Article 5 bis

M. le président. « Art. 5 bis. - L'article L. 147-5 du code de l'urbanisme est ainsi modifié :

« 1° Le 2° est ainsi rédigé :

« Les opérations de rénovation des quartiers ou de réhabilitation de l'habitat existant ainsi que l'amélioration, l'extension mesurée ou la reconstruction des constructions existantes ainsi que les opérations de réhabilitation et de réaménagement urbain ne peuvent être admises que lorsqu'elles n'entraînent pas un accroissement de la capacité d'accueil d'habitants exposés aux nuisances. Les plans locaux d'urbanisme peuvent prévoir des opérations d'aménagement, de réhabilitation et de rénovation urbaine dans les secteurs déjà urbanisés et desservis par les équipements publics de la zone C, ainsi que des opérations d'aménagement dans les mêmes secteurs des zones C, à condition que ces opérations n'entraînent pas d'accroissement de la capacité totale d'accueil d'habitants dans la partie du territoire communal comprise dans cette zone. » ;

« 2° Le 5° est abrogé. »

La parole est à M. Bernard Angels, sur l'article.

M. Bernard Angels. L'article 5 bis concerne les habitants des quartiers classés en zone C qui ont fait le choix de ne pas quitter leur lieu de résidence, malgré les importantes nuisances sonores liées aux activités des aéroports voisins - je pense bien entendu à Roissy mais également à Orly - qu'ils subissent quotidiennement.

Cet article, introduit à l'Assemblée nationale, vise à ce que les habitants de ces quartiers ne subissent pas, de surcroît, une dégradation irréversible de leur environnement urbain à plus ou moins long terme. En effet, à ce jour, l'application très stricte de l'article L. 147-5 du code de l'urbanisme empêche les maires d'assurer le simple renouvellement urbain de ces zones dans lesquelles vivent plusieurs milliers d'habitants.

Monsieur le ministre, vous le savez, un très grand nombre d'élus du Val-d'Oise, toutes tendances confondues, partagent la préoccupation que j'exprime devant vous, parce qu'elle relève simplement du bon sens. Mme Marie-Claude Beaudeau prendra la parole dans un instant et je suis certain que ses propos iront dans le même sens que les miens. Et vous avez entendu comme moi, avant-hier, l'intervention de ma collègue Mme Nelly Olin dans la discussion générale : elle avait également la même position.

Notre souci, monsieur le ministre, est également celui d'habitants attachés à leur ville et à leur cadre de vie, parfois séculaire - c'est le cas de la ville d'Ecouen dont je suis maire - qui redoutent de voir leur quartier devenir une zone désertée qu'ils seraient contraints de quitter à leur tour tôt ou tard.

Il ne s'agit évidemment pas - et j'anticipe sur votre réponse, monsieur le ministre - de renoncer à se battre pour réduire à la source les nuisances constatées. Il ne s'agit pas non plus de laisser croire à une absence totale de contraintes dans ces secteurs.

Cet article, introduit sur l'initiative de mon collègue député et président du conseil général du Val-d'Oise M. François Scellier, précise très clairement que les opérations autorisées ne constituent pas de nouvelles opérations d'urbanisation.

L'enjeu est essentiellement de permettre à la vie de continuer dans ces secteurs qui, vous le savez, malgré les nuisances sonores, comprennent des quartiers bien souvent très agréables.

Monsieur le ministre, il ne tient qu'à nous, qu'à vous, qu'ils le restent.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Claude Beaudeau, sur l'article.

Mme Marie-Claude Beaudeau. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'article 5 bis précise que les opérations de réhabilitation et de réaménagement urbain peuvent être autorisées lorsqu'elles n'entraînent pas une augmentation de la capacité totale d'accueil d'habitants d'une zone C, soumise à un plan d'exposition aux bruits, ceci sans autre commentaire.

L'Assemblée nationale a donc adopté un texte précis.

Premièrement, en aucun cas n'est admis l'accroissement de la population dans la zone. On ne peut donc pas parler de libéralisation de l'urbanisation en zone C, comme vous l'avez fait, monsieur le rapporteur, dans votre rapport écrit. L'article 5 bis ne vise qu'à améliorer la qualité de vie pour un nombre constant d'habitants. Qui pourrait s'en plaindre aujourd'hui ?

Deuxièmement, cette réhabilitation possible est déjà organisée en partie par l'Etat - je vous le rappelle, monsieur le ministre -, qui donne des crédits pour l'insonorisation des immeubles collectifs et individuels existants situés dans des zones de plan de gêne sonore, les PGS, qui englobent toute la zone C.

Troisièmement, le texte des deux amendements identiques qui ont introduit à l'Assemblée nationale cet article 5 bis reprend l'idée de la réhabilitation d'une quinzaine de bourgs anciens de villes, comme l'a d'ailleurs exprimé, lors de la discussion générale, Mme Olin, maire de Garges-lès-Gonesse.

Je vous citerai quelques bourgs de mon propre département, comme pourrait également le faire Mme Terrade, s'agissant des zones du Val-de-Marne situées autour d'Orly. Je citerai, pour que chacun se reconnaisse dans ce que je dis, Roissy-en-France, Arnouville-lès-Gonesse, Ecouen - mon collègue Bernard Angels vient de dire tout ce qu'il pensait de la disposition introduite à l'Assemblée nationale -, Garges-lès-Gonesse, Saint-Brice-sous-Forêt, mais aussi Sarcelles, Gonesse, Villiers-le-Bel, Tremblay-en-France, et même Mitry-Mory, en Seine-et-Marne.

Ces élus ne souhaitent pas que, à l'exemple de ce qui se passe à Goussainville, leur centre-ville devienne un ghetto en voie de désertification. Ils ne souhaitent pas développer l'urbanisation en zone C. Ils veulent juste réhabiliter ce qui peut l'être sans pour autant accroître la population.

L'Assemblée nationale, à juste titre, a pris ce paramètre en considération, après avis favorable du rapporteur de la commission des affaires économiques qui, je le rappelle, appartient à la majorité gouvernementale.

Quatrièmement, l'article voté par l'Assemblée nationale a été proposé à la fois par un député de l'UMP, également président du conseil général du Val-d'Oise - M. Bernard Angels l'a cité - et par un député socialiste, pour bien affirmer qu'il s'agissait d'un texte de bon sens hors de toute préoccupation politique, et de respect pour la vie des habitants déjà lourdement pénalisés par l'existence des nuisances.

Cinquièmement, les sénateurs du département et tous les députés du Val-d'Oise, ainsi que de nombreux maires concernés, comme ceux de la Seine-Saint-Denis, partagent le même point de vue. Il nous paraît difficile de ne pas en tenir compte, à moins, monsieur le ministre, de condamner à mort des centres-villes dont le caractère historique est réel et où l'activité se révèle encore forte. Ces centres-villes représentent des communes dynamiques qui ont encore besoin de leur pôle administratif, culturel, architectural.

L'article introduit par l'Assemblée nationale prévoit non pas un développement des centres anciens, mais leur simple réhabilitation, sans augmentation de la population - je tiens à le répéter - dans la zone critique de la zone C.

Et je vous fais observer, monsieur le ministre, que nous sommes en harmonie avec ce qu'avait décidé le ministre Bernard Pons en créant la mission Roissy-Plaine de France, qui devait statuer sur le devenir des vieux pays soumis aux nuisances de l'aéroport Charles-de-Gaulle. Cette étude a duré des mois, a fait l'objet d'une approbation unanime et a engagé votre ministère, d'ailleurs en promettant des financements.

Je voudrais citer une partie du préambule de cette étude :

« La première phase de l'étude d'ensemble du devenir des vieux pays soumis aux nuisances de l'aéroport Charles-de-Gaulle a permis de mettre en évidence la spirale de dégradation des vieux pays initiée par les nuisances sonores dues à la proximité de l'aéroport de Roissy et renforcée par les contraintes réglementaires liées au plan d'exposition au bruit.

« Pourtant, les communes proches de la plate-forme aéportuaire existent depuis de nombreux siècles. La nuisance sonore due au passage des avions n'existe que depuis trente ans, et nul ne sait aujourd'hui ce qu'il en sera dans cinquante ans. Quels modes de transports, de décolage, d'atterrissage, quel volume de déplacements, quels moyens de propulsion seront utilisés, quelle nuisance sera engendrée ?

« Les décennies décibel seront peut-être passées. Les vieux pays retrouveront leur attrait, à condition que durant les prochaines années la spirale de dégradation n'ait pas achevé de les dénaturer et de les "vider".

« Ainsi, le droit au maintien dans les lieux de la population, et ceci dans sa diversité sociale, constitue un premier objectif à rechercher.

« Il s'agit de mettre en oeuvre concrètement sur le terrain des projets de requalification urbaine, sociale et économique, à l'échelle des vieux pays confrontés à des difficultés liées à la mise en place du plan d'exposition au bruit. Ces projets mobilisent des actions qui font appel à des compétences, des savoir-faire et des financements que les communes seules ne peuvent entreprendre.

« C'est pourquoi il est préconisé de réunir tous les moyens, tant techniques que financiers, au sein d'un groupement d'experts, capable de conduire un projet de type "extraordinaire" que constitue le contexte des vieux pays soumis aux nuisances sonores de l'aéroport de Roissy et aux contraintes liées à l'application du plan d'exposition au bruit. »

Monsieur le ministre, vous voyez bien que l'Etat se doit d'avoir une continuité de jugement et de poursuivre les choix faits.

Hier, M. Pons préconisait la réhabilitation des bourgs anciens, et tous les élus se sont engagés dans cette voie, y compris ceux de la majorité sénatoriale.

Aujourd'hui, vous voulez détruire les bourgs anciens en vous opposant à cet article 5 bis qui a été introduit à l'Assemblée nationale. Or cela n'est la volonté ni des élus ni des populations vivant là depuis toujours pour certains et qui ne veulent pas partir.

Evidemment, qu'en sera-t-il dans quelques décennies ?

Pour l'instant, notre tâche, me semble-t-il, consiste à ne rien compromettre et à faire vivre ce que les générations anciennes nous ont laissé en l'adaptant évidemment au modernisme et aux évolutions.

L'article 5 bis est un bon exemple de cette adaptation, et je vous encourage, mes chers collègues, à ne pas voter les amendements tendant à sa suppression. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.

M. Gérard Larcher, président de la commission des affaires économiques et du Plan. Nous abordons là un sujet sensible. Si nous comprenons les préoccupations exprimées par M. Angels et Mme Beaudeau à l'instant, ainsi que par Mme Olin avant-hier, dans la discussion générale, nous ne pouvons néanmoins que nous rappeler les préoccupations exprimées par ces mêmes élus s'agissant de l'exposition au bruit et aux risques.

Je voudrais que l'on réfléchisse à ce que nous avons fait voilà maintenant trois semaines dans cette enceinte quand, s'agissant de la prévention des risques technologiques et naturels, nous avons évoqué un certain nombre de procédures de délaissement, de dédensification Il en est de même actuellement - et cela ne va pas sans poser des problèmes - des réflexions concernant les silos de stockage de produits agricoles.

La question qui est posée est donc bien de trouver l'équilibre entre, d'une part, la vitalité de ces territoires, leur nécessaire rénovation, et, d'autre part, la recherche d'une préservation et d'une reconquête de la qualité de la vie.

Chère madame Beaudeau, vous étiez intervenue dans notre débat sur les couloirs aériens. Vous savez pertinemment qu'il nous faudra au minimum vingt à vingt-cinq ans pour constater des effets entre le moment de la décision de construction d'un aéroport et sa réalisation ; c'est d'ailleurs bien ce que montre clairement l'exemple de l'aéroport de Munich.

Il me semble donc que notre réflexion doit également prendre en compte le risque industriel. Certes, l'exposition au bruit est une réalité ; mais souvenons-nous de l'accident du Concorde. N'y a-t-il pas là un risque à caractère industriel ?

Mme Marie-Claude Beaudeau. Arrêtons déjà de faire voler le Concorde !

M. Gérard Larcher, président de la commission des affaires économiques. C'est un autre sujet, madame Beaudeau !

M. Jacques Blanc. C'est Gayssot qui l'a fait revoler !

M. Gérard Larcher, président de la commission des affaires économiques. Soyons conscients du risque que cela fait peser sur les populations.

Il me semble donc que la position adoptée par la commission sur le sujet est équilibrée. Elle entend permettre les dynamiques de renouvellement urbain, tout en prenant en compte à la fois l'exposition au bruit et l'existence du risque.

La commission des affaires économiques a entendu les arguments de nos différents collègues. Elle y a été attentive et a largement débattu de cette question. Il me paraît néanmoins souhaitable qu'on ne voie pas ensuite ces mêmes élus adopter des positions radicalement différentes sur d'autres sujets ! (Protestations sur les travées du groupe CRC.) Il nous faut être cohérents, et prendre en compte tant la préservation des populations, la qualité de la vie, la dynamique urbaine que les réalités du risque industriel.

M. le président. Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L'amendement n° 26 est présenté par M. Braye, au nom de la commission des affaires économiques.

L'amendement n° 101 est présenté par M. Jarlier, au nom de la commission des lois.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

« Supprimer cet article. »

L'amendement n° 194, présenté par MM. Domeizel, Dauge, Mano, Peyronnet, Reiner, Sueur et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

« Rédiger comme suit le dernier alinéa de cet article :

« 2° Le premier alinéa du 5° est abrogé. »

La parole est à M. Dominique Braye, rapporteur, pour présenter l'amendement n° 26.

M. Dominique Braye, rapporteur. Cet amendement vise à la suppression de l'article 5 bis . M. le président de la commission des affaires économiques vient de très bien présenter les enjeux de la problématique, en dépassionnant le débat sur un problème aussi important.

Nous sommes bien sûr attentifs aux arguments de Mme Beaudeau, de M. Angels et de Mme Olin, et nous constatons que ce problème dépasse, manifestement, les différences partisanes au sein de la Haute Assemblée.

Il n'en reste pas moins que, dans sa rédaction actuelle, le 2° de l'article L. 147-5 du code de l'urbanisme, qui restera toujours valable, permet toutes les opérations.

Permettez-moi de vous lire le début du 2° de l'article L. 147-5 du code de l'urbanisme, mes chers collègues : « Les opérations de rénovation des quartiers ou de réhabilitation de l'habitat existant, ainsi que l'amélioration, l'extension mesurée ou la reconstruction des constructions existantes ne peuvent être admises que lorsqu'elles n'entraînent pas un accroissement de la capacité d'accueil d'habitants exposés aux nuisances. »

Contrairement à ce que vous affirmez, nous ne voulons pas faire mourir ces territoires ! Nous voulons au contraire faire en sorte que, par exemple dans le beau département du Val-d'Oise où seul un quart du territoire est concerné, comme le rappelait Mme Nelly Olin avant-hier, les habitants des trois quarts restants du territoire aient une qualité de vie meilleure. Tel est notre souhait.

Enfin, permettez-moi de faire deux citations tirées du journal Le Monde paru au moment de la catastrophe du Concorde. Ceux-là mêmes qui défendent l'article 5 bis disaient alors : « Cet accident aurait pu avoir des conséquences beaucoup plus dramatiques. Le Concorde avait survolé l'hôpital et le centre-ville avant de s'écraser, et les conséquences auraient pu être beaucoup plus dramatiques. »

Mme Marie-Claude Beaudeau. Qu'est-ce que cela change ?

M. Dominique Braye, rapporteur. La même personne, qui défend aujourd'hui l'article 5 bis , mais que nous avons vue en tête des élus lors des manifestations contre le bruit et contre les dangers des aéroports dans les territoires concernés, affirmait également : « La loi sur l'urbanisation est trop laxiste en ce domaine. »

Ce que nous proposons, ce n'est pas de la rendre plus dure ni plus laxiste, madame Beaudeau, c'est simplement de la laisser en l'état. Nous ne voulons pas aggraver les choses.

Voilà pourquoi la commission des affaires économiques propose de supprimer l'article 5 bis .

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour présenter l'amendement n° 101.

M. Pierre Jarlier, rapporteur pour avis. La commission des lois a la même position que la commission des affaires économiques et du Plan.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Mano, pour présenter l'amendement n° 194.

M. Jean-Yves Mano. Cet amendement vise tout simplement à corriger une erreur matérielle. L'Assemblée nationale a, par mégarde, supprimé le second alinéa du 5° de l'article L. 147-5 du code de l'urbanisme. Il est souhaitable d'informer les locataires de façon claire de la zone de bruit dans laquelle ils seraient éventuellement conduits à louer un bien immobilier.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 194 ?

M. Dominique Braye, rapporteur. Cet amendement n'aura plus d'objet si les amendements de la commission des lois et de la commission des affaires économiques sont adoptés.

Puisque j'ai de nouveau la parole, j'en profite pour rappeler à Mme Beaudeau qu'en 1992 un Boeing 747 s'est écrasé dans la banlieue d'Amsterdam. Evidemment, un avion doit bien se poser à un moment donné. Malheureusement, il arrive qu'il atterrisse de façon brutale et inattendue. Ce sont les conséquences de ces accidents, qui sont exceptionnels mais inévitables, que nous devons essayer de limiter.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Gilles de Robien, ministre. Si les amendements n°s 26 et 10 sont adoptés, l'amendement n° 194, sur lequel nous n'avons pas de désaccord de fond, n'aura plus d'objet. Je n'insiste donc pas.

Je m'arrêterai un peu plus longtemps sur les amendements identiques.

Le Gouvernement y est bien entendu favorable puisqu'il s'était opposé, à l'Assemblée nationale, à l'insertion du texte qui fait l'objet de l'article 5 bis.

Je réaffirme avec force que le Gouvernement ne s'oppose pas aux opérations de rénovation urbaine dans les zones de bruit des aéroports. En revanche, il considère que ces opérations doivent être l'occasion de procéder à une certaine « dédensification » de ces quartiers.

La rédaction actuelle de l'article L. 147-5 du code de l'urbanisme permet ces opérations et il n'est pas question de modifier ledit article. Vous avez donc satisfaction, monsieur Mano.

Ce que je trouve dommage, c'est que, en cherchant à maintenir l'article 5 bis , vous donnez l'impression de vouloir urbaniser les zones les plus sensibles d'exposition au bruit ou d'exposition aux risques. C'est un signal très négatif par rapport à celui que vous envoyez bien plus souvent, traduisant votre volonté de diminuer les nuisances et de soutenir les riverains excédés par ces nuisances. Votre attitude semble tout à fait contradictoire ; vous pratiquez de la sorte un double langage.

Il faut faire des choix. Nous disons « oui » à la satisfaction d'un besoin de rénovation, mais « non » à une rénovation avec densification.

Profitons de l'occasion pour réduire le nombre d'habitants de ces zones à risque. C'est ce que doit rechercher un élu responsable, qui pense au moyen et au long terme.

Quant au court terme, le Gouvernement y pense, sachez-le ! Notre priorité est de contenir les nuisances au niveau de la moyenne des décibels des années 1999, 2000 et 2001, voire de les réduire. Actuellement, nous avons décidé de mesures très importantes - je pense aux décrets que j'ai pris au profit du rail ou de la route - qui conduisent Air France à réduire ses vols de nuit et La Poste à supprimer trois vols entre minuit et cinq heures du matin.

Nous voulons donc contenir les nuisances malgré l'augmentation prévisible du trafic aérien de 3 % à 4 % en volume grâce à la présence de systèmes de mesures de bruit plus fiables et moins théoriques et en supprimant les avions les plus bruyants.

J'espère que vous pourrez apprécier les aspects bénéfiques de ces dispositions.

En tout cas, ce n'est pas le moment de donner une impression de laxisme en matière d'urbanisation dans les zones exposées.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Claude Beaudeau, pour explication de vote sur les amendements identiques n°s 26 et 101.

Mme Marie-Claude Beaudeau. Je suis un peu surprise que ni vous, monsieur le ministre, ni M. le rapporteur n'ayez fait état de l'avis des élus, des riverains, des transporteurs et des institutions.

Tout à l'heure, au moment où nous discutions des amendements concernant les régions de montagne, vous faisiez état de ce que certains d'entre vous connaissaient mieux que d'autres la vie au quotidien dans ces régions. Pour ma part, je tiens à vous dire ce que pensent au quotidien, à l'unaminité, les élus sur les nuisances sonores. Avant de prendre position, le Sénat doit être un peu plus informé, monsieur le ministre.

L'amendement relatif au PEB nouveau concerne plus de soixante-dix communes contre quarante dans l'ancien PEB.

Une première réunion de la commission consultative de l'environnement s'est tenue à Roissy le 16 janvier. La critique du plan d'exposition au bruit présenté fut telle que M. le préfet, qui présidait la séance, n'a pas mis le projet aux voix.

Le lundi 20 janvier, près d'une centaine de maires de Seine-Saint-Denis, du Val-d'Oise et de Seine-et-Marne se sont réunis à Tremblay-en-France. Il y a eu une condamnation unanime du projet.

Le lundi 20 janvier, en fin de journée, plus d'une centaine de maires se sont retrouvés au conseil général du Val-d'Oise, à Cergy, sur invitation du président du conseil général du Val-d'Oise. Les quatre sénateurs du département étaient présents. Il y a eu une condamnation unanime du projet.

Le lundi matin 27 janvier, à neuf heures, le conseil général du Val-d'Oise, réuni en séance extraordinaire, a condamné à l'unanimité le projet, compte tenu des conséquences qu'il aurait sur l'urbanisation, sujet dont nous parlons ce matin.

Le même jour, à quinze heures, les maires concernés par le plan d'exposition au bruit sont convoqués par le préfet de région. Les maires interrogés ont répondu unanimement par les critiques les plus diverses et les plus dures.

A dix-sept heures, à la suite de ces réunions, la commission consultative de l'environnement devait se prononcer. Sur la cinquantaine de membres des trois collèges - collèges des élus et collèges des associations représentant les riverains, les transporteurs et les compagnies aériennes - pas une voix ne s'est élevée pour défendre le plan d'exposition au bruit et ses conséquences sur l'urbanisation.

Enfin, je rappelle que l'article dont vous demandez la suppression a été soutenu par le rapporteur de la commission saisie à l'Assemblée nationale.

J'en viens à me demander, donc, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, si vous ne serez pas les seuls à affirmer que la réhabilitation de l'habitat situé dans les zones de bruit doit être abandonnée, au risque que certains bourgs soient complètement désertifiés.

M. Gilles de Robien, ministre. J'ai dit le contraire !

Mme Marie-Claude Beaudeau. Comment pouvez-vous justifier cette position alors que, dans le même temps, vous avez inscrit, au budget de 2003, 16,85 millions d'euros afin de financer les diagostics acoustiques et les montants des autorisations de programme pour insonoriser et réhabiliter des habitations situées en zone C ?

J'ai calculé le montant des sommes engagées par l'Etat depuis 1993.

L'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, l'ADEME, a distribué 81 millions d'euros pour améliorer la qualité de l'habitat.

Le 25 juillet dernier, monsieur le ministre, vous avez même annoncé un renforcement des aides destinées à améliorer la résistance des bâtiments au bruit et à favoriser la réhabilitation de l'habitat. Là, vous aviez totalement raison.

Je le répète, une vingtaine de bourgs anciens, parmi lesquels des bourgs des villes les plus importantes de la plaine de France, sont voués au déclin et à la désertification ; or c'est ce dont ne veulent ni les élus ni la population.

Je vous ferai observer que personne n'a jamais envisagé un développement de l'urbanisation et que des communes ont, d'elles-mêmes, abandonné des projets de construction.

Au cours des réunions dont j'ai fait état tout à l'heure, c'est la qualité de vie des gens attachés à leur ville, à leur village que les élus ont défendue.

Mes chers collègues, nous ne pouvons pas aller à l'encontre de ce que souhaitent les élus de ces villes et de ces départements.

C'est la raison pour laquelle nous demanderons que ces deux amendements soient mis aux voix par scrutin public.

M. le président. La parole est à M. Dominique Braye, rapporteur.

M. Dominique Braye, rapporteur. Je tiens à dire très solennellement à Mme Beaudeau que les sénateurs, notamment les rapporteurs, ici présents, sont très attentifs aux avis des élus du Val-d'Oise.

Au demeurant, madame Beaudeau, dans votre intervention, vous avez tenu des propos qui ne sont pas tout à fait exacts.

Permettez-moi, une bonne fois pour toutes, de citer la législation actuelle.

L'article 147-5 du code de l'urbanisme, dans son deuxième alinéa, dispose :

« Les opérations de rénovation des quartiers ou de réhabilitation de l'habitat existant, ainsi que l'amélioration, l'extension mesurée ou la reconstruction des constructions existantes ne peuvent être admises que lorsqu'elles n'entraînent pas un accroissement de la capacité d'accueil d'habitants exposés aux nuisances ; » - on peut faire ce que l'on veut, si l'on n'augmente pas la population de ces zones - « elles peuvent, en outre, être admises dans les secteurs déjà urbanisés et desservis par des équipements publics de la zone C lorsqu'elles n'entraînent qu'un faible accroissement de la capacité d'accueil d'habitants exposés aux nuisances. »

Ainsi, contrairement à ce que vous avez dit, madame Beaudeau, cette rédaction permet d'engager toutes les opérations de réhabilitation et de rénovation urbaines souhaitable à condition de ne pas augmenter la capacité d'accueil d'habitants. Cela correspond exactement à ce que souhaite la commission.

Toutefois, je voudrais attirer l'attention du ministre sur un point dont ont parlé Mme Beaudeau et Mme Olin.

On ne soigne pas une maladie en cassant le thermomètre. S'il faut absolument éviter l'accroissement des populations dans ces zones, encore faut-il, monsieur le ministre, que ces zones soient bien délimitées. Ne permettons pas qu'elles soient élargies de façon abusive jusqu'à inclure des territoires dans lesquels des nuisances ne sont pas réellement constatées.

C'est essentiellement pour cette raison, vous l'avez rappelé, madame Beaudeau, que les élus du Val-d'Oise se sont manifestés.

Déterminons avec précision les zones exposées à des nuisances sonores, voire à des risques d'accident et veillons à ce que les populations vivant dans ces zones n'augmentent pas.

M. le président. La parole est à M. Bernard Angels, pour explication de vote.

M. Bernard Angels. Monsieur le président, je n'aime pas passer pour un « affreux jojo » alors que je ne le suis pas ! Comme je le dirai au président de la commission des affaires économiques, ni Mme Olin, ni Mme Beaudeau, ni moi-même ne sommes d'horribles bétonneurs. Si nous insistons - lourdement au gré de M. le rapporteur - sur ce sujet, c'est que de la pratique quotidienne nous avons déduit que, dans sa rédaction actuelle, l'article n'est pas clair et qu'il mérite d'être précisé.

Il ne s'agit pas d'accroître la population qui vit dans les zones C.

M. Dominique Braye, rapporteur. Alors, très bien !

M. Bernard Angels. Il s'agit de pouvoir appliquer l'article en question dans de meilleurs conditions. Il n'est question de rien d'autre. Si le président du conseil général du Val-d'Oise, qui est membre du même groupe que vous, monsieur le rapporteur, a lui aussi lourdement insisté sur ce point, c'est que, dans la pratique, ces dispositions ne sont pas appliquées comme nous le souhaitons.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Dominique Braye, rapporteur. Je constate, pour m'en réjouir, que les élus du Val-d'Oise, M. Angels et moi-même sommes d'accord.

Si, jusqu'à maintenant, le texte en question était mal appliqué, demandons à M. le ministre de bien l'appliquer désormais. Mais n'aggravons pas la situation. Vous admettrez d'ailleurs que M. le ministre ne peut pas être responsable de ce qui s'est passé avant avril 2002. Il ne pourra être responsable que de ce qui interviendra ultérieurement.

Quoi qu'il en soit, on ne change pas un texte qui est bon parce qu'il est mal appliqué. On maintient le texte et on demande aux acteurs politiques de prendre leurs responsabilités et de bien appliquer une bonne législation.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Gilles de Robien, ministre. Je voudrais d'abord remercier Mme Beaudeau d'avoir souligné les nombreux échanges qu'il y a entre les pouvoirs publics et les élus. On peut être d'accord ou non, mais il y a discussion. C'est ainsi que doit se dérouler le dialogue républicain. Les représentants des pouvoirs publics invitent les élus - ne parlons pas de « convocation » par le préfet - à donner leur avis. Si les élus manifestent leur désaccord, on remet l'ouvrage sur le chantier et on continue d'avancer.

Je vous remercie également, madame, d'avoir montré combien les crédits étaient importants et d'avoir évoqué les mesures que nous avions prises pour améliorer la situation des riverains. Vous avez cité les chiffres, je ne les avais pas en tête.

Par ailleurs, je tiens à réaffirmer que, dans ces zones, la rénovation est possible.

Vous prétendez que la commision et le Gouvernement voudraient supprimer toute possiblité de rénovation. Mais non ! Nous souhaitons simplement éviter l'augmentation de population. N'augmentons pas le nombre des malheureux qui subissent des nuisances ! Je sais bien que le malheur des uns peut quelquefois faire le bonheur des autres en terme électoral, mais ce n'est pas notre philosophie.

Bien évidemment, les pouvoirs publics sont ouverts au dialogue pour la délimitation des zones. Je rappelle que l'élargissement des zones C, que vous avez critiqué, madame Beaudeau, n'est que la conséquence d'une décision du gouvernement précédent. Ne nous faites donc pas de procès à cet égard !

Enfin, je voudrais préciser que, dans les PEB, on peut délimiter des zones où le renouvellement urbain est plus facile.

Permettez-moi de lire le 5° de l'article L. 147-5 du code de l'urbanisme :

« A l'intérieur des zones C, les plans d'exposition au bruit peuvent délimiter des secteurs où, pour permettre le renouvellement urbain des quartiers ou villages existants, des opérations de réhabilitation et de réaménagement urbains peuvent être autorisées, à condition qu'elles n'entraînent pas d'augmentation significative de la population soumise aux nuisances sonores. »

Après cela, tout est dit ! C'est pourquoi, je le répète, le Gouvernement a émis un avis favorable sur les amendements n°s 26 et 101.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s 26 et 101.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

90315307154191116 En conséquence, l'article 5 bis est supprimé et l'amendement n° 194 n'a plus d'objet.