CONCLUSIONS DE L'ÉTUDE CONDUITE PAR L'INSTITUT

REXECODE : "INCIDENCE DES CHARGES FISCALES ET

SOCIALES SUR LA LOCALISATION D'ACTIVITÉ"

INTRODUCTION

Dans quelques trimestres, la fixation irrévocable des taux de change entre plusieurs monnaies européennes accentuera encore l'intensité déjà très vive de la pression concurrentielle sur les entreprises françaises. Si la convergence monétaire paraît acquise, des écarts importants subsistent dans la formation des coûts en raison notamment des différences de niveaux et de systèmes des prélèvements obligatoires. On peut dès lors s'interroger quant aux conséquences de ces différences sur les performances futures de l'économie française. Le niveau des prélèvements obligatoires et la structure de ces prélèvements risquent-ils de constituer pour l'économie française un handicap pour les années à venir ?

L'objectif de cette étude préliminaire et exploratoire est de mettre en évidence les comportements des entreprises induits par les différences de prélèvements obligatoires entre certains pays membres de l'Union européenne. Deux types de questions ont été examinés à partir d'observations directes effectuées au sein d'entreprises implantées dans plusieurs régions européennes. D'une part, sur la base d'exemples concrets et chiffrés, un calcul du coût brut pour l'entreprise correspondant à un salaire net de 100 (après impôt sur le revenu et cotisations sociales) a été effectué dans trois grands pays européens : la France, l'Allemagne et le Royaume-Uni. D'autre part, une approche qualitative sur la base d'entretiens avec des responsables d'entreprises a cherché à identifier le rôle de la fiscalité dans la localisation d'activité. Afin d'établir un lien entre ces deux approches complémentaires, nous avons enfin esquissé le cadre théorique dans lequel la problématique d'ensemble pourrait être replacée.

Il est notoire que la part des prélèvements obligatoires dans le PIB est aujourd'hui bien plus élevée en Europe qu'aux Etats-Unis et au Japon. Le taux des prélèvements obligatoires, qui était de 31,6% en moyenne dans l'Union européenne en 1970 est, en 1995 à 41,8% alors qu'aux Etats-Unis et au Japon il reste inférieur à 30%.

Le taux français est parmi les plus élevés d'Europe (45,7% en 1996, 44,5% en 1995). La France est en cinquième position après les pays d'Europe du nord (Finlande, Suède, Danemark, Belgique). Ce taux est nettement plus élevé qu'en Espagne, Irlande et Royaume-Uni. Il est supérieur de 3 points à la moyenne européenne.

De plus, le taux des prélèvements obligatoires a tendance à progresser en France. Aux Pays-Bas, ce taux était supérieur au taux français jusqu'en 1994, mais il est sur une pente décroissante depuis 1993. Au Royaume Uni, il a baissé de 1981 à 1993 et ne se redresse que légèrement. En Allemagne, le taux de prélèvements obligatoires est relativement stable depuis une vingtaine d'années.

Si l'on se concentre plus spécifiquement sur les prélèvements obligatoires assis sur la masse salariale, on observe en outre que la France occupe une position assez atypique en Europe, avec un poids très important des cotisations de sécurité sociale à la charge de l'employeur et un poids des recettes fiscales de l'impôt sur le revenu nettement plus faible qu'en Allemagne et au Royaume-Uni.

Pour tenter de comprendre l'incidence de ces différences de taux de prélèvements obligatoires, nous avons centré notre étude autour de deux questions précises, sachant que ce premier travail devrait déboucher sur une étude plus large de l'incidence de la fiscalité sur les comportements des entreprises et l'équilibre de l'économie.

La première question est la suivante: sur la base de cas types concrets, quel est le coût total pour l'employeur qui correspond à un salaire net de 100 pour le salarié (après impôt sur le revenu, cotisations salariales et patronales) en France, en Allemagne et au Royaume-Uni ? La deuxième question porte sur l'incidence de la fiscalité, prise dans son ensemble, sur les comportements des localisations d'activités.

La première partie de notre étude s'attachera à comparer de façon générale les systèmes fiscaux et sociaux dans les pays de l'étude (France, Allemagne, Royaume-Uni).

Dans une deuxième partie, nous avons mesuré la différence entre le coût total pour l'employeur (y compris les charges patronales) et le salaire net perçu in fine par le salarié (net de l'impôt sur le revenu), sur la base d'une enquête auprès de responsables de grandes entreprises françaises qui ont des implantations à l'étranger (étude de cas types).

Il ne faut sans doute pas rester sur ces résultats si on veut comprendre comment les différences de taux de prélèvement sur le travail salarié agissent sur les comportements des entreprises. En effet, le facteur fondamental des décisions économiques de l'entreprise en matière d'emploi est le coût du travail. Il faudrait donc approfondir le lien, qui n'est pas évident, entre coût du travail et niveaux des prélèvements obligatoires, sachant qu'en présence de rigidité salariale sur le marché du travail, toute hausse des prélèvements se traduit au moins partiellement par une augmentation du coût du travail. En outre, la taxation introduit des distorsions et provoque des déséquilibres macroéconomiques et du chômage. Ces réflexions font l'objet d'une troisième partie.

Dans une quatrième et dernière partie nous élargissons le champ de la fiscalité à l'ensemble des dispositions fiscales qui pèsent sur les entreprises et nous mesurons l'importance de ces considérations dans la décision de localisation d'activités. Pour ce faire nous avons interrogé plusieurs responsables d'entreprises multinationales françaises. Conscients de la complexité de la question, nous avons examiné par ailleurs la littérature théorique et empirique traitant du sujet afin de compléter notre analyse. Il nous est alors apparu qu'un lien relativement faible existait entre le poids de la fiscalité et le niveau des entrées d'investissements directs étrangers. La difficulté de mesurer empiriquement ce lien nous suggère que c'est pour un certain type de fonctions de l'entreprise (fonctions dites "nomades") et à certains instants de la vie de la firme que la fiscalité est un facteur crucial dans la décision d'investissement.

Aussi avons-nous essayé d'analyser, sans prétendre à l'exhaustivité, les mesures fiscales actuelles particulièrement défavorables à l'implantation d'activités en France. Parmi celles-ci la taxe professionnelle pénalisante, la fiscalité des transmissions excessive et la fiscalité des marques et brevets constituent des faiblesses à la compétitivité fiscale de la France. D'une manière plus générale le manque de clarté de la politique fiscale française caractérisée par une grande complexité et une instabilité quasi permanente pèse sans doute sur le dynamisme de l'investissement en France.

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