CHAPITRE III

LA NÉCESSITÉ DE DÉFINIR
DE NOUVELLES PERSPECTIVES

La Nouvelle-Calédonie est entrée, à l'automne 1995, à l'initiative du gouvernement, dans une phase de réflexion institutionnelle. Les partenaires des accords de Matignon sont conscients du risque de nouvelle fracture présenté par le référendum d'autodétermination, dont le statut en vigueur prévoit la tenue en 1998, et ont manifesté leur intention de se mettre d'accord sur une alternative visant à pérenniser la période de paix civile initiée voici près de dix ans (lire la conclusion ci-après).

En outre, le Haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie a reçu mission d'instituer, avec les responsables du Territoire et des provinces, une commission du rééquilibrage et du développement chargée d'identifier les dossiers prioritaires et de coordonner les efforts de l'ensemble des acteurs du développement.

Cette commission a été installée le 13 décembre 1995 et huit groupes de travail ont été constitués sur les thèmes suivants :

- éducation ;

- emploi et formation ;

- logement ;

- développement touristique ;

- transport ;

- économie minière ;

- énergie ;

- économie régionale et développement.

Le présent rapport ne saurait atteindre une exhaustivité à laquelle pourront seuls prétendre les travaux de la commission du rééquilibrage et du développement . Du moins est-il en mesure d'avancer quelques pistes de réflexion dans la voie d'une relance de l'objectif de rééquilibrage prévu par les accords de Matignon.

Face à l'essoufflement aujourd'hui constaté, l'ordre des priorités paraît devoir être le suivant :

- Donner à l'investissement privé les moyens de prendre le relais du public.

- Gérer les infrastructures nées des accords de Matignon en précisant la portée des textes et en redéfinissant les compétences sans remettre en cause l'acquis de la "provincialisation".

- S'agissant enfin des moyens financiers, maintenir à niveau l'effort de l'Etat tout en le redéployant au profit de quelques actions ciblées et moderniser la fiscalité du Territoire.

I. DONNER À L'INVESTISSEMENT PRIVÉ LES MOYENS DE PRENDRE LE RELAIS DU PUBLIC

Les potentialités économiques de la Nouvelle-Calédonie ne sont plus à démontrer. Le territoire, à la différence d'autres collectivités d'outre-mer, a, sans aucun doute, la faculté de minorer la part de transferts publics dans la formation de sa production intérieure brute.

Il apparaît ainsi possible de donner à l'investissement privé les moyens de prendre le relais du secteur public :

- Par une action directe : en dotant enfin le nord de la Grande Terre de l'équipement industriel susceptible de créer un effet d'entraînement sur l'ensemble de l'économie locale, sans pour autant négliger la recherche fine de gisements de micro-investissements.

- Par une action sur l'environnement : en mettant un terme à l'éparpillement des initiatives publiques tout en tenant compte de la structure sociale mélanésienne.

A. PROMOUVOIR LE DÉVELOPPEMENT D'ÉQUIPEMENTS STRUCTURANTS : L'INDISPENSABLE CRÉATION D'UNE USINE DE TRAITEMENT DU NICKEL EN PROVINCE NORD

Nécessité de mieux valoriser le nickel sur le sol calédonien ; urgence d'impulser un nouvel élan à la politique de rééquilibrage en fixant les populations et en conférant à la brousse et aux îles la " masse critique " qui leur fait si cruellement défaut : deux motifs majeurs militent pour la création d'une usine de traitement du minerai du nickel en province Nord.

Tout à tour " Serpent de mer " ou " seul espoir de développement " de la partie septentrionale de la Grande Terre, l'usine du nord suscite depuis le début des années 1970 passions, mais aussi dépits et rancoeurs.

Il appartient au gouvernement de M. Alain Juppé d'avoir compris que cette infrastructure était à tout point de vue vitale pour assurer sur des bases fermes la stabilité du territoire. Votre rapporteur spécial lui-même a tenu, lors de son déplacement au mois de septembre 1996, à rappeler les termes très fermes de cet engagement et a indiqué publiquement qu'il devait recevoir l'approbation de la Représentation nationale.

Cependant, l'incapacité de l'Etat à se doter, au début des années 1990, des instruments qui lui auraient permis d'imposer le choix exprimé par M. Juppé continue de peser sur la définition des modalités pratiques de réalisation du projet d'usine du nord.

En outre, pour incontournable qu'il soit, ce projet ne produira d'effets qu'à moyen terme et l'Etat devra constamment veiller à ce que la solution qui se dessine aujourd'hui avec l'accord entre la SMSP et le canadien Falconbridge demeure conforme à l'intérêt général.

1. Un engagement fort de l'Etat

Recevant les partenaires politiques calédoniens le 18 avril 1996, le Premier ministre, M. Alain Juppé, a exprimé " la nécessité d'en engagement nouveau au service du rééquilibrage de la Nouvelle-Calédonie qui doit être conçu et traité comme l'objectif central de la politique du développement ".

" Dans cette optique, -a-t-il ajouté- la priorité doit être de rechercher des grands projets d'infrastructures économiques capables d'avoir un impact important en termes de développement. ".

Plaçant le projet d'usine du nord au centre de cette stratégie, il a affirmé : " Les éléments dont dispose désormais le gouvernement sur ce projet attestent de son sérieux. Dès lors, le gouvernement apporte sans ambiguïté un plein soutien à cette entreprise. Ce soutien ne peut pas être purement formel. Il devra nécessairement s'accompagner de la prise en compte de diverses nécessités en termes d'équipements et d'infrastructures publiques. "

Parmi ces équipements et infrastructures publiques figure, même s'il n'est pas expressément cité, le port en eau profonde qui sera indispensable aux minéraliers et aux bateaux assurant le transport des produits transformés.

Le Premier ministre a évoqué en termes précis, en revanche, la nécessité de prêter une attention particulière au secteur énergétique, fixant deux orientations :

- " le doublement rapide des capacités de production de la centrale thermique de Népoui" ;

- " la réalisation d'un programme d'équipement hydroélectrique en province Nord qui amènera au système énergétique calédonien un surcroît de capacité et un surcroît d'indépendance. "

Toujours dans son intervention du 18 avril 1996, M. Alain Juppé précisait enfin que le projet de création d'une usine de traitement du nickel dans le nord appellerait " de la part de la puissance publique, des arbitrages relatifs à l'utilisation du domaine minier car, très légitimement, les investisseurs potentiels demandent des garanties d'approvisionnement sur une durée compatible avec l'amortissement de leur investissement. "

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