B. DES DIFFICULTÉS QUI PERDURENT DANS L'APPLICATION DU FORFAIT SCOLAIRE

Les rapporteurs ont mesuré les tensions nées de l'application de l'article 6 de la loi Molac relatif au financement des établissements d'enseignement proposant un enseignement bilingue.

Lors de leurs auditions, les différents réseaux d'enseignement immersif ont souligné leurs difficultés à percevoir l'intégralité des financements qu'ils estiment dus. Celles-ci sont pour eux de trois ordres.

Elles concernent tout d'abord le principe même du versement. Certaines communes refusent de le verser ou ne s'acquittent que d'un montant très faible par rapport à celui qui devrait être perçu. Le réseau ABCM Zweisprachigkeit a ainsi indiqué s'être vu opposer un refus de participation par 20 % des 110 communes contactées. Le réseau Seaska pour sa part dénombre 11 communes qui ne versent pas le montant dû et estime le manque à gagner à plusieurs dizaines de milliers d'euros par an. Il en est de même pour le réseau Calandreta, avec 31 communes concernées dans le seul département des Hautes-Pyrénées. Diwan pour sa part estime à 250 000 euros par an pour les cinq départements concernés par le breton son manque à gagner, soit la moitié des 500 000 euros de trésorerie qui lui manquait en septembre 2024 pour finir l'année comptable, et mettant le réseau en difficulté financière.

Les raisons de ce refus varient en fonction des communes : certaines estiment que la commune n'a pas à payer pour un choix d'éducation des familles, d'autres soulignent la mise en place d'une initiation dans leur école publique, d'autres enfin indiquent ne pas avoir les moyens de le faire. Ces tensions sont accentuées dans un contexte de déprise démographique où certaines communes voient les classes de leur école publique fermer avec un sentiment de double peine : devoir à la fois payer la scolarisation de quelques élèves dans une autre commune et dans le même temps constater la disparition d'un poste d'enseignant dans leur commune à deux ou trois élèves près.

La deuxième difficulté concerne les modalités de calcul du montant à verser. À la différence des trois autres cas de versement du forfait scolaire prévus par l'article L. 442-5-1 du code de l'éducation21(*) pour lesquelles les modalités de calcul sont précisées par le texte et font l'objet d'une jurisprudence détaillée, pour les établissements d'enseignement immersif, le texte précise que la participation financière doit faire l'objet d'un accord. À défaut, le préfet doit « réunir le maire de la commune de résidence et le responsable de l'établissement concerné afin de permettre la résolution du différend en matière de participation financière, dans l'intérêt de la scolarisation des enfants concernés ». Plusieurs élus rencontrés se sont émus d'avoir reçu une facture envoyée par l'établissement scolaire sans aucune concertation et soulignent qu'un accord sur le montant nécessite la participation des deux parties.

La mise en oeuvre de ces dispositions par les préfets est très disparate, et peut consister, selon les départements, en un simple envoi de courrier aux communes, en l'organisation de réunions entre les collectivités et établissements concernés pour essayer de trouver un accord ou encore en le calcul d'un forfait départemental moyen présenté ensuite aux collectivités concernées.

Enfin se pose le problème du recouvrement. Il a été indiqué aux rapporteurs que plusieurs communes ont provisionné les sommes dues au titre de cette participation, mais attendent un ordre de mandatement de la préfecture ce que refusent de faire certains préfets. Les réseaux d'enseignement immersif ont signalé aux rapporteurs que des consignes avaient été données aux préfets pour ne pas mandater d'office cette dépense.

Le texte législatif, fruit d'un compromis, mériterait sans doute d'être clarifié. Toutefois, le financement des réseaux d'enseignement immersif a paradoxalement été profondément fragilisé par la loi Molac du fait de la décision du Conseil constitutionnel qui remet en question cette méthode pédagogique d'enseignement. Certes, la circulaire de décembre 2021 est venue reconnaître la possibilité de recours à l'enseignement immersif, mais en tant que stratégie possible d'apprentissage de l'enseignement bilingue, sans que le ratio français/langue régionale ne soit explicitement mentionné. Plusieurs réseaux associatifs d'enseignement ont ainsi souligné leur hésitation à s'engager sur le terrain du contentieux au sujet du forfait scolaire, craignant une remise en cause par le juge de leur modèle pédagogique.


* 21Il s'agit des obligations professionnelles des parents lorsqu'ils résident dans une commune n'assurant pas directement ou indirectement la restauration ou la garde des enfants, de l'inscription d'un frère ou d'une soeur dans un établissement scolaire de la même commune où se situe l'établissement privé sous contrat, ou pour des raisons médicales.

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