2. .... aux pieds d'argile

Ces handicaps et fragilités résultent de deux spécificités du système postal américain, fruit de son histoire : le statut hybride de l'USPS et le poids du facteur social dans cette entreprise.

a) Un statut hybride

Element clé du développement des communications aux Etats-Unis, la poste américaine s'est développée au rythme de la conquête des territoires de l'Ouest.

Le premier Postmaster General des Etats-Unis fut Benjamin Franklin. Ce lien historique n'est pas neutre pour l'USPS puisque le célèbre constituant a fait intégrer le service postal dans la Constitution américaine (à l'Article 1er, section 8) : " Le Congrès aura le pouvoir de lever l'impôt [...], d'établir des bureaux et des routes de poste ".

Ceci explique le fort intérêt que les pouvoirs publics américains ont traditionnellement porté à l'évolution du système postal. C'est ainsi que, jusqu'en 1970 , le Gouvernement nommait le Post master général et les autres dirigeants de l'USPS, fixait les tarifs postaux, et les représentants nommaient les chefs des bureaux de poste.

D'après les personnalités rencontrées par votre rapporteur au cours de sa mission aux États-Unis, cette situation n'était pas sans poser de problèmes. C'est ainsi, par exemple, que les bureaux en milieu rural avaient été parfois exagérément multipliés sous la pression politique. Conscients que l'importante implication des hommes politiques dans l'organisation et la gestion de la poste pouvait être rendue responsable de certains effets pervers du système, les élus eux-mêmes ont souhaité rendre le dossier postal moins dépendant des enjeux politiques. Ceci a amené le Congrès à voter, en 1970, la loi de réorganisation postale , dont l'objectif était de rapprocher l'USPS du modèle du secteur privé, tout en maintenant son caractère d'organisation gouvernementale.

La poste américaine a, ainsi, acquis une certaine autonomie , puisqu'elle est devenue un " établissement indépendant " rattaché à l'Etat, c'est-à-dire une agence fédérale ou -si l'on traduit ce concept en droit français- un établissement public.

En tant qu'établissement indépendant, l'USPS n'est plus tenue de respecter certaines règles en matière de contrats, biens, travaux... et est donc dispensée des contrôles qui en découlent. Elle peut, par ailleurs, emprunter auprès du grand public en émettant ses propres titres. L'Etat lui a donné les moyens d'agir de telle sorte qu'elle satisfasse les besoins postaux des Etats-Unis avec l'efficacité d'une entreprise. Mais elle demeure un établissement rattaché à l'Etat, dans la mesure où elle continue d'assurer ses missions d'intérêt général.

L'entreprise est dirigée par un Conseil d'administration de 11 membres, dont 9 sont nommés par le Président des Etats-Unis sur approbation du Sénat américain. Ce Conseil a le pouvoir de choisir en son sein, de nommer et de révoquer le " Postmaster general " qui met en oeuvre la politique postale et qui est, depuis 1993, également président directeur-général de la poste.

L'autonomie dont bénéficie l'USPS trouve cependant ses limites avec l'étroite et double tutelle du Congrès, d'une part, et de la Commission des tarifs postaux ( " Postal Rate Commission "), d'autre part . Soulignons que tant le Sénat que la Chambre des représentants, disposent d'une commission chargée de la poste et de la fonction publique.

En effet, la poste doit, dans un rapport annuel, rendre compte au Congrès de l'ensemble des opérations postales et, de facto, de la façon dont elle remplit sa mission.

La Postal Rate Commission est un organisme indépendant, créé par la loi de 1970, qui comprend cinq membres nommés par le Président des Etats-Unis sur approbation du Sénat. Elle assure la tutelle tarifaire et financière . Elle donne son avis sur les augmentations de tarifs postaux proposées par le Conseil d'administration.

Cette procédure s'avère très lourde : un an de préparation par l'USPS d'un dossier de plus de dix mètres de haut ; dix mois d'instruction par la Commission, pour aboutir à une décision qui ne pèsera pas moins de 1.000 pages et aura occupé 50 employés ! Au pays qui fait de l'efficacité sa devise, cela laisse rêveur...

Se déroule alors, en effet, un processus juridique proche des procédures judiciaires, assorties d'auditions publiques auxquelles participent les concurrents, les clients, des experts, etc...

Les principes applicables sont, d'une part, que les recettes de l'USPS doivent lui permettre de couvrir ses charges, et, d'autre part, que le prix de chaque catégorie de courrier 245( * ) doit couvrir ses coûts directs et indirects, les subventions croisées étant donc interdites.

Mais, le jeu des groupes d'intérêt interfère avec la stricte application de ces règles. C'est ainsi par exemple que les entreprises de presse fortement financées par la publicité voient en l'USPS un concurrent en ce domaine et n'encouragent par conséquent pas sa compétitivité.

Les Etats-Unis sont le seul pays à confier à une commission indépendante le soin de fixer les tarifs postaux . Cette spécificité est liée à l'histoire américaine et à l'enjeu très politique du secteur postal, objet des " lobbyes " dès le début de la République, alors que le transport gratuit des journaux était fondamental pour relier l'ensemble du territoire.

Sur le plan purement institutionnel, on trouve d'ailleurs là l'unique exemple d'une agence gouvernementale dont la principale fonction est de fixer le prix des activités d'une autre entité gouvernementale , sans parler des problèmes de confidentialité d'une telle procédure à l'égard de la concurrence.

Cette commission a également vocation à décider des éventuelles fermetures de bureaux de poste . Mais, ici aussi, la lourdeur et l'inertie sévissent et l'USPS doit parfois consacrer 2 ou 3 ans d'efforts pour lui prouver que toutes les obligations en la matière ont été remplies.

La Postal Rate Commission a récemment émis le souhait que les tarifs de chaque catégorie de courrier couvrent les coûts réels et a autorisé l'USPS a emprunter en émettant ses propres titres obligataires.

L'autonomie de l'USPS se trouve donc bridée par une tutelle sévère. La rigidité de ce statut entrave sa politique commerciale. L'absence de maîtrise de ses tarifs par la poste américaine constitue son premier handicap. Le second, mais non le moindre, résulte d'erreurs de management qui ont aggravé le poids des charges de fonctionnement.

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