VIII. L'UNION EUROPÉENNE DOIT DONC ENVISAGER AVEC PLUS D'OUVERTURE LES ÉCHANGES DE PERMIS D'ÉMISSION

1. Les échanges de permis d'émission pourraient être importants

Plusieurs équipes de modélisation ont cherché à simuler ce que pourraient être les échanges de permis négociables à l'horizon 2010, à partir de différents scénarii 83( * ) . Ces travaux s'appuient sur des maquettes détaillées des économies, que les économistes appellent " modèles d'équilibre général calculables ", et qui permettent d'estimer l'impact à long terme de certaines mesures économiques.

Les ordres de grandeur issus de ces travaux doivent être regardés comme des valeurs maximales . En effet, les modèles utilisés ne peuvent prendre en compte les imperfections des échanges, en particulier les problèmes d'information des agents sur leurs coûts de dépollution et les comportements stratégiques des vendeurs et des acheteurs.

Malgré leurs limites, ces modèles fournissent des indications sur les ordres de grandeur potentiels des échanges de permis à l'horizon 2010, quelles qu'en soient les modalités pratiques (permis négociables, mise en oeuvre conjointe, bulles et mécanisme de développement propres).


PRIX DES PERMIS EN 2010 SELON DIVERS MODÈLES MACROÉCONOMIQUES
(EN DOLLARS VALEUR DE 1985 / TONNE DE CARBONE)

 

Echanges restreints
aux pays de l'OCDE

Echanges entre les pays de l'annexe I

Echanges mondiaux

Modèle GEMINI-E3 1

214 $

-

-

Modèle du M.I.T 2 .

240 $

133 $ 3

25 à 108 $ selon le comportement stratégique des vendeurs

Modèle GREEN de l'OCDE


-


51 $


19 $

1. Etude d'Alain BERNARD (Ministère de l'Equipement) et Marc VIELLE (Commissariat à l'Energie Atomique)

2. Massachusetts Institute of Technology.

3. 148 $ si la Russie se comporte comme un monopole " de Cournot ".

Source : Direction de la Prévision, 1998.

Le prix théorique des quotas échangés, c'est-à-dire le prix des permis ou bien la valeur des investissements pour les mécanismes de mise en oeuvre conjointe et de développement propre, s'étagerait ainsi selon les modèles entre 20 $ et 133 $ par tonne de carbone, dès lors que les échanges sont étendus aux pays hors OCDE, ce qui paraît vraisemblable.

Les experts auditionnés par votre rapporteur estiment toutefois que le prix effectif des permis pourrait plutôt s'établir dans une fourchette inférieure (de l'ordre de 20 à 70 $ par tonne de carbone), sauf collusion entre pays vendeurs, susceptible de multiplier ces prix d'un facteur 1 à 4.

Les transferts financiers internationaux liés aux diverses modalités d'échange de permis (négoce pur, mise en oeuvre conjointe, mécanisme de développement propre), pourraient ainsi atteindre des montants financiers très élevés :

- de l'ordre de 10 à 50 milliards de dollars par an en 2010 selon les simulations ci-dessous ;

- compte tenu des difficultés prévisibles de développement des échanges, de l'ordre de 3 à 15 milliards de dollars par an en 2010, selon les dires d'experts.

Ces transferts que l'on peut rapporter au montant actuel de l'aide annuelle au développement apportée par les pays de l'OCDE - de l'ordre de 50 milliards de dollars par an - bénéficieraient avant tout à la Russie, à l'Ukraine, à l'Inde et à la Chine.


FLUX FINANCIERS EN 2010 LIÉS AUX ÉCHANGES DE PERMIS
SELON DIVERS MODÈLES ÉCONOMIQUES ET DIVERS SCÉNARII


(en milliards de dollars de 1985)

 

Echanges limités aux pays de l'annexe 1

Echanges mondiaux

 

Modèle GREEN (OCDE)

Modèle du MIT 1

Modèle GREEN (OCDE)

Modèle du MIT

Union européenne

- 7

- 13

- 4

- 6 à - 13

Etats-Unis

- 8

- 8 à - 13

- 5

- 10 à - 16

Japon

- 2,5

- 12 à - 13

- 1

- 3 à - 11

PECO

- 1

- 1,5 à - 3

- 1

- 2 à - 4

Russie, Ukraine

+ 21

+ 40 à + 47

+ 5

+ 5 à + 18

Chine

-

-

+ 4

+ 11 à + 19

Inde

-

-

+ 1

+ 3 à + 5

Reste du Monde

-

-

+ 2

+ 5 à + 8

1. Plusieurs scénarii.

Compte tenu de l'évolution prévisible des émissions des autres gaz à effet de serre et de la prise en compte des puits, la France pourrait pour sa part acquérir, sous forme de droits à émettre, de 10 à 20 millions de tonnes de carbone par an en 2010, selon que les progrès de notre efficacité énergétique retrouvent d'ici là leur rythme de l'après choc pétrolier (+ 1,3 % par an), ou bien leur tendance de très longue période (+ 0,7 % par an).

Sur la base d'une fourchette de prix de 20 à 100 $ par tonne de carbone, la France pourrait ainsi payer de 200 millions à 2 milliards de dollars par an pour acquérir des quotas d'émission, soit 1,2 à 12 milliards de francs par an 84( * ) .

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