RAPPORT
INTRODUCTION
TROIS CONVICTIONS FORTES POUR ABORDER CES TRAVAUX
Avant la conduite de leurs travaux sur la compétitivité de la filière bois, les rapporteurs Anne-Catherine Loisier et Serge Mérillou se sont accordés sur trois idées fortes.
Ø Le premier parti pris de ce rapport a trait à son champ d'étude : il est de se concentrer davantage sur l'aval que sur l'amont de la filière, avec une approche explicitement économique, propre à leur commission de rattachement.
L'amont, c'est-à-dire la forêt, fait l'objet de toutes les attentions, en raison d'un besoin chronique de financement public, ce qui dispose ses parties prenantes (propriété forestière privée, communes forestières) à se tourner plus spontanément vers la puissance publique que l'aval.
De plus, confrontée désormais à l'immense défi tant de l'adaptation que de l'atténuation au changement climatique, la forêt est de plus en plus « saisie » par les approches environnementales, alors qu'elle était traditionnellement perçue comme un actif économique à faire fructifier - en atteste le fait que les forêts, appartenant au domaine royal, étaient rattachées au trésor, du fait des recettes qui en étaient tirées. La vocation productive de la forêt, au coeur du code forestier, est concurrencée par la montée des enjeux environnementaux (biodiversité, puits de carbone).
Cette tension entre deux logiques donne lieu à une politisation de la forêt - longtemps plus préservée que l'agriculture -, se traduisant par des débats de plus en plus conflictuels, sur fond de défiance réciproque entre la filière et certaines associations. Ce contexte de tension qui pèse sur l'amont, combiné à une incertitude scientifique élevée sur ce qu'il conviendrait de faire, fait que chacun campe sur ses positions.
Cela se prête moins à l'esprit de « mobilisation générale », transpartisan, que les rapporteurs veulent insuffler avec ce rapport, qu'il a par conséquent été décidé de centrer sur l'aval.
Ø Le second parti pris des rapporteurs, en lien avec le précédent, relève d'une conviction commune : le bois dispose de toutes les qualités pour constituer un levier à la fois de compétitivité et de décarbonation de l'économie française.
L'aval de la filière fait face en réalité à un défi d'ingénieur, celui de l'optimisation du rendement matière du bois, afin d'améliorer sa valorisation. Une meilleure organisation de la filière est de nature à (ré)concilier économie et écologie, aidant à faire comprendre que l'industrie n'est pas forcément l'ennemie de la décarbonation mais peut au contraire être sa meilleure alliée.
Dans la logique du rapport Draghi - au sein duquel il n'est pourtant pas mentionné une seule fois -, le bois, qui représente 10 % du déficit commercial de la France, est un exemple typique du gisement de valeur ajoutée et de décarbonation que pourrait receler la relocalisation de la transformation industrielle, en l'occurrence du bois, en Europe et en France.
Cela se prête là encore davantage à l'approche constructive et transpartisane qui préside à la conduite de ces travaux.
Ø Le troisième et dernier parti pris de la mission a trait à la méthode : il est d'éviter les approches globalisantes et de privilégier les approches fines, par « produits » emblématiques de la filière (partie I) ou par « dossiers » transversaux (partie II).
Les généralités sur « la forêt et la filière bois » ont déjà fait l'objet d'un si grand nombre de rapports que le Conseil général de l'agriculture, de l'alimentation et des espaces ruraux (CGAAER) a publié en 2015 une synthèse de « plus de 250 rapports rédigés depuis 1984 », dont les auteurs ont tiré trois enseignements : « les constats sont généralement faits depuis longtemps. Les recommandations sont souvent assez proches d'un rapport à l'autre. Certaines de ces recommandations ont été mises en oeuvre plus ou moins rapidement ».
Le présent rapport ne prétend donc pas faire mieux que ces nombreux rapports mais à tout le moins les actualiser, et si possible apporter un éclairage complémentaire, à la fois stratégique et opérationnel, sur l'industrie de transformation du bois en France, ses forces et ses faiblesses.