C. NE PAS TIRER DE « PLANTS » SUR LA COMÈTE : LE CHANGEMENT CLIMATIQUE IMPOSE D'ADAPTER L'AVAL À L'AMONT ET PAS L'INVERSE

1. Le renouvellement forestier ne survivrait pas à un stop-and-go, en particulier pour certaines actions peu coûteuses, ce qui laisserait les communes forestières démunies

Comparée à la forêt allemande, la remarquable diversité génétique inter et intraspécifique de la forêt française est son meilleur atout face au changement climatique.

En complément, le très attendu plan de renouvellement forestier, structurant pour la filière, a permis l'amélioration de trois types de peuplements dans le cadre de son premier véhicule, France Relance pas de quoi cependant métamorphoser la forêt française dans son ensemble (47 000 ha, soit 0,3 % de la forêt hexagonale).

D'autant que l'ensemble des engagements « planification écologique » pour la forêt et le bois ont été ramenés de plus de 509 M€ en 2024 à 194 M€ puis 130 M€ après gel en 2025, et que les négociations budgétaires actuelles tourneraient autour de 50 M€ pour 2026, un stop-and-go ne pouvant qu'inciter les propriétaires à reporter les travaux et finir, en effet, par tarir la demande...

La mission préconise donc de maintenir 130 M€ d'engagements dont une partie suffisante sur le renouvellement forestier et, en tout état de cause, de sauvegarder des dépenses « sans regret » d'un montant modeste (aides à l'aval, à la filière graines et plants, au suivi sanitaire ou au renouvellement des forêts dépérissantes - par exemple, 20 % des épicéas et sapins du Jura ont été scolytés ou prélevés en cinq ans -, quitte à agir en parallèle sur le non-recours des communes forestières concernées).

Au-delà, il est important de faire comprendre aux ministères économiques et financiers que le stop-and-go et les rabots peuvent avoir un coût financier encore plus important in fine que si une certaine stabilité dans le temps était garantie.

Recommandation n° 23 : maintenir dans le PLF pour 2026, comme en 2025, une enveloppe de 130 M€ sur la ligne « planification écologique » (après 509 M€ en 2024), et :

- sanctuariser tout du moins les lignes peu coûteuses levant des verrous de la filière (filière graines et plants, appel à projets ESPR pour les entrepreneurs de travaux forestiers) ;

- favoriser le recours au plan de renouvellement forestier pour les communes forestières et propriétaires forestiers privés dont les parcelles ont subi des dépérissements, par une simplification à leur égard des cahiers des charges et un accompagnement dans l'ingénierie.

2. Une ressource de plus en plus diversifiée et imprévisible, à laquelle l'aval devra s'adapter et non l'inverse

Il est clair cependant que la forêt, soumise au stress hydrique, thermique et donc parasitaire, ne pourra mener de front adaptation au changement climatique et normalisation pour les besoins de l'industrie, dont les horizons diffèrent (100-200 ans vs 20-30 ans).

Il convient ainsi de rester humble sur le choix d'« essences d'avenir » à planter, notamment en promouvant la diversification et en se gardant d'une sélection en vue d' usages du siècle prochain aujourd'hui impossibles à prédire.

C'est donc plutôt à l'industrie qu'il revient de s'adapter à la forêt de demain, d'abord en anticipant les afflux plus imprévisibles de coupes accidentelles ou sanitaires via la mise en oeuvre du plan « bois de crise » (stockage, transport) lancé par Marc Fesneau.

Ensuite, les scieries doivent innover pour mieux valoriser les gros et très gros bois (> 60 cm de diamètre), de plus en plus nombreux dans nos forêts, ainsi que les essences dites « secondaires », notamment feuillues (déroulage du peuplier, érable...).

C'est tout le but de l'AAP industrialisation performante des produits bois (IPPB), dans la lignée de l'étude « scieries de feuillus du futur ». La DGPE convient que l'on peut progresser sur « la caractérisation technique d'un plus grand nombre d'essences, celle-ci se limitant aujourd'hui aux principales essences résineuses et feuillues ».

Enfin, les rapporteurs ont été surpris de constater le relativement faible investissement de la recherche sur l'aval de la filière bois et la bioéconomie (à la différence des nombreux travaux sur les écosystèmes forestiers). Les moyens de l'institut technologique FCBA (quelques millions d'euros par an) sont, comparés à ceux des instituts techniques des filières agricoles, extrêmement réduits.

Au-delà, les fonds européens devraient être mobilisés pour développer les trop rares programmes de recherche sur l'aval et le matériau bois. Le sixième cluster (« Alimentation, bioéconomie, ressources naturelles, agriculture et environnement ») du programme Horizon Europe, ou encore le projet Timberhaus, « qui vise à exploiter les technologies avancées de transformation du bois, grâce à l'apprentissage automatique et à l'IA, afin de créer des prototypes de produits de construction innovants à partir de bois sous-utilisé et post-consommation ».

Recommandation n° 24 : mettre en oeuvre le plan « bois de crise » (stockage et transport) et investir dans la R&D pour l'amélioration de la valorisation des essences d'avenir et des essences dites « secondaires ».

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