II. L'AVENIR PLUS LOINTAIN DE L'ONAC : UNE RÉFLEXION À MENER

Pour assurer son avenir proche, l'ONAC doit donc relever certains défis : il lui faut adopter une gestion moderne et efficace, reconsidérer son parc de maisons de retraite et s'entourer d'un personnel plus qualifié. Ces réformes ne paraissent cependant pas hors de portée. Certaines ont d'ailleurs déjà été lancées et les dirigeants de l'ONAC semblent être conscients de leur caractère indispensable pour assurer la pérennité de l'Office.

Toutefois, le débat sur l'avenir de l'ONAC est plus complexe. En effet, même si ce dernier parvient à se réformer en profondeur, il ne pourra pas faire l'économie d'une réflexion sur son avenir à moyen terme.

En effet, sauf conflit majeur, l'activité des services départementaux est amenée à diminuer fortement. Il est donc impératif de réfléchir sur la restructuration de ses services d'ici à cinq ans.

L'occasion aurait pu être saisie lors de la restructuration du secrétariat d'Etat aux anciens combattants. En réalité, l'accent a été mis sur le renforcement du rôle et des missions de l'ONAC. Or, ce renforcement de l'activité ne pourra être que temporaire.

A. L'ONAC : UNE INSTITUTION DONT L'ACTIVITÉ EST DESTINÉE À FORTEMENT DIMINUER

Depuis quelques années, le volume d'activité des services départementaux a fortement augmenté en raison de la recrudescence des demandes de cartes et titres et de la montée en puissance du dispositif du fonds de solidarité. Les services ont été rapidement saturés faute d'effectifs suffisants et ont dû faire appel à du personnel supplémentaire pour faire face à cet afflux d'activités.

Au 1 er janvier 1996, 276 contrats " emploi solidarité " étaient employés dans les services départementaux. Ils représentaient alors plus de 41 % des effectifs budgétaires.

Lorsque votre rapporteur avait visité certains services de proximité, il s'était étonné du nombre important des emplois précaires parmi le personnel. En réalité, il s'agit d'un choix délibéré de la part de l'ONAC qui résulte du caractère temporaire de la recrudescence d'activité.

A long terme, le volume d'activité devrait au contraire fortement diminuer en raison de la baisse du nombre de demandes de cartes et titres à partir de 2002, de la disparition progressive du fonds de solidarité, de la stabilité de l'action sociale à destination des ressortissants traditionnels et, enfin, du déclin général du nombre des ressortissants de l'Office .

1. La baisse de l'activité relative aux cartes et titres à partir de 2002.

L'assouplissement des conditions d'attribution des cartes et des titres a conduit à une recrudescence des demandes, surtout en ce qui concerne le titre de reconnaissance de la Nation et la carte du combattant d'Afrique du Nord.

Toutefois, comme le rappelle un récent rapport du secrétariat d'Etat aux anciens combattants 23( * ) , " l'engorgement actuel de l'activité est temporaire. Le flux de nouvelles demandes relatif à la deuxième guerre mondiale est circonscrit aux opérations effectuées pendant la campagne de 1940 et aux quelques poches de résistance de 1944 pour lesquelles la règle des 90 jours de présence de feu ne pouvait s'appliquer. De plus, l'élargissement des conditions de reconnaissance des droits aux anciens d'AFN a atteint ses propres limites. Le nombre de dossiers déposés au titre de l'Algérie s'établit actuellement à 1.500.000 demandes. Ce chiffre représente 86 % du nombre total des militaires ayant servi en AFN au cours de la période 1952-1962 tel que l'indiquent les statistiques officielles du ministère de la défense ".

Selon un rapport de l'inspection générale des anciens combattants 24( * ) de 1998, la carte du combattant en Afrique du Nord devrait continuer à être attribuée jusqu'à ce que toute la population encore en vie soit reconnue combattante. En conséquence, 50.000 titres devraient encore être délivrés sur 5 ans, soit jusqu'en 2003. En outre, 3.000 cartes nouvelles par an devraient être accordées pour les forces engagées dans les nouveaux conflits. Le nombre des victimes du terrorisme prises en charge par le fonds de garantie des assurances est réputé augmenter de 50 par an.

A partir de 2003, le nombre de demandes de cartes et titres devrait donc fortement chuter.

2. La disparition progressive du fonds de solidarité

La mise en place de nouveaux dispositifs d'assistance avait également contribué à augmenter l'activité des services départementaux de l'ONAC.

En effet, suite à la création du fonds de solidarité, ces derniers sont devenus responsables de l'instruction de l'allocation différentielle, l'une des deux allocations délivrées par ce fonds.

De 1993 à 1996, le nombre de bénéficiaires est passé de moins de 6.000 à plus de 38.000, avec un maximum de 38.919 en juin 1996. Ce nombre s'est ensuite réduit, notamment en raison de la montée en puissance de l'allocation de préparation à la retraite.

Comme votre rapporteur l'a déjà indiqué, le nombre de bénéficiaires devrait continuer à chuter jusqu'en 2002, date à laquelle les derniers bénéficiaires basculeront dans le dispositif de droit commun pour l'assistance aux personnes âgées.

Or, cette diminution de l'activité des services départementaux de l'Office ne sera pas compensée par une recrudescence des actions sociales traditionnelles.

3. La stabilité de l'action sociale à destination des ressortissants traditionnels

L'action sociale à destination des ressortissants traditionnels, à savoir les anciens combattants, constituée par les secours et les prêts, s'est fortement élargie à d'autres catégories de ressortissants, notamment les veuves d'anciens combattants non pensionnés. Les services départementaux ont su s'adapter à la diversité des situations sociales.

Cette évolution est cependant essentiellement d'ordre quantitatif. Depuis 1991, le volume total des dossiers traités a diminué. Il est passé de 33.153 en 1991 à 23.388 en 1998. Cette diminution de l'activité est liée à la baisse du nombre de secours accordés par le biais de la subvention de l'Etat, qui n'a pas été compensée par une augmentation des secours financés sur les ressources affectées de l'ONAC.



Cette baisse s'explique par la montée en puissance du fonds de solidarité, qui a pris en charge jusqu'à 43.259 ressortissants en mars 1997. Ce chiffre était de 29.728 en juin 1999.

Depuis 1999, la subvention de l'Etat augmente de nouveau. Toutefois, il est peu probable que cette hausse ait une influence significative sur le volume d'activité des services départementaux. En effet, la priorité devrait être donnée à une revalorisation des aides moyennes accordées et non à une augmentation sensible du nombre des bénéficiaires.

Les chiffres recueillis par votre rapporteur sur les aides financières aux veuves d'anciens combattants confirment cette hypothèse. En 1998, 10,6 millions de francs avaient été accordés à 5.934 veuves, le montant moyen de l'aide s'élevant donc à 1.788 francs. En 1999, l'Etat a consenti 5 millions de francs de crédits supplémentaires pour les veuves d'anciens combattants. Au premier semestre 1999, 7 millions de francs avaient été accordés à 2.991 veuves, soit une aide moyenne de 2.340 francs. Il apparaît donc bien que sur l'année 1999, le nombre de veuves aidées sera à peu près le même qu'en 1998, soit 2.991 x 2 = 5.982. En revanche, le montant de l'aide perçue par chaque veuve a progressé puisqu'il est passé de 1.788 francs à 2.340 francs, soit une augmentation de 30,6 %.

La sortie du fonds de solidarité d'un nombre croissant de ressortissants risque d'entraîner une augmentation du nombre des dossiers déposés auprès des services départementaux. Pour autant, l'activité de ces derniers ne devrait pas être profondément modifiée. En effet, l'aide apportée par l'ONAC ne constitue qu'un secours temporaire, qui n'a pas vocation à se substituer au dispositif d'aide sociale de droit commun. Les services départementaux ont donc surtout comme mission d'informer les ressortissants sur leurs droits et de les orienter vers le dispositif national de protection sociale. La création de 20 postes d'assistantes sociales pour 2000 confirme cette évolution. Il apparaît donc bien que les missions des services de proximité de l'ONAC ont vocation à évoluer en qualité, mais non en quantité.

Cette tendance est en grande partie liée à la diminution inexorable du nombre de ressortissants.

4. Le déclin général du nombre des ressortissants de l'Office

L'évolution prospective présentée par l'étude précitée 25( * ) sur la période 1998-2018 est à ce titre tout à fait instructive.

Les générations du feu

L'histoire de France est jalonnée par une succession presque ininterrompue de batailles et de guerre. Le 20 ème siècle en est, plus que tout autre, un exemple douloureux. La première guerre mondiale, puis la deuxième guerre mondiale, ont profondément marqué la première moitié du siècle.

Les guerres de décolonisation vont ensuite se succéder sans interruption, au point que, du point de vue du code des pensions, la guerre d'Indochine, puis de Corée et l'expédition de Suez sont considérées comme le prolongement de la deuxième guerre mondiale.

La guerre d'Algérie, qui se réduira pendant longtemps à de simples opérations de maintien de l'ordre en Afrique du Nord, va ensuite nécessiter la mobilisation massive du contingent. Enfin, la fin du siècle fait appraître de nouvelles formes de conflits. La volonté réaffirmée par la communauté internationale, en particulier par l'ONU, du maintien de la paix dans le monde et d'une intervention armée pour raisons humanitaires, justifie de nouveaux engagements militaires auxquels participe la France.

Par ailleurs, la mobilisation et la préparation des forces imposent " hors guerre " une mise en condition des forces armées ; elle s'accompagne d'infirmités contractées à l'entraînement.

Enfin, l'émergence, depuis une vingtaine d'années, d'une nouvelle manifestation de conflits sous forme de terrorisme, se traduit par de nouvelles vicissitudes qui frappent indistinctement la population ; les victimes du terrorisme et les orphelins des fonctionnaires tués en services commandés sont venus s'adjoindre à la cohorte des victimes de guerre.

L'attribution de la carte du combattant, selon des conditions uniformes, ne permettrait pas de tenir compte de la spécificité de chaque conflit et pourrait restreindre injustement la reconnaissance du statut de combattant. C'est la raison pour laquelle les ressortissants sont distingués selon le conflit dont ils sont issus.

Ainsi, la première génération du feu correspond aux ressortissants issus de la première guerre mondiale.

La seconde génération du feu est constituée par tous les anciens combattants de la seconde guerre mondiale.

La troisième génération du feu vise l'ensemble des personnes ayant participé à la guerre d'Algérie, mais également aux opérations lancées au Maroc et en Tunisie.

Enfin, la quatrième génération du feu est issue des nouveaux conflits (intervention de militaires français au Tchad, au Congo, au Zaïre...) et, notamment, de la participation de la France aux opérations de maintien ou de rétablissement de la paix décidées par l'Organisation des Nations Unies (Liban, Somalie, ex-Yougoslavie).



La première génération du feu , qui n'est aujourd'hui plus guère représentée que par les orphelins de guerre et les veuves d'anciens combattants, va disparaître entièrement d'ici 2003.

La seconde génération du feu , encore majoritaire dans le monde combattant, devrait connaître, sur les vingt prochaines années, une évolution identique à celle qu'a connue la première génération du feu : d'ici 2003, 24,1 % de cette fraction de population devrait disparaître, tandis que le diminution des ayants-cause devrait se produire à partir de 2008. En 2018, le nombre des ressortissants issus de la deuxième guerre mondiale sera devenu marginal (461.100 contre 2,5 millions en 1998). Une évolution équivalente va se produire s'agissant des ressortissants issus de la guerre d'Indochine.

La troisième génération du feu devrait connaître une évolution inverse à celle des précédentes. Le nombre des ayants droit va encore progresser légèrement pendant 5 ans avant de se stabiliser à partir de 2003 à 1,2 million, puis de décroître à partir de 2010 de 2,5 à 3,5 % par an. Le nombre de veuves, peu important actuellement, va être multiplié par 4 en 20 ans pour atteindre 352.800 personnes.

La quatrième génération du feu devrait voir ses effectifs doubler en 20 ans pour atteindre 106.900 personnes.

Or, les conclusions tirées par les deux inspecteurs de cette évolution sont alarmantes pour la pérennité de l'ONAC :

" Un premier constat s'impose. Si le Ministère a réussi, sur les dix dernières années, à stabiliser la population de ses ressortissants par intégration dans celle-ci des veuves de combattant ou de victimes civiles, il ne lui reste plus de subterfuges pour l'avenir. Dès lors, celle-ci va inéxorablement se réduire dans les vingt prochaines années à un rythme de plus en plus soutenu : de 2 % par an jusqu'en 2008 et puis 3 % au delà. Au total, en vingt ans, la population aura chuté de moitié. [...]

Une deuxième observation peut être formulée. Le déclin général de la population touche de manière similaire toutes les catégories de ressortissants. Le nombre des pensionnés devrait représenter tout au long de la période environ 8 % de la population totale ; les bénéficiaires d'un titre de combattant ou de victime de guerre représenteront autour de 45 % de la population, les veuves 38 %, les orphelins 7 % et les ascendants 0,3 %. [...]

Le fait que la baisse va toucher de manière similaire toutes les catégories de ressortissants va se traduire par une décrue équivalente de toutes les missions qu'assume le Ministère. Nous n'assisterons pas, comme certains le pressentaient de façon intuitive, à un transfert des missions régaliennes vers les missions sociales. Toutes les populations déclinent au même rythme, il convient donc de s'attendre à une réduction simultanée de toutes les missions du Ministère, sauf celles qui ont trait à la mémoire, dont la dynamique n'est pas directement lié au niveau des populations assistée
s ".

Il apparaît donc bien qu'à partir de 2003, l'activité de l'Office chutera. A cette date, non seulement l'ensemble des cartes d'anciens combattants d'Afrique du Nord auront été délivrées, mais également les derniers bénéficiaires du fonds de solidarité seront sortis du dispositif. Par ailleurs, la diminution du nombre de ressortissants commencera à être significative : (ils seront 4,2 millions en 2003 contre 4,7 millions en 1998).

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