2. L'institution d'un timbre unique et la " postalisation " du pays

Alors que la poste est organisée sur une base nationale dès le début du XVIIe siècle, l'unification tarifaire opérée par la création du timbre poste ne date que du milieu du XIXe siècle.

Hormis dans les villes ou la création des " petites postes " a permis le développement du billet de port payé, le système d'affranchissement reste particulièrement archaïque avant l'invention du timbre. Il repose, en effet, sur le paiement du port par le destinataire et non pas par l'expéditeur.

Du coup, le service postal est d'un prix très élevé et se trouve réservé, eu égard au revenu moyen de l'époque, à une infime minorité de personnes qui doivent prendre soin d'indiquer sur l'envoi le prix qui serait payé au porteur de la lettre. C'est pourquoi Malherbe écrit, en 1621, à l'un de ses correspondants : " Ne craignez point, s'il vous plaît, quand vous prendrez la peine de m'escrire de charger les lettres de port, afin que les porteurs soient plus curieux de les rendre " 13( * )

Lorsqu'elle est émise, au début du XIXè siècle, l'idée d'abaisser le prix du port des lettres, afin d'en faire bénéficier, sans distinction, tous les usagers dans un espace postal unique, semble proprement révolutionnaire. Elle l'apparaît d'autant plus que ses promoteurs estiment qu'un accroissement du trafic résultera de la diminution du tarif. La suite prouve l'exactitude de ces vues novatrices.

En 1839, les postes britanniques adoptent le système de l'affranchissement préalable moyennant une importante diminution du prix du port. Cette réforme a pour conséquence d'accroître substantiellement le volume de la correspondance échangée. Longuement étudiée en France, suscitant la réticence du ministère de Finances qui considère la ressource postale comme une recette fiscale, une réforme analogue n'est introduite dans notre pays qu'au début de la seconde République, à la suite d'une initiative d'Arago, en tant que membre du gouvernement provisoire, en 1848.

Le tarif de la lettre simple, quelle que soit la distance, est fixé à 20 centimes pour une lettre de moins de 15 grammes. Sans être alors, à proprement parler un article de luxe, le timbre poste est cher pour la plupart des Français : un manoeuvre gagne à cette époque entre deux et trois francs par jour, un maçon environ 5 francs par jour !

Le premier timbre français représente Cérès, le front orné d'épis de blé, de feuilles de vignes et d'olivier. On choisit en quelque sorte, dans une France largement rurale, de placer le transport des lettres sous l'invocation de la déesse de la terre, preuve symbolique que, dans l'esprit de l'époque poste, et ruralité sont intimement liées. La moisson postale qui en résulte est fructueuse : en un an, le trafic des lettres passe de 122 à 158 millions.

Dans les faits, le timbre unique emporte aussi une conséquence qui est depuis un socle de notre organisation postale : la péréquation tarifaire entre tous les usagers du service postal. Aucun gouvernement n'est ensuite revenu sur cette règle posée par la République qui assure l'existence d'un territoire postalement unifié et traduit l'unité de la Nation.

Parallèlement à cette innovation radicale, le maillage postal des campagnes se poursuit. Cette grande oeuvre de la seconde moitié du XIXe siècle modèle, aujourd'hui encore, le visage de La Poste française. En effet, c'est à cette époque où plus des deux tiers de la population résident en zone rurale que l'on crée véritablement le réseau postal national. A peu de choses près, la carte des actuels points postaux ruraux est le décalque de celle du début de ce siècle.

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