CHAPITRE VIII -
LES OBSERVATIONS DE LA
DÉLÉGATION
A
l'issue de sa mission d'information, la délégation de la
commission des affaires économiques formulera quelques observations
à partir des nombreux entretiens auxquels il lui a été
donné de participer avec des responsables politiques et
économiques brésiliens et argentins, des représentants de
sociétés françaises implantées en Amérique
latine ainsi qu'avec des membres de la communauté française
expatriée.
Elle présentera, tout d'abord, un certain nombre de remarques d'ordre
général sur les deux pays.
La délégation a ainsi relevé que la notion
d'aménagement du territoire n'avait pas, au Brésil et en
Argentine, la même signification qu'en Europe. L'existence des
mégapoles brésiliennes (São Paulo et Rio de Janeiro
totalisent plus du quart des 160 millions de citoyens brésiliens) et la
concentration d'une partie importante de la population argentine autour de
Buenos-Aires en sont une traduction manifeste. Les actuels mouvements de
population (une migration non négligeable en provenance du Nordeste
brésilien se poursuit dans la région de São Paulo)
renforcent cette concentration des populations.
Des inégalités sociales importantes et, d'après les
statistiques, en voie d'accentuation caractérisent les deux pays. Entre
1970 et 1990, l'écart de revenu moyen entre riches et pauvres est ainsi
passé, au Brésil, de 1 à 33, à 1 à 60 !
Ces inégalités ont un effet manifestement contre-productif sur
les économies.
Certaines pratiques héritées du passé (passe-droits
etc...) continuent à constituer un problème aussi bien en
Argentine qu'au Brésil. Les interlocuteurs de la
délégation ont, tous, classé dans les priorités la
nécessaire " réforme de l'Etat ". Ces
dysfonctionnements sont générateurs de surcoûts qui
pourraient (s'ajoutant à d'autres facteurs comme une
" bureaucratie " pesante ou des mécanismes financiers souvent
rigides) démotiver investisseurs et cadres étrangers.
Les inégalités et le sous-emploi suscitent un problème de
délinquance particulièrement aigu au Brésil, qui n'est pas
sans inquiéter la population (notamment la plus favorisée) et
génèrent le développement de nombreux équipements
et services de sécurité.
En revanche, la délégation a pris la mesure des
potentialités considérables existant dans les deux pays et
notamment au Brésil, pays-continent de plus de 165 millions d'habitants
dont les ressources immenses dans le domaine des minéraux et des
produits énergétiques restent largement inexploitées.
Cette richesse virtuelle crée une " dynamique psychologique "
où l'espoir d'une vie meilleure dans un ensemble économique
peuplé, puissant et prospère mobilise et motive une partie
importante de la population.
Le Brésil et l'Argentine sont entrés dans une phase d'adaptation
rapide et de progrès. Il est impensable d'ignorer l'évolution
d'un continent dont l'importance va nécessairement s'accroître au
XXI
e
siècle. Les deux nations sont les principaux acteurs
d'une union économique -le MERCOSUR (associant Brésil, Argentine,
Uruguay et Paraguay et auquel devraient pouvoir se joindre Chili et Bolivie)-
qui occupe le quatrième rang mondial, en termes de produit
intérieur brut derrière les Etats-Unis, l'Union européenne
et le Japon. Même si les conséquences de la crise monétaire
brésilienne ralentissent actuellement le processus d'intégration
régionale, le marché commun constitue d'ores et
déjà une donnée irréversible.
Pour chacune des deux nations, la dernière période s'est
caractérisée par un assainissement financier globalement
réussi. Tous les interlocuteurs de la délégation se sont
accordés sur la légitimité des mesures de discipline
budgétaire et monétaire, de limitation de l'inflation, de
privatisation, de déréglementation, d'appel aux
sociétés étrangères, etc....
En corollaire, l'amélioration des systèmes bancaires a
constitué une donnée importante des années
récentes. La délégation, qui s'est longuement entretenue
avec le responsable de la filiale du Crédit Commercial de France au
Brésil, a enregistré avec satisfaction le succès des
banques françaises en Amérique latine.
La délégation a ressenti dans les deux pays une envie de
réussite qui ouvre, en dépit des obstacles, de larges
perspectives. Le personnel salarié brésilien de l'usine Renault
de Curitiba ou de la filiale brésilienne du Crédit commercial de
France est apparu comme exemplaire à cet égard.
Tant le Brésil que l'Argentine sollicitent les capitaux, les
compétences et le savoir-faire des sociétés
européennes et spécialement françaises.