2. Au demeurant rien ne la justifie

La proposition avancée par certains de création d'une banque postale peut également s'expliquer par leur souhait de soumettre les services financiers de La Poste aux mêmes règles que celles régissant le secteur bancaire.

C'est oublier que ces services financiers connaissent leurs contraintes propres. En effet, si les services financiers de La Poste bénéficient incontestablement d'un certain nombre d'avantages liés à certaines spécificités, ils sont à l'inverse soumis à des charges et obligations que n'ont pas à supporter leurs concurrents.

a) Les charges imposées à La Poste par l'État

Il suffit, à cet égard, de rappeler :

- la mission d'aménagement et de desserte du territoire, qui implique la présence des services financiers de La Poste dans des zones dans lesquelles les banques ne sont pas tenues d'exercer leur activité, puisqu'elles jouissent d'une totale liberté d'implantation ;

- le statut public du personnel, qui impose à La Poste d'assurer le financement intégral des pensions de retraite servies à ses anciens agents, ce qui engendre des charges plus lourdes que celles pesant à cet égard sur les établissements bancaires. Il en résulte, pour l'entreprise publique, un surcoût de 30 % de sa masse salariale.

b) Les spécificités de fonctionnement du circuit financier concerné

L'absence d'assujettissement de La Poste au respect des ratios bancaires est logique dans la mesure où elle n'est pas soumise à la loi bancaire de 1984 211( * ) .

L'évocation des principaux ratios bancaires n'est cependant pas inutile, même si elle est un peu technique, pour montrer que leur application à La Poste ne serait en tout état de cause pas adéquate.

Le premier d'entre eux, et le principal, est le ratio Cooke, qui rapporte les fonds propres aux crédits accordés. Le deuxième ratio concerne la division des risques, qui est établi pour éviter une trop forte concentration de l'activité sur quelques clients. Un troisième ratio montre l'équilibre des ressources (c'est-à-dire les dépôts) et des emplois (les crédits).

Dès lors que tous ces ratios sont basés sur les crédits et que La Poste n'est pas autorisée -en vertu de la loi de 1990- à exercer d'autre activité de crédit que les prêts immobiliers avec épargne préalable, n'est-il pas paradoxal de lui reprocher de ne pas appliquer ces ratios qui, pour la partie prêts d'épargne logement et complémentaires sont naturellement à la charge de la Caisse Nationale d'Epargne, propriété de l'Etat ?

S'agissant cette fois du coefficient de liquidité, dont le respect est imposé aux banques dans le but de leur permettre de faire face aux échéances de dépôts et de prévenir une crise de trésorerie, ce ratio n'a bien entendu pas la même valeur pour La Poste puisque l'ensemble de ses dépôts est centralisé à la Caisse des Dépôts et Consignations ou au Trésor. En réalité, dans ces conditions, La Poste se verrait imposer une " sur-liquidité ", correspondant à un coefficient de liquidité de 475 %, alors qu'il est de 100 % pour les banques.

Par ailleurs, pour ce qui concerne l'activité commerciale, La Poste est soumise à une contrainte spécifique : elle doit obtenir, outre les autorisations réglementaires, l'accord de ses autorités de tutelle préalablement au lancement d'un nouveau produit .

La force de cette contrainte a d'ailleurs été démontrée en 1995, quand à la suite de l'instauration des prêts immobiliers à taux zéro, elle a souhaité distribuer ce type de produit. Sa tutelle ne l'y a autorisée que sous réserve du respect de conditions draconiennes (accord de partenariat avec des établissements de crédit spécialisés dans l'immobilier). La même démonstration avait d'ailleurs été forte, quand, en 1992, peu de temps avant la sortie de son produit " libertitude " permettant une rémunération de la trésorerie des comptes courants. La Poste avait du annuler toute l'opération à la demande du Gouvernement.

Au total, les particularismes de l'entreprise publique emportent un certain nombre de désavantages dont doivent avoir conscience ceux qui dénoncent les avantages spécifiques dont elle bénéficierait en termes de concurrence et qui justifieraient la création d'une banque postale.

On l'a dit, une telle solution ne saurait être choisie. On ne saurait toutefois ignorer les légitimes préoccupations des concurrents financiers de La Poste qui souhaitent que la compétition soit loyale et s'exerce dans le respect des règles en la matière. A cet égard, il faut rappeler que, dans son avis du 25 juin 1996, le Conseil de la Concurrence n'a aucunement contesté le principe de l'exercice par La Poste d'activités concurrentielles, et en particulier des services financiers, pour autant cependant que les conditions permettant d'assurer le respect des règles de concurrence soient mises en oeuvre.

Dans ces conditions, La Poste devra mettre en oeuvre tous les moyens permettant d'établir une comptabilité analytique invulnérable.

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