CHAPITRE III :

DES DÉPENSES DE L'ETAT MAL MAITRISÉES

Avoir raison trop tôt est-il un grand tort ?

Votre commission des finances a depuis plusieurs années une conviction forte : compte tenu de l'état des finances publiques de la France, il convient impérativement d'encadrer la progression de la dépense publique en la stabilisant en volume c'est à dire en francs constants 2( * ) .

Il ne suffit donc pas en ce domaine de se contenter d'une simple " maîtrise " aux contours flous et imprécis susceptible de toutes les interprétations et appréciations, ainsi que le gouvernement a longtemps semblé le préconiser.

Votre commission des finances ne peut donc a priori que se réjouir de son changement d'attitude en ce domaine lorsqu'il affirme dans son programme pluriannuel vouloir " assurer le financement des priorités du gouvernement en fixant en francs constants le niveau des dépenses publiques pour l'ensemble des administrations ".

Cette volonté de stabiliser les dépenses publiques en volume, votre commission l'affiche en effet depuis longtemps. Elle est cependant conduite à douter de la volonté réelle et de la capacité du gouvernement à rester dans les limites de l'épure ainsi affichée.

Source : Cour des comptes

I. DES DÉPENSES NON STABILISÉES APRÈS 1997

A. UNE MAÎTRISE EN TROMPE L'oeIL POUR 1998

En 1997, les dépenses du budget général (hors remboursements et dégrèvements) ont augmenté moins vite que les prix du PIB (0,8 % contre 1,1 %). La stabilisation des dépenses de l'Etat est donc un objectif réalisable. Dans son rapport préliminaire sur l'exécution du budget pour 1998, la Cour des comptes a amplement souligné cet état de fait en regrettant que, " l'année 1998 marque une inflexion à la hausse des dépenses du budget général après la diminution en francs constants réalisée en 1997 ".

1. Une non maîtrise dénoncée par votre commission

Lors de la présentation de la loi de finances initiale pour 1998, le gouvernement avait en effet choisi de stabiliser le solde budgétaire au prix d'un accroissement des prélèvements et non d'un maîtrise des dépenses.

Ainsi que votre commission l'avait alors démontré, les charges réelles de l'Etat devaient s'accroître en 1998 plus vite que l'inflation alors même que la présentation faite par le gouvernement laissait entendre un financement des actions nouvelles opéré par redéploiement budgétaire.

2. Une progression d'ensemble effectivement supérieure à celle de l'inflation

Malgré les affirmations du gouvernement, les résultats d'exécution pour 1998 font état d'un accroissement des dépenses du budget général de 3,6 %, cette augmentation étant ramenée à 1,1% hors remboursements et dégrèvements.

Cela permet à la Cour des comptes de relever que, " contrairement à 1997, les dépenses ont augmenté en volume en 1998 (+0,4 % hors remboursements et dégrèvements). Or la loi de finances initiale prévoyait la stabilisation des dépenses du budget général en francs constants ".

3. La charge de la dette et les dépenses de personnel encore en hausse

S'agissant des dépenses relatives à la dette publique " l'effet prix " n'a pu intégralement compenser " l'effet volume ". Ainsi, l'augmentation des charges de la dette stricto sensu a été de 2,1 % en 1998 ce qui représente 252,6 milliards de francs, contre une progression de 2 % en 1996 et de 0,4 % en 1997. En effet, la progression de l'encours de la dette brute de l'Etat a été particulièrement sensible. Elle est passée de 3.933,12 milliards à 4.252,72 milliards de francs au 31 décembre 1998 en augmentation de 320 milliards de francs soit 8,1 % contre 6,8 % en 1997. A contrario , les taux d'intérêt à moyen et long terme baissaient significativement en s'établissant respectivement à 4,07 % et 4,73 % contre 4,36 % et 5,66 % en 1997.

La progression des dépenses civiles de rémunérations figurant aux trois premières parties du titre III a été plus rapide en 1998 qu'en 1997 avec une hausse de 3,1 % contre 2,8 % en 1997 3( * ) . Ce phénomène est en outre tout particulièrement notable pour deux catégories de dépenses : celles concernant les pensions qui augmentent de 4,1 % et les charges sociales qui sont en hausse de 3,9 % contre 2,3 % pour les rémunérations d'activité stricto sensu .

4. La diminution des dépenses d'intervention et d'équipement

Les dépenses d'intervention du titre IV connaissent une diminution de 4,3 milliards de francs soit 0,9 % qui recouvre néanmoins des évolutions divergentes. Si la stabilisation ( + 0,4 % ) des interventions en faveur de l'emploi correspond notamment à la diminution de 3,8 % des aides destinées à l'insertion des publics en difficulté 4( * ) celle-ci a été compensée par la forte augmentation des crédits consacrés à l'action sociale, qui est de 7,4 % pour le RMI et de 4,6 % pour l'AAH.

Les dépenses civiles en capital du budget général ont poursuivi en 1998 leur mouvement de baisse (- 2,1 % ) même si celle-ci s'opère à un rythme plus faible qu'en 1997 (-8,3 %). Par ailleurs, l'appréciation de l'effort global d'investissement de l'Etat doit également intégrer la part des dépenses financées par les comptes spéciaux du trésor.

Les dépenses militaires diminuent au total de 2,1 % soit 3,8 milliards de francs de crédits en moins. Cette baisse est encore plus marquée pour les dépenses en capital. Les objectifs fixés par la loi de programmation militaire 1997-2002 ne sont pas respectés et les dépenses du titre V sont ainsi inférieures de près de 22 milliards de francs, soit 25 %, à ce qui était prévu.

B. UNE AUGMENTATION DÉLIBÉRÉE EN 1999

1. Un objectif politique : un point de progression en volume

Le gouvernement avait fait de l'accroissement de la dépense publique en volume un objectif politique en affichant un taux de progression de 1 point pour la seule année 1999, ce qui correspondait à une augmentation des dépenses du budget général de 36,9 milliards de francs compte tenu d'une prévision d'inflation de 1,3 %. Une telle progression en volume devait servir à financer les priorités affichées par le gouvernement: " l'emploi, la justice sociale et l'amélioration de la vie quotidienne ".

2. 36,9 milliards de francs de dépenses supplémentaires

La progression de la dépenses en 1999 se décompose comme suit :

20,9 milliards de francs résultant mécaniquement de la hausse des prix estimée en moyenne annuelle hors tabac par le gouvernement à 1,3 %. Votre commission avait alors tenu à relever que l'augmentation des prix serait en 1999 probablement inférieure à ce chiffre, ce qui permettait au gouvernement de minorer la progression en volume des dépenses de l'Etat ;

16 milliards de francs correspondant à la croissance des dépenses en volume voulue par le gouvernement afin de financer ses priorités 5( * ) .

3. Les premiers résultats de l'exécution pour 1999

La situation du budget de l'Etat au 30 avril 1999 fait état de dépenses au titre du budget général s'élevant à 595 milliards de francs soit un niveau supérieur de 2,6 % à celui observé à la fin du mois d'avril 1998 (580,2 milliards de francs). Cette progression est de 2,8 % pour les dépenses civiles ordinaires et de 2,2 % pour les dépenses civiles en capital.

Dans la mesure où il s'avère que la hausse des prix initialement prévue à 1,3 % pourrait être de 0,5 à 0,7 % en 1999, la croissance en volume des dépenses de l'Etat risque d'en être d'autant accrue. Il sera donc nécessaire que le gouvernement procède à un " gel de crédits " que l'on peut chiffrer à environ 10 milliards de francs, afin de pouvoir respecter cet objectif de croissance en volume de 1 point. Il lui appartiendra d'en préciser les modalités et les montants concernés afin d'en informer complètement la représentation nationale. Il évoque en effet dans le rapport sur le présent débat d'orientation budgétaire une " procédure novatrice ", celle des contrats de gestion, qui aurait permis de constituer une réserve " utilisée en fonction de l'évolution de la prévision d'inflation ". Des précisions complémentaires sont à l'évidence indispensables.

C'est dans ce même contexte que doivent s'apprécier les déclarations du ministre de la Défense estimant le coût pour 1999 de l'intervention de la France au Kosovo à un montant compris entre 3,5 et 4 milliards de francs.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page