Art. 10
Dossier législatif : projet de loi relatif à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages
Après l'art. 11

Article 11

M. le président. « Art. 11. - I. - L'article L. 236-2-1 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, tel que prévu par le septième alinéa de l'article L. 236-1, se réunit au moins quatre fois par an dans sa formation d'établissement et au moins une fois par an dans sa formation de site. Lorsqu'un salarié de l'établissement est victime d'un accident, dans les circonstances définies à l'alinéa précédent, la formation d'établissement de ce comité est réunie. La formation de site de ce même comité est réunie lorsque la victime est un salarié d'une entreprise extérieure intervenant dans l'établissement. »

« II. - Après le deuxième alinéa de l'article L. 236-5 du même code, il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Dans les comités, tels que prévus par le septième alinéa de l'article L. 236-1, la formation d'établissement comprend le chef d'établissement et une délégation du personnel désignée selon les conditions définies par les deux alinéas précédents. La formation de site du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail est composée des membres constituant la formation d'établissement et d'une représentation des chefs des entreprises extérieures et de leurs salariés, déterminée, par convention ou accord collectif de branche ou par convention ou accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, par voie réglementaire, en fonction du nombre de ces entreprises, de la durée de leur intervention et de leur effectif intervenant annuellement dans l'établissement. Les salariés des entreprises extérieures sont désignés, parmi les salariés intervenant régulièrement sur le site, par le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail constitué dans leur établissement ou, à défaut, par leurs délégués du personnel ou, en leur absence, par les membres de l'équipe appelés à intervenir dans l'établissement. Le chef d'établissement et les chefs des entreprises extérieures prennent respectivement toutes dispositions relevant de leurs prérogatives pour permettre aux salariés désignés d'exercer leur fonction. Les dispositions de l'article L. 236-11 sont applicables aux salariés d'entreprises extérieures qui siègent ou ont siégé en qualité de représentants du personnel dans la formation de site d'un comité, d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail. La formation d'établissement du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail peut inviter, à titre consultatif et occasionnel, tout chef d'une entreprise extérieure. »

« III. - Après le premier alinéa de l'article L. 236-7 du même code, il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Chacun des représentants du personnel siégeant dans la formation de site du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, tel que prévu par le septième alinéa de l'article L. 236-1, dispose du temps nécessaire à l'exercice de ses fonctions, déterminé par convention ou accord collectif de branche ou par convention ou accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, par décret en Conseil d'État, qui s'ajoute, le cas échéant, à celui prévu à l'alinéa précédent. »

« IV. - Avant le dernier alinéa de l'article L. 236-10, il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« En outre, dans les établissements comprenant au moins une installation figurant sur la liste prévue au IV de l'article L. 515-8 du code de l'environnement ou visée à l'article 15 de la loi n° du relative à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages, les représentants du personnel de la formation d'établissement du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ainsi que les représentants des salariés des entreprises extérieures, qui siègent dans la formation de site de ce comité et travaillent habituellement dans l'établissement, bénéficient d'une formation spécifique correspondant à des risques ou facteurs de risques particuliers, en rapport avec l'activité de l'entreprise. Les conditions dans lesquelles cette formation est dispensée et renouvelée peuvent être définies par convention ou accord collectif de branche ou par convention ou accord collectif d'entreprise ou d'établissement. »

Je suis saisi de huit amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 59, présenté par M. Lardeux, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

« I. - Supprimer les I, II et III de cet article.

« II. - En conséquence, au début du IV de cet article, supprimer la mention : "IV. -". »

L'amendement n° 159, présenté par M. Coquelle, Mmes Didier et Beaufils, M. Le Cam, Mme Terrade et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

« A la fin de la première phrase du texte proposé par le I de cet article pour compléter l'article L. 236-2-1 du code du travail, remplacer les mots : "au moins quatre fois par an dans sa formation d'établissement et au moins une fois par an dans sa formation de site" par les mots : "dans sa formation d'établissement comme dans sa formation de site, à une fréquence qu'il détermine lui-même et qui ne peut en aucun cas être inférieure à quatre fois par an dans sa formation d'établissement et quatre fois par an dans sa formation de site". »

L'amendement n° 78, présenté par MM. Vantomme, Raoul, Dauge, Reiner, Courteau, Lagauche et Massion, Mme Blandin et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :

« Dans la première phrase du texte proposé par le I de cet article pour compléter l'article L. 236-2-1 du code du travail, remplacer les mots : "une fois" par les mots : "deux fois". »

L'amendement n° 79, présenté par MM. Vantomme, Raoul, Dauge, Reiner, Courteau, Lagauche et Massion, Mme Blandin et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :

« Dans le texte proposé par le I de cet article pour compléter l'article L. 236-2-1 du code du travail, remplacer les deux dernières phrases par une phrase ainsi rédigée : "Lorsqu'un salarié de l'établissement, un salarié ou un chef d'une entreprise extérieure, ou un travailleur indépendant intervenant dans l'établissement est victime d'un accident, la formation de site de ce comité est réunie". »

L'amendement n° 80, présenté par MM. Vantomme, Raoul, Dauge, Reiner, Courteau, Lagauche et Massion, Mme Blandin et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :

« Compléter in fine le texte proposé par le II de cet article pour insérer un alinéa après le deuxième alinéa de l'article L. 236-5 du code du travail par une phrase ainsi rédigée : "Celui-ci informe le comité des suites qu'il réserve à son invitation et à ses observations". »

L'amendement n° 162 rectifié, présenté par MM. Muzeau et Fischer, Mme Demessine, M. Coquelle, Mmes Didier et Beaufils, M. Le Cam, Mme Terrade et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

« Rédiger comme suit le texte proposé par le III de cet article pour ajouter un alinéa après le premier alinéa de l'article L. 236-7 du code du travail :

« Chacun des représentants du personnel siégeant dans la formation de site du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, tel que prévu par le septième alinéa de l'article L. 236-1 du code du travail, dispose du temps nécessaire à l'exercice de ses fonctions, déterminé par décret en Conseil d'Etat, qui s'ajoute au temps prévu par le premier alinéa du présent article. Sans préjudice des dispositions de l'article L. 132-4 du code du travail, une convention ou un accord collectif de branche ou une convention ou un accord collectif d'entreprise ou d'établissement peut préciser le contenu et, le cas échéant, les conditions de renouvellement de la formation prévue au présent alinéa. »

L'amendement n° 164 rectifié, présenté par M. Coquelle, Mmes Didier et Beaufils, M. Le Cam, Mme Terrade et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

« Dans le texte proposé par le III de cet article pour ajouter un alinéa après le premier alinéa de l'article L. 236-7 du code du travail, après les mots : "par décret en Conseil d'Etat", insérer les mots : "dans un délai de six mois après la promulgation de la loi n° du relative à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages". »

La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour présenter l'amendement n° 59.

M. André Lardeux, rapporteur pour avis. Cet amendement, suite logique des précédents, est un amendement de coordination. Dans la mesure où l'amendement n° 52 rectifié a été adopté par le Sénat, il devient nécessaire de supprimer un certain nombre de dispositions figurant dans l'article 11, qui se trouvera, de ce fait, beaucoup plus court. Mais je ne doute pas du sens de l'avis que Mme la ministre va émettre.

M. le président. La parole est à M. Yves Coquelle, pour présenter l'amendement n° 159.

M. Yves Coquelle. La première phase du I de l'article 11 prévoit que le CHSCT se réunit au moins quatre fois par an dans sa formation d'établissement et au moins une fois par an dans sa formation de site. On ne voit pas ce qui justifie une telle différence dans la fréquence de réunion du CHSCT. A moins que cela ne signifie que le Gouvernement entend d'ores et déjà faire du CHSCT de site une formation, pour tout dire, presque inutile, faute de moyens ? Pourquoi introduire une telle inégalité entre ces deux formations ?

Une réunion annuelle ne permettra pas au CHSCT de site, c'est évident, de tenir son rôle et de faire jouer à bon escient et avec efficacité ses moyens et sa capacité d'expertise. Il deviendra alors une instance purement décorative, dont la réunion annuelle sera la seule preuve de l'existence et de la création, qui est pourtant très attendue dans de nombreuses entreprises.

Il faut également souligner que cette mesure est d'autant plus contre-productive que les entreprises extérieures ne sont pas forcément des sous-traitants du même établissement, de la même entreprise pendant des années. Au contraire, il n'est pas rare que des entreprises travaillent en sous-traitance pour des durées relativement courtes, parfois de quelques mois seulement. Comment inclure ces entreprises extérieures dans la vie de l'établissement et les impliquer dans la lutte pour la sécurité et la prévention du risque, si elles ne peuvent pas participer réellement au CHSCT de site ?

Pour que les CHSCT de site aient une réelle utilité, ils doivent avoir la capacité d'exercer réellement leurs missions et de faire part régulièrement de leurs observations et de leurs propositions.

Dans cette perspective, cet amendement prévoit d'imposer un minimum de quatre réunions par an du CHSCT d'établissement comme du CHSCT de site, afin que les deux formations puissent utiliser au mieux les compétences et les ressources de leurs représentants.

Seule une telle mesure permettra à l'ensemble des salariés de véritablement profiter de l'expérience, de l'expertise et du point de vue des deux formations du CHSCT sur les conditions de travail et la sécurité, que ce soit dans l'établissement ou sur le site.

Nous vous invitons donc à adopter un amendement qui vise à corriger une inégalité entre les deux formations de CHSCT.

M. le président. La parole est à M. André Vantomme, pour défendre les amendements n°s 78, 79 et 80.

M. André Vantomme. Non seulement nous sommes contre la suppression de la double formation du CHSCT dans les sites à risques, mais nous proposons, par l'amendement n° 78, que le nombre minimal de réunions initialement prévu soit doublé, afin que le comité de site se réunisse au moins deux fois par an. Il s'agit pour nous de restreindre autant que possible l'aspect formel des réunions afin d'éviter qu'elles ne s'apparentent à une sorte de grand-messe annuelle et, au contraire, de les multiplier pour qu'elles soient efficaces.

Par notre amendement n° 79, nous proposons que, quel que soit le statut de la victime d'un accident - salarié de l'établissement, chef ou salarié d'une entreprise extérieure intervenant sur le site ou travailleur indépendant - la formation du CHSCT de site soit réunie.

Il nous paraît évident que tous les personnels travaillant sur un site à risques sont placés dans des situations de danger assez similaires et ont intérêt à bénéficier de la même prévention.

L'intervention du CHSCT de site est donc opportune, en ce qu'elle est un facteur de transparence primordial pour la sécurité de tous.

L'amendement n° 80, de coordination, a déjà été défendu.

M. le président. La parole est à M. Yves Coquelle, pour défendre les amendements n°s 162 rectifié et 164 rectifié.

M. Yves Coquelle. Par l'amendement n° 162 rectifié, nous proposons que le crédit d'heures attribué aux représentants du personnel qui siègent au sein de la formation de site du CHSCT et figurant dans les accords ou conventions collectives de branche ou d'entreprise, ne dérogent pas aux dispositions prévues par le code du travail.

En l'occurrence, le processus de négociation par convention ou accord collectif de branche ou d'entreprise doit contribuer à améliorer la situation des salariés par des dispositions plus favorables que celles du droit actuel.

J'en viens à l'amendement n° 164 rectifié. Le texte de l'alinéa qu'il est proposé d'ajouter dans l'article L. 236-7 du code du travail n'apporte aucune précision sur le délai au terme duquel, en l'absence d'accord collectif de branche ou de convention ou d'accord collectif d'entreprise ou d'établissement, le décret en Conseil d'Etat interviendra.

Nous avons pu observer, en plusieurs occasions, des situations semblables qui n'aboutissaient que plusieurs années après la promulgation de la loi, quand elles aboutissaient ! Il est bien évident que cela rendrait inopérante la nouvelle formation de site.

C'est la raison pour laquelle nous proposons de fixer un délai de six mois après la promulgation de la loi, délai au terme duquel la procédure du décret sera mise en oeuvre.

M. le président. Quel est l'avis de la commission des affaires sociales ?

M. André Lardeux, rapporteur pour avis. La commission est défavorable à l'ensemble de ces amendements, car ils ne sont pas compatibles avec l'amendement n° 59, qui est lui-même un amendement de coordination.

Quant à l'amendement n° 164 rectifié en particulier, j'ai de très sérieux doutes sur son caractère opérationnel. En effet, le délai de six mois serait inapplicable, puisque le décret doit tenir compte des accords collectifs qui seront passés sur ce point.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Tout d'abord sur l'amendement n° 59, par souci de cohérence avec l'amendement n° 52 rectifié, je suis, bien sûr, défavorable et je m'en suis déjà expliquée.

S'agissant des amendements qui ont été présentés par M. Coquelle et M. Vantomme, ils n'ont pas lieu d'être puisque l'amendement n° 52 rectifié de la commission des affaires sociales, qui a d'ores et déjà été adopté, contient les précisions nécessaires et rend vaines toutes ces discussions.

Je regrette de ne pouvoir émettre un avis favorable sur l'amendement n° 79 présenté par M. Vantomme. Il s'agit de l'accident qui impliquerait une personne extérieure à l'entreprise ; la disposition proposée aurait pu utilement être ajoutée. Si, en effet, une personne extérieure à l'entreprise a un accident, il est important que le CHSCT s'en saisisse - au même titre qu'il se saisit d'un accident impliquant un salarié de l'entreprise -, car l'analyse des faits participe, à n'en pas douter, à l'amélioration de la sécurité sur place.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. André Lardeux, rapporteur pour avis. Je tiens à préciser que le dispositif proposé par la commission des affaires sociales permet de répondre à la préoccupation de M. Vantomme, mais je serais un peu moins affirmatif que Mme la ministre.

M. le président. La parole est à M. Daniel Raoul, pour explication de vote sur l'amendement n° 59.

M. Daniel Raoul. J'aurais une suggestion à faire à M. le rapporteur pour avis, qui est toujours sourcilleux sur les questions de rédaction. Cet amendement prévoit de supprimer les I, II et III de l'article 11 et, en conséquence, évidemment, de supprimer la mention : « IV ». Il faudrait supprimer également les mots : « En outre », qui deviennent superfétatoires.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. André Lardeux, rapporteur pour avis. La remarque de M. Daniel Raoul n'est pas tout à fait fondée, car les mots : « En outre » font référence non pas aux paragraphes précédents, mais à un autre article du code qu'il est proposé de compléter par un alinéa.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 59.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, les amendements n°s 159, 78, 79, 80, 162 rectifié et 164 rectifié n'ont plus d'objet.

L'amendement n° 60, présenté par M. Lardeux, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

« I. - Dans la première phrase du texte proposé par le IV de cet article pour insérer un alinéa avant le dernier alinéa de l'article L. 236-10 du code du travail, supprimer les mots : "de la formation d'établissement".

« II. - Dans la même phrase, remplacer les mots : "qui siègent dans la formation de site de ce comité et" par les mots : "visés au dernier alinéa de l'article L. 236-1 qui". »

La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. André Lardeux, rapporteur pour avis. Il s'agit d'un amendement de coordination.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Pour les raisons développées précédemment, j'y suis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 60.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 11, modifié.

(L'article 11 est adopté.)

Articles additionnels après l'article 11

Art. 11
Dossier législatif : projet de loi relatif à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages
Art. 12

M. le président. L'amendement n° 165, présenté par MM. Muzeau et Fischer, Mme Demessine, M. Coquelle, Mmes Didier et Beaufils, M. Le Cam, Mme Terrade et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

« Après l'article 11, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« Après les mots : "maladie professionnelle", la fin du dernier alinéa de l'article L. 231-8 du code du travail est ainsi rédigée : "affectés à des postes de travail présentant des risques particuliers pour leur santé ou leur sécurité". »

La parole est à M. Yves Coquelle.

M. Yves Coquelle. L'actuel article L. 231-8 du code du travail prévoit que l'existence de la faute inexcusable de l'employeur n'est présumée établie pour les salariés sous CDD et les salariés intérimaires victimes d'un accident du travail que lorsque ceux-ci n'ont pas bénéficié, alors qu'ils étaient exposés à des risques particuliers pour leur santé ou leur sécurité, de la formation à la sécurité renforcée prévue par l'article L. 231-3-1 du même code.

Le présent projet de loi, dans son chapitre III, vise précisément à renforcer le contenu, les modalités, l'application des mesures de protection des salariés des établissements dits à risques. Par conséquent, il a pour objectif d'assurer à la formation à la sécurisation des conditions de travail de tous les salariés une efficacité réelle.

Or, il ne prévoit pas de modification à l'article L. 231-8 du code du travail, ce qui signifie que le lien entre faute inexcusable, accident et absence de formation est maintenu. Autrement dit, on laisse subsister une disposition qui n'est pas conforme aux ambitions affichées au travers des nouvelles mesures proposées dans le projet de loi, dont on ne tire pas toutes les conséquences.

Maintenir comme condition nécessaire une absence de formation à la sécurité pour reconnaître la faute inexcusable de l'employeur en cas d'accident d'un salarié sous CDD ou intérimaire est en effet contraire à l'esprit du projet de loi, qui vise à donner à ces dispositions une totale efficacité, l'objectif étant de tendre vers le risque zéro pour les personnels des établissements à risques.

Le maintien de cette disposition en l'état est de plus contraire à la jurisprudence de la Cour de cassation, qui, le 28 février 2002, a rendu vingt-neuf arrêts de principe dans lesquels la notion de faute inexcusable est appréciée de façon nouvelle.

A l'occasion de l'examen de dossiers mettant en cause la responsabilité pour faute inexcusable de l'employeur à l'égard de victimes de l'amiante, la Cour de cassation a, en effet, jugé que pesait sur l'employeur une obligation de sécurité à l'égard de ses salariés et qu'il s'agissait d'une obligation non de moyen mais de résultat.

Cela signifie que le manquement à cette obligation de sécurité, quelle qu'en soit la cause, constitue une faute de la part de l'employeur, faute qui est qualifiée d'inexcusable.

Dès lors, au vu de cette jurisprudence, et, qui plus est, au vu de la situation de précarité, y compris s'agissant de la protection et de la sécurité, des salariés sous CDD ou intérimaires, il apparaît nécessaire de modifier l'article L. 231-8 du code du travail en ne liant plus la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur au fait, pour lesdits salariés, d'avoir été privés de toute formation renforcée à la sécurité.

C'est d'autant plus important que, de plus en plus fréquemment, en dépit des dispositions du code du travail qui interdisent expressément le recours au CDD et à l'intérim pour les travaux particulièrement dangereux figurant sur la liste établie par l'arrêté du 8 octobre 1990, les exceptions à cette interdiction se développent du fait qu'existe une possibilité de dérogation, accordée par le directeur départemental du travail et de l'emploi.

Ainsi, l'arrêté du 8 octobre 1990 interdit l'emploi de salariés sous CDD ou intérimaires pour des travaux exposant à l'inhalation de métaux lourds. Or, dans la liste des métaux lourds figure notamment le chrome, composant du ciment particulièrement nocif et classé comme cancérogène classe 1, ce qui signifie que des cas de cancers dus à un contact avec ce produit ont déjà été répertoriés chez l'homme.

Il faudrait déduire de cet arrêté d'octobre 1990 que les métiers impliquant un contact avec le ciment - métiers du BTP, maçons, carreleurs, plâtriers, etc. - sont formellement interdits aux salariés sous CDD ou intérimaires. Pourtant, ces derniers sont nombreux à travailler, sans aucune formation à la sécurité renforcée et sans équipement de sécurité, sur les chantiers, en contact avec le ciment.

Dès lors, puisqu'il paraît difficile d'interdire dans ces secteurs le recours aux CDD et aux intérimaires, il convient au moins de ne prévoir pour l'employeur que deux voies possibles : soit il assure une parfaite protection à ses salariés et ne les expose pas sans formation ni protection à des postes dangereux, soit il ne le fait pas, mais il doit savoir qu'en cas de maladie ou d'accident du travail la faute inexcusable sera directement présumée et établie à son encontre.

Il s'agit bien entendu, mes chers collègues, d'une mesure dissuasive et elle ne devrait pas trouver à s'appliquer si chaque employeur participait véritablement et pleinement à la formation à la sécurité et à la protection de ses salariés.

M. le président. Quel est l'avis de la commission des affaires sociales ?

M. André Lardeux, rapporteur pour avis. Je rappelle que l'article L. 231-8 du code du travail ne retient la présomption de la faute inexcusable que si les salariés en CDD ou les intérimaires n'ont pas bénéficié de la formation renforcée à la sécurité. Certes, la jurisprudence récente de la Cour de cassation, en imposant une obligation de résultat à l'employeur en matière de sécurité de travail, a considérablement élargi le champ de la faute inexcusable, mais le Gouvernement a d'ores et déjà annoncé son intention de réformer en profondeur notre système de réparation des risques professionnels.

Ce sera à cette occasion qu'il faudra réexaminer le régime de la faute inexcusable, et la commission des affaires sociales a donc émis un avis défavorable à l'adoption de l'amendement n° 165 dans le cadre du présent projet de loi.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement pour deux raisons.

D'une part, comme je l'ai indiqué, François Fillon a missionné l'inspection générale des affaires sociales pour tirer les conclusions de la récente jurisprudence de la Cour de cassation.

D'autre part, l'amendement a un champ si étendu qu'il en devient un « cavalier » législatif.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 165.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 166, présenté par MM. Muzeau et Fischer, Mme Demessine, M. Coquelle, Mmes Didier et Beaufils, M. Le Cam, Mme Terrade et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

« Après l'article 11, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« Après le troisième alinéa de l'article L. 236-4 du même code, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Ce rapport intègre un état de la sous-traitance et de son évolution, une synthèse des travaux et les avis de la formation de site prévue à l'article 9 de la loi n° ... du... relative à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages. »

La parole est à M. Yves Coquelle.

M. Yves Coquelle. Les dispositions de l'article L. 236-4 du code du travail prévoient que le chef d'établissement présente au CHSCT, au moins une fois par an, un rapport écrit faisant, entre autres choses, le bilan de la situation générale de l'hygiène, de la sécurité et des conditions de travail dans son établissement.

Nous souhaitons que ce rapport soit complété par une évaluation de la sous-traitance et par une synthèse de réflexion sur les avis de la formation de site prévue par le projet de loi. La sous-traitance, notamment la sous-traitance en cascade, est en effet souvent source d'insécurité : elle accroît la probabilité d'occurrence et les risques d'accident. Nous avons eu l'occasion, au cours du débat, d'en faire la démonstration.

Il nous semble donc essentiel que l'entreprise donneuse d'ordres notifie par écrit la situation et l'évolution des marchés qu'elle sous-traite.

M. le président. Quel est l'avis de la commission des affaires sociales ?

M. André Lardeux, rapporteur pour avis. La commission est défavorable à cet amendement.

Tout d'abord, il n'est pas sûr qu'une telle disposition relève de la loi. Actuellement, c'est un arrêté ministériel de 1985 qui détermine les informations qui doivent figurer dans le rapport annuel.

Ensuite, l'amendement n° 166 est incompatible avec les amendements que le Sénat a adoptés.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement superflu.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 166.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 61, présenté par M. Lardeux, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

« Après l'article 11, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« L'article L. 236-7 du code du travail est ainsi modifié :

« 1° Le sixième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : "Dans les établissements comprenant au moins une installation classée figurant sur la liste prévue au IV de l'article L. 515-8 du code de l'environnement ou visée par l'article 15 de la loi n° du relative à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages, l'inspecteur des installations classées doit être également prévenu de toutes les réunions du comité et peut y assister". »

« 2° Le dernier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : "Dans les établissements mentionnés au précédent alinéa, les représentants du personnel au comité doivent être également informés de la présence de l'inspecteur des installations classées, lors de ses visites, et doivent pouvoir présenter leurs observations". »

Le sous-amendement n° 200, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

« I. - Dans le texte proposé par les 1° et 2° de l'amendement n° 61 pour compléter l'article L. 236-7 du code du travail, remplacer les mots : "inspecteur des installations classées", par les mots : "autorité chargée de la police des installations".

« II. - Dans le texte proposé par le 2° de l'amendement n° 61 pour compléter le dernier alinéa de l'article L. 236-7 du code du travail, après les mots : "doivent également être informés", insérer les mots : "par le chef d'établissement".

« III. - Dans le texte proposé par le 2° de l'amendement n° 61 pour compléter le dernier alinéa de l'article L. 236-7 du code du travail, remplacer les mots : "doivent pouvoir", par les mots : "peuvent". »

La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour présenter l'amendement n° 61.

M. André Lardeux, rapporteur pour avis. L'amendement n° 61 vise à mieux associer l'inspecteur des installations classées au CHSCT dans les établissements Seveso « seuils hauts », à l'image de ce qui se pratique déjà pour l'inspecteur du travail.

L'une des lacunes du dispositif de prévention des risques industriels réside en effet dans le cloisonnement existant entre son volet industriel et son volet social. L'information passe mal faute d'association non seulement entre l'inspection du travail et l'inspection des installations classées, mais aussi entre le CHSCT et l'inspection des installations classées.

Cet amendement vise à autoriser l'inspecteur des installations classées à assister, ce qui lui est aujourd'hui impossible, aux réunions du CHSCT et prévoit que les représentants du personnel seront informés de ses visites dans l'établissement.

M. le président. La parole est à Mme la ministre, pour présenter le sous-amendement n° 200 et pour donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 61.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Ce sous-amendement vise à remplacer l'« inspecteur des installations classées » par l'« autorité chargée de la police des installations », car, si les installations de surface relèvent bien de l'inspecteur des installations classées, les stockages souterrains de gaz, de pétrole liquéfié ou de tout autre produit chimique relèvent eux de la DRIRE. La rédaction que je vous propose dissipe tout risque de confusion puisqu'elle couvre à la fois l'inspection des installations classées et la DRIRE.

Par ailleurs, le sous-amendement précise que le CHSCT est informé par le chef d'entreprise de la venue de l'inspecteur des installations classées ou de celle, bien sûr, de l'ingénieur de la DRIRE.

Sous réserve de ces précisions, le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 61.

M. le président. Quel est l'avis de la commission des affaires sociales sur le sous-amendement n° 200 ?

M. André Lardeux, rapporteur pour avis. Il est très favorable.

Les précisions qu'apporte le Gouvernement sont très utiles. D'abord, le sous-amendement répare l'omission des stockages souterrains dans l'amendement de la commission ; ensuite, il améliore la formulation de celui-ci.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 200.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 61, modifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 11.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures trente, est reprise à vingt et une heures trente-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Nous poursuivons la discussion du projet de loi relatif à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages.

Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l'article 12.