B. UNE RELATION ÉQUILIBRÉE ENTRE LES DEUX PARTIES : CONDITION NÉCESSAIRE POUR FAIRE ENTENDRE LA VOIX DE LA FRANCE DANS CETTE RÉGION

La France peut contribuer utilement à un triple objectif dans la région :

- contribuer au succès du processus de paix ;

- asseoir la légitimation de l'Etat hébreu dans la région ;

- favoriser la stabilisation de l'entité palestinienne.

Elle dispose à cet égard de plusieurs atouts :

- la qualité des relations qu'elle entretient avec les Etats arabes lui permet de jouer en faveur d'Israël un rôle d'intercesseur écouté ; au-delà, elle pourrait contribuer à un déblocage du problème sud-libanais où le gouvernement israélien s'est déclaré prêt à faire des concessions territoriales ;

- elle peut encourager l'intégration régionale dans le cadre du partenariat euro-méditerranéen ou des négociations multilatérales lancées à la suite de la Conférence de Madrid.

Pour faire valoir ces possibilités, la France doit entretenir une relation équilibrée avec Israël et les territoires palestiniens.

1. Les relations franco-israéliennes : un partenariat à développer

Israël et la France ont noué un partenariat privilégié jusqu'en 1967. Par la suite, les relations bilatérales ont traversé des moments difficiles sans toutefois que jamais leur densité ne faiblisse. Cette proximité doit beaucoup à la part jouée par les relations humaines.

Outre les liens profonds tissés par l'histoire, il existe aujourd'hui entre nos deux pays une réelle convergence d'intérêts stratégiques (montée de l'intégrisme en Méditerranée, risque de prolifération...) et économiques (l'Europe représente le premier partenaire d'Israël en fournissant la moitié de ses importations et en recevant 30 % de ses exportations).

Toutefois, les relations bilatérales se heurtent encore à plusieurs handicaps : le soupçon, ravivé par la visite présidentielle d'octobre 1996, d'une certaine partialité française en faveur des Arabes, le partenariat privilégié d'Israël et des Etats-Unis.

Aussi, pour surmonter ces difficultés, convient-il de faire fructifier la richesse des liens humains et de développer trois différentes formes de coopération.

a) La nécessaire intensification des formes de coopération existantes

. Le poids du facteur humain

Les liens humains reposent d'une part sur la communauté juive en France, la deuxième du monde par ses effectifs et, d'autre part, sur la présence francophone en Israël. En effet, plus d'un Israélien sur vingt a le français pour langue d'origine - tandis que deux sur 10 le pratiquent à des degrés divers. Au total, la francophonie concerne près de 500.000 personnes . Cette communauté francophone se compose pour une part essentielle des personnes venues d'Afrique du Nord et de leurs enfants. Cependant parmi cette population -composée quasi exclusivement de binationaux - les générations nées en Israël délaissent parfois le français - ignoré par 20 à 30 % de nos compatriotes.

Au-delà de la seule pratique de notre langue, votre délégation a pu observer la familiarité du monde politique et administratif israélien avec la société française.

. La coopération culturelle

Compte tenu de ces liens humains exceptionnels, on ne s'étonnera pas que le domaine culturel constitue un champ privilégié de coopération.

Celle-ci repose sur un réseau de centres culturels d'une densité remarquable (Nazareth, Bersheva, Tel-Aviv, l'Alliance française de Jérusalem et le centre culturel à l'Est, gérés l'un et l'autre par le Consulat général à Jérusalem). Cependant, soucieux d'élargir l'audience de la culture française, notre pays s'efforce d'utiliser les relais que constituent le câble (support des trois chaînes francophones : France 2, TV5 et Arte) et même le réseau Internet.

Le souci de toucher un large public n'interdit pas une coopération de haut niveau que traduisent l'organisation de nombreux colloques universitaires et l'action d'institutions spécialisées telles que le centre de recherche français de Jérusalem, placé sous la double autorité du ministère des affaires étrangères et du centre national de recherches scientifiques (CNRS), spécialisé dans l'archéologie et les sciences sociales - notamment les études juives.

Malgré ces acquis indéniables, une double incertitude pèse sur notre coopération culturelle :

- la position du français 3( * ) comme seconde langue pourrait se trouver menacée par le développement d'ailleurs compréhensible de l'apprentissage de l'arabe dans les années à venir ;

- le pouvoir attractif de la culture anglo-saxonne s'exerce sans véritable contrepoids dans la société israélienne.

Aujourd'hui, Israël a vocation à participer au mouvement francophone et la France pourrait s'employer à convaincre ses partenaires de l'intérêt de compter l'Etat hébreu parmi les membres actifs de la francophonie.

. La coopération scientifique

La recherche scientifique constitue de longue date l'un des fleurons de notre coopération. Aujourd'hui, après les Etats-Unis et l'Allemagne, la France se classe au troisième rang des partenaires scientifiques d'Israël.

La coopération scientifique bilatérale s'est principalement nouée à travers deux instruments auxquels la France consacre 15 millions de francs par an :

- l'association franco-israélienne pour la recherche scientifique et technologique (AFIRST) qui soutient les quatre grands programmes de recherche conjoints d'une durée de deux ans (en 1996, les matériaux avancés, l'immunologie et l'immunothérapie, les autoroutes de l'information, la gestion de l'eau).

- le cofinancement d'échanges de chercheurs dans le cadre du programme de projets concertés de coopération scientifique "Arc en ciel" dans des domaines que ne couvre pas l'AFIRST.

A ce dispositif, il convient d'ajouter les nombreux accords signés directement entre organismes de recherche français et israélien (l'Institut Pasteur et l'Institut Weizmann, le CNRS et le ministère de la science).

Par ailleurs, depuis la création en avril 1995 de l'association franco-israélienne pour la recherche industrielle et l'innovation (AFIRII) la coopération s'est ouverte sur la recherche appliquée et encourage notamment des partenariats technologiques entre petites et moyennes industries françaises et israéliennes.

Le ministre de la science et de la technologie, M. Zeev Begin, aujourd'hui démissionnaire, a confirmé à votre délégation tout l'intérêt qu'il accordait à la coopération entre nos deux pays. Toutefois, il ne faut pas se le dissimuler, Israël s'interroge désormais sur ses contributions financières dans le cadre de la coopération bilatérale au moment où sa participation au quatrième programme de recherche de l'Union européenne devrait s'élever à 30 millions d'écus.

. La coopération militaire

La coopération militaire peut se prévaloir d'un riche passé. Depuis 1967, elle a perdu sa substance alors même qu'elle demeure pour les Israéliens le véritable critère d'une confiance mutuelle.

Les deux partenaires ont renoué un dialogue dans un cadre officiel depuis 1994 avec des rencontres semestrielles. Les points de convergence ne manquent pas. En particulier, Israël a paraphé en septembre dernier le traité d'interdiction complète des essais nucléaires et donné ainsi un gage en faveur de l'apaisement des tensions régionales.

b) Des échanges économiques encore trop modestes

Si nos échanges commerciaux paraissent en retrait par rapport aux relations nouées entre Israël et ses autres partenaires économiques, les investisseurs français ont montré ces deux dernières années un mouvement d'intérêt pour le marché israélien.

Les exportations françaises en Israël se sont stabilisées autour de 5,6 milliards de francs. Nos entreprises n'ont pas encore pris la mesure d'un marché dynamique, notre deuxième débouché au Proche-Orient (derrière l'Arabie Saoudite) mais le premier en termes de solvabilité , où nous avons enregistré un excédent de 1,9 milliards de francs en 1995.

En effet, la part de la France dans les importations israéliennes ne dépasse pas 5 % - si l'on exclut le commerce très spécifique de diamants-. Notre pays se classe ainsi au cinquième rang des fournisseurs derrière les Etats-Unis (21,7 %), l'Allemagne (12,4 %), l'Italie (9,4 %) et le Royaume-Uni (8 %).

Nos investissements apparaissent également en net retrait par rapport aux autres partenaires d'Israël. En 1995 et sur le premier semestre 1996, les sociétés françaises n'ont investi que 50 millions de dollars contre 200 millions pour les entreprises allemandes... et 2 milliards pour les groupes américains. Cependant l'intérêt pour le marché israélien s'est aiguisé comme peut en témoigner l' augmentation du nombre de nouvelles délégations ou bureaux de représentation passés de 10 à 38 depuis 1995 . Plusieurs exemples illustrent l'intensification des relations économiques : GEC Alsthom , après avoir remporté plusieurs contrats d'équipements de centrales, de sous-stations électriques et de matériel ferroviaire, participera - ainsi que d'autres entreprises françaises - aux appels d'offre pour le métro de Tel-Aviv et les lignes ferroviaires. Par ailleurs, France Telecom paraît bien placé pour obtenir la licence de communications internationales dans le cadre de la dérégulation des télécommunications. La Lyonnaise des Eaux comme la Compagnie générale des Eaux préparent plusieurs projets d'investissement dans le domaine du traitement et de la distribution de l'eau.

Sans doute le développement de nos investissements en Israël passerait-il aujourd'hui par une présence plus active des PME françaises innovantes sur un marché dont le potentiel demeure ignoré.

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