II - Audition des principaux instituts de prévision économique, le mardi 14 mai 1996, sous la présidence de M. Christian Poncelet, président.

M. Alain Chappert, chef du département de la conjoncture à l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), a rappelé que le ralentissement économique en 1995 avait surpris par son ampleur ce qui confirmait la tendance à une plus forte réactivité de l'économie française que par le passé. Il a expliqué que, dans un contexte d'atonie générale de la croissance, la France avait pâti de facteurs spécifiques :


• le ralentissement de la consommation sous l'effet de l'inflexion de la création d'emplois et des incertitudes sur les politiques de redressement des comptes publics ;


• les mouvements sociaux de fin d'année.

Il a estimé, que le début de l'année 1996 délivrait des messages contrastés avec une bonne tenue du côté de la demande mais une offre encore très hésitante :


• la consommation a connu une forte progression au premier trimestre -+ 5 % -même si elle s'est infléchie au mois de mars- - 1,2 %- et dégage ainsi un acquis de croissance de 3 % pour l'année 1996 malgré une stabilisation du pouvoir d'achat des ménages et grâce, sans doute, à la baisse des taux d'intérêt et aux mesures fiscales concernant l'épargne ;


• le taux de croissance de l'investissement se maintient sur une tendance haussière ;


• cependant, la production, malgré une amélioration des anticipations des entreprises, demeure atone comme l'attestent l'activité dans le bâtiment et le recul de l'indice de la production industrielle au mois de février qui traduit un phénomène persistant de résorption des stocks.

Conséquence de ces évolutions, les perspectives en matière d'emplois sont donc maussades pour l'année en cours.

Il a estimé qu'au total, un certain optimisme justifié quant à l'évolution de l'économie française ne devait pas dissimuler la dégradation du contexte en Europe que pourraient toutefois contrecarrer le dynamisme des économies extra-européennes et un environnement financier nettement plus stimulant que l'an dernier.

M. Jean-Philippe Cotis, sous-directeur pour les synthèses macroéconomiques et financières à la Direction de la Prévision, a alors présenté la synthèse comparative des prévisions du Gouvernement et des instituts de prévision pour 1997.

Il a d'abord rappelé la convergence entre les prévisions économiques, tout en reconnaissant qu'un écart subsistait en matière de finances publiques.

Pour expliquer que le ralentissement de 1995 avait été plus accusé que prévu, il a fait valoir que, malgré de bons fondamentaux et une croissance dynamique de la masse salariale, les prévisions en France et en Allemagne avaient été déjouées pour des raisons proches :


• le durcissement des conditions monétaires qui, via l'appréciation du mark, avait surtout affecté l'Allemagne ;


• une dégradation rapide du climat de confiance des ménages induite en Allemagne, par la survenance d'une reprise pauvre en emplois et, en France, par les incertitudes relatives au redressement des finances publiques.

Il a alors jugé que le scénario de croissance pour 1996 n'avait guère été révisé, l'écart entre les prévisions initiales et celles désormais connues expliquant par le ralentissement de 1995.

S'agissant des perspectives pour 1997, il a indiqué que :


• l'environnement deviendrait plus favorable du point de vue monétaire et de l'activité économique à l'étranger ;


• la demande des entreprises s'accroîtrait, comme le corroborent les enquêtes relatives à l'investissement industriel, pour rattraper un retard accumulé en ce domaine entre 1990 et 1994 de l'ordre de 40 % ;


• la demande des ménages progresserait modérément, l'inflexion de l'augmentation du pouvoir d'achat du salaire par tête étant compensée par celle du taux d'épargne des ménages ;


• le nombre des emplois serait stable en 1996 mais s'accroîtrait de 200.000 unités en 1997.

M. Patrick Artus, directeur du service des études économiques de la Caisse des dépôts et consignations a souligné qu'une source majeure d'incertitude provenait de la situation de l'économie allemande et de l'ambiguïté des effets de la croissance américaine, positive en termes de demande adressée à notre pays, mais lourde de risques pour les évolutions monétaires et financières.

Il a ajouté que l'effet de la réduction des taux d'intérêt sur l'épargne et la substitution à une hausse de l'épargne publique d'une baisse de l'épargne privée étaient encore incertains.

Il a indiqué que, de ce point de vue, le premier trimestre de l'année ne laissait pas apparaître de phénomène net de dégonflement de l'épargne.

M. Jean-Paul Betbèze, responsable du service des études du Crédit Lyonnais a alors fait les observations suivantes :


• le contexte politique aux États-Unis pourrait se traduire par une hausse des taux d'intérêt dans ce pays qui devrait elle-même entraîner une appréciation du dollar ;


• l'évolution des crédits et des dépôts continue d'enregistrer les effets d'un comportement financier prudent des entreprises ;


• la baisse des taux à court terme a bien "mordu" sur les conditions de financement de l'économie ;


• des marges existent encore pour infléchir les taux en France.

M. Michel Didier, président de Rexecode, a rappelé que son institut avait manifesté un grand scepticisme quant aux perspectives de croissance en 1996 et que cette prudence avait été justifiée par les faits.

Puis, il a jugé que le contexte général était celui d'une reprise économique lente et bridée.

Il a fait observer que, le solde financier des entreprises avait évolue de façon beaucoup moins favorable que prévu et que la capacité de financement des entreprises -40 milliards de francs- devait être comparée avec les 4.500 milliards de francs d'endettement financier supportés par celles-ci.

Estimant que la situation avait cessé de se dégrader il a considéré qu'il était prématuré de conclure à une reprise de l'activité économique.

M. Jean-Paul Fitoussi, président de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), a considéré que le consensus des prévisionnistes traduisait l'absence de raisons d'espérer, la reprise économique s'annonçant molle. Il a jugé qu'il n'y avait pas de trésor caché de la croissance et que l'histoire ne révélait pas d'expérience de rebond économique sans hausse des salaires. Évoquant l'environnement international de l'économie française, il a souligné les effets ambigus de la conjoncture allemande dont le ralentissement, dommageable à l'essor de la demande adressée à la France, pourrait offrir des perspectives de détente financière.

Rappelant que la croissance française du début des années 1990 avait été la plus faible enregistrée par notre pays depuis les années trente, il s'est inquiété de ce que la baisse des taux d'intérêt, tardivement enclenchée, s'accompagnait d'un rationnement du crédit aux petites et moyennes entreprises. Il a en outre estimé que les prévisions économiques n'intégraient sans doute pas entièrement l'ensemble des effets du surcroît probable de restrictivité budgétaire.

M. Philippe Sigogne, responsable du département de la conjoncture à l'Observatoire français des conjonctures économiques a jugé qu'il existait actuellement une vraie question allemande, stratégique du point de vue des perspectives en matière de monnaie unique, liée au niveau de la parité du mark nettement surévaluée.

M. Christian de Perthuis, directeur du département des prévisions et analyses macro-économiques au bureau d'information et de prévision économiques (BIPE), a tout d'abord souligné le risque représenté par la combinaison d'une baisse de l'activité en Allemagne, principal marché à l'exportation de la France, et d'une forte reprise de l'activité économique aux États-Unis, engendrant une hausse des taux d'intérêt. Toutefois, les prévisions du BIPE écartent ce risque et incorporent un simple sursaut de l'activité économique aux États-Unis s'achevant en ralentissement en fin d'année.

Il a ensuite expliqué les mécanismes par lesquels le deustchemark de monnaie forte, était devenue aujourd'hui une monnaie surévaluée. L'existence de très importants différentiels d'inflation entre les pays européens au début des années 1980, l'Allemagne jouissant elle-même d'un taux modéré de hausse des prix, permettait, en effet de pallier les conséquences d'une réévaluation de la monnaie allemande. Or, ce levier a progressivement disparu sous la pression de l'ouverture des marchés financiers et de la mise en concurrence des économies.

S'agissant des perspectives en matière de comportement des ménages et d'évolution des taux d'épargne, M. Christian de Perthuis a fait part d'analyses qui n'indiquent pas une reprise, dans l'immédiat, du crédit à la consommation. Il a cependant nuancé ces propos en précisant que plusieurs indices auguraient d'un rebond assez important dans le secteur de la construction de logements en 1997.

Concluant son intervention, il a souhaité rappeler que l'existence d'une capacité d'investissement des entreprises n'impliquait pas la concrétisation d'une décision d'investissement. En outre, a-t-il souligné, lorsque la décision d'investir est prise, les grands groupes industriels français ont tendance, à l'heure actuelle, à privilégier le développement à l'étranger plutôt que sur le territoire national.

M. Alain Lambert, rapporteur général, a alors interrogé les intervenants. Il leur a demandé :


• si l'inflexion du taux d'épargne des ménages était une hypothèse robuste et quelles seraient les conséquences économiques si elle ne se produisait pas,


• quels seraient les effets pour la France d'une croissance nulle en Allemagne,


• si la réduction des taux d'intérêt à court terme avait été suffisamment répercutée dans les conditions de financement offertes aux agents économiques,


• et quelles explications l'on pouvait donner au phénomène d'enrichissement de la croissance en emplois.

M. Patrick Artus, directeur du service des études économiques de la Caisse des dépôts et consignations, a considéré que l'enrichissement de la croissance en emplois pouvait être directement relié à la baisse du coût du travail peu qualifié acquise moyennant des dispositifs sans doute perfectibles du fait des effets de seuil provoqués par eux et que ce phénomène concernait pour l'essentiel le secteur des services.

M. Michel Didier, président de Rexecode, a jugé que la réorganisation de la politique de l'emploi devrait dans un premier temps s'attacher à simplifier les régimes d'aides. Il a rappelé que la croissance du nombre d'emplois en 1995 avait été due pour moitié à l'emploi non marchand et pour un quart à la progression des emplois aidés ce qui n'était pas une performance satisfaisante en particulier du fait de son coût pour les finances publiques.

M. Jean-Paul Betbèze, responsable du service des études du Crédit Lyonnais, a estimé que la répercussion de la baisse des taux par le système financier avait été réalisée dans toute la mesure compatible avec la réglementation des pratiques de vente à perte. À ce sujet, il a rappelé les problèmes posés aux banques françaises par les modes de tarification bancaire et que leur rentabilité moyenne était tout juste égale au quart de la rentabilité normale dans le secteur.

M. Jean-Philippe Cotis, sous-directeur à la Direction de la Prévision, a souligné que, si une croissance nulle en Allemagne aurait des effets mécaniques sensibles sur l'activité en France, elle s'accompagnerait d'évolutions des taux d'intérêt et de change qui pourraient les compenser. Jugeant que le coût du travail peu qualifié était en France très supérieur à la moyenne européenne, il a estimé que la baisse des charges sociales ne faisait que corriger cet excès si bien qu'on ne pouvait en toute rigueur la qualifier d'aide à l'emploi.

M. Alain Chappert, chef du département de la conjoncture à l'INSEE, a rappelé que le phénomène d'enrichissement de la croissance en emplois était récent et qu'il fallait en affiner l'analyse pour en apprécier la signification. Il a précisé que la révision à la baisse des capacités de financement des entreprises provenait non d'une révision à la baisse de leur épargne, mais d'une correction à la hausse de leurs investissements et du niveau de leurs stocks.

M. Patrick Artus, directeur du service des études économiques de la Caisse des dépôts et consignations, a souligné que la variation des taux d'épargne des ménages répondait de leur part davantage à un comportement d'emprunteur qu'à un comportement de créancier.

Un large débat s'est alors instauré.

M. René Ballayer a souhaité savoir si les difficultés rencontrées par l'économie allemande étaient de nature à remettre en cause les perspectives d'unification monétaire en Europe et quel était le sentiment des intervenants sur les effets économiques de cette unification.

M. Jean-Paul Fitoussi, président de l'OFCE, a considéré que l'aversion des allemands pour la dépréciation de leur monnaie pouvait être considérée comme une sérieuse garantie pour le processus d'unification monétaire. Il a estimé par ailleurs que le sens commun commandait d'imaginer que les décisions en la matière seraient prises sur la base d'une appréciation politique.

M. Jean-Paul Betbèze, responsable du service des études du Crédit Lyonnais, a considéré que les marchés financiers avaient d'ores et déjà intégré cette dernière donnée.

M. Michel Didier, président de Rexecode, a souligné l'ambiguïté du concept de convergence rappelant qu'au-delà des performances de chacun au regard des critères du traité d'union monétaire, il fallait considérer le chemin parcouru sur la voie d'un rapprochement économique entre les différents pays et que de ce point de vue beaucoup avait été fait.

M. Jean-Philippe Cotis, sous-directeur à la Direction de la prévision, a indiqué que le système de change que nous connaissons, intermédiaire entre un système de monnaie unique et un système de changes flexibles, avait démontré ses limites.

M. Christian de Perthuis, directeur au BIPE, a estimé que les réflexions devraient désormais porter par priorité sur les actions budgétaires à promouvoir en régime de monnaie unique.

M. Patrick Artus, directeur du service des études économiques de la Caisse des dépôts et consignations, a considéré qu'on pouvait attendre de la création d'une monnaie unique la mise en oeuvre d'une politique monétaire relativement accommodante mais que subsisteraient les problèmes posés par la coordination des autres politiques économiques que sont les politiques sociale et salariale. Il a insisté sur l'importance de définir des parités d'entrée en monnaie unique adaptées sans quoi les effets sur les appareils industriels pourraient être très défavorables.

M. Roland du Luart a relevé le pessimisme des intervenants et s'est demandé si celui-ci ne serait pas accru si chacun d'entre eux tirait toutes les conséquences du nécessaire assainissement des finances publiques.

M. Jean-Philippe Cotis, sous-directeur à la Direction de la prévision, a voulu tempérer l'impression pessimiste donnée par les prévisions économiques en soulignant qu'elles étaient compatibles avec une croissance en glissement proche de 2,5 % en 1996.

M. Michel Didier, président de Rexecode, a rappelé que les pays développés étaient confrontés à un problème collectif, l'écart entre leur croissance effective et leur croissance potentielle, et a indiqué que si ce nouveau régime de croissance devait persister cela renforcerait la nécessite d'un aménagement des finances publiques dans ces pays.

M. Jean-Philippe Cotis, sous-directeur à la Direction de la prévision, a alors souligné qu'il existait deux façons de considérer les effets d'une réduction du déficit public :

- l'une, keynésienne, associant la baisse des déficits à un repli de l'activité, au terme de laquelle certains modèles parviennent à la conclusion qu'une baisse du déficit égale à deux points du produit intérieur brut amène une inflexion de l'activité de 0,75 point de cette même grandeur ;

- l'autre qui démontre que l'augmentation du déficit public entre 1990 et 1994 s'est traduite par un relèvement du taux d'épargne privée et amène à poser la question des incidences d'un défaut d'assainissement des comptes publics sur les taux d'intérêt.

M. Joël Bourdin a considéré que nos problèmes économiques avaient une composante monétaire importante et s'est demandé s'il n'y avait pas une alternative conduisant à un dosage plus équilibré des politiques monétaire et budgétaire.

M. Jean-Paul Fitoussi, président de l'OFCE, a jugé que la réduction des déficits publics était justifiée mais que la question était, en effet, celle de savoir comment y parvenir aux moindres coûts pour l'économie.

M. Alain Richard a souligné le fait qu'il y avait été frappé, lors de la dernière audition par la commission des instituts de conjoncture, par le consensus qui s'était dégagé sur le constat d'une dégradation de la compétitivité extrême de l'économie française.

M. Alain Chappert, chef de département à l'INSEE, a confirmé l'existence de ce problème de compétitivité qui s'est traduit par des pertes de marché à l'exportation. Il a ajouté que, curieusement, cette évolution n'avait pas été clairement perçue par les entreprises concernées.

M. Patrick Artus, directeur du service des études économiques de la Caisse des dépôts et consignations, a insisté sur la rupture fondamentale que représente la persistance de taux d'intérêt réels supérieurs au rythme de la croissance.

En second lieu, il a fait observer qu'en certaines circonstances la réduction du déficit budgétaire était un accélérateur de croissance : le rétablissement des finances publiques est obtenu par une réduction de la dépense, sans majoration des recettes, et la confiance manifestée par le contribuable permet d'éviter la constitution d'une épargne de précaution. La France doit respecter ce schéma si elle ne veut pas subir une violente récession en 1997.

Il a ajouté qu'il fallait distinguer les déficits cycliques et les déficits structurels. Réduire les premiers, qui ne constituent pas un frein à la croissance, serait une erreur. Fin revanche, les seconds, doivent être combattus.

M. Christian Poncelet, président, rappelant que certains préconisaient une hausse des salaires pour relancer l'économie mais que l'explication apportée à la situation délicate de l'économie allemande résidait précisément dans l'excès de croissance des salaires en Allemagne, a demandé aux intervenants leur sentiment sur ce paradoxe.

M. Jean-Philippe Cotis, sous-directeur à la Direction de la prévision, a estimé qu'il était difficile de fixer une allure donnée à l'évolution des salaires dans un pays. Puis, il a rappelé que, si sur moyenne période, la masse salariale avait augmenté dans des proportions identiques aux États-Unis, en Allemagne et en France, la répartition de cette croissance avait été très différente selon les pays. Consacrée à la création de nouveaux emplois aux États-Unis, elle avait débouché en Allemagne sur un partage par moitié entre le salaire individuel et de nouveaux emplois et, en France, essentiellement sur une augmentation du salaire par tête qui avait dû ensuite être largement amputée par des prélèvements nouveaux.

M. Jean-Paul Fitoussi, président de l'OFCE, a tout d'abord souhaité indiquer que les exemples étrangers d'ajustement des finances publiques réussis -l'Irlande, la Suède et le Danemark- n'étaient pas entièrement convaincants, car ils s'étaient souvent accompagnés de dévaluations et ils concernaient des économies largement ouvertes sur l'extérieur pour lesquelles le raisonnement sur les effets économiques d'une réduction des déficits doit être particulier.

Rappelant que l'assouplissement de la politique monétaire n'avait, jusqu'à présent, pas apporté d'effets réellement significatifs et que la politique budgétaire avait une orientation restrictive, il a considéré qu'additionner à cela une politique salariale rigoureuse ne pouvait conduire qu'à un défaut de perspective de croissance. Il a estimé qu'il faudrait desserrer les politiques monétaire et salariale.

M. Christian de Perthuis, directeur au BIPE, a jugé qu'il existait un dilemme entre l'augmentation des salaires et la diminution indispensable des coûts salariaux. Il a considéré que la politique salariale devait rester le choix des entreprises mais que l'évolution du pouvoir d'achat des ménages résultant, elle, d'une série d'enchaînements faisant jouer les phénomènes de redistribution, c'était sur cet aspect qu'il fallait agir.

Enfin, il a souligné que l'analyse selon laquelle il faudrait distinguer déficit public structurel et déficit public conjoncturel devait être complétée par la considération selon laquelle tout déficit conjoncturel devenait, compte tenu de l'état des finances publiques, un déficit structurel.

M. Alain Lambert, rapporteur général, s'est alors demandé si la gestion des finances publiques ne butait pas, en France, non seulement sur des réalités conjoncturelles mais aussi sur de rigidités structurelles particulières à notre pays. Il s'est par ailleurs interrogé sur la pertinence de l'effet d'éviction, évoqué ces derniers temps, opéré par l'emploi public au détriment de l'emploi privé et sur les opportunités offertes par une gestion active de la dette publique.

M. Jean-Philippe Cotis, sous-directeur à la Direction de la prévision, a estimé que la technique budgétaire traditionnellement pratiquée par la France n'avait guère été adaptée au caractère de plus en plus cyclique de l'activité économique, comme le démontrait l'expérience des années 1988 à 1990 où les suppléments de recettes provenant de la croissance avaient servi à financer des dépenses publiques sans considération du déficit.

M. Jean-Paul Betbèze, responsable du service des études du Crédit Lyonnais, estimant que notre pays se caractérisait en général par un défaut de stratégie, ce que démontraient assez les conditions dans lesquelles était préparée son entrée dans la monnaie unique, a vivement souhaité l'instauration d'une gestion plus active de la dette publique qui passerait, en particulier, par un raccourcissement du terme des émissions.

M. Michel Didier, président de Rexecode, a considéré que le financement de l'emploi public faisait peser un poids très lourd sur le secteur privé et, en particulier, sur le secteur industriel confronté à une intense concurrence mondiale.

Il a ajouté que, pour réduire les dépenses publiques, il fallait orienter les décisions à partir de l'évaluation des effets économiques de chacune d'entre elles, mais qu'il fallait également renforcer la réflexion autour des effets d'allocation économique des finances publiques qu'avait eu trop souvent tendance à occulter l'analyse de leurs effets de stabilisation.

Il a estimé que la question primordiale était d'apprécier la productivité comparée de la dépense selon les secteurs où elle intervient.

M. Jean-Paul Fitoussi, président de l'OFCE, a jugé qu'en période de déficit d'emplois le problème à résoudre était celui de l'augmentation du volume d'emplois et que la suppression des emplois publics n'était pas a priori une garantie de réussite.

Il a souscrit à l'analyse selon laquelle la dépense publique devait être jugée à l'aune de sa capacité à dégager de fortes externalités pour l'économie et qu'il serait par conséquent peu avisé de pratiquer une réduction homogène des dépenses de chaque administration.

Il a cependant considéré que la ligne de partage ne pouvait passer en la matière entre les dépenses de fonctionnement et les dépenses d'infrastructure. Il a, en particulier, rappelé que si ces dernières se traduisaient immédiatement par un gonflement du chiffre d'affaires des entreprises, leurs effets économiques n'étaient pas nécessairement supérieurs à terme aux effets de certaines dépenses de fonctionnement, citant l'exemple des dépenses de formation.

M. Christian Poncelet, président, s'est alors interrogé sur les mesures à mettre en oeuvre dans l'hypothèse où tous les pays de l'Union européenne n'adopteraient pas la future monnaie unique.

M. Patrick Artus, directeur du service des études économiques de la Caisse des dépôts et consignations, a répondu en distinguant le cas des pays manifestant la volonté d'entrer en monnaie unique de celui des pays réticents à cette perspective.

Il a considéré que pour les premiers une solution serait de confier leur politique monétaire à la Banque Centrale Européenne dans la période intermédiaire et que, pour les autres, des pénalités devraient leur être appliquées si leur comportement monétaire perturbait le fonctionnement du marché unique.

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