3°/ LES DÉCHETS TRITIÉS

Si les déchets contaminés par le plutonium constituent le souci principal des responsables de la gestion des déchets de la DAM, la présence de tritium dans les installations de fabrication ou de maintenance des armes nucléaires n'en pose pas moins toute une série de problèmes souvent très difficiles et parfois même impossibles à résoudre.

Si le tritium fait moins peur que le plutonium, ce n'est cependant pas une raison suffisante pour en minimiser les dangers, comme c'est le cas assez fréquemment chez les responsables d'installations qui produisent et qui relâchent ce radionucléide.

Pour un non-spécialiste, le tritium présente toute une série de particularités le distinguant des autres éléments radioactifs. L'Institut de Protection et de Sûreté Nucléaire (IPSN) vient heureusement de publier une étude 16 ( * ) aussi claire que concise, qui permet de mieux comprendre les problèmes que posent les déchets tritiés et les rejets de tritium dans l'environnement.

A/ La spécificité des déchets tritiés

Le tritium 3H est un isotope radioactif de l'hydrogène qui a été découvert en 1934 par le célèbre physicien Lord Rutherford.

Sa période de décroissance ou demi-vie est de 12,4 ans, ce qui le distingue immédiatement du plutonium 239 dont la période est de 24 000 ans. Le tritium est donc un radionucléide à vie courte puisqu'il en disparaît chaque année naturellement 5,6 % en formant de l'hélium 3. Cette décroissance rapide constitue donc un élément plutôt favorable pour la gestion des déchets qui contiennent du tritium en éliminant toutes les incertitudes qui pèsent sur le stockage à long terme. Le tritium est d'ailleurs très fréquemment utilisé comme marqueur dans des expériences scientifiques en raison de sa courte vie.

Second élément favorable, par rapport à d'autres radionucléides : la force de pénétration de son rayonnement bêta est très limitée, 5 mm dans l'air, ce qui fait que les cellules des tissus humains ne sont pratiquement pas atteintes, même à la suite d'un contact rapproché, tant qu'il n'y a pas de pénétration à l'intérieur de l'organisme.

Si certains tentent parfois de "banaliser" l'usage du tritium, c'est aussi en raison de son origine. Le tritium peut en effet, à la différence du plutonium, avoir une origine naturelle. Produit par une réaction des rayonnements cosmiques sur les atomes d'hydrogène de l'atmosphère ou à l'intérieur même de la couche terrestre par réaction de neutrons sur certaines roches, le tritium est présent dans l'atmosphère, dans les eaux et même dans les espèces vivantes et cela en l'absence de toute production résultant des activités humaines.

Selon l'UNSCEAR, le Comité scientifique des Nations-Unies pour l'étude des effets des radiations, le tritium naturel représenterait de 2,8 à 3,7 kg, ce qui correspondrait, compte tenu de sa décroissance naturelle, à une production annuelle de 0,15 à 0,20 kg par an.

En réalité, le tritium présent dans l'environnement provient surtout des activités humaines. Toujours selon l'UNSCEAR, les seuls essais d'armes nucléaires dans l'atmosphère auraient produit environ 650 kg de tritium qui serait en voie de disparition, les derniers essais importants, à l'air libre, ayant eu lieu en 1963.

Depuis l'arrêt des essais, le tritium provient avant tout des réacteurs, soit que ceux-ci soient utilisés pour la production d'électricité, soit qu'ils soient spécialement conçus pour produire ce radionucléide, en particulier pour des usages militaires.

Il est très difficile de limiter les rejets de tritium par les centrales, les usines de retraitement et les réacteurs dédiés à cette production, car une des principales spécificités du tritium par rapport à presque tous les autres radionucléides est de se présenter sous trois formes différentes :

- solide inclus dans des métaux, des produits organiques ou minéraux,

- liquide essentiellement sous forme d'eau tritiée,

- gazeux sous forme de tritium gazeux ou encore de vapeur d'eau tritiée.

Il faut toutefois noter que les déchets tritiés solides ou liquides émettent en permanence des effluents gazeux, ce qui rend leur stockage particulièrement difficile.

Comme il s'agit d'un radionucléide dont les rayonnements sont peu pénétrants, à vie courte, qui peut être produit naturellement et dont il est très difficile de limiter les rejets gazeux, la tentation a toujours été très forte de ne pas lui appliquer les mêmes normes de protection que pour les autres éléments radioactifs et d'avoir une attitude beaucoup plus laxiste vis-à-vis de sa dissémination dans l'environnement.

Il n'en demeure pas moins que le tritium, corps radioactif, présente pour la santé humaine des dangers incontestables qu'il convient de ne jamais oublier.

* 16 Le tritium de l'environnement à l'homme, Coordinateurs : Yves Belot, Monique Roy et Henri Métivier, IPSN, Les Editions de Physique 1997.

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