l'accès des opérateurs économiques, des biens et des services originaires de l'Union aux marchés publics et aux concessions des pays tiers (Instrument relatif aux marchés publics internationaux - Impi), article 5.

* 151 Ibid, article 6.

* 152 Ibid, article 8.

* 153 Article L. 2112-4 du code de la commande publique.

* 154 Décision (PESC) 2022/578 du Conseil du 8 avril 2022 modifiant la décision 2014/512/PESC concernant des mesures restrictives eu égard aux actions de la Russie déstabilisant la situation en Ukraine.

* 155 Règlement (UE) n° 2022/576 du Conseil du 8 avril 2022 modifiant le règlement (UE) n° 833/2014 concernant des mesures restrictives eu égard aux actions de la Russie déstabilisant la situation en Ukraine, article 1er.

* 156 Article L. 1113-1 du code de la commande publique.

* 157 Audition du ministère des armées, 25 mars 2025.

* 158 Article R. 2322-3 du code de la commande publique.

* 159 Article R. 2322-4 du code de la commande publique.

* 160 Article R. 2322-5 du code de la commande publique.

* 161 Article R. 2322-6 du code de la commande publique.

* 162 Article R. 2322-13 du code de la commande publique.

* 163 Article L. 2172-3 du code de la commande publique.

* 164 Article R. 2322-16 du code de la commande publique.

* 165 Article R. 2324-2 du code de la commande publique.

* 166 Article R. 2324-3 du code de la commande publique.

* 167 Article R. 2324-4 du code de la commande publique.

* 168 Article L. 2313-5 du code de la commande publique.

* 169 Article L. 2353-1 du code de la commande publique.

* 170 Articles L. 2341-1 à L. 2341-7 du code de la commande publique.

* 171 Article L. 2393-8 du code de la commande publique.

* 172 Article R. 2343-13 du code de la commande publique.

* 173 Article R. 2312-4 du code de la commande publique.

* 174 Article L. 2515-1 du code de la commande publique.

* 175 Réponses écrites du ministère des armées au questionnaire de la commission d'enquête.

* 176 Et sur la base desquels ont été bâtis plusieurs Spaser (Eurométropole de Strasbourg, région Bretagne, etc.)

* 177 Audition de M. Stéphane Saussier, 19 mars 2025.

* 178 The impact of competition for public contracts on public finances, Kasper Bek Aagaard et Jesper Gregers Linaa, The Danish Competition and Consumer Authority, Octobre 2024.

* 179 Contribution écrite de Mme Anne Perrot et M. Stéphane Saussier aux travaux de la commission d'enquête.

* 180 Ibid.

* 181 Ibid.

* 182 À partir des données pour 2019.

* 183 Audition de M. Boris Ravignon, 12 mars 2025.

* 184 Données de la Commission européenne (DG GROW).

* 185 Obligations introduites par l'article 257 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets.

* 186 Article 79 de la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte.

* 187 Article 48 de la loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement et article 76 de la loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 d'orientation des mobilités.

* 188 Contribution écrite de la direction des affaires juridiques du ministère de l'Économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique aux travaux de la commission d'enquête.

* 189 Article L. 2112-2-1 du code de la commande publique.

* 190 Technologies solaires, renouvelables éoliennes, de batterie et de stockage d'énergie, d'énergie nucléaire de fission, liées aux carburants de substitution durables, hydroélectriques, de l'hydrogène, ainsi que les électrolyseurs, piles à combustibles, pompes à chaleur, géothermies, mentionnées à l'article 4 du règlement.

* 191 Règlement (UE) 2024/2847 du parlement européen et du conseil du 23 octobre 2024 concernant des exigences de cybersécurité horizontales pour les produits comportant des éléments numériques et modifiant les règlement (UE) n° 168/2°13 et (UE) 2019/1020 et la directive (UE) 2020/1828.

* 192 Communication n° COM(2003)302 de la Commission au Conseil et au Parlement européen relative à la politique intégrée des produits et au développement d'une réflexion environnementale axée sur le cycle de vie, 18 juin 2003.

* 193 Plan climat de juillet 2017, plan Biodiversité de juillet 2018.

* 194 Feuille de route économie circulaire de février 2018, Stratégie de lutte contre la déforestation importée de novembre 2018, Pacte de croissance de l'économie sociale et solidaire de novembre 2019, Pacte d'ambition pour l'insertion par l'activité économique en septembre 2019, Engagement national « Cap vers l'entreprise inclusive » en juillet 2018.

* 195 Écoles élémentaires, secondaire collège, secondaire lycée, université et supérieur, autres structures d'enseignement.

* 196 Crèches, EHPAD, ESAT, établissements sociaux et médico-sociaux.

* 197 Données moyennes pour les 26 CROUS.

* 198 Données pour la période janvier - février 2025.

* 199 En application du décret n° 2021-1235 du 21 septembre 2021, le seuil de produits durables et de qualité est fixé à 20 % de l'ensemble des achats et le seuil de produits biologiques à 5 % en Guadeloupe, Guyane, Martinique et à La Réunion. Pour Mayotte, ces taux sont respectivement de 5 % et 2 %.

* 200 Rapport du gouvernement remis au Parlement ; bilan statistique annuel de l'application des objectifs d'approvisionnement fixés à la restauration collective pour 2024.

* 201 Réponse de France urbaine au questionnaire de la commission d'enquête.

* 202 Marta de Cidrac, Jacques Fernique, « La loi AGEC cinq ans après : redonner confiance en l'économie circulaire », rapport d'information n° 786 (2024-2025), déposé le 25 juin 2025.

* 203 Ibid.

* 204 Ibid.

* 205 Entreprises publiques, opérateurs de réseaux, etc.

* 206 Chiffres quasi-définitifs au 24 mars 2025.

* 207 Néanmoins, pour les marchés dont le montant est égal ou supérieur à 25 000 euros HT et inférieur à 40 000 euros HT, l'acheteur peut choisir de ne pas publier les données essentielles sur le portail national des données ouvertes mais se contenter de publier, au cours du premier trimestre de chaque année, sur le support de son choix, la liste des marchés conclus l'année précédente.

* 208 Audition du 1er avril 2025.

* 209 Décret n° 2021-254 du 9 mars 2021 relatif à l'obligation d'acquisition par la commande publique de biens issus du réemploi ou de la réutilisation ou intégrant des matières recyclées.

* 210 CGDD, Rapport d'évaluation de l'article 58 de la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire.

* 211 Réponse de l'AMF au questionnaire de la commission d'enquête.

* 212 Réponse de France urbaine au questionnaire de la commission d'enquête.

* 213 Données Départements de France.

* 214 Réponse de Départements de France au questionnaire de la commission d'enquête.

* 215 Selon l'AMF, les difficultés d'approvisionnement en produits de qualité et durables s'avèrent plus fortes en 2023 (40 %) qu'en 2020 (18 %).

* 216 Loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action locale.

* 217 Audition du 1er avril 2025.

* 218 Depuis le 25 octobre 2023, en application de la loi n° 2023-973 du 23 octobre 2023 relative à l'industrie verte, tout acheteur réalisant un volume d'achats annuel égal ou supérieur à 50 millions d'euros HT doit se doter d'un Spaser.

* 219 OCDE, Promouvoir les marchés publics stratégiques et écologiques en France, juin 2025.

* 220 Réseau des administrations publiques intégrant le développement durable.

* 221 Rapport public thématique de la Cour des comptes, La prise en compte des enjeux du développement durable dans les achats de l'État, décembre 2024.

* 222 Réponse de Me Delarue au questionnaire de la commission d'enquête.

* 223 CE, 23 novembre 2011, n° 351570.

* 224 CE, 15 février 2013, n° 363921.

* 225 CE, 15 février 2013, n° 363921.

* 226 Audition du 11 mars 2025.

* 227 La prise en compte des enjeux du développement durable dans les achats de l'État, Rapport public thématique de la Cour des comptes, décembre 2024.

* 228 Réponse de l'AMF au questionnaire de la commission d'enquête.

* 229 Audition de M. Christian Brassac, vice-président de l'Eurométropole de Strasbourg, en charge de la commande publique responsable, du 20 mai 2025.

* 230 Audition du 18 mars 2025.

* 231 Ibid.

* 232 Contribution écrite de France Urbaine.

* 233 Audition de M. Jean Bouverot, 3 juin 2025.

* 234 Contribution écrite du CNA.

* 235 Soit 61 communes.

* 236 45,2 % des communes ne disposant pas d'acheteurs professionnels, soit 252 communes.

* 237 Contribution écrite de France urbaine.

* 238 164 collectivités sur 320 ayant répondu à la question.

* 239 Audition du 18 mars 2025.

* 240 51,3 % des 774 répondants, soit 324 participants.

* 241 414 participants.

* 242 29,2 % des répondants (223 participants) estiment supporter un surcoût « pour plus de 50 % des marchés » tandis que 21,2 % (162 participants) jugent ce surcoût « systématique ».

* 243 23,7 % des répondants.

* 244 21 % des répondants.

* 245 15,7 des répondants.

* 246 14,7 % des répondants.

* 247 31,6 % des répondants ont le sentiment d'être fortement exposés à ce risque.

* 248 Audition de M. Christian Brassac, vice-président de l'Eurométropole de Strasbourg, en charge de la commande publique responsable, le 20 mai 2025.

* 249 Audition de M. Cosimo Prete devant la commission d'enquête le 29 avril 2025.

* 250 Réponse d'IN Groupe au questionnaire de la commission d'enquête.

* 251 Audition de M. Cosimo Prete devant la commission d'enquête le 29 avril 2025.

* 252 Article 41 de la loi n° 2019-774 du 24 juillet 2019 relative à l'organisation et à la transformation du système de santé.

* 253 Donner un sens à l'intelligence artificielle, pour une stratégie nationale et européenne, Cédric Villani, 28 mars 2018.

* 254 CJUE 6 oct. 2015, aff. C-362/14.

* 255 CJUE 16 juillet 2020, DPC c. Facebook Ireland Ltd et M. Schrems, aff. C-311/18.

* 256 Respect de la vie privée et familiale.

* 257 Protection des données à caractère personnel.

* 258 Audition de M. Alain Juillet, ancien Haut responsable chargé de l'intelligence économique, le 8 avril 2025.

* 259 Audition du 10 juin 2025.

* 260 Audition de Mme Agnès Buzyn, ancienne ministre des Solidarités et de la Santé, devant la commission d'enquête le 10 juin 2025.

* 261 Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques

* 262 Réponse de la plateforme des données de santé au questionnaire de la commission d'enquête.

* 263 Figurant en annexe du rapport.

* 264 Réponse de la plateforme des données de santé au questionnaire de la commission d'enquête.

* 265 Ibid.

* 266 Audition du 28 mai 2025.

* 267 Audition de M. Cédric O, ancien secrétaire d'État chargé du numérique, devant la commission d'enquête, le 10 juin 2025.

* 268 Audition de Mme Agnès Buzyn devant la commission d'enquête le 10 juin 2025.

* 269 Ibid.

* 270 Ibid.

* 271 Audition du 29 avril 2025.

* 272 Ibid.

* 273 Propos de M. Jérôme Lecat, audition du 29 avril 2025.

* 274 Ibid.

* 275 Ibid.

* 276 Audition du 29 avril 2025.

* 277 Audition du 14 mai 2025.

* 278 Conseil d'État, Juge des référés, 13 octobre 2020, 444937.

* 279 Avis de la direction interministérielle du numérique en date du 10 novembre 2020 à Madame Stéphanie Combes, directrice générale du GIP plateforme des données de santé.

* 280 Délibération n°2020-044 du 20 avril 2020 portant avis sur un projet d'arrêté complétant l'arrêté du 23 mars 2020 prescrivant les mesures d'organisation et de fonctionnement du système de santé nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire.

* 281 Ibid.

* 282 Ibid.

* 283 Question d'actualité au Gouvernement posée en séance publique le 16 juillet 2020.

* 284 Audition du 6 mai 2025.

* 285 Dossier de presse de la stratégie nationale pour le Cloud « Soutenir l'innovation dans le Cloud », 2 novembre 2021.

* 286 Fédérer les acteurs de l'écosystème pour libérer l'utilisation secondaire des données de santé, Rapport de M. Jérôme Marchand-Arvier, Pr Stéphanie Allassonniere, M. Aymeric Hoang et Dr Anne-Sophie Jannot, remis le 5 décembre 2023.

* 287 Contribution écrite de la plateforme des données de santé.

* 288 Audition de Mme Stéphanie Combes, directrice de la plateforme des données de santé, devant la commission d'enquête le 14 mai 2025.

* 289 Contribution écrite de la plateforme des données de santé.

* 290 Ibid.

* 291 Audition de Mme Agnès Buzyn devant la commission d'enquête le 10 juin 2025.

* 292 Audition de M. Éric Lombard, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique devant la commission d'enquête, le 11 juin 2025.

* 293 Dossier de presse du 17 mai 2021 relatif à la stratégie nationale pour le cloud, p. 10.

* 294 Données de la DAE pour l'année 2024.

* 295 Réponse du ministre du budget et des comptes publics à la question au Gouvernement n° 251 de M. Alexandre Sabatou, 4 décembre 2024.

* 296 Réponse de de la direction des affaires juridiques au questionnaire de la commission d'enquête.

* 297 Ibid.

* 298 Réponse de M. Jean-Marc Joannès au questionnaire de la commission d'enquête.

* 299 Ibid.

* 300 Réponse de l'Association des acheteurs publics au questionnaire de la commission d'enquête.

* 301 Ibid.

* 302 Protocole d'accord du 26 décembre 2005 conclu entre le ministère de la santé et des solidarités et l'entreprise Bacou-Dalloz.

* 303 Rapport d'observation sur les achats liés à la crise sanitaire financés par les dotations exceptionnelles de l'assurance maladie à Santé Publique France, Cour des comptes, 2021.

* 304 Article R. 2122-1 du code de la commande publique.

* 305 La Cour précise « marché sans contrepartie financière, l'entreprise achetant en Chine des masques et respirateurs pour les revendre à SPF au coût complet, y compris le transport, sans marge », dont les commandes ont atteint 27 millions d'euros.

* 306 Marché similaire dont la Cour indique que les commandes ont atteint 39 millions d'euros.

* 307 Montant de 14 millions d'euros.

* 308 Santé publique : pour un nouveau départ - Leçons de l'épidémie de covid-19 - Rapport n° 199 (2020-2021), tome I, déposé le 8 décembre 2020.

* 309 Ibid.

* 310 Rapport d'observation sur les achats liés à la crise sanitaire financés par les dotations exceptionnelles de l'assurance maladie à Santé Publique France, Cour des comptes, 2021.

* 311 Instruction n° DGOS/PF/PHARE/2023/40 du 15 mars 2023.

* 312 Notamment Becker, J. et al., Contribution to Growth: European Public Procurement -- Delivering economic benefits for European citizens and businesses («Contribution à la croissance: les marchés publics européens -- Avantages économiques pour les citoyens et les entreprises»), publication pour la commission IMCO, département thématique des politiques économiques, scientifiques et de la qualité de la vie, Parlement européen, Luxembourg, 2019.

* 313 Articles 26 et 34, article 53, paragraphe 1, articles 56, 57, 62 et 114 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.

* 314 Pour l'histoire de la construction de cet édifice, cf. Stéphane de La Rosa, Droit européen de la commande publique, chapitre 1, Bruylant, Bruxelles, 3e édition, 2024, pp. 36-42.

* 315 La directive 2004/18/CE relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services et la directive 2004/17/CE portant coordination des procédures de passation des marchés dans les secteurs de l'eau, de l'énergie, des transports et des services postaux.

* 316 Directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics et abrogeant la directive 2004/18/CE, JOUE, 28 mars 2014.

* 317 JOUE, 28 mars 2014.

* 318 Directive 2014/23/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 sur l'attribution de contrats de concession.

* 319 Cf le rapport précité de la Cour des comptes européenne, p.9-10 et Sénat, rapport d'information n° 82 (2015-2016) de M. Martial Bourquin, fait au nom de la MCI sur la commande publique, déposé le 14 octobre 2015 « Passer de la défiance à la confiance : pour une commande publique plus favorable aux PME », p. 41-47, qui s'intéresse surtout à la transposition des directives en droit interne, alors en cours devant le Parlement français.

* 320 L'article 106 de la directive 2014/25/UE dispose que la transposition devait intervenir « au plus tard le 18 avril 2016 », sauf les dispositions de l'article 40, relatif aux « règles applicables aux communications », notamment à la « soumission électronique des offres », qui pouvaient être pour certaines d'entre elles appliquées « jusqu'au 18 octobre 2018 ».

* 321 https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/ip_17_4771

* 322 Gesetz gegen Wettbewerbsbeschränkungen (GWB).

* 323 Rapport précité, p.4.

* 324 Ibid.

* 325 Au cours de la période 2011-2021, la part des procédures à soumissionnaire unique dans l'ensemble du marché unique de l'UE a considérablement augmenté, passant de 23,5 % (en 2011) à 41,8 % (en 2021) du total des procédures. Dans le même temps, le nombre de soumissionnaires par procédure a presque diminué de moitié, la moyenne passant de 5,7 à 3,2 soumissionnaires par procédure.

* 326 Avant la création du marché unique à la fin de 1992, les marchés transfrontaliers directs attribués par les pouvoirs adjudicateurs à des entreprises situées en dehors de leur propre État membre représentaient environ 2 % de l'ensemble des marchés publics. Cette part est restée stable, à environ 5 % en moyenne, sur la période 2011-2021.

* 327Portail des marchés publics européens sur https://ted.europa.eu/

* 328 Rapport précité, p.11.

* 329 https://data.europa.eu/data/datasets/ted-csv

* 330 Publiées au Journal officiel de l'Union européenne du 20 juin 2022.

* 331 https://commission.europa.eu/document/97e481fd-2dc3-412d-be4c-f152a8232961_en

* 332 Cf le compte rendu de la présentation de son rapport devant la commission des affaires européennes, la commission des affaires économiques et la délégation aux entreprises du Sénat https://www.senat.fr/travaux-parlementaires/commissions/commission-des-affaires-europeennes/detail-actualite/audition-de-m-enrico-letta-sur-lavenir-du-marche-interieur-4179.html

* 333 Document de 46 p. téléchargeable sur https://commission.europa.eu/priorities-2024-2029_fr

* 334 COM(2025) 45 final disponible sur : https://eur-lex.europa.eu/legal-content/EN/TXT/?qid=1607079566033&uri=COM%3A2025%3A45%3AFIN

* 335P. 5 du document COM(2025)45 final.

* 336 P. 3 dudit document.

* 337 N° 471 (2024-2025) déposée au Sénat le 19 mars 2025.

* 338 N° 107 (2024-2025), devenue résolution du Sénat le 28 avril 2025.

* 339 Résolution européenne n° 107 (2024-2025), sur le programme de travail de la Commission européenne pour 2025 - COM (2025) 45 final, paragraphe 70.

* 340 Ont été également présentés des avis des commissions du commerce international (INTA) et de l'emploi et des affaires sociales (EMPL).

* 341 https://ec.europa.eu/info/law/better-regulation/have-your-say/initiatives/14427-Directives-sur-les-marches-publics-evaluation_fr

* 342 https://ec.europa.eu/info/law/better-regulation/have-your-say/initiatives/14427-Directives-sur-les-marches-publics-evaluation/feedback_fr?p_id=33227589

* 343 COM(2025)500 final, téléchargeable sur

https://eur-lex.europa.eu/legal-content/EN/TXT/?uri=celex:52025DC0500

* 344 Directive 2014/55/UE du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 relative à la facturation électronique dans le cadre des marchés publics.

* 345 Source : note du SGAE communiquée à la commission d'enquête

* 346 Conférence des organes spécialisés dans les affaires communautaires, enceinte de dialogue entre les représentants des commissions des affaires européennes des parlements nationaux et membres du Parlement européen.

* 347 Direction des achats de l'État.

* 348 Direction générale des entreprises.

* 349 Agence des participations de l'État.

* 350 Audition de Mme Clémence Olsina, 2 avril 2025.

* 351 Audition de M. Alain Juillet le 8 avril 2025.

* 352 Ibid.

* 353 Jusqu'au 1er janvier 2025, les pays de l'accord USMCA (United States-Mexico-Canada Agreement), le Chili, Singapour, l'Australie, le Maroc, les pays de l'accord CAFTA-DR (The Dominican Republic-Central America-United States Free Trade agreement), Bahreïn, Oman, le Pérou, la Corée du Sud, la Colombie, le Panama.

* 354 Cf. étude de législation comparée, en annexe, p.53.

* 355 Ibid. p. 54.

* 356 Étude de législation comparée en annexe, p. 55.

* 357 Infrastructure Investments and Jobs Act, IIJA - articles 70901 à 70927.

* 358 Ibid.

* 359 Ibid.

* 360  https://trade.ec.europa.eu/access-to-markets/en/barriers/details?isSps=false&barrier_id=11190 (consulté le 26 mai 2025).

* 361 Étude de législation comparée, en annexe, p. 28.

* 362 Id. p.43.

* 363 Ibid.

* 364 Ibid.

* 365 Articles 277, 287 et 288 de l'accord de commerce et de coopération entre l'Union européenne et le Royaume-Uni.

* 366 Article 276 de l'accord précité.

* 367 Cf. Stéphane de la Rosa, Droit européen de la commande publique, op. cit. pp. 142-146.

* 368 Cf. liste sur https://www.wto.org/french/tratop_f/gproc_f/memobs_f.htm

* 369 Ibid.

* 370 Source : Secrétariat général des affaires européennes.

* 371 Règlement (UE) 2022/1031 du Parlement européen et du Conseil du 23 juin 2022 concernant l'accès des opérateurs économiques, des biens et des services des pays tiers aux marchés publics et aux concessions de l'Union et établissant des procédures visant à faciliter les négociations relatives à l'accès des opérateurs économiques, des biens et des services originaires de l'Union aux marchés publics et aux concessions des pays tiers (Instrument relatif aux marchés publics internationaux -- Impi) ; cf. ci-dessus I-D 4) a - pp. 102-105.

* 372 Fiche technique de la DAJ, ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique téléchargeable sur https://www.economie.gouv.fr/daj/la-daj-publie-une-fiche-technique-sur-lacces-des-offres-de-pays-tiers-aux-marches-publics

* 373 Communication de la Commission : « Une boussole pour la compétitivité de l'UE », publiée le 29 janvier 2025, cf. https://commission.europa.eu/topics/eu-competitiveness/competitiveness-compass_fr

* 374 Cf. https://commission.europa.eu/topics/eu-competitiveness/clean-industrial-deal_fr

* 375 Audition de Clémence Olsina, 2 avril 2025.

* 376 Ibid.

* 377 Ibid.

* 378 Lionel Stoleru, Propositions françaises pour un Small business act européen, 23 avril 2008.

* 379 Conseil d'État, 9 juillet 2007, n° 297711.

* 380 Directive 2014/24/UE du 26 février 2014, § 124.

* 381 Décret n° 2008-1354 du 18 décembre 2008 relatif aux critères permettant de déterminer la catégorie d'appartenance d'une entreprise pour les besoins de l'analyse statistique et économique.

* 382 Cf. note de législation comparée annexée au présent rapport.

* 383 Sauf exceptions sectorielles.

* 384 Une petite entreprise désavantagée est définie comme une entreprise remplissant les critères de taille des petites entreprises, détenue ou contrôlée à au moins 51 % par une personne socialement ou économiquement désavantagée.

* 385 Competition in Contracting Act 1984, 41 USC article 3301.

* 386 Source : Congressional Research Service, R45576 précité.

* 387 Francis Grignon, Aider les PME : l'exemple américain, rapport d'information n° 374 (1996-1997), 26 juin 1997.

* 388 Audition de M. Jean Deguerry, 18 mars 2025.

* 389 Audition de M. Alain Bénard, 25 mars 2025.

* 390 Articles R. 2122-8 et R. 2123-1 du code de la commande publique.

* 391 Selon la formule de l'article R. 2142-3 du code de la commande publique.

* 392 Décret n° 2024-1251 du 30 décembre 2024 portant diverses mesures de simplification du droit de la commande publique et articles R. 2142-3 et R.2142-26 du code de la commande publique.

* 393 Audition de Mme Clémence Olsina, 2 avril 2025.

* 394 Décret n° 2024-1251 du 30 décembre 2024 portant diverses mesures de simplification du droit de la commande publique et article R. 2171-23 du code de la commande publique.

* 395 Observatoire économique de la commande publique, Chiffres 2023 du recensement économique de la commande publique.

* 396 Audition de MM. Emmanuel Sallaberry, Hervé Fournier et Joël Marivain, 11 mars 2025.

* 397 Audition de MM. Emmanuel Sallaberry, Hervé Fournier et Joël Marivain, 11 mars 2025.

* 398 Audition de M. Jean-Marc Morandi et Mme Dominique Moreno, 3 juin 2025.

* 399 Audition de M. Jean-Noël de Galzain, 29 avril 2025.

* 400 Ibid.

* 401 Loi n° 2017-256 du 28 février 2017 de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique.

* 402 Réponse de la direction générale des outre-mer au questionnaire de la commission d'enquête.

* 403 Audition de M. Dominique Vienne, 27 mai 2025.

* 404 Ibid.

* 405 Soit 143 000 euros HT pour les pouvoirs adjudicateurs centraux et 221 000 euros HT pour les autres pouvoirs adjudicateurs.

* 406 Source : note SGAE/MINUME/2025/181 du 1er avril 2025.

* 407 Audition de M. Alain Juillet, 8 avril 2025.

* 408 Audition de M. Philippe Latombe, 8 avril 2025.

* 409 Une acquisition d'informations autorisée en application du Fisa ne peut cibler intentionnellement ni une personne dont on sait, au moment de l'acquisition, qu'elle se trouve aux États-Unis, ni une personne dont on peut raisonnablement penser qu'elle se trouve en dehors des États-Unis si le but de cette acquisition est de cibler une personne particulière connue dont on peut raisonnablement penser qu'elle se trouve aux États-Unis, ni une personne américaine dont on peut raisonnablement penser qu'elle se trouve en dehors des États-Unis. Par ailleurs, elle ne peut pas conduire à acquérir intentionnellement toute communication dont on sait, au moment de l'acquisition, que l'expéditeur et tous les destinataires se trouvent aux États-Unis, ni des communications qui contiennent une référence à une cible d'une acquisition autorisée en application du Fisa, mais qui ne sont pas destinées à celle-ci ou ne proviennent pas d'elle. Enfin, elle doit être menée d'une manière compatible avec le quatrième amendement à la Constitution des États-Unis, qui protège les citoyens contre les perquisitions et saisies non motivées et requiert un mandat précis reposant sur une présomption sérieuse pour procéder à une perquisition.

* 410 Audition de M. Vincent Strubel, 28 mai 2025.

* 411 Audition de Microsoft France, 10 juin 2025.

* 412 Audition de Microsoft France, 10 juin 2025.

* 413 Contribution écrite de Microsoft France à la suite de son audition.

* 414 Source : contribution écrite de Microsoft France à la suite de son audition.

* 415 Note du 13 février 2019 à la ministre des solidarités et de la santé, p. 5, publiée en annexe du rapport.

* 416 Réponses écrites d'Hexatrust au questionnaire de la commission d'enquête.

* 417 Audition de M. Alain Juillet, 8 avril 2025.

* 418 Audition du ministère des armées, 25 mars 2025.

* 419 Ibid.

* 420 Ibid.

* 421 Audition de Microsoft France, 10 juin 2025.

* 422 Réponses écrites d'Hexatrust au questionnaire de la commission d'enquête.

* 423 Loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique, article 16.

* 424 Circulaire du Premier ministre n° 6282/SG du 5 juillet 2021 relative à la doctrine d'utilisation de l'informatique en nuage par l'État (« cloud au centre »).

* 425 Circulaire de la Première ministre n° 6404/SG du 31 mai 2023 relative à l'actualisation de la doctrine d'utilisation de l'informatique en nuage par l'État (« cloud au centre »).

* 426 Réponses écrites de l'Anssi au questionnaire de la commission d'enquête.

* 427 Audition de M. Guillaume Poupard, 27 mai 2025.

* 428 Ibid.

* 429 Réponses écrites de l'Anssi au questionnaire de la commission d'enquête.

* 430 Ibid.

* 431 Audition de M. Nicolas Guérin, 3 juin 2025.

* 432 Audition de Microsoft France, 10 juin 2025.

* 433 Audition de M. Guillaume Poupard, 27 mai 2025.

* 434 Ibid.

* 435 Réponse du Gouvernement, publiée le 15 novembre 2022, à la question écrite n° 971 du député M. Philippe Latombe (XVIème législature).

* 436 Ibid.

* 437 Articles L. 213-2 et L. 214-6 du code de l'éducation.

* 438 Réponse du Gouvernement, publiée le 15 novembre 2022, à la question écrite n° 971 du député M. Philippe Latombe (XVIème législature).

* 439 Article L. 131-2 du code de l'éducation.

* 440 Article L. 123-4-1 du code de l'éducation.

* 441 Réponses écrites de la Dinum au questionnaire de la commission d'enquête.

* 442 Réponses écrites de l'ANS au questionnaire de la commission d'enquête.

* 443 Circulaire du secrétaire général du ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche du 28 février 2025 relative à l'utilisation de suites collaboratives en ligne non-européennes dans les établissements scolaires.

* 444 Ibid.

* 445 Bulletin officiel des annonces des marchés publics, avis n° 25-28385, 14 mars 2025.

* 446 Réponses écrites du RMA des ministères de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche et des sports, de la jeunesse et de la vie associative au questionnaire de la commission d'enquête.

* 447 Audition de responsables ministériels des achats, 3 juin 2025.

* 448 Ibid.

* 449 Audition de Mme Stéphanie Schaer, 6 mai 2025.

* 450 Réponses écrites du RMA des ministères de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche et des sports, de la jeunesse et de la vie associative au questionnaire de la commission d'enquête.

* 451 Décret n° 2019-1088 du 25 octobre 2019 relatif au système d'information et de communication de l'État et à la direction interministérielle du numérique, article 5.

* 452 Ibid, article 6.

* 453 Arrêté du 5 juin 2020 pris pour l'application de l'article 3 du décret n° 2019-1088 du 25 octobre 2019 relatif au système d'information et de communication de l'État et à la direction interministérielle du numérique, article 1er.

* 454 Ibid, article 2.

* 455 Ibid, article 3.

* 456 Audition de Mme Stéphanie Schaer, 6 mai 2025.

* 457 Réponses écrites du RMA des ministères de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche et des sports, de la jeunesse et de la vie associative au questionnaire de la commission d'enquête.

* 458 Audition de responsables ministériels des achats, 3 juin 2025.

* 459 Ibid.

* 460 Source : réponse du RMA des ministères de l'Éducation nationale, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche et des Sports, de la Jeunesse et de la Vie associative au questionnaire de la commission d'enquête.

* 461 Réponses écrites du RMA des ministères de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche et des sports, de la jeunesse et de la vie associative au questionnaire de la commission d'enquête.

* 462 Courrier de l'avocat de l'entreprise Jamespot au président de la commission d'enquête, 16 juin 2025.

* 463 Réponses écrites de France Digitale au questionnaire de la commission d'enquête.

* 464 Réponses écrites de l'AMF au questionnaire de la commission d'enquête.

* 465 Réponses écrites de l'ADF au questionnaire de la commission d'enquête.

* 466 Réponses écrites de l'Ugap au questionnaire de la commission d'enquête.

* 467 Réponses écrites de la DAE au questionnaire de la commission d'enquête.

* 468 Audition de MM. Emmanuel Sallaberry, Hervé Fournier et Joël Marivain, 11 mars 2025.

* 469 Audition de M. Edward Jossa, 18 mars 2025.

* 470 Réponses écrites de l'Ugap au questionnaire de la commission d'enquête.

* 471 Audition de MM. Guillaume Delarue, Jean-Marc Joannès et Grégory Kalflèche, 19 mars 2025.

* 472 Audition de M. Edward Jossa, 18 mars 2025.

* 473 Ibid.

* 474 Audition de M. Nicolas Guérin, 3 juin 2025.

* 475 Ibid.

* 476 Audition de SCC France, 28 mai 2025.

* 477 Audition de M. Edward Jossa, 3 juin 2025.

* 478 Audition de SCC France, 28 mai 2025.

* 479 Audition de M. Edward Jossa, 3 juin 2025.

* 480 Ibid.

* 481 Ibid.

* 482 Audition de Mme Stéphanie Schaer, 6 mai 2025.

* 483 Ibid.

* 484 Mail du 11 juin 2025 au secrétariat de la commission d'enquête.

* 485 Mail du 10 juin 2025 au secrétariat de la commission d'enquête.

* 486 Audition de M. Edward Jossa, 3 juin 2025.

* 487 Ibid.

* 488 Ibid.

* 489 Ibid.

* 490 Mme Anne-Marie Nédélec et M. Franck Menonville, « Fabriqué en France : la compétitivité patriotique », rapport n° 754 (2024-2025), 18 juin 2025.

* 491 Audition de Mme Anne Perrot et M. Stéphane Saussier, 19 mars 2025.

* 492 Audition de M. Philippe Latombe, 8 avril 2025.

* 493 Audition de M. Guillaume Poupard, 27 mai 2025.

* 494 Ibid.

* 495 Audition de M. Thomas Balladur, 21 mai 2025.

* 496 Ibid.

* 497 Audition de Mme Clémence Olsina, 2 avril 2025.

* 498 Audition de France Digitale, 8 avril 2025.

* 499 Audition de M. Guillaume Poupard, 27 mai 2025.

* 500 Audition de M. Alain Juillet, 8 avril 2025.

* 501 Ibid.

* 502 Décret n° 85-801 du 30 juillet 1985 relatif au statut et au fonctionnement de l'Union des groupements d'achats publics, article 4.

* 503 Audition de France Digitale, 8 avril 2025.

* 504 Exposé des motifs de l'amendement n° CS1359 déposé par le Gouvernement devant l'Assemblée nationale dans le cadre de l'examen du projet de loi de simplification de la vie économique.

* 505 Direction des achats de l'État, L'État acheteur : chiffres clés 2023, décembre 2024.

* 506 France Digitale et EY, Baromètre sur la performance économique et sociale des start-ups et fonds de capital-risque français, édition 2023.

* 507 Commission européenne, SME needs analysis in public procurement, final report, février 2021.

* 508 Réponses écrites d'Hexatrust au questionnaire de la commission d'enquête.

* 509 Réponses écrites de France Digitale au questionnaire de la commission d'enquête.

* 510 Audition de M. Pierre Pelouzet, 8 avril 2025.

* 511 Ibid.

* 512 Réponses écrites de France Digitale au questionnaire de la commission d'enquête.

* 513 Réponses écrites d'Hexatrust au questionnaire de la commission d'enquête.

* 514 Article L. 2172-3 du code de la commande publique.

* 515 Loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024, article 44.

* 516 Loi n° 2025-391 du 30 avril 2025 portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière économique, financière, environnementale, énergétique, de transport, de santé et de circulation des personnes, article 15.

* 517 Article 44 sexies-0 A du code général des impôts.

* 518 Article R. 2172-20 du code de la commande publique.

* 519 Article R. 2172-21 du code de la commande publique.

* 520 Article R. 2172-22 du code de la commande publique.

* 521 Article R. 2172-23 du code de la commande publique.

* 522 Article R. 2172-24 du code de la commande publique.

* 523 Article R. 2172-25 du code de la commande publique.

* 524 Article R. 2172-26 du code de la commande publique.

* 525 Article R. 2172-30 du code de la commande publique.

* 526 Article R. 2172-31 du code de la commande publique.

* 527 Article R. 2172-32 du code de la commande publique.

* 528 Décret n° 2018-1225 du 24 décembre 2018 portant diverses mesures relatives aux contrats de la commande publique, article 1er.

* 529 Décret n° 2021-1634 du 13 décembre 2021 relatif aux achats innovants et portant diverses autres dispositions en matière de commande publique, article 2.

* 530 Article R. 2122-9-1 du code de la commande publique.

* 531 Article R. 2322-16 du code de la commande publique.

* 532 Audition de MM. Jean-Luc Baras, Alain Bénard et Jean-Marc Peyrical, 25 mars 2025.

* 533 Ibid.

* 534 Audition de M. Thomas Balladur, Me Laurent Bidault et Mme Emmanuelle Ertel, 21 mai 2025.

* 535 OECP, Étude sur les pratiques des acheteurs en matière d'accès des TPE/PME à la commande publique, d'achats innovants et d'achats durables, juin 2020.

* 536 Amendement n° CS1358 déposé par le Gouvernement devant l'Assemblée nationale dans le cadre du projet de loi de simplification de la vie économique.

* 537 Amendement n° CS1359 déposé par le Gouvernement devant l'Assemblée nationale dans le cadre de l'examen du projet de loi de simplification de la vie économique.

* 538 Amendement n° 1950 déposé par M. Aurélien Lopez-Liguori et plusieurs de ses collègues dans le cadre du projet de loi de simplification de la vie économique.

* 539 Article 4 ter du projet de loi de simplification de la vie économique adopté par le Sénat en première lecture.

* 540 Audition de France Digitale, 8 avril 2025.

* 541 Article R. 2142-6 du code de la commande publique.

* 542 Article R. 2142-7 du code de la commande publique.

* 543 Article R. 2142-8 du code de la commande publique.

* 544 Article R. 2142-11 du code de la commande publique.

* 545 Article R. 2142-12 du code de la commande publique.

* 546 Article R. 2142-13 du code de la commande publique.

* 547 Il s'agissait d'ascenseurs.

* 548 Audition de France Digitale, 8 avril 2025.

* 549 Article R. 2142-14 du code de la commande publique.

* 550 Réponses écrites d'Hexatrust au questionnaire de la commission d'enquête.

* 551 Audition de MM. Guillaume Delarue, Jean-Marc Joannès et Grégory Kalflèche, 19 mars 2025.

* 552 Réponses écrites de France Digitale au questionnaire de la commission d'enquête.

* 553 Audition de MM. Guillaume Delarue, Jean-Marc Joannès et Grégory Kalflèche, 19 mars 2025.

* 554 Ibid.

* 555 Ibid.

* 556 Réponses écrites de Régions de France au questionnaire de la commission d'enquête.

* 557 Article R. 2122-8 du code de la commande publique.

* 558 Cour administrative d'appel de Douai, 31 décembre 2012, n° 11DA00590, Commune de Hoymille.

* 559 Cour administrative d'appel de Nantes, 7 février 2025, n° 24NT00896, Commune de Tilly-sur-Seulles.

* 560 Tribunal administratif de Strasbourg, 16 mai 2024, n° 2108389, Comme de Petit-Rederching.

* 561 Article R. 2152-7 du code de la commande publique.

* 562 « 3 devis et marchés publics : le Conseil d'État va trancher ! », achatpublic.info, 30 avril 2025.

* 563 Audition de M. Boris Ravignon, 12 mars 2025.

* 564 Audition de MM. Guillaume Delarue, Jean-Marc Joannès et Grégory Kalflèche, 19 mars 2025.

* 565 Ibid.

* 566 Réponses écrites de M. Jean-Marc Joannès au questionnaire de la commission d'enquête.

* 567 Mail du 7 mai 2025 au secrétariat de la commission d'enquête.

* 568 Ibid.

* 569 Audition de M. Jean Deguerry, 18 mars 2025.

* 570 Loi n° 81-766 du 10 août 1981 relative au prix du livre, article 3.

* 571 Article R. 2122-9 du code de la commande publique.

* 572 Réponses écrites de Régions de France au questionnaire de la commission d'enquête.

* 573 Amendements n° 255, 537, 1116, 1282 et 2371 respectivement déposés par M. Vincent Descoeur, Mme Josiane Corneloup, M. Charles Sitzenstuhl, Mme Sandrine Runel et M. Mickaël Bouloux devant l'Assemblée nationale dans le cadre de l'examen du projet de loi de simplification de la vie économique.

* 574 Audition de MM. Emmanuel Sallaberry, Hervé Fournier et Joël Marivain, 11 mars 2025.

* 575 Ibid.

* 576 Ibid.

* 577 Audition de M. Éric Schahl, 12 mars 2025.

* 578 Audition de MM. Emmanuel Sallaberry, Hervé Fournier et Joël Marivain, 11 mars 2025.

* 579 Article R. 2123-4 du code de la commande publique.

* 580 Articles R. 2123-5 et R. 2161-23 du code de la commande publique.

* 581 Article L. 2124-2 du code de la commande publique.

* 582 Article L. 2124-3 du code de la commande publique.

* 583 Article R. 2124-3 du code de la commande publique.

* 584 Article R. 2124-4 du code de la commande publique.

* 585 Article R. 2161-13 du code de la commande publique.

* 586 Article R. 2161-17 du code de la commande publique.

* 587 Article R. 2161-18 du code de la commande publique.

* 588 Article R. 2161-19 du code de la commande publique.

* 589 Article R. 2161-20 du code de la commande publique.

* 590 Article L. 2124-4 du code de la commande publique.

* 591 Article R. 2124-5 du code de la commande publique.

* 592 Article R. 2124-6 du code de la commande publique.

* 593 Article R. 2161-24 du code de la commande publique.

* 594 Article R. 2161-26 du code de la commande publique.

* 595 Article R. 2161-27 du code de la commande publique.

* 596 Article R. 2161-28 du code de la commande publique.

* 597 Article R. 2161-29 du code de la commande publique.

* 598 Article R. 2161-30 du code de la commande publique.

* 599 Article R. 2161-31 du code de la commande publique.

* 600 Audition de M. Éric Schahl, 12 mars 2025.

* 601 Réponses écrites de Régions de France au questionnaire de la commission d'enquête.

* 602 Ibid.

* 603 Audition de MM. Emmanuel Sallaberry, Hervé Fournier et Joël Marivain, 11 mars 2025.

* 604 Réponses écrites de la DAE au questionnaire de la commission d'enquête.

* 605 Ibid.

* 606 Audition de M. Éric Schahl, 12 mars 2025.

* 607 L'extrait du registre pertinent n'était à fournir que jusqu'au 31 octobre 2021. À partir du 1er novembre, le numéro Siren suffit.

* 608 Le rejet d'une candidature pour absence n'est qu'une faculté laissée à l'acheteur et non une obligation.

* 609 Cette obligation entrera en vigueur le 1er janvier 2026.

* 610 L'obligation de fournir une attestation d'assurance en responsabilité civile n'est prévue que par les cahiers des clauses administratives générales (CCAG). Il peut donc y être dérogé.

* 611 Article L. 2141-2 du code de la commande publique.

* 612 Article R. 2143-7 du code de la commande publique.

* 613 Article R. 2343-9 du code de la commande publique.

* 614 Arrêté du 22 mars 2019 fixant la liste des impôts, taxes, contributions ou cotisations sociales donnant lieu à la délivrance de certificats pour l'attribution des contrats de la commande publique, article 1er.

* 615 Ibid, article 2.

* 616 Article L. 243-15 du code de la sécurité sociale.

* 617 Article R. 8222-1 du code du travail.

* 618 Article D. 8222-7 du code du travail.

* 619 Article R. 2143-3 du code de la commande publique.

* 620 Article R. 2144-4 du code de la commande publique.

* 621 Article R. 2144-6 du code de la commande publique.

* 622 Article R. 2144-7 du code de la commande publique.

* 623 Article R. 2143-13 du code de la commande publique.

* 624 Article R. 2143-14 du code de la commande publique.

* 625 Audition de M. Éric Schahl, 12 mars 2025.

* 626 Audition de MM. Emmanuel Sallaberry, Hervé Fournier et Joël Marivain, 11 mars 2025.

* 627 AAP, Livre blanc : simplification de la commande publique, mai 2025.

* 628 Ibid.

* 629 Amendement n° 1434 déposé par M. Jean-Pierre Vigier, député, et plusieurs de ses collègues devant l'Assemblée nationale dans le cadre de l'examen du projet de loi de simplification de la vie économique.

* 630 Audition de MM. Emmanuel Sallaberry, Hervé Fournier et Joël Marivain, 11 mars 2025.

* 631 Ibid.

* 632 Article L. 2172-1 du code de la commande publique.

* 633 Article R. 2162-15 du code de la commande publique.

* 634 Article R. 2122-6 du code de la commande publique.

* 635 Article R. 2162-16 du code de la commande publique.

* 636 Article R. 2162-18 du code de la commande publique.

* 637 Article R. 2162-19 du code de la commande publique.

* 638 Article R. 2162-20 du code de la commande publique.

* 639 Article R. 2162-21 du code de la commande publique.

* 640 Réponses écrites de l'ADF au questionnaire de la commission d'enquête.

* 641 Article L. 2171-2 du code de la commande publique.

* 642 Article R. 2432-6 du code de la commande publique.

* 643 Réponses écrites de la SGP au questionnaire de la commission d'enquête.

* 644 Réponse du ministère de l'intérieur à la question écrite n° 12714 de M. Jean-Louis Masson, sénateur, publiée dans le Journal officiel du Sénat du 30 octobre 2014.

* 645 Article R. 2121-5 du code de la commande publique.

* 646 Article R. 2122-1 du code de la commande publique.

* 647 Article R. 2122-3 du code de la commande publique.

* 648 Audition de M. Matthieu Schlesinger, 26 mars 2025.

* 649 Conseil d'État, 12 mars 2012, Société Clear Channel France, n° 353826.

* 650 Contribution écrite de la CCI Paris Île-de-France aux travaux de la commission d'enquête.

* 651 DAE, Guide de l'achat public, Oser les variantes dans les marchés publics : de l'étude d'opportunité au pilotage de l'achat, décembre 2020.

* 652 Article R. 2151-8 du code de la commande publique.

* 653 Article R. 2151-9 du code de la commande publique.

* 654 Article R. 2151-10 du code de la commande publique.

* 655 Article R. 2151-11 du code de la commande publique.

* 656 Réponses écrites du CNA au questionnaire de la commission d'enquête.

* 657 Audition de MM. Emmanuel Sallaberry, Hervé Fournier et Joël Marivain, 11 mars 2025.

* 658 Ibid.

* 659 Amendements n° 368 rect. bis, 427 rect. bis, 464 rect., et 593 rect. respectivement déposés par M. Étienne Blanc, M. Michel Canévet, Mme Nadège Havet et Mme Nathalie Delattre devant le Sénat dans le cadre de l'examen du projet de loi de simplification de la vie économique.

* 660 Amendement n° 635 déposé par Mme Josiane Corneloup et plusieurs de ses collègues devant l'Assemblée nationale dans le cadre de l'examen du projet de loi de simplification de la vie économique.

* 661 Article L. 2192-10 du code de la commande publique.

* 662 Article R. 2192-10 du code de la commande publique.

* 663 Article R. 2192-11 du code de la commande publique.

* 664 Décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique, article 31.

* 665 Ordonnance n° 2014-697 du 26 juin 2014 relative au développement de la facturation électronique, article 3 ; loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, article 193 ; décret n° 2019-748 du 18 juillet 2019 relatif à la facturation électronique dans la commande publique.

* 666 Article R. 2192-12 du code de la commande publique.

* 667 Article R. 2192-13 du code de la commande publique.

* 668 Article R. 2192-14 du code de la commande publique.

* 669 Article R. 2192-17 du code de la commande publique.

* 670 Article L. 2193-10 du code de la commande publique.

* 671 Article R. 2192-22 du code de la commande publique.

* 672 Article R. 2192-23 du code de la commande publique.

* 673 Article R. 2192-27 du code de la commande publique.

* 674 Article R. 2192-28 du code de la commande publique.

* 675 Article R. 2192-29 du code de la commande publique.

* 676 Article L. 2192-12 du code de la commande publique.

* 677 Article L. 2192-13 du code de la commande publique.

* 678 Article R. 2192-31 du code de la commande publique.

* 679 Article R. 2192-32 du code de la commande publique.

* 680 Article D. 2192-35 du code de la commande publique.

* 681 Article R. 2192-36 du code de la commande publique.

* 682 Audition de MM. Jean-Luc Baras, Alain Bénard et Jean-Marc Peyrical, 25 mars 2025.

* 683 Ibid.

* 684 Observatoire des délais de paiement, rapport annuel 2023.

* 685 Audition de la DGOS, du Resah, de la FHF et de l'UniHA, 13 mai 2025.

* 686 Ibid.

* 687 Contribution écrite de la Fedom aux travaux de la commission d'enquête.

* 688 Ibid.

* 689 Ibid.

* 690 Audition de M. Pierre Pelouzet, 8 avril 2025.

* 691 Contribution écrite de la CCI Paris Île-de-France aux travaux de la commission d'enquête.

* 692 Ibid.

* 693 Audition de M. Pierre Pelouzet, 8 avril 2025.

* 694 Ibid.

* 695 Article R. 2191-3 du code de la commande publique.

* 696 Article R. 2191-4 du code de la commande publique.

* 697 Article R. 2191-5 du code de la commande publique.

* 698 Article R. 2191-7 du code de la commande publique.

* 699 Article R. 2191-8 du code de la commande publique.

* 700 Audition de MM. Pierre-Henri Morand et François Maréchal, 2 avril 2025.

* 701 Audition de France Digitale, 8 avril 2025.

* 702 Ibid.

* 703 Audition de MM. Pierre-Henri Morand et François Maréchal, 2 avril 2025.

* 704 Cour administrative d'appel de Bordeaux, 15 novembre 2016, Bordeaux Métropole, n° 15BX00253.

* 705 Cour administrative d'appel de Toulouse, 19 mars 2024, Société Proximum, n° 22TL20276.

* 706 Audition de M. Boris Ravignon, 12 mars 2025.

* 707 Ibid.

* 708 Audition de MM. Jean-Luc Baras, Alain Bénard et Jean-Marc Peyrical, 25 mars 2025.

* 709 Réponses écrites du CNA au questionnaire de la commission d'enquête.

* 710 Ibid.

* 711 V. Cass. crim., 14 décembre 2011, n° 11-82.854.

* 712 Cf. Cass. crim., 14 janvier 2004, n° 03-83.396.

* 713 Audition de MM. Emmanuel Sallaberry, Hervé Fournier et Joël Marivain, 11 mars 2025.

* 714 Ibid.

* 715 Ibid.

* 716 Ibid.

* 717 Audition de la Cour des comptes, 1er avril 2025.

* 718 Réponses écrites de M. Jean-Marc Joannès au questionnaire de la commission d'enquête.

* 719 Audition de MM. Jean-Luc Baras, Alain Bénard et Jean-Marc Peyrical, 25 mars 2025.

* 720 Source : Préfecture du Morbihan, bilan annuel 2024 de la mission de conseil, de contrôle de légalité et budgétaire.

* 721 Dont 4 381 décisions rendues par les tribunaux administratifs (1,7 % du nombre total des décisions rendues par les tribunaux administratifs), 752 décisions rendues par les cours administratives d'appel (2,4 %) et 260 décisions rendues par le Conseil d'État (2,7 %).

* 722 Loi n° 63-156 du 23 février 1963 de finances pour 1963, article 60 ; décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique, article 17.

* 723 Loi n° 48-1484 du 25 septembre 1948 tendant à sanctionner les fautes de gestion commises à l'égard de l'État et de diverses collectivités et portant création d'une Cour de discipline budgétaire et financière ; loi n° 95-851 du 24 juillet 1995 relative à la partie législative du livre III du code des juridictions financières, article 1er ; décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique, article 12.

* 724 Ordonnance n° 2022-408 du 23 mars 2022 relative au régime de responsabilité financière des gestionnaires publics.

* 725 Conseil d'État, 29 janvier 2025, n° 497840.

* 726 Circulaire du Premier ministre n° 6478-SG du 17 avril 2025 relative à l'accompagnement des agents publics mis en cause dans le cadre du régime de responsabilité financière des gestionnaires publics.

* 727 Mail du 7 mai 2025 au secrétariat de la commission d'enquête.

* 728 Audition de M. Matthieu Schlesinger, 26 mars 2025.

* 729 Réponses écrites de l'AMF au questionnaire de la commission d'enquête.

* 730 Audition d'Hexatrust, 29 avril 2025.

* 731 Article L. 131-12 du code des juridictions financières.

* 732 Article L. 131-16 du code des juridictions financières.

* 733 « Favoritisme : une répartition absurde des affaires entre les juges pénaux et financiers », achatpublic.info, 19 novembre 2024.

* 734 « La poursuite des gestionnaires publics n'est pas automatique » ... encore moins dans la commande publique ! », achatpublic.info, 15 mai 2025.

* 735 Ministère de la justice, rapport de la mission d'urgence relative à la déjudiciarisation, mars 2025.

* 736 Audition de MM. Emmanuel Sallaberry, Hervé Fournier et Joël Marivain, 11 mars 2025.

* 737 Audition de MM. Guillaume Delarue, Jean-Marc Joannès et Grégory Kalflèche, 19 mars 2025.

* 738  https://www.economie.gouv.fr/files/files/directions_services/daj/marches_publics/oecp/guide_mard/Guide_MARD_2024.pdf?v=1714641965

* 739 https://www.economie.gouv.fr/files/files/directions_services/daj/marches_publics/oecp/guide_bonnes_pratiques_facturation/Guide_bonnes_pratiques_facturation_marche_travaux.pdf?v=1749136323

* 740 Audition de M. Pierre Pelouzet, 8 avril 2025.

* 741 Ibid.

* 742 Audition de MM. Guillaume Delarue, Jean-Marc Joannès et Grégory Kalflèche, 19 mars 2025.

* 743 Ibid.

* 744 Audition de M. François Adam, 18 mars 2025.

* 745 Ibid.

* 746 OCDE, Promouvoir les marchés publics stratégiques et écologiques en France, juin 2025.

* 747 Réponses écrites de France urbaine au questionnaire de la commission d'enquête.

* 748 Réponses écrites de l'ADF au questionnaire de la commission d'enquête.

* 749 Audition de MM. Guillaume Delarue, Jean-Marc Joannès et Grégory Kalflèche, 19 mars 2025.

* 750 Audition de MM. Emmanuel Sallaberry, Hervé Fournier et Joël Marivain, 11 mars 2025.

* 751 Audition de MM. Jean-Luc Baras, Alain Bénard et Jean-Marc Peyrical, 25 mars 2025.

* 752 Audition de MM. Guillaume Delarue, Jean-Marc Joannès et Grégory Kalflèche, 19 mars 2025.

* 753 Article L. 2422-2 du code de la commande publique.

* 754 Article L. 2422-3 du code de la commande publique.

* 755 Article L. 2422-4 du code de la commande publique.

* 756 Audition de M. Matthieu Schlesinger, 26 mars 2025.

* 757 Ibid.

* 758 Ibid.

* 759 Réponses écrites de la SGP au questionnaire de la commission d'enquête.

* 760 Ibid.

* 761 En euros 2012.

* 762 Acronyme de Assistant ou Assistance à Maîtrise d'Ouvrage

* 763 Audition de M. Guillaume Poupard, 27 mai 2025.

* 764 Article 14 de la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique.

* 765 Entre le 1er octobre 2018 et le 1er janvier 2020, le seuil de dématérialisation était fixé à 40 000 euros HT.

* 766 Article R. 2132-3 du code de la commande publique.

* 767 Arrêté du 11 octobre 2012 portant création d'un traitement dénommé « plateforme des achats de l'État » (NOR : EFIZ1236620A).

* 768 Arrêté du 20 mai 2020 portant création d'un traitement dénommé « Plateforme des achats de l'État » (PLACE) (NOR : CPAZ1933912A).

* 769 Arrêté du 22 mars 2019 relatif aux fonctionnalités et exigences minimales des profils d'acheteurs (NOR : ECOM1831551A).

* 770 Étude de l'institut IFOP menée du 13 décembre 2022 au 16 janvier 2023 pour le GIE Publication des marchés. L'étude a été menée auprès d'un échantillon de 406 élus locaux hors Ile-de-France.

* 771 Ce dispositif a été introduit par l'ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 pour les marchés publics et l'ordonnance n° 2016-65 du 29 juillet 2016 pour les contrats de concession.

* 772 Données OECP.

* 773 data.gouv.fr

* 774 Article R. 2196-1 du code de la commande publique.

* 775 Communication officielle 2023/C 98 I/01, Marchés publics : un espace de données pour améliorer les dépenses publiques, stimuler l'élaboration de politiques fondées sur des données et faciliter l'accès des PME aux appels d'offres.

* 776 Ibid.

* 777 Réponse de France urbaine au questionnaire de la commission d'enquête.

* 778 Réponse de Départements de France au questionnaire de la commission d'enquête.

* 779 Audition de M. Éric Lombard, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, devant la commission d'enquête, le 11 juin 2025.

* 780  https://www.oecd.org/en/topics/public-procurement.html (consulté le 30 avril 2025).

* 781 Bundesministerium für Wirtschaft und Klimaschutz (BMWK), Vergabe Statistik, Bericht für das Jahr 2022, 2025, p. 12.

* 782 Ibid.

* 783 Ibid.

* 784 Seule la Bavière n'a pas adopté de loi générale sur la commande publique, malgré plusieurs tentatives. Ce phénomène de lois régionales en matière de commande publique est relativement nouveau puisqu'il n'est apparu que dans les années 2000 en raison du souhait de certains Länder d'imposer un salaire minimum dans le cadre des marchés publics.

* 785  Directive 2014/23/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 sur l'attribution de contrats de concession ; Directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics ; Directive 2014/25/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 relative à la passation de marchés par des entités opérant dans les secteurs de l'eau, de l'énergie, des transports et des services postaux.

* 786 OCDE, op. cit., p. 77.

* 787  Gesetz zur Modernisierung des Vergaberechts (Vergaberechtsmodernisierungsgesetz - VergRModG) vom 17. Februar 2016.

* 788  https://www.bmwk.de/Redaktion/DE/Artikel/Service/vergaberechtsmodernisierungsgesetz.html (consulté le 30 avril 2025).

* 789  https://www.reguvis.de/xaver/vergabeportal/start.xav?start=%2F%2F*%5B%40attr_id%3D%27vergabeportal_9855877387%27%5D#__vergabeportal__%2F%2F*%5B%40attr_id%3D%27vergabeportal_9855877387%27%5D__1746029529888 (consulté le 30 avril 2025).

* 790 Tous les deux ans, la Commission européenne vérifie que les seuils fixés par les directives susmentionnées correspondent aux seuils fixés dans l'accord de l'Organisation mondiale du Commerce (OMC) sur les marchés publics (AMP) et les révise, le cas échéant.

* 791  Gesetz gegen Wettbewerbsbeschränkungen (GWB).

* 792  Verordnung über die Vergabe öffentlicher Aufträge (VgV).

* 793 Ce principe, transposé dans l'article 106 de la loi allemande contre les restrictions de concurrence à partir des directives européennes de 2014, est originellement issu de la jurisprudence Telaustria (CJCE, 2000)

* 794 GWB, article 156. Il existe deux chambres de la commande publique au niveau fédéral et au moins une dans chaque Land. Il s'agit de juridictions spécialisées, comprises dans l'ordre judiciaire. La contestation d'une décision d'une chambre de la commande publique - qui a valeur réglementaire - s'effectue devant un tribunal régional supérieur (l'instance d'appel).

* 795  https://www.bmwk.de/Redaktion/DE/Dossier/oeffentliche-auftraege-und-vergabe.html (consulté le 30 avril 2025). Pour les marchés ou concessions dont les montants sont inférieurs aux seuils européens, les soumissionnaires évincés n'ont en principe pas de droit de recours. Cependant, la plupart des Länder ont mis en place des organismes effectuant un contrôle de procédure préalable, avant la signature des contrats, et en principe, les tiers peuvent empêcher provisoirement l'attribution du marché en obtenant une protection juridique provisoire auprès des juridictions civiles, même si ce point est juridiquement controversé.

https://www.bundestag.de/resource/blob/964440/36dd3c6f5f7148b246511818c5fbef5e/WD-7-072-23-pdf.pdf (consulté le 2 mai 2025).

* 796  https://www.bmwk.de/Redaktion/DE/Artikel/Wirtschaft/reform-der-nationalen-vergaben.html (consulté le 30 avril 2025).

* 797 Vergabe- und Vertragsordnung für Bauleistungen Teil A (VOB/A), article 3a.

* 798 Ibid. Pour l'État fédéral, l'UVgO est entré en vigueur le 2 septembre 2017 par la modification des dispositions administratives relatives à l'article 55 du Bundeshaushaltsordnung (règlement financier fédéral).

* 799 Les seuils peuvent ainsi être différents selon que le marché est passé par une autorité du Land ou une commune. Par exemple, en Rhénanie du Nord Westphalie, la limite de la procédure de gré à gré est fixée à 3 000 pour le Land et à 25 000 pour les communes.

Voir : https://www.vergabe.nrw.de/wirtschaft/vergaberechtsvorschriften

* 800 Baden-Würtemberg, Verwaltungsvorschrift der Landesregierung über die Vergabe öffentlicher Aufträge (VwV Beschaffung).

* 801 Bayern, Bayerisches Gesetz über wirtschafts- und vergaberechtliche Vorschriften (BayWiVG).

* 802 Niedersächsisches Tariftreue- und Vergabegesetz - NTVergG

* 803  Berliner Ausschreibungs- und Vergabegesetz (BerlAVG)

* 804  Brandenburgisches Vergabegesetz - BbgVergG

* 805  Bremisches Gesetz zur Sicherung von Tariftreue, Sozialstandards und Wettbewerb bei öffentlicher Auftragsvergabe

* 806  Hamburgisches Vergabegesetz (HmbVgG).

* 807  Hessisches Vergabe- und Tariftreuegesetz, (HVTG)

* 808  Gesetz über die Vergabe öffentlicher Aufträge in Mecklenburg-Vorpommern (Vergabegesetz Mecklenburg-Vorpommern - VgG M-V)

* 809 Rheinland-Pfalz, Landesgesetz zur Gewährleistung von Tariftreue und Mindestentgelt bei öffentlichen Auftragsvergaben (Landestariftreuegesetz- LTTG-)

* 810 Nordrhein-Westfalen, Vergabegrundsätze Land

* 811  Saarländisches Tariftreue- und Fairer-Lohn-Gesetz (STFLG)

* 812  Sächsisches Vergabegesetz. La Saxe n'applique pas les deux règlements de procédures mentionnés ci-dessus lorsque les montants sont inférieurs aux seuils européens. Concrètement, cela veut dire que tous les contrats inférieurs aux seuils européens sont exemptés des règles de dévolution concurrentielle.

Un projet de loi envisageait toutefois en 2024 de créer des seuils inférieurs, mais les négociations au sein de la coalition ont fait obstacle à l'adoption de cette réforme avant les élections régionales du 1er septembre 2024. Voir : https://www.vergabe24.de/service/news/sachsen-kabinett-beschliesst-neues-vergabegesetz/ f

* 813  Tariftreue- und Vergabegesetz Sachsen-Anhalt - TVergG LSA

* 814  Vergabegesetz Schleswig-Holstein (VGSH)

* 815  Thüringer Gesetz über die Vergabe öffentlicher Aufträge

* 816 Bundesministerium für Wirtschaft und Klimaschutz, KOINNO Magazin, 02/2024, p. 10.

* 817 Ibid., pp. 10-11.

* 818  Verwaltungsvorschrift der Landesregierung über die Vergabe öffentlicher Aufträge (VwV Beschaffung)

* 819  https://www.bmwk.de/Redaktion/DE/Artikel/Service/Gesetzesvorhaben/gesetzentwurf-verg-r-transf-g.html (consulté le 30 avril 2025).

* 820 Gesetzentwurf der Bundesregierung, Entwurf eines Gesetzes zur Transformation des Vergaberecht, p. 1. Un tableau comparatif du droit en vigueur et du droit proposé est également disponible : https://www.bmwk.de/Redaktion/DE/Downloads/S-T/synopse-vergabe-r-transf-g.pdf?__blob=publicationFile&v=10 (consulté le 30 avril 2025).

* 821 Ibid.

* 822  https://www.bmwk.de/Redaktion/DE/Artikel/Service/Gesetzesvorhaben/gesetzentwurf-verg-r-transf-g.html (consulté le 2 mai 2025). Un projet de refonte a été présenté en octobre 2024 mais n'a pas abouti à ce jour. Il contenait notamment des propositions de relèvement des seuils d'attribution directe des contrats de fournitures et de services à 15 000 euros et des contrats avec les start-ups innovantes à 100 000 euros.

* 823  https://dip.bundestag.de/vorgang/gesetz-zur-transformation-des-vergaberechts-vergaberechtstransformationsgesetz-vergrtransfg/318125 (consulté le 30 avril 2025).

* 824 L'article 125 du règlement du Bundestag prévoit qu'à la fin de la législature du Bundestag, tous les documents en cours d'examen sont considérés comme caducs (erledigt). Cette disposition ne s'applique pas aux pétitions ni aux projets qui ne nécessitent pas de décision.

* 825 Entwurf eines Gesetzes zur Transformation des Vergaberecht, article 1, alinéa 1.

* 826 Ibid., p. 59.

* 827 Entwurf eines Gesetzes zur Transformation des Vergaberecht, p. 77.

* 828 Ibid.

* 829 Verordnung über die Vergabe öffentlicher Aufträge, VgV, § 41.

* 830 Entwurf eines Gesetzes zur Transformation des Vergaberecht, article 7, alinéa 15.

* 831 Fréderic Delcuvé, Das Vergabetransformationsgesetz, IR 2025, 30, Beck online.

* 832 En ce qui concerne les marchés publics, la disposition concernée est l'article 12 de la directive 2014/24/UE ; en ce qui concerne les concessions, il s'agit de l'article 17 de la directive 2014/23/UE.

* 833 Onlinezugangsgesetz.

* 834 Entwurf eines Gesetzes zur Transformation des Vergaberecht, p. 58

* 835 Fréderic Delcuvé, Das Vergabetransformationsgesetz, IR 2025, 30, Beck online.

* 836 Dans les cas où le contrôle de l'opérateur économique est réalisé conjointement entre plusieurs pouvoirs adjudicateurs, l'application de l'exception in house est subordonnée au caractère effectif de cette collaboration (v. arrêt Remondis, CJUE, 4 juin 2020, point 32, affaire C-429/19).

* 837 Saisie par le Conseil d'État belge d'une question préjudicielle relative à l'article 12 al. 4 de la directive 2024/24/UE, la Cour de justice de l'UE a considéré que l'impératif d'effectivité n'est pas rempli dans les configurations in house ascendantes à deux degrés à contrôle conjoint en raison du caractère trop indirect entre le pouvoir adjudicateur et l'opérateur économique (v. arrêt Sambre et Biesme, CJUE, 22 décembre 2022, point 87, affaires jointes C-383/21 et C-384/21).

* 838 À un intérêt à agir toute entreprise évincée ou candidate potentielle au contrat litigieux prouvant que la méconnaissance du droit de la commande publique alléguée lui a porté préjudice (art. 160 al. 2 GWB).

* 839 Entwurf eines Gesetzes zur Transformation des Vergaberecht, article 1 alinéa 21.

* 840 Des chambres de la commande publique (Vergabekammer) ont, à quelques rares reprises, écarté l'application de la sanction de l'annulation au titre de la continuité du service public. V. en ce sens une décision VK Rheinland-Pfalz, 22.5.2014 - VK 1-7/14.

* 841 Il existe actuellement deux exceptions législatives à la sanction de nullité des contrats de la commande publique ayant méconnu les impératifs de délai stand still et de dévolution concurrentielle : il s'agit des contrats liés à l'armement ( art. 3 BwBBG) et des contrats liés à l'utilisation du gaz naturel liquéfié ( art. 9 LNGG).

* 842 Entwurf eines Gesetzes zur Transformation des Vergaberecht, article 1 alinéa 8 et p. 64.

* 843 Ibid., p. 46.

* 844 En moyenne, 800 recours par an sont formés devant les chambres de la commande publique. Environ 20% d'entre eux font l'objet d'un recours en appel auprès des tribunaux régionaux supérieurs qui, pour l'occasion, doivent constituer des formations de jugement spéciales de la commande publique (Vergabesenat). https://www.bmwk.de/Redaktion/DE/Downloads/V/vkbj-2022.html

(consulté le 2 mai 2025).

* 845 C'est le cas s'agissant des contrats liés à l'armement ( art. 5 BwBBG) et des contrats liés à l'utilisation du gaz naturel liquéfié ( art. 9 al. 2 LNGG).

* 846 Entwurf eines Gesetzes zur Transformation des Vergaberecht, article 1 alinéa 33.

* 847 Entwurf eines Gesetzes zur Transformation des Vergaberecht, article 1 alinéa 37.

* 848 Les critères d'attribution et les obligations auxquelles ils sont soumis sont issus notamment des dispositions de l'article 38 de la directive 2014/23/UE relative aux concessions.

* 849 Entwurf eines Gesetzes zur Transformation des Vergaberecht, article 1 alinéa 17.

* 850 Règlement sur la passation des marchés publics (Vergabeverordnung - VgV), article 48 : https://www.gesetze-im-internet.de/vgv_2016/BJNR062410016.html

* 851 Définies comme les entreprises fondées il y moins de huit ans.

* 852 Entwurf eines Gesetzes zur Transformation des Vergaberecht, article 7, alinéa 16.

* 853 Ibid., p. 104.

* 854 C. Harlow, R. Rawlings, Law and administration, 2022, p. 399 .

* 855 Ibid., p. 400.

* 856 Ibid., p. 400.

* 857  House of Commons Library, Procurement statistics : a short guide, 2024, p. 3.

* 858 Au Royaume-Uni, l'exercice budgétaire commence le 1er avril et s'achève le 31 mars de chaque année.

* 859 Ces chiffres consolidés n'incluent pas les dépenses du secteur public vers d'autres entités du secteur public ; il s'agit donc de la meilleure estimation des achats du secteur public auprès du secteur privé. Les chiffres bruts disponibles pour l'exercice 2023-2024, indiquent que 407 milliards de livres sterling (475 milliards d'euros) dans le cadre de la commande publique.

* 860  HOC Library, Procurement statistics : a short guide, 2024, p. 3.

* 861  HM Treasury, public Expenditure Statistical Analyses 2024, Tables 5.5 et Tables 5.6, pp. 77 et 78.

* 862  UK Cabinet Office, Central Government Direct and Indirect Spend with Small and Medium sized Enterprises 2021/2022, p. 2.

* 863  Directive 2014/24/UE du parlement européen et du conseil du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics et abrogeant la directive 2004/18/CE.

* 864  Directive 2014/23/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 sur l'attribution de contrats de concession.

* 865  Directive 2014/25/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 relative à la passation de marchés par des entités opérant dans les secteurs de l'eau, de l'énergie, des transports et des services postaux.

* 866  UK Cabinet Office, Guidance : transitional and saving arrangements, para. 4.

* 867 En droit britannique, les règlements (regulations) sont un type de législation secondaire (secondary legislation): il s'agit d'un acte législatif élaboré par une personne ou un organe autre que le Parlement dans le cadre d'une loi d'habilitation du Parlement.

* 868  The Public Contracts Regulations 2015 (revoked).

* 869  The Utilities Contracts Regulations 2016 (revoked).

* 870  The Concession Contracts Regulations 2016 (revoked).

* 871  The Defence and Security Public Contracts Regulations 2011.

* 872  House of Commons Library, Procurement Bill 2022-23, 2023, p. 16.

* 873  https://www.wto.org/french/tratop_f/gproc_f/gp_gpa_f.htm, consulté le 23 avril 2025.

* 874  European Union (Withdrawal) Act 2018.

* 875  https://www.gov.uk/government/collections/transforming-public-procurement, consulté le 22 avril 2025.

* 876  UK Government, Our Innovation Ambition, p. 6.

* 877  UK Cabinet Office, Guidance : transitional and saving arrangements, para. 3.

* 878  Procurement Act (Commencement No. 3 and Transitional and Saving) Regulations 2024.

* 879  HOC Library, Defence Procurement : The Procurement Act 2023 and the Defence and Security Public Contract Regulations 2011 , p. 9.

* 880  The Defence and Security Public Contracts (Amendment) (EU Exit) Regulations 2019 (revoked).

* 881  The Defence and Security Public Contract (Amendment) (EU Exit) Regulations 2020 (revoked).

* 882  UK Cabinet Office, Guidance : transitional and saving arrangements, para. 4 et 5.

* 883  Procurement Act 2023.

* 884 Soit quatre mois après la date d'entrée en vigueur initialement prévue, afin de permettre l'élaboration d'une nouvelle déclaration de politique nationale en matière de marchés publics (NPPS). https://www.local.gov.uk/our-support/procurement-hub/transforming-public-procurement, consulté le 10 mai 2025.

* 885  Procurement Act 2023, Explanatory Notes, Policy Background, para. 10.

* 886  The Procurement Regulations 2024.

* 887  https://www.gov.uk/government/collections/procurement-act-2023-guidance-documents (consulté le 10 mai 2025). Ces documents juridiquement non contraignants couvrent tous les aspects de la loi sur la commande publique de 2023 et visent à fournir des conseils techniques et aider à l'interprétation et à la compréhension de la loi.

* 888 Généralement, un contrat commence à la date à laquelle la publicité débute.

* 889  https://commonslibrary.parliament.uk/research-briefings/cbp-9810/, consulté le 10 mai 2025.

* 890 UK Cabinet Office, National Procurement Policy Statement, 2025.

* 891  UK Government, « The Procurement Act 2023 : A short guide for suppliers », 2025 .

* 892 Voir notamment : https://www.stephensonharwood.com/insights/procurement-act-2023-key-changes-to-the-public-procurement-regime?30102023160334. et https://www.herbertsmithfreehills.com/notes/publiclaw/2025-posts/Nearly-there--the-Procurement-Act-2023-finally-goes-live-on-24-February, consultés le 10 mai 2025.

* 893 UK Cabinet Office, National Procurement Policy Statement, 2025.

* 894 Ce type d'entreprises équivaut au secteur de l'économie sociale et solidaire en France.

* 895  Procurement Act 2023, Schedule 1.

* 896  Utilities Contracts Regulations 2016, abrogé.

* 897 UK Government, Guidance: Utilities Contracts, 2024.

* 898 UK Governement, Guidance: Thresholds, 2025.

* 899  Règlement délégué (UE) 2023/2497 du 15 novembre 2023 modifiant la directive 2014/23/UE du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les seuils applicables pour les concessions.

* 900  Procurement Act 2023, Schedule 1.

* 901  Procurement Act 2023, Schedule 2.

* 902  Procurement Act 2023, Explanatory Notes, Policy Background, para. 15.

* 903  https://www.procurementpathway.civilservice.gov.uk/, consulté le 22 avril 2025.

* 904 House of Commons Library, Procurement Bill 2022-23, 2023, p. 16.

* 905  Procurement Act 2023, Chapter 2.

* 906  Procurement Act 2023, Chapter 3.

* 907  Procurement Act 2023, Schedule 5 .

* 908  Procurement Act 2023, Chapter 4.

* 909  Procurement Act 2023, Part 3, Chapter 5, Section 51.

* 910  Procurement Act 2023, Part 3, Chapter 2, Section 20.

* 911  Procurement Act 2023, Part 3, Chapter 2, Section 19.

* 912  UK Cabinet Office, Guidance : Assessing Competitive Tenders.

* 913  HOC Library, Procurement Bill 2022-23, 2023, p. 66.

* 914  Procurement Act 2023, Part 3, Chapter 2, Section 24.

* 915  Procurement Act 2023, Part 4, Section 74.

* 916  https://www.find-tender.service.gov.uk/Search, consulté le 17 avril 2025.

* 917  UK Government, « The Procurement Act 2023 : A short guide for suppliers », 2025.

* 918  https://www.gov.uk/contracts-finder, consulté le 14 mai 2025.

* 919  https://www.find-tender.service.gov.uk/Search

* 920 TVA incluse.

* 921  UK Cabinet Office, Guidance on Below-Threshold Contracts. À noter que la plateforme “Find a Tender” ne comprend pas les avis de publicité de marchés inférieurs aux seuils des autorités publiques écossaises, qui sont publiée sur le site internet https://www.publiccontractsscotland.gov.uk/ .

* 922  UK Cabinet Office, Transforming public Procurement - our transparency ambition, 2022.

* 923 Ce montant comprend également les marchés inférieurs aux seuils et les contrats-cadres.

* 924  UK Cabinet Office, Guidance, Pipeline Notice.

* 925  UK Cabinet Office, Guidance, Preliminary Market Engagement.

* 926  UK Cabinet Office, Guidance, Contract Termination, 2025.

* 927  UK Cabinet Office, Guidance, Contract Performance Notice, 2025.

* 928 Au sens de l'article 35 du PA 2023, un marché dynamique est une liste de fournisseurs qualifiés (c'est-à- qui ont rempli les "conditions d'adhésion" au marché dynamique) éligibles pour participer à de futurs marchés publics. Un marché dynamique peut être divisé en catégories. Ces marchés sont dynamiques dans la mesure où ils doivent rester ouverts à la participation de nouveaux fournisseurs à tout moment. Ils sont possibles pour tous les types d'achats de biens, de services ou de travaux, autres que ceux achetés dans le cadre de contrats de concession, à moins que le contrat de concession ne soit également un contrat de services publics. UK Cabinet Office, Guidance: Dynamic Markets.

* 929  UK Government, Guidance, « The Procurement Act 2023 : A short guide for suppliers », 2025.

* 930Ibid.

* 931 UK Government, Guidance, « Procurement Review Unit », 2025.

* 932 Ibid.

* 933 Ibid.

* 934 UK Government, Guidance, « Procurement Review Unit ».

* 935 Ibid.

* 936 Procurement Act 2023, Section 62.

* 937 Procurement Act 2023, Schedule 6.

* 938  Procurement Act 2023, Schedule 7, para. 12.

* 939  https://submit.forms.service.gov.uk/form/2912/raise-a-referral-for-debarment-with-the-debarment-review-service/21121, consulté le 17 avril 2025.

* 940  https://submit.forms.service.gov.uk/form/4119/raise-a-referral-for-a-national-security-debarment-investigation/14040, consulté le 17 avril 2025.

* 941  Procurement Act 2023, Schedule 6 et Schedule 7.

* 942  UK Government, Guidance, « Procurement Review Unit », NSUP, 2025.

* 943  HOC Library, Procurement Bill, 2022-23, 2023, p. 73.

* 944 Ibid.

* 945 Ibid.

* 946 Ibid.

* 947 UK Cabinet Office, Procurement Policy Note: Reserving below threshold procurements, Février 2025.

* 948 Ibid.

* 949  Ministry of Defence, Defence Industrial Strategy, Statement of Intent, 2024.

* 950  https://www.gao.gov/blog/snapshot-government-wide-contracting-fy-2023-interactive-dashboard (consulté le 25 mai 2025).

* 951 Ibid.

* 952  https://fedalliance.org/understanding-the-state-local-and-education-sled-market/ (consulté le 25 mai 2025).

* 953  https://www.americanbar.org/products/inv/book/425654904/ (consulté le 25 mai 2025).

* 954  United States Code, Title 41 - Public contracts

* 955  United States Code, Title 10 - Armed forces

* 956  Code of Federal Regulations, Title 48, Chapter 1

* 957 Code of Federal Regulations, Title 48, Chapter 1, Subchapter A, art. 1.102 - Statement of guiding principles for the Federal Acquisition System: https://www.ecfr.gov/current/title-48/chapter-1/subchapter-A/part-1

* 958 Le site internet https://www.acquisition.gov/content/regulations rassemble l'ensemble des règlements des agences fédérales applicables, ainsi qu'un comparateur et des liens vers les prévisions d'appels d'offres de l'ensemble des agences.

* 959  https://www.acquisition.gov/sites/default/files/current/far/pdf/FAR.pdf (consulté le 23 mai 2025).

* 960 United States Code, Title 41, Subtitle I, Chapter 33, section 3301 - Full and open competition.

* 961 Code of Federal Regulations, Title 48, Chapter 1, Part 6 - Competition requirements, art. 6.102.

* 962 Code of Federal Regulations, Title 48, Chapter 1, Subchapter C, Part 14 - Sealed Bidding.

* 963 Code of Federal Regulations, Title 48, Chapter 1 Subchapter C, art. 15.002

* 964 Code of Federal Regulations, Title 48, Chapter 1, Part 13 - Simplified acquisition procedures, art. 13.0002.

* 965 Code of Federal Regulations, Title 48, Chapter 1, Part 13

* 966 Montant hors taxes. Pour mémoire, il n'existe pas de TVA au niveau fédéral aux États-Unis.

* 967 Code of Federal Regulations, Title 48, Chapter 1, Part 2 - Definitions of terms, art. 2.101 Definitions

* 968 Code of Federal Regulations, Title 48, Chapter 1, Part 2 - Definitions of terms, art. 2.101 Definitions

* 969 Congressional Research Service, R46748, The Buy American Act and Other Federal Procurement Domestic Content Restrictions, 2022, p. 1

* 970 Ibid.

* 971 Ibid. p. 2.

* 972 United States Code, Title 41, Subtitle IV

* 973 Ainsi que le note le Congressional Research Service, il n'existe pas de définition du terme « manufacturé » au sein du Buy American Act, ce qui a donné lieu à une jurisprudence importante. Aujourd'hui, pour savoir si un produit est manufacturé aux États-Unis, les questions suivantes sont prises en considération : le produit a-t-il subi des modifications substantielles de ses caractéristiques physiques aux États-Unis ; les ingrédients du produit [ont-ils été] mesurés, pesés, mélangés et composés aux États-Unis ; et le produit a-t-il été préparé sous la forme requise pour être utilisé par le gouvernement aux États-Unis ? Les opérations effectuées après l'achèvement de l'article (par exemple, l'emballage, le test) ne sont généralement pas considérées comme des opérations de manufacture.

* 974 United States Code, Title 41, Subtitle I, Chapter 19 - Simplified acquisition procedures, art. 1902

* 975 Code of Federal Regulations, Title 48, Chapter 1 - Federal Acquisition System

* 976 Code of Federal Regulations, Title 48, Chapter 1 - Federal Acquisition System, art. 25.105

* 977 Code of Federal Regulations, Title 48, Chapter 1 - Federal Acquisition System, art. 25.204

* 978 Code of Federal Regulations, Title 48, Chapter 2 - Defense Acquisition Regulations System, art. 225.106

* 979 Congressional Research Service, R46748, op. cit. p. 6.

* 980 United States Code, Title 19, Chapter 13 - Trade Agreements Act of 1979 (art. 2501-2582)

* 981 Code of Federal Regulations, Title 48, Chapter 1 - Federal Acquisition System, art. 25.400

* 982 Jusqu'au 1er janvier 2025, les pays de l'accord USMCA (United States-Mexico-Canada Agreement), le Chili, Singapour, l'Australie, le Maroc, les pays de l'accord CAFTA-DR (The Dominican Republic-Central America-United States Free Trade agreement), Bahreïn, Oman, le Pérou, la Corée du Sud, la Colombie, le Panama.

* 983 Pour un tableau détaillé et exhaustif des seuils en fonction des pays et de la nature du marché public, voir Code of Federal Regulations, Title 48, Chapter 1 - Federal Acquisition System, art. 25.402

* 984 United States Code, Title 10 - Armed Forces, art. 4862 - Requirement to buy certain articles from American sources; exceptions

* 985 United States Code, Title 10 - Armed Forces, art. 4863 - Requirement to buy strategic materials critical to national security from American sources; exceptions

* 986 À propos de l'acier, l'article 4863 alinéa (l) précise que ce métal spécial est concerné dès lors que 1) sa teneur en alliage dépasse une ou plusieurs des limites suivantes : manganèse, 1,65 pour cent ; silicium, 0,60 pour cent ; ou cuivre, 0,60 pour cent ; ou 2) qu'il contient plus de 0,25 % de l'un des éléments suivants : aluminium, chrome, cobalt, columbium, molybdène, nickel, titane, tungstène ou vanadium.

* 987  Infrastructure Investment and Jobs Act (IIJA), Public Law 117-58, Division G, Title IX - Build America, Buy America, Subtitle A - Build America, Buy America Act (art. 70901-70927)

* 988 Congressional Research Service, OMB Issues Final Guidance on “Buy America” Domestic Preference Requirements, 2023

* 989 Ibid.

* 990 Sénat, Rapport d'information n° 374 - 1996/1997 de M. Francis GRIGNON, « Aider les PME : l'exemple américain »

* 991 Small Business Act, Public Law 85-536, 18 juillet 1958, (consulté le 3 juin 2025)

* 992 United States Code, Title 15 - Commerce and Trade, chapter 14A - Aid to small businesses (art. 631-657u)

* 993 La Small Business Administration dispose d'un site institutionnel sur lequel sont accessibles des informations concernant ses missions ainsi que des rapports d'activité : https://www.sba.gov/ (consulté le 3 juin 2025)

* 994 https://www.sba.gov/federal-contracting/contracting-guide/basic-requirements (consulté le 3 juin 2025).

* 995 Code of Federal Regulations, Title 13 - Business Credit and Assistance, § 121.201 (consulté le 3 juin 2025)

* 996 Voir la liste complète listant plus de 1 000 cas de figure : https://www.sba.gov/sites/default/files/2023-06/Table%20of%20Size%20Standards_Effective%20March%2017%2C%202023%20%282%29.pdf (consulté le 3 juin 2025).

* 997 https://advocacy.sba.gov/wp-content/uploads/2024/11/United_States.pdf (consulté le 3 juin 2025).

* 998 Congressional Research Service, R45576, An Overview of Small Business Contracting, 2024, p. 12.

* 999 https://sam.gov/ (consulté le 5 juin 2025).

* 1000 CRS, R45576, op. cit., p. 3.

* 1001  https://www.sba.gov/sites/default/files/2025-02/Small%20Business%20Procurement%20-%20F25%20SB%20Goals%20-%20One%20Page_2.24.2025.pdf (consulté le 4 juin 2025).

* 1002 Une petite entreprise désavantagée est définie comme une entreprise remplissant les critères de taille des petites entreprises, détenue ou contrôlée à au moins 51 % par une personne socialement ou économiquement désavantagée.

* 1003 Le site institutionnel de la SBA a élaboré une page web interactive analysant les résultats annuels d'attribution des contrats publics aux petites entreprises, détaillés par ministère fédéral : https://www.sba.gov/federal-contracting/contracting-data/small-business-procurement-scorecard/scorecard-details?agency=DOJ&year=2023 (consulté le 3 juin 2025)

* 1004 Competition in Contracting Act 1984, 41 USC article 3301 - Full and open competition.

* 1005 CRS, R45576, op. cit. p. 7.

* 1006 Code of Federal Regulations, 48 CFR Part 19 Subpart 19.5

* 1007  https://www.sba.gov/partners/contracting-officials/small-business-procurement/set-aside-procurement (consulté le 6 juin 2025).

* 1008 Il s'agit de l'article 8(a) dans la version « autonome » de la loi ; dans sa version telle que codifiée dans le Code des États-Unis, il s'agit de l'article 637(a) du titre 15.

* 1009 CRS, R45576, op. cit. p. 13.

* 1010 Les critères d'éligibilité au programme 8(a) sont définis à l'article 124.101 du titre 13 du Code des règlements fédéraux. Ces critères ont trait à la taille de l'entreprise, la situation socio-économique de la personne dirigeant l'entreprise, les chances de succès et le fait de détenir la citoyenne américaine. Les articles suivants (124.102 à 124.108) apportent des précisions concrètes quant à ces critères.

* 1011  https://www.sba.gov/federal-contracting/contracting-assistance-programs/8a-business-development-program (consulté le 6 juin 2025)

* 1012 CRS, R45576, op. cit. p. 13.

* 1013 Code of Federal Regulations, Title 48, Chapter 1, Subpart 19.13 - Historically Underutilitized Business Zone (HUBZone) program : https://www.ecfr.gov/current/title-48/chapter-1/subchapter-D/part-19/subpart-19.13

* 1014 https://www.sba.gov/federal-contracting/contracting-assistance-programs/hubzone-program (consulté le 6 juin 2025).

* 1015 Code of Federal Regulations, Title 48, Chapter 1, Subchapter 19.14 - Service-Disabled Veteran-Owned Small Business Program

* 1016 https://www.sba.gov/federal-contracting/contracting-assistance-programs/veteran-contracting-assistance-programs#id-service-disabled-veteran-owned-small-business-program (consulté le 6 juin 2025).

* 1017 Code of Federal Regulations, Title 48, Chapter 1, Subchapter 19.15 - Women-Owned Small Business Program

* 1018 Une femme est considérée comme économiquement défavorisée si elle parvient à démontrer que ses capacités de contracter sur un marché concurrentiel sont limitées du fait d'un capital et de capacité de crédit moindres par rapport à d'autres entreprises dans le même domaine (art. 127.203 du Code des règlements fédéraux : https://www.ecfr.gov/current/title-13/chapter-I/part-127).

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