EXAMEN EN COMMISSION

(Mercredi 9 juillet 2025)

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - J'invite Mme Anne-Catherine Loisier et M. Serge Mérillou à nous présenter leur rapport sur la compétitivité de la filière bois française.

Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteure. - Madame la présidente, je vous remercie de nous avoir confié la rédaction de ce rapport, pour lequel nous avons réalisé un important travail et auditionné une soixantaine de personnes.

Mes chers collègues, dans les travaux de notre commission sur les contraintes à lever pour redresser notre économie, nous avions exploré l'agriculture, l'énergie, et nous explorerons bientôt l'automobile et le logement. Nous ne nous étions pas encore penchés sur la compétitivité de la filière bois.

Discrète mais stratégique, cette filière représente 440 000 emplois, soit davantage que l'industrie automobile, et irrigue l'ensemble du territoire. Comme les filières industrielles que j'ai citées, la filière bois va au-devant de grandes mutations. Elle pèse à elle seule pour 10 % du déficit commercial de notre pays, soit 8,5 milliards d'euros, tandis que l'agriculture et l'agroalimentaire, pourtant jugés en difficulté, restent excédentaires à hauteur de 5 milliards d'euros.

Un rapport sénatorial de 2015 évoquait, sur ce point, un « modèle de pays en développement » : la France, riche de 17,5 millions d'hectares de forêts métropolitaines - auxquels s'ajoutent 8 millions d'hectares en Guyane - exporte sa matière première pour la voir revenir sous forme de produits finis - je pense notamment à l'ameublement et au parquet.

Comment une forêt plus étendue que celle de l'Allemagne peut-elle générer un déficit aussi important ? Comment optimiser la valorisation de la ressource bois issue de nos forêts au bénéfice de notre économie ? Ce sont les questions auxquelles nous avons voulu répondre, et qui nous conduisent à formuler vingt-quatre recommandations.

M. Serge Mérillou, rapporteur. - Mes chers collègues, trois partis pris ont guidé notre démarche.

Premièrement, nous avons centré notre approche sur l'économie de la filière bois, c'est-à-dire essentiellement l'aval, alors que nous avons pour habitude de parler beaucoup de l'amont. Le point de vue que nous adoptons est donc, en quelque sorte, celui des transformateurs de bois.

Deuxièmement, nous croyons que le bois, matériau bas carbone, est un levier pour réconcilier écologie et économie. L'optimisation du rendement matière est à la fois une exigence environnementale, pour allonger la durée de vie des produits bois, et un défi de compétitivité, pour créer plus de valeur ajoutée, qui doit tous nous mobiliser.

Troisièmement, nous avons préféré une approche ciblée à un énième rapport global. Ainsi, cinq produits emblématiques nous ont servi de portes d'entrée.

Le rapport est structuré en quatre parties. Nous présentons, tout d'abord, ces cinq produits. Ensuite, nous revenons sur les défis transversaux de la première transformation. Nous abordons, pour suivre, la question du bouclage biomasse, qui agite toute la filière, avant de conclure sur les leviers de mobilisation du bois en forêt.

Je commence donc par notre première partie et notre approche par produit.

Le premier produit est la façade et le mur à ossature bois. Le bois d'oeuvre charpente toute la filière par sa forte valeur ajoutée. Or la France accusait un retard important sur le volume de bois séché et sur les bois techniques par rapport à l'Allemagne ou à l'Autriche. Avec l'accent mis sur le triptyque scier-sécher-transformer, nous avons rattrapé une petite partie du chemin depuis 2020. À titre d'exemple, la première usine de lamibois de France est en train de sortir de terre en Haute-Loire. La part de bois dans la construction neuve reste cependant faible - moins de 7 % -, freinée non tant par le coût que par un manque d'acculturation des maîtres d'ouvrage.

Nous recommandons notamment de faciliter la reconnaissance des solutions d'effet équivalent aux normes incendie, un dossier qui nous a fait prendre du retard.

Nous voudrions aussi encourager les collectivités à bonifier les isolants biosourcés en complément de MaPrimeRénov', ce que préconisait déjà le rapport de la commission d'enquête sur l'efficacité des politiques publiques en matière de rénovation énergétique de Guillaume Gontard et Dominique Estrosi Sassone. À terme, il faudra sans doute élargir la réglementation environnementale 2020 (RE2020) à la rénovation, car 80 % de la ville de demain est déjà construite.

J'en viens au deuxième produit, l'ameublement et le parquet. Plus de 3 milliards des 8,5 milliards d'euros de déficit proviennent du seul ameublement. La part du meuble français sur notre marché est passée de 77 % à 37 % en vingt-cinq ans. Ce recul s'amplifie aujourd'hui avec la « fast déco » importée à bas coût. Nous préconisons des mesures d'urgence pour temporiser - frais de 2 euros par colis, contrôles de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), communication négative sur les non-conformités constatées - et surtout le recours à la réglementation antidumping européenne, qui devrait devenir plus automatique, pour riposter.

Le troisième produit est la palette, segment où la France est bien positionnée. Elle constitue aussi un bon levier de diversification pour les scieries et un vecteur de contrôle de la chaîne logistique pour notre industrie.

Concernant le quatrième produit, le papier pour carton ondulé, la papeterie est le premier poste de déficit bois, à hauteur de 4 milliards d'euros. L'exemple du site de production Blue Paper à Strasbourg, que nous avons visité avec Anne-Catherine Loisier, montre qu'il est possible de maintenir ce type de site en France. Mais dans ce secteur, très internationalisé, les arbitrages dépendent beaucoup des coûts de production, et notamment du coût de l'énergie. Le cadre post-Arenh, c'est-à-dire après l'instauration du dispositif d'accès régulé à l'électricité nucléaire historique, sera donc déterminant.

J'en viens enfin au cinquième et dernier produit, les granulés bois. Trois fois moins chers que l'électricité, ils sont une solution réaliste de transition énergétique, notamment dans les zones non raccordées au gaz et pour remplacer des foyers peu performants à des fins d'amélioration de la qualité de l'air. Une meilleure reconnaissance des projets respectant ces deux conditions dans MaPrimeRénov' nous paraîtrait bienvenue.

Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteure. - J'en viens au deuxième volet, celui des défis transversaux de la première transformation.

Le bois souffre des maux classiques de l'industrie française : fiscalité peu incitative, voire discriminante, et charges sociales élevées. Un basculement vers une fiscalité plus environnementale bénéficierait à ce matériau. Une taxe carbone aux frontières permettrait aussi de limiter l'importation de produits beaucoup plus émissifs, à l'instar du parquet transformé en Chine, qui émet quatorze fois plus de CO2 que celui qui est transformé en France.

La question des compétences est également cruciale. Il y a pénurie dans les métiers du bois, mais aussi, et surtout, dans la maintenance et l'électromécanique. Les propositions du rapport Bozio-Wasmer sur la « désmicardisation », dont les syndicats nous ont parlé la semaine dernière, devraient permettre de mieux cibler les exonérations sur l'emploi intermédiaire et donc industriel.

Plus spécifiques à la filière, deux grands types de normes entravent ou risquent d'entraver la compétitivité du bois français.

Tout d'abord, sur la traçabilité, le règlement européen contre la déforestation et la dégradation des forêts (RDUE), entrera en vigueur le 30 décembre 2025. La France continue seule contre vingt-quatre États membres à le défendre, car il s'agissait d'une mesure miroir adoptée sous présidence française de l'Union européenne. Une proposition de résolution européenne discutée aujourd'hui même au Parlement européen vise à créer une catégorie « risque nul » réservée aux pays européens. En effet, le Brésil et d'autres pays d'Amérique du Sud sont classés en « risque standard ». Or ce différentiel très faible entre eux et nous sera préjudiciable à nombre de pays européens, notamment la France. Alors qu'il s'agissait de lutter contre la déforestation importée et l'huile de palme, nous risquons d'imposer plus de contraintes à nos entreprises : nous marchons sur la tête... En effet, 100 % de nos entreprises seront assujetties à ces normes, mais seules les filières exportatrices des États tiers le seront. L'incidence sur la compétitivité de nos productions sera majeure. Sans rouvrir le texte en tant que tel pour ne pas créer d'insécurité juridique, nous formulons donc quatre propositions d'aménagement de ce règlement, en complément de la motion discutée aujourd'hui.

Ensuite, il existe des normes sur le bois en fin de vie, qui représente une ressource importante en volume pour satisfaire aux nombreuses demandes. Nous sommes les seuls au monde à avoir soumis le bois à la responsabilité élargie du producteur (REP) du bâtiment. Nous espérons que les amendements que j'ai fait adopter en séance au Sénat sur l'écocontribution réduiront ce poids qui met en difficulté nos producteurs.

Au-delà de ces deux dossiers, il y a les normes du quotidien, qui imposent parfois une forme de harcèlement administratif à certaines de nos industries. Je pense par exemple aux murs coupe-feu exigés par les directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement (Dreal). D'expérience, des rendez-vous territoriaux de simplification, sous l'égide des préfets, et en présence des élus locaux, pourraient aplanir bien des difficultés.

Le sujet de l'assurabilité devient existentiel pour les scieries. Certaines ne sont aujourd'hui que partiellement assurées : c'est une véritable épée de Damoclès qui pèse sur leur activité au quotidien. Pour les grands groupes, des captives, formes d'autoassurance, peuvent exister et pourraient être accompagnées par les pouvoirs publics. Mais pour les petites et moyennes entreprises (PME), il faudrait faire reconnaître aux assureurs la validité de solutions alternatives au sprinklage, de moindre envergure et donc moins coûteuses, comme les détecteurs de fumée précoces.

Enfin, la modernisation des outils industriels est essentielle. Les appels à projets France 2030 centrés sur l'industrie du bois ont permis, avec 500 millions d'euros d'argent public, de générer 2 milliards d'euros d'investissements privés et de créer 3 000 emplois en l'espace de trois ans. Ce fort effet de levier témoigne d'un besoin d'investissements majeur dans cette industrie et justifie la poursuite du dispositif.

Dans un contexte budgétaire contraint, à défaut, une alternative serait la provision pour investissement, sur le modèle allemand. L'ensemble des acteurs pousse fortement en ce sens. Elle préserverait une dynamique d'investissement, pour les grandes comme pour les petites scieries, lesquelles sont souvent hors d'atteinte des appels à projets, avec des critères beaucoup plus simples. Bercy freinera mais, en fin de compte, la provision pour investissement, grâce à son effet de levier, ne fera que reporter les recettes. Pour nous, c'est un élément essentiel pour que la filière poursuive sa modernisation.

J'en viens au troisième volet de notre rapport, qui concerne le bouclage biomasse.

Le principe européen de « cascade des usages » correspond d'abord à un bon usage économique de la ressource. Naturellement, la charpente est mieux payée que la palette, elle-même mieux payée que le bois de chauffage. Dans la transposition de la directive dite RED III du 18 octobre 2023, nous préconisons donc de ne pas aller au-delà de ce que font nos voisins. Si nous imposons des contraintes supplémentaires, nos industries auront du mal à résister.

Si l'essor du bois-énergie prive d'approvisionnement d'autres usages, il faut plutôt agir sur le signal-prix. Par exemple, nous pourrions rééquilibrer, dans l'ensemble des appels à projets bénéficiant au bois, le financement qui va aux usages « matière » : il n'est aujourd'hui que de 25 %, en raison notamment du poids de l'appel à projets « biomasse chaleur pour l'industrie, l'agriculture et le tertiaire » (BCIAT), qui subventionne des unités de biomasse pour décarboner l'industrie. Nous préconisons de rééquilibrer ces financements publics et de tendre à 50 % afin d'éviter que l'usage pour le bois-énergie ne soit mieux rémunéré qu'un usage long.

Par ailleurs, nous demandons de faire preuve de vigilance sur certains appels d'air qui devraient être objectivés et mieux encadrés, en se penchant mieux sur la question des volumes dans le temps. Ainsi, la centrale de Gardanne doit être accompagnée en douceur vers l'arrêt de son activité dans huit ans. Il faut être clair quant au fait que la filière ne pourra durablement fournir les volumes suffisants pour les carburants d'aviation durables, dits SAF (Sustainable Aviation Fuel), à base de bois, au-delà de 2030. Enfin, le choix de décarboner certains des cinquante plus grands sites industriels par la biomasse solide doit être envisagé au cas par cas. Il faut bien faire la part des choses.

Les cellules régionales biomasse doivent être renforcées, et leur expertise consolidée. La régulation des projets nouveaux, en lien avec les professionnels des territoires, par des avis conformes de ces cellules sur les décisions du préfet portant sur les plans d'approvisionnement, permettrait à la fois de sécuriser la filière et de valoriser les usages matière, plus créateurs de valeur.

Enfin, la très ambitieuse trajectoire d'augmentation de 12 millions de mètres cube par an du programme national de la forêt et du bois, élaboré en 2016, n'a pas été respectée, pour plusieurs raisons. Elle doit donc être réajustée. Plutôt qu'un volume de bois à sortir de forêt, il serait plus pertinent de se fixer des objectifs de volume de bois d'oeuvre - sciage, déroulage - et de bois d'industrie transformé sur le territoire national et donc générateur de valeur ajoutée. L'acceptabilité sociétale de l'exploitation du bois et de la transformation du bois en sera renforcée.

M. Serge Mérillou, rapporteur. - J'en viens au dernier axe de ce rapport. Une fois qu'une trajectoire plus réaliste et pertinente de mobilisation est adoptée, comment atteindre l'objectif et valoriser mieux le bois de nos forêts ?

Contrairement aux idées reçues, la France n'est pas le grenier à bois de l'Europe. La forêt allemande, qui est deux fois plus dense, connaît trois cycles de récolte quand la France n'en connaît qu'un, car elle est plus résineuse. Elle est par ailleurs plus adaptée aux prérequis de l'industrie.

L'exploitation y est plus facile, car la forêt allemande est une forêt de plantation en plaine. En France, seulement 13 % de la surface est issue de plantations, et la géographie physique ou encore la desserte compliquent la donne.

Les entreprises de travaux forestiers, qui sont plus fragiles en France, car plus isolées, souffrent d'une saisonnalité accrue, avec les intempéries en automne et la nidification au printemps. Les missions interservices de l'eau et de la nature (Misen), sous l'autorité du préfet, pourraient contribuer à limiter les risques d'infraction sur les chantiers, en définissant avec les professionnels des cahiers des charges a priori.

Sur le terrain, deux freins organisationnels subsistent.

Le premier, bien connu, est le morcellement de la propriété : il faut encourager la gestion collective, via les coopératives ou les experts forestiers, par une bonification à leur avantage du dispositif d'encouragement fiscal à l'investissement (Defi) « travaux » et par une meilleure coordination entre l'Office national des forêts (ONF) et les gestionnaires privés par massif, plutôt que d'entreprendre un hypothétique remembrement forestier, qui serait trop long et coûteux.

Le second est le manque de contractualisation : en sécurisant les flux, la vente de bois façonné « bord de route », trié en lots homogènes, permettrait à nos scieries, sur le modèle de l'Allemagne, de se concentrer sur leur coeur de métier, à savoir la transformation, et par ailleurs de limiter l'export de nos meilleurs chênes.

Reste enfin le sujet de l'adaptation au changement climatique.

Les crédits en faveur de la planification écologique pour la forêt, dont fait partie le plan de renouvellement forestier, doivent être maintenus à 130 millions d'euros pour donner de la visibilité aux parties prenantes. Dans les forêts scolytées, notamment communales, l'absence de renouvellement forestier est d'autant plus regrettable que les coupes et replantations sont bénéfiques même à très court terme du point de vue du puits de carbone. Certaines lignes du plan, peu coûteuses, mais éminemment stratégiques, doivent être sanctuarisées : je pense en particulier au soutien à la filière graines et plants et aux mesures en faveur de l'aval.

Surtout, il faut cesser de vouloir adapter la forêt à l'industrie. C'est à l'industrie de s'adapter à la forêt. Cela implique, tout d'abord, la mise en oeuvre rapide du plan « Scolytes et bois de crise », pour faciliter le stockage et le transport face à des afflux qui seront de plus en plus imprévisibles avec la multiplication des coupes accidentelles et sanitaires. Ensuite, il faut soutenir les efforts de recherche et développement pour transformer les gros et très gros bois, car notre forêt vieillit, et mieux valoriser les essences dites « secondaires », car notre forêt est diversifiée et va l'être de plus en plus.

En ce sens, le maillage français de petites scieries de feuillus, certes aujourd'hui peu compétitives, est peut-être bien adapté à la forêt de demain, car il est plus flexible que les grandes unités industrielles allemandes. Il nous semble donc raisonnable de maintenir un équilibre entre grandes scieries industrielles et scieries de service, de proximité, sûrement plus orientées sur les feuillus et une diversité d'usages.

On connaît l'importance de la forêt dans l'adaptation au changement climatique : mais celle-ci contribue également à l'atténuation et à la politique de préservation de la biodiversité. À ce titre, la gestion durable, pour peu qu'elle soit accompagnée de quelques mesures de financement novatrices, par exemple européennes, à l'exemple des mesures agroenvironnementales et climatiques de la politique agricole commune, pourrait encourager ceux qui s'y engagent.

Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteure. - Pour conclure ce rapport sur une note d'espoir, nous croyons que la filière bois française bénéficie de deux atouts phares.

Tout d'abord, elle dispose d'une forêt d'une richesse exceptionnelle et d'un matériau unique pour son potentiel de création de valeur et de décarbonation, et qui, sous ses multiples formes, ne demande qu'à être davantage valorisée sur le territoire national.

Ensuite, nous avons la chance d'avoir des acteurs économiques engagés, qui prennent des risques, et qui ne demandent que deux choses : être aidés pour investir et se moderniser et ne pas être entravés dans leur activé par une couche supplémentaire de normes administratives, plus contraignante que celles auxquelles doivent se soumettre leurs voisins européens.

Depuis 2020 puis, grâce, notamment, aux Assises de la forêt et du bois de 2022, un élan a été donné, notamment du point de vue des financements publics. Mais l'ensemble des acteurs entendus nous ont fait part d'une demande de cohérence et de continuité. La forêt est un investissement à long terme : l'effort a commencé il y a quelques années. Chers collègues, continuons à soutenir cette forêt pleine d'avenir !

M. Daniel Gremillet. - Je remercie les rapporteurs pour ce travail, dont je partage les conclusions.

Je vous rejoins totalement sur la recommandation n° 8 : nous formons trop de personnes sur la dimension environnementale de la forêt, mais nous manquons terriblement de compétences pour ce qui est de la production et de la connaissance du matériau, tant dans les exploitations forestières que dans les entreprises. Il est essentiel d'y remédier : sans cela, tous les moyens investis dans la forêt - qui ont atteint un niveau bien supérieur à tout ce que nous avions connu les années précédentes - se solderont par un gâchis monstrueux. Il ne suffit pas de planter : il faut aussi que des hommes et des femmes soient formés en sylviculture et en transformation du bois.

Sur la REP, je vous rejoins également : il y a une forme de distorsion concernant l'utilisation du bois dans le paysage normatif français par rapport à nos concurrents européens, notamment allemands.

La contractualisation, sur laquelle vous insistez dans la recommandation n° 20, est en effet clé. La spéculation ne peut apporter une réponse pour valoriser le bois : en temps de crise, ce ne sont pas les Chinois, mais bien les entreprises locales, qui soutiennent la filière. Il faut que tout le monde l'entende.

Concernant la recommandation n° 21, n'aurions-nous pas intérêt à confier la compétence de définir les cahiers des charges pour la réduction des risques d'infraction au code de l'environnement aux préfets de département ? L'échelle régionale me paraît en effet trop vaste pour embrasser la réalité de chaque territoire.

Quant à la recommandation n° 24, à laquelle je souscris, je vous propose d'instaurer, dans nos différentes régions, en lien avec les entreprises et les collectivités, des aires de stockage. Lors de la tempête de 1999, nous avions financé des aires de stockage. Mais lorsque le bois qui y était conservé a été transformé, elles ont été détruites. La région Grand Est, dont je suis vice-président sur les questions agricoles et forestières, a créé des aires de stockage qui ont vocation à durer, en lien avec les entreprises. Cela permet d'utiliser en priorité les bois malades ou provenant des dégâts d'une tempête.

Enfin, il y aurait beaucoup à gagner à développer une véritable politique sanitaire de la forêt, comme celle qui existe pour l'élevage. Les scolytes en sont l'éternel exemple : une intervention précoce aurait permis d'éviter la propagation de la maladie, sachant que de nouvelles attaques se profilent désormais. Il y a soixante ans, lorsqu'un arbre était attaqué par le bostryche, le préfet ordonnait qu'il soit coupé et brûlé : c'est ainsi que la propagation des scolytes a été évitée.

Mme Marie-Lise Housseau. - Nous pouvons sans doute faire mieux sur la communication, un aspect que ne semble pas traiter votre rapport. Il faudrait communiquer sur le fait que la forêt est aussi un outil de production. Dans mon département, les coupes font l'objet de nombreuses critiques, au motif qu'elles dévasteraient les paysages. Les forestiers en viennent parfois à interdire l'accès aux massifs. Il faudrait donc rappeler que la forêt sert à produire du bois.

Je crois par ailleurs qu'aujourd'hui, le plus gros risque qui menace la forêt, ce sont les incendies, et plus seulement sur le pourtour méditerranéen. Or les forêts ne sont pas suffisamment équipées pour répondre à ce risque.

Mme Micheline Jacques. - Je sais l'attachement que porte Anne-Catherine Loisier à la forêt ultramarine, notamment guyanaise. Nous proposerons à la délégation aux outre-mer, que je préside, de travailler sur l'exploitation de cette forêt, à la rentrée.

Plus largement - pardonnez-moi si ma question n'est pas pertinente -, j'aimerais savoir si l'on parvient à valoriser le bois abîmé par les incendies ?

Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteure. - Monsieur Gremillet, je suis d'accord avec vous sur la recommandation n° 21. Il est dans la logique des choses de confier à chaque préfet de département la définition du cahier des charges.

Concernant les aires de stockage, il est en effet dommage qu'elles soient seulement construites en période de crise puis abandonnées.

La politique sanitaire de la forêt commence à se mettre en place. Dans mon département, par exemple, les acteurs commencent à travailler en réseau pour détecter les cas de scolyte sur les sapins de Douglas.

Concernant l'acceptabilité de la production, plutôt que de continuer sur un objectif national de prélèvement de bois de nos forêts, nous proposons de fixer des objectifs en bois d'oeuvre, bois d'industrie et, accessoirement en bois-énergie : c'est ainsi que les personnes qui fréquentent les forêts comprendront l'usage économique et sociétal qui est fait du bois prélevé.

Sur le volet incendie, j'invite notre collègue à se pencher sur la loi visant à renforcer la prévention et la lutte contre l'intensification et l'extension du risque incendie, issue des travaux de notre commission et de ceux de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, et que j'avais rapportée avec MM. Rietmann et Martin, sous la présidence de M. Bacci. Ce texte très complet porte à la fois sur le volet assurantiel, sur la gestion forestière - diversification des essences -, sur le débroussaillement, et traite de l'usage des bois issus des parcelles incendiées, qui, je vous le confirme, peuvent conserver leurs propriétés mécaniques et être réutilisés à certaines conditions.

M. Serge Mérillou, rapporteur. - Il y a un véritable besoin de formation, non seulement pour l'exploitation de la forêt, mais également pour la transformation du bois, en lien avec ce matériau et avec les équipements qui permettent sa transformation. Je pense notamment aux techniciens, aux électromécaniciens et même aux ingénieurs.

Concernant la communication, il est vrai que la forêt est devenue un enjeu sociétal. Les gens ont un fort attachement à la dimension paysagère de la forêt et en parlent parfois comme s'ils en étaient propriétaires !

Je crois aussi que les incendies sont l'un des principaux risques qui menacent la forêt, outre les scolytes. Il arrive que des milliers d'hectares disparaissent d'un coup, même si, comme l'a dit Anne-Catherine, une partie du bois peut être récupérée.

Concernant la recommandation n° 21, nous avons considéré que rien n'empêcherait les préfets de région de faire le point avec leurs préfets de département.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Je vous propose de voter les recommandations.

Les recommandations sont adoptées.

La commission adopte, à l'unanimité, le rapport d'information et en autorise la publication.

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