UN CONSTAT INITIAL : UN TABLEAU COMMERCIAL TRÈS OMBRAGÉ, MAIS UNE TIMIDE ÉCLAIRCIE
8,5 % : c'est en 2023 la part du déficit commercial de la France (près de 100 Md€) imputable au bois (environ 8,5 Md€).
Comment expliquer qu'un dixième du déficit commercial de la France (8,5 milliards d'euros) soit imputable aux produits bois, alors qu'un tiers de la superficie hexagonale est recouverte de forêts (17,5 millions d'hectares) ?
À l'amont, la ressource, abondante (autour de 3 milliards de mètres cubes de bois en forêt), continue de croître malgré une mortalité et des prélèvements en hausse. Soumise à un principe de gestion durable et multifonctionnelle qui fait l'originalité de son modèle, elle est plus diverse (composée à 65 % de feuillus) que celle de ses voisins allemands ou de Scandinavie.
La France serait-elle donc sujette à la « malédiction des matières premières » ?
La filière bois française ne parvient traditionnellement pas à sortir du schéma « exportation de grumes, importation de produits finis », qui rapproche la France d'un « modèle économique de pays en développement » (Sénat, 2015) ou d'une économie de rente.
Deux catégories de produits, les meubles et sièges en bois (- 3 Md€) et les pâtes, papiers et cartons (- 4 Md€), expliquent la presque totalité de son déficit.
Il ne faut pas se voiler la face : un déficit commercial d'une telle ampleur, un tel déclin de nos parts de marché, est le révélateur d'un problème structurel de compétitivité, qui n'est d'ailleurs pas propre à l'industrie du bois, mais à l'ensemble de l'économie française.
La filière bois a néanmoins entrepris des efforts de structuration sur la période récente, a fait l'objet d'un soutien public en faveur de sa modernisation depuis 2020 et dispose maintenant d'une feuille de route avec les conclusions des Assises de la forêt et du bois de 2022. Ces actions concourent toutes au renforcement de la compétitivité de la filière bois.
Or, il semble qu'un frémissement soit perceptible. En effet, selon les données de la DGDDI, sur la période la plus récente, la France a à la fois réduit ses importations de produits transformés à base de bois et réduit ses exportations de bois brut. Cela s'expliquerait autant par une augmentation de la capacité de production sur le sol national que par des parts de marché regagnées à l'Allemagne, ce pays s'étant tourné vers le commerce à plus longue distance et le marché américain.
Cependant, l'éclaircie est timide et reste fragile. Le marché du bois est un marché international, et par conséquent les bouleversements récents de l'ordre mondial ont, et auront, une incidence sur le marché du bois en France. À cet égard, il convient de relever :
Ø l'interdiction d'importer des produits du bois russe, depuis juillet 2022, a obligé les producteurs européens à compenser ce manque par une réorientation de leurs exportations vers le marché intérieur ;
Ø l'ouverture d'une enquête des États-Unis, pour des motifs de « sécurité nationale1(*) », sur 1,8 Md€ d'importations de bois d'oeuvre et de bois et ses produits dérivés depuis l'Europe, sur lesquelles des droits de douane de 25 % représenteraient un surcoût de 450 M€, de nature à provoquer un report supplémentaire des exportations allemandes vers le marché intérieur ;
Ø la fermeture du marché américain aux produits chinois, qui pourrait provoquer le report de produits chinois vers le marché européen, et ainsi accentuer le dumping déjà perceptible de la Chine frappant les meubles et aménagements intérieurs en bois.
* 1 Au titre de l'article 232 du Trade Expansion Act de 1962.