Rapport d'information n° 62 (1997-1998) de M. Michel ALLONCLE , fait au nom de la commission des affaires étrangères, déposé le 29 octobre 1997

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N° 62

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SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1997-1998

Annexe au procès-verbal de la séance du 29 octobre 1997

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le rôle de la gendarmerie dans les zones périurbaines

Par M. Michel ALLONCLE,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : MM. Xavier de Villepin, président ; Yvon Bourges, Guy Penne, Jean Clouet, François Abadie, Mme Danielle Bidard-Reydet, MM. Jacques Genton, vice-présidents ; Michel Alloncle, Jean-Luc Mélenchon, Serge Vinçon, Bertrand Delanoë, secrétaires ; Nicolas About, Jean-Michel Baylet, Jean-Luc Bécart, Daniel Bernardet, Pierre Biarnès, Didier Borotra, André Boyer, Mme Paulette Brisepierre, MM. Michel Caldaguès, Robert Calmejane, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Charles-Henri de Cossé-Brissac, Pierre Croze, Marcel Debarge, Jean-Pierre Demerliat, Xavier Dugoin, André Dulait, Hubert Durand-Chastel, Claude Estier, Hubert Falco, Jean Faure, Philippe de Gaulle, Daniel Goulet , Jacques Habert, Marcel Henry, Roger Husson, Christian de La Malène, Edouard Le Jeune, Maurice Lombard, Philippe Madrelle, Pierre Mauroy, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Paul d'Ornano, Charles Pasqua, Alain Peyrefitte, Bernard Plasait, Régis Ploton, Michel Rocard, André Rouvière, André Vallet.

SYNTHÈSE DES PROPOSITIONS DU RAPPORTEUR

Les propositions reposent sur le constat de l'insuffisance des moyens de la gendarmerie dans les zones périurbaines : 13 % des unités et seulement 19,5 % de la totalité des officiers affectés en brigades territoriales assurent la surveillance de près de 25 % de la population habitant en zone de compétence exclusive de gendarmerie et constatent 33 % des crimes et délits recensés au niveau national.

En conséquence, les contraintes spécifiques auxquelles la gendarmerie se trouve confrontée dans les banlieues justifient la mise en oeuvre de moyens renforcés.

Les propositions de votre rapporteur s'articulent autour de quatre volets :

1. La réorganisation du service

le recentrage des gendarmes sur les missions opérationnelles et en particulier un meilleur partage des charges liées aux transfèrement s des détenus dont la responsabilité (pour les transfèrements judiciaires) incombent en totalité à la gendarmerie ;

une plus grande complémentarité des unités de gendarmerie au sein de bassins d'emplois définis en fonction de la délinquance dans une zone donnée ;

la mise en oeuvre d'un véritable partenariat d'une part entre la gendarmerie et la police dans le cadre des plans départementaux de sécurité , et d'autre part entre l'Arme et le parquet à travers le développement du traitement en temps réel des infractions pénales.

2. Le renforcement des effectifs dans les zones périurbaines

L'application effective de la loi d'orientation et de programmation relative à la sécurité du 21 janvier 1995 qui détermine les principes de la répartition des compétences entre gendarmerie et police à partir du nombre d'habitants des communes ;

l'allégement du dispositif de la gendarmerie dans les zones de police d'Etat afin de redéployer les effectifs dans les zones périurbaines.

3. L'adaptation des méthodes

le renforcement de la spécialisation au sein des unités afin de lutter plus efficacement contre les formes de la délinquance ;

l'intensification de la présence sur le terrain à travers, notamment, les patrouilles à pied.

4. Une politique de ressources humaines adaptées

Une plus grande responsabilité reconnue aux commandants de légion en matière de répartition des effectifs entre unités dépendant de leur ressort et d' affectation afin de désigner les personnels les plus compétents aux postes les plus sensibles ;

l'effort de formation, dans le cadre des écoles de la gendarmerie, aux données particulières des zones périurbaines ;

une reconnaissance particulière des contraintes de l'activité en zones périurbaines à travers une revalorisation indiciaire et une priorité reconnue en matière d' affectation et de promotion pour les personnels attachés aux unités concernées.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

La gendarmerie n'est plus aujourd'hui une force principalement rurale . Il y a là un changement majeur dont les conséquences sont loin d'avoir toutes été tirées.

L'enracinement de la gendarmerie dans les campagnes a à ce point façonné cette institution, ses missions et ses méthodes d'action, que le rôle joué par l'Arme dans les zones périurbaines demeure en effet encore largement ignoré.

Certes, la tradition historique française avait clairement tracé la ligne de partage en matière de sécurité : aux villes, la police, aux campagnes, la gendarmerie. Le texte fondateur qui, en 1791, substitue la gendarmerie à l'ancienne maréchaussée, destine ainsi la nouvelle institution « à la sûreté des campagnes et des grandes routes » (art. 3 de la loi du 28 Germinal de l'an VI).

Toutefois, la gendarmerie ne pouvait rester étrangère aux métamorphoses du paysage rural : accroissement de la population de certaines communes rurales sous l'effet de l'industrialisation ou, plus souvent encore, intégration dans un même tissu urbain d'une ville en extension et des collectivités rurales voisines.

Du reste, selon les projections de l'INSEE, l'augmentation de la population dans les zones de compétences de la gendarmerie, de 27 millions en 1990 à 34,6 millions en 2015, soit un gain de 7,6 millions, concernera principalement les cantons périurbains ou en développement résidentiel.

Les pouvoirs publics ont-ils pris la mesure exacte de cette évolution ? On peut en douter si l'on en juge par la répartition territoriale des brigades territoriales de gendarmerie. Ainsi, selon une estimation d'une étude conduite à la demande de la direction générale de la gendarmerie nationale, 494 brigades sur un total de 3 637, soit seulement 13 % des unités , exercent une pleine compétence sur des zones périurbaines. En outre 177 brigades sur ces 494 unités recensées, opèrent dans des zones particulièrement sensibles, caractérisées par une augmentation des faits de violence urbaine. Aussi la disparité des charges de travail n'a-t-elle cessé de s'accuser au sein de la gendarmerie.

Le défi présenté par les zones périurbaines ne se pose pas seulement en termes d'effectifs mais aussi en termes de méthodes et de moyens d'action. C'est la capacité d'insertion de la gendarmerie dans le milieu urbain -indispensable pour la maîtrise de la délinquance et des violences urbaines- qui est ici en jeu.

Dans la période récente, la gendarmerie a pris conscience de l'effort d'adaptation requis par ces grandes évolutions démographiques et sociales. Le plan d'action gendarmerie 2002 , adopté en 1997, fixe parmi les orientations prioritaires de la gendarmerie, l'adaptation de l'arme au monde périurbain. Un remarquable travail de réflexion conduit sous les auspices de la direction générale de la gendarmerie a permis d'engager d'utiles aménagements. Toutefois, le succès de cette mobilisation ne dépend pas de la seule gendarmerie, il suppose également, dans un contexte budgétaire nécessairement contraint, une meilleure coordination des moyens disponibles, une répartition plus efficace des forces. A cet égard, bien des résistances restent à surmonter. En un mot, l'adaptation de la gendarmerie au défi des banlieues ne se fera pas sans soutien politique.

Aussi ce rapport n'a-t-il d'autre ambition, en éclairant les problèmes auxquels la gendarmerie se trouve confrontée, que de contribuer à une meilleure perception des adaptations et des évolutions nécessaires.

Votre rapporteur, dans le cadre des déplacements qu'il effectue régulièrement auprès des unités de la gendarmerie, s'est ainsi rendu cette année dans plusieurs brigades situées dans des zones périurbaines :

- Jouy-le-Moutier dans le Val d'Oise ,

- Blagnac près de Toulouse ,

- Fameck et Uckange dans le département de la Moselle . A cette occasion, il a pu rencontrer, outre les responsables de la gendarmerie, les préfets des départements concernés ou leurs proches collaborateurs ainsi que les représentants de l'Autorité judiciaire afin de porter une appréciation complète et diversifiée sur les questions posées. Il a pu compter, lors de son travail et de ses déplacements, sur le soutien constant de la Gendarmerie Nationale et de son Directeur général auquel il souhaite exprimer ici toute sa reconnaissance.

*

Après avoir analysé les difficultés particulières auxquelles la gendarmerie se trouve confrontée dans les banlieues, votre rapporteur avancera plusieurs propositions pour permettre à l'arme d'apporter des réponses à la mesure des enjeux de sa mission dans les zones périurbaines.

*

I. LES DIFFICULTÉS LIÉES À L'EXERCICE D'UNE NOUVELLE MISSION

La situation nouvelle à laquelle la gendarmerie se trouve confrontée dans les banlieues soulève pour l'Arme des problèmes dont il convient de mesurer la spécificité.

A. LES SPÉCIFICITÉS DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE DANS LES ZONES PÉRIURBAINES

Les caractéristiques d'une population urbaine comme les formes de délinquance dont les banlieues sont le terreau, constituent pour la gendarmerie autant de contraintes auxquelles l'expérience du milieu rural ne l'a pas nécessairement préparée.

1. Des contraintes particulières

Au regard des nécessités de l'ordre public, les zones périurbaines présentent trois grandes contraintes, liées d'une part à la croissance démographique , d'autre part au mode de vie et à la sociologie de la population résidente et enfin, aux traits de l'urbanisme citadin.

. La contrainte démographique

D'après une enquête de l'INSEE publiée en 1996, la population urbaine a presque doublé entre 1936 et 1990, passant de 22 à 42 millions d'habitants. Cette évolution recouvre deux phénomènes : la concentration de la population dans les zones urbaines les plus anciennes et l'extension du périmètre des villes vers les banlieues et les communes rurales voisines. C'est ce dernier moteur de l'urbanisation qui, avec le développement des communes rurales périurbaines, apparaît aujourd'hui déterminant.

Comme le soulignait un analyste attentif de l'évolution de la gendarmerie, François Dieu 1 ( * ) : « Cette imbrication des territoires ruraux et des zones urbanisées se traduit par la croissance considérable de la population des communes proches des principales agglomérations. Dans ces zones hybrides, mi-rurales, mi-urbaines, s'est développé un habitat de type résidentiel qu'il s'agisse de pavillons industriels ou de logements collectifs, la majeure partie des habitants devant, en effet, se déplacer quotidiennement dans l'agglomération voisine pour leur activité professionnelle. Cette dilution de la substance urbaine qui aboutit à estomper la frontière physique et sociologique entre ville et campagne n'est pas sans conséquence pour la sécurité et l'organisation du système policier français ».

A titre d'exemple, la population du Val d'Oise (1 080 000 d'habitants au 31 décembre 1995) devrait s'accroître de 200 000 habitants d'ici l'an 2000. Cette évolution concernera principalement la zone relevant de la responsabilité de la gendarmerie autour de la ville nouvelle de Cergy-Pontoise et de la zone aéroportuaire de Roissy dans l'est du département.

Au-delà de cette poussée démographique, la population des zones périurbaines présente certains traits spécifiques qui rendent également nécessaire une adaptation des méthodes de la gendarmerie.

. La contrainte sociologique

La population des zones périurbaines se caractérise par sa mobilité . Cette mobilité se manifeste d'abord par un taux de rotation important des habitants : 70 % de renouvellement tous les dix ans 2 ( * ) . Cette mobilité se traduit ensuite par l'importance des mouvements pendulaires. De ce fait, le travail du gendarme, fondé sur un contact régulier avec les habitants et une bonne connaissance du milieu humain, est rendu particulièrement difficile.

Cette mobilité n'est sans doute pas étrangère à la fragilité du lien social , souvent observée dans les zones périurbaines, qui trouve également son explication dans plusieurs éléments :

- l'hétérogénéité de la population : les brigades visitées par votre rapporteur comportent souvent une importante population étrangère : ainsi, en Moselle, la brigade de Fameck regroupe 14 000 habitants dont 20 % d'étrangers, cette part est encore plus élevée à Uckange avec 25 % d'étrangers (dans les deux cas, une vingtaine de nationalités sont représentées) ;

- le développement des formes de précarité économique, même si naturellement les situations apparaissent très diverses selon les lieux (Jouy-le-Moutier se caractérise par l'absence d'une zone industrielle importante et, dans l'ensemble, la faiblesse du revenu moyen ; à Val de Reuil, « ville nouvelle », située à 25 km de Rouen, le taux de chômage dépasse 20 % de la population active...).

. La contrainte de l'urbanisme

L'espace urbain présente également des contraintes nouvelles pour la sécurité publique. Souvent, en effet, les villes nouvelles dissocient les voies de circulation automobile et piétonne et rendent ainsi plus difficiles les modalités d'intervention des forces de l'ordre.

Un officier de gendarmerie 3 ( * ) soulignait ainsi, à propos de Val de Reuil, l'antinomie entre l'architecture et la sécurité : « Les habitations, individuelles ou collectives, les équipements administratifs, commerciaux ou culturels, possèdent tous un accès sur la voie piétonne reliée à la voirie par des escaliers extérieurs ou intérieurs. Ces multiples communications dans les trois dimensions forment un dédale qui facilite l'exfiltration ou l'infiltration de délinquants ». A Jouy-le-Moutier, les interlocuteurs de votre rapporteur ont fait état d'observations comparables : la multiplication des allées et des contre-allées dessine un réseau de communications d'une complexité extrême où le malfaiteur peut aisément échapper aux représentants de l'ordre.

Le milieu urbain ne présente pas seulement des contraintes qui lui sont propres, il constitue également le cadre d'une délinquance dont les formes -leur diversité et leur nouveauté- constituent un véritable défi pour la gendarmerie.

2. De nouvelle formes de délinquance

Dans certaines zones périurbaines, les difficultés économiques, le malaise social qu'elles provoquent, forment un terreau favorable à l'insécurité dont les flambées de violence que connaissent de temps à autre les banlieues sont l'aspect le plus spectaculaire.

En effet, le plus souvent, le phénomène de marginalisation économique et sociale se traduit par la montée d'une petite délinquance, la répétition des déprédations, des actes d'incivilité -violences verbales et provocations à l'encontre notamment des forces de l'ordre. Tous ces éléments contribuent à créer un climat quotidien d'insécurité, suscitent l'exaspération des habitants et impliquent une adaptation des méthodes de surveillance.

Votre rapporteur a été particulièrement frappé par trois types d'évolution :

- le rajeunissement des auteurs de délinquance et la constitution de bandes. A Uckange ce phénomène se rencontre depuis trois ou quatre ans et, selon les témoignages recueillis sur place, il n'est pas rare que les gendarmes se fassent entourer par une bande de vingt personnes généralement dissimulées par des foulards ou des capuches ;

- le développement de la délinquance liée à la drogue ;

- la banalisation du recours aux armes .

Enfin, cette délinquance s'inscrit dans un cadre géographique élargi. Ainsi, les autorités chargées du maintien de l'ordre à Blagnac ont souligné le phénomène de « capillarité » entre les formes de délinquance observées à Toulouse et celles constatées dans la périphérie. En outre, des violences d'abord très localisées peuvent connaître un risque de contagion du fait de la proximité de banlieues « chaudes ».

Le développement de ces nouvelles formes de délinquance, de même que l'adaptation aux contraintes propres au milieu urbain, placent la gendarmerie dans une situation souvent difficile.

B. UN DISPOSITIF ENCORE INSUFFISANT

La gendarmerie n'est pas mal placée pour assurer la sécurité face aux défis des banlieues. La proximité, la disponibilité, la polyvalence : ces principes, au fondement même de son action et mis à l'épreuve dans les campagnes, peuvent se révéler très adaptés à la situation des zones périurbaines.

Tenus de résider dans les communes auxquelles les attachent leurs brigades, les gendarmes sont appelés à vivre dans les quartiers difficiles. C'est là un atout décisif pour nouer des contacts et prendre une connaissance approfondie du terrain, mais aussi pour garantir cette présence de proximité propre à sécuriser les habitants.

Cependant, toujours plus sollicitée par la sécurité publique dans les zones périurbaines, la gendarmerie ne dispose pas encore des moyens nécessaires pour répondre à cette charge accrue.

1. Une sollicitation croissante

Plusieurs indices concordants soulignent la pression accrue qui s'exerce sur la gendarmerie dans les zones périurbaines.

En premier lieu, les brigades situées en milieu urbain connaissent une augmentation des appels adressés aux centres opérationnels de la gendarmerie (COG) -chargés, en principe, de centraliser les appels téléphoniques de 19 h à 7 h et de diriger l'intervention des gendarmes sur le terrain- et des interventions. L'exemple de Jouy-le-Moutier apparaît à cet égard éloquent :

Les appels du COG

1993

1994

1995

1996

Nombre d'appels

3 467

3 986

4 604

4 784

Interventions

532

690

778

774

De 1993 à 1996, le nombre des appels de nuit au COG par le déviateur de la brigade de Jouy-le-Moutier, a augmenté de 38 %. En conséquence le nombre des interventions s'est également beaucoup accru. Cette progression est de 45 % à Jouy-le-Moutier sur la période 1993-1996. A Blagnac la journée de travail dépasse dix heures et les gendarmes sont soumis à deux astreintes de nuit par semaine.

Les zones périurbaines se caractérisent en troisième lieu pour la gendarmerie, par l'importance des crimes et délits constatés. Tandis que le nombre de crimes et délits constatés par gendarme s'élève en moyenne à 25 par an, ce niveau apparaît nettement plus important dans certaines banlieues. A Jouy-le-Moutier, l'activité judiciaire conduit chaque gendarme à constater 66 crimes et délits faisant l'objet d'une procédure par an (contre 40 en moyenne pour l'ensemble des brigades territoriales du département du Val d'Oise). La brigade de Blagnac a enregistré 2 500 plaintes par an, soit l'équivalent de l'ensemble des plaintes enregistrées par le département du Gers. Cette disparité des charges souligne combien la pression s'exerce sur un nombre réduit de brigades.

Déséquilibre des charges des brigades territoriales

Critères

Brigade la moins chargée

Brigade la plus chargée

Moyenne

(chiffres estimés)

POPULATION

nombre d'habitants par gendarme

19

2 355

970

CRIMES ET DÉLITS

nombre constaté par gendarme et par an

1

250

25

ACCIDENTS CORPORELS

nombre par gendarme et par an

0

8,2

3

2. Des moyens trop réduits

Une analyse très intéressante conduite par la direction générale de la gendarmerie nationale dans le cadre de la commission nationale de réflexion sur l'action de la gendarmerie dans les zones périurbaines, a permis de mieux mesurer la répartition de la charge de tra vail entre les brigades territoriales.

Cette étude répartit les brigades installées dans les zones périurbaines en trois catégories :

- les brigades de type A exerçant « une pleine compétence sur des espaces urbanisés, souvent contigus ou proches des centres urbains, et qui subissent d'importants transferts de population ou d'activités (centre commercial, zone industrielle), lesquels transforment un paysage autrefois rural en agglomération »- 206 brigades entrent dans cette catégorie ;

- les brigades de type B au nombre de 177 apparaissent quant à elles confrontées à une situation particulièrement difficile évaluée à partir d'une série d'indices :

« - des problèmes de contact avec une population plus difficile d'origine urbaine ;

- une plus grande insécurité d'interventions ;

- une augmentation des faits de violence urbaine ;

- un ratio effectif/population insuffisant au regard de la norme de 1 gendarme pour 1 000 habitants et se dégradant ;

- une nécessaire adaptation des méthodes traditionnelles d'action de la gendarmerie » ;

- enfin, les brigades de type C -soit quelque 111 brigades- doivent faire face à « une forte fréquentation touristique draînant des populations urbaines à risque » ».

. Des effectifs trop limités

Sur 3 637 brigades, 494 (soit à peine plus de 13 % des unités ) sont confrontées directement aux questions soulevées par la sécurité dans les zones périurbaines. Ces brigades comprennent 19,5 % de la totalité des sous-officiers affectés en brigades territoriales. Elles assurent la surveillance de 24,5 % de la population habitant en zone exclusive de gendarmerie. Enfin ces unités constatent près de 33 % des crimes et délits constatés au niveau national.

Ces données le montrent, compte tenu de la charge qui leur incombe, les effectifs des brigades situées dans les zones périurbaines demeurent insuffisants.

. L'insuffisance des moyens

En outre, les moyens dont elles disposent ne répondent pas toujours aux besoins du service. Le parc des véhicules n'est parfois ni suffisant, ni adapté. Ainsi la brigade de Blagnac ne dispose que de deux Renault trafic, d'une Clio et d'une 4L ; l'emploi intensif de ces véhicules (25 000 km par an) justifierait un remplacement rapide et pourtant toujours différé. L'inadaptation des véhicules traditionnels a également été relevée en Moselle alors même que l'intervention en zone urbaine requiert des garanties en matière de rapidité, de capacité d'emport et de protection.

L'exiguité des locaux ne répond pas davantage aux besoins liés à l'accueil du public et à la qualité du travail des gendarmes. Ici ce sont des usagers contraints d'attendre patiemment à la porte des brigades, là des délinquants dont les propos perturbent le public et le travail des enquêteurs car il n'est pas toujours facile d'isoler les personnes gardées à vue les unes des autres.

La brigade territoriale de Jouy-le-Moutier est abritée dans un local conçu en 1976 pour 12 gendarmes alors qu'elle compte aujourd'hui 30 sous-officiers et 8 gendarmes auxiliaires. Les modalités de décision relatives aux investissements immobiliers, caractérisées par une excessive centralisation au niveau de la direction générale de la gendarmerie nationale devraient sans doute être révisées surtout lorsqu'elles concernent des agrandissements mineurs.

. Le « moral » des hommes

Dans certaines brigades, l'inadaptation des moyens et l'insuffisance des effectifs conspirent à la dégradation des conditions de travail et, il faut le reconnaître, un certain malaise chez les sous-officiers de la gendarmerie . A cet égard, le taux de rotation des effectifs dans les unités périurbaines (40 % par an dans certaines brigades) constitue un indice préoccupant alors même que les difficultés des interventions requièrent des personnels expérimentés et dotés d'une bonne connaissance de terrain. Il faut d'abord relever que les gendarmes sont confrontés personnellement aux risques d'agression. Dans les unités situées dans les zones les plus sensibles, 45 % des commandants de brigade ont déjà été victimes d'actes d'incivilité. Le commandant de la brigade de Blagnac, a ainsi indiqué à votre rapporteur qu'il avait été agressé à trois reprises avec des membres de sa patrouille alors qu'ils intervenaient sur des rixes ou procédaient à des interpellations.

Par ailleurs, l'éclatement des logements des gendarmes rendu nécessaire par l'insuffisance des casernements, constitue un risque supplémentaire pour les gendarmes et leurs familles. Ainsi dans les brigades relevant du groupement de Moselle, plus de 43 % des gendarmes sont logés à l'extérieur de l'enceinte réservée aux unités.

En outre, votre rapporteur a pu constater que les gendarmes s'interrogeaient parfois sur l'efficacité de leur action compte tenu de la lenteur des procédures judiciaires . Dans certains cas, les délais d'audiencement (entre la garde à vue et la convocation devant le tribunal) dépassent deux mois. En outre, l'exécution des décisions après jugement n'est pas toujours probante. Les petits délinquants en arrivent à éprouver un sentiment d'impunité qui ne peut qu'encourager la récidive.

Quelles que soient les difficultés rencontrées par les unités situées dans les zones périurbaines, votre rapporteur a été particulièrement frappé par la mobilisation des hommes au service de leur mission et leur profond sens des responsabilités. Nul ne songe ici à compter son temps ou à épargner ses efforts. Un exemple parmi beaucoup d'autres le montrera : à Blagnac, faute de crédits suffisants pour équiper l'ensemble de l'unité en matériel informatique, les sous-officiers ont investi à titre personnel dans des micro-ordinateurs dévolus à titre principal à l'exercice de leurs missions de police judiciaire et de sécurité. Ce dévouement dans un contexte particulièrement difficile s'inscrit dans la tradition la plus haute de l'Arme.

*

Les contraintes spécifiques auxquelles la gendarmerie se trouve confrontée dans les banlieues justifient une attention particulière des pouvoirs publics et, aux yeux de votre rapporteur, la mise en oeuvre de moyens renforcés. Cet effort s'inscrit dans une politique de sécurité déterminée à ne pas autoriser l'apparition de zones de non-droit au coeur de nos cités, mais aussi, plus largement, dans le cadre d'une politique de la ville mobilisée contre la « fracture sociale ».

II. UNE MOBILISATION À LA HAUTEUR DES ENJEUX DE LA SÉCURITÉ DANS LES ZONES PÉRIURBAINES

La mise en oeuvre des moyens nécessaires pour assurer l'ordre public dans les zones périurbaines placées sous la responsabilité de la gendarmerie requiert d'une part un renforcement des effectifs et d'autre part une évolution des méthodes et des conditions de travail.

A. LE NÉCESSAIRE RENFORCEMENT DES EFFECTIFS

Incontestablement, le renforcement des effectifs se traduit par une action plus efficace. L'expérience de Jouy-le-Moutier le montre. Jusqu'en novembre 1996 cette brigade ne comptait que 18 militaires pour assurer la surveillance d'une zone de 2 700 hectares, où vivent 46 000 personnes. En deux mois et demi l'effectif a été porté à 38 militaires 4 ( * ) . Même s'il est encore sans doute trop tôt pour apprécier les conséquences de cette évolution, les premières données relatives au ratio de crimes et délits pour 1 000 habitants paraissent encourageantes : cette proportion qui s'établissait à 45 %o à Jouy-le-Moutier pour 1996, ne dépassait pas 16,9 %o de novembre 1996 à mars 1997, soit un niveau de 36 %o sur une année. La multiplication des patrouilles a permis d'obtenir une diminution sensible des cambriolages sur les six premiers mois qui ont suivi le renforcement de la brigade. Il en est de même pour les vols de véhicules, même si ces évolutions positives devront bien sûr être confirmées dans les mois à venir.

Toutefois, dans un cadre budgétaire contraint, le renforcement des effectifs peut difficilement résulter de la création d'emplois. Dès lors deux voies restent possibles : un redéploiement des effectifs entre les brigades existantes, une réorganisation du service pour en accroître l'efficacité.

1. La réorganisation du service et ses limites

Le souci d'utiliser au mieux le personnel des unités peut conduire à adapter l'organisation des brigades et les conditions d'intervention. Cependant, en l'absence d'un renfort en personnel, l'exercice trouve rapidement ses limites.

Une plus grande efficacité repose sans doute de ce point de vue, sur deux éléments décisifs : la concentration des gendarmes sur des tâches véritablement opérationnelles, une utilisation optimale des forces sur une zone donnée.

. Le recentrage sur les missions opérationnelles

Votre rapporteur a déjà souligné à plusieurs reprises la part certainement excessive que représentent pour les gendarmes des charges telles que les transfèrements . Aujourd'hui les transfèrements mobilisent de 700 à 800 gendarmes à temps plein, tout au long de l'année. Ce sont autant de militaires qui ne peuvent se consacrer aux missions de sécurité. En outre les charges de transfèrements ne peuvent pas toujours être programmées à l'avance et entraînent de ce fait des dysfonctionnements importants dans l'organisation du service.

Certes, un rapport annexé à la loi d'orientation et de programmation relative à la sécurité du 21 janvier 1995, avait prévu la « possibilité de transférer à l'administration pénitentiaire la charge des prévenus et des détenus dès lors qu'ils sont remis à la justice, et de lui laisser ainsi le soin d'assurer elle-même les transfèrements, extractions et comparutions qui sont aujourd'hui à la charge de la police nationale et de la gendarmerie nationale ». A la suite des travaux d'un groupe d'experts présidé par M. Guy Fougier, Conseiller d'Etat, la mise en oeuvre de cette possibilité n'avait pas été jugée opportune.

Dès lors, l'exclusivité qui revient à la gendarmerie pour assurer la totalité des transfèrements judiciaires et militaires n'a pas été remise en cause. Certes, une expérimentation conduite dans dix tribunaux de grande instance confie à un magistrat coordonnateur le soin de rationaliser la charge liée aux transfèrements. Toutefois le problème reste entier et pourrait même s'aggraver avec la mise en oeuvre du schéma d'hospitalisation des détenus, fondé sur un transfert du détenu vers une "unité sécurisée régionale" et non plus vers l'hôpital le plus proche.

. La réorganisation du service

Ces perspectives doivent conduire à privilégier une utilisation optimale des ressources existantes au sein des unités . Comment parvenir à cet optimum ? D'abord, sans doute, en renforçant la complémentarité des unités de gendarmerie au sein d'une zone donnée, d'autre part en renforçant la coordination entre les forces de gendarmerie et de police nationale.

S'agissant de la première orientation, la réflexion doit porter en priorité sur la notion de bassin d'emplois déterminé en fonction de la situation de la délinquance. La priorité accordée à la lutte contre la petite et moyenne délinquance conduirait à une organisation coordonnée des moyens disponibles (brigades territoriales et unités spécialisées) au sein de ces zones. La direction générale de la gendarmerie nationale a pris l'initiative de conduire plusieurs expérimentations pour favoriser une gestion coordonnée des moyens au sein de « secteurs » qui ne remettent pas en cause l'organisation territoriale existante. Ainsi la sectorisation pourrait-elle conduire à créer un « pool d'intervention de nuit » sur cinq communes constituant une ville nouvelle et surveillées par trois brigades territoriales existantes. Dans cette perspective, le commandant de compagnie assumerait un rôle esentiel de coordination.

Il convient toutefois de prendre garde à un risque. En effet l'efficacité des interventions repose sur une connaissance approfondie des « populations à risque ». Les gendarmes ont su, même dans les zones les plus difficiles, nouer un contact avec tous ceux que touche la délinquance dans ses diverses formes. Dès lors, le dialogue permet parfois de désamorcer une crise potentielle. Il n'est pas sûr que des unités "étrangères" à la zone d'intervention et donc moins au fait des réalités du terrain, emploient les modes d'intervention les plus adaptés. Aussi bien, l'emploi coordonné de forces, qui prévaut déjà dans l'hypothèse d'une crise majeure, doit s'inscrire dans une action de long terme destinée à familiariser la population avec l'ensemble des forces attachées au secteur considéré.

En outre la coordination entre la gendarmerie et la police doit demeurer une priorité . A cet égard, la mise en oeuvre des plans départementaux de sécurité sous l'autorité du préfet et du procureur de la République, à la suite d'une circulaire interministérielle du 9 septembre 1993, a constitué un progrès.

Une circulaire interministérielle en date du 2 janvier 1997 a permis de renforcer le dispositif existant avec la généralisation des cellules techniques de coordination opérationnelle. Ces cellules, dont les modalités d'organisation sont arrêtées conjointement par le commandant de groupement de gendarmerie départementale et le directeur départemental de la sécurité publique, exercent un rôle essentiel en matière de coopération interservices : elles collationnent en effet les statistiques et procèdent à leur analyse. Il est essentiel que des indicateurs d'alerte puissent être mis en place afin de conduire une politique de prévention à la fois coordonnée et efficace.

Quant au comité départemental de sécurité, il pourra se réunir en cellule de crise pour assurer la coordination des interventions administratives et judiciaires requise par les situations de violences urbaines.

La gendarmerie doit s'impliquer totalement dans tous ces dispositifs de concertation aux différents échelons locaux. Sur le terrain, la concertation fonctionne et chacune des deux forces se prête le concours nécessaire quand la situation le justifie. Sans doute des progrès doivent-ils être encore accomplis dans le domaine de la police judiciaire mais la remise en cause programmée de la présence de brigades de gendarmerie dans les zones placées sous un régime de police d'Etat 5 ( * ) conduira nécessairement policiers et gendarmes à coopérer davantage sur les dossiers d'instruction.

Par ailleurs, la coopération entre gendarmerie et parquet doit encore être intensifiée afin de favoriser le traitement en temps réel des infractions pénales. Cette procédure repose sur deux principes essentiels : toute affaire élucidée doit faire l'objet d'un compte rendu au parquet et toute affaire dont il a été ainsi rendu compte doit faire l'objet d'un traitement judiciaire. Le traitement en temps réel emporte deux conséquences importantes, d'une part l'accélération de la réponse pénale (généralisation des procédures de comparution immédiate, des convocations par officier de police judiciaire, des rendez-vous judiciaires) et d'autre part, une diversification de la réponse pénale (avec la possibilité de mettre en place des solutions alternatives à la poursuite devant la juridiction pénale).

Aujourd'hui le traitement en temps réel fonctionne dans une cinquantaine de parquets. Mais il doit encore être généralisé et amélioré grâce, notamment, à une meilleure concertation des forces de gendarmerie avec les procureurs. Il en va de la crédibilité de l'action des forces de l'ordre et de la justice dans les quartiers difficiles.

La coordination, aussi utile soit-elle, ne peut constituer une solution de substitution au nécessaire renforcement des effectifs dans les zones périurbaines. Le redéploiement des unités apparaît, dans cette perspective, la seule voie réalisable à terme rapproché. Il n'est plus possible aujourd'hui de faire l'économie d'un débat sur la restructuration des brigades territoriales.

2. L'indispensable redéploiement des moyens de la gendarmerie

Le redéploiement des unités repose sur une base légale : la loi n ° 95-73 du 21 janvier 1995 d'orientation et de programmation relative à la sécurité. Ce texte, complété par le décret n° 96-827 du 19 sepembre 1996, détermine les principes de la répartition des compétences entre gendarmerie et police à partir du nombre d'habitants : ainsi au-dessus de 20.000 habitants la commune relève de la police, en deçà de ce seuil, la gendarmerie assure la plénitude des misions de sécurité. Les procédures d'étatisation ou de désétatisation liées à ce critère n'ont toutefois pas réellement avancé.

Conduite à son terme, la logique d'étatisation aurait certainement pour effet d'alléger la charge de la gendarmerie dans les zones périurbaines. Ces principes de répartition qui prennent en compte un critère par nature évolutif -la démographie- interdisent toutefois de figer les modalités d'organisation de la sécurité dans une zone donnée.

En outre la gendarmerie et la police ont chacune leur mode d'organisation et leurs contraintes : on ne peut imaginer dès lors un transfert pur et simple d'une force à l'autre. Enfin il convient de tenir compte des résistances administratives et des pressions locales.

L'exemple de Jouy-le-Moutier apparaît, à cet égard, éclairant. Ainsi comme le constatait le préfet du Val d'Oise, l'étatisation de la zone était depuis plusieurs années à l'ordre du jour. Cette perspective ne permettait pas d'envisager a priori un renforcement des effectifs de la gendarmerie alors même que, confronté à des contraintes budgétaires, le ministère de l'intérieur ne prévoyait pas l'implantation d'un commissariat avant plusieurs années. C'est précisément cette situation de blocage qui a déterminé la direction générale de la gendarmerie nationale à accepter finalement d'augmenter les effectifs de la brigade compte tenu des conditions très difficiles dans lesquelles travaillaient les dix-huit gendarmes de Jouy-le-Moutier.

La paralysie plus ou moins avouée des procédures d'étatisation ou désétatisation n'est guère acceptable. Il conviendrait, conformément à la volonté du législateur, de relancer ce processus.

Les redéploiements d'unité peuvent-ils reposer sur d'autres voies ?

La disparité des charges entre certaines brigades de zones rurales et les unités installées dans les zones périurbaines a conduit certains à s'interroger sur la pertinence du réseau des brigades. Votre rapporteur souhaite de nouveau souligner son attachement au maillage territorial de la gendarmerie . Ce maillage n'est pas seulement un élément important de l'aménagement du territoire, il représente avant tout une garantie de sécurité pour l'ensemble de nos concitoyens car il doit permettre d'assurer une intervention dans un délai maximal de 20 minutes en cas de besoin. Aussi, si des ajustements limités à moyen terme ne peuvent être écartés, la pérennité du réseau territorial des brigades constitue l'une des forces essentielles du système de sécurité français de la gendarmerie et doit être préservée.

Il paraît également difficile de réduire les effectifs des brigades rurales au-dessous du nombre de six militaires compte tenu de l'organisation du service propre à la gendarmerie. En revanche, la nécessité de placer des gendarmes expérimentés et bien formés dans les unités les plus exposées pourrait conduire à dégager un certain nombre de professionnels des brigades rurales pour les affecter dans les zones périurbaines et à les remplacer, dans le cadre de la réforme aux armées, par des volontaires du service national. La substitution ne devrait toutefois pas dépasser le nombre de deux volontaires pour deux professionnels. En outre, cette perspective suppose toutefois que les futurs volontaires -ce qui n'est pas le cas des gendarmes auxiliaires- disposent d'une formation qui leur assure une qualification juridique correspondant à celle d'agent de police judiciaire adjoint.

En fait, à court terme, le seul gisement possible pour renforcer les unités périurbaines se trouve dans les brigades de gendarmerie situées en zones de police d'Etat. Dans ces zones, en effet, la police assure l'exclusivité des missions liées à la sécurité publique . La gendarmerie pour sa part n'assume que des missions liées à l'activité de police judiciaire. Elle compte toutefois encore 188 brigades en zone de police d'Etat. Ce dispositif pourrait être fortement allégé et concentré.

Le principe du redéploiement au regard des considérations d'intérêt général n'est pas contestable.

Cependant, ici encore, la remise en cause des unités a rencontré beaucoup d'oppositions de sorte que sur l'ensemble des suppressions envisagées, très peu, trop peu en fait, se sont effectivement réalisées 6 ( * ) . Sans doute, convient-il de conduire le processus en pleine concertation avec les élus locaux et les personnels intéressés. Des garanties doivent être apportées telles que le maintien des effectifs de gendarmes à l'échelle du département.

Cette concertation apparaît d'autant plus indispensable que les collectivités jouent un rôle important dans le financement des infrastructures de la gendarmerie.

Le renforcement des effectifs dans certaines unités doit s'accompagner en effet d'un effort important en matière d'aménagement, qu'il s'agisse de la brigade elle-même ou des logements.

Même si leur condition de mise en oeuvre doit ainsi faire l'objet d'un soin attentif, les redéploiements des zones de police d'Etat vers les zones exclusives de gendarmerie demeurent dans l'immédiat la seule voie possible pour assurer le renforcement indispensable des brigades placées dans les zones périurbaines.

Cette orientation répond du reste à la volonté affichée par le présent gouvernement -lors du colloque de Villepinte des 25 et 26 octobre sur le thème : « Des villes sûres pour des citoyens libres »- de favoriser une meilleure répartition des effectifs de sécurité sur le territoire national.

Au-delà d'une meilleure distribution des effectifs, les problèmes propres aux banlieues commandent une approche particulière tant au niveau des méthodes d'action que de la gestion du personnel.

B. UNE APPROCHE DIFFÉRENCIÉE

1. L'adaptation des méthodes

Le souci de répondre de façon spécifique aux problèmes soulevés par la sécurité dans les zones périurbaines a conduit la gendarmerie à suivre deux orientations principales : d'une part, une plus grande spécialisation des tâches, d'autre part, une organisation du travail destinée à garantir une présence constante sur le terrain.

Spécialisation et présence ne sont en fait que les aspects différents d'une politique de sécurité axée sur la prévention de la délinquance.

. Une plus grande spécialisation

La spécialisation constitue le corollaire du renforcement des effectifs comme le montre l'exemple de Jouy-le-Moutier. Ainsi, dans cette brigade forte de 7 gradés, la spécialisation repose d'abord sur une base géographique. En effet, les militaires sont répartis en trois groupes opérationnels responsables d'un secteur géographique déterminé : Jouy-le-Moutier (18 000 habitants), le bloc ouest constitué de 4 communes, Vauréal (17 000 habitants). Chaque groupe constitue une entité autonome de 7 gendarmes complétée, le cas échéant, par des gendarmes auxiliaires et placée sous l'autorité d'un gradé, assisté par un adjoint, maréchal des logis-chef ou gendarme officier de police judiciaire.

Chaque matin, les chefs de groupe se retrouvent avant le départ en service tandis que des réunions régulières entre chefs de groupe et commandant de brigade permettent de faire le point sur l'activité des différentes équipes. Cette organisation permet de redonner une dimension humaine à des brigades importantes et de favoriser ainsi l'implication des personnels dans leur travail. En outre, elle a aussi pour mérite d'encourager l'émulation entre les groupes.

La spécialisation peut également revêtir un caractère fonctionnel. Toujours à Jouy-le-Moutier, un gradé assure pour l'ensemble de la brigade la responsabilité de la police judiciaire. Une telle centralisation s'est avérée indispensable compte tenu de l'importance de l'activité judiciaire de la brigade : 6 000 procès-verbaux traités chaque année soit un quota de 66 crimes et délits constatés par chaque gendarme. Ce sous-officier assure le suivi des enquêtes judiciaires, il dispose à cette fin d'une base de données qui lui permet de procéder à un rapprochement rapide des faits délictueux répertoriés par nature d'infraction, commune, quartier, etc... Une carte murale réalisée à l'aide de ces informations permet d'ailleurs à chaque militaire de visualiser immédiatement la localisation de la délinquance. En outre, le gradé responsable de la police judiciaire constitue, avec le commandant de brigade, le relais privilégié de la brigade départementale de renseignements judiciaires, du centre opérationnel de la gendarmerie et des unités de recherche ainsi que de l'adjoint de police judiciaire du groupement.

Un souci comparable d'efficacité a conduit, à Blagnac, le commandant de brigade à spécialiser les quatorze officiers de police judiciaire pour les différentes catégories d'infraction : délinquance juvénile, trafics de stupéfiants et toxicomanie, etc. Ainsi de véritables équipes d'enquêteurs professionnalisés ont pu se mettre en place et obtenir du reste des résultats probants : 41 % des crimes et délits élucidés en 1995, contre 19 % en 1991.

Au-delà même de la police judiciaire, d'autres types d'activité peuvent faire l'objet d'une spécialisation. A titre d'exemple, la recherche du renseignement ont été confiés à Jouy-le-Moutier à un gradé. Ce "correspondant renseignement" a pour première mission de conduire une action de sensibilisation dan les établissements scolaires pour lutter contre le racket. Il veille également au suivi des élèves posant des difficultés. Enfin, il s'efforce d'appréhender au plus près, sur le terrain, les risques d'évolution des situations sensibles.

Ces différentes expériences de spécialisation conduites au sein des brigades ont trouvé une première systématisation avec les brigades de prévention de la délinquance juvénile (BPDJ). Créées dans le cadre du plan pluriannuel d'action "gendarmerie 2002", ces unités à compétence départementale, comprendront chacune six sous-officiers. Mises à la disposition des commandants de groupement, elles ont vocation à suivre l'évolution de la délinquance juvénile et à prévenir les risques de violence. Ces brigades devront privilégier dans l'exécution quotidienne de leur service, le contact avec les jeunes. Elles auront à cultiver en particulier quatre traits spécifiques :

- l'intégration au tissu social et notamment la recherche du dialogue avec les mineurs,

- les contacts réguliers avec les mineurs délinquants ou prédélinquants,

- les relations avec les milieux chargés de l'enfance (enseignants, éducateurs sociaux, magistrats),

- les prestations de service dans les enquêtes spécifiques (conseil et présence à l'enquête avec mention à la procédure).

Les unités disposeront de formateurs relais antidrogue (FRAD) -en supplément de ceux qui sont déjà en poste dans d'autres unités- qui pourront ainsi faire valoir de façon très utile leur expérience acquise à la faveur des échanges réguliers avec les collégiens et lycéens.

Dotées, dans un premier temps, d'effectifs modestes, les brigades se verront assigner les affaires d'enfants victimes ou de délinquance des mineurs pris en flagrant délit.

Les BPDJ seront prioritairement situées dans les groupements comptant des quartiers difficiles. En 1997, elles seront créées dans la plupart des groupements où une ou plusieurs brigades territoriales situées entièrement en zone de police d'Etat auront été dissoutes.

Ainsi les BPDJ ont été ou seront installées à Lyon, Toulouse, Strasbourg, Rennes, Aix-en-Provence, Douai, Liévin, Versailles, Cergy-Pontoise et au Havre.

. Une présence renforcée sur le terrain

Une politique de prévention efficace ne passe pas seulement par une plus grande spécialisation mais également par une présence renforcée sur le terrain. A cet égard, aussi, l'organisation de la brigade de Jouy-le-Moutier apparaît exemplaire. Chaque semaine, un des trois groupes de la brigade est désigné pour assurer les interventions. Il forme deux patrouilles d'intervention (composée chacune de 2 gendarmes et d'un gendarme auxiliaire) qui circulent en alternance de 7 h à 20 heures. Ces patrouilles de jour prennent en charge les accidents de la circulation, les vols constatés et tous les faits sur la voie publique. Elles bénéficient, le cas échéant, du renfort des patrouilles de surveillance générale. En contrepartie, ce groupe n'assure pas de transfèrement ou de permanence au planton. En moyenne, la brigade effectue une vingtaine d'interventions quotidiennes.

A la brigade, le planton de l'unité recueille systématiquement les plaintes. A 20 heures, les appels destinés à la brigade sont renvoyés au COG et la fonction de permanent de sécurité est assurée par un gendarme logeant à la brigade. Les interventions de nuit incombent à trois patrouilles -responsables chacune pour un créneau particulier : 20 h-23 h, 23 h-3 h, 3 h - 7 h. Deux à quatre interventions sont effectuées chaque nuit -généralement après un appel au COG.

Le commandant de brigade a souhaité privilégier les patrouilles à pied et concentrer la surveillance sur les quartiers sensibles ou les zones pavillonnaires. Cette volonté de présence peut s'appuyer en outre sur des renforts de "sécurisation" des gendarmes mobiles accordés au groupement du Val d'Oise dans le cadre de la politique de la ville, soit trois à six gendarmes mobiles par jour à Jouy-le-Moutier. En outre, deux gendarmes mobiles du détachement d'Auvers-sur-Oise (chargé à l'origine d'une surveillance particulière d'autorités) assurent dans la journée une surveillance renforcée auprès des établissements scolaires et des centres commerciaux.

Le souci de conférer à la gendarmerie une plus grande visibilité peut conduire, comme à Blagnac, à une expérience de déconcentration ; dans cette ville, grâce à l'appui de la municipalité, la brigade a pu ouvrir un poste annexe situé dans une commune bénéficiant d'un contrat de ville, où les gendarmes assurent une permanence trois jours par semaine.

Les difficultés des zones périurbaines ne justifient pas seulement une organisation différenciée de l'activité des brigades mais aussi un effort particulier en faveur des conditions de travail des personnels des brigades concernées.

2. Un effort spécifique pour les gendarmes des brigades périurbaines

Cet effort passe par un aménagement des infrastructures et une prise en compte des difficultés particulières auxquelles sont confrontés les militaires des unités sensibles.

. L'aménagement des infrastructures

L'aménagement des infrastructures se présente sous deux aspects : le logement des personnels dans les casernes, l'adaptation des locaux de travail.

Le logement des personnels dans les casernes constitue l'une des caractéristiques de la gendarmerie : il répond aux nécessités du service dans cette arme. Or, l'augmentation des effectifs dans les brigades des zones périurbaines ne s'est pas accompagnée d'un effort correspondant pour les infrastructures. Ainsi d'après une étude de la DGGN, près de 20 % des logements recensés dans les brigades situées dans les quartiers sensibles se trouvent hors des casernes.

Si le logement des gendarmes au coeur de la ville constitue un élément décisif de l'insertion de cette arme dans la vie de la cité et, partant, un gage d'efficacité, une dispersion excessive des habitations des militaires en particulier dans les zones sensibles représente un facteur de risque pour les gendarmes et leurs familles. Des agressions ont déjà été observées. Ce climat de tension ainsi créé peut se révéler, à terme, préjudiciable pour la qualité du travail des personnels.

Le logement de l'ensemble des personnels en casernes doit donc constituer en milieu urbain sensible une priorité , même si sa mise en oeuvre, compte tenu des contraintes budgétaires ne pourra naturellement que s'échelonner dans le temps. L'appui des collectivités territoriales peut dans ce domaine se révéler indispensable .

Il a été déterminant par exemple à Jouy-le-Moutier où les résidences des militaires ont pu être concentrées sur quatre sites après le relogement pour des raisons de sécurité de militaires initialement logés dans un quartier à Vauréal.

Par ailleurs, les locaux des brigades doivent également faire l'objet d'une attention particulière. Il en va de la qualité du service rendu au public. Il s'agit d'ailleurs d'une priorité du plan d'action « gendarmerie 2002 ». Or les locaux des brigades périurbaines ne se distinguent pas dans leur conception des bâtiments réservés aux unités rurales alors même qu'ils supportent des contraintes spécifiques : accueil d'un public nombreux, importance du volume des affaires traitées. Dès lors, l'aménagement des brigades doit tenir compte des conditions nécessaires à l'accueil du public (en particulier les garanties de discrétion et de confidentialité) et à l'activité "opérationnelle" de la gendarmerie, notamment dans le domaine de la police judiciaire.

En outre, la sécurité des locaux doit être renforcée : sas d'entrée, vidéo surveillance, etc. Ces éléments devraient être pris en compte dans le cahier des charges des constructions à venir. En revanche, les infrastructures existantes pourront seulement faire l'objet d'aménagements progressifs, à la faveur de restructurations. Ainsi à Jouy-le-Moutier, l'extension de la brigade a permis en 1997 le doublement de la surface des locaux et un aménagement plus adapté à la réception du public -pour un traitement rapide des demandes simples : renseignements, prise de rendez-vous...

. Une politique de ressources humaines adaptée

Les difficultés auxquelles les gendarmes se trouvent confrontés dans les zones périurbaines appellent également une politique de ressources humaines adaptée. Pour votre rapporteur, l'effort doit porter en priorité sur trois aspects : la souplesse des principes de gestion du personnel, la formation des personnels et la reconnaissance particulière des contraintes supportées par les militaires concernés.

Une certaine déconcentration des procédures de gestion du personnel apparaît aujourd'hui indispensable pour rapprocher la capacité de décision des réalités du « terrain ». Les commandants de légion devraient ainsi disposer d'une liberté d'appréciation pour répartir les effectifs entre les brigades situées dans le ressort de la région. Aujourd'hui, toutes les décisions dans ce domaine remontent à la direction générale. De même, une certaine initiative pourrait être laissée aux commandants de légion afin de nommer aux postes les plus difficiles les personnels les plus compétents et les plus expérimentés. En contrepartie les militaires intéressés bénéficieraient de priorité en matière d'affectation ou pour l'avancement.

Même si le recrutement des gendarmes reflète les évolutions de la société française et fait une place croissante aux citadins, les difficultés particulières liées à l'activité dans les zones périurbaines justifie un effort de formation spécifique et prioritaire. Les programmes des différentes écoles de gendarmerie devraient comprendre de façon systématique un enseignement théorique et pratique au problème de la sécurité dans les zones périurbaines. En outre, dans le cadre de la formation continue une action spécifique devrait bénéficier aux responsables des unités situées dans les quartiers sensibles. Ainsi à la suite des recommandations du rapport de la commission nationale de réflexion sur l'action de la gendarmerie dans les zones périurbaines, la direction générale de la gendarmerie a mis à l'étude la possibilité de donner aux commandants de brigade une aide à la conception et à la direction du service dans les zones difficiles. Cette formation supposerait l'allongement de trois jours du stage destiné aux futurs commandants des brigades concernées.

De même, comme le suggérait la commission précitée, conviendrait-il de disposer dans les unités périurbaines de personnels connaissant la langue des minorités de culture non européenne. Cependant la gendarmerie dispose d'une ressource limitée -aujourd'hui, à titre d'exemple, une quarantaine de militaires disposent d'une connaissance plus ou moins étendue de la langue arabe. C'est pourquoi la direction générale souhaite dans les années à venir, développer des actions de recrutement parmi les populations d'origine étrangère ou auprès des jeunes ayant accompli leur service national ou leur volontariat dans les zones défavorisées.

Par ailleurs, les contraintes particulières du service dans les zones périurbaines mériteraient une reconnaissance particulière sous la forme d'une bonification indiciaire ou d'une revalorisation du taux de l'indemnité pour charges militaires servie à tous les militaires affectés dans ces unités. Le Gouvernement, dans le cadre de la politique de la ville, avait d'ailleurs en novembre 1993 décidé d'ajouter au dispositif initial de la nouvelle bonification indiciaire une mesure de bonification complémentaire destinée aux fonctionnaires servant dans les quartiers où l'Etat avait signé avec les collectivités locales des conventions de développement social urbain. Une application stricte de la notion de DSU aurait limité le bénéfice de cette mesure aux cinquante quatre brigades territoriales dont la circonscription comprenait au moins un quartier classé DSU en zone de compétence exclusive.

Dans le cadre des discussions interministérielles, le ministère de la défense avait toutefois obtenu d'élargir cette disposition à l'ensemble des personnels des brigades territoriales où les charges liées aux problèmes des quartiers difficiles justifiaient une compensation.

A ce titre, la DGGN avait classé les emplois des unités éligibles en deux catégories :

- la première correspondant aux 731 emplois des unités dont la circonscription comprenait au moins un quartier classé DSU en zone de compétence propre (pour la tranche 1993 de la bonification),

- la seconde correspondant aux 864 emplois des brigades territoriales où les charges liées aux problèmes des quartiers difficiles en zone de compétence propre méritaient aussi une compensation (pour la tranche 1994);

Depuis lors, les difficultés budgétaires n'ont toutefois pas permis d'élargir le nombre des bénéficiaires. Il importe toutefois de porter l'effort sur les postes qui se distinguent par des conditions de vie et de travail contraignantes. L'ensemble des brigades situées dans les zones sensibles, mais également les pelotons de surveillance et d'intervention de la gendarmerie et les brigades de recherches des zones considérées ont vocation à bénéficier d'une telle mesure.

Même si elles demeurent en deçà de l'effort nécessaire, quelques mesures positives ont été adoptées. Ainsi par un décret du 10 septembre 1997 le ministère de la défense reconnaît un droit à l'avantage spécifique d'ancienneté pour les militaires de gendarmerie affectés dans "les quartiers urbains particulièrement difficiles" (les militaires justifiant de trois ans au moins de services accomplis dans un quartier difficile ont droit pour l'avancement d'échelon à une bonification d'ancienneté d'un mois pour chacune de ces trois années et à une bonification d'ancienneté de deux mois par année de service continu accompli au delà de la troisième année sans que le total des bonifications puisse toutefois excéder treize mois).

Une telle mesure a pour louable souci de fidéliser les personnels des brigades périurbaines mais il est permis de douter qu'elle suffise seule, à atteindre cet objectif.

Enfin, un soutien psychologique et social pour les personnels des unités confrontées quotidiennement aux difficultés du travail et de la vie dans les quartiers sensibles, apparaît également comme le complément nécessaire des mesures précédentes. Dans l'immédiat, le souci d'améliorer la sécurité des interventions des gendarmes conduit la direction générale à décider de systématiser l'entraînement régulier aux techniques d'autodéfense, sous l'autorité des commandants de circonscription et avec le concours des moniteurs et des instructeurs qualifiés de la gendarmerie mobile.

CONCLUSION

Des contraintes particulières justifient un traitement spécifique : pour votre rapporteur, la prise en compte des données propres à la situation des zones périurbaines constitue le point de départ obligé d'une réflexion sur le rôle et les missions de la gendarmerie dans les banlieues. Elle justifie une action prioritaire dont le contenu se décline en trois volets :

- un renforcement des effectifs ;

- une organisation plus efficace des structures ;

- une amélioration des conditions de vie et de travail pour les gendarmes affectés dans les zones périurbaines.

La gendarmerie a pris la mesure des adaptations nécessaires. Il faut citer de nouveau le travail exemplaire de la commission nationale de réflexion de la gendarmerie dans les zones périurbaines.

Une grande partie de ses propositions a été reprise par la direction générale ou, du moins, fera l'objet d'une réflexion approfondie. Parmi les mesures les plus significatives, il convient de citer ainsi les directives relatives à une plus grande spécialisation au sein des brigades, les incitations apportées aux services dans les zones périurbaines, l'effort dévolu à la formation ou encore la sécurisation des informations. En outre, plusieurs des adaptations nécessaires s'inscrivent désormais dans le cadre des priorités fixées par le plan d'action « gendarmerie 2002 » qu'il s'agisse des redéploiements, du renforcement de la prévention de la délinquance juvénile ou enfin des opérations de rénovation des locaux d'accueil. En outre, la politique de la sécurité dans les zones périurbaines constituera l'une des dimensions de cette capacité d'anticipation sur le long terme dont la gendarmerie souhaite se doter à travers la création d'une structure permanente de réflexion.

Cette politique volontariste ne risque-t-elle pas cependant de se heurter, à terme, à l'absence de moyens financiers ? Certes, une partie des changements nécessaires repose sur une organisation plus efficace des services à coût constant. Cependant les besoins en matériel, en infrastructures, ne pourront être satisfaits sans financement supplémentaire.

Compte tenu du rôle joué par la gendarmerie dans les banlieues, l'arme devrait bénéficier de la priorité budgétaire accordée à la politique de la ville, même si l'étroitesse des marges de manoeuvre budgétaires n'ouvre guère des perspectives très prometteuses.

L'efficacité de la gendarmerie se jugera de plus en plus à l'aune de son action dans les zones périurbaines ; par ailleurs, une sécurité alliant proximité et prévention décidera de la qualité de vie dans des zones destinées à connaître une croissance démographique importante au cours des prochaines années. Ce double enjeu doit aujourd'hui nous conduire à faire prévaloir l'intérêt général sur la résistance au changement et le souci de maintenir les situations acquises.

EXAMEN EN COMMISSION

A la suite de l'exposé de M. Michel Alloncle, M. Serge Vinçon est revenu sur l'importance des mutations démographiques connues par les zones périurbaines. A l'instar de M. Michel Alloncle, il a souligné la nécessité de redéployer les effectifs vers ces zones sans contrarier toutefois le maillage territorial de la gendarmerie. Cependant, d'après lui, la présence de plusieurs brigades dans un même canton devait faire l'objet d'une réflexion. Il a ajouté que les gendarmes pouvaient éprouver un certain sentiment de démoralisation devant la lenteur des procédures judiciaires. Enfin, il a estimé que l'étude de M. Michel Alloncle répondait tout à fait à la vocation de la commission et à l'intérêt qu'elle avait toujours porté pour la gendarmerie. C'est pourquoi il a souhaité que ce rapport d'information connaisse une large diffusion.

M. Jean Clouet, après avoir souligné que les Français étaient très attachés à la gendarmerie, à son rôle et à sa présence, a observé un certain malaise parmi les gendarmes qui avaient parfois le sentiment d'être sollicités pour des tâches étrangères à leur véritable mission. Il a évoqué également le problème du casernement qui pouvait être aujourd'hui, dans certains cas, une source de faiblesse pour l'Arme.

Après que M. Xavier de Villepin, président, ait insisté sur la nécessité d'une formation adaptée pour les militaires servant dans les zones périurbaines, la commission a autorisé la publication de l'étude de M. Michel Alloncle consacrée au rôle de la gendarmerie dans les zones périurbaines sous la forme d'un rapport d'information.

* 1 François Dieu, « La gendarmerie et le défi de la périurbanisation » in Revue de défense nationale, mai 1997.

* 2 D'après les données citées par le chef d'escadron Pagès-Xatart-Pares, Le gendarme dans la cité in Revue de la gendarmerie nationale, n° 179, 4e trimestre 1995.

* 3 Colonel Marc Watin-Augouard, Val de Reuil, Un enjeu pour la gendarmerie in Revue de la gendarmerie nationale, n° 179, 1995.

* 4 Un lieutenant, un major adjoint, 2 adjudants, 4 chefs, 22 gendarmes et 8 gendarmes-auxiliaires.

* 5 Dans ces zones, les brigades assurent aujourd'hui principalement des missions de police judiciaire et toutes les missions à caractère militaire.

* 6 19 brigades territoriales ont été supprimées en 1996 et 12 en 1997.

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