La Géorgie en Europe

Mme Lana GOGOBERIDZE
Ancienne présidente de la délégation du Parlement géorgien au Conseil de l'Europe, Ambassadeur,
Représentante permanente de la Géorgie au Conseil de l'Europe

Je tiens à remercier les organisateurs de ce colloque très intéressant, que je trouve très intéressant. J'ai entendu ici des paroles très émouvantes. Je veux également remercier Josette Durrieu, mon amie, qui s'est beaucoup impliquée dans l'organisation de ce colloque et se bat au Conseil de l'Europe, et pour la Géorgie, entre autres.

Je parle aujourd'hui au nom d'un petit pays, ancien par son histoire et tout jeune par son parcours démocratique. Notre président a largement contribué à la chute du Mur de Berlin et aux changements dans l'Europe. Je tiens à ce qu'on ne l'oublie pas. C'est important pour toute la région.

Au cours de notre histoire, pleine de dangers, d'invasions et de dévastations, nous avons plusieurs fois frappé à la porte de l'Europe. C'est la première fois qu'elle s'entrouvre. La découverte du Conseil de l'Europe a été pour nous une révélation. Nous souhaitons obtenir une petite place dans la grande et belle maison de l'Europe. Nous voudrions contribuer aux changements architecturaux de l'Europe pour que ses institutions soient plus efficaces et pour que les notions d'aide et d'interdépendance aient un contenu réel. Les peuples doivent percevoir les liens qui les unissent en une seule entité européenne.

Nos valeurs historiques correspondent à celles du Conseil de l'Europe : la tolérance, l'ouverture, l'attitude démocratique de nos rois qui se promenaient dans les rues et côtoyaient les paysans dans les villages. Le décret du XIIème siècle de la reine Tamara a aboli la peine de mort. L'égalité des hommes et des femmes était déjà affirmée. C'est peut-être pour cela que nos citoyens rêvent d'appartenir à l'Europe, tout en préservant bien sûr leur identité culturelle. Cette vision de la grande Europe, sans clivage, est si belle que l'on finit par se demander si elle pourra se réaliser vraiment.

C'est un objectif brillant mais difficile à atteindre. Je connais la force, mais aussi les faiblesses de la grande Europe. Rassembler des pays dont les cultures et les histoires sont différentes permet de renforcer les principes et les idéaux et d'acquérir un nouveau dynamisme. Nous avons su vaincre les chimères de l'idéologie, oublier la logique qui séparait le monde en deux blocs antagonistes et découvrir que nos similitudes sont plus fortes que nos différences. La force de la grande Europe réside aussi dans notre conscience commune. Demain, il sera impossible au nazisme, au racisme, à la xénophobie, à toute idéologie fondée sur la violence, la haine et le droit du plus fort de se répandre.

Les petits pays savent très bien ce qu'implique le droit du plus fort. Là où il s'exerce, la conscience se tait. J'ai malheureusement l'impression que c'est encore le cas dans cette grande et belle Europe. Il faut assurer l'égalité et le respect mutuels, refuser toute trace d'impérialisme, accorder de l'importance et du pouvoir aux petits pays, renforcer la dignité nationale de ces Etats qui ont trop souvent été malmenés au cours des siècles. Ces blessures sont des expériences pénibles. J'espère qu'il n'y en aura plus jamais puisque nous sommes tous sur un pied d'égalité, puisque nous éprouvons du respect les uns pour les autres. Le rêve se transformera en réalité.

Me référant à l'expérience de notre président, je confirme qu'il est plus facile de détruire un grand empire que de construire un petit Etat démocratique. Nous avons peut-être été trop naïfs. Nous pensions qu'il suffisait d'être indépendants, de donner la priorité à la démocratie et au libre marché, pour que tous les problèmes soient résolus. Nous n'avons pas vu venir les dangers, dont le plus grave est la résurgence des conflits internes qui freinent le développement, dévastent l'économie et favorisent la résurgence des nationalismes. Les résultats sont tragiques pour les réfugiés. Il est difficile de parler des droits de l'homme dans un pays où les citoyens sont privés de tous leurs droits. Nous voudrions que le Conseil de l'Europe et l'Europe en général nous aident et aient un sens plus aigu de l'importance de l'espace. Nous souhaitons qu'ils considèrent le séparatisme agressif comme une menace pour mon pays, mais également pour toute la communauté européenne.

Nous sommes heureux de la candidature de l'Arménie et de l'Azerbaïdjan au Conseil de l'Europe. Sans eux, la sécurité en Europe est une chimère.

Le philosophe Géorgien Merab Mamardashvili, dont Jean-Pierre Merman a écrit qu'il était le Socrate de Géorgie, a dit : « si tu crois que le martyr du Christ a eu lieu il y a 2000 ans, ton âme est perdue ; pense plutôt qu'il souffre toujours, à côté de toi, et agis. » C'est là je pense la mission la plus sublime du Conseil de l'Europe.

Mme Josette DURRIEU :

L'un des pays où j'ai ressenti avec le plus de force et de vérité le sens du mot « tolérance » est la Géorgie. Je pense que ce pays sera le moteur d'une démarche que nous engageons vers plus de démocratie basée sur plus de tolérance.

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