II. ASSURER DES RELATIONS PLUS HARMONIEUSES ENTRE L'EXERCICE DU MANDAT LOCAL ET LES IMPÉRATIFS DE LA VIE PROFESSIONNELLE

L'un des enjeux du statut de l'élu est de permettre aux personnes insérées dans la vie active, qu'elles soient salariés de droit privé, agents publics ou travailleurs indépendants, d'accéder aux responsabilités publiques sans que leur activité professionnelle ne constitue, par elle-même, un obstacle ou une gène à l'exercice du mandat.

De ce point de vue, le travailleur actif accédant à des fonctions électives est placé devant une alternative :

- il peut vouloir conjuguer son activité professionnelle avec l'exercice de son mandat local : dans ce cas, tout doit être fait pour que les droits du salarié à exercer son mandat soient reconnus et respectés par l'employeur et que l'exercice du mandat ne signifie pas une perte de revenus ou de droits sociaux ;

- l'autre possibilité est de renoncer temporairement à l'exercice de l'activité professionnelle : dans ce cas, il est important que l'élu bénéficie d'une protection sociale durant son mandat et qu'il soit mis à même de retrouver un travail à qualification égale s'il est conduit à quitter ses fonctions électives.

La loi du 3 février 1992 a établi clairement une distinction, fondée sur des critères démographiques, entre les mandats des collectivités importantes, pour lesquelles l'exercice du mandat à plein temps est de droit, et les autres collectivités pour lesquelles l'exercice du mandat ne dispense pas a priori de la poursuite de l'activité professionnelle.

La mission commune d'information estime que, depuis 1992, le contexte a évolué. D'une part, dans une société où les exigences de productivité sont fortes, il est parfois difficile de concilier son activité professionnelle avec des absences répétées dues à l'exercice du mandat local ; d'autre part, dans un contexte de mobilité des parcours professionnels où la règle n'est plus celle de l'emploi à vie, l'exercice d'un mandat local peut constituer une étape temporaire dans un itinéraire choisi : en d'autres termes, l'exercice d'un mandat peut susciter un investissement important, mais temporaire, qu'il faut encourager sans pénaliser pour autant l'élu lors de son retour à la vie professionnelle. Enfin, la part importante prise par les femmes dans la vie publique locale, appelée encore à s'accroître, nécessitera de leur donner les moyens de renoncer plus facilement à leur vie professionnelle sans que cette interruption n'ait des conséquences irréversibles pour leur avenir.

La loi du 3 février 1992 a instauré diverses garanties afin d'assurer la disponibilité de l'élu local qui poursuit son activité professionnelle et d'ouvrir à l'élu la possibilité de renoncer temporairement à son emploi pour se consacrer entièrement à son mandat. Ce dispositif doit aujourd'hui être parfois assoupli, parfois précisé, pour tenir compte des évolutions de la société.

A. CONCILIER PLUS AISÉMENT UNE ACTIVITÉ PROFESSIONNELLE ET L'EXERCICE D'UN MANDAT LOCAL

1. Le dispositif de 1992 apporte des garanties utiles qui doivent être maintenues

Plusieurs mesures tendent à faciliter l'exercice conjoint d'une profession et d'un mandat électoral en permettant à l'élu de consacrer un temps minimum au service de sa collectivité : il s'agit des autorisations d'absence et du crédit d'heures accordés aux salariés du secteur privé et aux agents publics ou encore de l'interdiction des sanctions professionnelles en raison des absences autorisées.

a) Les autorisations d'absence et la compensation des pertes de revenu afférentes

Le régime des autorisations d'absence résulte, pour les fonctionnaires, du statut général de 1946 et pour les salariés du secteur privé, de la loi du 2 août 1949. Les autorisations d'absence sont destinées à permettre à l'élu de participer pleinement aux réunions requises par l'exercice de son mandat. Elles bénéficient à l'ensemble des conseillers municipaux (article L. 2123-1 du code général des collectivités territoriales), conseillers généraux (article L. 3123-1) et conseillers régionaux (article L. 4135-1).

Il est important de souligner qu'à l'initiative du rapporteur de la commission des Lois, M. Jacques Thyraud, deux précisions importantes avaient été apportées par le Sénat lors de l'examen de la loi du 3 février 1992.

Tout d'abord la durée de l'autorisation d'absence couvre non seulement le temps de la réunion mais également la durée du déplacement nécessaire pour se rendre à celle-ci.

Par ailleurs, la notion de réunion a été entendue largement : il s'agit non seulement des séances plénières de l'assemblée délibérante mais également des commissions en dépendant ainsi que des réunions des assemblées et des bureaux où l'élu représente la collectivité locale.

Il est à noter que les fonctionnaires bénéficient de dispositions spécifiques en matière d'autorisations d'absence, (une à deux demi-journées par mois ou par semaine, en session ou hors session, selon la taille de la collectivité et sans perte de salaire).

L'autorisation d'absence est assortie d'une obligation d'information de l'employeur sur la date de la séance ou de la réunion et sur la durée de l'absence envisagée (articles L. 2123-1 du code général des collectivités territoriales et R. 121-6 du code des communes).

L'employeur " n'est pas tenu " de payer comme temps de travail le temps passé par l'élu à ces séances et réunions. Il a la faculté de maintenir le salaire mais ce n'est pas une obligation ; les droits en matière de prestations sociales, de congés payés et d'ancienneté sont maintenus aux termes de la loi même si, dans les faits, les mesures d'application n'ont pas toujours été prises.

La compensation des pertes de revenu éventuelles pour les élus qui ne bénéficient pas d'indemnités de fonction et dont le salaire n'est pas maintenu, est laissée à l'appréciation de l'assemblée délibérante de la collectivité locale : cette compensation est à la charge de la collectivité et limitée à 24 heures par élu et par an , chaque heure ne pouvant être rémunérée à un montant supérieur à une fois et demie la valeur horaire du SMIC.

b) Le crédit d'heures et sa majoration

Le crédit d'heures ne procède pas tout à fait de la même logique que les autorisations d'absence : ces dernières sont accordées pour participer à une réunion déterminée où la présence de l'élu paraît importante. Le crédit d'heures n'est pas motivé par un événement ou une réunion particulière : il permet, d'une manière générale, à l'élu local de disposer du temps nécessaire à l'administration de la collectivité à laquelle il appartient ou à la préparation des réunions des instances dans lesquelles il est appelé à siéger.

De même que pour les autorisations d'absence, l'employeur n'a pas à apprécier le bien-fondé ou non de la demande de l'élu ; il est tenu d'accorder le crédit d'heures aux élus qui en font la demande.

Dans la mesure où le crédit d'heures ne donne pas lieu à rémunération par l'employeur, son usage est réservé aux élus pour lesquels la loi a prévu une indemnité de fonction : l'article L. 2123-3 du code général des collectivités territoriales dispose que le crédit d'heures est réservé aux maires et aux adjoints, ainsi qu'aux conseillers municipaux des villes de 100.000 habitants au moins. Il concerne également les conseillers généraux et les conseillers régionaux. Il est forfaitaire et trimestriel sans possibilité de report.

Le crédit d'heures est calculé pour chaque trimestre par référence à la durée hebdomadaire légale du travail : il atteint jusqu'à 300 % de celle-ci pour les fonctions exécutives les plus importantes.

Aux termes de la loi, le crédit d'heures, pour chaque trimestre, est égal à :

- 117 heures (300 % de la durée hebdomadaire légale) pour les maires des villes d'au moins 10.000 habitants, les adjoints au maire des communes d'au moins 30.000 habitants, les présidents et vice-présidents des conseils généraux et régionaux et le président du conseil exécutif de Corse ;

- 58 heures 30 (150 % de la durée hebdomadaire légale) pour les maires des communes de moins de 10.000 habitants, les adjoints aux maires des communes de 10.000 à 29.999 habitants, les maires d'arrondissement de Paris, Marseille et Lyon, les conseillers généraux, les conseillers régionaux et les membres du conseil exécutif de Corse ;

- 23 heures 30 (60 % de la durée hebdomadaire légale) pour les conseillers municipaux des villes d'au moins 100.000 habitants, les adjoints aux maires des villes de moins de 10.000 habitants et les adjoints aux maires d'arrondissement de Paris, Lyon et Marseille.

Il convient de préciser que, dans le cadre de la discussion du projet de loi relatif à la limitation du cumul des mandats électoraux et des fonctions et à leurs conditions d'exercice , une disposition a été adoptée à l'article 3 ter afin d'étendre aux conseillers municipaux des communes de plus de 3.500 habitants le bénéfice du crédit d'heures actuellement limité aux conseillers municipaux des communes de plus de 100.000 habitants 21( * ) .

Durée du crédit d'heures pour les conseillers municipaux
des villes de moins de 100.000 habitants
Projet de loi relatif au cumul des mandats

 

" 39 heures "

" 35 heures "

Communes de 30.000 à 100.000 habitants

15 heures 36

14 heures

Communes de 10.000 à 30.000 habitants

11 heures 42

10 heures 30

Communes de 3.500 à 10.000 habitants

5 heures 51

5 heures 15

Il convient néanmoins de remarquer que les heures ainsi utilisées, qui ne donneront pas lieu à rémunération de la part de l'entreprise, n'ouvriront pas droit non plus à des indemnités de fonction.

Il est important de souligner que la durée du crédit d'heures est fixée pour chaque trimestre par référence à la durée hebdomadaire légale du travail .

La mise en oeuvre de la réduction du temps de travail va donc entraîner mécaniquement, pour les salariés relevant du passage aux 35 heures, une diminution du montant de leur crédit d'heures : celui-ci s'élèvera respectivement à 105 heures, 52 heures 30 minutes ou 21 heures selon la catégorie d'élus concernée par le passage aux " 35 heures ".

D'ores et déjà, la loi a prévu, en cas de travail à temps partiel que le crédit d'heures est réduit proportionnellement à la réduction du temps de travail prévue pour l'emploi considéré (article L. 2123-3 du code général des collectivités territoriales) .

La logique du dispositif actuel est bien de calculer le crédit d'heures proportionnellement à la durée effective de travail de l'élu salarié dans son entreprise. La mise en oeuvre de la réduction légale de la durée du travail entraîne une augmentation du " temps libre " du salarié élu local qui devrait ainsi le consacrer, en tant que de besoin, à l'exercice de son mandat.

Il apparaît prématuré à la mission commune d'information de chercher à compenser l'effet de réduction en volume du crédit d'heures du fait du passage aux 35 heures hebdomadaires de travail , étant entendu toutefois que le niveau des crédits d'heures pourrait être reconsidéré s'il apparaissait que les nouvelles organisations du temps de travail rendaient plus difficile l'exercice de l'activité d'élu.

On rappellera également que le crédit d'heures s'inspire, sinon dans ses modalités, du moins dans sa philosophie, du dispositif prévu par le code du travail en faveur des représentants du personnel et des délégués syndicaux . Le décompte des heures est néanmoins effectué suivant une logique différente :

Pour un délégué syndical, les heures sont d'autant plus importantes que les personnels de l'entreprise sont nombreux ; pour l'élu local, la taille de la collectivité détermine le volume d'heures auquel il a droit, nonobstant la taille de l'entreprise où il travaille.

Les délégués syndicaux et les délégués du personnel disposent d'un contingent d'heures mensuelles ; les élus locaux ont un contingent d'heures trimestrielles. Dans les deux cas, ces heures ne sont pas reportables : le forfait trimestriel est donc plus souple en pratique.

La comparaison des deux régimes d'heures forfaitaires, ramenés en moyenne mensuelle , montre que la situation des élus locaux n'est pas défavorable, sauf peut-être pour les adjoints aux maires des communes de moins de 10.000 habitants.


Elu local

Moyenne
mensuelle

Délégué syndical

Crédit d'heures mensuel

Maire (> 10.000 habitants)

adjoint au maire (> 30.000 habitants)

39 heures

> 500 salariés

20 heures

maire (< 10.000 habitants)

adjoints (entre 10.000 et 30.000 habitants)

19 heures et 30 mn

de 151 à 500 salariés

15 heures

adjoints (< 10.000 habitants)

Conseillers municipaux (<100.000 habitants)

7 heures et 50 mn

de 50 à 100 salariés

10 heures

Conseillers municipaux (< 100.000 habitants)

rien

< 50 salariés

rien

La comparaison est néanmoins très difficile à faire :

- les salariés d'entreprises ont des contingents spéciaux d'heures annuelles pour certaines négociations collectives ou lorsqu'ils participent au comité d'entreprise ;

- le cumul des fonctions représentatives au sein d'une même entreprise entraîne le cumul des crédits d'heures ;

- une grande entreprise peut compter plusieurs délégués syndicaux et délégués du personnel alors que les élus locaux maires ou adjoints sont rarement nombreux au sein de la même entreprise.

La différence principale tient au fait que, pour l'élu local, les heures forfaitaires d'absence ne donnent pas lieu à rémunération par l'entreprise : le dispositif étant réservé aux élus bénéficiant d'une indemnité de fonction, tout se passe comme si ces indemnités compensaient tout ou partie de l'effet de la réduction de salaire imputable à l'exercice du mandat.

En revanche, concernant les délégués syndicaux ou les délégués du personnel, les heures consacrées à l'exercice des fonctions syndicales sont rémunérées comme les heures du travail.

Il pourrait être tentant de chercher à accentuer le parallélisme entre les deux modes de prise en charge : il reste que l'activité des délégués syndicaux et des représentants du personnel demeure liée à l'exercice du droit du travail, intrinsèquement dépendant de l'existence de l'entreprise elle-même et de son activité. A contrario , l'activité de l'élu local en droit est totalement indépendante de l'objet même de l'activité de l'entreprise.

Il ne serait donc pas compréhensible de faire assumer par l'entreprise elle-même le coût du maintien intégral du salaire de l'élu local
, sauf à reconnaître la nécessité d'un prélèvement public nouveau.

c) L'emploi des salariés élus locaux fait l'objet d'une protection particulière

Les élus locaux disposent de garanties moins étendues que les salariés protégés qui ne peuvent être licenciés sans autorisation administrative préalable et qui peuvent invoquer au pénal le délit d'entrave en cas d'abus manifeste. L'élu local dispose néanmoins d'éléments indéniables de protection.

Il convient de rappeler que, d'une manière générale et sauf circonstances exceptionnelles, l'employeur ne peut s'opposer à l'absence de l'élu local ou du délégué syndical : la seule obligation qui pèse sur le salarié est un devoir d'information de son employeur.

Par ailleurs, aucune modification de la durée et des horaires de travail prévus par le contrat ne peut être effectuée en raison des absences autorisées sans l'accord de l'élu concerné (articles L. 2123-7, L. 3123-5 et L. 4135-5 du code général des collectivités territoriales) .

En outre, aucun licenciement ni déclassement professionnel, aucune sanction disciplinaire ne peuvent être prononcés en raison de ces absences, sous peine de nullité et de dommages et intérêts au profit de l'élu, sa réintégration ou le reclassement dans l'emploi étant de droit (articles L. 2123-8, L. 3123-6 et L. 4135-6 du code général des collectivités territoriales).

2. Les propositions de la mission d'information

a) Lever toute ambiguïté sur les modalités de calcul des cotisations sociales pendant les périodes d'absence

En principe, les textes prévoient que le temps d'absence, correspondant aux absences autorisées et au crédit d'heures, est assimilé à une durée de travail effective pour la détermination de la durée des congés payés et du droit aux prestations sociales ainsi qu'au regard de tous les droits découlant de l'ancienneté (articles L. 2123-7, L. 3123-5 et L. 4135-5 du code général des collectivités territoriales).

Si la détermination des congés payés et des droits découlant de l'ancienneté ne semble pas soulever de difficultés générales, la question du droit aux prestations sociales est en revanche plus délicate.

La formulation du législateur est imprécise dans la mesure où il n'a pas validé expressément les périodes consacrées par le salarié à l'exercice du mandat local au titre des périodes ouvrant droit aux diverses prestations.

La rédaction actuelle peut laisser à penser que le législateur visait en fait le dispositif concernant la durée minimale de travail requise pour accéder aux prestations du régime général. Par exemple, l'article L. 313-1 du code de la sécurité sociale prévoit que pour bénéficier des prestations maladie, maternité, invalidité, décès, l'assuré social doit justifier, au cours d'une période de référence, soit avoir cotisé sur la base d'un salaire au moins égal au SMIC, soit avoir effectué un nombre minimum d'heures de travail salarié (60 heures de travail au moins pendant un mois ou 120 heures de travail pendant trois mois). Il est possible de considérer que la disposition législative visait à empêcher qu'un salarié élu local travaillant à temps partiel se voie refuser une prestation au motif d'un nombre insuffisant d'heures travaillées du fait des absences liées au mandat.

En tout état de cause, la position de l'Administration n'est pas clairement connue dans la mesure où aucun texte d'application n'a été pris concernant le maintien du droit aux prestations sociales. Il en résulte que, dans la très grande majorité des entreprises, les heures consacrées par le salarié au mandat n'étant pas rémunérées, les cotisations sociales sont assises sur un salaire en diminution par rapport au salaire d'un travailleur à temps complet, sauf dans l'hypothèse d'une récupération des heures non travaillées.

Le fait que les cotisations sociales soient assises sur un salaire réduit peut avoir des conséquences regrettables au regard du régime des prestations en espèces de la sécurité sociale et de l'assurance chômage.

Ainsi, par exemple, l'indemnité journalière versée par l'assurance maladie est calculée sur la base des salaires versés au cours des trois derniers mois et ayant donné lieu à cotisation (articles L. 323-4 et R. 323-4 du code de la sécurité sociale).

S'agissant de la pension de retraite versée par le régime de base de la sécurité sociale, celle-ci est calculée à partir de la moitié du salaire retenu dans la limite du plafond de la sécurité sociale et versé au cours des dix-sept meilleures années de salaire pour les personnes prenant leur retraite en 2000 22( * ) .

Enfin, les versements effectués par l'UNEDIC au titre de l'assurance chômage dans l'hypothèse où le salarié est effectivement sans emploi à l'issue de son mandat, tiennent compte du niveau du salaire de référence.

Même s'il convient de ne pas exagérer l'effet de réduction des prestations dû aux crédits d'heures ou aux autorisations d'absence, il est dommage que l'objectif poursuivi par le législateur, à savoir assurer la plus grande neutralité possible des heures consacrées au mandat par le salarié par rapport à ses heures de travail dans l'entreprise, ne soit pas atteint.

C'est pourquoi, la mission a souhaité que cette question soit réglée pour l'avenir en posant le principe que les la durée des autorisations d'absence et du crédit d'heures soient validées par la sécurité sociale comme des heures de travail effectives du point de vue du calcul des cotisations sociales .

En fait, la mission souhaite initier une démarche en deux étapes :

- tout d'abord, il convient de mieux connaître la réalité des sommes correspondant aux cotisations qui devraient être acquittées au titre des heures d'absence. C'est pourquoi il importe que les entreprises puissent informer les caisses de sécurité sociale du nombre d'heures en question et du salaire horaire correspondant. Cette demande d'information ne signifie aucunement que les cotisations seront mises à la charge des entreprises ;

- lorsque les montants seront connus il importera d'ouvrir une " table ronde " entre les partenaires sociaux et l'Etat afin d'examiner comment pourrait être compensé à la sécurité sociale le coût de la prise en charge des cotisations. En droit, ces cotisations pourraient être acquittées par les collectivités locales pour la partie employeur et par l'élu local pour la partie des cotisations incombant au salarié. Il reste que pour des raisons de simplification administrative, il ne semblerait pas illogique à votre mission d'information de faire appel à la solidarité nationale, à travers le budget de l'Etat, dès lors qu'il apparaîtrait que les montants en cause demeurent raisonnables.

Il importe, enfin, de rappeler que les questions liées à l'impact des réductions de salaire sur le niveau des retraites complémentaires sont prises en charge par la généralisation de la cotisation à l'IRCANTEC sur l'ensemble des indemnités d'élus et par l'ouverture du droit à la constitution de retraite par rente.

La neutralisation, au regard des règles de calcul des prestations sociales, des périodes d'absence consacrées au mandat, constituera un facteur d'égalisation des règles d'accès au mandat pour les salariés par rapport aux agents de la Fonction publique : il s'agit d'une mesure de justice à l'égard des élus issus du secteur privé qui enregistrent en tout état de cause une baisse nette de leur rémunération dès qu'ils consacrent une partie de leur temps de travail à l'exercice de leur mandat.

b) Faciliter le recours au travail temporaire ou au contrat à durée déterminée pendant les périodes où l'élu local doit être remplacé

La présence d'un salarié exerçant des responsabilités au niveau d'une collectivité locale est longtemps apparue comme un élément positif pour l'entreprise. Le principe même que des élus locaux soient insérés dans la vie professionnelle active permet de mieux prendre en compte les réalités de la vie économique et sociale lors de la préparation des décisions publiques.

Toutefois, depuis quelques années, il semble que dans nombre d'entreprises, les contraintes inhérentes à l'activité d'élu -et notamment ses absences- soient perçues par certains employeurs comme un élément d'affaiblissement de la productivité sinon comme un facteur de complication dans la gestion du personnel.

Bien entendu, ces appréciations méritent d'être nuancées selon la taille des entreprises concernées. En particulier, il est souvent plus aisé de procéder à des aménagements dans une entreprise de grande taille que dans une PME. L'AMF constate pourtant l'apparition d'attitudes peu satisfaisantes. Elle estime que trop d'employeurs " ne respectent pas les droits pourtant reconnus aux élus " et constate qu'il arrive " assez fréquemment que l'employeur incite l'élu à accepter contractuellement une réduction de la durée de son temps de travail ". 23( * )

Même si, en droit, le salarié élu local est protégé de toute modification unilatérale de la durée hebdomadaire de travail inscrite dans son contrat, il est souvent vulnérable aux pressions de toute sorte qui peuvent être exercées sur lui pour l'inciter à accepter une redéfinition de son poste.

Il appartient à chacun de concilier au mieux les impératifs de son mandat avec les contraintes de sa vie professionnelle. La mission commune d'information considère que l'instauration de sanctions pénales supplémentaires serait peut-être disproportionnée face à des comportements dont il est difficile de mesurer l'ampleur : la voie judiciaire n'est pas toujours la solution la plus appropriée à la solution des conflits.

En revanche, il apparaît que les absences de l'élu sont souvent mal comprises parce que les règles actuelles du droit de travail s'avèrent trop rigides pour permettre à l'employeur d'apporter une réponse adéquate en cas de besoin de remplacement.

En particulier, les règles applicables en matière de travail temporaire, qui découlent de l'accord collectif du 24 mars 1990 et de la loi du 12 juillet 1990 commentés par les circulaires de la Direction du travail, n'envisagent pas clairement le recours au travail temporaire dans le cas de multiples remplacements de courte durée au cours d'une période aussi longue que celle d'un mandat parlementaire. Ainsi, pour un remplacement dont le terme est connu, la durée maximale de la mission est fixée à dix-huit mois. L'exercice d'un mandat local n'est pas considéré comme un motif de remplacement par les textes.

De même, le contrat à durée déterminée permet-il de compléter l'horaire d'un salarié à temps plein passant momentanément à temps partiel, mais la durée maximale du contrat est fixée en principe à dix-huit mois.

Votre mission souhaite donc qu'une réflexion soit engagée entre les partenaires sociaux afin d'aménager les règles du recours au travail temporaire et des contrats de travail à durée déterminée en vue de faciliter le remplacement d'un salarié élu local au cours de multiples périodes, et ceci sur toute la durée de son mandat, afin de simplifier la gestion des employeurs. L'assouplissement pourrait être reconduit sur plusieurs mandats.

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