CHAPITRE II - LES POLITIQUES PUBLIQUES : APPRÉCIATION ET ESSAI D'ÉVALUATION

1. Le rôle de l'État

1.1 La tutelle: les ports autonomes (la loi de 1965), les ports d'intérêt national, les ports départementaux et leur financement

Les ports font partie du domaine maritime public et sont de ce fait propriété de l'État. Jusqu'en 1965, l'État construisait et gérait directement les ports. Ce dispositif s'avérait peu propice aux initiatives commerciales et a l'autonomie que nécessitent à la fois la gestion courante et le traitement des événements imprévus, d'apparition relativement fréquente compte tenu de la complexité du monde portuaire.

La loi du 29 juin 1965 crée un statut qui a été appliqué à six ports autonomes en métropole et un dans l'outre-mer 49 ( * ) . Il s'agit d'établissements publics de l'État dotés de la personnalité civile et de l'autonomie financière et possédant à la fois un caractère industriel et commercial et un caractère administratif. Ils sont placés sous la double tutelle du ministère chargé des ports maritimes et du ministère chargé de l'Économie et des Finances. Ils sont administrés par un Conseil d'administration 50 ( * ) . Leur directeur est nommé par décret en Conseil des ministres. Leurs investissements sont examinés et les emprunts autorisés par un Comité spécialisé agissant par délégation du Comité des investissements à caractère économique et social (anciennement FDES).

La loi du 22 juillet 1983 confie aux départements la gestion des ports non autonomes honnis les 23 ports d'intérêt national (17 en métropole et 6 dans les DOM). La gestion de l'outillage public des ports d'intérêt national est concédée aux chambres de commerce et d'industrie (CCI).

La participation financière de l'État varie selon le régime juridique des ports :

- dans les ports autonomes, l'État finance entièrement les dépenses d'entretien des écluses, des chenaux d'accès maritimes, des travaux de profondeur des avant-ports et des ouvrages de protection contre la mer. Il finance 80 % des dépenses de modernisation, de création ou d'extension de ces ouvrages. Enfin, il couvre 60 % des charges d'équipement, en particulier la construction et l'extension des quais, darses et terrains endigués ;

- dans les ports d'intérêt national, l'État décide des infrastructures et leur financement est assuré pour partie par l'État (30 à 50 %), pour partie par les CCI concessionnaires de l'outillage public qui bénéficient également des fonds de concours des collectivités locales. L'organisation des tutelles est analogue à celle des ports autonomes ;

- dans les ports départementaux, les dépenses d'investissement et de fonctionnement sont couvertes par les départements, qui perçoivent une compensation financière de l'État incluse dans la dotation globale de décentralisation.

Les ressources financières des ports proviennent, outre des participations financières de l'État aux dépenses d'entretien et d'investissement des infrastructures :

- des droits de port,

- des redevances pour l'utilisation des outillages,

- des revenus domaniaux et, depuis peu, de 90 % des produits de cessions d'actifs immobiliers,

- d'autres produits et redevances divers,

- des produits financiers.

Quelques subventions proviennent des collectivités locales et des fonds de concours européens (FEDER), mais ils sont relativement réduits et, en tout état de cause, difficiles à globaliser.

L'examen des comptes de résultat des ports autonomes montre que, depuis au moins une dizaine d'années, les droits de port procurent la part la plus importante des recettes (de l'ordre de 50 %), les redevances d'outillage et les produits du domaine viennent ensuite (de l'ordre de 15 % chacun), les autres ressources étant très variables (voir paragraphe 8.2).

1.2 Un dosage des missions de service public ou de puissance publique difficile à établir

La description des tutelles et les financements de l'État délimitent le domaine des prérogatives de puissance publique gardées par l'État directement pour les ports principaux (ports autonomes et ports d'intérêt national) et par les départements pour les ports locaux.

Ce domaine concerne principalement la sécurité des hommes et des biens. On a vu que l'État finance majoritairement (80%) les chenaux d'accès maritimes, les écluses maritimes et digues de protection extérieures, à un degré moindre (60 %) les darses, quais et terrains endigués. Il couvre en principe intégralement les dépenses d'entretien de ces infrastructures.

Cependant, les pourcentages indiqués pour les ports autonomes et les PIN sont devenus à l'usage assez théoriques et les autorités portuaires, d'un côté, comme les CCI de l'autre, contribuent fréquemment pour un niveau supérieur aux pourcentages et sont mêmes parfois appelés à participer au financement de l'entretien.

La participation partielle aux dépenses de sécurité des autorités portuaires déléguées n'est pas en soi critiquable (d'autant plus que les infrastructures concernées ont également un intérêt pour l'exploitation) et signifie que, par l'intermédiaire des droits de port et redevances versés à celles-ci, l'usager contribue au financement d'une partie de sa sécurité, qui correspond effectivement à un service rendu. Quelques observations peuvent néanmoins être avancées :

- la participation de l'usager qui gonfle les droits de port pose problème lorsqu'elle s'inscrit dans un secteur concurrentiel où les autres ports européens ne sont pas soumis au même régime financier ; il y a donc là un exemple de déséquilibre concurrentiel au détriment des usagers utilisant les ports français, lorsque le surcoût n'est pas justifié par un gain de sécurité ;

- les pourcentages de participation de l'État ont été définis à une époque où un rattrapage en matière d'équipement portuaire était à l'ordre du jour ; maintenant beaucoup d'installations sont amorties et une révision à la baisse du barème pourrait être envisagée, même si les niveaux initiaux ne sont pas particulièrement prohibitifs pour les usagers ;

- enfin et surtout, les règles établies ne sont pas intégralement respectées par l'État lui-même, en raison principalement des contraintes budgétaires.

L'État a plusieurs missions en matière portuaire. Tout d'abord, il a pour rôle de définir la vocation des places portuaires au mieux de l'intérêt économique du pays et on verra qu'il est sur ce point grandement contraint par les acteurs économiques mondiaux qui, en dernier ressort, décident de l'importance internationale des places portuaires. L'État doit donc coordonner au niveau national la réalisation des infrastructures lourdes, veiller à ce que les actions locales ne conduisent pas à des équipements superfétatoires synonymes de mauvaise utilisation de l'argent public et définir des infrastructures pertinentes de transport terrestre nécessaires et suffisantes à la desserte des ports. L'équilibre est délicat à trouver pour ne pas risquer de tomber dans un dirigisme excessif qui serait nuisible à l'initiative locale et à l'émulation entre les places portuaires.

Par ailleurs, l'État est également garant de la sécurité du territoire et maître d'oeuvre de la politique d'aménagement du territoire pour laquelle les ports peuvent constituer un outil efficace et intéressant (voir ci-après). Enfin, comme pour tous les secteurs de l'économie, le niveau de l'emploi est au premier chef des préoccupations de l'État qui peut y contribuer directement et indirectement, par une politique d'investissements publics.

1.3 Les délégations de l'État : ports autonomes et concessions

L'organisation portuaire instaurée par la loi de 1965 a conduit l'État à transférer une partie de ses prérogatives à des organismes publics : l'établissement public mixte aux caractères à la fois administratif et industriel et commercial dans le cas des ports autonomes. Par ailleurs, l'État confirme la concession de l'outillage public aux Chambres de commerce et d'industrie dans celui des ports d'intérêt national. Il ne sera pas examiné à ce stade si ces organismes sont les structures les mieux adaptées à hériter des « démembrements » de l'État. D'autres sont certes envisageables. L'organisation sous forme de société d'économie mixte par exemple permettrait d'intégrer un capital privé dans la structure des sociétés ainsi constituées et donner aux opérateurs et aux collectivités locales intéressées (qui dans certains ports contribuent déjà de façon significative aux investissements), un poids décisionnel en rapport avec leurs prises de participation. L'attribution de concessions de service public pourrait éventuellement être envisagée sans a priori. Ces options, jugées intéressantes par certains des intervenants audités, n'ont toutefois pas été considérées comme des mesures à caractère prioritaire pour améliorer l'organisation portuaire.

Les autorités portuaires sont à la fois les représentants de l'État, avec ses prérogatives de puissance publique, des aménageurs et promoteurs de l'espace industriel et portuaire et des entrepreneurs industriels et commerciaux fournissant des services variés. L'activité d'aménageur et de promoteur de la place portuaire permet de générer des recettes et de développer ainsi l'activité et l'emploi. Le métier d'entrepreneur industriel et commercial consiste à exploiter des ateliers d'entretien, réaliser parfois des dragages et fournir des prestations d'outillage. L'acquisition et la location avec sa main-d'oeuvre de l'outillage lourd (grues, portiques, radoubs) aux opérateurs de manutention constituent une spécificité du système portuaire français. Pour cette raison, cet outillage est qualifié de « public ». Dans les autres ports européens, il existe souvent des équipements achetés et exploités par des entreprises, en général de droit privé, qu'elles soient ou non utilisatrices uniques du site.

1.4 Le désengagement relatif du budget de l'État

Le budget des ports fait partie de celui du ministère de l'Équipement, des Transports et du Logement. À titre indicatif, seront précisés les montants alloués en crédits de paiement dans le cadre de la loi de finances 1998, ainsi que la répartition de ceux-ci.

1. En dépenses ordinaires

en %

- dépenses de fonctionnement destinées aux ports non-autonomes directement gérés par l'État

43 MF

7,3

- dépenses d'intervention destinées à l'entretien courant des six ports autonomes métropolitains

394 MF

66,5

2. En dépenses de capital (crédits de paiement)

- investissements de capacité dans les ports de métropole

139,1 MF

23,5

- grosses réparations, d'entretien et de restauration dans les ports d'Outre-mer

13,4 MF

2,3

- études générales liées aux aménagements

1,2 MF

0,2

- subventions d'investissement aux ports maritimes

2 MF

0,3

TOTAL

592,7 MF

100,0

Ce budget appelle plusieurs remarques :

- les dépenses d'entretien des ports autonomes absorbent les deux tiers des crédits ;

- les crédits sont modestes au regard des autres secteurs du transport ;

- Les politiques publiques : appréciation et essai d'évaluation -

- malgré cette modestie, des annulations de crédits relativement importantes frappent chaque année la réalisation de ce budget : 11 MF en 1997, 27 MF en 1996, 70 MF en 1995, 61 MF en 1994, 59 MF en 1993, 56 MF en 1992...

Évolution des crédits en LFI et consommés
pour les ports métropolitains

Mais la caractéristique essentielle de ce budget est sa décroissance quasi continue, comme le montre le graphique ci-dessus indiquant la dotation budgétaire en Loi de finances initiale et les crédits consommés hors fonds de concours (dépenses ordinaires et crédits de paiement) en francs constants 1996 pour les ports métropolitains (articles 35-34, 44-34 et 53-30) depuis 1980. Le décrochement des années 1985 à 1987 s'explique par des concours en provenance du FSGT (Fonds spécial des grands travaux) venus abonder les crédits budgétaires, pour des montants de l'ordre de 150 à 200 MF pendant ces années. Les tableaux en annexe 6 présentent le détail des crédits consommés de 1980 à 1996.

Les crédits d'État diminuent de moitié en seize ans en francs constants. En ce qui concerne les ports d'intérêt national, la réduction des dotations est compensée par les fonds de concours en provenance des collectivités locales, le montant de ceux-ci passant de 6 MF en 1980 à 36 MF en 1996. Malgré cela, la direction des ports fait état de dégradations multiples au niveau des quais, jetées, écluses et ponts-mobiles, mettant parfois en question la sécurité des personnes et des biens, et d'une situation préoccupante sur l'entretien des profondeurs des chenaux et avant-ports.

Ces dégradations touchent des infrastructures utiles à l'exploitation, soit datant du XIX e siècle, soit des équipements plus sophistiqués des années 1960, mais à durée de vie limitée et concernent en première urgence les ports de Brest, Boulogne, Cherbourg, Concarneau, Marseille et Sète. Une expertise technique de ces désordres a été menée en 1994 par la direction des Ports qui souhaite bénéficier à ce titre d'une enveloppe spécifique pluriannuelle. La responsabilité de l'État étant engagée, cette attente devrait être satisfaite dans la mesure du possible et il reste à déterminer l'urgence et le montant des travaux de rattrapage à effectuer.

Par ailleurs, une part des dépenses « normalement » à la charge de l'État est reprise par les autorités portuaires, ports autonomes et concessions, dans la mesure de leur capacité d'autofinancement et des possibilités d'emprunt. Des crédits initialement prévus pour les dotations en capital sont transférés aux dépenses d'entretien, l'ajustement se faisant in fine sur la part de l'État des contrats de plan État-régions qui, au rythme actuel d'exécution, serait de l'ordre d'une dizaine d'années (voir à ce sujet le tableau sur l'état d'avancement des contrats de plan État-régions en point 7 de ce chapitre).

1.5 Les métiers encadrés par l'État : souvent des monopoles de fait

Les autorités portuaires, représentant l'État dans les ports, contrôlent et encadrent certaines activités. Elles agissent par l'intermédiaire des Conseils d'administration ou des conseils portuaires dans les PIN, dans lesquels sont représentés, outre les administrations concernées, les collectivités locales de la circonscription, des représentants des principaux usagers des ports et des représentants du personnel.

Pour des raisons de sécurité, le métier de pilotage est réglementé par l'autorité publique qui vérifie la conformité aux règles de police applicables au port. La profession est organisée en monopole par le syndicat professionnel des pilotes maritimes. Les tarifs pratiqués sont imposés ; ils sont débattus en assemblée commerciale constituée et le Préfet représentant de l'État décide en dernier ressort.

De même, le métier de remorquage est exercé par des sociétés indépendantes de droit privé mais constitue un monopole de fait. Les tarifs sont encadrés et examinés par une assemblée commerciale, sans toutefois qu'ils soient imposés.

Le métier de lamanage, chargé de l'amarrage des navires, bénéficie souvent aussi d'un monopole de fait dans les ports. À la différence des précédents, les tarifs sont libres.

L'affectation des postes à quai est du ressort exclusif de l'autorité portuaire.

Les autres services d'escale des navires et des services à la marchandise sont exercés par des opérateurs privés, mais il arrive fréquemment que l'autorité portuaire soit impliquée dans certaines de ces activités, en raison soit d'implications de service public, soit surtout de la faiblesse financière de ces opérateurs qui nécessite un soutien de la puissance publique sous forme, par exemple, d'une participation à l'acquisition de certains équipements lourds.

1.6 Les organisations des systèmes portuaires dans les pays d'Europe

De façon globale, d'après l'analyse faite par Robert Rezenthel, secrétaire général du Port de Dunkerque, il existe des ports :


• à gestion centralisée : l'État définit le régime juridique des ports et, par voie de conséquence, le degré de dépendance de l'autorité portuaire par rapport à lui. Une collaboration avec des entreprises privées est possible, celles-ci intervenant en qualité de concessionnaires de l'outillage public ou entrepreneurs de la manutention portuaire. En Europe : Espagne (à l'exception des ports autonomes et de certains sites privatisés), Italie (sauf ports autonomes), Grèce, France (à l'exception des ports départementaux et communaux dont la gestion a été décentralisée en application de la loi n° 83-583 du 22 juillet 1983 et des ports autonomes), et quelques ports Danois.


• à gestion décentralisée : cette catégorie comprend les ports gérés par une collectivité locale, un établissement public ou une entreprise publique, une région ou un État fédéré. En Europe : Pays Scandinaves, Belgique, Pays-Bas, Allemagne, Royaume-Uni, Irlande, Portugal, France (ports autonomes, départementaux et communaux), Espagne (ports autonomes), Italie (ports autonomes).


• à gestion privatisée : cette idée se développe de plus en plus et a fait l'objet d'observations de la part de la CNUCED (Conférences des Nation-Unies sur le Commerce et le Développement). On en trouve en Europe au Royaume-Uni, en Allemagne, en Grèce et en Espagne.

1.6.1 Allemagne

Les ports ne bénéficient pas d'autonomie réelle par rapport aux collectivités territoriales. Ils ne sont généralement pas gérés par une autorité unique mais par un ensemble de services des administrations territoriales concernées. Il n'existe pas de Commission spéciale pour les questions portuaires. Par exemple, dans la ville-État d'Hambourg, s'il existe un département plus particulièrement chargé du port au sein du ministère des Affaires Économiques, les questions portuaires sont également traitées dans les autres départements et ministères. Le port (et donc l'État) financent les infrastructures tandis que les superstructures sont du ressort des capitaux privés. Compte tenu du fait que la plus importante société de manutention, HHLA, a pour actionnaire principal, la ville de Hambourg, tout se passe comme si ville et port se confondent. Un système similaire existe à Brême.

Il existe cependant des ports considérés comme privés, c'est-à-dire dont les installations font principalement l'objet de financements privés. Exemple : Nordenham ou le port pétrolier de Wihelmshaven. Un terminal forestier privé existe également à Lübeck depuis fin 1995-début 1996. Le port de Lübeck est géré à 50 % par la ville et 50 % par l'État. Les ports de Kiel et de Rostock sont en cours de privatisation.

Le financement futur des infrastructures fait actuellement l'objet de débat, l'argent public risquant de faire défaut (y compris pour les ports de Brême et Hambourg) Parallèlement, des réflexions sont menées pour définir ce qui ressort ou non des infrastructures publiques.

1.6.2 Belgique

En Belgique, n'existent ni hiérarchie entre les ports, ni différence de régime en matière de crédits selon qu'il s'agit de ports autonomes ou de ports de chambres de commerce. La comptabilité n'est pas uniforme. En fait, les ports dépendent des États sur le territoire desquels ils sont implantés.

Le gouvernement flamand a adopté, en 1994, un projet de décret accordant une large autonomie à ses ports maritimes, tant sur le plan de la politique commerciale que sur celui de la gestion. Les ports peuvent bénéficier du statut de personnalité juridique, et il appartient aux municipalités de déterminer si elles souhaitent en rester actionnaires à 100 %. Le caractère de service public doit être maintenu, même si le rôle de la région est restreint.

Le gouvernement flamand est en mesure d'infléchir la politique portuaire par l'entremise des crédits qu'il met à la disposition des ports, pour des projets approuvés par la Commission portuaire. Il finance les travaux relatifs aux accès maritimes et intervient à hauteur de 60 % dans les financements des infrastructures.

Le port d'Anvers est géré par une régie portuaire communale autonome, dont la création a été approuvée par le Conseil Municipal de la ville le 24 juin 1996. Les initiatives sont prises par le Comité de direction, qui gère au quotidien les affaires. Une fois approuvées par le Conseil d'administration, les décisions peuvent être mises en oeuvre immédiatement (dans la logique des statuts de 1987, les décisions à prendre devaient transiter par plusieurs instances publiques).

L'Agha, Communauté du Port d'Anvers, est une structure de concertation sur les grandes orientations du port.

Assiport, Association des intérêts portuaires d'Anvers, est un organisme créé en 1947 et « institutionnalisé » par les associations professionnelles du secteur portuaire et la Chambre de Commerce d'Anvers. Les associations qui en font partie représentent les principaux secteurs privés (commerce, industrie, transbordement, transport, finances), catégories représentées au sein de son Conseil d'administration et de son bureau. Assiport a trois principaux objectifs :


• harmoniser les relations entre les différentes branches de transport et les activités connexes,


• conquérir et développer des trafics,


• mettre sur pied un réseau de relations extérieures permettant d'atteindre les deux premiers objectifs.

SEA, Centre d'études pour l'expansion d'Anvers, est plus particulièrement une structure de recherche.

C'est le Conseil d'administration qui définit la politique portuaire. Selon la loi, il doit se composer au moins pour moitié de conseillers communaux. Pour la première fois, des représentants externes prennent également part à la gestion publique du port. Il s'agit en l'espèce de représentants de l'Agha, de la Société pour la politique industrielle de la rive gauche, de l'Institut pour la préservation de l'environnement, et du Cabinet de l'échevin du port. Le contrôle de la gestion financière est confié à un collège de trois commissaires nommés par le Conseil communal.

Suite à la création de cette règle, le secteur privé anversois regroupé au sein de l'Agha, d'Assiport, et du SEA, s'est réorganisé pour conjuguer ses efforts. Les trois groupements d'intérêts continueront à exister en tant qu'entités juridiques, mais accorderont leurs politiques au sein d'un conseil d'administration commun, composé de deux représentants des six associations anversoises défendant les intérêts des diverses professions portuaires (Groupements des Agents Maritimes d'Usines, Union des Expéditeurs d'Anvers, Fédération Maritime d'Anvers, Union des manutentionnaires de Marchandises) et de deux délégués de la Chambre de commerce et d'industrie d'Anvers. Le secteur fluvial, le transport routier et la SNCB sont représentés en tant que membres associés. Cette structure collaborera de façon plus explicite avec la régie communale du port dans le cadre de la politique commerciale.

Le port de Zeebrugge est géré par un organisme public créé à la suite d'un accord entre l'État belge, la ville de Bruges et des investisseurs privés.

1.6.3 Danemark

Il existe quelques ports administrés par l'État (Esjberg, Friederiskhaven, Helsingor), alors que la plupart des autres sont municipaux.

Il est à noter que le port de Copenhague est doté, depuis 1913, d'un régime d'autonomie. L'établissement est dirigé par un Conseil où l'État et la municipalité sont représentés, mais dont la majorité des membres représentent les secteurs du commerce et de l'industrie. L'autorité portuaire de Copenhague détient de vastes zones au nord du port. Les secteurs situés au sud appartiennent pour la plupart à la municipalité et à des particuliers, et les zones militaires sont propriétés de l'État. La planification de toute extension ultérieure de la ville et du port relève essentiellement de la compétence de l'État et s'inscrit dans le cadre de l'aménagement du territoire.

1.6.4 Espagne

La constitution espagnole du 6 décembre 1978, dans son article 1491 alinéa 20, attribuait à l'État la compétence exclusive sur les ports dits « d'intérêt général », alors que les communautés autonomes (équivalent des régions) étaient compétentes pour les ports de pêche et de plaisance (alinéa 6 de l'article 148).

Une importante réforme portuaire a eu lieu en 1992, réforme fortement critiquée dans la mesure où elle remet en cause le domaine des compétences des communautés autonomes, définies dans la Constitution. Afin d'éviter les conflits liés à l'aménagement de l'espace portuaire, entre les compétences de l'État sur les ports d'intérêt général et les compétences des communautés autonomes en matière d'urbanisme, la loi de 1992 a prévu un mécanisme de coordination, associant l'administration portuaire, la communauté autonome et la municipalité sur laquelle se trouvent les installations portuaires. L'initiative du plan d'aménagement revient à l'autorité portuaire, et, en cas de désaccord avec l'administration de l'urbanisme, le Ministre des ouvrages publics est en situation d'arbitre.

La loi de 1992 a confié la gestion des ports à :


• l'organisation « Puerto del Estado », qui dispose de la personnalité morale de droit public et de l'autonomie budgétaire. Rattaché au ministère des ouvrages publics, il a pour objectifs essentiels l'exécution de la politique portuaire du gouvernement et la coordination des différents services de l'État présents dans le domaine portuaire. Il peut être considéré comme un holding aux fonctions de contrôle et de conseil des différentes autorités portuaires. À ce titre, il en approuve le programme financier, autorise la prise de participation de celles-ci dans les sociétés commerciales, définit les orientations de leurs ressources humaines. La création d'une telle structure a pour but de rechercher la coordination de l'ensemble du système portuaire, avec spécialisation des ports.


• 26 « autorités portuaires », personnes morales de droit public bénéficiant de l'autonomie financière, et chargées de la gestion spécifique de chaque port. Elles ont pour mission la gestion et le contrôle des opérations maritimes et terrestres liées au trafic, ainsi que la gestion des services portuaires. Elles élaborent en outre le règlement de police du port, gèrent le domaine portuaire dans le respect du cadre territorial de la zone de service du port.

Par cette loi, le législateur avait pour objectif d'améliorer la compétitivité portuaire, en abaissant les coûts de passage dans les ports, mais aussi de parvenir à l'indépendance financière complète du système portuaire (déjà évoquée dans la résolution du Parlement Européen du 16 novembre 1988 relative à la politique portuaire commune). Désormais, les services portuaires destinés à favoriser les trafics peuvent être gérés directement par l'autorité portuaire, ou par l'intermédiaire d'un entrepreneur privé.

1.6.5 Finlande

À l'exception du port de Hangö, tous les ports sont municipaux.

1.6.6 Grèce

La gestion des nombreux ports grecs est placée sous la responsabilité de l'État. Il existe cependant des ports privés, généralement spécialisés dans le traitement de vracs spécifiques à l'entreprise privée dont ils font partie.

1.6.7 Irlande

Les ports de Dublin, Cork et Limerick bénéficiaient du statut d'autonomie depuis le « Harbours Act » de 1946. Cependant une réforme des ports a conduit à une réorganisation des ports en 1996. Le Companies Act prévoit la création de nouvelles sociétés pour gérer les ports de Shannon, Dublin, Waterford, Cork, Wicklow, New Ross, Arklow, Dundalk, Drogheda, Foynes, Dun Laoghaire et Galway. L'État en est le seul actionnaire, mais la structure plus souple qu'auparavant permet aux ports d'être plus réactifs face au marché.

1.6.8 Italie

La Commission des transports de la Chambre des députés et la commission correspondante du Sénat ont adopté, à la mi-janvier 1994, le projet de loi de « révision de la législation portuaire », qui autorise la privatisation partielle des activités de transbordement portuaire. En vertu de cette loi, les ports d'Ancône, Bari, Brindisi, Cagliari, Catane, Civitavecchia, Gênes, La Spezia, Livourne, Marina de Carrare, Messine, Naples, Palerme, Ravenne, Savone, Tarente, Trieste et Venise sont réorganisés dans le sens d'une privatisation.

L'idée de la privatisation des ports était apparue en Italie dans les années 1970, et jusqu'à cette loi, les ports italiens étaient considérés comme un service public dont la rentabilité et l'efficacité n'étaient pas prioritaires. En 1908, une loi avait créé l'administration portuaire de Gênes, dans le but d'en laisser la gestion à des entités locales en vue de promouvoir un service efficace sous le contrôle de l'État. Six entités similaires avaient été créées par la suite.

La loi de 1994 prévoit que la gestion financière des ports soit assurée de façon autonome par les administrations portuaires respectives. Celles-ci auront en outre en charge la planification, la coordination la commercialisation et le contrôle des activités portuaires, mais pas leur exploitation. Sont par ailleurs du ressort des administrations les terrains et biens maritimes propriétés de l'État, ainsi que tout ce qui ressort des concessions et autorisations correspondantes.

Pour développer les activités portuaires, un comité portuaire, composé de 14 membres (au nombre desquels figurent les représentants des institutions locales, des organisations syndicales, des usagers portuaires et des entreprises portuaires) devra élaborer un plan triennal. Le président, responsable de la gestion doit être nommé par le Ministre des Transports et de la navigation en accord avec la Région. Les nouvelles autorités portuaires sont uniquement autorisées à gérer des sociétés de services en rapport avec l'exploitation portuaire (transbordement, sécurité, ...), et pour cela elles peuvent s'associer avec le secteur privé.

La réforme est encore loin d'être mise en place dans tous les ports a priori concernés.

1.6.9 Pays-Bas

Il existe deux types de structures : le havenbedrijf et le havenshap.

Le havenbedrijf, ou port communal, est géré part un organisme spécifique relevant de l'autorité communale. L'instance supérieure en est le Conseil municipal. Exemples : Rotterdam et Amsterdam. La direction municipale du port de Rotterdam, sous la gérance d'un directeur général, compte trois directions principales : recherche et développement, navigation et commercial et exploitation. En 1996, une possible réforme de l'administration locale dont dépend le port de Rotterdam était envisagée, ce qui aurait donné davantage de marge de manoeuvre au port pour développer ses activités et moderniser les infrastructures avoisinantes. Il était en effet question de fusionner en une « mini-province » les différentes communes de cette zone. L'administration centrale a abandonné ce projet.

Le havenshap est un organisme autonome doté de la personnalité juridique. Il est composé de représentants de l'État, de la Province et des Communes. Le président du Conseil d'administration est désigné par la province et le vice-président par le ministre des transports et du Waterstaat. Exemples : Delfzijl, Flessingue, Temeuzen.

1.6.10 Portugal

Au cours de la dernière décennie, une réforme portuaire a été mise en oeuvre. Après avoir promulgué une nouvelle loi sur la main d'oeuvre portuaire en 1993, le gouvernement a remis en cause le rôle des autorités portuaires et promu la participation des acteurs privés aux opérations.

Constat fut fait que les compétences concernant la marine marchande et les ports portugais se trouvaient dispersées dans plusieurs ministères. La sécurité maritime, le contrôle de la navigation au large des côtes, l'entrée et la sortie des ports, la vérification des conditions de fonctionnement des équipements et la qualification des équipages relevaient simultanément de plusieurs services, d'où un enchevêtrement permanent des prérogatives de la direction générale des ports et de la marine, des administrations régionales et des capitaineries.

Une véritable politique maritime a donc été mise à l'étude, comprenant un plan stratégique pour les ports. Ceux-ci sont encouragés à se spécialiser. La réforme portuaire est appelée à se poursuivre. Une loi réglera la question de l'attribution des concessions aux sociétés de manutention. L'exploitation des services portuaires devrait s'ouvrir au secteur privé et un organisme chargé de délivrer les licences aux dockers mis en place.

D'ici la fin du mois d'octobre 1997, 21 points du train de mesures relatif à la réforme portuaire prévue devront être approuvés en Conseil des Ministres. La réforme pourra donc s'appliquer dès l'an prochain. Onze autres mesures seront étudiées ultérieurement.

Dans la foulée, l'Instituto Maritimo Portuario, future société holding des ports de mer, qui remplacera la Direction générale des ports de mer portugais sera créée au mois d'octobre.

Les administrations portuaires de Lisbonne, Leixoes et Setubal deviendront des entreprises portuaires publiques, statut qui sera également étendu à Aveiro. Les ports commerciaux de moyenne importance restent sous la tutelle de la direction générale des ports portugais.

1.6.11 Royaume-Uni

Le ports Act signé en 1991 a demandé aux principaux ports de présenter des plans de privatisation. Le port privé de Felixstowe a ainsi été rejoint sous ce statut par les ports de Tilbury, Liverpool, Clyde, Forth and Tees, Dundee (dont le principal propriétaire, Associated British Ports, relevait du secteur privé). Par ailleurs, l'Associated British Ports Holdings PLC est propriétaire de 21 ports qu'elle exploite (Southampton, Grimsby and Immingham, Hull, Newport, Cardirff, Swansea,...).

Le gouvernement ayant décidé que tous les autres ports traitant plus de 5 millions de tonnes seraient privatisés, les ports de Douvres, Ipswich et Tyne durent présenter leur programme en 1995. Douvres a obtenu un délai de deux ans, afin d'y impliquer les opérateurs du Transmanche. Certains ports restent municipaux : Portsmouth, Boston, Ramsgate.

1.6.12 Suède

Il n'existe pas de loi organisant le système portuaire en Suède et il n'y a donc pas de politique gouvernementale correspondante. Même si la plupart appartiennent aux municipalités, les ports sont le plus souvent gères par des entreprises privées. Le rôle de l'État se limite parfois aux questions d'investissement et d'amélioration du système portuaire. Il n'accorde généralement pas de subvention.

1.7 Organisation des ports européens : prédominance des pouvoirs publics ou des acteurs commerciaux

L'organisation institutionnelle des ports en Europe est très diverse car elle dépend du contexte politique du pays où ils sont implantés et des pesanteurs historiques. Elle peut constituer un facteur de compétitivité. Les ports peuvent être classés en quatre grandes catégories :

- les ports administrés par l'État

- les ports administrés par des collectivités locales

- les ports gérés par des organismes publics désignés

- les ports gérés par des organismes privés.

Cependant, les ressemblances du point de vue formel peuvent cadrer des différences importantes du point de vue fonctionnel, et vice versa. Il n'y a pas coïncidence entre actionnariat ou propriété publique, d'une part, et priorité donnée aux missions de service public par rapport aux finalités commerciales, d'autre part. Si les missions de service public prédominent, les activités régaliennes de l'État ont une grande importance dans la vie de l'établissement portuaire, et peuvent être entremêlées avec la gestion même du port. Si les finalités commerciales sont plus déterminantes, le rôle moteur est joué par les entreprises privées, qui impriment leur marque à la gestion portuaire. Les pouvoirs publics se cantonnent alors aux missions d'intérêt général et aux affaires domaniales. On parle d'ailleurs, dans le premier cas, d'une autorité portuaire globale (« comprehensive port authority ») et dans le second d'une autorité portuaire propriétaire (« landlord port authority »).

En réalité, les ports se positionnent en un point plus ou moins proche des deux schémas décrits ci-dessus. D'une façon générale, si les ports d'Europe du Sud se situent plutôt dans le groupe des ports à prédominance des pouvoirs publics et ceux d'Europe du Nord dans celui des ports à prépondérance commerciale, dans tous les cas, l'intervention publique est importante même si la répartition entre autorités locales et nationales est différente selon les pays et si les modalités de cette intervention sont diverses au point de rendre les comparaisons difficiles. En tout état de cause, les structures organisationnelles ont un effet sur la compétitivité des ports et les conditions de la concurrence qui s'y exercent.

À cet égard, le chapitre 5,4 de la première partie (« les investissements portuaires et l'entretien des équipements ») montre les différents degrés d'intervention publique pour construire et financer les équipements portuaires. Si l'on ajoute à ces éléments les difficultés d'identification des flux financiers, les différences dans l'organisation du travail qui peuvent limiter la compétitivité des ports et justifier ainsi la voie à des subventions publiques destinées à couvrir des besoins sociaux, l'existence de monopoles ou de « droits exclusifs » de fourniture de certains services, on imagine la complexité d'un ensemble qui crée les conditions volontaires ou involontaires de diverses distorsions de concurrence.

Divers observateurs internationaux du secteur, dans ces conditions, préconisent une évolution vers une autorité portuaire à vocation domaniale (c'est-à-dire du deuxième groupe ou « propriétaire ») accompagnée de l'autonomie financière, d'une comptabilité spécifique et ne s'occupant que de la programmation et de la gestion du site. La situation institutionnelle des ports des différents pays européens est presque partout en pleine évolution et tend, même dans ceux où le poids des pouvoirs publics est prédominant, vers une présence accrue des acteurs privés.

* 49 II existait avant 1965 deux ports autonomes (Le Havre et Bordeaux) dont le statut remontait aux années 20.

* 50 Voir en annexe 5 un descriptif de la composition des Conseils d administration des ports autonomes.

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