PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET

M. le président. La séance est reprise.

Vote sur l'ensemble

Art. 34
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'élection des conseillers régionaux et des représentants au Parlement européen ainsi qu'à l'aide publique aux partis politiques
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.

Mme Marie-Christine Blandin. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, chers collègues, en proposant une réforme des modes de scrutin, le Gouvernement a ouvert le débat sur la démocratie française et les modes de représentation des habitants. C'est un grave sujet, auquel s'essayent les peuples depuis des siècles, avec, il faut le dire, des exceptions culturelles françaises regrettables, comme la faible place des femmes, le taux record de cumuls, la frilosité sur la proportionnelle, le vieillissement de la classe politique et l'empilement illisible des découpages du territoire.

De récentes évolutions, contre l'avis de la droite de l'époque, corrigeaient deux anomalies : la parité et la réduction des cumuls étaient en marche. Hélas ! votre projet de la loi revient en arrière sur ces deux points, en particulier pour les élections européennes. Je ne m'étendrai pas sur l'anecdotique prime aux plus âgés, dont le seul effet sera probablement un mauvais message adressé aux jeunes.

Revenons au sens de la représentation démocratique : elle doit gérer les politiques publiques avec l'argent des contribuables au service de l'intérêt général. Cette représentation démocratique doit donc faire des propositions, animer le débat, arbitrer les choix et en assumer le suivi.

Dans l'état actuel de la planète - peuples affamés, conflits fratricides, raréfaction de l'eau potable et des espèces, effet de serre -, dans l'état actuel d'un pays comme la France - licenciements brutaux à répétition, reconversion en stagnation, budget en déséquilibre, politiques sociales en panne -, la responsabilité de toutes les assemblées, territoriales ou européennes, est grande.

Les problèmes étant de plus en plus complexes, le dialogue, la recherche d'idées nouvelles, la plus grande coopération devraient être à l'ordre du jour.

Rien ne pouvant se faire sans la mobilisation des habitants, il faudrait que chacun se sente reconnu, concerné, acteur du projet de société. Or, c'est ce moment que vous choisissez pour écrire et imposer une loi qui prévoit la compétition sans merci, au point de mettre en place des mécanismes qui éliminent les idées des électeurs dont les votes ne vont pas vers les deux partis arrivés en tête !

Cette simplification brutale du débat par la loi du plus fort est une démarche ultralibérale : l'élimination de l'autre pour avoir les coudées franches. Qui plus est, la méthode, inédite, « 49-3 à l'Assemblée nationale et vote conforme au Sénat sur la copie du Gouvernement », est violente. Trois cent quarante-sept amendements parlementaires, dont une trentaine reconnus comme « très pertinents » ou « intelligents » ont été balayés par principe.

Où est le respect des parlementaires dans ce débat sans débouché ?

Quel dommage que la population française ne puisse se rendre compte et de vos méthodes et de ce qui l'attend, après les urnes.

Les quelques témoins des tribunes ou les lecteurs assidus du compte rendu analytique en sont encore abasourdis. Demain, ou plutôt après-demain, les gens découvriront, pour une part significative d'entre eux, que leurs idées sont exclues du débat. Certes, celui-ci sera bref et serein : l'UMP parlera à l'UMP, dans le ronronnement de ses certitudes, à l'écoute des seuls lobbies militaires, productivistes et autoroutiers. Mais, après l'ivresse de votre victoire et la facilité qu'offrent des assemblées sans contestation ni diversité, après l'euphorie des postes partagés entre amis, viendront les réactions des habitants mécontents, l'impatience des électeurs déçus, le doute sur l'utilité du vote... Car, lorsque l'on prend tout le pouvoir, on assume toutes les responsabilités.

Tailler les règles de la République comme une armure contre l'opposition présente aussi le risque, heureusement faible, que, demain, un homme moins démocrate que vous, éclairé par des idées extrémistes, ne s'empare de l'outil pour s'exercer à d'autres méfaits...

Monsieur le ministre délégué, adopter un seul amendement de ceux que vous avez qualifiés « d'intelligents » aurait été l'ultime chance de réunir une commission mixte paritaire : vous l'avez refusée.

S'agissant du seuil de 10 % des inscrits, vous avez rassemblé contre vous le groupe communiste républicain et citoyen, le groupe socialiste, la Verte, les centristes, le RDSE, et même des membres de l'UMP.

M. Emmanuel Hamel. Très bien !

Mme Marie-Christine Blandin. Vous restez donc les seuls bénéficiaires de cette loi ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat.

M. Bernard Frimat. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, nous voici au terme d'un débat qui, engagé mardi dernier, nous a permis de démontrer combien était déplacée l'impatience que vous manifestiez lorsque le président de séance nous donnait la parole - comme il est normal, me semble-t-il, dans une assemblée parlementaire - et combien était vaine cette pression constante que vous exerciez et qui laissait supposer que nous faisions de l'obstruction. (M. le ministre délégué fait une moue dubitative.)

Monsieur le ministre délégué, je vous ai remercié hier d'avoir joué votre rôle, au cours de cette discussion, en nous permettant de débattre avec le Gouvernement. Quant à M. le rapporteur, je salue tout à la fois la constance dont il a fait preuve dans son admiration pour un texte qui ne lui semblait pas perfectible - il était d'emblée pour lui le summum de la perfection juridique - et son vrai talent pour la prédiction, lui qui, dès la réunion de la commission des lois, le 26 février dernier, se prononçait contre des amendements qui n'étaient pas encore présentés. Le Conseil constitutionnel appréciera !

Monsieur le président, j'ai bien conscience de l'immense privilège qui m'est fait de pouvoir m'exprimer ici avant les membres de l'UMP, grande absente de ce débat : aucun de mes collègues n'aura eu ce privilège avant moi ! (Sourires.) Nous allons enfin bénéficier, dans un temps ramassé - cinq minutes par orateur - de la quintessence de la pensée de l'UMP par la voix de M. Karoutchi. Il n'est jamais trop tard pour commencer une campagne !

Je vois là un parallélisme étonnant : M. Gélard, avant toute discussion, sait que le texte sera adopté conforme ; M. Karoutchi, après la discussion, met un terme à l'aphasie et à l'amnésie, vos deux caractéristiques, chers collègues de l'UMP. Je vous remercie, d'ailleurs, du silence dans lequel vous m'écoutez. Quelle nouveauté ! (Sourires.)

Vous êtes amnésiques, chers collègues, parce que toute votre argumentation a consisté à gommer la loi de 1999 et à faire croire que votre projet de loi allait mettre fin à l'instabilité dans les régions. Or, c'est faux, et vous le savez parfaitement : les facteurs de stabilité figuraient déjà dans la loi de 1999. Mais, pour donner une apparence démocratique à un texte qui met en cause le pluralisme, il fallait bien que vous lui trouviez quelques qualités !

Vous êtiez amnésiques et aphasiques, mais nous allons pouvoir assister, un court instant, à votre guérison. Tant mieux ! Et cette guérison ne coûtera rien à M. Mattei : je suppose qu'il en est bouleversé ! (Sourires.)

Nous avons développé tout au long de nos travaux une série d'arguments de fond. Faute d'avoir pu engager un débat avec vous et d'avoir pu vous convaincre, chers collègues, il nous reste une seule voie : montrer que ce projet de loi est, sur de nombreux points, contraire à la Constitution. Votre absence de réponse, votre silence sur l'ensemble des éléments que nous avons présentés, devraient nous permettre d'envisager cette issue.

Nous aurons d'autres débats, monsieur le président. Nous les mènerons avec la même sérénité. Nous avons bien du mal à découvrir comment l'esprit vient aux filles ; peut-être trouverons-nous comment la parole vient à l'UMP ! (Rires et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi.

M. Roger Karoutchi. Monsieur Frimat, nous serions donc amnésiques et aphasiques : on pourrait trouver d'autres qualificatifs !

L'histoire des modes de scrutin pourrait créditer ou discréditer tous les régimes politiques quels qu'ils soient et, dans bien des cas, les réformes ont eu lieu sous l'un de vos gouvernements. Sachons donc garder le sens de la mesure. A cet égard, M. le ministre délégué a bien fait de réagir avec fermeté, hier, quand nous avons entendu dire que nous étions, avec ce mode de scrutin, sur la route du fascime.

Excès d'indignité, excès d'honneur, tout cela est excessif, et ce qui est excessif est insignifiant, vous le savez, mes chers collègues.

Certes, on aurait pu imaginer tel ou tel détail, tel ou tel élément différent dans le mode de scrutin. Mais il existe un vrai débat, le Gouvernement le sait, comme beaucoup d'entre vous, d'ailleurs : nos régions aujourd'hui ne peuvent plus agir dans l'intérêt général faute de majorité, mais aussi à cause d'arrangements pour le moins saugrenus, et je n'en dis pas plus !

M. Bernard Frimat. C'est la prime !

M. Roger Karoutchi. Il faut désormais que les conseils régionaux puissent agir dans l'intérêt général. En Ile-de-France, par exemple, un budget de 3 milliards d'euros doit pouvoir servir à l'ensemble de nos concitoyens, et non pas être fonction des arrangements ou des pressions des uns ou des autres.

Oui, nous devons mettre en place un mode de scrutin qui permette aux électeurs de choisir et de savoir à l'avance qui sera le président, quelle sera l'équipe et quelle sera la majorité à la tête de la région.

Peut-être aurions-nous pu imaginer un autre dispositif. On peut tout imaginer ! Sachons cependant comprendre que, si les modes de scrutin se sont succédé dans l'histoire politique de ce pays, c'est qu'ils correspondaient chacun à un moment donné de cette histoire : on ne saurait séparer la réforme de son contexte.

Gérer plus près des citoyens, lutter contre l'abstention, dégager de vraies majorités, faire que nos collectivités aient des majorités pour agir dans l'intérêt général, n'est-ce pas ce que nous avons tous réclamé ? Or, mes chers collègues, les modes de scrutin qui sont ici proposés vont précisément dans ce sens.

Si la situation politique évolue, si l'image même du monde politique change, si ce qui s'est passé en avril dernier - ce que tout le monde, vous y compris, considère comme un événement politique majeur - si tout cela n'a pas de suites, l'ensemble des forces politiques, vos forces politiques, pourront alors peut-être envisager, pourquoi pas ?, d'autres modes de scrutin.

Tout est dans l'histoire, mais il faut savoir reconnaître la démocratie dans un projet qui a pour inspiration la stabilité démocratique : ni excès d'indignité ni excès d'honneur !

Je salue donc le travail du Gouvernement. Monsieur le ministre délégué, monsieur le secrétaire d'Etat, les collectivités vous seront reconnaissantes pour les majorités qu'elles pourront désormais dégager.

S'agissant des élections européennes, beaucoup a été dit. Le Gouvernement ne m'en voudra pas de rappeler que, en la matière, il n'était pas à la source du découpage interrégional qui a soulevé ici tant de critiques de la part de la gauche : on l'avait déjà vu dans le projet Jospin, dans le projet Barnier, dans des projets issus du courant centriste.

Aujourd'hui, nous pouvons avancer. Nous verrons bien si, à l'usage, les élections passées, les gestions en place, nous découvrons qu'il faut modifier tel ou tel point.

En tout cas, ce texte va dans le sens de la démocratie, de la participation des citoyens et de la transparence, et nous le voterons ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées de l'Union centriste.)

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo.

Mme Nicole Borvo. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous arrivons au terme de notre temps de travail sur la réforme du mode de scrutin. En réalité, en toute honnêteté - vous le reconnaîtrez - il n'y a pas eu de débat.

A l'Assemblée nationale, on le sait, le Gouvernement avait coupé court à la discussion en invoquant l'article 49, alinéa 3, de la Constitution avant même la présentation des motions de procédure et l'ouverture de la discussion générale.

Inquiet de l'effet que pouvait provoquer le recours à cet article, le Gouvernement a voulu donner le change en laissant l'opposition s'exprimer. Mais l'illusion démocratique s'est arrêtée là.

Dès la présentation de son rapport, M. Gélard, aussitôt suivi par la majorité de la commission des lois, a annoncé le vote conforme, avant même d'avoir pris connaissance d'un quelconque amendement ou avis des sénateurs.

Cette attitude a été confortée par votre silence, messieurs de l'UMP, consigne vous ayant sans doute été donnée de ne pas vous exprimer. C'est seulement au détour d'une explication de vote sur l'ensemble que nous venons d'avoir l'avis d'un représentant de l'UMP.

Vous avez en fait boycotté ce qui aurait pu être un débat, et toute modification du texte, qu'elle soit de fond ou de forme, a été écartée. Pourtant, les sujets de débat, on l'a vu, n'auraient pas manqué, qu'il s'agisse des effets des modifications des modes de scrutin sur la parité, sur le cumul. A plusieurs reprises, il aurait été nécessaire d'engager de sérieux débats.

En réalité, les droits du Parlement sont réduits à la plus simple expression. Celui-ci a été cantonné de manière grossière au rôle de chambre d'enregistrement. Je ne parlerai pas de « parlement godillot » ou de « parti godillot », mais quand même !

Nous l'avons souligné à maintes reprises, cette organisation des débats est dangereuse pour la démocratie. Elle déséquilibre fortement les pouvoirs en les plaçant essentiellement entre les mains du pouvoir exécutif.

Qui plus est, de la part du Sénat et de sa majorité, cette attitude est surprenante, car, franchement, on peut s'interroger, du fait du recours au vote conforme ou à la procédure d'urgence - ce n'est pas la première fois -, sur l'utilité même du bicamérisme. Pour l'instant, je constate que les deux chambres permettent essentiellement l'accélération de l'examen des projets de loi par une habile répartition des tâches, mettant à mal le principe même du contrôle parlementaire.

Le Gouvernement a utilisé la force pour adopter dans les plus brefs délais ce projet qui revêtait, il est vrai, une importance capitale à ses yeux : accélérer la bipolarisation, favoriser l'émergence de la dimension régionale au détriment de la dimension nationale pour l'organisation démocratique de notre pays. C'est un coup de force contre le pluralisme.

L'élévation insensée des seuils pour le maintien au second tour - et l'opposition n'a pas été la seule à le dire - pour autoriser les fusions ou accéder à la répartition des sièges révèle des objectifs pleinement réfléchis : imposer le bipartisme et tuer le débat démocratique.

Cette volonté farouche du Gouvernement et de l'UMP est à contre-courant, je le crois sincèrement, des sentiments exprimés par la population. Les électeurs ont marqué, bien au contraire, leur attachement au pluralisme et leur méfiance à l'égard des partis dominants ou dominés.

Cette méthode et ce texte sont empreints de nombreux motifs d'inconstitutionnalité.

En dehors des questions de forme, le non-respect de l'article 4 de la Constitution, en vertu duquel les partis politiques concourent à l'expression des suffrages, est flagrant. Les sénateurs de mon groupe s'associeront à un recours devant le Conseil constitutionnel sur ce texte.

La réforme des élections européennes tend aussi à réduire l'expression pluraliste. L'éclatement du cadre national de cette élection en huit super-régions favorisera de toute évidence les formations dominantes. Comment ne pas percevoir un pendant institutionnel à l'offensive libérale dans cette volonté de recomposer le cadre électoral ?

Monsieur le ministre, vous nous l'avez dit, la réforme du mode de scrutin doit influer sur les comportements ; vous cherchez donc à modifier les comportements. La décentralisation telle que M. le Premier ministre nous l'a présentée, c'est-à-dire l'organisation décentralisée de la République accompagnée de la remise en cause du pluralisme et de la promotion de la dimension régionale, démontre une volonté de contourner l'Etat républicain, perçu comme un obstacle à cette offensive libérale.

M. le ministre de la justice, dans un article récent que j'ai déjà eu l'occasion de citer, louait la cohérence entre la réforme des modes de scrutin, la décentralisation et le parti unique à droite, c'est-à-dire la droite réunie dans un parti unique.

Franchement, mes chers collègues, nous sommes bien loin du consensus nécessaire et souhaité par des sénateurs - je ne les citerai pas - d'une majorité proche de la vôtre en 1996 !

La réforme du mode de scrutin avant une élection devait, selon eux, être consensuelle et partagée. Or la réforme que vous nous proposez n'est approuvée par l'ensemble de la majorité ni à l'Assemblée nationale ni au Sénat.

Pour toutes ces raisons, en particulier le non-respect des droits du Parlement et la grave remise en cause du pluralisme, les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen voteront résolument contre ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Gourault.

Mme Jacqueline Gourault. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la conclusion que tire le groupe de l'Union centriste de l'examen du projet de loi relatif à la réforme de l'élection des conseillers régionaux et des membres du Parlement européen pourrait se résumer à deux mots simples, deux mots de déception : quel dommage !

Quel dommage que nous soyons forcés de constater qu'au Sénat comme ailleurs il n'y a pas eu de débat sur la réforme des modes de scrutin. Certes, nous avons parlé, certains beaucoup plus que d'autres, mais débattu point du tout. Peut-être est-ce une question de vocabulaire, peut-être n'avons-nous pas la même définition du débat !

En ne déposant qu'un tout petit nombre d'amendements, et tous sur le fond, nous nous inscrivons sous le signe de la construction, mais le Gouvernement est resté sur ses positions. Alors que nous voulions simplement jouer notre rôle de parlementaires, on nous en a empêché.

Avant même que nos arguments aient pu être exposés devant l'assemblée, M. le ministre et M. le rapporteur nous ont expliqué que le vote conforme était décidé.

Telle n'est pas la vision que nous avons du travail du Parlement. Telle n'est pas non plus la perception que nous avons des rapports qui doivent exister entre les membres d'une même majorité.

Nous n'avons pas pu saisir la chance que nous avions de débattre d'un texte important pour la démocratie. Contre vents et marées, vous avez maintenu le dispositif de l'article 4. Pourtant, le remplacement d'un seul mot, celui d'« inscrits » par « exprimés », aurait suffi à changer la physionomie du texte que vous nous avez proposé. Aurait-ce été une modification intolérable ?

Rappelons à la Haute Assemblée une chose capitale : il n'aurait été question alors que de restaurer le texte dans sa forme initiale. En effet, pour le scrutin régional, le premier projet de loi, celui-là même qui avait été soumis au Conseil d'Etat, faisait l'objet d'un accord unanime. En l'espace d'un petit déjeuner, ce consensus et l'avis du Palais Royal étaient ensemble jetés aux oubliettes. Il était décidé unilatéralement, sous la pression d'on ne sait qui, d'organiser un véritable verrouillage de l'expression des sensibilités politiques.

En effet, chacune des mesures destinées à constituer des majorités stables au sein des conseils régionaux peuvent, prises individuellement, se comprendre. C'est le cas des seuils, naturellement, mais c'est aussi et surtout le cas de la prime majoritaire, qui a fait ses preuves dans les scrutins municipaux. Cependant, vous voyez bien que la combinaison de toutes ces précautions, si je puis dire, aboutit à dresser un véritable barrage infranchissable pour la plus grande partie des formations politiques.

Il faut rappeler ici une disposition novatrice et essentielle de la Constitution de 1958, qui reconnaît pour la première fois que les partis et groupements politiques concourent à l'expression du suffrage, qu'ils se forment et exercent leur activité librement. Malheureusement, ce principe ne sera désormais plus respecté, puisque certaines formations politiques seront soumises à d'autres, et que l'on pourra ainsi parler de partis « dominants » et de partis « dominés ».

En ce qui concerne la parité, le texte constitue un incontestable progrès que nous avons salué et qui sera d'ailleurs le socle de toutes les discussions sur les prochains textes électoraux. Désormais, pour l'Union centriste, une alternance stricte entre les hommes et les femmes devra être respectée lors des scrutins de liste.

Vous savez combien nous sommes attachés à l'expression européenne. Naturellement, nous craignons fortement que le débat européen ne soit vraiment affaibli par le mode de scrutin des représentants au Parlement européen qui nous est imposé.

Monsieur le ministre, par votre attitude de blocage systématique, vous avez tout simplement empêché le Parlement d'effectuer son travail. C'est en particulier le rôle du bicamérisme que de permettre l'amélioration des textes de loi. Nous sommes évidemment persuadés qu'il faudra revenir sur la présente loi.

Malgré l'hommage que je dois rendre à M. le rapporteur, qui a souvent fait preuve de courage, sans jamais fléchir, alors même qu'il était pleinement conscient de la pertinence de certaines de nos propositions et des lacunes du projet de loi, vous comprendrez, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, que le groupe de l'Union centriste, dans son immense majorité, vote contre ce texte relatif à la réforme des modes de scrutin.

Monsieur le ministre, vous avez qualifié notre position de « fatale ». Nous pensons qu'en politique, peut-être plus qu'ailleurs, il n'y a pas de fatalité ! (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du groupe socialiste et du groupe CRC. - M. Hamel applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Fauchon.

M. Pierre Fauchon. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, au moment où va intervenir un vote par scrutin public sur le projet de loi relatif à l'élection des conseillers régionaux et des représentants au Parlement européen, je crois de mon devoir - je le dis en toute modestie - d'expliquer mon vote, dès lors que celui-ci se distingue de celui du groupe dont j'ai l'honneur de faire partie, tout en regrettant au passage le sort qui a été fait à ses propositions.

Cette différence ne tient pas tant à des divergences de vues sur le fond des problèmes qu'à une divergence d'appréciation sur les avantages et les inconvénients du système proposé, c'est-à-dire sur une question qui est d'abord et très largement d'ordre technique et qui, il faut le rappeler, ne concerne pas les élections nationales, dont la portée politique est tout de même, et de loin, beaucoup plus importante.

Pour apprécier cette divergence de vues, il convient de confronter le système proposé aux exigences auxquelles doit répondre un mode de scrutin. A mes yeux, il s'agit d'abord d'assurer la dévolution du pouvoir de manière à doter celui-ci de l'efficacité nécessaire pour assumer ses responsabilités. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.) A cet égard, d'après mon assez longue expérience, je suis de ceux qui considèrent que la cohérence doit être considérée comme provisoire. Faut-il rappeler ce que le manque de cohérence a coûté aux uns et aux autres, et pas seulement dans les élections régionales ? Vous vous doutez bien de ce à quoi je pense, ce n'est pas la peine d'entrer dans le détail...

M. Yves Bur. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous sommes tous d'accord pour dire que le vieillissement de notre population constitue un évènement démographique inédit dont on doit d'abord se réjouir, même s'il porte en lui des défis redoutables dont la dépendance est certainement le plus difficile à traiter.

Le choix d'accomagner les personnes âgées dépendantes et, notamment, de les aider à assurer les charges médico-sociales lourdes est partagé par tous. Notre souhait le plus profond, je le répète est de ne pas remettre en cause l'aide que vous avez instituée et la réforme qui a été engagée, dont les contours sont bons, nous avons été nombreux à le dire : Denis Jacquat, Gorges Colombier, moi-même. Mais si, moins de deux ans après avoir voté l'APA, nous sommes obligés de revenir sur le sujet, c'est d'abord parce que, dès 2001, vous aviez prévu de rediscuter les conditions de son financement. D'ailleurs, il faut le répéter, ce fut souvent la règle : vous avez toujours été très évasifs et très flous sur le coût réel de vos promesses.

Mme Danièle Hoffman-Rispal. Ce n'est pas une raison pour revenir en arrière !

M. Yves Bur. Mes collègues Jacquat et Colombier et moi-même nous n'avons eu de cesse d'exiger plus de clarté dans le débat et vous avez toujours éludé la question.

Je suis convaincu que notre collègue Guinchard-Kunstler entendait apporter une première réponse au problème à la dépendance croissante de nos aînés mais je reste tout aussi convaincu que si, aujourd'hui, nous sommes contraints de sauver l'APA, c'est parce que la montée en puissance a été beaucoup plus rapide que vous ne l'aviez estimée.

M. Michel VBergnier. C'est vrai.

M. Yves Bur. Et vous ne m'enlèverez pas de l'esprit qu'il y avait, derrière cela, des arrière-pensées électorales. (Protestations sur les bancs du groupes socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains). Comment expliquer autrement une campagne de publicité - unique dans les annales -...

M. Jean-Marc Nudant. Tout à fait !

M. Yves Bur. ... pour promouvoir ce progrès social, même s'il a été à crédit ?

M. Jean-Marie Le Guen. Faites donc une campagne de publicité pour expliquer comment vous allez moins rembourser les personnes âgées !

(Sourires sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Observons que la cohérence n'est pas seulement nécessaire pour l'efficacité, elle l'est aussi pour la démocratie - on l'oublie trop souvent -, car cette dernière suppose le contrôle par tous de l'action des pouvoirs publics. Or le contrôle est évidemment malaisé dès lors que, le pouvoir n'étant plus cohérent, il est difficile de savoir qui est responsable de quoi.

Cependant, la cohérence ne répond pas aux exigences de la démocratie. Elle n'y répond que si elle exprime la volonté du plus grand nombre et que tous les groupes intéressés sont admis à concourir et pris en compte à mesure de la confiance qui leur est faite par les électeurs ; j'en suis bien d'accord.

Cela suppose nécessairement un processus électoral conçu de telle sorte que, tout en aboutissant à l'établissement d'un pouvoir cohérent, il associe dans sa démarche à la fois le pluralisme des opinions et le pluralisme des pays, puisque notre histoire a fait que nos départements ont une consistance non moins forte - et beaucoup penseront plus forte - que nos régions. Ce n'est pas si simple. (Rires sur ces certaines travées du groupe socialiste.)

Je ne vois pas comment nous pourrions résoudre ce problème sans une certaine complexité, à laquelle nous ne pouvons échapper que par la brutalité de scrutins à un tour qui ne sont pas dans nos moeurs.

Le scrutin qui nous est proposé me paraît avoir une assez bonne chance de répondre à de telles exigences, parce qu'il permet que toutes les familles s'expriment, se mesurent et comptent leurs chances au premier tour.

M. Roland Muzeau. « L'essentiel, c'est de participer », disait Coubertin !

M. Pierre Fauchon. ... et parce qu'il n'ouvre l'accès au second tour qu'à celles que les électeurs ont placées au premier rang, tout en laissant une seconde chance aux moins importantes, à condition qu'elles s'unissent dans la clarté, avant le vote.

M. Jean Bizet. Très juste.

M. Pierre Fauchon. Ainsi, le premier tour est-il totalement pluraliste, tandis que le second oblige aux concentrations nécessaires pour garantir la cohérence et la transparence de l'action et, du même coup, le contrôle de celle-ci.

Il me paraît excessif de dramatiser et de dire que les formations modestes - numériquement, bien entendu, car on peut être peu nombreux tout en étant les meilleurs (Sourires.) - seront éliminées alors qu'elles seront incontournables et capables de jouer un rôle décisif auprès des plus puissants, qui devront se souvenir du mot de La Fontaine : « On a souvent besoin d'un plus petit que soi. » (Exclamations amusées sur plusieurs travées.)

Mme Nicole Borvo. Quelle honte !

M. Pierre Fauchon. Rien n'est garanti d'avance, et les électeurs réservent souvent bien des surprises. Je crois avec M. Karoutchi que ces dispositions ont un côté assez expérimental. Il faut cependant se décider ce soir et prendre son risque.

A cet impératif, les uns répondront par un vote de défiance, les autres - et je serai de ceux-là, pour les raisons que je viens de résumer - par un vote de confiance. (Applaudissements sur certaines travées de l'Union centriste et sur celles de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Pelletier.

M. Jacques Pelletier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voilà parvenus au terme d'un long débat marqué par l'importance des problèmes qu'il a soulevés, auxquels sont attentifs, bien plus qu'on ne le pense, nos concitoyens.

Alors que ces derniers nous adressent régulièrement des messages forts pour que nous prenions mieux en compte leurs préoccupations, leur attention a été retenue par l'élection des conseillers régionaux et des députés européens. C'est dire, mes chers collègues, si, au-delà d'une question purement technique de procédure électorale, le débat que nous nous apprêtons à clore aujourd'hui revêt une importance singulière. Par ce texte, c'est la pluralité dans la vie politique fraçaise qui est en question.

La Haute Assemblée a eu le mérite de ne pas entraver le débat. Elle a été l'unique lieu où aient été échangés les arguments que souhaitaient connaître nos concitoyens. Ce débat si crucial a été rendu impossible à l'Assemblée nationale ; à l'heure où les régions et l'Union européenne occupent une part croissante dans la vie de nos concitoyens, est-ce réellement le moyen le plus approprié d'accéder à leur demande d'une plus grande participation ?

Pour ce qui concerne l'instauration de circonscriptions interrégionales pour les élections européennes, une telle disposition ne répond que partiellement aux attentes que j'évoquais. Je ne peux que regretter que l'amendement déposé par mon groupe visant à calquer ces circonscriptions sur les zones de défense n'ait pas été retenu. Il est à mon sens dommage que le Gouvernement ait préféré créer un nouveau découpage régional - il en existe déjà tant ! -, prenant ainsi le risque d'accentuer le manque de lisibilité de la carte électorale aux yeux de nos concitoyens.

J'en viens maintenant aux élections régionales. Nous ne pouvons qu'adhérer au louable dessein du Gouvernement quand il affirme vouloir redonner une clarté au scrutin et dégager des majorités nettes, afin de faire oublier les douloureux déchirements des dernières élections.

Toutefois, en instaurant un seuil de 10 % des électeurs inscrits pour se maintenir au second tour, c'est une prime à l'abstention qui est octroyée. Il s'agit bien là, à mes yeux, de la principale pierre d'achoppement de ce texte.

C'est bien l'expression du pluralisme qui risque d'être la principale victime de ce projet. Une seule idée se profile : écarter les majorités plurielles et parfois fragiles au profit d'un bipartisme hybride, certes, mais plus solide.

Qu'en est-il alors des fusions de listes ? Comment les opérer ? Quelle est leur véritable finalité ? La condition de leur mise en oeuvre me semble malheureusement floue et peu sûre. Or, on sait combien l'usage qui est fait de la règle du jeu est souvent bien plus décisif que la règle du jeu elle-même.

D'ailleurs, sous la Ve République, la bipolarisation autour du clivage droite-gauche est probablement le produit du jeu des contraintes institutionnelles et électorales autant que des usages de celles-ci dans la pratique politique. La science politique ne cesse de dénoncer la dimension artificielle de ce dualisme droite-gauche et d'en souligner le caractère obsolète.

Or, le présent projet de loi va au-delà de la simple bipolarisation puisqu'il favorise une logique de bipartisme, ce qui accroît encore l'écart existant entre représentants et représentés.

Par conséquent, je crains que ce texte, malgré son objectif louable de permettre des majorités stables de gouvernement, n'accentue la crise de représentation politique que connaît notre pays et dont le 21 avril dernier fut le point culminant.

Je ne peux également que regretter qu'aucun des amendements très pragmatiques qui ont ont été déposés par les groupes de l'Union centriste et du RDSE n'aient reçu un avis favorable de la part du Gouvernement comme de la commission, et cela alors que nulle idée d'obstruction législative ne nous guidait.

Je ne crois pas non plus que l'on puisse combattre l'extrême droite comme l'extrême gauche en multipliant les textes législatifs. C'est sur le terrain d'une politique claire, appuyée sur des convictions fortes, que les extrêmes pourront être combattus. Il faut pour cela renouer avec l'intérêt général et fonder l'action politique sur la responsabilité et la conviction. Pour lutter en profondeur contre les extrêmes, c'est bien davantage la façon de faire de la politique qui compte que la règle électorale.

Mon groupe, monsieur le président, s'exprimera dans sa diversité, avec toute la liberté de choix qui le caractérise. Trois de mes collègues voteront pour le texte, les autres, très réticents au seuil de 10 % du nombre des électeurs inscrits, soit voteront contre, soit s'abstiendront. (Applaudissements sur les travées du RDSE et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées de l'UMP.)

M. Emmanuel Hamel. Ils ont raison !

M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel.

M. Claude Domeizel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les interventions précédentes me permettent d'abréger la mienne, mais j'ai tout de même des choses à dire avant le vote.

Lorsque j'ai lu dans un journal de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur une interview de notre collègue Jean-Claude Gaudin dans laquelle celui-ci déclarait que, pour éviter une nouvelle « pantalonnade », le Sénat voterait conforme, je me suis dit que, par « pantalonnade », il désignait sans doute le recours au 49-3,...

Mme Nicole Borvo. C'est une expression marseillaise !

M. Claude Domeizel. ... mais que, certainement, en parlant de vote conforme au Sénat il exagérait ! Pour un Marseillais, ce n'est pas étonnant, me direz-vous, mais j'avais vraiment peine à imaginer qu'aucun amendement ne serait accepté, surtout que nous disposions de deux semaines pour débattre !

Désormais, lorsque je me rendrai dans des classes pour expliquer le fonctionnement du Parlement, je dirai qu'il arrive que ni l'Assemblée nationale, grâce au recours au 49-3, ni le Sénat, grâce à la méthode que vous venez d'adopter, ne débattent.

Nous avons présenté de nombreux amendements. Ils n'ont suscité, de la part de l'UMP, aucun commentaire, sinon de temps en temps quelques exclamations. Il n'y a pas eu de débat. Je dirais même, chers collègues de l'UMP, que vous avez battu tous les records, puisque, alors que la loi n'est pas encore votée, vous l'appliquez déjà !

Mme Nicole Borvo. Dans les Hauts-de-Seine !

M. Claude Domeizel. Plusieurs d'entre vous l'ont dit, cette loi aura paraît-il, le grand avantage de donner aux régions des majorités stables. Mais la loi de 1999, avec la prime de 25 % à la liste arrivée en tête, offrait déjà cet avantage, et il n'était pas utile de légiférer à nouveau s'il s'agissait vraiment d'en arriver là.

Le présent projet de loi, en particulier son article 4, porte principalement sur les seuils, et sur le seuil de 10 % des inscrits en particulier. Permettez-moi d'ailleurs de remarquer au passage, que le texte qui sera vraisemblablement voté tout à l'heure est soutenu par un parti qui ni à l'élection présidentielle, ni aux élections législatives n'a atteint 10 % des inscrits. (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)

M. Roland Muzeau. Eh oui !

M. Claude Domeizel. C'est la raison pour laquelle nous voterons contre ce projet de loi qui non seulement porte un mauvais coup à la démocratie, mais qui laisse également mal augurer de l'attitude du Gouvernement à l'égard du Parlement dans les prochains mois alors que de grands chantiers nous attendent ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Darniche.

M. Philippe Darniche. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, ceux qui, dans cette assemblée, ont l'habitude de me voir soutenir loyalement l'action du Gouvernement depuis qu'il est en place trouveront peut-être étrange qu'en ce jour je ne vote pas le projet de loi qu'il nous présente. Je veux donc m'en expliquer devant vous.

Comme nombre de nos collègues, j'ai été choqué notamment par le fait que le Sénat soit appelé à voter conforme, ce qui, bien sûr, a fermé le débat et ne nous a pas permis, comme l'a justement souligné Mme Gourault à l'instant, d'exposer les raisons qui nous conduisent à penser qu'il s'agit d'une erreur.

Le fond du problème, c'est que l'on nous demande de choisir entre le bipartisme et le pluralisme, ce qui heurte profondément mes convictions personnelles, comme cela heurte l'ensemble des partis politiques qui soutiennent aujourd'hui la majorité gouvernementale, qui en font partie, et qui pressentent qu'ils n'auront plus la possibilité d'exprimer leur différence sur certaines questions. Et que le Gouvernement ait proposé un vote conforme nous gêne.

En outre, deux points du texte m'ont surpris.

Il s'agit tout d'abord de la modification des seuils. Nous sommes nombreux à considérer, même si nous comprenons la volonté gouvernementale de créer des unions régionales plus fortes, que placer le seuil à 10 % des inscrits constitue une erreur, et M. Pelletier l'a fort bien dit. Il est vrai qu'au fil de l'histoire de notre pays les seuils ont souvent été modifiés, et je tiens d'ailleurs le pari que, dans les années à venir, pour d'autres raisons d'opportunité, ils seront à nouveau modifiés...

Le second point qui m'a surpris, c'est la modification du scrutin européen, et ma position, elle, ne vous surprendra pas.

Nous avions jusqu'à présent un mode de scrutin simple, compréhensible, conforme à l'esprit de nos institutions, et françaises et européennes suivant lequel le peuple français est, de manière indivisible, représenté à Bruxelles. Or ce mode de scrutin, qui est maintenant entré dans les habitudes, va probablement être modifié par le projet de loi pour une seule raison officielle : mieux rapprocher l'élu de l'électeur !

Pour ma part, je ne suis pas du tout certain qu'en créant de grandes régions le Gouvernement atteigne l'objectif qu'il s'est fixé tant le système qui est mis en place est à la fois contraire - et je le dis avec conviction - à l'esprit de nos institutions, à nos principes constitutionnels et à l'intérêt national, et cela sur trois points au moins.

D'une part, le projet de loi « taille » des circonscriptions régionales ; d'autre part, il place sur la scène européenne des représentations d'entités subnationales ; enfin, il donnera prise à l'Europe des régions - qu'à titre personnel je rejette - portant ainsi atteinte à l'unité de la République et, avec elle, à la conception de l'intérêt national dont elle est porteuse.

M. Emmanuel Hamel. Hélas !

M. Philippe Darniche. C'est la raison pour laquelle, mes chers collègues, je ne voterai pas le projet de loi que nous soumet le Gouvernement. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Roland Muzeau. C'est mieux que Roger Karoutchi !

M. le président. La parole est à M. Claude Estier.

M. Claude Estier. Ce n'est pas la première fois que l'on modifie un mode de scrutin, et ce n'est d'ailleurs probablement pas la dernière. En revanche, c'est la première fois que, dans la modification d'un mode de scrutin, le Parlement n'aura joué aucun rôle : le 49-3 à l'Assemblée nationale et la décision, prise à l'avance, de voter conforme au Sénat un texte « considéré comme adopté » par l'Assemblée nationale, cela signifie que, dans quelques instants, le Sénat votera un texte du Gouvernement qui n'aura en rien été modifié par le Parlement puisque l'UMP a tenu parole sur sa décision de voter conforme.

C'est une « première » et c'est un précédent grave. Au moment où l'on parle de la revalorisation du rôle du Sénat - vous-même, monsieur le président, vous en êtes le défenseur - et de celui du Parlement en général, le Sénat donne un bien triste exemple.

Bien que le sujet ait déjà été évoqué par mes amis, je tiens à répondre à M. Karoutchi. L'un des mérites de ce projet de loi, nous disait-il, est d'assurer des majorités dans les exécutifs et d'éviter les combinaisons honteuses après le second tour.

Je suppose que vous ne vous adressiez pas à nous, monsieur Karoutchi, car les combinaisons honteuses ont plutôt été faites de votre côté. (Protestations sur les travées de l'UMP.)

Mme Nicole Borvo. Il n'y a que la vérité qui fâche !

M. Claude Estier. Je rappelle la façon dont MM. Jean-Pierre Soisson et Jacques Blanc ont été élus à la tête des exécutifs régionaux...

Par ailleurs, vous savez très bien, monsieur Karoutchi, que, s'il s'agissait simplement d'assurer une majorité aux exécutifs régionaux, la loi de 1999, qui, elle, avait été débattue au Parlement, y suffisait en même temps qu'elle garantissait le pluralisme que condamne le présent projet de loi.

Vous allez voter une loi pour l'UMP, et c'est la raison pour laquelle nous voterons contre. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Patrice Gélard. rapporteur. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, à l'issue de l'examen de ce projet de loi, je dirai simplement que les nombreuses explications de vote que nous venons d'entendre ne suffisent pas à rétablir l'équilibre du débat.

Je rappelle que nous avons examiné 364 amendements qui - tous - ont été discutés.

M. Claude Estier. Et tous repoussés !

M. Patrice Gélard, rapporteur. A tous ces amendements, votre rapporteur et le ministre ont répondu, au rythme moyen de douze amendements à l'heure. On ne peut donc pas parler d'un débat expédié : nous avons eu un débat en profondeur.

En outre, il convient de mentionner qu'en commission et en séance publique la majorité sénatoriale s'est exprimée. Elle n'a pas jugé bon de rallonger les débats par des prises de parole qui n'auraient rien ajouté à ce qui avait été dit et dans le rapport et dans les interventions de la discussion générale, celle de M. Karoutchi notamment.

M. Claude Estier. C'est drôle d'entrendre cela !

M. Patrice Gélard, rapporteur. En fait, nous étions en accord, non pas avec le texte initial, mais avec un texte modifié par trente-deux amendements qui ont été acceptés par le Gouvernement et qui ont permis d'améliorer une rédaction au départ pas satisfaisante.

M. Claude Estier. Ils n'ont pas été acceptés par le Gouvernement ! Ils ont été amenés par lui !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Monsieur Estier, ils ont été acceptés par le Gouvernement : relisez l'article 49, alinéa 3, de la Constitution !

M. Pierre Fauchon. Qui a faussé le débat ?

M. le président. Monsieur le rapporteur, je vous en prie, veuillez poursuivre !

M. Patrice Gélard, rapporteur. Le débat n'a pas manqué de force, le dialogue a bien eu lieu, et vos reproches ne sont pas fondés ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. J'aimerais dire en préambule, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, à l'excuse de cette assemblée que, si le débat y a été passionné, la passion est venue d'abord de l'Assemblée nationale. Les 13 000 amendements ont, en effet, dès le départ faussé le débat et entraîné, par voie de conséquence, le recours à l'article 49-3, que le Gouvernement n'aurait pas utilisé s'il n'avait pas eu à faire face à cette quantité sans précédent d'amendements. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Paul Raoult. Et le vote conforme ?

M. le président. Continuez, monsieur le ministre délégué, ne vous laissez pas interrompre !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. C'est donc le dépôt de ces 13 000 amendements qui a passionné le débat. Je reconnais bien volontiers que celui-ci s'est finalement focalisé sur un seul mot, le mot « inscrits », qui a remplacé le mot « exprimés ».

A ce propos, je veux rappeler à Mme Borvo, qui a affirmé qu'il s'agissait d'une élévation insensée des seuils, que le projet initial de M. Jospin en 1999 prévoyait...

Mme Nicole Borvo. Justement, on avait voté contre le premier projet !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. ... un seuil fixé à 10 % des suffrages exprimés, seuil qui a ensuite été divisé par deux.

M. Paul Raoult. C'est cela un débat !

Mme Nicole Borvo. Eh oui ! Grâce au débat, le seuil a été abaissé !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Pour bénéficier de la répartition des sièges, la loi prévoyait un seuil de 5 % qui a été ramené à 3 % par la loi de 1999. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Claude Estier. Le mouvement n'allait pas dans le même sens !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Les écarts de la loi de 1999 ont donc été beaucoup plus importants que ceux qui sont proposés ici.

M. Paul Raoult. C'est du jésuitisme !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Pourquoi cette élévation du seuil ? C'est l'essence même de notre débat, qui se ramène en définitive à la confrontation de deux philosophies politiques différentes, respectables toutes les deux, qui partent de points de vue divergents mais traditionnels dans nos débats politiques : celles des « proportionnalistes » et celle des « majoritaristes ».

Nous nous situons plutôt du côté des majoritaristes alors que la gauche, d'une manière générale, se situe plutôt du côté des proportionnalistes. Chacun apporte quelque tempérament à cette tendance dominante, mais le partage réel s'opère bien entre ces deux mouvements, et le débat n'a fait que retracer cette dicotomie.

Bien qu'on ait opposé le fait que, dans un cas, il s'agit d'un scrutin uninominal alors que, dans l'autre, il s'agit d'un scrutin de liste, fixer le seuil à 12,5 % des inscrits pour les députés et le fixer à 10 % des inscrits pour les conseillers généraux ne relève pas d'une nature juridique ou politique profondément différente que fixer le seuil à 10 % des inscrits pour les conseillers régionaux. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Jacques Peyrat. Eh oui ! C'est vrai !

M. Paul Raoult. C'est spécieux !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Il s'agit d'un scrutin de liste dans un cas, d'un scrutin uninominal dans l'autre, mais cela ne change pas la nature et les effets du mécanisme.

En tout état de cause, si vous pensez le contraire, vous ne vous en êtes pas expliqués, mesdames, messieurs les sénateurs de l'opposition !

MM. Jean-Claude Peyronnet et Paul Raoult. Mais si !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. J'ajoute que ce dispositif n'a pas pour objet d'instaurer un bipartisme au profit du parti actuellement majoritaire : nous avons tous ici une expérience suffisante de la vie politique pour savoir que les majorités sont instables et qu'elles évoluent.

M. Claude Estier. Voilà une parole sage ! (Sourires.)

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Pour notre part, nous n'imaginons pas, même dans nos rêves les plus fous, que nous serons éternellement majoritaires.

Nous savons parfaitement qu'il n'en sera pas ainsi et si, par hasard, nous manquions de clairvoyance, nous pourrions nous souvenir que le RPR, dont nous sommes issus, a été devancé, lors des élections européennes de 1999, par ce que l'on appelle un « petit parti » - en ce qui me concerne, je pense que les petits partis peuvent devenir très grands, selon les circonstances -, à savoir le RPF. Certes, cela ne nous avait pas fait plaisir à l'époque, mais cela prouve bien qu'un « petit parti » peut grandir et que le bipartisme atteint très facilement ses limites. Notre objectif n'était donc pas de l'instituer !

Je voudrais maintenant répondre à M. Frimat, qui a affirmé que nous étions amnésiques et aphasiques.

Nous serions amnésiques parce que nous aurions oublié que la loi de 1999 assurait la stabilité des majorités et que nous ferions bon marché d'une disposition qui, certes, n'avait pas été appliquée, mais qui était inscrite dans la loi. Monsieur Frimat, nous ne croyons pas, de bonne foi, que le dispositif de la loi de 1999 permette réellement d'assurer cette stabilité. Je vais vous expliquer pourquoi, au moyen d'un bref calcul.

Dès lors que l'on ouvre très largement l'accès au second tour, en fixant le seuil à 3 % des suffrages exprimés de nombreuses listes peuvent se maintenir. Si, au second tour, à cause de la multiplicité des listes, une liste arrive en tête avec 20 % des suffrages exprimés - cela est tout à fait possible, et vous vous êtes d'ailleurs référé, à cet égard, à des événements récents -, elle obtient 25 % des sièges ; plus 20 % des 75 % de sièges restant à répartir, soit 15 % de l'ensemble : au total, cela fait donc 40 % des sièges ; ce n'est pas la majorité ! La prime ne suffit pas à garantir une majorité stable ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Eu égard au laxisme du dispositif de la loi de 1999, les risques étaient grands.

Par ailleurs - je l'ai dit, répété et je n'ai pas entendu de vraies réponses à cet argument - le Gouvernement a voulu moraliser le système des alliances. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

C'est la seconde raison fondamentale qui a motivé le dépôt de ce projet de loi. Nous avons voulu que les alliances ne puissent plus, sauf à la marge, être conclues après le second tour, quand le corps électoral ne peut plus les sanctionner. Les électeurs doivent pouvoir tenir compte des alliances au moment où ils émettent leur vote : c'est un élément de morale démocratique que de permettre au corps électoral de décider si une alliance est bien conforme à ses voeux !

M. Patrice Gélard, rapporteur. Tout à fait !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. En ce qui concerne les alliances avec le Front national, décriées et en même temps utilisées par certains,...

M. Claude Domeizel. Languedoc-Roussillon, Bourgogne, Provence-Alpes-Côte d'Azur !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. ... on sait bien pourquoi on veut permettre à ce parti d'accéder au second tour !

Un sénateur de l'UMP. Exact !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Il ne faut pas nous prendre pour des niais ! Nous avons compris qu'il s'agit d'une instrumentalisation ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Tel était l'objet de la loi de 1999 : permettre que, à droite, le Front national soit l'arbitre de la situation. C'était votre objectif en 1999, et c'est là ce que vous appelez de la clarté et de la vertu ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Jean-Claude Carle. Absolument !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Nous n'avons pas voulu maintenir un tel dispositif. Nous avons souhaité que les personnalités de droite tentées par ce type d'alliance ne puissent en conclure sans que le corps électoral ait la possibilité de les sanctionner. C'est donc bien là un élément de moralisation de la vie politique, au rebours du mécanisme de la loi de 1999, qui tendait à favoriser le recours à des procédés tout à fait douteux.

Enfin, je voudrais remercier la commission. Elle a travaillé avec beaucoup de patience, notamment son rapporteur, M. Gélard, qui, une fois de plus, a fait la preuve de sa science juridique. (Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.) Celle-ci s'est révélée très utile, et même assez confortable pour le Gouvernement, car M. Gélard a trouvé en toutes circonstances des arguments juridiques très pertinents, y compris lorsque les amendements étaient « intelligents » : M. Gélard savait alors percevoir les conséquences de cette « intelligence », et parfois même de l'habileté tacticienne qui sous-tendait cette dernière. Qu'il soit remercié de son apport à nos débats.

J'adresse aussi mes remerciements à M. le président de la commission, qui a su préparer nos travaux avec le talent et l'esprit démocratique et de conciliation qui le caractérisent. De ce fait, ce débat a pu se dérouler dans de bonnes conditions.

J'adresse enfin mes remerciements à la majorité sénatoriale (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC), cette majorité tant décriée, tant moquée (« Silence ! » sur les travées du groupe socialiste),...

Mme Nicole Borvo. Les bons points !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. ... qui a eu la patience, que j'admire et dont je ne suis pas toujours capable, d'endurer les quolibets et les méchancetés de l'opposition (Protestations et rires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC), de supporter sa condescendance !

Mme Nicole Borvo. C'est scandaleux, monsieur le ministre !

M. Claude Domeizel. Le débat ne demande pas de la patience !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. La majorité sénatoriale a fait preuve d'esprit de responsabilité, alors que jamais les hommes politiques ne sont aussi passionnés que lorsqu'il s'agit de leur vie quotidienne. Or les modes de scrutin, c'est un peu notre pain quotidien. Par conséquent, les uns et les autres, nous nous laissons entraîner très facilement par la passion, mais, du côté droit de l'hémicycle, on a su comprendre qu'il ne fallait pas céder à la polémique, car une escalade aurait pu être dangereuse pour le débat démocratique.

La longanimité et la sagesse qu'a montré la majorité sénatoriale ont permis de donner une excellente tenue à ces débats, qui en outre ont été présidés, au fil des jours, avec beaucoup de finesse, de respect et de tolérance.

En conclusion, c'est le temps qui jugera ce texte si décrié. S'agissant du bipartisme, je serais curieux de voir, lorsque nous aurons perdu la majorité - cela arrivera, je l'espère, dans un temps très lointain ! -, si ceux qui le critiquent aujourd'hui entreprendront de le changer ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE).

M. le président. Mes chers collègues, ainsi s'achève un débat qui a duré quarante heures, et auquel chacun a participé avec compétence, persévérance et volonté.

M. Paul Raoult. A gauche ! Pas à l'UMP !

Monsieur le président. J'adresse donc mes remerciements aux uns et aux autres pour avoir animé ce débat avec sérieux et courtoisie. Nous avons accompli ensemble notre travail de législateur, chacun selon son tempérament et ses références.

Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)136320315158172143 Le Sénat a adopté définitivement. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'élection des conseillers régionaux et des représentants au Parlement européen ainsi qu'à l'aide publique aux partis politiques