CHAPITRE IV -
FAVORISER LA CONCERTATION
I. DES PROCÉDURES QUI FONT UNE PLACE INSUFFISANTE À LA CONCERTATION
Les
procédures de concertation méritent d'être
renforcées lors de l'élaboration des documents de planification
urbanistique. La participation des associations et des citoyens au débat
qui précède la décision est, en effet, de nature à
enrichir le contenu des projets. En outre, la contribution des
intéressés au processus d'élaboration de ceux-ci est,
à n'en pas douter, de nature à limiter par la suite le nombre des
recours contentieux en permettant de déterminer les grands enjeux du
débat et de préciser les termes d'accords négociés.
Le corpus normatif français fait référence à deux
types de concertation qui intéressent directement ou indirectement le
droit de l'urbanisme. La première, prévue par la loi
n° 95-101 du 2 février 1995 relative à la
protection de l'environnement, s'applique aux grandes opérations
d'intérêt national. La seconde, visée par les articles
L.122-1-1, L.123-3 et L.300-2 du code de l'urbanisme, est relative
à l'élaboration des documents d'urbanisme et à la conduite
des opérations d'aménagement.
La concertation relative aux opérations d'intérêt
national
L'article 2 de la loi n° 95-101 du
2 février 1995 précitée dispose qu'un
débat public
peut être organisé pour les
grandes
opérations publiques d'aménagement d'intérêt
national
de l'Etat, des collectivités territoriales, des
établissements publics et des sociétés d'économie
mixte présentant un fort enjeu socio-économique ou ayant un
impact significatif sur l'environnement. Ce débat est mis en oeuvre par
la
Commission nationale du débat public
dans les conditions
précisées par le décret n° 96-388 du
10 mai 1996 relatif à la consultation du public et des
associations en amont des décisions d'aménagement. Pour chaque
projet, la Commission nationale précitée constitue une commission
particulière de trois à sept membres. Le débat public, qui
se déroule sur la base d'un dossier décrivant les objectifs et
les caractéristiques du projet, ne peut durer plus de
quatre
mois
. La Commission particulière peut, en outre, demander la
réalisation d'expertises complémentaires.
La commission nationale est susceptible d'être saisie d'une demande de
débat par un conseil régional, vingt députés ou
vingt sénateurs ou encore par une association agréée de
protection de l'environnement visée à l'article L.252-1 du
code rural exerçant son activité sur l'ensemble du territoire
national. En dernier ressort, c'est la Commission nationale du débat
public qui, après avoir recueilli l'avis des ministres
intéressés sur le caractère national du projet
décide s'il y a lieu d'y donner suite. La Commission nationale du
débat public a reçu depuis son installation, en
septembre 1997,
17 demandes de débat.
Ces saisines
concernent essentiellement la réalisation de
grandes infrastructures
de transport
(projet de port en eau profonde du Havre ou projet d'autoroute
A32-Metz-Nancy)
ou de production et d'acheminement d'énergie
(projet de construction du barrage de Charlas en Haute-Garonne ou de ligne
à très haute tension entre la Moselle et le Bas-Rhin).
La concertation n'est applicable qu'à des infrastructures dont l'impact
sur l'environnement est important, mais dont la procédure
d'élaboration ne résulte pas du code de l'urbanisme. Celui-ci ne
prévoit, en effet, qu'une concertation dont les contours sont beaucoup
plus flous.
La concertation préalable à l'élaboration du POS et
des schémas directeurs
Les dispositions du code de l'urbanisme instituent une forme de concertation
quasiment minimale en matière d'élaboration de POS et de
schéma directeur.
Le
schéma directeur
est élaboré par un
établissement public de coopération intercommunale (EPCI) qui
associe, à cette occasion à ses travaux
36(
*
)
:
- la région ;
- le département ;
- les autres EPCI concernés ;
- les chambres consulaires ;
- ainsi qu'à la demande du président de l'EPCI, tout
organisme ou association ayant compétence en matière de
construction, d'aménagement, d'urbanisme ou d'environnement.
En ce qui concerne le
plan d'occupation des sols
, l'article L.123-3
du code de l'urbanisme prévoit que le projet de POS est
élaboré en association avec l'Etat et, selon les formes que la
commune détermine, avec la région, le département et les
organismes consulaires. Comme pour l'élaboration des schémas
directeurs, le maire peut recueillir l'avis de tout organisme ou association
ayant compétence en matière de construction, d'aménagement
ou d'urbanisme. En zone de montagne, il doit, en outre, consulter la commission
communale d'aménagement foncier. L'ensemble des personnes
précitées associées à la préparation de
l'avant-projet de plan d'occupation des sols, sont ultérieurement
consultées sur le projet arrêté par le conseil
municipal
37(
*
)
. Leurs avis sont
annexés au projet de POS rendu public par le maire. Ce n'est qu'à
ce moment que le POS rendu public est soumis à
l'enquête
publique
puis, le cas échéant après avoir
été modifié, approuvé par
délibération du Conseil municipal. L'article L.121-8 du code
de l'urbanisme prévoit, quant à lui, que les associations locales
d'usagers agréées, et les associations agréées de
protection de l'environnement sont "
consultées, à leur
demande, pour l'élaboration des schémas directeurs et des POS
dans les conditions fixées par l'article 4 de la loi
n° 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures
d'amélioration des relations entre l'administration et le
public
".
Votre groupe de travail considère que la concertation relative
à la préparation des documents de planification urbanistique
devrait être renforcée.
La même observation vaut
d'ailleurs pour la concertation préalable aux opérations
d'aménagement.
La concertation préalable aux opérations
d'aménagement
Aux termes de l'article L.300-2 du code de l'urbanisme
38(
*
)
"
le conseil municipal
délibère sur les objectifs poursuivis et les modalités
d'une concertation associant, pendant toute la durée de
l'élaboration du projet d'aménagement, les habitants, les
associations locales et les autres personnes concernées, dont les
représentants de la profession agricole avant
" :
- une modification ou une révision du POS ouvrant l'urbanisation
d'une zone d'urbanisation future, la création d'une zone
d'aménagement concertée ;
- toute opération d'aménagement réalisée par
la commune si celle-ci modifie de façon substantielle le cadre de vie ou
l'activité économique de la commune.
Cependant, le cinquième alinéa du même article
précise que : "
les autorisations d'occuper ou d'utiliser
le sol ne sont pas illégales du seul fait des vices susceptibles
d'entacher cette délibération ou les modalités de son
exécution
". Dès lors, la portée même de la
concertation est affaiblie puisque son non-respect ne saurait en lui-même
entraîner l'illégalité de la délibération. On
notera, au surplus, que l'interprétation que le juge administratif fait
des dispositions de l'article L.300-2 du code de l'urbanisme est, pour le
moins, minimaliste. C'est ainsi qu'il considère qu'une commune
s'étant bornée à mettre le projet à la disposition
du public sans rien prévoir pour que ce dernier puisse faire
connaître ses remarques et ses positions, respecte la loi
39(
*
)
. De même, la Haute
Assemblée à récemment jugé que la mise à
disposition du public en mairie pendant quinze jours et la publication dans
deux journaux locaux d'un projet de modification d'un POS satisfaisaient les
dispositions de l'article L.300-2 précité
40(
*
)
.
Ne conviendrait-il pas de renforcer la procédure de concertation ?
Il est, en effet, frappant de constater que le juge se fonde sur le
caractère peu normatif de l'article L.300-2 du code de l'urbanisme
pour considérer que des procédures très sommaires
répondent à son esprit. On notera, d'ailleurs, que le juge
administratif exerce un contrôle beaucoup plus approfondi sur des
formalités de publicité notablement moins importantes, telles que
l'affichage du permis de construire. Rappelons ainsi, pour mémoire,
qu'un constat d'huissier ne permet de prouver que le point de départ de
l'affichage et non pas son caractère continu et que, pour prouver
celui-ci, il est nécessaire de réunir des attestations de
personnes fréquemment présentes sur les lieux et
dépourvues de tout lien avec le bénéficiaire du
permis
41(
*
)
. Il y a là un
déséquilibre entre l'importance des procédures et la fin
qu'elles poursuivent.