5. Moderniser les autres mécanismes de la participation financière

L'actionnariat salarié constitue une forme d'épargne salariale. Dès lors, il est largement alimentée par les principaux vecteurs de celle-ci que sont l'intéressement, la participation aux résultats et les versements sur les PEE. Aussi, le développement de l'actionnariat salarié est conditionné à celui des autres mécanismes de participation financière.

Dans ces conditions, votre rapporteur considère qu'il est nécessaire de favoriser leur développement et formule, dans cette perspective, plusieurs propositions pour remédier aux carences actuellement constatées en ce domaine.

a) Mieux impliquer les PME

La principale faiblesse de l'épargne salariale est sans conteste sa faible diffusion dans les PME. En 1997, seules 4,6 % des entreprises de 10 à 49 salariés et 6 % des salariés travaillant dans ces entreprises étaient couverts par un accord de participation ou d'intéressement.

Il importe donc prioritairement d'inciter ces entreprises à signer des accords d'intéressement et de participation et à mettre en place des PEE.

Dans cette perspective, la loi du 25 juillet 1994 a prévu d'instituer un " rendez-vous annuel obligatoire " 33( * ) dans les entreprises où sont constituées une ou plusieurs sections syndicales et où aucun accord de participation ou d'intéressement n'est en vigueur. Ce " rendez-vous " qui se fait à l'occasion de la négociation annuelle sur le temps de travail, l'emploi et les salaires, est l'occasion d'examiner l'opportunité de mettre en place un régime d'intéressement, de participation ou d'actionnariat.

Votre rapporteur constate cependant qu'il n'a pas eu tous les effets désirés.

Deux nouvelles voies pourraient être explorées :

- il serait d'abord possible d'étendre le champ du " rendez-vous annuel obligatoire ". Beaucoup d'entreprises n'ont pas de section syndicale. Ce " rendez-vous " pourrait alors être rendu obligatoire dans les entreprises où existent des délégués du personnel (c'est-à-dire les entreprises de plus de 10 salariés en application de l'article L. 421-1 du code du travail) ;

- l'obstacle majeur à la mise en place des dispositifs d'épargne salariale dans les PME est sans conteste la complexité administrative. Les PME hésitent à se lancer dans ces opérations face à la difficulté de mise en oeuvre, mais aussi face à la complexité de gestion. C'est pourquoi il importe de viser en priorité une simplification du PEE pour les PME. Dans cette perspective, il serait possible de créer, au niveau local et par voie contractuelle, des PEE " inter-entreprises ", à l'image des FCPE " multi-entreprises ". Ces PEE, auxquels pourraient adhérer les salariés des différentes entreprises parties prenantes, auraient en effet l'avantage de répartir le coût de gestion des PEE entre plusieurs entreprises. Ils auraient en outre l'avantage d'initier un mouvement d'entraînement au niveau local, des entreprises pouvant adhérer facilement aux PEE " inter-entreprises " existants.

b) Revoir les conditions de rémunération des comptes courants bloqués

Les sommes issues de la réserve spéciale de participation sont encore largement affectées sur des " comptes courants bloqués " qui représentent un droit de créance du salarié sur l'entreprise, celle-ci conservant ces sommes pendant la durée d'indisponibilité dans un fonds destiné à financer ses investissements. Les sommes placées sur ces comptes courants bloqués représentent aujourd'hui encore plus du tiers de la réserve spéciale de participation.

Cette situation s'explique de deux manières :

- l'affectation au compte courant bloqué est de droit lorsqu'aucun accord de participation n'a été signé dans l'entreprise, les sommes étant alors bloquées pendant 8 ans en application de l'article L. 442-12 du code du travail ;

- les rémunérations servies sur les comptes courants bloqués restent attractives pour les salariés et sans risque. Elles sont ainsi sensiblement supérieures à celles de l'épargne défiscalisée.

Force est de constater que cette situation n'est favorable ni au développement de la négociation collective, ni à celui d'autres formes de placement de l'épargne salariale (PEE ou actionnariat par exemple).

Dans ces conditions, votre rapporteur propose de réviser la rémunération actuelle des comptes courants bloqués qui n'a pas été modifiée depuis 1987 en dépit d'un spectaculaire mouvement de baisse des taux.

En application des articles R. 442-10 et R. 442-12 du code du travail, l'arrêté ministériel du 17 juillet 1987 a fixé les taux d'intérêt minima à servir aux comptes courants bloqués à :

- 5 % par an pour une durée de blocage de trois ans (en cas d'accord dérogatoire) ;

- 6 % par an pour une durée de blocage de cinq ans (en cas d'accord) ;

- 10 % par an pour une durée de blocage de huit ans (en l'absence d'accord).

Afin d'assurer une corrélation entre les taux des comptes bloqués et les taux du marché, les taux des comptes bloqués pourraient être fixés en fonction du taux mensuel moyen du marché monétaire, majoré de 1 point pour un blocage de 3 ans, de 2 points pour un blocage de 5 ans et de 3 points pour un blocage de 8 ans.

c) Prendre en compte la spécificité des holdings pour l'intéressement

Autant la participation vise à associer l'ensemble des salariés d'un groupe aux résultats globaux de ce groupe, autant l'intéressement doit être fonction des résultats propres de l'entreprise. Votre rapporteur constate à cet égard que la plupart des groupes ont mis en place des accords de groupe pour la participation, mais continuent de pratiquer des accords d'intéressement à l'échelle de l'entreprise.

Or, cette situation peut poser des difficultés pour le calcul de l'intéressement dans les sociétés holdings. Votre rapporteur fait référence ici à la situation d'une société holding d'un grand groupe français, qui a mis en place un accord d'intéressement fondé sur les données consolidées de ces filiales. Mais la direction départementale du travail a contesté, en 1998, au bout de 15 ans d'application de cet accord, l'utilisation de données relatives à l'ensemble du groupe pour le calcul de l'intéressement dans la holding, estimant que " l'intéressement calculé dans le cadre d'un accord d'entreprise doit être basé sur les résultats ou performances propres de l'entreprise ".

Cette analyse, parfaitement pertinente pour une filiale, ne peut s'appliquer en revanche qu'avec difficulté pour une société holding.

D'une part, la mise en place d'un accord d'intéressement de groupe n'est souvent pas adaptée aux contraintes propres des groupes qui souhaitent maintenir une gestion indépendante et décentralisée de leur filiale.

D'autre part, dans la mesure où la holding a pour finalité d'assurer le développement de ses filiales et a donc des résultats et des performances liés à ceux des filiales, il semble logique de calculer l'intéressement en fonction des données consolidées.

Votre rapporteur suggère donc de permettre aux sociétés holdings, dans le cadre d'un accord d'intéressement, de calculer leur intéressement en fonction des données consolidées du groupe.

d) Encourager la constitution d'une épargne salariale à long terme

Les nécessités pour les ménages de se constituer une épargne longue, notamment pour servir de source complémentaire au financement des retraites, apparaissent chaque jour de plus en plus clairement.

L'article 2 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 a créé un fonds de réserve destiné à " consolider les régimes par répartition ". Mais sa dotation initiale est faible (2 milliards de francs), ses modes d'alimentation restent mal définis, son objectif est flou, comme l'a constaté M. Alain Vasselle dans son rapport d'information précité. En outre, il ne repose pas sur une démarche d'épargne volontaire et collective.

Votre rapporteur observe parallèlement que l'épargne salariale investie en parts de FCPE représentait 232 milliards de francs à la fin de 1998, 40 % de ce montant étant immobilisé depuis plus de cinq ans. Dès lors, il s'interroge sur la possibilité d'utiliser, bien entendu à la demande des salariés, cette épargne longue pour servir de moyen de financement surcomplémentaire des retraites, s'ajoutant aux systèmes actuels par répartition, en l'absence de " fonds de pension à la française ".

Cette préoccupation est d'ailleurs partagée par la Cour des comptes.

Epargne salariale et épargne retraite :
l'analyse de la Cour des comptes

" Si l'épargne salariale ne vise pas spécifiquement la préparation de la retraite, son glissement vers cette utilisation s'opère en France de deux manières. D'une part, on voit des entreprises reconvertir des régimes supplémentaires défaillants en épargne salariale. D'autre part, le PEE est de plus en plus considéré comme un bon vecteur pour se constituer une épargne longue. Dans cette optique, puisque 45 % des salariés laissent les sommes immobilisées dans leur PEE plus de cinq ans -un pourcentage en augmentation régulière- des plans d'épargne entreprise à long terme (PEELT) ont vu le jour, appelés aussi PEE retraite, pratiqués par les entreprises désirant encourager leurs salariés à effectuer des placements de longue durée.

" Aussi voit-on parfois dans l'épargne salariale un " vecteur " de l'épargne retraite en raison même de ce potentiel de développement et des avantages qui y sont attachés, et ceci pour plusieurs raisons.

" En premier lieu, peu de salariés disposent d'un régime de retraite supplémentaire d'entreprise, alors qu'ils sont nombreux -un gros tiers- à bénéficier de mécanismes de participation financière, qui sont alors considérés comme un mécanisme de revenu différé. En outre cette épargne s'appuie sur le paritarisme et la négociation collective. D'ailleurs, elle semble susciter un fort degré de satisfaction auprès des salariés, puisque selon l'enquête de la commission des opérations de bourse (COB), 83 % des salariés se déclarent " satisfaits " ou " très satisfaits ".

" A ces raisons s'ajoutent les qualités propres de ce type d'épargne, en particulier en ce qui concerne les PEE : la souplesse et l'attractivité, imputable en particulier à la part des abondements pris en charge par les entreprises dans le cadre des plans d'épargne entreprise. Comme l'explique le rapport de la COB : " il suffirait au demeurant de peu de choses pour transformer un PEE en fonds de pension : que l'échéance ne soit plus fixée en nombre d'années (cinq ou huit) mais à la date de départ à la retraite ". Au surplus, si l'abondement des entreprises est encadré fiscalement, il fait figure de motivation majeure pour les salariés. Les avantages fiscaux paraissent également déterminants.

" Enfin, les mutations contemporaines du rapport salarial, impliquant une part croissante des revenus sous forme de complément de salaire, conduit parfois à soutenir que l'épargne salariale sera importante à l'avenir, ce qui accroîtrait sa faculté à être un vecteur de l'épargne retraite. "

Source : Rapport de la Cour des comptes
sur la sécurité sociale, septembre 1999

Sans vouloir évidemment dénaturer les PEE tels qu'ils existent, il serait possible d'étudier la possibilité, pour les salariés volontaires et par accord collectif, de greffer sur les PEE existants un " PEE à long terme ", qui constituerait un prolongement facultatif du PEE.

Deux solutions sont ici envisageables :

- l'instauration d'une durée de blocage déterminée (10 ans par exemple), le capital étant transmis à un " plan d'épargne retraite " à l'issue de la période de blocage ;

- le blocage des sommes jusqu'au départ en retraite du salarié. A cette date, le capital serait transféré à un organisme de gestion qui verserait alors une rente viagère au salarié partant en retraite.

Dans les deux cas, la sortie en capital du " PEE à long terme " se ferait, à la différence du PEE actuel, en franchise, pour tout ou partie, de CSG, de CRDS et de prélèvement social de 2 %.

Une telle piste de réflexion n'est à l'évidence pas exclusive d'une démarche en faveur de la création de plans d'épargne retraite spécifiques, mais elle pourrait constituer un utile complément.

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