B. UNE DISPONIBILITÉ DE LA RESSOURCE EN BOIS TRIBUTAIRE DE LA MISE EN GESTION DURABLE ET MULTIFONCTIONNELLE DE NOS FORÊTS
La conversion du potentiel en disponibilité de la ressource est plus difficile en France - où les forêts sont davantage mélangées et pas toujours accessibles - qu'en Allemagne, où la forêt résineuse monospécifique plantée en plaine prédomine. Sans égaler l'approche très conservationniste de la forêt en Italie (protégée par le ministère de la culture et au titre de la restauration des terrains en montagne), la forêt française répond davantage au principe de gestion durable et multifonctionnelle. Maillon économique fragile, les entrepreneurs de travaux forestiers (ETF) font face à un défi de sécurisation de leur activité au regard de la directive Habitats, faune, flore. Plutôt que par une caisse d'assurance « espèces protégées », cela doit se régler sous l'égide du préfet qui préside la mission interservices de l'eau et de la nature (Misen), en définissant des cahiers des charges a priori de réduction des risques d'infraction sur les chantiers (reco n° 21).
Pour faire face à la saisonnalité croissante de leur activité, les ETF demandent en outre l'extension du TO-DE ou une caisse d'assurance « intempéries », à laquelle les scieurs ont peur de contribuer ; une solution plus pérenne pour conforter leur équilibre économique serait de diversifier leurs activités (méthodes plus légères, élagage bord de route, taille de haies agricoles...) - mais pour quel impact sur le bois récolté ?
S'ajoute l'obstacle organisationnel ancien du morcellement de la propriété, que les rapporteurs proposent de traiter par des incitations à la gestion collective (poursuite de l'instruction des plans simples de gestion entre 25 et 20 ha, maintien d'un taux réduit de TVA sur les travaux sylvicoles, bonification du DEFI travaux dans le cas d'une gestion collective contre un taux normal de 25 %, gestion coordonnée par massif grâce à un surcroît de coordination gestionnaires privés-ONF indépendamment du régime de propriété) plutôt que par un hypothétique remembrement forestier, trop long et coûteux (reco n° 22).
C. NE PAS TIRER DE « PLANTS » SUR LA COMÈTE : LE CHANGEMENT CLIMATIQUE IMPOSE D'ADAPTER L'AVAL À L'AMONT ET PAS L'INVERSE
Comparée à la forêt allemande, la remarquable diversité génétique inter- et intraspécifique de la forêt française est son meilleur atout face au changement climatique. En complément, le très attendu plan de renouvellement forestier, structurant pour la filière, a permis l'amélioration de trois types de peuplements dans le cadre de son premier véhicule, France Relance... pas de quoi cependant métamorphoser la forêt française dans son ensemble (47 000 ha, soit 0,3 % de la forêt hexagonale). D'autant que l'ensemble des engagements « planification écologique » pour la forêt et le bois ont été ramenés de plus de 509 M€ en 2024 à 194 M€ puis 130 M€ après gel en 2025, et que les négociations budgétaires actuelles tourneraient autour de 50 M€ pour 2026, un stop-and-go ne pouvant qu'inciter les propriétaires à reporter les travaux... ce qui finira en effet par tarir la demande. La mission préconise donc de maintenir 130 M€ d'engagements dont une partie suffisante sur le renouvellement forestier et, en tout état de cause, de sauvegarder des dépenses « sans regret » d'un montant modeste (aides à l'aval, à la filière graines et plants, au suivi sanitaire ou au renouvellement des forêts dépérissantes - par exemple, 20 % des épicéas et sapins du Jura ont été scolytés ou prélevés en cinq ans -, quitte à faciliter en parallèle le recours des communes forestières et propriétaires privés concernés) (reco n° 23).
Ligne de sciage ruban du groupe Siat pour du débit sur liste
La forêt, soumise à des stress hydrique, thermique et donc parasitaire, doit en priorité s'adapter au changement climatique, ce qui peut l'éloigner des besoins normalisés de l'industrie. Il convient en effet de rester humble et pragmatique sur le choix d'« essences d'avenir » à planter, notamment en promouvant la diversification et en se gardant d'une sélection en vue d' usages du siècle prochain aujourd'hui impossibles à prédire. C'est donc à l'industrie qu'il revient de s'adapter à la forêt de demain (reco n° 24), d'abord en se réorganisant pour anticiper les afflux plus imprévisibles de coupes accidentelles ou sanitaires via la mise en oeuvre du plan « bois de crise » (stockage, transport) lancé par Marc Fesneau. Ensuite, les scieries doivent innover pour mieux valoriser les gros et très gros bois (> 60 cm de diamètre), de plus en plus nombreux dans nos forêts, ainsi que les essences dites « secondaires », notamment feuillues (déroulage du peuplier, érable...). C'est le but de l'AAP industrialisation performante des produits bois (IPPB), dans la lignée de l'étude « scieries de feuillus du futur ». Au-delà, les fonds européens devraient être mobilisés pour développer les trop rares programmes de recherche sur l'aval et le matériau bois.