B. UNE DOUBLE INCERTITUDE

1. L'Union européenne sur la scène internationale : une représentation problématique

On cite souvent la boutade d'Henry Kissinger : " Je veux bien parler à l'Europe, mais donnez-moi un numéro de téléphone ". La PESC est en effet restée une diplomatie à plusieurs voix : celle de la présidence souvent associée à deux partenaires dans le cadre de la troïka, celle du président de la Commission, celle des différents commissaires en charge des relations extérieures (ils n'y en a pas moins de cinq)... La dispersion des centres de décision et le manque de visibilité n'ont naturellement pas favorisé l'affirmation de l'Union européenne sur la scène internationale.

Les négociateurs ont fait le choix de solutions pragmatiques qui ne sont peut-être pas à la mesure des enjeux que représente une présence renforcée de l'Union dans les relations internationales.

a) Un haut représentant pour la PESC

La déclaration franco-allemande de Fribourg du 27 février 1996 avait plaidé pour la création d'une nouvelle fonction qui contribue à une meilleure visibilité et une plus grande cohérence de la PESC. Cependant, cette formulation recouvrait en fait un désaccord entre la France, attachée à la création d'un haut représentant pour la PESC, personnalité politique investie d'un véritable rôle de représentation et d'animation, et les Allemands soucieux de ne pas déssaisir les ministres des affaires étrangères des Quinze en confiant la PESC à une instance concurrente.


• Le traité d'Amsterdam institue un haut représentant pour la PESC (art. 18§3) qui contribue à la formulation, à l'élaboration et à la mise en oeuvre des décisions politiques et agit au nom du Conseil et à la demande de la présidence, en conduisant le dialogue politique avec des tiers.

Sous un vocable qui satisfait les aspirations françaises, la réalité de cette fonction correspond davantage aux voeux des Allemands et d'une majorité de nos partenaires. En effet, la charge d'assurer la représentation des intérêts diplomatiques européens revient au secrétaire général du Conseil. Certes, pour l'heure, rien n'est vraiment joué : un secrétaire général -l'exemple d'autres organisations internationales comme l'ONU ou l'OTAN le montre- peut avoir une dimension politique. Cependant, faute d'une volonté politique -et force est de constater que, pour l'heure, elle n'existe pas- la force des pratiques passées risque de l'emporter et le profil très administratif du secrétaire général du Conseil ne semble pas devoir être remis en cause. Dès lors, la reconnaissance d'un haut représentant pour la PESC innovera moins qu'elle ne consacrera le rôle actuel du secrétaire général du Conseil dans l'organisation des travaux liés à la PESC et la préparation des décisions adoptées dans ce domaine.

Certes, des facteurs d'évolution existent : la mise en place d'un secrétaire général adjoint permettra sans doute au secrétaire général de s'investir davantage dans le domaine de la PESC. En outre, les prochaines candidatures à ce poste lorsque l'actuel titulaire 16( * ) arrivera au terme de son mandat en août 1999 -à une date à laquelle les procédures de ratification du traité d'Amsterdam dans les différents Etats membres seront, du moins on peut l'espérer, achevées- pourront revêtir un caractère plus politique.


• Aux côtés du haut représentant pour la PESC, le traité d'Amsterdam consacre la pratique actuelle de nommer des représentants spéciaux pour un problème ou une région donnés . Cette pratique a fait ses preuves en Bosnie, au Proche-Orient et aussi dans la région des grands lacs. Elle méritait de recevoir une assise plus solide dans le texte même des traités (art. 18§5).

b) Un renforcement de la cohésion

Le traité d'Amsterdam cherche à renforcer la cohésion de la PESC à travers deux aménagements dont la portée reste limitée.

La réforme de la représentation du Conseil

Afin de remédier en partie à l'absence de continuité provoquée par les rotations (tous les six mois) des présidences au Conseil, le traité de Maastricht avait permis d'associer à la présidence, dans le cadre d'une " troïka ", le pays ayant exercé la présidence précédente et celui appelé à l'exercer ensuite. Toutefois, l'Union perdait ici en visibilité ce qu'elle gagnait en pérennité.

Le traité d'Amsterdam simplifie la représentation de l'Union dans le domaine de la PESC assurée désormais par la présidence en exercice et l'Etat membre destiné à exercer la présidence suivante (art. 18§4).

La nécessaire coordination des Etats-membres au sein des organisations internationales renforcée

Au-delà du devoir d'information réaffirmé qui incombe à ceux des Quinze qui appartiennent à des organisations internationales ou participent à des conférences auxquels tous les Etats membres ne sont pas associés, le traité apporte un double complément :


• la coordination des Etats-membres au sein des organisations internationales (seul le principe d'une concertation entre les Etats membres du Conseil de sécurité avait jusqu'à présent été posé).


• la responsabilité qui revient aux Etats-membres de défendre des positions communes , en particulier au sein des instances ou réunions auxquelles l'ensemble des Quinze ne participent pas (art. 19§1).

2. La question du financement

a) Un fonctionnement peu satisfaisant

Le traité de Maastricht ouvrait une double possibilité pour le financement des dépenses opérationnelles :

- la prise en charge par les Etats membres selon une clef de répartition non précisée,

- ou, après une décision unanime du Conseil, le financement par le budget communautaire. Dans cette hypothèse, les dépenses opérationnelles entrent alors dans la catégorie des dépenses non obligatoires pour lesquelles le Parlement européen dispose du dernier mot .

Dans la pratique, la prise en charge des dépenses opérationnelles de la PESC est revenue principalement au budget communautaire. Dès lors, le Parlement européen, simplement consulté sur les orientations générales de la PESC, a cherché à influencer la PESC bien au-delà des attributions que lui reconnaissaient la lettre des traités.

Cette pratique pouvait aboutir à cette situation paradoxale où le Parlement européen bénéficiait pour la politique étrangère d'un rôle plus important que celui dévolu aux parlements nationaux.

Cette anomalie, préjudiciable aux équilibres institutionnels qui doivent présider à une coopération d'essence intergouvernementale, n'a pas été corrigée par le traité d'Amsterdam.

b) Un dispositif financier déséquilibré

Le traité d'Amsterdam inverse le principe posé par Maastricht : la prise en charge des dépenses opérationnelles liées à la PESC sur le budget communautaire apparaît la règle . Le financement par les Etats-membres demeure une alternative et le traité pose comme clef de répartition le produit national brut -à moins que le Conseil, par une décision unanime, n'en décide autrement (art. 28§3).

La Conférence intergouvernementale avait envisagé, comme le souhaitait la France, de ranger les dépenses liées à la PESC dans la catégorie des dépenses obligatoires. Toutefois, avant la conclusion des travaux de la CIG, le Parlement européen a finalement obtenu, dans le cadre d'un accord interinstitutionnel (conclu entre le Parlement européen, le Conseil et la Commission) que les dépenses de cette nature continuent de figurer au rang des dépenses non obligatoires pour lesquelles l'Assemblée de Strasbourg a le dernier mot.

L'accord interinstitutionnel prévoit certes que le Parlement et le Conseil s'efforcent de parvenir chaque année à un accord sur le montant global des dépenses opérationnelles et leur répartition par article budgétaire. Faute d'accord, le montant inscrit au budget de l'année précédente est au moins reconduit. Si les crédits se révèlent insuffisants, la Commission peut procéder à des virements à l'intérieur d'un même chapitre.

Malgré ces éléments de souplesse, le maintien du statu quo sur la nature non obligatoire des dépenses liées à la PESC n'est pas, aux yeux de votre rapporteur, satisfaisant au regard du pouvoir excessif qu'il assure ainsi au Parlement européen.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page