2. La responsabilisation des prêteurs

Au cours de leurs auditions, vos rapporteurs ont constaté, de la part de certains établissements de crédit, non seulement un laxisme parfois inquiétant, mais également des irrégularités à la loi.

Le laxisme concerne trois domaines : les accords de prêts, la publicité sur les offres de crédit et la formation des vendeurs jouant le rôle de prescripteur.

A de nombreuses reprises, le groupe de travail a pu constater la multitude de prêts contenus dans certains dossiers déposés auprès des commissions de surendettement. Il s'est demandé à chaque fois si les derniers prêteurs n'avaient pas manifestement fait preuve d'une trop grande légèreté dans l'octroi des crédits, attitude méritant d'être sanctionnée. Or, lorsque cette question est évoquée devant ces établissements, ils se retranchent toujours derrière le caractère déclaratif des informations fournies par les demandeurs de crédit pour nier leur responsabilité. Dans le même temps, ils sont hostiles à la création d'un fichier positif, qui permettrait de connaître avec précision l'état d'endettement de chaque client.

En outre, le groupe de travail a remarqué que certains établissements de crédit avaient autorisé des clients à accumuler plusieurs crédits, contribuant ainsi à les enfoncer dans le surendettement. L'article 12 de la loi Neiertz prévoit bien que les prêteurs peuvent être traités différemment suivant les précautions dont ils ont entouré l'octroi du crédit. Mais l'expérience montre que la preuve que le prêteur avait une connaissance exacte de la situation de l'emprunteur et qu'il a néanmoins pris un risque inconsidéré méritant sanction est très difficile à établir.

Le groupe de travail s'alarme également de certaines publicités concernant le crédit à la consommation qui donnent l'impression qu'il est possible d'emprunter de l'argent sans jamais avoir à le rembourser. Ce constat vaut particulièrement pour les crédits permanents, puisque l'emprunteur reconstitue peu à peu sa réserve de crédit avant même d'avoir remboursé intégralement le crédit précédent. L'emprunteur perd ainsi tout repère et le principe de la réalité du remboursement est relégué au second plan. A cet égard, vos rapporteurs regrettent que les mentions obligatoires dans toute publicité sur les crédits manquent très souvent de clarté, soit parce que leur formulation prête à confusion, soit parce que la police d'écriture choisie les rend pratiquement illisibles. Il souhaite donc que ces publicités de nature à induire en erreur le consommateur soient plus souvent sanctionnées.

En outre, le groupe de travail a constaté une grande disparité dans l'attitude des établissements de crédit vis-à-vis des vendeurs. La plupart des crédits à la consommation se caractérisent par le fait que ceux qui les proposent, à savoir les vendeurs, ne sont pas ceux qui les financent (les établissements de crédit). Or, si certains établissements de crédit veillent à la formation continue des vendeurs, les responsabilisent et contrôlent leurs actions par des inspections surprise, d'autres se désintéressent totalement des conditions dans lesquelles le contrat est signé, alors même que leur crédibilité est en jeu.

Plus grave encore, le groupe de travail a été informé de certaines irrégularités commises par les établissements de crédit, qui concernent les cautions et l'inscription au FICP. La loi Neiertz dispose dans son article 19 que " toute personne physique qui s'est portée caution à l'occasion d'une opération de crédit relevant de la présente loi doit être informée par l'établissement prêteur de la défaillance du débiteur principal dès le premier incident de paiement caractérisé susceptible d'inscription au fichier " (FICP). En outre, " un établissement de crédit ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne permette de faire face à son obligation . " Or, ces dispositions ne sont pas toujours respectées.

Par ailleurs, le groupe de travail a appris que certaines banques, au lieu d'inscrire leurs clients au FICP, leur donnaient un nouveau crédit en comptant sur l'amélioration de leur situation dans les mois qui suivent. Une telle pratique va à l'encontre des dispositions légales régissant le FICP.

De plus, certains établissements de crédit subordonnent le remboursement par anticipation à un préavis de trois mois. Le groupe de travail rappelle que la loi accorde à l'emprunteur le droit de rembourser son prêt par anticipation à tout moment. Ce remboursement est entièrement gratuit pour les crédits à la consommation et payant, dans la limite d'une indemnité d'un montant maximal de 3 % du capital restant dû, pour les crédits immobiliers.

Le groupe de travail est conscient qu'un renforcement de la législation ne permettrait pas de lutter efficacement contre ce laxisme et ces violations de la loi. En revanche, si les sanctions prévues étaient appliquées systématiquement, voire renforcées, les établissements de crédit seraient plus soucieux du respect des lois : la loi Neiertz dispose ainsi que " si la caution n'est pas informée par l'établissement prêteur de la défaillance du débiteur principal dès le premier incident de paiement caractérisé, la caution ne saurait être tenue du paiement des pénalités ou intérêts de retard échus entre la date de ce premier incident et celle à laquelle elle en a été informée . "

Le groupe de travail tient cependant à attirer l'attention des établissements de crédit sur les effets dommageables de ces pratiques en terme d'image de marque. Il plaide donc pour une réflexion au sein de la profession bancaire sur l'adoption de règles déontologiques applicables à l'octroi du crédit. A cet égard, il a été informé de l'élaboration par l'Association des sociétés financières (ASF) d'un label " qualité-crédit ". Le caractère très récent de cette initiative n'a pas permis au groupe de travail d'analyser de manière approfondie le référentiel conçu par l'ASF. Il tiens cependant à saluer cette démarche constructive, tout en espérant que le perfectionnement de ce label conduira à prendre également en compte la publicité sur les offres de crédit.

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