8. Recherche
Proposition E 547 |
(Réunion de la délégation du 31 janvier 1996)
La proposition E 547 prévoit la réalisation par le centre commun de recherche pour la Communauté européenne de l'énergie atomique d'un programme de recherche relatif à l'exploitation d'un réacteur à haut flux installé aux Pays-Bas. Ce programme d'une durée de quatre ans sera financé par les Pays-Bas, l'Allemagne et la France. Son coût s'élève à près de 40 millions déçus. La participation de la France est modeste (1,2 millions déçus prélevés sur le budget du CEA), l'essentiel étant financé par les Pays-Bas.
La France, en s'associant à ce programme, poursuit un double objectif : influer sur la gestion et l'exploitation de ce réacteur, mais surtout rompre l'isolement dans lequel elle se trouve au sein de l'Union en matière nucléaire.
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Ayant considéré que ce texte répondait à un voeu français ;
La délégation a décidé de ne pas intervenir sur la proposition E 547.
9. Politique sociale
Propositions E 582 et E 583 |
(Réunion de la délégation du 6 mars 1996)
Présentation par M. Jacques Genton d'une proposition de résolution :
Les propositions E 582 et E 583 visent toutes deux à modifier le règlement de 1971 relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté (Règlement n° 1408/71).
Ces propositions font suite à un premier projet présenté par la Commission européenne en 1980, qui n a pas été adopté par le Conseil. Dans ces domaines, le Conseil de l'Union européenne statue à l'unanimité. La Commission européenne, estimant que cet échec était lié au mélange de deux problèmes dans une même proposition, a décidé de scinder en deux propositions son projet de 1980 : l'une des propositions porte sur les prestations de chômage, l'autre sur les prestations de préretraite.
I - LES PRESTATIONS DE CHÔMAGE (proposition E 582)
a) Les prestations de chômage accordées aux personnes migrant à l'intérieur de la Communauté
Actuellement, lorsqu'un travailleur se trouve en situation de chômage dans un État membre et décide d'aller chercher du travail dans un autre État membre, il continue à percevoir des prestations de chômage pendant une durée de trois mois.
La Commission européenne estime que ce dispositif, conçu en période de plein emploi, est aujourd'hui inadapté, compte tenu de l'état du marché du travail. Elle propose donc de permettre le maintien, au-delà de la période de trois mois, des droits aux prestations de chômage, lorsqu'un chômeur se rend dans un autre État membre pour y chercher un travail.
Pour éviter une certaine forme de « tourisme social » entre deux États, la Commission propose qu'après une période de trois mois, le droit aux prestations soit maintenu, mais avec le régime le moins favorable des deux. Si un travailleur se rend dans un État membre où l'indemnisation du chômage est plus favorable, on lui appliquera les règles d'indemnisation du pays d'ou il vient. Si, au contraire, il se rend dans un État où l'indemnisation est moins favorable, ce sont les règles du pays d'accueil qui s'appliqueront.
Autrement dit, les travailleurs concernés n'auront droit qu'au montant le moins élevé prévu par la législation des deux États membres concernés ainsi qu'à la durée la plus courte.
En ce qui concerne le versement des prestations, la Commission propose que ces dernières soient versées par l'institution de l'État dans lequel le travailleur cherche un emploi ; celle-ci agirait pour le compte de l'institution de l'État dans lequel le travailleur a acquis des droits à prestations et se ferait donc rembourser par cette dernière.
Quant au contrôle, la Commission européenne propose qu'il soit fait par l'institution de l'État dans le quel le chômeur cherche un emploi et conformément à la législation de cet État membre, avec la collaboration des institutions des États membres qui sont compétentes pour servir les prestations.
Appréciation :
Cette proposition est louable quant à ses objectifs. La Commission européenne estime :
- qu'elle permettra d offrir aux chômeurs de meilleures chances de trouver un emploi dans un autre État membre ;
- qu'elle répond aux besoins d'un chômeur amené à transférer sa résidence dans un autre État membre en cas de mutation d'emploi du conjoint ;
- qu'elle répond aux besoins d'un chômeur qui souhaite pouvoir retourner dans un État membre dans lequel il a acquis ou conservé des liens d'attache particuliers.
Mais on peut avoir de sérieux doutes sur les solutions proposées :
- un dispositif dans lequel l'institution qui exerce en principe le contrôle n'est pas l'institution qui paye les prestations, risque de favoriser la fraude ;
- la mise en oeuvre du dispositif posera des problèmes pratiques d'une certaine complexité, car les organismes sociaux auront à comparer les différents régimes d'indemnisation, tant du point de vue de la durée que du montant des prestations, et à tenir compte des changements de ces régimes et, le cas échéant, des fluctuations monétaires ;
- des difficultés risquent d'apparaître dans les rapports entre organismes sociaux. Par exemple, lorsqu'un travailleur migrant, indemnisé en Grèce, souhaitera transférer ses droits en France, l'ASSEDIC devra déterminer ses droits à indemnisation en fonction du droit social grec, verser les prestations correspondantes, puis tenter de se faire rembourser auprès de l'organisme social chargé en Grèce de verser les prestations. Les divergences d'interprétation, les difficultés de communication, les lenteurs de remboursement risquent de conduite à une gestion d'une rare lourdeur ;
- on peut se demander si l'importance du problème est à la mesure de la complexité du système proposé. En effet, à l'exception des cas particuliers évoqués par la Commission européenne, un travailleur qui quitte un État membre pour chercher du travail dans un autre, le fait, dans la majorité des cas, parce qu'il a une perspective assez précise d'emploi.
b) Les prestations de chômage accordées aux travailleurs frontaliers
La proposition E 582 contient également des propositions relatives aux travailleurs frontaliers. La Commission européenne propose en effet que les travailleurs frontaliers connaissant une situation de chômage complet puissent se mettre à la disposition soit des services de l'emploi de l'État dans lequel ils résident, soit des services de l'emploi de l'État dans lequel ils ont exercé leur dernier emploi. Dans ces conditions, le versement des prestations serait assuré par l'institution de l'un ou l'autre État, selon le choix du travailleur (actuellement, les prestations de chômage versées à un travailleur frontalier en situation de chômage complet sont prises en charge par l'institution de l'État de résidence). La Commission européenne envisage une dérogation pendant une période de dix ans pour le Luxembourg, qui compte un grand nombre de travailleurs frontaliers.
Appréciation :
Cet aspect de la proposition E 582 ne soulève pas d'autre difficulté que celle du contrôle sur d'éventuelles doubles inscriptions.
II - LES PRESTATIONS DE PRÉRETRAITE (proposition E 583)
La proposition E 583 vise, en premier lieu, à permettre à un travailleur bénéficiant d'une convention de préretraite de continuer à bénéficier de ces prestations lorsqu'il s'installe sur le territoire d'un autre État membre de la Communauté. Cette disposition est déjà mise en oeuvre dans la réglementation française. La Commission européenne propose que les clauses nationales anti-cumul soient appliquées dans le cas où le titulaire d'une convention de préretraite exerce une activité professionnelle sur le territoire d'un autre État membre. L'organisme social compétent du nouveau lieu de résidence serait chargé de procéder aux contrôles permettant de vérifier si le bénéficiaire de prestations de préretraite continue à remplir les conditions du maintien du droit aux prestations prévues par la législation de l'État dans lequel la convention a été passée.
La proposition E 583 contient également des dispositions relatives aux travailleurs frontaliers. Ainsi, le travailleur exerçant une activité dans un État autre que celui de sa résidence, pourrait bénéficier des prestations de préretraite comme s'il résidait dans l'État membre où il travaille. L'organisme social compétent du lieu de résidence de ce travailleur serait tenu de rembourser ces prestations à celui de l'État où le travailleur a exercé son dernier emploi, dans la limite du montant des prestations de chômage qu'il aurait dû servir à l'intéressé si ce dernier s'était mis à la disposition des services de l'emploi de son lieu de résidence.
Appréciation :
Le maintien des prestations de préretraite en cas de changement d'État de résidence ne pose pas de problème pour la France qui applique déjà cette règle. Toutefois, on peut exprimer les mêmes craintes que pour la proposition sur les prestations de chômage, en ce qui concerne la réalité des contrôles sur le respect des conditions du maintien du droit aux prestations de préretraite.
Le régime proposé pour les travailleurs frontaliers paraît contestable. En effet, les conventions de préretraite ont pour premier objectif de libérer des emplois. Dans le cas de travailleurs frontaliers, les emplois libérés le sont dans le pays où le travailleur a exercé son dernier emploi. Il ne paraît donc pas logique de mettre les indemnités de préretraite, même partiellement, à la charge de l'État dans lequel le travailleur réside.
D'une manière générale, les prestations de préretraite relèvent de la politique de l'emploi qui, en l'état actuel des traités, ne relève pas de la compétence de la Communauté. Au demeurant, le régime français de préretraite étant plus favorable que celui de la plupart des autres États membres, une harmonisation européenne ne se traduirait pas, pour la France, par une avancée sociale.
En conclusion, il ne semble pas que les propositions d'actes communautaires E 582 et E 583 avancent des réponses pleinement adaptées aux problèmes qu'elles entendent résoudre.
La complexité des solutions proposées, l'absence de formule satisfaisante pour le contrôle, les risques de contentieux, ne plaident pas pour que les solutions proposées soient retenues.
Il paraît donc souhaitable que le Sénat invite le Gouvernement à s'opposer à l'adoption en l'état de ces textes, et à suggérer à la Commission européenne de procéder à une large concertation en vue de dégager des solutions mieux adaptées.
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MM. Denis Badré et Yves Guéna ont critiqué la complexité et la lourdeur des solutions retenues par la Commission européenne et ont souhaité que la délégation manifeste son opposition.
M. Claude Estier, tout en soulignant la nécessité de renforcer les droits des préretraités et des chômeurs, a souhaité que ces questions soient abordées dans un esprit de subsidiarité. Il est difficile de dégager des solutions uniformes dans de tels domaines : mieux vaut privilégier des solutions plus simples, définies dans des cadres plus restreints.
La délégation a alors décidé le dépôt par MM. Jacques Genton, Denis Badré, Jacques Habert, Daniel Millaud, Yves Guéna, Claude Estier et Jacques Oudin, d'une proposition de résolution portant conjointement sur les textes E 582 et E 583 (voir texte ci-après).
PROPOSITION DE RÉSOLUTION
Le Sénat,
Vu les propositions d actes communautaires E 582 et E 583,
Considérant que ces textes ont pour objet l'amélioration des conditions d'octroi des prestations de chômage et de préretraite aux travailleurs migrant à l'intérieur de la Communauté et aux travailleurs frontaliers ;
Considérant que la solution retenue pour les prestations de chômage des travailleurs migrants, complexe et lourde à gérer, risque de permettre des fraudes et de provoquer des contentieux ;
Considérant que la solution retenue pour les prestations de préretraite des travailleurs frontaliers est inéquitable ;
Considérant que les solutions retenues tant pour les prestations de chômage que pour les prestations de préretraite n'apportent pas de garanties suffisantes en matière de contrôle ;
Considérant que les contraintes supplémentaires et uniformes que les propositions E 582 et E 583 entendent introduire dans les régimes sociaux des États membres ne paraissent pas conformes au principe de subsidiarité ;
Invite le Gouvernement à s'opposer à l'adoption des propositions E 582 et E 583.
Cette proposition de résolution a été
publiée sous le n° 258
Elle a été renvoyée à la commission des Affaires sociales. |