B. DES PALLIATIFS PARTENARIAUX PROTÉIFORMES
1. Des partenariats hétérogènes avec les directions départementales des territoires pour les actes d'urbanisme
a) Des coopérations actives dans la moitié des départements
La participation des directions départementales des territoires (DDT) et des directions départementales des territoires et de la mer (DDTM) au contrôle de légalité des actes d'urbanisme est permise par un décret du 3 décembre 2009 relatif aux directions départementales interministérielles (DDI)68(*). L'idée sous-jacente derrière un tel partenariat est d'externaliser le contrôle là où se situe l'expertise, dont la responsabilité relève toujours in fine du préfet. Selon les dernières statistiques connues sur la période 2019-202169(*), 47 DDT(M) interviennent en matière de contrôle de légalité, ce qui signifie que la moitié des départements ne sont pas couverts par un tel partenariat. En revanche, selon les territoires, les modalités de participation des DDT(M) peuvent être différentes, avec une implication dans le contrôle plus ou moins approfondie.
En ce qui concerne les effectifs en charge du contrôle, le contrôle est effectué par les DDT(M) dans 29 départements. Le contrôle peut également être confié à des agents des DDT(M) en détachement au sein des préfectures, comme c'est le cas dans 18 départements. De façon plus originale, depuis la réforme de l'administration territoriale de l'État (RéATE) lancée en 2010, ce sont quatre agents du ministère de la transition écologique mis à disposition de la préfecture du Rhône qui sont en charge du contrôle de légalité en matière d'urbanisme, le contentieux des actes relevant en revanche de la DDT dans ce département. La délimitation des compétences peut également être encore subtile dans certains départements et évoluer au gré des effectifs disponibles au sein des DDT70(*).
Ainsi, selon les départements, le partenariat est plus ou moins poussé, pouvant aller jusqu'à la préparation des recours gracieux et des déférés par les DDT(M). Une telle organisation dépend des stratégies locales, des compétences et des moyens disponibles.
À titre d'exemple, la DDTM des Bouches-du-Rhône dispose d'un partenariat actif poussé avec la préfecture depuis les années 1980. Les agents en charge du contrôle de légalité consultent les actes d'urbanisme réceptionnés de façon dématérialisée sur la plateforme @ctes71(*), ou bien sous format papier par le biais de la préfecture et des sous-préfectures destinataires des actes. Sur les 7 211 actes reçus en 2024, 1 070 ont été contrôlés, soit à peine 15 % des actes réceptionnés, pour un taux d'illégalité relativement élevé de l'ordre de 10 %.
Lorsqu'une illégalité est détectée, un projet de lettre d'observations valant recours gracieux et un projet de lettre de notification au bénéficiaire sont rédigés et soumis au visa du directeur départemental des territoires avant transmission aux sous-préfectures ou préfecture, suivant l'arrondissement concerné. Ce sont les sous-préfets et le préfet qui signent les recours gracieux adressés aux maires et les notifications au bénéficiaire. En cas de contentieux, un projet de déféré est préparé par la DDTM, qui est ensuite validé par le préfet, avant dépôt au tribunal administratif de Marseille territorialement compétent par la mission contentieuse de la préfecture des Bouches-du-Rhône. Le rôle de la DDTM est prépondérant pendant toute la durée du contentieux puisque c'est son service d'appui juridique et de contrôle (SAJC) qui assiste aux audiences, rédige éventuellement des mémoires complémentaires et suit toutes les étapes du traitement du dossier via l'application « télérecours » des juridictions administratives.
b) Des effectifs stables jusqu'en 2020 progressivement intégrés au réseau du contrôle de légalité
Selon les données transmises par la direction générale de l'aménagement, du logement et de la nature (DGALN) du ministère de la transition écologique, les effectifs dédiés au contrôle de légalité des actes portant autorisation d'urbanisme au sein des DDTM ont été plutôt stables de 2015 à 2020, passant de 80,3 ETPT en 2015 à 84,2 ETPT en 2020, avec un pic observé à 98,1 ETPT en 2018.
La DGALN dispose de ces données sur cette période grâce à un outil déclaratif des effectifs nommé SALSA. Cet outil ayant été abandonné, la DGALN ne dispose plus de données chiffrées après 2021, mais déclare que « à la connaissance des services métiers en charge de ces missions en administration centrale, les effectifs ne semblent avoir guère évoluer, avec un maintien global des ordres de grandeur de ces effectifs »72(*). Du côté du ministère de l'intérieur, il n'existe pas non plus de suivi des effectifs, la DGCL ayant répondu que « cette donnée est variable d'une préfecture à l'autre, et potentiellement d'une année sur l'autre, notamment au gré des organisations évolutives choisies par les préfets »73(*).
En effet, le nombre d'agents affectés au contrôle de légalité en matière d'urbanisme et l'organisation des contrôles sont décidés localement. Au sein de la DDTM des Bouches-du-Rhône, 6 agents instructeurs de catégorie B ainsi qu'un chef de pôle74(*) assurent le contrôle de légalité des actes d'urbanisme.
Les agents des DDT(M) ont été progressivement intégrés au réseau du contrôle de légalité, à travers la réception d'instructions et de documents par la DGCL et d'échanges d'informations relatives au suivi des indicateurs du contrôle de légalité suivis par la DMATES par le biais des préfectures. Une évolution majeure est à relever en 2023 puisque les agents des DDT(M) ont désormais accès au PIACL et à la plateforme du SIACL. Les DDT(M) semblent pour l'heure s'être peu servies de cette possibilité au regard de la faible part des saisines du PIACL en matière d'urbanisme. Les agents de la DDTM des Bouches-du-Rhône ont par ailleurs déclaré à la rapporteure spéciale ne pas utiliser le SIACL et vouloir une offre de formation plus adaptée à la réalité de leurs contrôles.
2. Des partenariats conventionnels avec les DR/DDFIP pour le contrôle budgétaire et le contrôle des délibérations fiscales
a) Un cadre conventionnel actuel limité au contrôle budgétaire
Les directions départementales et régionales des finances publiques (DD/DRFIP) peuvent apporter leur soutien aux préfectures chargées du contrôle budgétaire conformément à une convention toujours active signée le 7 novembre 2013 entre la DGFiP et la DGCL75(*), déclinée ensuite en conventions locales. L'objet du partenariat vise à optimiser et moderniser l'exercice du contrôle budgétaire en associant au contrôle les agents des directions départementales et régionales des finances publiques, qui disposent de compétences particulières dans le domaine comptable et budgétaire.
En effet, un certain nombre de contrôles réalisés par les comptables sur les documents budgétaires permettent d'identifier et de corriger des anomalies. Des contrôles applicatifs sont prévus dans Hélios permettant de réaliser un « pré-visa » du budget et de détecter des anomalies afin d'alerter le comptable lors de la prise en charge des documents budgétaires exécutoires. Ces anomalies ne sont pas bloquantes, de telle sorte qu'il ne s'agit pas véritablement d'effectuer un contrôle budgétaire au sens strict, mais elles empêcheront par la suite d'exécuter le budget. Par ailleurs, un certain nombre des contrôles comptables automatisés (CCA) portent sur le domaine budgétaire. En plus des éléments de pré-visa du budget, ils lui permettent de porter à la connaissance des collectivités certaines anomalies comptables et d'en solliciter la régularisation auprès de l'ordonnateur, telle que l'ouverture des crédits budgétaires nécessaires par exemple.
Malgré l'existence de ce cadre partenarial, l'appui des DD/DRFIP demeure largement informel dans la plupart des départements. Dans le cadre des données remontées par les préfectures pour l'élaboration du rapport triennal 2019-2021 remis au Parlement, il apparait que 67 préfectures font part de contacts réguliers avec les services des DD/DRFIP. Toutefois, seulement deux préfectures ont formalisé ce partenariat par un protocole d'accord et onze préfectures par une convention. Dans les DD/DRFIP liés par une convention, des agents spécialisés dans les questions budgétaires et comptables, tiennent le rôle de référent et d'interlocuteur privilégié des services préfectoraux sur ce sujet et sont habilités à accéder à la plateforme @ctes budgétaires76(*).
En outre, conformément à une circulaire du 10 septembre 201077(*), les DD/DRFIP peuvent apporter au préfet un concours et une expertise en matière de contrôle de légalité des actes relatifs à la commande publique. À ce titre, ces directions participent par exemple à la définition du plan départemental de contrôle sur la commande publique des préfectures ou signaler aux préfets les actes présumés illégaux.
b) Une extension du cadre conventionnel aux délibérations fiscales en cours de réflexion
L'actualisation de la convention de 2013 est en cours par la DGCL et la DGFiP, afin de confier aux DD/DRFIP l'examen de l'ensemble des délibérations fiscales soumises au contrôle de légalité et, le cas échéant, sous forme expérimentale, le contrôle de tout ou partie des délibérations, décisions ou actes à portée budgétaire ou comptable. Le projet, proposé par la DGFiP78(*), prévoit la conclusion, par chaque direction départementale, d'un protocole local d'assistance au contrôle de légalité en matière fiscale par lequel cette direction s'engagerait à transmettre aux autorités préfectorales l'ensemble des erreurs relevées dans les délibérations prises par les collectivités locales à l'occasion des contrôles opérés sur la validité de ces délibérations.
L'assistance au contrôle de légalité en matière fiscale existe d'ores et déjà dans certains départements, au-delà du partenariat conventionnel. Dans ce cas, les DD/DRFIP vérifient la légalité des décisions fiscales, du point de vue des abattements et des taux, prises par les collectivités. Les DD/DRFIP signalent ainsi aux autorités préfectorales les erreurs commises par les collectivités territoriales pour qu'elles puissent prendre les mesures nécessaires pour faire rectifier les délibérations concernées.
Dans le département des Bouches-du-Rhône, le champ d'intervention du partenariat pour l'exercice du contrôle budgétaire a été étendu au contrôle de la légalité des délibérations fiscales adoptées par les collectivités territoriales et leurs établissements dès la signature de la convention locale en 2015. Ainsi, toutes les délibérations fiscales sont systématiquement transmises au service de la fiscalité directe locale de la DRFIP PACA pour observations éventuelles. Ce service a vocation à se prononcer notamment sur la date de la délibération, la référence aux articles du code général des impôts, la portée générale de la délibération et le taux. Par suite, les contrôles de la DRFIP sont d'une autre nature et ne concurrencent pas le contrôle sur la forme effectué par la préfecture.
c) Un approfondissement du contrôle partenarial toutefois conditionné à l'interfaçage des applicatifs
Dans le cadre de la refonte des applications informatiques de la fiscalité directe locale avec le développement des outils BASIL et DELTA, la DGFiP a lancé un chantier ambitieux d'automatisation de certains contrôles grâce à l'intelligence artificielle opérés sur les délibérations de fiscalité directe locale et de transmission systématique, aux collectivités locales et aux autorités préfectorales, des résultats de ces contrôles automatisés. L'assistance au contrôle de légalité se trouverait améliorée par la transmission automatique des rapports issus des contrôles automatisés des directions départementales aux services préfectoraux, qui semble possible du côté de la DGFiP dès 202779(*).
Des réflexions sont actuellement en cours afin de trouver un moyen d'interfacer les délibérations reçues par les préfectures avec les rapports des directions départementales des finances publiques, la DGCL ayant préféré que les informations soient envoyées dans le propre environnement numérique des préfectures, en lieu et place d'une consultation par les préfectures des applicatifs de la DGFiP. La dette informatique qu'accuse l'application @ctes semble toutefois être un frein à l'interfaçage des applicatifs. Dans sa réponse au questionnaire adressé par la rapporteure spéciale, la DGCL a mentionné que « le cadrage du projet de refonte de l'application @ctes n'étant pas finalisé, le positionnement sur la feuille de route d'une interface entre Delta et la nouvelle application @ctes n'est pas arrêté ».
3. Des partenariats avec les juridictions qui n'ont pas prospéré
Les « missions prioritaires des préfectures » définies pour la période 2022-2025 prévoyaient de s'appuyer davantage sur le conseil des juridictions administratives et financières, par le biais de demandes d'avis auprès des tribunaux administratifs et la conclusion de convention entre les préfectures et les juridictions financières.
En ce qui concerne les demandes d'avis des préfets aux tribunaux administratifs et cours administratives d'appel, prévues par l'article R. 212-1 du code de justice administrative80(*), elles sont peu utilisées par les préfectures. Sur la période 2019-2021, seulement 13 % des préfectures ont fait usage de ce dispositif et aucune des préfectures rencontrées par la rapporteure spéciale n'y a recours récemment. La faiblesse du recours aux demandes d'avis peut sans doute être expliquée par le positionnement des tribunaux administratifs qui interviennent systématiquement pour trancher un litige auquel les préfectures sont parties. Par suite, le juge administratif est davantage perçu comme un censeur éventuel que comme un partenaire.
En revanche, les partenariats avec les juridictions financières se sont plus largement développés, si bien que les préfectures ont systématiquement des échanges avec les chambres régionales des comptes (CRC) en amont de la période budgétaire pour identifier les collectivités en difficulté, et des échanges constants entre les préfectures et les équipes de contrôle en cas de saisine de la CRC dans le cadre du contrôle budgétaire.
Pour autant, le développement de partenariats de type conventionnels, tel que prônés par les « missions prioritaires des préfectures » 2022-2025, ne semble pas avoir prospéré, les interlocuteurs préférant des échanges informels en fonction des besoins de chacun. Une convention avait été signée le 21 octobre 2021 entre le préfet des Bouches-du-Rhône et la chambre régionale des comptes de Provence-Alpes-Côte-d'Azur, et comprenait trois objectifs : conforter la mission de contrôle de légalité et enrichir les contrôles de gestion81(*), prévenir les besoins de saisine budgétaire82(*) et développer le rôle de conseil auprès des collectivités. Cette expérimentation n'a finalement pas été poursuivie au-delà d'une année au regard de la mise en place délicate de réunions selon un calendrier figé, le président de section et les services préfectoraux ayant privilégié les échanges bilatéraux. Une convention identique a été signée en 2024 avec le département de Vaucluse, qui prévoit les mêmes objectifs, comme la tenue de réunions semestrielles pour identifier les saisines budgétaires notamment. La chambre régionale des comptes de PACA a mentionné à la rapporteure spéciale que « de la même manière, le président de section est également l'interlocuteur privilégié de la préfecture ».
* 68 Décret n° 2009-1484 du 3 décembre 2009 relatif aux directions départementales interministérielles.
* 69 Rapport du Gouvernement au Parlement sur le contrôle a posteriori des actes des collectivités locales et des établissements publics locaux, 2019-2021.
* 70 Depuis 2021, les effectifs ayant été réduits en Ile-et-Vilaine, la DDT assure le contrôle de légalité des documents d'urbanisme et est compétente pour les questions relatives à la loi Littoral tandis que la préfecture contrôle l'ensemble des décisions individuelles.
* 71 La DDTM a déclaré que 70 % des actes d'urbanisme sont télétransmis dans le département des Bouches-du-Rhône.
* 72 Réponse à la sollicitation de la rapporteure spéciale sur l'évolution des effectifs.
* 73 Réponse au questionnaire complémentaire de la rapporteure spéciale.
* 74 Ces effectifs sont stables depuis 2021 selon les informations transmises par la DDTM.
* 75 Un tel partenariat a été expérimenté dans 25 départements dès 2005.
* 76 Au sein de la direction régionale des finances publiques de PACA, le référent de la préfecture est un contrôleur principal expérimenté de la division du secteur public local.
* 77 Circulaire n° IOCB1006399C du 10 septembre 2010 est relative au contrôle de légalité des actes des collectivités territoriales et de leurs établissements publics en matière de commande publique.
* 78 Réponse au questionnaire de la rapporteure spéciale.
* 79 D'ici 2029, la DGFiP travaille à la mise en place avec la DGCL d'un guichet unique auprès des préfectures de transmission des délibérations fiscales par les collectivités territoriales, aujourd'hui soumises à une double obligation de transmission aux préfectures et aux directions départementales des finances publiques.
* 80 « Les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel peuvent être appelés à donner leur avis sur les questions qui leur sont soumises par les préfets. Les questions relevant des attributions des préfets de région de la métropole sont soumises par ces derniers à la cour administrative d'appel, les autres au tribunal administratif ».
* 81 Ce premier objectif reposait sur une communication soutenue entre la chambre et les services préfectoraux, portant notamment sur la mutualisation des observations émises dans le cadre du contrôle de légalité. Il contenait également le principe d'accueillir les agents des services préfectoraux au sein des formations à la chambre.
* 82 Le deuxième objectif contenait la tenue d'une réunion semestrielle bilatérale pour examiner les potentielles saisines, tout en faisant le point sur les organismes susceptibles d'être inscrits au réseau d'alerte, notamment pour ce qui concernait les entreprises publiques locales.