ANNEXES

Annexe n° 1

Compte rendu du déplacement effectué par une délégation de la commission en Macédoine et en Albanie les 14 et 15 mai 1999

Annexe n° 2

Les résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies relatives au Kosovo

Annexe n° 3

La relance de l'Europe de la défense

Annexe n° 1 -

Compte rendu du déplacement effectué par une délégation
de la commission en Macédoine et en Albanie
les 14 et 15 mai 1999

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Au cours de sa réunion du mercredi 19 mai 1999, la commission sénatoriale des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a entendu le compte rendu suivant de M. Xavier de Villepin, président, à la suite d'un déplacement effectué les 14 et 15 mai en Macédoine et en Albanie par une délégation représentant l'ensemble des groupes politiques.

M. Xavier de Villepin - Une délégation de notre commission s'est rendue les 14 et 15 mai 1999 en Macédoine et en Albanie afin de rendre visite aux forces françaises sur place, d'apprécier les efforts accomplis en faveur des réfugiés du Kosovo et d'avoir des entretiens avec les autorités macédoniennes et albanaises.

Notre délégation, que je conduisais, représentait tous les groupes politiques de notre commission puisqu'elle était également composée du président Claude Estier, de M. Jean-Michel Baylet, M. Jean-Luc Bécart, M. Robert Del Picchia, M. Michel Pelchat et M. Jean-Marie Poirier.

Je voudrais d'abord souligner, en dépit de difficultés comparables en matière d'accueil des réfugiés et sur le plan économique, que la situation nous est apparue sensiblement différente en Albanie et en Macédoine. Je rappelle à cet égard que, si la population albanaise est très homogène (98 % d'Albanais), il n'en va pas de même de la population macédonienne qui comporte deux tiers de Macédoniens, mais aussi une forte minorité albanaise (de l'ordre de 28 %) et une minorité serbe de petite taille (2%) mais très active. Il en résulte en particulier des différences de points de vue très sensibles entre Skopje et Tirana :

- c'est d'abord le cas vis-à-vis des réfugiés que les autorités macédoniennes veulent absolument limiter en nombre et dont elles demandent l'évacuation vers des pays tiers, tout en les cantonnant dans l'immédiat dans des camps sans possibilités de sorties ;

- c'est également le cas à l'égard du règlement souhaitable de la crise du Kosovo pour lequel les autorités de Skopje ont soutenu le processus de Rambouillet et souscrivent pour l'essentiel à la position des alliés en s'opposant à la répression menée par Belgrade mais aussi à l'indépendance du Kosovo, tandis que Tirana adopte une position beaucoup plus dure en apportant son soutien à l'UCK et en appelant à l'écrasement militaire du régime de Belgrade.

A l'inverse, la Macédoine comme l'Albanie se rapprochent et adoptent des positions identiques sur deux points essentiels :

- à court terme, ils attendent de la communauté internationale, non seulement l'aide nécessaire pour porter secours aux réfugiés, mais aussi une aide économique substantielle pour aider leurs pays eux-mêmes confrontés à de graves difficultés économiques et sociales ;

- à plus long terme, les autorités albanaises ont, comme les autorités macédoniennes, le même idéal d'intégration à l'OTAN et à l'Union européenne.

A. La visite de la délégation en Macédoine

1. Les entretiens politiques

Dès son arrivée à Skopje, la délégation a eu, le vendredi 14 mai, plusieurs entretiens avec des autorités gouvernementales et parlementaires macédoniennes. Nous avons notamment rencontré le Président de l'Assemblée nationale, M. Klimovski, le vice-premier ministre, M. Ibrahimi, et le vice-ministre des Affaires étrangères, M. Trajkovski. Je retiens en particulier de ces conversations, et notamment de notre entretien avec le Président du Parlement, les idées suivantes :

- la crise actuelle a des conséquences graves pour la Macédoine : d'abord en raison de l'afflux des réfugiés (240.000 personnes au 15 mai), ce qui représente un accroissement de plus de 12 % de la population macédonienne ; Skopje, craignant un déséquilibre inter-ethnique, attend donc le départ des réfugiés vers d'autres pays, conformément aux promesses faites, souhaite en limiter le nombre et attend de la communauté internationale une aide plus importante ;

- cette aide est d'autant plus nécessaire que la crise au Kosovo provoque par ailleurs des dommages économiques importants pour l'économie macédonienne. Ses conséquences sont désastreuses en raison de la perte du marché yougoslave, avec lequel la Macédoine effectuait l'essentiel de son commerce, et des incidences de cette situation sur l'augmentation du chômage qui risque de provoquer de graves difficultés sociales ;

- s'agissant du règlement du conflit, plusieurs dirigeants macédoniens nous ont paru croire à une acceptation rapide par M. Milosevic d'une force internationale des Nations Unies, compte tenu des signaux positifs déjà adressés par Belgrade (notamment la libération des trois soldats américains et les contacts avec M. Rugova) ; dans cet esprit, le Président de l'Assemblée nationale a évoqué l'hypothèse d'un arrêt provisoire des frappes aériennes durant quelques jours en échange d'un retrait du Kosovo ;

- en ce qui concerne l'avenir au Kosovo, les autorités de Skopje estiment que Serbes et Albanais ne pourront pas, au moins dans un premier temps, vivre de nouveau ensemble au Kosovo sans une présence internationale de sécurisation.

Sur le plan bilatéral, les relations franco-macédoniennes, traditionnellement modestes mais confiantes, ont pris, du fait de la crise, une importance nouvelle. L'aide économique bilatérale accordée par la France à la Macédoine a d'ores et déjà atteint près de 200 millions de francs, indépendamment de ses diverses contributions à l'aide multilatérale. Paris a par ailleurs accordé une aide humanitaire importante de 280 millions de francs, dont 193 millions à titre bilatéral.

2. Les opérations militaires et humanitaires en Macédoine

a) L'aide en faveur des réfugiés

S'agissant de l'action en faveur des réfugiés du Kosovo en Macédoine, nous avons visité le camp de Stankovac, proche de Skopje et à une vingtaine de kilomètres du Kosovo, qui a accueilli jusqu'à 21.000 personnes. Je dois dire que notre délégation a été accueillie de façon particulièrement chaleureuse par les réfugiés kosovars. Ce camp de transit a en effet été installé par des moyens militaires français particulièrement appréciés. Il s'étend sur une trentaine d'hectares organisés en une demi-douzaine de villages rassemblant plus de 350 tentes. Il a également joué une fonction essentielle de sécurisation des réfugiés kosovars qui venaient de vivre des journées dramatiques. 70 personnels de la sécurité civile et des sapeurs-pompiers assurent l'assainissement, l'approvisionnement et la surveillance médicale de ce camp.

La question a toutefois été posée de leur prochain remplacement, d'ici une quinzaine de jours, par des ONG, placées sous l'égide du HCR, qui devraient reprendre la gestion de ce camp, ce qui ne manque pas d'inquiéter les réfugiés qui craignent le face-à-face avec la police macédonienne.

Les armées françaises ont également -je vous le rappelle- contribué à l'évacuation vers la France de certains réfugiés kosovars. Des rotations aériennes militaires ont permis de rapatrier en France, au 15 mai, plus de 2.600 réfugiés (ce qui situe notre pays au 4e rang des pays d'accueil, après l'Allemagne, la Turquie et la Norvège). En outre, plus de 450 tonnes de fret humanitaire ont d'ores et déjà été transportés vers la Macédoine.

b) Les forces françaises en Macédoine

Nous avons bien sûr rendu visite aux forces françaises actuellement stationnées en Macédoine et placées, jusqu'ici, sous le commandement du général Valentin.

La brigade française (FFB , « French Framework Brigade ») rassemble aujourd'hui plus de 3.000 hommes. Elle représente ainsi plus de 20 % de l'effectif global de la KFOR qui est constituée de 5 brigades (française, anglaise, allemande, italienne et américaine) qui rassemblent au total, pour l'heure, 14.360 hommes.

Les forces françaises en Macédoine ont changé de mission puisque, à leur arrivée dans le pays début décembre 1998, elles faisaient partie de la « force d'extraction » appelée à venir, le cas échéant, en aide aux observateurs de l'OSCE alors en poste au Kosovo. Cette mission a pris fin le 23 mars dernier et la brigade française, qui a pris le relais, s'est trouvée investie d'une triple mission :

- une mission de protection pour assurer la sûreté de nos forces ; cette mission est d'autant plus nécessaire que la brigade française, qui opère dans une zone majoritairement serbe, est soumise à certains gestes hostiles (jets de pierres...) et doit faire face à plusieurs types de menaces ;

- une mission tactique de surveillance de la frontière ;

- et une mission humanitaire pour porter assistance aux réfugiés.

Enfin, la KFOR doit être en mesure de mettre en oeuvre et si nécessaire faire respecter, le moment venu, un éventuel accord intérimaire au Kosovo. Il convient aussi de souligner que, d'après les indications qui nous ont été fournies, les forces françaises actuellement stationnées en Macédoine sont dotées d'équipements relativement légers et ne sont donc pas « taillées » pour une éventuelle opération terrestre qui serait conduite par la force.

B. La visite de la délégation en Albanie

1. Les entretiens politiques

Arrivée à Tirana le samedi 15 mai, notre délégation a été reçue, dès son arrivée en Albanie, par le Président de la République, M. Meidani, puis par le ministre de la défense, M. Hajdaraga. Parmi les idées émises par les dirigeants albanais et, en particulier, par le Président de la République -qui a effectué une partie de ses études dans notre pays et parle remarquablement français-, je retiens en particulier les points suivants :

- les autorités albanaises tiennent un discours particulièrement « dur » : elles apportent un soutien clair et non dissimulé à l'UCK et s'inquiètent d'un accord qui prévoirait, comme à Rambouillet, son désarmement ; à l'inverse de l'ancien Président Bérisha, devenu chef de l'opposition, le gouvernement albanais affiche son scepticisme à l'égard des positions prises récemment par M. Rugova ; Tirana estime enfin que l'OTAN est seule en mesure de jouer un rôle décisif pour un règlement du conflit obtenu, quitte à devoir envisager une intervention terrestre ;

- sans cacher qu'à terme, l'indépendance du Kosovo constituera sans doute la solution, Tirana se rallie toutefois dans l'immédiat à l'idée d'une administration provisoire du Kosovo dans le cadre d'une sorte de protectorat international comportant à la fois : une force militaire, dirigée par l'OTAN ; un élément humanitaire, sous l'égide des Nations-Unies et du HCR ; un élément institutionnel, qui serait favorisé par l'OSCE et le Conseil de l'Europe ; et enfin une composante économique, dans laquelle l'Union européenne devrait jouer le rôle majeur ; ce n'est qu'à l'issue de cette période intermédiaire que la solution politique définitive pourrait être décidée.

Notre délégation a par ailleurs pu observer que, sur le plan économique, l'Albanie offre l'image d'un pays en sous-développement et semble dépourvue des infrastructures nécessaires à un redressement rapide. Les réformes de structure indispensables sont en outre d'autant plus difficiles à mettre en oeuvre que l'économie reste gangrénée par des phénomènes mafieux importants.

Sur le plan bilatéral, je vous rappelle que la France est le seul Etat occidental à avoir toujours entretenu une ambassade à Tirana et que l'Albanie est riche d'une forte tradition francophone. Nos relations bilatérales n'en restent pas moins modestes, en particulier sur le plan économique et commercial. Dans la crise que traverse actuellement l'Albanie, la France a d'ores et déjà consenti un effort humanitaire très substantiel : plus de 200 millions de francs dont 117 à titre bilatéral. L'aide économique que notre pays a par ailleurs apporté à l'Albanie est plus importante encore : 261 millions de francs dont 177 millions à titre bilatéral. La France est également à l'origine de la décision des créanciers de l'Albanie (Club de Paris) de lui accorder un moratoire d'un an renouvelable sur sa dette.

2. Les opérations militaires et humanitaires en Albanie

a) L'aide en faveur des réfugiés

Notre délégation a également visité en Albanie un camp de réfugiés kosovars, installé par les Turcs près du quartier général des forces françaises en Albanie, situé à Elbasan. Nous avons également rencontré le préfet et le maire d'Elbasan qui ont, à leur tour, souligné la nécessité pour la communauté internationale de venir en aide, non seulement aux réfugiés, mais aussi aux pays qui les accueillent, en l'occurrence l'Albanie.

Le nombre des réfugiés kosovars en Albanie dépasse au 15 mai les 420.000 personnes. Plus de la moitié sont logés, avec les difficultés que cela implique, chez l'habitant, et les autres sont hébergés dans des camps. Le désengorgement de la zone de Kukes, à la frontière du nord, ne s'effectue que lentement malgré le souhait des autorités d'accroître les capacités d'accueil dans le sud du pays.

La France a pour sa part assuré l'installation, l'approvisionnement et la surveillance médicale de trois camps de réfugiés et envisage d'aménager de nouveaux sites. Près d'une centaine de membres de la sécurité civile et des sapeurs-pompiers opèrent à ce jour en Albanie. La France continue par ailleurs de participer à l'acheminement du flux logistique humanitaire par voie militaire entre la base aérienne d'Istres et Tirana.

b) Les forces françaises en Albanie

Notre délégation a enfin rendu visite au dispositif français, basé en Albanie, de la « Task Force South » (TFS), commandée par le colonel Gros et dont le quartier général est en place à Elbasan. Ces forces françaises représentent un peu moins d'un millier d'hommes sur les quelque 6.600 militaires étrangers actuellement stationnés en Albanie (dont plus de 2.200 Italiens).

Les soldats français effectuent des travaux importants au profit du camp de réfugiés d'Elbasan et recherchent de nouveaux sites. Ils doivent également participer à la coordination du transfert de réfugiés en provenance de Macédoine, vivement souhaité par Skopje mais qui se heurte à des réticences de la part des réfugiés eux-mêmes.

Avant de donner la parole aux différents membres de la délégation qui ont participé à ce déplacement, je conclurai cette présentation en formulant quelques observations.

- Sur le plan des moyens militaires, notre attention a été en particulier attirée sur deux points : d'une part, l'importance des moyens de renseignement déployés (guerre électronique, drones, radar héliporté Horizon, équipes de renseignement...) ; d'autre part, le rôle majeur joué par les militaires dans l'aide humanitaire même s'il convient de souligner que les armées et la sécurité civile sont adaptées à une aide humanitaire d'urgence mais n'ont pas vocation à travailler dans la durée, ce qui pose le problème de leur relève.

- Sur le plan politique, je formulerai enfin trois observations :

- la première pour relever que la crise actuelle a provoqué une nouvelle détérioration des relations entre la Macédoine et l'Albanie qui s'étaient sensiblement améliorées depuis un an mais qui se sont trouvées à nouveau affectées par l'accueil fait par Skopje aux réfugiés kosovars, vivement critiqué par Tirana ;

- la seconde pour souligner que l'Albanie et la Macédoine se retrouvent pour souhaiter la conclusion rapide d'un accord d'association avec l'Union européenne ;

- enfin, s'agissant de l'issue de la crise actuelle -ce qui est naturellement le plus important-, je retiens de nos entretiens, et en particulier de nos conversations avec nos ambassadeurs sur place, que tout indique, malgré l'optimisme de certains, que nous sommes engagés, compte tenu de l'obstination personnelle de Milosevic, dans une crise qui risque encore de durer. En tout état de cause, l'avenir des réfugiés -qui ne pourront pas revenir rapidement au Kosovo- impose des mesures importantes à l'approche de l'été et, plus encore, avant l'hiver. Sur le plan diplomatique enfin, seule une -ou plusieurs- résolutions des Nations-Unies fondées sur le chapitre VII, permettront de déployer, le moment venu, une force au Kosovo.

*

* *

A l'issue de l'exposé de M. Xavier de Villepin, président, un échange de vues s'est instauré entre les commissaires.

M. Claude Estier, après avoir apporté son plein accord au compte rendu présenté par M. Xavier de Villepin, président, a souligné plusieurs différences importantes entre l'Albanie et la Macédoine : en termes d'infrastructures, d'abord, beaucoup moins développées en Albanie qu'en Macédoine, qui bénéficie dans ce domaine de l'héritage de l'ex-Yougoslavie ; au regard de l'évolution de la crise actuelle, ensuite, Tirana, à la différence de Skopje, refusant toute négociation avec Milosevic, souhaitant une intervention terrestre et étant prête à mettre son territoire à la disposition de l'OTAN. M. Claude Estier a également indiqué qu'il avait eu, à l'occasion des contacts de la délégation en Albanie, le sentiment que les relations entre Albanais et Kosovars albanophones n'étaient pas aussi fraternelles et chaleureuses qu'on pouvait le croire, compte tenu en particulier du niveau de vie supérieur des Kosovars ; ainsi s'expliquait notamment la grande réticence des réfugiés à quitter la région de Kukes pour le sud de l'Albanie.

M. Claude Estier a alors souligné la nécessité qu'il y aura, dès les prochaines semaines, à prendre de nouvelles dispositions pour venir en aide aux réfugiés kosovars à l'approche d'un été très chaud dans la région, puis d'un hiver extrêmement rigoureux. Il a enfin rappelé les efforts remarquables accomplis par les forces françaises pour secourir les réfugiés et souhaité que les conditions de la relève permettent de préserver le capital de sympathie ainsi acquis par notre pays.

M. Jean-Luc Bécart s'est dit préoccupé par les risques de déséquilibre interethnique en Macédoine du fait de la crise actuelle et de l'afflux de réfugiés dans ce pays. Il a estimé que ces risques devaient être d'autant plus justement appréciés qu'ils pourraient avoir des répercussions inquiétantes sur plusieurs pays voisins. M. Jean-Luc Bécart a également fait part de sa surprise devant le discours, très favorable aux Etats-Unis, des nouvelles autorités albanaises. Il a enfin rendu, à son tour, un hommage appuyé au travail remarquable accompli par les forces armées et la sécurité civile françaises et souhaité que leur relève soit assurée dans de bonnes conditions.

M. André Boyer a alors évoqué avec M. Xavier de Villepin, président, les idées de « Grande Albanie », aujourd'hui officiellement écartées à Tirana mais auxquelles la crise actuelle pourraient donner une nouvelle actualité. M. André Boyer a également souligné le rôle joué par Tito dans la création d'une véritable « conscience macédonienne ».

M. Serge Vinçon a estimé qu'il conviendrait de tirer, le moment venu, tous les enseignements de ce conflit pour la France comme pour l'Europe. Sur le premier point, il a fait observer qu'il conviendrait de s'interroger sur les évolutions souhaitables de nos équipements militaires ; il a notamment cité à cet égard les moyens de transport militaire et la décision concernant la construction éventuelle d'un second porte-avions. S'agissant de l'avenir de la défense européenne, il s'est déclaré particulièrement préoccupé par le retrait de l'Allemagne du programme Hélios II et du retrait de la Grande-Bretagne du programme de frégate Horizon, au moment même où les Américains décidaient d'accroître leurs crédits militaires.

M. Xavier de Villepin, président, s'est déclaré en accord avec M. Serge Vinçon sur la nécessité d'une réflexion approfondie sur les enseignements militaires de la crise actuelle, sur les perspectives de défense européenne ainsi que sur le nouveau concept stratégique de l'OTAN.

M. Robert del Picchia, après avoir estimé que la situation dans la zone des Balkans était de plus en plus complexe, a jugé nécessaire de progresser sur la voie d'une défense européenne, ainsi que l'illustrait notamment la situation des forces françaises stationnées en Macédoine près de la frontière et pouvant faire l'objet d'attaques serbes. Il a ensuite relevé le rôle très important joué aujourd'hui par les Etats-Unis en Albanie et a fait part de son inquiétude quant à l'avenir politique de ce pays. Après avoir à son tour salué l'action exemplaire de nos armées et de la sécurité civile française sur place, il a souhaité que leur tâche soit poursuivie par d'autres Français.

M. Jean-Claude Gaudin, après avoir souligné le très grand intérêt de ce déplacement d'une délégation de la commission en Albanie et en Macédoine, s'est déclaré particulièrement sensible aux jugements très positifs portés sur l'efficacité de l'action des marins-pompiers de Marseille placés, a-t-il rappelé, sous l'autorité du maire de Marseille. Il a indiqué que des études étaient actuellement en cours dans sa ville pour tenter d'apporter à la ville de Tirana, jumelée avec Marseille, une aide attendue dans plusieurs domaines, tels que la préparation de la prochaine rentrée scolaire ou l'assainissement des eaux. Il a souhaité que le Gouvernement français puisse prendre les dispositions nécessaires pour permettre le maintien d'une présence française sur place. M. Jean-Claude Gaudin a enfin souhaité que les initiatives diplomatiques en cours soient poursuivies et permettent de mettre un terme au plus vite au conflit actuel.

Répondant à M. Christian de La Malène, M. Xavier de Villepin, président, a indiqué que, d'après les informations recueillies par la délégation sénatoriale, les effectifs de l'UCK pourraient être d'environ 12.000 hommes, dont l'âge moyen ne dépasserait pas 22 ans. Il a estimé que les communautés albanaises en Allemagne et en Suisse fournissaient vraisemblablement une part importante des ressources de l'UCK. M. Robert del Picchia a pour sa part précisé que l'UCK semblait procéder, parfois de force, à des recrutements en Albanie et qu'une douzaine de Français pourrait, selon certaines informations, appartenir aux forces de l'UCK.

M. Michel Caldaguès a estimé que l'idée de « Grande Albanie » constituait sans doute un mythe car une telle entité ne disposerait pas, à ses yeux, des moyens d'existence nécessaires. Il a considéré que l'idée d'une partition du Kosovo constituait une mauvaise solution mais que l'on n'éviterait sans doute pas un débat sur ce thème. S'agissant des enseignements militaires à tirer de la crise actuelle, il a estimé que l'Europe ne faisait sans doute pas, à ce jour, les efforts nécessaires dans le domaine de la défense ; il a toutefois rappelé que la « mutualisation » des forces européennes ne revêtait pas à ses yeux toutes les vertus. Il a enfin considéré que la question du second porte-avions se posait aujourd'hui avec plus d'acuité que jamais.

M. Xavier de Villepin, président, s'est interrogé sur l'issue prévisible du conflit actuel ; il s'est demandé si une négociation avec Milosevic pourrait apparaître comme un succès des alliés et s'est déclaré préoccupé par la précarité de la situation du Montenegro, de la Macédoine et de l'Albanie. Evoquant l'avenir de la défense européenne, il a estimé que la crise actuelle soulignait, une nouvelle fois, l'importance cruciale de l'information et du renseignement mais s'est interrogé sur la volonté politique et sur la capacité des pays européens d'accroître, sur le plan financier, leur effort de défense.

M. Michel Pelchat est enfin revenu sur la situation des réfugiés kosovars en soulignant que, même si le conflit s'arrêtait rapidement, ils ne pourraient rejoindre leur province avant plusieurs mois ; il a en conséquence estimé qu'il était indispensable de prendre les mesures nécessaires pour leur permettre de faire face aux rigueurs successives de l'été et de l'hiver dans cette région, faute de quoi -a-t-il souligné- des tensions très fortes pourraient apparaître.

La commission a alors décidé que le compte rendu du déplacement de la délégation en Macédoine et en Albanie, présenté par M. Xavier de Villepin, président, serait adressé à tous les membres de la commission.

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