B. UNE DIRECTIVE QUI ORGANISE UNE OUVERTURE PROGRESSIVE DU MARCHÉ POSTAL EUROPÉEN

L'accord sur la proposition de directive conclu par le Conseil des ministres européens le 18 décembre 1996 représente une étape essentielle dans la réalisation du marché intérieur postal, tant grâce à l'adoption d'un cadre juridique équilibré pour le secteur postal que de l'affirmation du principe d'une ouverture progressive -mais inéluctable- de ce dernier.

1. Un cadre juridique équilibré

Le projet de directive, qui devrait être définitivement adopté par le Conseil d'ici la fin de l'année 1997, décline le concept communautaire de " service universel ", qu'il définit pour le secteur postal et dont il encadre les modalités de financement, tout en laissant une marge d'appréciation à chaque État membre pour sa mise en oeuvre.

a) Service public français et service universel européen : deux notions différentes mais convergentes

Le droit européen ne connaît pas la notion de service public qui imprègne des pans importants de notre culture juridique et alimente nombre de nos débats de société. C'est un fait !

Cela ne signifie pas pour autant, contrairement à ce que d'aucuns ont pu ou peuvent prétendre, qu'il soit imperméable aux implications sociales qui, en France, découlent de la mise en oeuvre de cette notion. Bien au contraire : le concept de service universel qu'il a élaboré en s'inspirant de certains modèles anglo-saxons recouvre presque trait pour trait ce qui dans la théorie du service public, correspond à l'exigence d'assurer à la population certaines prestations d'intérêt général.

Force est en effet de reconnaître que, tant dans son sens juridique que dans sa compréhension populaire, l'expression service public est si complexe qu'elle est d'utilisation exclusivement française. Ceci s'explique par le fait que cette locution est polysémique et qu'elle sert, tout à la fois, à désigner un type d'organisation, un régime juridique particulier, des modalités spécifiques de fonctionnement économique, voire même d'emploi des personnels, et des prestations d'intérêt général assurées à la population, étant observé -pour ajouter à la confusion- que le contenu de ces prestations tend à évoluer avec le progrès technique.

Comme le faisait fort justement observer le rapport de la commission sur les services publics qu'a présidée M. Christian Stoffaës 103( * ) : " Plutôt qu'un concept, le service public est une notion composite et englobante dont la simplicité jette une trompeuse clarté. Elle amalgame des registres d'argumentation distincts, au point d'être invoquée dans les débats politiques et sociaux pour légitimer des points de vue divers, parfois contradictoires ".

Si service public et service universel n'ont pas la même signification c'est sans doute, certes, parce que les prestations assurées par le premier sont plus étendues que celles englobées par le second, mais c'est surtout parce que le service universel , tel que le conçoit l'Union européenne, est quasiment indifférent aux conditions dans lesquelles les prestations d'intérêt général sont rendues aux habitants d'un pays . Une obligation de service universel emporte une obligation de délivrance des prestations définies comme relevant de ce type de service. Dès lors que ces prestations sont assurées dans le respect des règles du droit de l'Union, la qualité publique ou privée du prestataire, le statut de ses employés, l'organisation du service et même son économie générale n'ont guère d'importance.

En revanche, dans le cadre du service public, on considère habituellement que les prestations d'intérêt général doivent, sauf à encourir le risque d'être dénaturées, être assurées par une personne publique de préférence contrôlée par l'État -ou à défaut par une personne privée habilitée par la puissance publique- dans des conditions dérogatoires au droit commun. Il existe à Paris une " mystique " républicaine du service public qui ne se retrouve d'aucune manière dans les conceptions utilitaristes développées à Bruxelles.

Les deux notions ne coïncident donc pas puisque l'une est indifférente aux moyens employés pour atteindre des objectifs donnés (le service universel), alors que l'autre tend à considérer que la poursuite des mêmes objectifs exige le recours à des moyens spécifiques (le service public). Dans un cas, seuls comptent les résultats ; dans l'autre, les moyens employés leur sont indissociablement liés. 104( * )

Mais sous prétexte que les deux notions diffèrent, il serait totalement erroné d'affirmer qu'elles sont antagoniques. L'une comme l'autre ne sont-elles pas fondées sur un même postulat, à savoir qu'un État se doit d'offrir aux personnes vivant sur son territoire des services économiques ou sociaux à des conditions financières qui en permettent l'accès au plus grand nombre, et que ceci est un gage de l'effectivité de la solidarité collective ?

A preuve de cette absence de divergence sur l'essentiel, dans notre pays, France Télécom -opérateur public- a vocation à assurer seul, à compter du 1er janvier 1998, un service universel des télécommunications de haut niveau qui est l'élément majeur, certes, mais l'un des éléments seulement du service public des télécommunications (article L.34-8 du code des postes et télécommunications issu de l'article 6 de la loi du 26 juillet 1996 précitée) 105( * ) .

Ailleurs en Europe, le service universel des télécommunications est assez souvent défini de manière moins ambitieuse, il est rarement confié à un seul opérateur et souvent, il peut être assuré par des opérateurs privés soit dans un cadre concurrentiel national, soit dans le cadre de licences régionales exclusives.

N'est-ce pas la démonstration flagrante, n'en déplaise à toutes les Cassandre du catastrophisme, que loin de s'opposer, le service public à la française et le service universel à la mode bruxelloise peuvent, si on en a la volonté, se conjuguer harmonieusement ?

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