B. L'ÉNERGIE NUCLÉAIRE EN AFRIQUE DU SUD : ACCIDENT DE L'HISTOIRE OU PRÉMICES D'UN AVENIR SOURIANT ?

1. Une visite à Western Areas Gold Mining

Située à une quarantaine de kilomètres de Johannesburg, la mine exploitée par Western Areas gold Mining emploie près de 11 000 personnes. La profondeur des galeries est comprise entre 800 et 2700 m. Organisée en deux divisions géographiques, elle possède deux usines métallurgiques, dont l'une (usine Nord) est couplée avec une installation d'extraction de l'uranium, qui fonctionne depuis 1981. Celle-ci est conçue pour traiter 100 000 tonnes de minerai chaque mois.

Le minerai a une faible teneur (670 ppm, soit 0,067 %) et le rendement global des installations d'extraction est proche de 80 % : la teneur résiduelle après traitement est de 150 ppm environ. La politique actuelle de la société consiste à réduire les masses de minerais traitées (40 000 tonnes par mois actuellement) et stocker l'uranium produit car le prix de vente sur le marché mondial est trop bas.

1.1 La protection radiologique des travailleurs

La répartition des responsabilités est apparemment rigoureuse. La direction a pour rôle de déterminer les objectifs généraux de la protection, de mettre en place une politique d'implication de tous les personnels, d'édicter des codes de bonnes pratiques, etc. Les services chargés de la radioprotection opérationnelle doivent élaborer les plans de contrôle radiologique, les plans d'assurance qualité, les programmes de formation ; ils doivent également renseigner et conserver les registres réglementaires. Les personnels médicaux semblent avoir des responsabilités particulièrement importantes car certains propos de mes interlocuteurs ont semblé suggérer que la société doit répondre à des demandes de compensation financière pour les expositions reçues (2 ( * )) Enfin les employés doivent respecter les consignes reçues et participer activement aux divers programmes de L'exposition professionnelle est limitée à 20 mSv par an au maximum. 32 zones sont définies sur l'ensemble de la mine, dont 8 sont réglementées pour la protection radiologique. Un système de classification des expositions permet d'ajuster le niveau de contrôle individuel.

Classification des expositions

Dose reçue

Classification

[0, 1]mSv

non classifié

[1, 5] mSv

supervision

[5, 10] mSv

contrôle de niveau A

[10, 15]mSv

contrôle de niveau B

> 15 mSv

contrôle de niveau C

La poursuite des entretiens avec les dirigeants de la mine m'a confirmé dans l'idée que la généralisation de la dosimétrie individuelle, telle qu'elle a été pratiquée par exemple dans les installations françaises, représente un réel progrès pour le suivi des travailleurs. En effet la seule dosimétrie pratiquée à Western Areas (et vraisemblablement dans les autres mines sud-africaines) est une dosimétrie d'ambiance : la mesure des paramètres d'exposition ambiante au poste de travail sert au calcul a posteriori des expositions individuelles des travailleurs. Dans cette perspective, les matériels utilisés sont : 1/ au fond, des appareils de mesure du radon et de ses descendants ; 2/ â l'air libre, des dosimètres y et des dispositifs de mesure des éléments a à vie longue.

Mes interlocuteurs m'ont cependant indiqué qu'ils doivent faire face à plusieurs difficultés, comme gérer de très larges variations dans les résultats de mesure (3 ( * )) ou garantir la compatibilité entre les doses individuelles calculées à partir des doses d'ambiance et les doses individuelles véritables que l'on peut estimer par ailleurs. Des investigations à caractère expérimental ont en effet montré que les résultats de la dosimétrie d'ambiance sont généralement inférieurs de 50 % à ceux de la dosimétrie individuelle.

Par ailleurs la capacité locale de traitement de l'information dosimétrique est insuffisante. Ce traitement a pour objectifs de connaître la distribution des doses parmi le personnel, la détermination de la (ou des) dose(s) collective(s) pertinente(s), enfin la mise au point des contrôles d'ingénierie nécessaires à l'amélioration de la protection, qui est avant tout la prévention des expositions.

Mes interlocuteurs m'ont enfin présenté une synthèse et quelques conclusions générales relatives à la politique de protection radiologique et de suivi dosimétrique :

- l'exposition radiologique est un risque réel chez Western Areas ;

- les usines uranium et or présentent des risques équivalents au plan radiologique, en termes de dose moyenne : 1,2 à 1,5 mSv par an ;

- 20 % des travailleurs nécessiteraient une dosimétrie individuelle ;

- les domaines importants pour la protection sont : la mise en place de mesures de précaution plutôt que de compensation, la détermination plus fine des facteurs d'occupation (4 ( * )) la poursuite des investigations annuelles sur les travailleurs ;

- dans le domaine de la prévention en mine, les efforts principaux doivent porter sur : la qualité des eaux, la réduction de 1'« âge » de l'air séjournant dans les galeries (l'air passe au fond 8 à 15 heures, selon la profondeur et la longueur des galeries), l'exposition due aux sorties d'air (puits de ventilation).

1.2 La protection radiologique de l'environnement

Les représentants de Western Areas m'ont paru soucieux d'une trop grande rigueur appliquée selon eux au régime de la protection radiologique de l'environnement (et du public par la même occasion).

De nombreux textes encadrent l'activité des mineurs : le Minerais Act a introduit l'obligation de mettre en place un programme de surveillance de l'environnement (pas seulement radiologique mais également chimique), qui exige entre autres une comptabilité complète de tous les matériaux rejetés par les installations. Le Nuclear Energy Act semble avoir mis en place une obligation de contrôle sur plusieurs dizaines d'années. La gestion des effluents liquides est placée sous la responsabilité conjointe du Ministère de l'Eau et des autorités locales.

Le programme de surveillance en lui-même est assez classique, ainsi que le contenu de l'étude d'impact préalable à toute autorisation. L'exploitant doit déterminer les principales voies d'exposition (eau, air...) et les termes-sources, et modéliser les transferts dans l'environnement et vers les populations susceptibles d'être exposées. En revanche les limites de rejets sont très mal « supportées » et jugées beaucoup trop sévères. Il semblerait que, pour les effluents liquides, l'activité a autorisée soit limitée à 7 Bq.l -1 et l'activité â autorisée à 3,4 Bq.l -1 . JCI, actionnaire principal de Western Areas, m'a indiqué que des négociations étaient engagées avec les autorités sur cette délicate

Pour la protection de l'environnement, un sujet de préoccupation important et de plus en plus pressant résulte de la dissémination de matières radioactives diverses (déchets TFA, poussières...) hors des sites. JCI, et plusieurs autres exploitants avec lui, doivent désormais assainir plusieurs sites contaminés. Par ailleurs le démantèlement des installations pose des problèmes similaires : l'oxydation des matériaux et la pénétration fréquente de radioéléments dans les fondations a obligé à constituer des équipes spécialisées en décontamination / démantèlement.

L'information du public m'a clairement été présentée comme un objectif secondaire tant que l'évaluation globale de l'impact environnemental, qui a été entreprise tout récemment, n'aura pas été achevée.

* 2 Il existe par ailleurs un fonds de compensation des dommages similaires subis du l'ait de l'exposition aux poussières, risque classique en milieu minier.

* 3 Je ne sais pas si cette variabilité est due à la nature des instruments de mesure utilises (voir par exemple les controverses sur l'utilité réelle des boîtes a charbon actif pour effectuer des mesures pertinentes au sens de la radioprotection pour l'exposition au radon) ou si celte variabilité est essentiellement due aux conditions ambiantes dans la mine.

* 4 Temps passe par chaque travailleur à un poste de travail déterminé, il s'agit du maillon essentiel qui permet de relier la dosimétrie d'ambiance à une estimation dosimétrique individuelle.

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