3. Sécuriser l'accession à la propriété

Une prévention efficace du surendettement des accédants à la propriété peut passer par deux types de mesures : supprimer les distorsions artificielles entre le logement neuf et le logement ancien ; sécuriser le débiteur accédant à la propriété.

a) L'option fondamentale : supprimer la distorsion entre le neuf et l'ancien

Nos outils publics d'accession à la propriété comportent d'autant plus de risques de surendettement qu'ils orientent davantage les familles modestes vers le logement neuf . Il s'agit d'un processus immédiat d'appauvrissement : un logement neuf devient ancien à peine acquis, et par ce fait même, perd une grande partie de sa valeur.

Deux objectifs complémentaires doivent être poursuivis :

- faire en sorte que la valeur du logement soit maintenue, ou du moins qu'elle ne soit pas artificiellement réduite ;

- faciliter la fluidité du marché des logements devenus anciens.

Pour cela, il est nécessaire de ne pas orienter systématiquement la demande vers le logement neuf, de ne pas y concentrer les aides publiques, qui gonflent artificiellement les prix de l'accession sociale, et de ne pas entraver le marché du logement ancien.

Trois mesures principales peuvent être prises à cette fin.

La première consiste à étendre le prêt à taux zéro aux achats de logements anciens. Une quotité de travaux peut être envisagée, mais il faut qu'elle soit réduite pour devenir significativement plus faible que les actuels 35 % du coût de l'opération. Cette mesure permettrait aux acquéreurs de logements neufs en prêt à taux zéro de revendre leurs logements à des ménages de même condition sociale bénéficiant des mêmes avantages. Cela réduirait cet important facteur de surendettement qu'est la décote. Bien entendu, le coût budgétaire d'une telle extension nécessiterait de revoir les paramètres du prêt à taux zéro pour en réduire la subvention globale. Une réduction de la durée des différés d'amortissement les plus longs (actuellement 17 ans), un léger abaissement des plafonds de ressources sont envisageables, l'essentiel étant de ne pas réduire la portée des prêts à taux zéro comme celles des prêts d'accession à la propriété de la dernière génération. Un aménagement de son mode de financement (par exemple par la réorientation progressive des crédits de la prime d'épargne logement) 25( * ) peut également être envisagé.

Une telle mesure paraît d'autant plus urgente que la réduction d'impôt pour intérêts d'emprunt relative à l'acquisition d'une résidence principale ancienne, qui avait été prorogée jusqu'à la fin de l'année 1997, ne sera pas reconduite. Il n'existera plus, à compter de 1998, d'incitation à acquérir des logements anciens, ce qui accroîtra mécaniquement l'écart de prix avec les logements neufs, toutes choses égales par ailleurs, et appauvrira les acquéreurs de logements neufs déjà installés.

La deuxième mesure serait de réduire les taux des droits de mutation à titre onéreux. Ceux-ci, grevant lourdement les cessions de logements anciens, même très récents, occasionnent soit une baisse de leur prix, soit un allongement des délais de revente, en général un mixage des deux phénomènes. Bien entendu, un relèvement de ces droits sur les logements neufs (aujourd'hui très faibles) aboutirait au même résultat relatif, mais cette piste, néfaste pour l'ensemble de l'économie du logement, doit être abandonnée.

Actuellement, les départements ont la possibilité de décider un abattement des bases de droits de mutation à titre onéreux, mais ils ne l'utilisent que rarement 26( * ) . La seule solution raisonnable est d'engager un processus de réduction très prudent et progressif, comme celui qui a permis de plafonner, à partir de 1996, les droits de mutation à titre onéreux départementaux à 5 %. Ce processus nécessite peut-être la réintégration de cette recette dans le budget de l'Etat. Il faut profiter de la reprise du marché pour l'engager.

La troisième mesure consisterait à ne plus tenir compte du caractère neuf ou non du logement dans l'octroi des aides personnelles, au profit de critères plus neutres tels que les ressources, la taille du logement, ou la taille de la famille. Actuellement, l'aide personnalisée au logement-accession est supérieure de 24 % lorsqu'un ménage acquiert un logement neuf.

De timides et incomplètes tentatives de rééquilibrage ont eu lieu par le passé. Elles sont insuffisantes, mais elles prouvent qu'il est possible de s'engager dans cette voie, à condition de le faire avec la prudence nécessaire . Ainsi, les droits de mutation à titre onéreux départementaux ont vu leur taux-plafond réduit de 10 % en 1990 à 5 % à compter du 1er juin 1996. En 1993 a été créé le prêt d'accession sociale, qui pouvait être considéré comme un concurrent du prêt d'accession à la propriété dans le logement ancien. L'expérience a cessé en 1995 avec l'apparition du prêt à taux zéro, dont le prêt d'accession sociale est devenu un prêt complémentaire, le prêt à taux zéro n'ayant pas lui-même d'équivalent pour le logement ancien. En 1996, le prêt à taux zéro a été étendu pour une année aux acquisitions avec quotité de travaux réduite à 20 % du coût total (contre 35 % normalement). Pour des raisons budgétaires, l'expérience a cessé fin 1996, malgré un indéniable succès. C'est aussi pour des raisons budgétaires que la réduction, compensée par l'État, de 35 % des droits de mutation à titre onéreux régionaux et départementaux votée en août 1995 a dû s'achever en janvier 1997.

Si ces ouvrages ne sont pas remis rapidement sur le métier, il faut s'attendre à une vague de sinistres touchant des acquéreurs en prêt à taux zéro contraints à la vente, dont les biens seront décotés et invendables. Certains facteurs de décote restent en effet imparables : l'usure, le coût des travaux futurs, la perte progressive de la garantie décennale. Il est impératif que la politique d'aide au logement n'aggrave pas la situation.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page