II. UNE RÉORGANISATION DES CONTRÔLES POUR VALORISER LA MUTUALISATION DE L'EXPERTISE, OPÉRÉE DE FAÇON PEU UNIFORME SELON LES TERRITOIRES

Afin de faire face à l'afflux des actes dans un contexte de réduction des effectifs, les préfectures ont développé des partenariats avec d'autres administrations, plus ou moins institutionnalisés.

A. UN PALLIATIF INSTITUTIONNEL UNIQUE : LE PIACL

1. Un organisme consultatif d'assistance juridique à disposition des préfectures
a) Un pôle rattaché à la DGCL composé d'experts juridiques

Le pôle interrégional d'appui au contrôle de légalité (PIACL), basé à Lyon, a été créé à titre expérimental à partir de septembre 2002, afin d'apporter une assistance juridique en matière de contrôle de légalité, de contrôle budgétaire, de conseil et de contentieux auprès des préfectures des régions Rhône-Alpes, Bourgogne et Franche-Comté. Le périmètre de compétences du PIACL a été étendu par la suite en 2004 aux préfectures de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, avant qu'il devienne une entité à part entière de la sous-direction des compétences et institutions locales de la DGCL, par arrêté du 28 juillet 2006. Au 1er janvier 2007, son périmètre d'intervention a été élargi à l'ensemble des préfectures du territoire métropolitain, hors Ile-de-France. Depuis le 1er octobre 2015, le PIACL assiste également les préfectures d'Ile-de-France et des départements et régions d'Outre-mer57(*).

Un pôle unique a finalement été préféré au projet initial de créer six pôles régionaux58(*) au regard des économies d'échelle générées et dès lors que l'éloignement géographique n'était pas un obstacle au bon fonctionnement de cette entité et à la qualité des réponses apportées dans le cadre d'une saisine dématérialisée via le système d'information pour l'appui au contrôle de légalité (SIACL). Le PIACL coexiste avec les six pôles d'appui juridique mis en place en 2017, qui apportent quant à eux un appui au traitement des contentieux des préfectures, sous le pilotage de la direction des libertés publiques et des affaires juridiques (DLPAJ) du ministère de l'intérieur.

En vertu d'une circulaire du 15 novembre 2002, le PIACL a trois missions principales : l'assistance juridique aux services de contrôle de légalité et budgétaire des préfectures, l'information des préfectures par le biais d'une base de données, le SIACL, et enfin, la formation des agents en charge du contrôle de légalité. Le PIACL est donc un organe purement consultatif. La réponse aux préfectures prend systématiquement la forme d'un avis simple, qui ne lie pas nécessairement le préfet, même si dans les faits les avis sont toujours suivis.

Pour réaliser ses missions, le PIACL dispose d'effectifs limités, qui sont passés de 17 ETP en 2013 à 22 ETP en 2019. Les effectifs, stables depuis 2019, sont tous des fonctionnaires titulaires, juristes de formation ou qui ont acquis une solide expérience en la matière59(*). La cheffe de pôle est une magistrate administrative en détachement tandis que les agents du pôle sont gérés par la préfecture du Rhône dans le cadre d'une charte de gestion signée entre la DGCL et le préfet. Un transfert de leur gestion à la direction des ressources humaines du ministère de l'intérieur est en cours, pour une prise d'effet au 1er septembre 2025.

b) Une organisation qui s'est étoffée pour répondre au mieux aux besoins des préfectures

Alors que le PIACL comportait trois chambres60(*) en 2012, une quatrième chambre a été créée en 2016 pour les montages juridiques complexes et une cinquième en 2017 dédiée au contrôle budgétaire et aux finances publiques locales. En plus des cinq chambres composées de deux à quatre juristes, une juriste régulatrice intervient au soutien de toutes les chambres pour faire face aux urgences, à la surcharge ponctuelle d'activité des chambres et sur les dossiers transversaux.

Les trois premières chambres demeurent les plus sollicitées en termes de volume. Elles attraient à elles seules 78 % des saisines annuelles. En effet, l'intercommunalité, la domanialité publique et l'urbanisme, traités par la première chambre du PIACL, représentent respectivement 21 %, 6 % et 7 % des saisines en 2024. L'an passé, 74 % des préfectures ont saisi le PIACL au stade de leurs conseils délivrés aux collectivités, 23 % au stade du contrôle et 3 % au stade du contentieux.

Répartition thématique des saisines du PIACL en 2024

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données transmises par la DGCL

Outre l'extension matérielle du PIACL, tous les agents en charge du contrôle de légalité ont désormais accès au PIACL, et pas seulement les agents en poste en préfecture. En effet, depuis 2023, les agents des directions départementales des territoires (DDT) participant au contrôle de légalité peuvent saisir le PIACL et avoir accès à son fonds documentaire sur autorisation du secrétaire général de la préfecture.

En outre, le PIACL peut être saisi par les services déconcentrés de la direction générale des finances publiques (DGFiP) par l'intermédiaire des pôles nationaux de soutien au réseau (PNSR) de Bordeaux, Lyon et Rennes qui relèvent de cette direction, en vertu d'une convention de partenariat signée le 27 août 2013 entre la DGCL et la DGFiP. Le PIACL peut également saisir ces PNSR sur des questions qui dépassent le contrôle budgétaire, ces PNSR ayant des champs larges de compétences61(*). En 2024, le PIACL a répondu à 24 saisines de ces PNSR.

c) Une baisse du nombre de saisines et d'avis rendus depuis 2020 qui ne traduit pour autant pas une baisse d'activité du pôle

En 2015, le PIACL traitait 1 650 saisines par an, avec un pic de plus de 2 000 saisines en 2016, en lien avec la mise en oeuvre des réformes majeures issues des lois dites NOTRe, ALUR, Macron et Sapin II. Depuis, le nombre de saisines a baissé de 10 % en moyenne par an, et de plus de - 30 % entre 2019 et 2024. En parallèle, le nombre d'avis rendus par le PIACL a diminué de 27 % sur la même période. Toutefois, il apparaît que cette baisse en volume ne signifie pour autant pas une baisse d'activité du PIACL.

Évolution du nombre de saisines et d'avis rendus par le PIACL
entre 2019 et 2024

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données transmises par la DGCL

La rapporteure spéciale a pu constater lors de son déplacement à Lyon que les avis se sont étoffés au regard du caractère plus technique des saisines induit par la complexification du droit. Tandis que les avis faisaient de l'ordre de trois pages en 2015, les réponses apportées aujourd'hui peuvent atteindre une trentaine de pages. En effet, les interrogations courantes des préfectures sont disponibles sur le fonds documentaire du PIACL, si bien qu'il est désormais de plus en plus saisi de questions de fond nouvelles ou bien plus complexes. Ainsi, le PIACL doit régulièrement, à la lecture des questions posées, élargir l'analyse et, au-delà de la réponse à apporter, reposer un cadre juridique solide sur la thématique abordée.

L'allongement des délais de réponse témoigne de l'activité toujours soutenue du PIACL. Alors que le délai de réponse n'était que de 10 jours en 2015, il a augmenté à partir de 2021 (16 jours), pour atteindre 24 jours en 2023 et 26 jours en 2024.

Malgré cet allongement des délais récents, tous les agents rencontrés par la rapporteure spéciale se sont accordés sur la qualité des avis rendus par le PIACL. 97 % des préfectures ont d'ailleurs indiqué saisir le PIACL, dont 40 % de façon régulière62(*), témoignant ainsi de l'absolue nécessité de cet organisme consultatif.

2. Une association plus grande à l'offre de formation

La baisse en volume des saisines du PIACL a ainsi permis de dégager des marges de manoeuvre pour que le PIACL puisse être associé à l'offre de formation. Cette participation prend différentes formes.

En premier lieu, le PIACL participe de manière partenariale avec la SDRF à l'élaboration des mallettes pédagogiques de formation des agents pour ce qui est du volet expertise technique.

En deuxième lieu, certains agents du PIACL sont des formateurs internes occasionnels, dans la limite de dix jours par an, et animent à ce titre des webinaires thématiques63(*), considérés comme très utiles par les agents préfectoraux.

Enfin, le PIACL anime un fonds documentaire sur le SIACL, avec des grilles d'aide au contrôle, qui sont au nombre de 16. Outre les matières prioritaires, une grille a été mise en ligne début 2025 sur les entreprises publiques locales et d'autres sont en cours de relecture, notamment sur l'attribution des aides d'État. Ce fonds comprend également des veilles jurisprudentielles hebdomadaires. Il ressort des auditions menées par la rapporteure spéciale que ces veilles sont malheureusement peu connues des agents préfectoraux.

Ainsi, le rôle du PIACL en matière de formation a largement été revalorisé depuis 2022, de même que sa participation à l'animation du réseau préfectoral consistant en des déplacements en préfecture, en partenariat avec le bureau du contrôle de légalité et du conseil juridique de la sous-direction des compétences et des institutions locales de la DGCL. Toutefois, la recommandation de la Cour des comptes, tendant à confier au PIACL la mission de chef de file en matière de formation64(*), n'a pas été suivie d'effet, le ministère de l'intérieur ne souhaitant pas s'engager pour l'heure dans cette voie. L'un des principaux arguments avancés était l'impossibilité d'exercer cette mission à moyens et effectifs constants pour le PIACL. Interrogée sur les besoins du PIACL pour qu'il puisse intégrer pleinement cette compétence, la DGCL n'a pas souhaité répondre, affirmant qu'il « n'a pas vocation à être pilote en matière de formation »65(*).

3. Un perfectionnement progressif de la plateforme du SIACL

Tous les avis rendus sont en principe publiés sur la plateforme du SIACL, sauf oppositions très ponctuelles des préfectures pour certaines questions sensibles. Le fonds du SIACL compte ainsi plus de 27 000 avis à ce jour. Les préfectures ont donc la possibilité, avant toute saisine, de consulter le fonds afin de vérifier que leur question n'a pas déjà fait l'objet d'une analyse. Toutefois, le moteur de recherche du SIACL ne permettait pas aux préfectures de trouver aisément les avis, ce qui a animé le projet de sa refonte, mise en oeuvre à partir de janvier 2025. Le « SIACL 2 » est ainsi en cours de déploiement, avec un moteur de recherche qui reste encore à affiner, pour un coût de 0,6 million d'euros66(*) sur la période 2023-2025.

Des préfectures ont cependant signalé à la rapporteure spéciale les limites du SIACL, qui constitue uniquement une plateforme de délivrance d'informations, mais ne permet pas véritablement d'échanges entre les préfectures. Dans ce contexte, la préfecture de Loire-Atlantique a développé un réseau du contrôle de légalité avec les autres préfectures de la région Pays de la Loire via la plateforme RESANA, qui permet quant à elle d'ouvrir des boîtes de dialogue entre préfectures. Cette plateforme n'est en revanche pour l'heure pas pilotée au niveau national par la DGCL.

Une autre plateforme collaborative dédiée au contrôle de légalité sous Osmose67(*) avait été lancée par la DGCL en 2023 afin de permettre le partage d'informations et des interactions entre la DGCL et les préfectures mais également entre les préfectures elles-mêmes. Toutefois, principalement à raison des contraintes budgétaires et dans une logique de rationalisation des systèmes d'information interministériels, cet outil a été décommissionné le 30 avril dernier et n'est plus accessible depuis mai 2025.


* 57 Le PIACL n'intervient en revanche pas auprès des collectivités d'Outre-mer et dans certains domaines, comme les questions funéraires et du Fonds de compensation de la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA), dont la compétence d'appui est exercée par d'autres bureaux de la DGCL.

* 58 À la suite des assises nationales des préfectures du 23 novembre 2000, la DGCL a décidé de créer des pôles interrégionaux d'appui au contrôle de légalité et au contrôle budgétaire.

* 59 À l'exception du secrétariat et de la documentaliste.

* 60 La première chambre traite de l'intercommunalité, la domanialité, l'urbanisme et les affaires scolaires. La deuxième chambre intervient en matière de commande publique et d'institutions locales. Les champs de compétences de la troisième chambre sont la fonction publique territoriale, les polices administratives, les services publics locaux et le statut de l'élu.

* 61 Commande publique pour Lyon, comptabilité, fiscalité directe locale et intercommunalité pour Bordeaux, et fonction publique territoriale pour Rennes.

* 62 Rapport du Gouvernement au Parlement sur le contrôle a posteriori des actes des collectivités locales et des établissements publics locaux, 2019-2021.

* 63 Cinq webinaires thématiques sont prévus pour 2025, dont deux déjà organisés sur la procédure adaptée dans les marchés publics et les entreprises publiques locales.

* 64 Contrôle de légalité et contrôle des actes budgétaires en préfecture, Cour des comptes, novembre 2022.

* 65 Réponse au questionnaire complémentaire de la rapporteure spéciale de juin 2025.

* 66 Prévision de consommation fin 2025 selon les éléments transmis par la direction de la transformation numérique du ministère de l'intérieur.

* 67 osmose.numerique.gouv.fr

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