C. LA CONCURRENCE FISCALE CONSTITUE UNE CONTRAINTE SUPPLÉMENTAIRE POUR LES ETATS ENDETTÉS

Supposons maintenant que les différents pays de l'Union puissent s'endetter. Le niveau d'endettement devient alors une variable de décision entre les mains des gouvernements pour financer le bien collectif au même titre que l'impôt sur le capital physique. Pour comprendre les mécanismes en jeu, Jensen et Toma (1991) utilisent un modèle à deux périodes (deux exercices budgétaires par exemple) qui est une extension du modèle de référence présenté ci-dessus.

A la première période, les gouvernements peuvent choisir de financer l'offre de biens publics, soit par un impôt sur le capital, soit par un emprunt qui prend la forme d'une obligation du gouvernement, achetée par l'individu représentatif. A la deuxième période, en revanche, les recettes fiscales tirées de l'impôt sur le capital sont utilisées pour rembourser l'annuité de la dette et pour financer les dépenses publiques de deuxième période. L'objectif de chaque gouvernement est de maximiser l'utilité totale des ménages-résidents sur les deux périodes du jeu. Les variables stratégiques sont, à la première période, le taux d'impôt sur le capital et le niveau d'endettement, et en deuxième période uniquement le taux d'impôt.

La théorie économique ne permet pas d'obtenir des résultats véritablement tranchés. En effet, les taux d'impôt choisis par les gouvernements en deuxième période dépendent étroitement de la pente des fonctions de réactions des collectivités, celles-ci étant définies comme le taux d'impôt d'équilibre qui maximise l'utilité de l'individu représentatif d'un pays à la deuxième période, étant donné le taux d'impôt prélevé par la collectivité concurrente en deuxième période et les niveaux d'endettement choisis par les deux gouvernements à la première période.

Compte tenu du signe indéterminé des fonctions de meilleure réponse, la concurrence fiscale entre deux pays peut conduire, en théorie, à ce qu'elles s'endettent à la première période ou qu'au contraire elles dégagent un excédent primaire.

Si la meilleure réponse pour les deux gouvernements consiste à augmenter leur taux d'impôt, l'équilibre parfait en sous-jeux se caractérise par un endettement à la première période pour les deux Etats. Jensen et Toma montrent alors que l'offre du bien public et l'utilité de l'individu représentatif sont, par rapport à l'équilibre sans endettement, plus élevés à la première période. L'offre du bien public peut toutefois être sous-optimale, optimale voire sur-optimale à la première période, selon que le taux d'impôt d'équilibre est respectivement positif, nul ou négatif. Dans ce dernier cas, les Etats s'endettent pour subventionner le capital.

En revanche, dégager un surplus primaire à la première période, permet à un Etat d'avoir une marge de manoeuvre supplémentaire à la deuxième période. L'utilité et l'offre du bien public sont alors plus élevées à la deuxième période mais plus faibles à la première période que dans l'équilibre sans possibilité d'endettement (ou d'excédent budgétaire). Si le modèle, dans ce cas, permet de conclure à une offre insuffisante du bien public à la première période, il ne permet pas toutefois de conclure pour l'offre du bien public à la deuxième période.

Dans tous les cas, l'offre de bien publics à la deuxième période est inefficace et d'autant plus faible que les gouvernements augmentent leur niveau d'endettement (pour un même montant) à la première période. Toutes choses égales par ailleurs, la dette doit être remboursée à la deuxième période, ce qui réduit en fin de compte l'offre de bien publics. En effet l'augmentation du taux d'impôt sur le capital, si elle a un effet positif sur la dépense publique locale, se heurte à la contrainte de la concurrence fiscale et de la mobilité du capital, qui empêche cette augmentation de compenser totalement la baisse liée à l'endettement. L'endettement vient aggraver en quelque sorte l'insuffisance de l'offre de biens publics en deuxième période.

Toutes choses étant égales par ailleurs, la concurrence fiscale aggrave les difficultés d'un pays dont le niveau d'endettement est plus élevé que celui de ses partenaires car il ne dégage pas suffisamment de recettes fiscales pour financer ses dépenses publiques (hors charges d'intérêt). En ce sens, le Pacte de stabilité budgétaire peut se justifier par le fait qu'en union monétaire, la concurrence fiscale et sociale devient plus vive entre les Etats.

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