V. AUDITIONS DU 5 AVRIL 1995

A. AUDITION DE M. JACQUES GRISONI, CHEF DE LA DIVISION DES EQUIPEMENTS ET DES MATERIELS MÉDICAUX ET DES INNOVATIONS TECHNIQUES, ET DE M. JEAN-MARC LAURENT-VO, DIRECTION DES HÔPITAUX

M. Claude HURIET - La commission des affaires sociales m'a confié une mission afin de l'informer sur la place qu'il conviendrait d'accorder aux thérapies génique et cellulaire dans les dispositions législatives et réglementaires. Je suis entouré dans cette tâche par un comité d'experts.

M. Jacques GRISONI - Je voudrais vous présenter les missions de la direction des hôpitaux et les thèmes sur lesquels nous pouvons intervenir, ayant un lien avec la thérapie cellulaire et la thérapie génique. Jean-Marc Laurent-Vo procédera ensuite à une analyse plus technique.

Les principales orientations de l'action de la direction des hôpitaux sont au nombre de trois :

- appliquer les textes relatifs aux dispositifs médicaux en vue d'assurer la sécurité sanitaire et de la libre circulation :

- Nous avons mis en place un partage avec la DGS et l'Agence du médicament, sur les projets qui nous sont soumis et qui entrent dans le cadre de la loi Huriet. Il nous conduit à déclarer les projets, et le cas échéant, à demander leur avis aux commissions d'experts.

- Nous accompagnons le passage d'un régime national d'homologation vers le nouveau marquage européen qui pose des questions concrètes.

Nous passerons d'une procédure nationale faisant appel à des acteurs bien identifiés à une procédure dans laquelle interviennent des acteurs nombreux, éclatés avec :

- une absence de visibilité a priori pour des produits qui auront été autorisés par les autres Etats-membres ;

- une inquiétude sur le niveau de sécurité et sur l'homogénéïté des règles selon les Etats-membres.

De plus, s'élève une difficulté supplémentaire : je pense notamment au cas des séparateurs de cellules avec utilisation d'anticorps monoclonaux. On se trouve confronté à des problèmes de frontières entre les réglementations des dispositifs médicaux et du médicament. Nous ne sommes donc pas libres de prendre des décisions de classification puisqu'il peut y avoir débat :

- entre l'industriel qui demande que son séparateur soit rangé dans les dispositifs médicaux et l'organisme notifié auquel il va s'adresser ;

- entre l'organisme notifié et l'autorité compétente, c'est-à-dire les pouvoirs publics dont il relève ;

- entre autorités compétentes.

Une réflexion doit être entreprise sur les procédures à mettre en oeuvre en cas de désaccords.

Par exemple, à Bruxelles la semaine passée, lorsque l'on a évoqué les séparateurs in vitro ou l'utilisation séparée des anticorps monoclonaux, on nous a dit qu'il s'agissait de dispositifs médicaux. Je ne suis pas sûr que l'on puisse tenir longtemps sur de tels arbitrages.

Les matériels de thérapie cellulaire entreront dans cette problématique sur la libre circulation des produits. Notre réglementation dispositifs médicaux est-elle bien adaptée ? Cette réglementation encore jeune doit mûrir rapidement. Il faut accélérer la réflexion sur les exigences essentielles requises conduisant au marquage CE. Des travaux visent à étendre cette réglementation à des produits sensibles (tissus d'origine humaine, matériel utilisé dans les diagnostics in vitro...)

- élaborer les mécanismes de détection des innovations et d'évaluation des nouvelles procédures :

- Nous appliquons des procédures interministérielles d'amont qui sont des procédures d'aide aux industriels pour dupliquer des produits innovants (procédure ES-TEP, transfert - évaluation prototype, devenue ACE-GBM) ;

- Nous suivons le programme hospitalier de recherche qui se répète pour la troisième année consécutive. Dans ce cadre, des programmes de thérapie cellulaire et de thérapie génique ont été déposés pour 1995 et examinés en fin de semaine dernière. Ce programme repose sur une logique d'appel d'offre d'environ 100 millions de francs chaque année. Les équipes hospitalières déposeront des projets (750 cette année), soumis à des experts qui restent anonymes. Une procédure complémentaire interviendra pour les projets sélectionnés.

Une position plus articulée avec les ministères de la recherche et de l'enseignement supérieur devra être recherchée. Ce ministère a également lancé un appel d'offres qui se voulait commun avec le nôtre.

- élaborer les mécanismes d'encadrement des activités et d'encouragement de leur développement.

Ce sont les missions d'autorisations classiques : agréments, planification des autorisations de matériels lourds utilisés notamment en thérapie cellulaire , en particulier d'appareils destinés à la séparation in vivo des éléments dérivés du sang.

Nous devons nous interroger sur l'utilisation du parc installé. Cela nous obligera à revoir quelles sont les activités autorisées par machine installée.

- Nous affichons des orientations budgétaires. Le programme hospitalier de recherche clinique est déjà un moyen budgétaire d'encourager telle ou telle activité. Une des orientations à l'étude consiste à voir si, à travers les circulaires budgétaires annuelles à l'adresse des établissements sous régime d'autorisation globale de fonctionnement et à travers le taux directeur hospitalier, il faut avoir des actions fléchées au niveau national pour mettre en oeuvre les activités.

M. Jean-Marc LAURENT-VO - Je suis ingénieur, chargé, au bureau EM1, des dispositifs médicaux.

Nous avons à connaître des problèmes de la thérapie cellulaire dans le cadre de la loi Huriet à travers la déclaration d'intention concernant les recherches sur la thérapie cellulaire qui portent sur :

- l'utilisation et le traitement des cellules souches hématopoïétiques,

- l'investigation clinique afin d'évaluer les effets secondaires indésirables et les performances d'un dispositif utilisé dans le procédé.

Les dispositifs médicaux qui font l'objet de ces investigations cliniques sont des trieurs de cellules.

Les séparateurs d'éléments du sang ne font pas l'objet de recherches déclarées. Servent-ils uniquement à une investigation clinique visant à évaluer les performances ? Pas uniquement, car ces recherches prévoient de réaliser la thérapie cellulaire en vraie grandeur, de la collecte à la réinjection de cellules. Cela peut poser un problème d'expertise des dossiers.

Les promoteurs sont des industriels qui réalisent cette démarche d'évaluation en vue du marquage CE. A notre connaissance, il y a quatre industriels qui interviennent dans ce domaine. Deux trieurs de cellules faisant intervenir un anticorps monoclonal auraient obtenu un marquage CE à l'étranger.

Pour évaluer les pré-requis lors de la déclaration d'intention, il existe deux structures :

- le groupe expert de sécurité micro-biologique à la Direction Générale de la Santé,

- le groupe expert recherches biomédicales (sous groupe concernant les recherches non médicamenteuses).

On identifie :

- les dispositifs servant à la séparation des éléments figurés du sang. Les systèmes d'homologation sont relativement classiques et encadrés ;

- les trieurs de cellules spécifiques non soumis à homologation. Ils appartiennent à la classe des dispositifs qui peuvent être mis librement sur le marché en France ou solliciter le marquage CE jusqu'en juin 1998.

Il y a enfin un dernier aspect marginal pour lequel on nous a déposé des projets d'intentions : le domaine des organismes bio-artificiels (foie ou pancréas bio-artificiel d'origine humaine).

Ces dispositifs posent des problèmes de définition et de frontières. Le foie bio-artificiel serait exclu du champ de la réglementation européenne car il comporte des cellules humaines vivantes. Il associe un produit qui ressemble à un dispositif médical avec une partie biologique active, donc une population cellulaire ou un tissu. Le problème n'est pas tranché.

M. Claude HURIET. Vous me faites découvrir un champ dans lequel je ne m'étais pas aventuré.

En ce qui concerne les dispositifs médicaux, les séparateurs et les trieurs ont-ils des usages autres que la thérapie cellulaire ?

Si tel est le cas, y-a-t-il des exigences particulières, de sécurité, qui devraient être mises en application pour la thérapie cellulaire ?

M. Jean-Marc LAURENT-VO. Les séparateurs de cellules sont polyvalents.

Les trieurs de cellules qui utilisent comme moyens de sélection des anticorps monoclonaux peuvent avoir plusieurs destinations. On peut changer d'anticorps monoclonal. Certains trieurs qui utilisent la technique de cytométrie de flux peuvent mettre en jeu trois ou quatre anticorps monoclonaux.

Ces dispositifs peuvent être utilisés dans des thérapies cellulaires plus ou moins sophistiquées.

M. Jean-Paul CANO. Le trieur pourrait être utilisé à d'autres fins que celles prévues lors de l'attributin du marquage CE, selon la directive 93/42/ECC relative aux dispositifs médicaux de classe III. Cette accréditation devrait être notifiée pour une utilisation précise (exemple : l'immunosélection, dans le cadre d'une indication clinique : la déplétion des cellules tumorales du greffon) en ayant démontré la sécurité d'emploi du produit cellulaire.

M. Claude HURIET. Pourquoi ?

M. Jean-Paul CANO.Pardonnez-moi de répondre par une image. Vous pouvez acheter une voiture de série, puis « faire gonfler son moteur » et ainsi augmenter sa puissance sans le signaler aux autorités. Cette voiture n'aura plus les mêmes caractéristiques, la même sécurité d'utilisation. Toutes modifications des caractéristiques d'un trieur de cellules peut également affecter la qualité du tri cellulaire, et indirectement, la pureté et la viabilité des cellules. Ces points ont d'ailleurs été discutés dans le groupe de réflexion sur la thérapie cellulaire.

M. Claude HURIET. En quoi est-ce gênant ?

M. Jean-Paul CANO. Il faut le savoir.

M. Claude HURIET. Dans un texte réglementaire, on peut, soit dire qu'un dispositif doit répondre à des conditions générales et que pour telle application à la thérapie cellulaire des exigences techniques particulières sont imposées, soit partir de la thérapie cellulaire et sur toute la chaîne qui concerne la thérapie cellulaire, consacrer au dispositif des exigences particulières.

Pour vous, qu'est-ce qui est premier : le dispositif ou les applications ?

M. Jacques GRISONI. Vous renvoyez sans doute au régime des autorisations. Je vais répondre pour la direction des hôpitaux. Nous avons une gestion des matériels, des dispositifs médicaux sous l'angle de la mise sur le marché et de la libre circulation.

Il y a un deuxième aspect : qui peut acheter, qui peut disposer de ce matériel ? La seule limitation repose sur la liste des équipements matériels lourds. L'approche est en terme de coût du matériel (plusieurs millions de francs), d'inflation éventuelle des actes qui coûteraient cher à l'assurance maladie. La liste d'équipements est limitative. Il y a treize équipements qui sont soumis à carte sanitaire. Certains sont de la compétence du préfet de région, c'est le cas des séparateurs ; les autres sont de la compétence du ministre des Affaires sociales.

Nos moyens d'action sont limités. Ils consistent à autoriser les activités de manière générale puisqu'il y a un découpage de l'ensemble des activités médicales en un nombre limité de familles. On globalise beaucoup.

Il n'y a pas de découpage précis pour la thérapie cellulaire et la thérapie génique car les structures hospitalières sont éclatées : On a de la clinique, du laboratoire et un côté université. Si on voulait aller vers quelque chose de pratique, entre du matériel et de l'activité, il faudrait bâtir un champ réglementaire.

M. Claude HURIET. Actuellement, il y a des dispositions réglementaires qui concernent un champ d'activité et d'autres qui concernent un type de dispositif.

M. Jacques GRISONI. Oui, et n'importe qui (une petite clinique, un CHU, une équipe médicale) peut acheter un équipement qui n'est pas soumis à carte sanitaire. Pour l'instant, le marquage CE n'est pas obligatoire. Les matériels soumis à homologation jusqu'à présent doivent être mis sur le marché et vendus à condition qu'ils aient, soit l'homologation, soit le marquage CE.

M. Claude HURIET. Pour vous provoquer, en matière de thérapie cellulaire, quels sont les inconvénients de la réglementation ?

Est-ce une question de sécurité, de fiabilité du produit ? Les deux n'étant pas nécessairement liés. Un produit peut être inefficace, peu fiable mais pas dangereux.

M. Jean-Marc LAURENT-VO - Nous n'avons pas connaissance des thérapies géniques.

Pour les dipositifs médicaux, à terme, le marquage CE sera attribué précisément à chaque dispositif médical après que l'on se soit assuré que la sécurité est acquise et les performances cliniques atteintes. Le marquage CE ne traite que d'un dispositif et d'une utilisation. Or la thérapie cellulaire est un procédé qui comporte des séquences d'étapes avec des dispositifs différents.

M. Claude HURIET - Ne suffit-il pas d'être sévère sur la sécurité et l'efficacité du produit final, charge à celui qui en assume la responsabilité de fabrication de s'assurer que les critères sont conformes ?

Vaut-il mieux avoir des critères très forts, susceptibles d'être sanctionnés ou vérifiés à un moment d'une chaîne ou bien faut-il multiplier les contrôles ?

Il ne faudrait pas que la législation freine la recherche ou incite à délocaliser. On m'a plusieurs fois brandi la menace quand nous avions mis en place la loi du 20 décembre 1988.

M. Jean-Marc LAURENT-VO - Pour les dispositifs, à terme, le marquage peut paraître suffisant. Si le marquage a été réalisé correctement, les performances d'un trieur doivent être conformes à ce qui est revendiqué.

Il serait logique de contrôler le produit fini. Ce contrôle passe-t-il par l'accrédiation de lieu, d'équipe ?

M. Jean-Paul CANO -Prenons le cas de séparateurs autorisés à être mis sur le marché en Europe. Sauf erreur d'information, ces séparateurs sont toujours en cours d'évaluation par la FDA, c'est-à-dire soumis à l'obtention d'un PMA (Pre-Market Approval) dans le cadre d'une IDE (Investigational Device Exemption).

Le marquage CE ne prévoit pas de démontrer la sécurité d'emploi du produit cellulaire trié, ni d'évaluer l'efficacité clinique du produit obtenu.

Ces évaluations cliniques de la qualité du produit cellulaire trié et de son efficacité en thérapeutique sont importantes à prendre en considération.

M. Jacques GRISONI - Il faut rappeler qu'on n'est plus libre aujourd'hui d'avoir des actions totalement séparées, même si des clauses particulières -argumentées- peuvent être invoquées. Nous sommes dans un régime d'application des directives européennes. Nous n'avons pas d'autre choix que de les dérouler. Nous sommes renvoyés d'une part, au constat que la mécanique générale de marquage CE s'appliquant aux dispositifs médicaux connaît une phase de démarrage avec des problèmes que peuvent connaître des procédures en cours de maturation, d'autre part à l'interrogation sur les outils et les moyens que se donneront les pouvoirs publics, sur le contrôle du marché, avec des organismes notifiés qui auront des exigences essentielles maximales.

En ce qui concerne les séparateurs qui ont reçu un marquage CE allemand, nous avons demandé aux laboratoires qui l'ont délivré de nous montrer les exigences qu'ils avaient retenues.

L'ensemble des acteurs du système de santé doit faire remonter les informations de cette nature. S'il y a un doute, il faut l'exprimer. C'est un travail auquel il va falloir s'adapter. Ce régime touche l'ensemble des dispositifs médicaux, avec une vigilance systématique. Des accidents qui restaient cachés seront désormais connus.

Mme Marie-Paule SERRE - M. Laurent-Vo a évoqué l'accréditation d'un lieu ou d'une équipe. Pouvez-vous faire le point de vos réflexions ? Peut-on envisager que cette procédure soit développée dans le cadre de l'utilisation des thérapies géniques ou des dispositifs médicaux qu'elle utilise?

M. Jacques GRISONI - La direction des hôpitaux ne peut pas répondre seule à cette question. Les autres partenaires sont l'Agence du médicament, l'Agence française du sang, l'Etablissement français des greffes.

Elle renvoie au groupe de travail qui se réunit sur les deux rapports Cano-Maraninchi actuellement en cours d'expertise. Il y a eu des propositions de plusieurs niveaux d'accréditation, de cahiers des charges y conduisant, avec décomposition de phases (prélèvement, tri, traitement des cellules, injection...). Aujourd'hui, ces propositions sont en phase de mûrissement.

M. Claude HURIET - Les organes bio-artificiels sont-ils des organoïdes ? Ces procédés risquent-ils de se développer rapidement ?

M. Jean-Marc LAURENT-VO - Les projets dont j'ai connaissance ne sont pas des organoïdes. Le concept général est une membrane qui sépare un tissu actif biologiquement du milieu biologique du patient. Pour le foie bio-artificiel, on utilise des cultures d'hépatocytes humains sont placés de l'autre côté d'une membrane où circule le sang.

Des questions se posent : les organes biomédicalisés sont-ils des dispositifs médicaux ou une somme d'un tissu et d'un dispositif ? Pour le foie bio-artificiel, il serait anormal de ne considérer que le tissu. Il y a une partie (le filtre) qui ressemble à un dispositif médical classique.

M. Claude HURIET - Quelles sont les différences entre les organes artificiels et les organoïdes ?

Mme Pascale BRIAND - La définition « organoïde » sert à regrouper les systèmes dans lesquels des cellules -autologues- du malade sont implantées sur des systèmes inorganiques associées au collagène et à des facteurs de croissance. Il n'y a pas de séparation entre la cellule et le milieu biologique qui l'entoure.

L'intérêt est de faciliter la réimplantation et la survie des propres cellules du patient après les avoir corrigées. C'est pour cela qu'on en parle plus dans le cadre des thérapies géniques puisque dans ce cas on fait un transfert de gènes et on remet ensuite ces cellules dans l'organisme. Le terme « organoïde » signifie implant permettant la greffe de cellules autologues génétiquement modifiées.

On peut utiliser les organoïdes dans le cadre de maladies où les cellules traitées ont à produire dans la circulation la molécule d'intérêt. Par exemple, dans le cas de l'hémophilie, il s'agit de produire le facteur VIII.

Dans l'organe artificiel, les cellules sont hétérologues, séparées du milieu du patient. La qualité du système réside dans la qualité de la membrane et dans la manipulation qui a permis de mettre les cellules hétérologues dans cette « boîte isolante ». Celle-ci permet d'éviter la réaction immunitaire qui se dirigerait contre les cellules hétérologues.

M. Claude HURIET - Dans mon rapport, est-ce que cela peut apparaître comme un problème qui se posera à moyen terme ? En est-on encore à une période expérimentale très réduite ou peut-on s'attendre, dans les cinq ou six ans, à une diffusion de ces techniques qui imposerait un cadre ? Il y a un moment où des normes doivent être définies. En intervenant trop tôt, on risque de bloquer le développement, en intervenant trop tard, des faits s'imposent que l'on ne peut plus limiter.

Mme Pascale BRIAND. Il est difficile de dire si ces techniques auront de larges applications. Pour les implants de cellules modifiées, cela peut s'appliquer relativement rapidement à tous les cas où il s'agit de faire produire une molécule d'intérêt thérapeutique dans la circulation. Pour les organes artificiels, l'application peut être relativement à court terme. Des essais cliniques ont déjà été réalisés.

Quelle que soit l'échéance, faut-il dans ces protocoles opératoires qui mettent en jeu un certain nombre d'étapes, s'intéresser seulement à la qualité de chaque appareil ou envisager une réglementation qui permette de s'assurer que le produit final réadministré au patient est de qualité ?

L'objectif est bien de s'assurer de la qualité du produit final, l'homologation des appareils étant une étape importante pour atteindre cet objectif.

Nous nous trouvons dans une situation comparable à celle des discussions qui ont eu lieu sur les produits agroalimentaires issus des manipulations génétiques.

M. Claude HURIET - Y-a-t-il des applications chez l'homme ?

Mme Pascale BRIAND - Pour les implants, les expérimentations sur l'animal sont très avancées.

M. Jean-Marc LAURENT-VO - Des essais ont déjà eu lieu à l'étranger pour le foie bio-artificiel. Un essai commencera bientôt en France.

M. Jean-Paul CANO - A propos des dispositifs utilisés pour la collecte, il serait souhaitable de définir par une procédure écrite l'objectif et les modalités d'utilisation en dédiant strictement leur emploi à la collecte des cellules.

Les opérateurs de thérapie cellulaire seront des établissements privés et/ou publics. Permettez-moi de suggérer d'accréditer spécifiquement les centres de collecte et d'administraiton de façon à les impliquer dans la chaîne de traitement des cellules d'un malade. Dans une situation autologue, le malade « confie » ses cellules à un centre de collecte qui sera chargé de la réinjection au malade après leur manipulation ex vivo. L'acte de thérapie cellulaire est une boucle et, à chaque étape de ce cycle, il y a un opérateur agréé et responsable.

M. Jacques GRISONI - Tout le monde est d'accord sur l'objectif. Il faut définir les critères.

M. Claude HURIET - N'est-ce pas à celui qui va utiliser les cellules de s'assurer des conditions de la collecte ? C'est une question de responsabilité. Il y aura un tel éclatement des responsabilités en cas de produits insatisfaisants. Dans la loi du 20 décembre 1988, on avait réfléchi sur une responsabilité partagée promoteur-investigateur et finalement considéré que ce partage serait source de contentieux.

La loi a fixé la responsabilité du promoteur, charge à lui de mettre en évidence les fautes de l'investigateur.

M. Jean-Paul CANO - Les opérateurs de la thérapie cellulaire risquent d'être publics et privés. Dans le cas précis, je suis partisan d'accréditer spécifiquement. Si on n'accrédite pas spécifiquement, un paquet de cellules souches hématopoïétiques phériphériques récoltées à 800 km du lieu de leur traitement, et si la personne n'est pas responsabilisée, c'est le malade qui sera pénalisé. Il y a une boucle, le malade, qui confie ses cellules souches à un spécialiste de la collecte qui doit avoir des appareils accrédités, spécifiquement dédiés à ce type d'opérations et validés. C'est le malade qui fait confiance.

M. Claude HURIET - Votre réponse est tout à fait intéressante. Elle s'applique davantage à la thérapie cellulaire qu'à la thérapie génique. La loi du 20 décembre 1988 s'inscrit dans un processus linéaire, alors que la thérapie cellulaire est un processus en boucle.

Mme Pascale BRIAND - C'est aussi particulièrement vrai pour la thérapie génique. Il y a également une boucle avec une étape de plus qui est le transfert du gène correcteur dans les cellules du patient. L'accréditation doit être encore plus rigoureuse.

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