2. Des progrès mesurés dans les autres domaines

a) Le renforcement de la dimension sociale et humaine

· Le nouveau chapitre sur l'emploi, principalement destiné à montrer que cette préoccupation centrale des opinions publiques a été prise en compte, n'ouvre pas la voie à un transfert à l'échelon communautaire de la politique de l'emploi -transfert dont on voit mal, au demeurant, quelle valeur ajoutée il ajouterait en lui-même à l'efficacité de la lutte contre le chômage.

Il est en réalité de l'intérêt de l'Union que la politique de l'emploi soit menée à l'échelon national. Les résultats de la politique menée par chaque Etat sont mutatis mutandis un enseignement pour tous les autres ; il y aurait beaucoup moins d'enseignements à tirer des résultats d'une politique de l'emploi unique. En outre, les conséquences néfastes d'une politique erronée seraient plus graves si celle-ci affectait simultanément l'ensemble des marchés du travail en Europe. Enfin, il est nécessaire d'avoir des politiques tenant compte des caractéristiques propres à chaque marché du travail.

C'est donc à juste titre que les nouvelles dispositions sur l'emploi ne prévoient pas de mécanisme contraignant pour les Etats membres, mais seulement une coordination pouvant déboucher sur des recommandations ou des incitations. Les gouvernements pourront trouver dans ce dispositif un appui pour faire accepter aux opinions publiques certaines évolutions.

· L'intégration au traité du protocole social, qui consacre la fin de l'" exception britannique " dans ce domaine, est un point positif. Les prescriptions minimales qui sont de la compétence de la Communauté ont pour raison d'être d'éviter un " dumping social " entre les Etats membres : elles ne prennent tout leur intérêt que si tous les appliquent.

· La meilleure prise en compte des droits sociaux dans les articles définissant les principes de base de la Communauté doit également être soulignée, même si les conséquences concrètes sur les politiques menées en seront vraisemblablement réduites.

· Enfin, le renforcement de la dimension sociale et humaine s'est traduit par l'acceptation de certaines demandes de la France. Il en est ainsi de la reconnaissance plus explicite de la nécessité de permettre aux " services d'intérêt général " d'être en mesure d' " accomplir leurs missions " . Il en est de même des dispositions prévoyant des " mesures spécifiques " pour les régions ultrapériphériques.

En revanche, la déclaration concernant les Pays et territoires d'Outre-mer est des plus décevantes, puisqu'elle prévoit un simple réexamen du régime d'association, alors que cette formule n'est manifestement plus adaptée à la situation de ces territoires, dont les problèmes spécifiques appelleraient une révision du traité lui-même.

b) Une réforme limitée des piliers intergouvernementaux

· Le traité d'Amsterdam apporte certains progrès dans la définition d'un cadre pour la PESC : l'introduction du vote à la majorité qualifiée au stade des mesures d'application (sous réserve du droit de veto de chaque Etat pour des " raisons de politique nationale importantes "), et celle de l'" abstention constructive " permettant à un Etat membre de se dissocier d'une action qu'il n'entend pas pour autant bloquer, sont autant d'éléments de souplesse supplémentaires.

Le nouveau système de représentation extérieure de l'Union paraît plus rationnel que la formule de la " troïka " et plus à même de favoriser une certaine crédibilité.

Le changement de statut du secrétaire général du Conseil, qui aura désormais dans ses attributions le rôle de Haut représentant pour la PESC et aura sous sa responsabilité l'" unité de planification et d'alerte rapide " dont le traité prévoit la création, répond partiellement à la demande française de renforcement de la cohérence, de la continuité et de la " visibilité " de la PESC d'une manière conforme au caractère intergouvernemental de cette politique.

Néanmoins, la portée de ces dispositions nouvelles ne doit pas être surestimée.

L'amélioration des " outils " de la PESC ne saurait, à elle seule, favoriser l'affirmation de l'Union sur la scène internationale dès lors qu'une volonté politique en ce sens n'est pas réellement partagée par les Etats membres. Or, le refus de l'intégration de l'UEO dans l'Union, comme celui de donner clairement un profil " politique " au Haut représentant, suggèrent que le chemin qui reste à faire est plus important que le chemin parcouru.

Par ailleurs, le droit de regard accordé au Parlement européen sur les dépenses de la PESC altère la cohérence du dispositif et risque d'associer bien inutilement cette politique d'essence intergouvernementale aux incertitudes institutionnelles qui caractérisent aujourd'hui la Communauté.

· La réforme du troisième pilier peut paraître assez éloignée de l'objectif initialement assigné à la CIG de parvenir à des mécanismes permettant de lutter plus efficacement contre la délinquance internationale.

Le transfert dans le premier pilier d'une partie des questions relevant du troisième pilier -notamment la libre circulation des personnes, l'asile, l'immigration, la coopération judiciaire en matière civile- s'effectue certes dans le respect des conditions essentielles posées par la France, notamment en ce qui concerne le maintien intégral de l'" acquis Schengen ".

Toutefois, des raisons d'efficacité avaient été présentées comme la principale justification de ce transfert. Or, la règle de l'unanimité est maintenue pour les cinq années suivant l'entrée en vigueur du traité, et son abandon partiel ou total à l'issue de cette période suppose une décision unanime du Conseil (6( * )) . En outre, le traité est ainsi rédigé, sur ce point, qu'un passage à la majorité qualifiée s'accompagne nécessairement d'un pouvoir de codécision pour le Parlement européen. Il n'est pas certain, dès lors, que le passage à la majorité qualifiée puisse être le gage d'une efficacité accrue et l'on peut penser que certains Etats membres hésiteront d'autant plus à abandonner, le moment venu, la règle de l'unanimité.

La réforme du troisième pilier " maintenu " contient des aspects positifs, en particulier l'élargissement des objectifs de la coopération en matière pénale, l'assouplissement du régime des conventions et l'introduction de la possibilité d'adopter des " décisions-cadres " portant sur le rapprochement des législations et réglementations.

Cependant, la CIG n'a pas donné satisfaction à la demande formulée par la France d'introduire le vote à la majorité qualifiée pour instaurer des règles minimales relatives aux éléments constitutifs des infractions pénales et aux sanctions applicables dans les domaines de la criminalité organisée, du terrorisme et du trafic de drogue. On peut craindre, dans ces conditions, que les nouvelles dispositions n'apportent pas à la coopération dans ces domaines le " saut qualitatif " dans l'efficacité qui serait nécessaire face au développement de la criminalité transfrontière.

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