PRÉSIDENCE DE M. ADRIEN GOUTEYRON

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi de programme pour l'outre-mer
Discussion générale (suite)

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COMMUNICATION RELATIVE

À UNE COMMISSION MIXTE PARITAIRE

M. le président. J'informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant diverses dispositions relatives à l'urbanisme, à l'habitation et à la construction est parvenue à l'adoption d'un texte commun.

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OUTRE-MER

Suite de la discussion d'un projet

de loi de programme déclaré d'urgence

Discussion générale (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de programme pour l'outre-mer
Discussion générale (interruption de la discussion)

M. le président. Nous reprenons la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi de programme pour l'outre-mer.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Anne-Marie Payet.

Mme Anne-Marie Payet. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ce projet de loi de programme pour l'outre-mer, qui s'articule autour de trois axes majeurs - la création d'emplois, la relance de l'investissement privé et la continuité territoriale - répond aux attentes des Réunionnais et concrétise les engagements de M. Chirac annoncés pendant la campagne de l'élection présidentielle.

L'exonération des cotisations patronales a démontré son effet bénéfique sur l'emploi salarié dans les DOM, qui a augmenté de 4,2 % entre 2000 et 2001.

Cette mesure, qui est reconduite, tout en supprimant les effets pervers de la loi d'orientation pour l'outre-mer, insufflera une nouvelle énergie, tant aux secteurs particulièrement exposés à la concurrence, comme l'hôtellerie et le tourisme, qu'à ceux qui subissent les contraintes liées à l'insularité et à l'éloignement. Ce sont des exonérations importantes, parfois totales, qui leur seront accordées, dans la limite d'un certain seuil de salaire. Aucun secteur n'a été délaissé.

Le bâtiment, qui reste le premier secteur de l'artisanat en nombre d'entreprises et en nombre d'emplois avec un accroissement des effectifs de plus de 12 %, se voit consentir une exonération totale de cotisations patronales dans la limite de 1,3 SMIC pour toutes ses entreprises de cinquante salariés au plus. Ce seuil était de dix salariés avec le dispositif mis en place par la loi d'orientation pour l'outre-mer. C'est une belle avancée pour ce secteur dont la fédération mène une action depuis plus de trois ans pour lutter contre le travail illégal.

Cependant, pour éviter les effets de seuil qui entraîneraient une atomisation certaine des entreprises, celles-ci préfèreraient renoncer à l'exonération totale jusqu'à cinquante salariés et bénéficier d'une exonération à 70 % pour toutes celles comptant plus de dix salariés.

Au moment où elles doivent être en mesure de faire face aux grands travaux programmés, notamment la « route des Tamarins » ou le projet « Tram train », et de relever le défi de construire neuf mille logements par an jusqu'en 2020, il convient de les encouragre à se développer et à accroître leur technicité.

J'approuve votre décision, madame la ministre, de procéder à une évaluation périodique de l'effet de ces mesures. Un tel dispositif est nécessaire, afin de pouvoir les réorienter en cas de besoin.

Je salue également votre volonté de développer la création d'emplois dans le secteur marchand. En effet, le projet de loi donne un véritable cadre législatif aux activités du service militaire adapté, le SMA, au cours duquel les jeunes reçoivent une formation professionnelle de qualité. Il faut savoir que, dans certaines filières, plus de 90 % des jeunes trouvent un emploi à l'issue de leur formation.

Par ailleurs, ce texte incite fortement les entreprises à embaucher des bénéficiaires du revenu minimum d'insertion dans le cadre des contrats d'accès à l'emploi en rendant ce dispositif plus attractif pour le nouveau salarié. Cette mesure me paraît essentielle dans la mesure où l'emploi est infiniment plus valorisé que l'inactivité et l'assistanat.

Les personnes concernées représentent 18 % de la population globale des DOM et 20 % de la population réunionnaise, contre 3 % en métropole. Cela ne signifie pas que nous manquons de dynamisme économique. L'économie réunionnaise est dynamique : elle créée plus de quatre mille emplois par an, chiffre supérieur à la moyenne métropolitaine. Néanmoins, en raison d'une forte pression démographique - plus de sept mille personnes arrivent sur le marché du travail chaque année -, nous ne pouvons absorber la demande.

Grâce à la décentralisation, qui confie au département la gestion du revenu minimum d'insertion, transformé en revenu minimum d'activité, et à la forte implication des entreprises privées, l'intégration des jeunes s'en trouvera facilitée.

De même, les nouvelles mesures concernant le congé-solidarité permettront aux bénéficiaires du dispositif des emplois-jeunes en fin de contrat de ne pas se retrouver dans la spirale du chômage. Toutefois, je pense que des garanties locales peuvent se substituer aux garanties d'assurances s'agissant de l'étalement du paiement de la quote-part des entreprises sur cinq ans.

Enfin, la politique menée par le conseil général en vue de favoriser la réussite des élèves et de contribuer à leur épanouissement - en particulier ceux qui sont en difficulté - par le biais d'activités culturelles, sportives ou artistiques, par l'apprentissage, l'enseignement technique ou encore la découverte d'un métier manuel, a porté ses fruits. Le collège de la vocation connaît un vif succès : tous les collèges de l'île s'y sont inscrits pour l'année 2003. Il est vrai que le conseil général des jeunes constitue un véritable outil de dynamisation des collégiens. Madame la ministre, en proposant d'étendre ce genre d'expérience, vous avez bien vu l'intérêt d'un tel dispositif, qui réconcilie les jeunes avec les enseignements qui leur sont dispensés.

Notre jeunesse, comme le répète souvent mon collègue Jean-Paul Virapoullé, constitue une véritable richesse et nous avons le devoir de tout mettre en oeuvre pour lui offrir un avenir meilleur ; vous l'avez vous-même souligné tout à l'heure, madame la ministre.

La défiscalisation constitue le deuxième axe de ce projet de loi. Les mesures d'incitation fiscale que vous proposez sont intéressantes pour l'économie des départements d'outre-mer : elles garantissent un cadre stabilisé sur quinze ans ; les conditions d'éligibilité sont élargies ; les taux sont majorés ; enfin, elles permettent d'étaler la défiscalisation sur dix ans pour les propriétaires occupant leur logement.

Par ailleurs, pour la première fois, madame la ministre, le principe de la continuité territoriale est affirmé en ce qui concerne l'outre-mer, ce qui répond à une attente forte des Réunionnais. Les allégements de charges sociales dont bénéficieront les compagnies aériennes desservant l'outre-mer, d'une part, et les dotations qui seront versées à chaque région, d'autres part, ont pour objet de réduire le handicap de la distance avec la métropole. Ce dossier constitue l'une de vos priorités. Dès le lendemain des élections présidentielles, vous avez instauré le passeport mobilité, première concrétisation de vos engagements en la matière. Il conviendrait cependant, en concertation avec les collectivités régionales et conformément à la législation européenne, de réduire le coût des intrants destinés à des transformations sur place, ainsi que les coûts d'expédition des produits manufacturés localement.

Mais la politique du Gouvernement ne se résume pas à ce projet de loi de programme : d'autres actions seront menées hors du cadre législatif, ainsi que vous l'avez précisé cet après-midi, madame la ministre.

Ainsi, le projet de loi de programme pour l'outre-mer a le mérite de répondre, de façon pertinente, à des attentes importantes de la population ultramarine et d'ouvrir le dossier de l'outre-mer, même si, comme l'a souligné à juste titre mon collègue Jean-Jacques Hyest, les restrictions budgétaires actuelles invitent à la mesure.

Vous l'aurez compris, mes chers collègues, le groupe de l'Union centriste votera le projet de loi qui nous est soumis. Il me reste à féliciter les commissions des finances, des affaires sociales et des affaires économiques, M. du Luart, rapporteur, ainsi que Mme Létard et M. Soulage, rapporteurs pour avis, de leur excellent travail. (Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Georges Othily.

M. Georges Othily. Madame la ministre, le projet de loi de programme que vous proposez permettra le développement économique de l'outre-mer. Cependant, certains des amendements que nous proposerons devront être adoptés.

M. Simon Loueckhote. Ah !

M. Georges Othily. Vous n'ignorez pas que, dans l'outre-mer français, il y a des pays qui ne sont pas encore préparés pour que votre projet de loi trouve son application ; la Guyane en est l'exemple le plus étonnant.

En effet, la Guyane, comme vous le savez, c'est l'immigration sauvage, avec plus de cent trente-quatre nationalités recensées. C'est aussi l'exportation des prestations sociales dans les pays d'origine, qui se chiffre par milliards et qui ne contribue pas à son développement économique. La Guyane, c'est encore l'insécurité sociale. C'est l'insécurité pour les citoyens. C'est la violence engendrée par la délinquance sud-américaine, qui connaît en ce moment une explosion.

La Guyane, c'est le pays enclavé. Ce sont aussi les fonctionnaires des Antilles et de la Guyane partant à la retraite et qui, à la différence des fonctionnaires réunionnais, perdent 75 % de leur salaire. Il vous appartient de mettre fin à cette discrimination, madame la ministre.

Avec ce constat, vous avez tous les ingrédients qui font de la Guyane l'exemple même de l'échec de la colonisation, de la départementalisation et de la décentralisation.

Vous avez décidé, après de multiples concertations avec les élus et les socioprofessionnels, de proposer aux pays d'outre-mer un dispositif particulier pour une période de quinze ans, qui devrait permettre de favoriser le développement économique.

Nous savons aussi que le Président de la République attache de l'importance à l'aménagement du territoire au moment où la décentralisation va franchir une étape nouvelle et décisive. Il a fort opportunément mis l'accent sur les liens qui unissent ces deux politiques. Cependant, stimuler l'initiative des collectivités locales en développant leurs compétences et en renforçant leur autonomie ne suffira ni à assurer le minimum d'égalité territoriale à laquelle les Français et les Guyanais aspirent ni à combler le retard de la Guyane.

Malheureusement, votre texte arrive aujourd'hui dans un contexte difficile sur le plan financier, mais différent après la révision du titre XII de la Constitution, qui donne de nouvelles possibilités aux collectivités d'outre-mer en application de l'article 73 de la Constitution.

Cependant, il est bon de rappeler que, depuis 1952, l'outre-mer bénéficie d'un système fiscal à l'investissement, qui a d'abord pris la forme de bénéfice sous condition de réemploi, puis, à partir de 1980, d'un dispositif de défiscalisation proprement dit.

Aucun de ces dispositifs n'a permis aux pays d'outre-mer, jusqu'à aujourd'hui, de connaître un développement.

Pourquoi ? Depuis des années, tous les gouvernements qui se sont succédé persistent dans l'erreur. Ils s'entêtent à mesurer le dynamisme économique et social de l'outre-mer en retenant deux indicateurs : le niveau du produit intérieur brut par habitant par rapport à la moyenne communautaire et l'évolution du taux de chômage.

L'erreur est que la départementalisation de 1946 avait mis en place un système social avant que la départementalisation économique ne soit réalisée.

Pour la Guyane, à la faiblesse de la population, laissez-moi vous dire que nous opposons l'immensité du territoire, l'importance de la surface maritime, des potentialités économiques sans commune mesure avec le reste de l'outre-mer.

Comment, dès lors, ne pas avoir, à notre âge, de l'enthousiasme pour relever le défi du développement de notre pays que vous nous proposez ?

Les dispositions contenues dans ce projet de loi de programme seront favorables à l'environnement géographique des îles, mais elles ne paraissent pas suffisamment adaptées à l'environnement géographique et physique guyanais.

Tant que la Guyane sera rattachée aux régions d'outre-mer et tant qu'il n'y aura pas une loi spécifique pour son développement économique, il ne pourra y avoir de véritable développement de cette région.

Sans maîtrise du foncier et sans espaces aménagés, pas d'installation d'entreprises. Sans formations suffisantes pour la jeunesse, pas d'emploi satisfaits. Sans un système de santé assaini et rénové, pas de développement pour la Guyane.

Cependant, le projet de loi que vous nous proposez me semble perfectible et, au cours de ces quelques heures de débat, nous le rendrons plus performant, de sorte que nous puissions dire, en 2018, que notre génération a gagné le pari du développement !

Vous retenez deux axes forts : le tourisme et l'emploi. Cela peut convenir aux îles d'outre-mer. Pour la Guyane continentale, les priorités me paraissent être plutôt les infrastructures pour le désenclavement, l'agriculture, la forêt, la pêche, les mines, la santé...

Aussi j'apprécierais que vous nous donniez votre sentiment sur l'application du dispositif Sofipêche, qui permet aux personnes physiques de déduire de leur revenu net global le montant des souscriptions au capital de ces sociétés dans une certaine limite.

Pour les mesures en faveur du logement, il faut aller plus loin dans vos propositions et, par exemple, permettre aux associations gestionnaires des établissements sociaux et médico-sociaux des DOM de bénéficier d'aides de l'Etat pour financer les résidences sociales pour personnes âgées ainsi que leur rénovation et leur réhabilitation.

Il devrait en être de même pour la réalisation de foyers d'étudiants, ainsi que pour la diversification des aides à l'amélioration de l'habitat.

Avez-vous, madame la ministre, envisagé, avec votre collègue du ministère des finances et du budget, la rédaction d'un décret pour permettre d'atteindre cet objectif ?

Nous déposerons aussi d'autres amendements pour ouvrir les droits à l'exonération de 100 % du montant des cotisations patronales afférentes aux salaires et rémunérations dans le secteur du BTP.

Nous voulons également étendre l'application de la TVA réduite aux missions de maîtrise d'ouvrage déléguée et de maîtrise d'oeuvre, et ramener à vingt ans l'âge des logements pouvant bénéficier des mesures de défiscalisation pour des travaux de réhabilitation, compte tenu des conditions climatiques outre-mer, singulièrement en Guyane.

Le fonds régional pour le développement et l'emploi, que M. Virapoullé a évoqué, part d'une bonne idée. Mais l'utilisation de l'octroi de mer, normalement réservé aux communes, par une autre collectivité crée une situation de tutelle. Il nous faut envisager une modification sur ce point.

Pour ce qui concerne le titre VI relatif à la continuité territoriale, il n'y a aucune similitude avec la continuité territoriale entre la France continentale et la Corse.

Cependant, pour la Guyane, madame la ministre, la continuité territoriale, ce n'est pas Matoury-Orly, c'est aussi Cayenne et tout le reste de la Guyane !

En Corse, pour 280 000 habitants, 162 millions d'euros sont versés par l'Etat au titre de la continuité territoriale. L'outre-mer, avec un peu plus d'un million d'habitants, reçoit 30 millions d'euros : soit il faut faire un effort important, soit il faut éviter de poursuivre la discrimination entre Français.

Quant à l'actualisation du droit de l'outre-mer, vous proposez pour la Guyane de prendre par ordonnance des dispositions pour le droit domanial, foncier et forestier. Il manquait à la Guyane une législation pour les ports et les transports fluviaux. Je déposerai un amendement dans ce sens, afin que, par ordonnance, nous puissions avoir un dispositif juridique adapté.

Vous avez aujourd'hui, madame la ministre, acquis l'intime conviction que les Guyanais attachent une importance capitale au problème foncier : il faut une véritable loi foncière pour la Guyane.

Pour le code forestier, quelles dispositions entendez-vous prendre par ordonnance ? En 1999, j'avais déposé une proposition de loi pour la gestion de la forêt guyanaise. J'ose espérer qu'avec vous, madame la ministre, elle pourrait aboutir.

Vous connaissez la situation sanitaire de la Guyane. Les dispositions que vous proposez pour la réhabilitation et la rénovation de l'outre-mer pourraient être aussi étendues aux cliniques privées.

Madame la ministre, les réponses que vous nous apporterez au cours de ce débat nous conforteront dans le choix que nous avons fait d'améliorer votre texte, de le soutenir, pour que, dans l'exception territoriale, l'outre-mer français soit un atout pour la France et un exemple pour le reste du monde. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur celles de l'Union centriste et de l'UMP.)

M. le président. La parole à M. Claude Lise.

M. Claude Lise. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l'annonce faite, depuis plus d'un an déjà, de l'élaboration, comme prévu dans le programme du Président de la République, d'une loi de programme pour l'outre-mer n'a évidemment pas manqué de susciter une très forte attente dans les départements d'outre-mer.

L'attente était à la mesure des difficultés économiques que connaissent ces départements, à la mesure aussi de l'importance des taux de chômage et de sous-emploi qu'on y trouve encore, avec le cortège de situations sociales insupportables qui en découle. Une attente à la mesure également, il faut bien le dire, des vertus exceptionnelles dont semblait, de prime abord, parée cette loi.

On se souvient de l'engagement du Président de la République pendant la campagne présidentielle : « Après l'égalité sociale, mon objectif est l'égalité économique grâce à un modèle de développement mis en oeuvre par une grande loi de programme présentée au Parlement en 2002. » Egalité économique, modèle de développement, grande loi de programme en 2002 ? La réalité, vous en conviendrez, n'est pas à la hauteur de la grande ambition ainsi affichée !

Il a fallu revoir l'échéance 2002 fixée pour le débat parlementaire et, du même coup, pour l'entrée en application de la loi. Mais, surtout, ce qui frappe tout observateur un tant soit peu objectif, c'est que l'on est en présence d'un dispositif législatif qui ne brille pas tellement par l'originalité !

Il ne s'agit manifestement, pour l'essentiel, que de réaménagements de la loi d'orientation pour l'outre-mer et de la loi de défiscalisation, dite « loi Paul », votées sur l'initiative du gouvernement précédent.

Le Conseil économique et social n'a pas manqué de souligner ce point dans l'avis qu'il a rendu à la suite de sa saisine. Il considère, en effet, que le texte « s'inscrit dans le prolongement des mesures antérieures, spécialement de la LOOM » et qu'en matière de défiscalisation « le projet de loi procède à des correctifs, mais à la marge, des dispositifs hérités de la législature précédente ».

La commission des finances fait, à son tour, un constat assez proche, puisqu'on lit, sous la plume du rapporteur, M. du Luart, que « les dispositions de ce projet de loi, dans l'ensemble, restent dans la logique instaurée précédemment ». Une logique qui ne semblait pourtant pas partagée - est-il besoin de le rappeler ? - par l'opposition de l'époque !

Il serait d'ailleurs édifiant, au regard de ce qui nous est proposé aujourd'hui, de relire les critiques virulentes qui étaient faites sur le volet économique et social de la loi d'orientation ! On a pu, d'ailleurs, en percevoir encore quelques échos tout à l'heure.

Il est en tout cas on ne peut plus édifiant de comparer les quelques améliorations apportées actuellement à ce dispositif à l'ampleur du saut qualitatif et quantitatif que représentait le passage de la loi Perben - que d'aucuns, d'ailleurs, persistent à prendre comme seule référence - à la loi d'orientation.

Car enfin, tout de même, le passage de l'une à l'autre loi, s'agissant du volet relatif à l'exonération des charges patronales, s'est traduit par un effort budgétaire annuel multiplié par quatre ! Je dis bien par quatre, mes chers collègues !

Cet effort correspond à des avancées tout à fait remarquables pour les entreprises, puisqu'elles étaient destinées à accroître notablement l'attractivité des mesures d'exonération. Il en va ainsi du relèvement du plafond des salaires exonérés de 30 %, et ce, désormais, sans condition d'être à jour de ses cotisations, contrainte qui réduisait singulièrement le nombre d'entreprises effectivement éligibles auparavant.

Cet effort budgétaire correspond surtout à un élargissement considérable du champ des secteurs éligibles, avec la prise en compte, notamment, et quel que soit le nombre de salariés, des secteurs du tourisme, des énergies renouvelables, des nouvelles technologies de l'information et de la communication, les NTIC, de la conchyliculture et du bâtiment et des travaux publics, mais avec la prise en compte aussi de tous les autres secteurs, y compris le secteur associatif et les professions libérales, dans la limite de dix salariés. Je crois qu'il faut de temps en temps le rappeler. Nous étions tout de même passés à une autre dimension !

Les résultats sont d'ailleurs patents, puisque l'emploi salarié a augmenté de plus de 4 % dans les départements d'outre-mer et à Saint-Pierre-et-Miquelon entre 2000 et 2001, alors même que l'application des mesures s'est échelonnée tout au long de l'année 2001 ; nous savons que d'aucuns ont d'ailleurs tout fait pour ralentir l'application de certains dispositifs et éviter qu'on les utilise. Pour la seule Martinique, cela s'est traduit par une baisse de deux points du taux de chômage, qui est passé de 26 % à 24 %.

On prend, du coup, la mesure de l'aveuglement et du sectarisme dont ont été animés ceux qui ont combattu sans relâche un dispositif législatif qui ne prétendait aucunement constituer une panacée mais qui, à l'évidence, tranchait par rapport à tout ce qui avait été faitjusqu'alors, non seulement par l'ampleur des mesures visant la création d'activité et d'emplois, mais surtout par la volonté d'aborder dans une vision d'ensemble questions économiques, questions sociales et questions institutionnelles.

Il s'agit là d'un comportement que, bien entendu, je n'entends pas, pour ma part, adopter.

J'éprouve, vous l'aurez compris, madame la ministre, une réelle déception, une déception partagée par beaucoup, d'ailleurs, dans mon département. Cela ne signifie par pour autant que je sous-estime les aspects positifs de votre projet de loi, et il y en a, bien sûr.

La déception dont je fais état provient, en fait, pour une bonne part, du trop grand décalage qui existe entre ce que certains effets d'annonce avaient fait espérer et ce qu'une analyse du texte soumis à notre approbation permet raisonnablement d'attendre.

J'aurais, je vous l'assure, préféré vous voir présenter un projet d'une autre envergure, mais il aurait fallu pour cela, en plus, bien sûr, d'une réelle volonté politique, prendre le temps de la concertation et le temps de l'évaluation des mesures existantes.

La concertation à laquelle vous avez procédé ne pouvait suffire, dès lors qu'il était question d'une grande loi de programme visant, si j'en crois le Président de la République, à la mise en oeuvre d'un nouveaux modèle de développement.

Cette concertation n'a malheureusement pas connu l'ampleur de celle qui a précédé et accompagné l'élaboration de la loi d'orientation. Elle n'a pas suffisamment cherché à mobiliser localement les forces vives, elle a été menée au pas de charge, comme si, pour l'essentiel, les experts du Gouvernement savaient déjà parfaitement - comme d'habitude- ce qu'il convenait de faire !

Le mode de consultation des assemblées locales s'est révélé tout à fait significatif à cet égard, puisque c'est la procédure d'urgence qui a été utilisée. Le conseil général de Martinique a ainsi eu moins de dix jours pour étudier le texte du projet de loi en commissions, procéder aux indispensables auditions de socioprofessionnels et tenir une séance plénière afin de formuler un avis.

Je le sais, vous allez m'objecter que la volonté du Gouvernement a été de mettre en oeuvre le plus rapidement possible des mesures favorables au développement économique. Certes, mais, de toute façon, le temps minimal d'élaboration d'une loi de programme ne nous permettant pas d'envisager que ce texte puisse porter effet avant 2004, n'aurait-il pas été plus judicieux de faire voter, l'année dernière, un dispositif législatif intermédiaire - beaucoup plus léger - portant effet, lui, dès cette année 2003 ? Cela aurait permis de consacrer un peu plus de temps à la préparation d'une authentique grande loi de programme conçue non seulement avec la préoccupation de la durée, mais aussi et surtout avec celle de la définition d'une stratégie globale de développement, une stratégie globale vraiment réfléchie, c'est-à-dire dégagée de la pensée unique qui laisse entendre qu'outre-mer on ne pourrait trouver d'autres leviers de développement économique que celui des allégements de charges patronales et, surtout, celui de la défiscalisation.

En attendant, nous aurions pu tirer bénéfice du dispositif transitoire ciblé, lui, sur l'amélioration d'un certain nombre de dispositifs en vigueur et dont l'impact sur l'activité et l'emploi ne fait pas de doute.

On voit évidemment tout l'intérêt qu'il y aurait eu à procéder auparavant à une évaluation de la LOOM, évaluation d'ailleurs prévue à l'article 74 de cette loi, mais qui suppose que l'on se décide enfin à réunir la commission prévue à cet effet, et dont les membres ont pourtant déjà été désignés.

Cela aurait permis, bien sûr, de procéder plus rapidement à un renforcement des mesures d'allégement de charges sociales dans certains secteurs d'activité, mais cela aurait permis aussi de prendre en compte tout l'intérêt d'une attractivité accrue de mesures telles que le projet initiative jeunes, le PIJ, ou le congé-solidarité. A titre indicatif, en Martinique, 507 salariés ont déjà bénéficié du congé-solidarité et 571 entreprises ont été créées dans le cadre du PIJ.

Le dispositif législatif transitoire aurait pu comporter, par ailleurs, quelques mesures manifestement urgentes à mettre en oeuvre pour corriger certains effets négatifs, apparus à l'usage, de l'actuelle loi de défiscalisation : la « détunnellisation » pour le secteur hôtelier aurait déjà été opérée.

Enfin, le même dispositif législatif transitoire aurait pu comporter quelques mesures d'urgence en faveur d'un renforcement des capacités financières des collectivités locales d'outre-mer. Ces dernières, malgré la faiblesse de leurs ressources, doivent faire face, on le sait, à des contraintes spécifiques et sont obligées de s'impliquer très fortement tant dans les politiques sociales que dans les politiques de développement qui doivent être menées localement.

Cela étant, vous avez, madame la ministre, fait un autre choix. Un choix que l'on ne peut, par conséquent, que prendre en compte. Il ne me reste donc plus qu'à vous faire part des réflexions que m'inspirent les principales dispositions contenues dans le projet de loi avec, pour principal objectif, de l'améliorer.

Le titre Ier regroupe une série de mesures visant à améliorer le dispositif d'allégements de charges en vigueur et qui ne peuvent évidemment qu'avoir des effets bénéfiques pour les entreprises concernées.

Je me félicite particulièrement de la suppression, pour les entreprises du BTP comptant jusqu'à cinquante salariés, de l'abattement de 50 % qui leur était appliqué. Cela contribuera, sans nul doute, à redynamiser un secteur en crise, dont le potentiel de création d'emplois est très important, à condition, toutefois, que soient prises, concomitamment, les mesures de soutien aux collectivités locales qui sont, ne l'oublions pas, les principaux donneurs d'ordre dans ce secteur.

Je me félicite également du relèvement du plafond des salaires bénéficiant d'une exonération à hauteur de 1,4 SMIC pour les entreprises des secteurs productifs et de 1,5 SMIC pour les secteurs de l'hôtellerie et du tourisme en faveur desquels, il faut consentir, nous le savons, un effort important !

Je considère cependant, madame la ministre, qu'il est nécessaire d'étendre le régime d'exonération aux activités culturelles, sportives et de loisir liées au tourisme. Elles conditionnent en effet, pour une bonne part, l'attractivité de ce secteur soumis à la forte concurrence des pays voisins.

Quant à la suppression de l'effet de seuil concernant les entreprises exonérées dans la limite de dix salariés, je tiens à souligner, tout en reconnaissant qu'elle peut s'avérer utile, qu'il convient de relativiser son impact réel. Je rappelle, en effet, que 94,8 % des entreprises dans les DOM ont moins de dix salariés et qu'en Martinique, chiffre encore plus éloquent, 96 % de ces entreprises de moins de dix salariés sont en fait des entreprises de cinq salariés et moins, y compris celles qui n'en ont pas du tout. Cela ne concerne pas un très grand nombre d'entreprises. En tout état de cause, cette mesure n'est pas mauvaise et je n'y suis pas hostile.

Le titre Ier propose également des incitations à l'embauche des jeunes diplômés et des emplois-jeunes qui m'apparaissent bonnes, tout comme le renforcement de l'allocation de retour à l'activité, l'ARA, pour les allocataires du RMI.

En revanche, et compte tenu de ce que j'ai eu l'occasion d'évoquer précédemment, l'aménagement proposé pour le congé-solidarité m'apparaît insuffisant. Le dispositif peut devenir beaucoup plus attractif, mais cela suppose un aménagement plus favorable du régime fiscal et social de l'indemnité de départ et la révision du plafond de référence pour le calcul de cette indemnité.

Je regrette, par ailleurs, que rien ne soit prévu pour renforcer le dispositif du projet initiative jeunes, le PIJ.

J'ai indiqué tout à l'heure le nombre d'entreprises qui avaient été créées dans ce cadre. Je pense que l'on peut renforcer ce dispositif en termes de facilitation des procédures, de meilleure adaptation de l'aide au titre d'entreprises créées et aux secteurs d'activité dans lesquels ces entreprises envisagent d'opérer, ainsi qu'en termes d'accompagnement pendant une certaine période, sur la gestion notamment.

Le titre II est consacré à la défiscalisation. La volonté d'inscrire le nouveau dispositif dans la durée constitue un point positif. Le risque n'est pas pour autant réellement levé de voir le Parlement y apporter des modifications à l'occasion du vote annuel de la loi de finances. Il ne sera peut être levé qu'à l'horizon 2006, lors de l'entrée en vigueur de la réforme de la procédure budgétaire. Mais il vaut mieux, pour l'affichage, mettre en avant la durée de quinze ans.

S'agissant du volet logement du dispositif de défiscalisation, je me félicite de voir prise en compte la réhabilitation de logements existants. Mais, en réalité, la mesure n'aura d'effets réels que si le seuil des quarante ans est abaissé à vingt ans, pour tenir compte des conditions dans lesquelles se dégradent les bâtiments en milieu tropical humide.

Par ailleurs, il serait intéressant d'étendre l'aide aux travaux de réhabilitation d'immeubles destinés, après travaux, à être affectés aux logements.

Une autre mesure positive voit sa portée réduite par une mesure négative. Il s'agit du relèvement des taux de la réduction d'impôt en cas d'investissements dans des logements destinés à être loués. Il est contrebalancé, en effet, par l'extension à tous les investissements en logements, y compris ceux qui sont destinés à être loués, du système de plafond exprimé en prix au mètre carré de surface habitable.

Qui plus est, le plafond retenu ne tient pas compte des variations de prix selon les zones. Il risque, par ailleurs, d'inciter à réaliser des constructions locatives de qualité médiocre. Enfin, il ne prend pas en compte les surfaces à usage de terrasses ou de balcons.

S'agissant maintenant de l'aide fiscale aux investissements d'entreprises, la méthode consistant à énumérer des exceptions, puis à apporter des exceptions à ces exceptions ne contribue évidemment pas à la clarté du texte. Cela dit, je ne peux que déplorer les conditions dans lesquelles nous sommes amenés à nous prononcer sur les secteurs à aider et ceux à exclure : d'abord, parce que nous ne disposons pas d'éléments d'appréciation suffisants ; ensuite, parce que l'on peut difficilement admettre qu'une même mesure puisse convenir à la grande diversité de situations que l'on connaît outre-mer.

Je me contenterai donc de souligner les points suivants.

Premièrement, tout le monde semble s'accorder sur l'intérêt des mesures renforçant l'aide fiscale dans certains secteurs, tels celui des énergies renouvelables ou celui de l'hôtellerie.

Toutefois, à propos de l'hôtellerie, si je considère volontiers qu'il est nécessaire d'augmenter le taux de réduction d'impôt et surtout de procéder à une suppression de la « tunnellisation », je regrette que ces avantages soient réservés uniquement à la réhabilitation d'hôtels. L'on me dit qu'en Martinique il n'est pas nécessaire de construire de nouveaux hôtels, mais l'on ne peut pas s'enfermer dans une règle aussi absolue.

Deuxièmement, je veux souligner le caractère discutable de la possibilité offerte aux investisseurs extérieurs de bénéficier d'un report sur six ans de l'excédent de réduction d'impôt avec remboursement in fine de l'éventuel solde positif. Un tel avantage aurait dû, selon moi, être réservé aux seuls investisseurs exploitants. Je crois qu'il y a là un abus.

Troisièmement, il me paraît nécessaire de faire bénéficier de la défiscalisation l'ensemble des restaurants de tourisme, et non les seuls « restaurants de tourisme classés » - d'ailleurs, je ne sais pas si cette terminologie est maintenue -, les services aux entreprises dans le secteur des activités liées au tourisme - hors jeux et casinos -, les activités de loisir liées au tourisme. Dans un tout autre domaine, je propose également que l'on prenne en compte les activités liées à l'accueil des personnes âgées dans nos pays, je pense notamment aux Antilles, où nous assistons à une prolongation de la durée de vie. Le nombre de personnes âgées augmente ainsi que tous les problèmes liés à leur accueil en établissement spécialisés.

Quatrièmement, il est nécessaire de prévoir, dans le cadre des procédures d'agrément, que les exécutifs locaux seront consultés pour avis. A une époque où il est tellement question d'avancée de la décentralisation, il n'est pas normal que les projets d'investissement ne soient appréciés que par les services centraux.

Le titre III regroupe des dispositions nouvelles en faveur du logement social. Elles ont bien sûr retenu - vous vous en doutez - toute mon attention, compte tenu de l'importance des besoins que les départements d'outre-mer connaissent dans ce domaine. En Martinique, plus de 11 000 demandes sont en instance. Malheureusement, leur financement me semble poser problème. Je ne peux, pour ma part, qu'attirer l'attention sur les conséquences de ces mesures pour la ligne budgétaire unique et le budget des collectivités locales.

Il me semble, par ailleurs, qu'il vaudrait mieux envisager une approche plus globale du problème du logement social, qui prenne notamment en compte la nécessité, maintes fois soulignée, de disposer de produits et d'aides financières adaptés. Il est également nécessaire de réformer un certain nombre de procédures complexes et inadaptées qui rendent très difficile la réalisation de logements évolutifs sociaux. L'année dernière, nous n'avons même pas pu en réaliser !

Le titre IV concerne les collectivités locales.

Je ne vous étonnerai pas, madame la ministre, en vous disant que je n'y vois pas ce que j'aurais aimé y trouver, à savoir de vraies mesures destinées à renforcer les capacités financières des collectivités locales d'outre-mer.

Mme Brigitte Girardin, ministre. Nous y travaillons.

M. Claude Lise. Bien sûr, il y a des projets, mais ils sont à venir.

Je note simplement, au milieu de diverses dispositions dont, à vrai dire, je ne perçois pas très bien l'intérêt ni la portée, une mesure positive, mais temporaire, destinée à aider les communes à procéder au recensement de leurs bases fiscales.

Par ailleurs, je m'interroge sur l'opportunité de procéder à une nouvelle création des offices départementaux de l'eau. Peut-être pourrez-vous m'en expliquer les raisons. Je préside, pour ma part, depuis l'année dernière, l'office départemental de l'eau de la Martinique. J'aimerais bien savoir en quoi consiste cette « recréation ».

Le titre V vise à renforcer la continuité territoriale entre les collectivités d'outre-mer et la métropole. L'intention affichée est évidemment fort louable. On ne peut que s'en féliciter. Mais, là encore, je m'interroge sur les conditions réelles de financement et je note, non sans inquiétude, que, dans l'exposé des motifs du projet de loi, il est clairement indiqué que la dotation de l'Etat s'ajoutera au concours des collectivités locales. Je me demande toutefois, compte tenu de l'état actuel des finances de ces collectivités locales, quels moyens supplémentaires l'Etat va pouvoir avancer.

Enfin, le titre VI a, lui, pour objet d'habiliter le Gouvernement à prendre par ordonnance, diverses mesures destinées à clarifier le droit applicable outre-mer. Je me contenterai de souhaiter que le Gouvernement ait à coeur de consulter les assemblées locales dans des délais leur permettant un examen réel des textes qui leur seront soumis. Tous les élus réclament en permanence de tels délais, mais, en la circonstance, compte tenu du nombre important d'ordonnances, il est essentiel que nous puissions en discuter en connaissance de cause. Je souhaite bien entendu que le Gouvernement tienne compte le plus possible des avis qui lui seront donnés.

En conclusion, il m'est difficile de faire la balance entre les mesures que je ne peux qu'approuver et celles que je trouve contestables ou inacceptables. Mais le vrai problème n'est pas là. Le vrai problème est de savoir si ce projet de loi suscitera une dynamique permettant à l'outre-mer, en particulier aux départements d'outre-mer, d'emprunter enfin la voie du développement durable.

Pour ma part, je ne le crois pas. Ce projet de loi, je l'ai déjà dit, n'est pas à la hauteur de son ambition initiale. Il ne met en effet en oeuvre que des leviers très classiques, auxquels nous sommes habitués, le principal étant manifestement pour vous celui de la défiscalisation, leviers dont on peut certes attendre, une fois de plus, un effet de relance à court et à moyen terme, mais dont les effets à long terme sont loin d'être prouvés.

Il reste en réalité à concevoir une vraie stratégie globale de développement durable pour l'outre-mer. Mais cela suppose que l'on se décide vraiment à appréhender l'outre-mer autrement et dans toute sa diversité. Cela suppose surtout que l'on accepte de privilégier l'écoute de ses élus et de l'ensemble de ses forces vives. Il devient vraiment urgent d'en prendre conscience. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud.

M. Thierry Foucaud. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, si l'on prend en compte les résultats des plus récents recensements de la population, ce sont deux millions d'habitants qui demeurent aujourd'hui dans les départements, territoires et collectivités d'outre-mer.

Cette donnée essentielle au débat nous permet d'apprécier en conséquence les attendus et les objectifs du présent projet de loi de programme ainsi que les moyens qu'il prévoit de mobiliser pour répondre aux multiples défis, qu'ils soient économiques, culturels, sociaux, éducatifs, etc., que doivent relever ces territoires.

Ma vision de ce projet est évidemment moins idyllique que celle de M. Virapoullé qui s'est exprimé au nom de l'UMP.

Il parlait de clarté et, en effet, soyons clairs : croit-on vraiment qu'avec un peu moins de 300 millions d'euros de dépenses nouvelles, c'est-à-dire plus ou moins 150 euros par habitant, on va répondre aux multiples questions aujourd'hui posées ?

Quand, de surcroît, une part importante de cette dépense nouvelle ne correspond en réalité qu'à une progression de dépenses fiscales déjà existantes, et pour lesquelles aucune étude d'impact, ni analyse d'efficacité, n'a encore été véritablement effectuée, on peut se permettre de douter de la portée réelle de cette loi de programme.

Tout se passe un peu comme si, dans la double perspective des élections régionales et des élections européennes de 2004, l'on avait voulu, à toute force, faire adopter un projet de loi, en procédant à quelques aménagements cosmétiques de l'existant, destiné à servir de programme électoral aux candidats investis par le gouvernement actuel.

Mais, dans le même temps, la pression des événements et des réalités sociales et économiques se fait sentir et nous appelle naturellement à d'autres choix que ceux qui sont aujourd'hui portés par ce projet de loi de programme.

Si l'on examine l'ensemble des paramètres qu'il s'agisse du taux de chômage - plus de 25 % - que connaissent la plupart des territoires et départements d'outre-mer, de la situation économique générale, et, entre autres, de la dégradation des échanges commerciaux, mais aussi de la situation sociale, par exemple, le nombre de RMIstes est six fois plus élevé en outre-mer qu'en métropole - des retards du système de formation initiale, de l'insuffisante mobilisation des moyens financiers pour faire face aux exigences de développement des entreprises, on s'aperçoit que tout concourt à promouvoir des solutions autrement plus audacieuses que celles qui sont préconisées dans ce projet de loi de programme.

Celui-ci est de surcroît fondé sur un certain nombre d'attendus plus ou moins dogmatiques : il est notamment porteur de la croyance en une dynamisation des économies ultramarines par le secteur marchand.

Une telle orientation mériterait au moins d'être analysée au regard de la réalité vécue ces dix dernières années, notamment à travers la mise en oeuvre de la loi Pons ou de la loi Perben.

Ainsi, le développement de l'équipement touristique dans certains département d'outre-mer a montré ses limites : aujourd'hui, le présent projet de loi de programme nous invite à financer la réhabilitation d'un patrimoine hôtelier dont certains propriétaires ont négligé l'entretien, alors même qu'il est également victime des vicissitudes de captation de la clientèle, en particulier nord-américaine, par d'autres territoires.

M. Georges Othily. Par Cuba !

M. Thierry Foucaud. Bien sûr, il ne faut pas opposer l'emploi privé à l'emploi public.

Mais dans le même temps, le développement de l'emploi non marchand, et nous pensons en particulier aux emplois-jeunes, est bradé, brisé, jetant des milliers de personnes dans l'incertitude du lendemain.

Le projet de loi de programme est donc également victime des orientations de la politique gouvernementale de réduction de la dépense publique.

Malgré le retard des équipements, des dispositifs d'éducation et de formation notamment, qui nous dit que, demain, les départements et collectivités locales d'outre-mer ne seront pas victimes, comme les autres régions du pays, de la logique d'austérité qui prévaudra dans la politique de recrutement de la fonction publique ?

Nous estimons donc qu'il conviendrait pour le moins de maintenir et d'officialiser les emplois publics et de procéder à une véritable analyse prospective des besoins réels.

Les parlementaires du groupe communiste républicain et citoyen - mon collègue et ami Paul Vergès, sénateur et président du conseil régional de la Réunion, le soulignera - estiment donc nécessaire une profonde amélioration du texte qui est soumis aujourd'hui au Sénat, et ils ont d'ailleurs déposé des amendements en ce sens.

A défaut d'une véritable réécriture du projet de loi de programme, nous ne pourrons que nous prononcer contre son adoption. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à Mme Lucette Michaux-Chevry.

Mme Lucette Michaux-Chevry. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de loi de programme pour l'outre-mer que nous examinons repose sur une stratégie et une logique qui nous donnent des raisons d'espérer.

Il correspond à l'engagement de M. le Président de la République française dont on connaît l'attachement pour ces régions lointaines.

Il faut en effet rappeler qu'en 1986, alors qu'il était Premier ministre, M. le Président de la République avait impulsé une première loi de programme et, son corollaire, une loi de défiscalisation qui permit notamment l'abolition du monopole d'Air France et l'ouverture du ciel. De même, étaient lancées les premières mesures visant à finaliser l'égalité sociale, achevée en 1995.

Depuis, la loi Perben a fortement stimulé l'économie sociale.

Les différentes modifications apportées ensuite à ces deux grandes lois ont cependant eu pour conséquence de figer les dispositifs existants et d'affaiblir la confiance, nécessaire à tout investissement, particulièrement outre-mer.

Il est reproché à votre texte, madame la ministre, de ne pas être à la hauteur du projet du Président de la République, qui souhaitait une grande réforme et un nouveau modèle de développement.

Certains oublient donc l'état dans lequel le gouvernement précédent a laissé les finances de l'Etat et, par exemple, les 7 millions d'euros de déficit de la caisse d'allocations familiales !

Il faut quand même avoir en mémoire que l'Etat, qui doit pourtant donner l'exemple, n'a pas payé les cotisations chômage des emplois-jeunes qu'il a embauchés !

M. Roland du Luart, rapporteur. Ça fait désordre !

Mme Lucette Michaux-Chevry. On vous reproche, madame la ministre, de ne rien faire pour les communes, mais il ne vous appartient pas de revoir les bases fiscales : les préfets ont déjà, sur place, commencé à le faire.

On vous reproche de ne pas définir la politique du logement, mais, moi, je ne vous demande pas de définir la politique du logement en Guadeloupe !

En Guadeloupe, nous avons créé un guichet unique et nous avons dit : voilà le modèle de logement que nous voulons mettre en place. Il faut que les élus cessent de courir auprès des ministres pour leur demander de définir à leur place la politique qu'ils doivent mettre en oeuvre dans leur région !

J'ai été choquée quand j'ai entendu dire que vous preniez des mesures secrètes. Vous vous êtes conduite, madame, en grande démocrate !

Pour ma part, je n'ai jamais « mis les pieds » au ministère de l'outre-mer, ni quand M. Paul était secrétaire d'Etat, ni après. La LOOM nous a été imposée.

Vous, madame la ministre, vous avez convoqué tous les élus de l'outre-mer et c'est avec nous, même si nous ne sommes pas entièrement d'accord, que vous avez élaboré le texte.

Vous avez rencontré tous les socioprofessionnels et même des personnalités qui n'étaient pas des élus. Pendant un an, vous vous êtes mise à l'écoute de tous. Vous vous êtes rendue dans toutes les régions et tous les territoires d'outre-mer pour affiner votre approche avant de rédiger le texte qui nous est aujourd'hui soumis.

On vous reproche de recourir à une mesure qui est déjà appliquée : la défiscalisation. Mais tout le monde le sait, la défiscalisation est la seule réponse adaptée à notre environnement juridique. Les autres pays de la Caraïbe ont des zones franches et de bas salaires, et c'est justement pourquoi leurs produits parviennent à concurrencer les nôtres.

La défiscalisation et la prise en charge des charges sociales sont donc les seules mesures envisageables.

J'ignore ce qui s'est passé en Martinique, peut-être la mise en oeuvre de la LOOM s'est-elle arrêtée en Guadeloupe, mais, ce que je sais, c'est que les critères retenus par les trésoriers-payeurs généraux ont tout bloqué !

Je dis donc que, avec la défiscalisation, la réduction des charges sociales et le soutien financier au désenclavement de nos régions, vous apportez des réponses positives qui prennent en compte l'acuité de nos problèmes : même si ce n'est pas suffisant, vous nous engagez dans la voie du renouveau.

J'espère, par exemple, que l'importance des flux de touristes qui vont dans les îles de la zone Caraïbe acheter des produits à bien meilleur marché que ceux que l'on trouve dans nos DOM nous amènera à soulever la question de l'aménagement de zones franches.

Il est indispensable que la France commence, avec l'Europe, à occuper réellement et de plus en plus profondément les espaces économiques dans certaines parties du monde en mettant en place des règles adaptées à l'environnement de l'outre-mer. C'est le sens du projet de loi de programme que vous nous présentez puisqu'il vise à réduire les handicaps qui fragilisent le développement de nos régions.

En outre, même si les mesures que vous nous proposez ne sont pas suffisantes, dans un contexte économique et financier difficile, vous abordez pour la première fois dans sa réalité la dimension de l'espace territorial français et européen.

Vous apportez aussi les premières réponses en matière de désenclavement de l'outre-mer. J'exerce une responsabilité politique depuis plus de vingt ans et, depuis plus de vingt ans, nous nous demandons où est la continuité territoriale. Cette continuité territoriale, vous l'instaurez dans votre texte, et c'est la porte ouverte au désenclavement de nos régions. C'est fondamental. Pouvons-nous en effet tolérer que des enfants nés aux Saintes ou à Marie-Galante aient à payer de lourds frais pour se rendre au lycée en Guadeloupe continentale ?

Certes, aux termes des dispositions qui nous sont soumises sur le désenclavement, nous ne bénéficions pas du même traitement que celui qui est réservé à la Corse. J'ose espérer cependant que nous verrons bientôt les cartes géographiques de l'outre-mer figurer à côté de la carte de France, tant il est vrai que la France ne se réduit pas à l'Hexagone. En inscrivant dans le texte le principe d'une dotation de continuité territoriale, comme nous le revendiquions, vous sortez en effet - enfin ! - l'outre-mer de la périphérie et vous engagez notre pays dans le monde moderne, celui de l'espace.

Après le mémorandum de 1987 de Bernard Pons, après le POSEIDOM, après l'égalité sociale, après le traité d'Amsterdam défendu par M. le Président de la République, voilà l'outre-mer engagé sur le chemin de l'égalité économique !

Pour ce faire, votre texte repose sur des critères forts, des idées force : encourager l'emploi, favoriser la relance de l'investissement, renforcer la continuité territoriale. Il se fonde sur une logique d'activité, de créativité, de responsabilité et non plus sur une logique d'assistanat.

Le traitement du chômage, chez nous, ce sont des hommes et de femmes qui ne travaillent pas et qui attendent le facteur. Quant au RMI, il a conduit à la légalisation du travail au noir !

Ce n'était pas ce que l'on attendait du législateur !

En 1992, à l'Assemblée nationale, j'ai voté contre le RMI, car je savais qu'il entraînerait systématiquement le non-travail.

C'est pourquoi, aujourd'hui, je soutiens avec force l'idée du revenu minimum d'activité : la réinsertion par le travail est une valeur fondamentale et je vous supplie, madame la ministre, d'en faire un des piliers de votre action outre-mer. Vous ne sortirez l'outre-mer de l'assistanat que si vous conditionnez le versement d'un revenu minimum au travail. Sinon, toutes les aides que vous pourrez verser aux artisans pour embaucher seront inopérantes !

Il y a des niches d'emploi chez nous. Il faut les utiliser. M. Virapoullé, M. Othily, tous, nous nous battons depuis des années en faveur d'un système comme le RMA. Il ne s'agit pas de verser une allocation de remboursement à un artisan : il faut obliger le RMIste à travailler, à présenter une feuille de salaire pour toucher son allocation. S'il faut changer le code du travail, alors changez-le !

La drogue et l'alcool, dans nos régions, ont l'oisiveté pour cause, et l'oisiveté a tué la créativité chez nous ! (M. Virapoullé opine.)

Pouvons-nous admettre que des planteurs de canne touchent à Marie-Galante le RMI et embauchent des Haïtiens pour couper la canne ! Haïtiens qui se font soigner dans les hôpitaux français aux frais des contribuables, Haïtiens que nous devons scolariser dans nos écoles et dans nos lycées !

Oui, il y a des choses à revoir ! Vous vous êtes engagée à le faire, madame la ministre, et vous avez eu raison !

Quant au fonds régional de développement, je m'étonne que des élus qui réclament plus d'autonomie et plus de responsabilité demandent au Gouvernement de gérer une recette locale qui nous appartient depuis 1863 : l'octroi de mer. Si les élus ne sont pas satisfaits de la façon dont les exécutifs régionaux utilisent les recettes de l'octroi de mer, qu'ils les mettent en minorité !

A quoi utilisons-nous le fonds régional de développement, mes chers collègues ? Précisément à préfinancer les mesures d'intérêt régional ! Si la gestion du fonds régional de développement est confiée aux communes, il tombera dans l'unité de caisse et financera des dépenses de fonctionnement. Réclamer au fonds régional de développement de financer des contrats emplois-jeunes, c'est oublier que nous avons un retard de développement et que nous devons utiliser tous les moyens à notre disposition pour le rattraper.

Le fonds régional de développement nous permet d'accompagner les communes et je conteste avec fermeté les conclusions du conseil économique et social régional selon lesquelles il ne serait pas utilisé.

Je tiens à dire, et je peux le prouver, que 98 % du FEDER et 93 % du fonds social européen sont consommés en Guadeloupe.

Avec votre aide, madame la ministre, en mettant en place le préfinancement des fonds européens, nous apportons au monde agricole le soutien qu'il attend.

Restent quelques points sur lesquels je souhaite vous interroger.

Je souhaite le rétablissement du fonds de calamité. Quand ce fonds, qui doit être abondé par l'Europe, l'Etat, les collectivités, sera-t-il mis en place ? Il nous permettrait de mieux faire face aux regrettables conséquences des cyclones.

Par ailleurs, nous nous intéressons beaucoup, vous le savez, aux énergies renouvelables : nous souhaiterions savoir si les fonds régionaux de l'ADEME, disponibles notamment au titre des programmes verts, pourront être maintenus sur d'autres programmes de l'ADEME éligibles au contrat de plan.

Enfin, je veux espérer que la France fera preuve d'un peu plus d'agressivité auprès des instances communautaires. Comment accepter que les îles portugaises et espagnoles, dont les taux de chômage, soit environ 9 %, sont beaucoup plus bas que chez nous, bénéficient encore du fonds de cohésion alors que les régions et départements d'outre-mer n'en bénéficient pas ?

C'est un combat que nous menons avec nos collègues de la Réunion depuis un certain temps déjà, et je crois qu'il est temps que nous obtenions l'aide du fonds de cohésion pour favoriser le développement de nos régions.

De même, la clause « Madère », qui prévoit une dotation financière équivalente à 75 % du différentiel entre le revenu du planteur de bananes et le prix garanti, n'est pas applicable dans les mêmes conditions aux planteurs des Antilles, ceux-ci ne bénéficiant que du taux de 45 %. Vous venez d'obtenir une mesure extrêmement avantageuse et qui a satisfait les planteurs de bananes, mais il n'empêche que la question reste posée.

Tels sont les points qu'il me paraît important de souligner dans le projet de loi, étant entendu que le contrôle de son application tous les trois ans permettra si nécessaire de le réactualiser et de l'affiner.

Mais il m'est difficile de conclure sans évoquer le corollaire de ce texte : je veux parler de la loi de décentralisation et de son volet institutionnel.

Pour la première fois, un gouvernement modifie l'article 73 de la Constitution en intégrant les dispositions de l'article 299-2 du traité de l'Union, qui reconnaît la permanence des caractéristiques et contraintes particulières de nos régions et la faculté d'adapter en conséquence la législation.

Quel que soit l'usage du droit de gouvernance, ce dispositif n'a de sens qu'avec l'outil qui l'accompagne, c'est-à-dire la loi de programme, juridiquement fondée sur cette reconnaissance constitutionnelle des handicaps structurels de nos régions et territoires d'outre-mer.

Je sais bien que la gouvernance n'est pas une fin en soi et que c'est le développement économique durable de nos régions, placées sous la responsabilité des populations et des élus, qui est de nature à répondre à nos problèmes. Mais notre capacité à assumer notre destin n'a de sens que si nous disposons des moyens pour le faire. Les moyens de la gouvernance, c'est aussi la loi de programme.

Cette gouvernance nouvelle et cette responsabilité incontournable des citoyens dans la gestion de leur développement n'ont de signification que si elles s'accompagnent d'un élan nouveau et spécifique en termes de décentralisation, décentralisation qui devra être suivie d'une déconcentration de l'Etat.

C'est la voie que vous venez d'ouvrir, madame la ministre, avec sérieux et sans démagogie. Nous avons déposé quelques amendements en vue de compléter ce projet de loi, que je voterai, car il est de nature à changer bien des choses outre-mer ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Gourault.

Mme Jacqueline Gourault. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, s'il est un principe auquel chaque citoyen français me paraît profondément attaché et qu'il est du devoir de la Haute Assemblée de faire respecter, c'est bien celui de la continuité de l'Etat et de la République sur l'ensemble de notre territoire.

Il me sera difficile, madame Michaux-Chevry, de m'exprimer avec autant de passion et de force de conviction que vous, mais, et j'en parlais avec nos collègues Jean-Paul Virapoullé et Anne-Marie Payet, il est important que des sénateurs métropolitains prennent aussi la parole dans ce débat. C'est également cela la continuité républicaine. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.)

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Très bien !

Mme Jacqueline Gourault. Cette obligation doit se traduire d'un point de vue économique, social, juridique et politique, et c'est bien de cela qu'il s'agit aujourd'hui, à l'occasion de l'examen de ce projet de loi de programme pour l'outre-mer.

En effet, comme viennent de le rappeler nombre de mes collègues, ce qui nous est proposé aujourd'hui n'est pas un luxe : il faut réformer, de manière que la République française ne soit pas un concept à géométrie variable selon que l'on vit d'un côté ou de l'autre de l'océan.

Il faut tout d'abord assurer la continuité de la République sur le plan économique.

De même qu'il n'est pas acceptable que certaines parties du territoire métropolitain se développent tandis que d'autres se trouvent vidées progressivement de leur substance, il n'est pas acceptable que la métropole connaisse un dynamisme nettement supérieur à celui des collectivités d'outre-mer sans qu'une redistribution réelle ne soit mise en oeuvre. La recherche de cohésion et le souci d'égalité entre les citoyens qui ont fait notre histoire doivent être réaffirmés en outre-mer, sans doute plus encore qu'ailleurs compte tenu de la situation particulière de ces territoires.

M. Simon Loueckhote. Très bien !

Mme Jacqueline Gourault. Dans cet esprit, le présent projet de loi comprend des mesures salutaires visant à encourager la création d'emplois et à relancer l'investissement privé. Il est notamment nécessaire de poursuivre l'effort d'allégement des charges sociales au profit de l'outre-mer. Les mesures de soutien fiscal à l'économie, favorisant en particulier l'investissement dans les secteurs du bâtiment et du tourisme, sont également indispensables.

La continuité de la République doit aussi être garantie d'un point de vue géographique.

Ainsi, l'article 42 du projet de loi de programme, en vertu duquel l'Etat versera aux régions et collectivités d'outre-mer une dotation de continuité territoriale destinée à faciliter les déplacements aériens des résidents de ces collectivités entre celles-ci et le territoire métropolitain, tend à mieux garantir cette continuité.

Faciliter les déplacements entre la métropole et l'outre-mer est le moyen le plus efficace de faire en sorte que les dispositions de la présente loi ne se réduisent pas, dans l'avenir, à un catalogue de voeux pieux. Ce dispositif sera un moyen efficace d'encourager les investissements souhaités, ainsi que l'effort consenti par les jeunes pour acquérir une formation complémentaire en métropole.

Parce qu'elle doit permettre d'améliorer la formation des plus jeunes, parce qu'elle doit contribuer à renforcer les liens entre acteurs économiques, cette disposition est bonne. Elle s'inscrit dans une logique de désenclavement, aérien en l'occurrence, qui a souvent été mise en application avec efficacité pour d'autres territoires.

La continuité économique et géographique est certes nécessaire, mais l'application de la loi de programme pour l'outre-mer exige encore que soit respectée une certaine forme de continuité juridique, sans laquelle les collectivités d'outre-mer risqueraient d'être victimes d'une accumulation, d'un empilement de dispositifs dont les effets théoriquement bénéfiques s'annuleraient mutuellement. Sans la mise en oeuvre d'une certaine continuité juridique, la réforme du droit de l'outre-mer pourrait se résumer à une opération à somme nulle.

Ainsi, ouvrir aux anciens RMIstes la possibilité de bénéficier d'un contrat d'accès à l'emploi tout en continuant à toucher l'allocation de reprise d'activité est une excellente chose. Toutefois, en métropole, cette mesure porte un nom : il s'agit du revenu minimum d'activité, le RMA. Lors des premiers travaux préparatoires à l'élaboration du projet de loi de programme pour l'outre-mer, il n'était pas encore question du RMA, ce qui explique que ce texte soit muet sur ce point. Mais aujourd'hui, la perspective de la création du revenu minimum d'activité soulève certaines questions : comment les dispositifs du contrat d'accès à l'emploi couplé à l'allocation de reprise d'activité, d'une part, et du RMA, d'autre part, vont-ils se combiner ? L'une des deux mesures ne va-t-elle pas éclipser l'autre ?

De la même manière, la loi Fillon relative aux salaires, au temps de travail et au développement de l'emploi exclut tout cumul d'aides. Ainsi, une entreprise qui entendrait bénéficier des réductions de charges sociales prévues par le présent projet de loi ne pourrait continuer à percevoir la prime liée à la RTT. Or l'interdiction légale de cumul pèsera sur les entreprises les plus petites et les plus fragiles, celles qui sont essentielles pour le maintien d'un tissu économique dynamique. Dans ces conditions, ne serait-il pas souhaitable d'autoriser, comme le suggère la commission des affaires sociales, un cumul temporaire, jusqu'en 2005, ce qui couvre toute la période d'alignement des SMIC, afin d'éviter un effet « couperet » nuisible, qui réduirait la portée de la réforme ?

Je salue donc l'effort engagé, tout en appelant de mes voeux une amélioration du texte, et tiens à féliciter les commissions et leurs rapporteurs pour leur excellent travail.

Je conclurai mon propos en évoquant le cadre plus général dans lequel s'inscrit forcément ce projet de loi : celui de la décentralisation. L'objectif principal doit être de rendre aux citoyens et aux différents acteurs des territoires un service plus proche et plus efficace. La décentralisation, qui a déjà fait ses preuves, doit donc se combiner avec la vocation naturelle de l'Etat à compenser les handicaps de chacun des territoires, que les collectivités locales ne sauraient prendre seules en charge. Ce projet de loi me paraît s'inscrire dans cette démarche et je m'en félicite. Le groupe de l'Union centriste votera ce texte. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Rodolphe Désiré.

M. Rodolphe Désiré. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, dans un climat morose où tous les indicateurs de l'économie nationale et européenne passent au rouge, le Gouvernement présente un projet de loi de programme pour l'outre-mer, respectant en cela les promesses formulées le 6 février 2002 à la Martinique par le Président de la République. Dans son discours de Madiana, celui-ci avait en effet déclaré l'urgence de mettre en oeuvre, après le rattrapage social, le rattrapage économique des DOM par rapport à la métropole.

J'ai souligné plusieurs fois, à cette tribune, l'importance des efforts consentis par l'Etat depuis vingt ans en faveur de l'outre-mer : contrats de plan en 1984, loi de défiscalisation et loi de programme en 1986 et, plus récemment, en 2000, loi d'orientation, indépendamment de la progression annuelle des crédits budgétaires.

Cependant, je dois dire d'emblée qu'après avoir suscité beaucoup d'espoir ce projet de loi, qui représente lui aussi, il faut l'avouer, un effort important en faveur de l'outre-mer, risque d'entraîner beaucoup de déceptions.

Il est vrai qu'il n'est pas si facile de faire passer une société de plantation post-esclavagiste, qui n'a pas connu d'accumulation du capital, au stade de société moderne, à l'instar de celui que nous connaissons en Europe.

Vous avez mis l'accent, madame la ministre, ainsi que M. du Luart et d'autres intervenants, sur les nombreux handicaps qui freinent notre développement et qui ont été bien définis par notre collègue Jean-Paul Virapoullé, évoquant l'article 299-2 du traité d'Amsterdam : l'éloignement, les séquelles de l'histoire, le handicap économique de la masse critique, le haut niveau d'intégration sociale. Il faut y ajouter, comme l'a noté notre collègue Roland du Luart, l'effondrement de l'économie touristique aux Antilles, dû essentiellement à l'affaiblissement, depuis cinq ans, des flux financiers induits par la « loi Pons », après la prétendue « moralisation » de cette dernière, et non pas seulement aux mouvements sociaux. Chacun sait que les conflits sociaux sont souvent le propre d'entreprises qui n'ont plus de marge.

De plus, comme vous le savez, les perspectives à moyen terme pour l'emploi sont sombres : 50 000 emplois pourraient être menacés à la fois par l'achèvement, en 2006, de la mise en place de l'OCM « banane », amenant la suppression des aides préférentielles jusqu'alors accordées, par la libéralisation intégrale, en 2006 et en 2009, des marchés du sucre et du riz, au travers des schémas de préférence généralisée, qui ne nous permettront pas de résister à la concurrence étrangère, et par les incertitudes concernant la prorogation du régime de l'octroi de mer en 2004.

Dans ce contexte, je ne peux que saluer les bonnes intentions du Gouvernement qui, par le biais du projet de loi de programme, tente de « colmater les brèches », s'agissant notamment de l'aide à l'emploi, du soutien fiscal à l'économie et de la continuité territoriale.

Compte tenu du temps qui m'est imparti, je me contenterai d'émettre quelques observations me paraissant essentielles.

Concernant l'aide à l'emploi, indépendamment des problèmes posés par les effets de seuil, qui semblent imparables, il est absolument nécessaire d'éviter que l'harmonisation du SMIC en trois ans prévue par la « loi Fillon » n'absorbe entièrement, pour les entreprises, les bénéfices permis par la mise en oeuvre de la loi de programme. Cela enlèverait à celle-ci toute substance.

A propos du principe du soutien fiscal à l'économie, on peut citer l'économiste Eliane Mossé, qui, dans son rapport au gouvernement de février 1999, donc rédigé avant l'entrée en vigueur de la LOOM, écrivait que l'« on ne doit pas juger la défiscalisation selon des critères moraux, mais plutôt en fonction de ses effets économiques (...). Il n'est pas négligeable qu'une épargne soit drainée de la métropole vers les DOM, qui en ont fortement besoin, plutôt que vers des paradis fiscaux parfois situés dans la zone géographique des DOM, et où les placements français ne feraient que favoriser la concurrence exercée sur les départements d'outre-mer ».

Madame la ministre, il ne faut pas s'attendre à un rattrapage économique durable sans des apports massifs de capitaux privés, compte tenu de la faiblesse des fonds propres des entreprises locales. Cela se comprend aisément, puisque les premières tentatives infructueuses de diversification de nos économies « post-coloniales » datent d'une trentaine d'années à peine.

Je suis donc quelque peu étonné de la timidité du Gouvernement s'agissant de la relance de l'économie touristique : procéder uniquement à des réhabilitations ne sera pas suffisant pour relancer ce secteur qui, aujourd'hui, est le seul sur lequel on puisse s'appuyer pour engager une véritable stratégie de développement durable.

Je suis encore plus étonné de constater que le seul segment de ce secteur touristique qui ait montré, malgré la crise, une certaine vitalité entraînant des retombées considérables pour l'économie locale, je veux parler de la location de bateaux aux Antilles, est actuellement écarté du bénéfice des avantages consentis à l'hôtellerie. Cependant, après plusieurs mois d'efforts, je ne désespère pas d'être entendu, mais peut-être faut-il plutôt s'orienter vers l'installation de zones franches.

Les mesures concernant la continuité territoriale présentent, quant à elles, le mérite de témoigner qu'un problème existe dans ce domaine. Ne soyons pas jaloux des régimes dont bénéficient les autres régions ultrapériphériques de l'Europe, ainsi que la Corse, tant pour le fret que pour le transport des passagers. Soulignons tout de même que le PIB moyen des départements d'outre-mer atteint 55 % du PIB moyen métropolitain, alors que celui de la Corse s'élève à 76,9 % de ce dernier. J'insisterai surtout sur la nécessité d'une continuité territoriale entre les trois départements français d'Amérique pour permettre à ceux-ci d'établir une véritable coopération économique et de constituer une masse critique susceptible de doper leurs économies. Il n'est pas acceptable que le prix d'un billet Fort-de-France - Cayenne soit plus élevé que celui d'un billet Fort-de-France - Paris.

Par ailleurs, je souhaite, madame la ministre, que vous puissiez articuler étroitement le projet de loi de programme avec les autres dispositifs mis en oeuvre. Il faudra notamment veiller à l'optimisation de l'utilisation des fonds européens, alors que nous sommes en train de renégocier, à mi-parcours, le document unique de programmation. Je profite de cette occasion pour vous rappeler que les communes des Antilles ne bénéficient pas de fonds structurels pour financer la rénovation des écoles primaires, particulièrement délabrées. Cela représente des besoins financiers énormes. J'ai vérifié avant-hier, à Bruxelles, auprès de la Commission, que ces opérations sont bien éligibles aux fonds européens, à condition que les collectivités locales et l'Etat formulent une demande.

Enfin, je voudrais attirer de nouveau l'attention sur les difficultés qu'affrontent les entreprises pour financer les investissements productifs, en raison du désengagement du système bancaire. Leur situation risque de devenir plus compliquée encore à l'heure où, dans un contexte où les taux d'intérêt sont plus élevés qu'en métropole, un nouveau ratio de solvabilité voit le jour.

Madame la ministre, j'ai conscience des difficultés que vous avez rencontrées pour convaincre vos collègues des autres ministères d'intervenir fortement en faveur de l'outre-mer. La « météorologie économique » ne s'y prêtait pas. Quoi qu'il en soit, deux des aspects positifs du présent projet de loi de programme sont sa durée de validité de quinze ans et sa réévaluation prévue tous les trois ans. Je souhaite ardemment que, ces trois prochaines années, la France retrouve ses capacités d'intervention par la relance de la croissance et que, plus simplement, nous profitions de ce laps de temps pour mener une réflexion approfondie sur les moyens de tous ordres, y compris institutionnels, à mettre en oeuvre pour permettre un véritable développement durable de nos économies insulaires, conjuguant tout particulièrement développement économique et cohésion sociale. Pour l'outre-mer, soyons réalistes : demandons l'impossible ! (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur celles de l'Union centriste et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Paul Vergès.

M. Paul Vergès. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, après la loi Pons de 1986 relative à la défiscalisation, la loi Perben de 1994 et la loi d'orientation pour l'outre-mer de décembre 2000, il s'agit, en moins de vingt ans, du quatrième texte visant à relever le défi du développement de l'outre-mer.

Par-delà les schémas partisans, l'échéance, fixée à quinze ans, aurait pu être l'occasion de renouveler notre regard sur les sociétés d'outre-mer et de nous inviter à nous projeter dans le futur, à donner un sens à notre projet de développement et à imaginer, sans tabous ni partis pris, un nouvel horizon.

Or, au-delà des mesures envisagées, qui visent en fait à améliorer ou à compléter les dispositifs existants, ou des moyens financiers supplémentaires prévus, ce qui fait précisément défaut à ce projet de loi, c'est une vision à moyen terme et un sens global donné à l'action à entreprendre.

Par ailleurs, la diversité de l'outre-mer, désormais admise par tous, rend inopérantes les tentatives de légiférer de manière identique pour des territoires dont les situations sont très variées et se différencient de plus en plus.

C'est pourquoi je m'en tiendrai au cas de la Réunion.

La Réunion compte actuellement près de 750 000 habitants ; au terme de l'exécution de la loi de programme, elle en comptera 200 000 de plus. En 2030, la population active regroupera 440 000 personnes, contre 300 000 en 2000, soit une augmentation de près de 50 % en trois décennies. Pour maintenir le chômage à son niveau actuel, déjà intolérable puisqu'un tiers de la population active est touché, il faudrait donc créer 140 000 emplois supplémentaires sur cette période : le défi est considérable.

Rappelons en outre que, sur notre île, 330 000 personnes relèvent actuellement de la couverture maladie universelle. On y dénombre 100 000 chômeurs, 100 000 illettrés, 67 000 foyers dépendant du RMI, ce qui représente 165 000 personnes. Qu'en sera-t-il de ce « deuxième monde » réunionnais dans quinze ans, au terme de l'exécution de la loi de programme, si rien ne change fondamentalement ?

Veuillez m'excuser, madame la ministre, mes chers collègues, de cette litanie de chiffres, mais ce sont des chiffres officiels, qui traduisent la réalité de notre île, pour aujourd'hui et pour demain, et que nous devons constamment prendre en compte. Quelle serait l'orientation des politiques publiques si la France, avec les mêmes indicateurs, devait voir sa population s'accroître de quelque vingt millions d'habitants en quinze ans ? Telle est l'ampleur du problème que nous affrontons.

Si la réalisation de l'égalité sociale a permis d'atténuer les effets les plus graves d'une telle situation, il est illusoire de penser que les mesures sectorielles envisagées, qui s'inscrivent dans la continuité des lois précédentes, sont de nature à transformer radicalement l'héritage de politiques successives menées depuis de nombreuses décennies.

Comment croire, en effet, que des dispositifs de réduction du coût du travail et de défiscalisation, sans lien aucun avec une véritable stratégie de développement économique, pourraient à eux seuls ouvrir des perspectives crédibles à la Réunion, dont l'environnement est constitué de pays où le coût du travail est de quatre à trente fois inférieur ?

Cette réalité ne nous laisse aucune autre solution que de changer de perspective et d'échelle pour vaincre les obstacles, dans un environnement géo-économique en pleine évolution. Redisons-le : toute stratégie de développement pour la Réunion doit prendre en compte sa double appartenance à l'Union européenne et à l'océan Indien. Cette situation crée des contraintes, mais elle nous donne aussi des atouts irremplaçables.

C'est pourquoi la Réunion doit jouer au maximum du plus prometteur de ses avantages comparatifs : je veux parler, bien sûr, du niveau de formation de sa jeunesse. Elle ne pourra se développer qu'en investissant dans la formation, la connaissance, l'innovation technologique et la recherche, c'est-à-dire en faisant le pari d'une sortie « par le haut » de la crise actuelle. La scolarisation généralisée a permis en un temps très court à des milliers de jeunes d'accéder au savoir et à la connaissance, mais il nous faut aujourd'hui, en valorisant cet atout, passer à une étape supérieure et investir de nouveaux champs pour ouvrir des perspectives à notre jeunesse, de mieux en mieux formée. Or aucun dispositif de la loi de programme ne prévoit une augmentation des moyens en faveur de la formation, de la recherche, ou encore de l'exportation des services.

Parallèlement, il nous faut aussi réfléchir à une solution permettant d'offrir une perspective à tous ceux qui ne pourront pas intégrer l'économie concurrentielle, laquelle nécessitera des qualifications de plus en plus élevées et une forte valeur ajoutée.

Là encore, constatons que la loi de programme demeure silencieuse. Rien sur les emplois-jeunes, où l'attente est pourtant forte. Rien sur la structuration d'une économie alternative dont chacun souligne les potentialités en matière d'emplois et d'activités et dont le fonctionnement exige le maintien de la solidarité nationale. Il s'agit, me direz-vous, d'un héritage. Certes, mais vous avez la responsabilité de le gérer.

La société réunionnaise est traversée par de multiples fractures qui font peser de lourdes menaces sur sa cohésion. Dans ce contexte, toute tentative de réforme, si elle est sectorielle, se heurte inévitablement à la résistance de ceux qui estiment que leurs intérêts sont mis en cause.

L'actualité est dominée à la Réunion par la mobilisation de la communauté éducative contre ce qui apparaît comme une atteinte à l'unité du service public et comme une menace contre un élément structurant de la société réunionnaise, l'éducation nationale. J'ai donné des exemples de l'attachement de la population à cette institution qui a permis un tel progrès social pour les couches les plus pauvres de la société. Cela confirme que toute réforme partielle et non concertée est vouée à l'échec.

L'ampleur et la durée de la protestation traduisent l'attachement des Réunionnais à l'école de la République, facteur de cohésion et moteur d'ascension sociale. Mais elles s'inscrivent également dans un climat d'incertitude et de malaise ressenti par de nombreuses couches de la population, inquiètes pour leur avenir et pour l'avenir de la Réunion.

Il s'agit, notamment, de l'inquiétude de plus en plus vive des emplois-jeunes : aucune solution durable n'a été trouvée, notamment pour ceux qui sont employés par des associations pour lesquelles la convention pluriannuelle de trois ans est insuffisante. Il s'agit aussi de l'urgence d'une solution pour les 600 aides éducateurs dont les contrats arrivent à échéance dans quelques semaines. Il faut bien être conscient que le problème des emplois-jeunes est devant nous : en 2003 et 2004, près de 3 000 contrats arrivent à échéance.

Par ailleurs, le débat sur les retraites se pose dans des conditions infiniment plus graves à la Réunion. Compte tenu du nombre de chômeurs, des emplois précaires et de la durée actuelle de cotisation, les Réunionnais, dans leur majorité, ne bénéficient pas de la retraite et perçoivent le minimum vieillesse : ils représentent 51,3 % des retraités, contre 3,6 % en France métropolitaine. Avec l'allongement de la durée de cotisation, on peut craindre que, dans quelques années, l'écrasante majorité des Réunionnais ne soit exclue du bénéfice d'une retraite normale.

Les interrogations sont également vives parmi les allocataires du RMI et les acteurs de l'insertion. Dans quelles conditions se mettra en place la gestion décentralisée du RMI dans le contexte particulier de la Réunion, où 165 000 personnes - soit près du quart de la population - sont directement concernées ? Et comment se fera l'articulation entre le futur RMA, préconisé par le Gouvernement, et les dispositions de la loi de programme sur le contrat d'accès à l'emploi qui s'adresse au même public, avec la possibilité de bénéficier des dispositions de l'ARA, l'allocation de revenu d'activité ?

L'inquiétude est également grande chez les agriculteurs, compte tenu des bouleversements engendrés par les accords commerciaux entre l'Union européenne et les pays les moins avancés, et des menaces pesant sur le futur règlement sucrier, sans sous-estimer celles qui découlent de la plainte du Brésil et de l'Australie devant l'OMC concernant le sucre européen.

Il nous faut, madame la ministre, trouver les voies d'élaboration d'un « nouveau contrat social » à la Réunion. Il va de soi que la solidarité interne ne peut se développer que si la solidarité nationale est garantie. Il appartient à l'Etat d'assurer l'égalité des citoyens sur l'ensemble du territoire de la République. L'application de ce principe à la Réunion exige le nécessaire rattrapage des retards connus de tous.

C'est dans le même esprit que doit être abordée la question de la continuité territoriale. L'engagement du Gouvernement est, sur ce plan, en décalage avec le principe auquel il se réfère. Comment expliquer - d'autres orateurs l'ont dit avant moi - que, pour la Corse, l'Etat consacre plus de 165 millions d'euros pour 260 000 habitants au titre de la continuité territoriale et qu'il ne prenne aucun engagement financier pour les collectivités d'outre-mer ?

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, au moment où nous examinons la loi de programme et discutons de l'efficacité de telle ou telle mesure, la Réunion vit une crise sociale révélatrice de nombreuses contradictions et dont l'exacerbation peut prendre des chemins inattendus.

Cette actualité nous invite encore plus à relativiser la portée de ce projet de loi de programme et à considérer que ce texte est loin d'assumer et de prendre en charge l'ensemble des défis auxquels nous sommes confrontés à la Réunion.

Aurons-nous l'humilité d'en tirer toutes les conséquences, au Gouvernement, au Parlement et, surtout, à la Réunion, où l'ensemble des responsables politiques, économiques, sociaux et culturels doivent participer à l'élaboration d'un plan de développement global sans lequel les mesures qui nous sont proposées aujourd'hui n'auront qu'un effet très limité ? De notre attitude à tous, madame la ministre, dépendra l'échec de ce projet de loi, ou, au contraire, son inscription dans la perspective d'un espoir à sauver. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. Georges Othily. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Gaston Flosse. (M. Jean-Paul Virapoullé applaudit.)

M. Gaston Flosse. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons aujourd'hui est la traduction, sur le plan législatif, des engagements pris par le Président de la République et par le Gouvernement. Les mesures proposées s'inscrivent sur le long terme et visent à promouvoir un développement économique fondé sur une logique de responsabilité et d'activité.

Je tiens à saluer ici votre engagement, madame la ministre, et le rôle moteur que vous avez joué dans la mise en place de ce nouveau plan d'action, un plan d'action sur quinze ans visant à soutenir durablement l'activité des entreprises outre-mer et à favoriser ainsi l'emploi des jeunes, mais aussi à lutter contre l'assistanat. Cette démarche est indispensable à la dynamique du développement économique de l'outre-mer.

Je suis heureux de saluer cette orientation, qui correspond à celle que nous avons choisie en Polynésie française dès 1991.

Depuis cette date, en effet, nous avons mené de front deux actions complémentaires : la recherche de l'autonomie politique et le développement de nos ressources économiques. L'autonomie, c'est la responsabilisation des élus et de la population, indispensable au développement économique.

Je crois que le chemin parcouru depuis 1991 est significatif. L'augmentation de nos ressources propres dans la formation de notre produit intérieur brut est supérieure à celle que nous avions fixée comme objectif. Nous sommes passés de 22 % à 45 %.

Pour atteindre ce résultat, nous avons maintenu une position de principe fondamentale en matière sociale. En Polynésie française, il n'y a pas d'indemnité de chômage,...

M. Georges Othily. Ah !

M. Gaston Flosse. ... pas de RMI, pas de 35 heures ni de RTT. (M. Jean-Paul Virapoullé applaudit.)

M. Georges Othily. Très bien !

M. Gaston Flosse. En revanche, nous avons encouragé le travail et l'effort.

M. Roland du Luart, rapporteur, et MM. Jean-Paul Virapoullé et Georges Othily. Très bien !

M. Gaston Flosse. Nous avons mis en place des fonds permettant de mettre en oeuvre un dispositif d'insertion des jeunes, des chantiers d'intérêt général, pour un montant global de 20,8 millions d'euros, soit 2,5 milliards de CFP.

Pour la formation professionnelle, l'investissement est considérable et constitue une priorité. Nous avons créé la protection sociale généralisée, qui garantit une couverture sociale à toute la population, et ce depuis 1995 : soins gratuits, allocations familiales, minimum vieillesse pour les plus démunis.

Depuis les événements de septembre 2001, nous avons augmenté considérablement les investissements publics pour pallier le ralentissement de nos ressources propres : tourisme, pêche, perle. En 2003, le budget d'investissement atteindra 583,3 millions d'euros, soit 70 milliards de CFP.

Jamais les créations d'entreprises n'ont été aussi nombreuses. Jamais les investissements privés n'ont été aussi élevés.

Mais si l'économie de la Polynésie se porte bien dans un océan Pacifique où de nombreux Etats insulaires indépendants s'enfoncent progressivement dans le sous-développement et l'anarchie, cela tient à une action déterminée que nous avons menée en partenariat avec l'Etat, avec vous, madame la ministre.

Nous avons mis en place des aides pour les petites entreprises. Nous avons également, pour provoquer des investissements lourds dans les secteurs stratégiques, créé un dispositif de crédit d'impôt extrêmement puissant. C'est ce dernier, combiné avec le mécanisme de défiscalisation métropolitaine, qui a permis l'essor du parc hôtelier polynésien.

Le tourisme est notre première ressource, mais, confronté à la concurrence des pays à faible coût de main-d'oeuvre, il ne peut se passer des aides à l'investissement. C'est pourquoi nous saluons l'abandon définitif dans la loi des tentatives d'interdiction du cumul des aides locales et nationales. Mais nous pensons que, pour la rénovation hôtelière, nous aurions dû pouvoir bénéficier des mêmes taux de réduction d'impôt que les départements d'outre-mer.

D'ailleurs, madame la ministre, mes chers collègues, permettez-moi de regretter que le projet de loi de programme qui nous est aujourd'hui présenté soit tourné en priorité vers les départements d'outre-mer.

Mme Lucette Michaux-Chevry. Jaloux ! (Rires.)

M. Gaston Flosse. Pourtant, comme je l'ai dit, il me semble que nous faisons preuve de responsabilité et notre travail, notre dynamisme et nos résultats sont évidents, comme vous l'avez vous-même remarqué.

Lorsque des compagnies aériennes nous abandonnent, nous n'attendons pas que l'Etat nous apporte la solution : nous la trouvons, nous la créons ! (Mme Lucette Michaux-Chevry et M. Jean-Paul Virapoullé applaudissent.)

M. Georges Othily. Bravo !

M. Gaston Flosse. Lorsque le marché de la perliculture, dans une conjoncture mondiale déprimée, s'affaiblit, nous ne demandons pas une aide supplémentaire à l'Etat : nous cherchons nous-mêmes à promouvoir nos ventes et à discipliner notre offre. Avons-nous tort d'agir comme nous le faisons ?

M. Georges Othily. Non !

M. Gaston Flosse. Je ne le pense pas, et je suppose que vous ne le pensez pas non plus, madame la ministre.

Alors, quand nous demandons à bénéficier du même traitement que les départements d'outre-mer, pourquoi nous le refuse-t-on ? Lorsque nous demandons plus de transparence dans les procédures d'agrément, pourquoi nous laisse-t-on entendre que cela alourdirait le dispositif ?

Je ne veux cependant pas diminuer votre mérite, madame la ministre. Vous vous êtes battue, comme toujours avec détermination, pour obtenir ce qui vous paraît nécessaire. Vous avez voulu une loi qui garantisse une action dans la durée. Vous avez essayé de mieux participer aux décisions du ministère des finances mais, malheureusement, vous vous heurtez à une forteresse imprenable, imperméable à la réalité de l'outre-mer.

M. Georges Othily. C'est une bastille !

M. Gaston Flosse. En définitive, et malgré les obstacles, vous avez réussi à améliorer la loi de défiscalisation sans ambition qu'avait laissée votre prédécesseur.

Je sais aussi, et surtout, que, à la différence de ce dernier, vous voulez que l'essor de l'outre-mer, dont vous avez la lourde charge, soit assuré.

La défiscalisation des investissements est indispensable pour atteindre cet objectif et j'ai la certitude que vous ferez en sorte que la loi soit effectivement appliquée.

Dans cette entreprise, vous savez, madame la ministre, que vous pouvez compter sur mon soutien actif et déterminé. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

MM. Jean-Paul Virapoullé et Georges Othily. Bravo !

M. le président. La parole est à M. Dominique Larifla.

M. Dominique Larifla. Madame la ministre, je qualifierai le texte que vous nous présentez de synthèse.

En premier lieu, parce qu'il s'inscrit dans la continuité de la politique menée par vos prédécesseurs, que vous prolongez en y apportant des assouplissements.

Vous faites ainsi la preuve de la pertinence de cette politique en faveur de l'emploi. Car, incontestablement, la loi d'orientation a instauré un cadre favorisant le dynamisme de nos économies en matière de création d'emplois.

Au cours de la période 2000-2001, l'emploi s'est effectivement accru en outre-mer au rythme de 4 %, mais on peut faire mieux, et il faut faire mieux !

L'autre volet de cette synthèse réside dans la rénovation d'un dispositif dont l'impact est, pour sa part, moins identifiable : celui de la défiscalisation. En effet, si chacun connaît les dérives auxquelles cette dernière a donné lieu, l'incidence sur la croissance d'un tel instrument reste, quant à elle, moins mesurable. Et, à ce jour, si l'abaissement des coûts de l'investissement est nécessaire et incontestée, rien ne vient pour autant démontrer son impact sur les économies d'outre-mer.

Avec ce texte, nous arrivons aussi à une période charnière, à la croisée de deux politiques : c'est donc une double continuité.

Le projet de loi de programme que nous examinons a suscité localement de nombreuses attentes, tant il est vrai que nul ne pouvait s'opposer à l'ambition annoncée d'un développement durable. Mais les indicateurs traduisent un tel retard que l'action sur l'avenir se doit d'être doublée d'un rattrapage, par l'effacement de certaines dettes ou par le comblement de lacunes, en matière d'équipements publics, par exemple.

C'est un secret de polichinelle, il est vrai qu'en ces temps de sagesse budgétaire l'Etat ne peut se permettre de conduire une politique par trop dispendieuse. C'est sans doute ce qui explique que cette période de quinze ans s'amorce avec timidité.

Bien sûr, des améliorations notables sont apportées, mais il était possible, et même souhaitable, d'aller plus loin en parachevant certaines mesures.

Les quinze prochaines années, constituant du long terme à l'échelle d'une économie, seront déterminantes. A cet égard, je salue votre démarche consistant à inscrire ce cadre dans une durée suffisamment longue pour constater les manques et les corriger.

S'agissant, par ailleurs, de l'effectivité du texte, pouvez-vous, madame la ministre, nous donner l'assurance d'une réponse des autorités communautaires ? Et, si oui, en quoi ont-elles, dans leur avis, nourri la réflexion ? En effet, il faut craindre que, sans ce dernier avis, cette loi ne se conjugue au conditionnel.

J'en viens maintenant à quelques-unes des dispositions du projet de loi qui, pour certaines, apportent des réponses franches à des questions précises alors que d'autres devront être précisées.

On peut dire sans conteste que l'effort qui est effectué en direction du secteur hôtelier arrive comme un souffle nouveau après une campagne médiatique qui a largement porté atteinte à l'image des départements français d'Amérique, à la Guadeloupe en particulier.

Je ne garantis pas que les entreprises appartenant à d'autres secteurs socioprofessionnels pourront en dire autant. Je pense notamment aux entreprises qui, en fonction du principe de non-cumul et de la suppression de la « prime des 35 heures », mobiliseront le bénéfice des exonérations de charges consenties par le présent texte pour financer le coût de l'harmonisation des SMIC.

S'agissant de la continuité territoriale, sur laquelle nous avons fondé de grands espoirs, aujourd'hui, je la renommerais bien « mobilité ». En effet, à bien y regarder, elle s'inscrit en deçà de l'effort mis en oeuvre ailleurs, en Corse par exemple.

La dotation viendra s'ajouter aux actions ponctuelles d'ores et déjà menées en ce sens par les collectivités locales, sans qu'elles soient « labellisées ».

Permettez-moi d'ouvrir une parenthèse s'agissant de la continuité territoriale. Pour moi, la Guadeloupe prolonge la France, au-delà de l'Atlantique, et elle en est fière. Elle est fière, dans le cadre de la coopération régionale décentralisée, d'appliquer, avec tous les Caribéens, les Haïtiens en particulier, la grande devise de la République : « Liberté, égalité, fraternité » ; c'est cela la solidarité entre les peuples.

Madame la ministre, ce texte semble faire largement le pari de la croissance par la défiscalisation. Or, comme je le disais, on connaît mieux les effets pervers de ce mécanisme que ses retombées positives. Peut-on prendre ce risque sur quinze ans ? Peut-on dans ce cas parler de développement ?

Quoi qu'il en soit, en dépit de ce qui précède, je me garderai de vous faire un procès d'intention. Les modifications apportées au cours de la discussion des amendements détermineront le sens de mon vote. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Simon Loueckhote.

M. Simon Loueckhote. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, la situation des Français d'outre-mer est une nouvelle fois au centre de nos réflexions et de nos débats, à travers l'examen de ce projet de loi de programme.

C'est bien entendu une grande satisfaction pour nous, élus de l'outre-mer, de constater, à la suite de la récente révision constitutionnelle, une nouvelle traduction de l'engagement du Président de la République en faveur de nos compatriotes.

Cet engagement est ambitieux, porteur de beaucoup d'espoirs pour les populations de l'outre-mer en ce qu'il tend vers un objectif d'égalité économique.

Il est ressenti comme un témoignage de l'intérêt profond que le chef de l'Etat, le Gouvernement, le Parlement et le peuple français portent à leurs compatriotes d'outre-mer, attitude que nous, élus de ces terres, apprécions à sa juste valeur.

En effet, aucune autre circonstance dans l'histoire des relations entre la France et ses populations d'outre-mer n'a pu nous donner une telle confiance en l'avenir.

Je voudrais ajouter que ce sentiment n'est pas anodin, car il est le fondement de tout investissement, il est à la base de l'effort collectif de développement dans nos collectivités dispersées de par le monde.

Cette confiance, nous la ressentons aujourd'hui et nous souhaitons vous la témoigner.

L'outre-mer représente, à ce jour, un peu plus de trois millions de Français : aux deux millions vivant effectivement dans les collectivités d'outre-mer, s'ajoutent un million de nos compatriotes qui en sont originaires et qui résident en métropole.

Ce nombre, qui illustre le dynamisme de nos démographies, est loin d'être marginal.

La représentation nationale a d'ores et déjà manifesté sa reconnaissance de la place de l'outre-mer au sein de la République par un geste symbolique, remarquable, lors de la récente adoption de la loi constitutionnelle qui a consacré, en quelque sorte, la réunification du peuple français.

Aujourd'hui, madame le ministre, vous nous proposez, dans le droit-fil de la décentralisation, un texte d'envergure, qui fixe, sur une durée significative, des mesures d'accompagnement, des outils visant à améliorer les conditions de vie de nos compatriotes.

Oh, bien sûr, un tel projet de loi ne manque pas de susciter toute une série de réactions, justifiées ou non !

Mais, au-delà, mes chers collègues, ce qu'il est important de rappeler, c'est la difficulté d'apporter à la fois des solutions adaptées aux contraintes structurelles qui entravent le développement de l'outre-mer et des solutions répondant à la diversité des situations.

C'est pourquoi je veux souligner le mérite qu'a ce projet de loi de prévoir des moyens appropriés tout en luttant énergiquement contre cette idée fausse et néanmoins tenace qui tend à figer l'outre-mer dans le rôle de quémandeur de ressources. Comme si trois millions de nos compatriotes n'étaient pas partie prenante dans la richesse produite par la France et ne contribuaient pas à la croissance de cette richesse !

Précisément, l'occasion nous est donnée de rappeler le dynamisme économique des collectivités d'outre-mer, alors même qu'elles évoluent dans le contexte très pénalisant de l'insularité, pour la grande majorité d'entre elles, ou de l'enclavement, pour la Guyane, et qu'elles se situent dans un environnement régional qui n'est pas en synergie avec leur propre croissance.

Il suffit, pour s'en convaincre, d'observer le niveau de développement de nos voisins immédiats et l'ampleur de leurs besoins. La présence, en France, du Premier ministre du Vanuatu et les liens de coopération que nous entretenons avec ce pays du Pacifique en sont une éclatante illustration.

C'est pourquoi nous sommes sensibles à la ligne directrice de ce projet de loi de programme, qui place résolument les collectivités dans une logique productive, en parfaite adéquation avec nos attentes.

Il apparaît, en l'occurrence, que la philosophie de ce texte est tout à fait louable puisque ses dispositions permettront notamment d'alléger le coût du travail, de favoriser l'insertion professionnelle des jeunes et de réduire le coût du capital, par une refonte du système de défiscalisation applicable à l'outre-mer.

Il s'agit bien, mes chers collègues, non pas de ponctionner le budget de la nation mais de donner à l'outre-mer les moyens durables de se développer et de lutter contre ses handicaps structurels.

Je voudrais, à cet égard, souligner le contexte encore plus défavorable que subissent certaines collectivités : je veux parler de Saint-Pierre-et-Miquelon, de Mayotte, de la Polynésie française, de Wallis-et-Futuna et de la Nouvelle-Calédonie.

En effet, pour nous Saint-Pierrais, Miquelonnais, Mahorais, Polynésiens, Wallisiens-et-Futuniens ou Calédoniens, la continuité territoriale est une utopie, tant l'éloignement de la métropole est considérable.

Il faut rappeler, en outre, que nous ne bénéficions que très marginalement des financements européens, n'ayant bien entendu pas le statut de région ultrapériphérique de l'Union européenne.

Il est donc primordial que nos collectivités puissent bénéficier du dispositif de défiscalisation que vous nous proposez, madame le ministre, pour accompagner leur développement.

A titre d'exemple, je rappellerai, après M. Gaston Flosse, que la compagnie Air France a décidé de ne plus desservir la Nouvelle-Calédonie pour des raisons financières et que notre territoire a pris lui-même des engagements financiers très lourds pour soutenir sa compagnie aérienne locale, Air Calédonie International, afin de maintenir, dans des conditions satisfaisantes, la desserte aérienne de l'archipel.

Cela n'aurait pu avoir lieu sans le dispositif de défiscalisation qui nous a permis d'acquérir trois Airbus. Il est manifeste que cette transition n'aurait pu s'opérer sans le soutien de l'Etat.

Il en est de même pour la construction de nos infrastructures hôtelières, critère déterminant du développement de notre secteur touristique, et ce ne sont là que quelques exemples.

Eu égard à ce contexte, la Nouvelle-Calédonie, qui, en raison de ses compétences, est essentiellement concernée par le dispositif de défiscalisation contenu dans le projet de loi, aurait souhaité qu'il fût un peu plus audacieux.

Cependant, je suis intimement persuadé que Mme le ministre est pleinement consciente de nos besoins et qu'il en sera tenu compte dans la mise en oeuvre effective des dispositions de cette loi.

Grâce à la présence de ses collectivités d'outre-mer, la France continue de rayonner de par le monde en affichant toujours plus de modernité, de créativité et de respect dans sa manière de gérer les populations concernées. En cela, la France est enviée et elle force l'admiration.

C'est donc bien un témoignage de reconnaissance que nous adresserons, prochainement, au premier d'entre nous, je veux parler du Président de la République, Jacques Chirac, qui nous fera l'immense plaisir de se rendre, au mois de juillet, dans le Pacifique.

Sachez, mes chers collègues, que les Français d'outre-mer sont, dans leur très grande majorité, fiers d'appartenir à une grande nation et heureux de pouvoir, eux aussi, contribuer à sa prospérité. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Robert Laufoaulu.

M. Robert Laufoaulu. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de loi de programme dont nous débattons aujourd'hui vise à promouvoir un développement économique durable pour l'outre-mer.

C'est là un vaste défi.

Les gouvernements qui se sont succédé ces dernières années ont tous cherché à établir des dispositifs tendant à pallier le considérable retard de développement dont nous souffrons, mais hélas ! jusqu'ici, avec des succès mitigés.

Conformément aux engagements pris par M. Jacques Chirac pendant la campagne présidentielle, le Gouvernement respecte sa promesse en nous soumettant un projet de loi ambitieux et qui surtout, cela est primordial, s'inscrit dans la durée.

Qu'il me soit donc permis de remercier le Gouvernement de M. Jean-Pierre Raffarin et tout particulièrement Mme Girardin, dont je connais depuis longtemps, non seulement la grande connaissance des dossiers, mais aussi le profond attachement à l'outre-mer.

Madame la ministre, chacun a pu, depuis un an, apprécier votre qualité d'écoute, et nous savons que nous avons en vous le meilleur des avocats pour plaider notre cause, dans un contexte économique et financier difficile.

Je tiens à remercier aussi l'ensemble des rapporteurs, qui ont effectué un travail remarquable, dans un esprit de dialogue et d'ouverture.

Cette loi, reconnaissons-le, va coûter de l'argent. Mais à tous les tenants d'une vision strictement budgétaire et à court terme, je souhaite dire que l'Etat doit investir à moyen et long termes et que si, enfin, un développement durable s'installe en outre-mer, c'est autant d'économies que l'Etat fera en subventions et aides qui pèsent actuellement lourd sur son budget.

Le grand mérite du texte qui nous est soumis aujourd'hui est bien de nous faire sortir d'une logique d'assistanat pour entrer dans une logique de responsabilité et d'activité.

Le développement de l'outre-mer est un défi immense, car nos collectivités sont handicapées structurellement en raison de notre situation géographique, de notre isolement, de notre insularité. Les îles Wallis-et-Futuna sont actuellement la collectivité territoriale de la République la moins avancée, car, à tous ces handicaps, s'ajoutent l'éloignement, l'exiguïté, la distance entre nos îles, par ailleurs fort mal desservies. L'essor touristique paraît donc bien illusoire pour notre territoire.

Malgré le peu de potentialité en ressources naturelles, les îles Wallis-et-Futuna veulent, avec l'Etat, s'engager résolument dans un nouveau processus de développement.

Une stratégie de développement durable du territoire a d'ailleurs été élaborée à la fin de l'année 2002 et certains points devaient être intégrés dans la loi de programme.

C'est la raison pour laquelle j'ai déposé un certain nombre d'amendements qui visent à respecter les engagements pris.

La situation de l'emploi à Wallis-et-Futuna est littéralement catastrophique. Les chiffres parlent d'eux-mêmes : 2 500 habitants seulement sur 15 000 sont salariés, dont près de la moitié dans le secteur public ou para-public et presque un quart dans les chantiers de développement. Cela se passe de commentaires !

L'emploi constitue donc notre priorité absolue. Le territoire a engagé une réflexion sur les politiques sectorielles à dynamiser, la pêche étant le premier secteur concerné.

Il est donc indispensable d'aider les créateurs d'emplois par des mesures incitatives, comme cela est prévu dans la stratégie de développement.

A cet égard, nous souhaitons bénéficier d'un système de prime pour l'emploi des jeunes, à l'instar de ce que le texte prévoit pour Mayotte. Ce qui est valable pour Mayotte l'est aussi pour Wallis-et-Futuna.

Corollaire de l'emploi, qu'il conditionne en amont, l'enseignement doit lui aussi être renforcé. Déjà en 1996, le ministre de l'éducation nationale de l'époque, François Bayrou, reconnaissait que Wallis-et-Futuna réunissait toutes les conditions pour être déclaré zone d'éducation prioritaire.

Nous ne désirons pas que le dispositif de ZEP nous soit appliqué ; nous souhaitons que des aménagements adaptés soient décidés afin de faire évoluer et progresser l'enseignement au profit de notre jeunesse.

Je remercie par conséquent notre collègue Victor Reux, qui a bien voulu reprendre, au nom de la commission des affaires culturelles, l'amendement tendant à étendre à Wallis-et-Futuna les mesures prévues à l'article 11 visant à prévenir l'échec scolaire et à réinsérer les jeunes qui ont quitté le système scolaire en situation d'échec.

Le titre II du projet de loi a pour objectif de relancer l'investissement privé au travers d'un dispositif de défiscalisation qui suscite véritablement l'initiative. Les efforts de l'Etat dans ce domaine sont extrêmement appréciables et nous espérons qu'ils porteront enfin leurs fruits à Wallis-et-Futuna.

En effet, depuis 1986, le système de défiscalisation n'a été utilisé qu'une fois sur notre territoire, à concurrence de 60 000 euros, ce qui est dérisoire.

L'économie de Wallis-et-Futuna n'est dominée par aucun secteur, la principale source de devises étant la vente de timbres fiscaux et l'exportation, encore embryonnaire, d'holothuries et de trocas. La vente de produits artisanaux ou de produits d'élevage et de culture constitue un apport occasionnel. Quant à l'activité des entreprises, du commerce et du BTP, elle dépend pour une large part de la commande publique.

Aussi, pour réaliser un développement harmonieux et durable, les Wallisiens et les Futuniens doivent avant tout bénéficier d'un environnement propice à leurs initiatives. Les porteurs de petits projets se heurtent actuellement aux lacunes du secteur bancaire, puisque la seule banque installée sur le territoire bloque les dossiers. Tant que ce problème ne sera pas résolu, les projets économiques ne pourront aboutir.

Il est donc indispensable d'encourager les organismes financiers à venir s'installer sur le territoire, et si nous savons, tout en le déplorant, qu'il n'était pas envisageable d'étendre la défiscalisation à ces services en raison des contraintes communautaires, nous demandons à l'Etat de nous aider à trouver, le plus rapidement possible, des solutions à ce problème crucial qui conditionne notre développement économique.

Le désenclavement du territoire constitue une autre priorité pour nous. En effet, ce territoire est le plus éloigné de la métropole et les services n'y sont pas toujours à la hauteur des besoins de sa population et de ses acteurs économiques. Votre dernier voyage à Wallis-et-Futuna, madame la ministre, illustre parfaitement les difficultés auxquelles nous sommes confrontés avec le transport aérien, mais aussi maritime.

Les rumeurs qui courent actuellement laissent entendre que le déplacement dans le pacifique de M. le Président de la République, prévu en juillet, pourrait faire l'impasse sur Wallis-et-Futuna en raison des problèmes de desserte. C'est bien une illustration de nos difficultés.

Comment peut-on concevoir le développement durable du territoire, notamment au travers de la pêche, de l'accroissement de nos exportations, voire d'un peu de tourisme, alors que nous n'avons même pas des infrastructures portuaires et aéroportuaires dignes de ce nom ?

Je présenterai donc un amendement visant à ce que, spécifiquement et uniquement pour la construction des infrastructures portuaires et aéroportuaires à Wallis et Futuna, la défiscalisation soit réellement incitative. Ainsi, peut-être les capitaux privés viendront-ils enfin jusqu'à nous et nous permettront-ils de réunir les conditions nécessaires à notre développement.

Mais une autre solution pourrait être envisagée, telle une subvention spéciale de l'Etat, subvention que nous aimerions voir actée dans ce projet de loi de programme, qui ne fait pas la part belle à notre territoire.

J'espère, madame la ministre, que vous pourrez nous donner satisfaction, d'une façon ou d'une autre, sur notre problème primordial de communication avec l'extérieur par le biais des ports et aéroports.

Pour ce qui est de la continuité territoriale, traitée dans le titre V, je tiens à saluer les efforts consentis par l'Etat, car ils répondent à une attente très forte de tous nos concitoyens d'outre-mer.

A Wallis et Futuna, c'est une vraie nécessité, tant les tarifs pratiqués par la compagnie aérienne sont prohibitifs, et je vous remercie donc, madame la ministre, de ces mesures.

Enfin, je souhaite terminer mon intervention sur l'article 43, qui a pour objet d'habiliter le Gouvernement à prendre par ordonnances diverses dispositions de nature législative, afin de compléter ou de clarifier l'état du droit applicable outre-mer.

Concernant les sociétés d'économie mixte, qui revêtent juridiquement la forme de sociétés anonymes régies par la loi du 24 juillet 1966 aux termes de l'article L. 1522-1 du code général des collectivités territoriales, nous souhaiterions que l'extension et l'applicabilité de cette habilitation à Wallis et Futuna soient clairement définies. Il en est de même pour les sociétés d'économie mixte locales prévues par la loi du 7 juillet 1983.

En revanche, je proposerai d'exclure Wallis et Futuna du champ de l'habilitation pour les domaines du droit immobilier et de la construction. En effet, conformément à la stratégie de développement signée avec l'Etat, la réforme de tout ce qui touche au foncier et à l'urbanisme doit être confiée aux autorités coutumières du territoire, ou réalisée en concertation avec elles.

En espérant que vous pourrez répondre, madame la ministre, à nos préoccupations et à nos demandes, je vous renouvelle mon soutien et je vous remercie de votre action. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Victor Reux.

M. Victor Reux. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, faire davantage, faire mieux sur le long terme que ne l'a fait la majorité précédente, voilà bien la ligne tracée par le Président de la République dans l'ambition qu'il a toujours nourrie pour la France d'au-delà des mers. Déjà, lors de l'élaboration de la loi d'orientation pour l'outre-mer en 2000, l'opposition, dans laquelle nous étions alors, avait dit sa préférence pour une loi de programme. Nous y voilà...

Ainsi se trouve amplifié dans votre texte le dispositif d'exonérations de charges sociales patronales qui s'applique à quasiment tous les champs d'activité, avec un relèvement de taux très sensible, allant jusqu'à 1,4 SMIC dans de nombreux domaines, et même 1,5 SMIC dans les secteurs de l'hôtellerie et du tourisme.

Le secteur important pour l'emploi que constitue le BTP bénéficie, quant à lui, de mesures nouvelles étendues avec la suppression de l'effet de seuil introduit par la loi d'orientation pour l'outre-mer.

En ce qui concerne les marins devenant propriétaires embarqués, votre texte, madame la ministre, vient réparer un vide juridique existant dans la précédente loi d'orientation ; c'est une excellente chose.

Les nouvelles dispositions sont donc bienvenues dans le secteur de la pêche locale, dont vous connaissez les aléas, madame la ministre.

De même, en ce qui concerne les primes à la création d'emplois instituées à l'égard des entreprises exportatrices, ces avantages sont heureusement maintenus.

Ces dispositions nouvelles s'inscrivent dans une démarche qui a reçu l'approbation des principales instances représentant les forces vives de Saint-Pierre-et-Miquelon.

Quant à la compensation intégrale à la caisse de prévoyance sociale de Saint-Pierre-et-Miquelon du montant total des diverses exonérations, il est nécessaire qu'elle soit explicitement reformulée dans la nouvelle loi.

De plus, il convient d'en garantir la périodicité de telle sorte qu'elle ne reste pas, comme ce fut le cas en 2002 durant neuf mois consécutifs, sans recevoir la moindre compensation, ce qui a entravé la réalisation de son schéma d'action sociale.

Sur tous ces points, je présenterai donc des amendements.

Ce projet de loi de programme pour l'outre-mer fait une large place à tout un train de mesures ciblées sur l'emploi des jeunes de dix-huit à trente ans, les chômeurs de longue durée, les bénéficiaires du RMI, toutes dispositions applicables à Saint-Pierre-et-Miquelon et qui, évidemment, recueillent mon assentiment.

Le congé de solidarité voit aussi son dispositif amélioré. Il peut constituer, dans la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon, un levier de dopage de l'emploi local, mais son application sur le terrain n'a pas été effective du fait de la conjoncture budgétaire que nous connaissons localement et qui limite le niveau de participation du conseil général dans la convention récemment signée.

Un autre aspect majeur de votre projet de loi, madame la ministre, consiste en un renforcement de la continuité territoriale entre la métropole et les divers territoires qui composent l'outre-mer. Le « passeport mobilité » a été la première concrétisation bienvenue de la volonté politique affirmée par le Gouvernement en ce domaine.

Vous savez quelles sont les particularités de Saint-Pierre-et-Miquelon, qui n'est pas relié directement à la métropole. En effet, nous devons transiter par le Canada et souvent voyager, pour une partie du trajet, sur une compagnie canadienne.

Le versement par l'Etat à la collectivité territoriale d'une subvention pour faciliter la mobilité de mes compatriotes est donc bien accueilli mais il va de soi que le montant de cette subvention devrait être adapté aux réalités tarifaires qui sont les nôtres pour que cette mesure atteigne son but. Or je suis quelque peu sceptique quant à une participation de fonds européens en ce qui nous concerne.

S'agissant du transport aérien proprement dit, les divers acteurs intéressés accueillent avec satisfaction les mesures d'exonération de charges sociales, mais, évidemment, il faut que ces allégements se traduisent dans les faits par une baisse réelle des coûts pour l'usager.

Jusqu'ici, les diverses exonérations existantes, qui représentent pour notre petite collectivité quelques millions d'euros, ont été décidées sans qu'on ait cherché, en réalité, à déceler, au plan économique ou social - ce qui est la finalité des mesures instituées - un effet notoire en proportion des avantages financiers octroyés.

A ce sujet, votre intention, exprimée dans le texte, de procéder à cette évaluation périodiquement afin d'en tirer les enseignements et de procéder, le cas échéant, à des ajustements, est rassurante.

Le titre II, second axe fort du projet de loi, traite des avantages financiers destinés à relancer ou à soutenir l'action économique outre-mer grâce à des mesures de défiscalisation étendues à des secteurs qui n'y étaient pas éligibles antérieurement.

C'est ainsi que les activités d'extraction industrielle éventuelle d'hydrocarbures au large de Saint-Pierre-et-Miquelon ne feront plus exception. Il en sera de même des biens financés dans le cadre des concessions de service public.

Je considère que ces deux dispositions, entre autres, sont très positives pour Saint-Pierre-et-Miquelon, même si, en l'état actuel des choses, elles rencontrent l'obstacle de la convention fiscale existant entre l'Etat et la collectivité territoriale.

Mais il est vrai aussi que votre dispositif offre la possibilité de la double défiscalisation, élément objectivement attractif pour l'investissement, comme le seront d'ailleurs les créations de sociétés de financement pour l'outre-mer, les « SOFIOM », vers lesquelles pourra se diriger l'épargne des particuliers.

Le projet que vous nous présentez, madame la ministre, a le mérite de rompre avec l'excès de rigueur élitiste et compliqué de la loi de votre prédécesseur.

Il privilégie le secteur sensible de l'hôtellerie de même que le logement social et les énergies renouvelables, tout en renforçant les possibilités de contrôle fiscal propres à contrer les abus qui pourraient en découler.

Par ailleurs, concernant les collectivités locales, vous avez mis l'accent sur la reconnaissance des spécificités qui caractérisent et distinguent davantage les collectivités territoriales d'outre-mer, afin que leurs dotations soient mieux en accord avec leurs particularités, dont la faiblesse des moyens financiers est le paramètre essentiel.

Votre souci de parvenir à dresser au préalable un état des lieux de la situation réelle des collectivités locales semble de nature à apporter plus de transparence et de lisibilité dans l'usage qui est fait des fonds publics. En parallèle, cette méthode stimulera davantage les responsabilités de certains élus.

Dans le projet de loi de programme, vous accordez également une attention particulière aux forces de l'avenir que constitue la nombreuse jeunesse de l'outre-mer. D'une part, vous intégrez la formation aux créations d'emploi ; d'autre part, vous proposez avec réalisme l'extension dans toutes les collectivités des dispositifs pédagogiques innovants ayant commencé à faire leurs preuves.

Ainsi pourra se poursuivre et s'étendre peu à peu un processus visant à une meilleure socialisation, à une meilleure réconciliation avec l'école des jeunes qui finissent par être exclus du monde du travail.

Nous avons, je crois, madame la ministre, travaillé dans la concertation avec votre ministère pour progresser vers une amélioration de l'existant pour toutes les collectivités de l'outre-mer.

Vous êtes consciente, comme nous tous, que le projet du Gouvernement ne va pas régler tous les problèmes. Mais sa philosophie ambitieuse et généreuse va dans le bon sens, celui qui est propre à fédérer les énergies créatrices. Je lui apporterai donc mon suffrage. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Brigitte Girardin, ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais d'abord remercier chacun d'entre vous de sa participation particulièrement constructive à notre débat. J'aurai un mot notamment à l'attention de Mme et MM. les rapporteurs des commissions, qui ont bien voulu présenter ce projet de façon très complète. Je les remercie de leurs remarques, de leurs commentaires et de leurs suggestions.

Je m'efforcerai de vous faire part de mes propres réactions à ce que j'ai entendu et je tenterai de répondre aux diverses questions que vous m'avez posées.

Je commencerai par saluer le commentaire de M. du Luart, qui a parlé d'acte II après la réforme de la Constitution. Nous sommes en effet en train d'écrire un nouvel acte de la politique de ce gouvernement pour l'outre-mer, et je suis tout à fait heureuse de pouvoir tenir devant vous les engagements très forts qui avaient été pris par le Président de la République au cours de ses déplacements outre-mer, dans le cadre de la campagne électorale.

Vous avez souligné toute l'importance que nous attachons au secteur du tourisme dans ce projet de loi.

Je rappellerai que les mesures qui concernent ce secteur ne se limitent pas à celles qui figurent dans ce projet de loi de programme. Le Gouvernement a un plan global de relance du tourisme, que j'ai mis en place avec Léon Bertrand et qui comprend d'autres types de mesures attractives, liées notamment à la relance du dialogue social. Car si nous voulons attirer des touristes outre-mer, il faut prévenir les conflits sociaux et accroître nos actions de formation à destination des jeunes qui se destinent à des métiers du tourisme, porteurs d'avenir.

Vous m'avez également interrogée sur l'action que nous menons conjointement avec le ministre des transports pour résoudre le problème de la desserte aérienne. J'ai réuni récemment avec Gilles de Robien, Dominique Bussereau et Léon Bertrand toutes les compagnies aériennes qui desservent l'outre-mer. Nous nous sommes chargés de bien leur faire comprendre que les nouvelles mesures d'exonération de charges sociales, dans la limite de 1,3 SMIC, n'avaient évidemment pas pour objectif d'augmenter leur rentabilité, mais qu'elles devaient, bien sûr, se traduire par une baisse du coût du transport et créer un environnement économique susceptible de favoriser l'émergence de nouvelles compagnies aériennes. Car il n'est pas acceptable que, comme vous l'avez souligné, Air France soit en situation de monopole dans de nombreux cas.

Nous souhaitons également travailler dans d'autres directions. Ainsi, un groupe de travail a été créé pour essayer d'optimiser la dotation de continuité territoriale versée par l'Etat. Nous souhaitons, bien sûr, pouvoir cibler un public, cibler certains vols, et nous travaillons à cette optimisation pour que les avions soient plus remplis pendant les périodes creuses tout en évitant, dans le même temps, les difficultés que l'on rencontre pour trouver des places à certaines périodes, nos compatriotes d'outre-mer devant alors payer des tarifs particulièrement élevés pour se rendre dans leur territoire.

Nous souhaitons aussi renforcer les obligations de service public et faire en sorte que les compagnies aériennes mettent en place une véritable politique commerciale adaptée à l'outre-mer. A cette fin, le groupe de travail s'est déjà réuni et va se réunir de nouveau pour que nous puissions, dès l'entrée en vigueur de cette loi de programme, publier très vite les décrets d'application sur ce point tout à fait essentiel.

Vous m'avez interrogée, monsieur du Luart, sur l'octroi de mer. Lorsque je suis arrivée à la tête de ce ministère, la situation était particulièrement difficile, puisque le dispositif devait prendre fin en décembre 2002. J'ai immédiatement rencontré M. Bolkestein, le commissaire européen en charge du marché intérieur, de la fiscalité et de l'union douanière, pour lui expliquer que nous avions besoin d'une année suplémentaire afin de pouvoir présenter le dossier que la Commission avait demandé à mon prédécesseur. Il s'agissait non pas de justifier le principe même de l'octroi de mer, mais d'expliquer les différences dans la taxation applicable aux productions locales et aux productions importées.

Nous avons réalisé un important travail d'analyse économique avec les présidents de région et nous avons, bien sûr, profité des travaux que Jean-Paul Virapoullé a réalisés dans le cadre de la mission qu'il a effectuée auprès de moi. Nous avons pu ainsi présenter à la Commission, il y a quelques semaines, un document très fouillé et très précis, qui montre notre volonté de réformer ce système de l'octroi de mer.

Nous n'avons pas hésité à proposer des améliorations et une modernisation de ce système, avec des écarts de taux entre 10 % et 50 % selon les produits. Mais nous avons maintenu le principe de l'autonomie de décision des régions d'outre-mer, car, constitutionnellement, elles sont compétentes dans ce domaine et il n'est, bien sûr, pas question de revenir sur ces compétences.

Depuis, j'ai eu différents contacts avec la Commission européenne, et je n'ai pas de raison d'être pessimiste sur l'issue de ces discussions.

Nous avons souhaité que l'octroi de mer soit reconduit sur une durée de quinze ans, pour garder une cohérence avec la durée de la loi de programme. Nous avons également proposé une clause de révision tous les trois ans, toujours dans un souci de cohérence, ainsi qu'une clause de souplesse, parce qu'il est vrai que certaines productions locales ont besoin d'être protégées aujourd'hui alors qu'elles n'auront pas besoin de l'être demain, et que peuvent arriver sur le marché de nouveaux produits qui peuvent nécessiter une protection rapide. Nous avons donc souhaité que ce système soit plus souple et plus réactif.

Une décision doit intervenir d'ici à la fin de l'année, afin que le nouveau système soit en place dès le début de l'année prochaine. Mais, lorsque je vois que les Canaries, autre région ultrapériphérique de l'Europe, ont obtenu un système similaire alors qu'elles partaient de rien et qu'elles ne disposaient d'aucun système du type de l'octroi de mer - cette décision n'est d'ailleurs même pas remontée jusqu'au Conseil européen et le COREPER, le Comité des représentants permanents des Etats membres auprès de l'Union européenne, a quand même avalisé ce système - cela me rend optimiste. En effet, en ce qui nous concerne, nous n'inventons pas un système nouveau, nous demandons simplement la prolongation d'un système qui a montré toute son efficacité et qui est indispensable, à la fois pour protéger nos productions locales et pour fournir des recettes budgétaires tout à fait nécessaires aux communes. Je rappelle que 50 % des recettes budgétaires des communes outre-mer proviennent de l'octroi de mer !

Vous m'avez aussi interrogée, monsieur le sénateur, sur la notification à la Commission européenne du nouveau système de défiscalisation.

J'ai été quelque peu effarée moi aussi de constater qu'il avait fallu treize mois à la Commission européenne pour donner son feu vert au système proposé par mon prédécesseur. Nous avons pris à bras-le-corps ce dossier et nous en sommes à notre cinquième déplacement à Bruxelles pour expliquer à la Commission ce que nous allons faire.

Nous avons noué les premiers contacts avec la Commission au mois d'octobre dernier et nous avons eu une nouvelle réunion ces jours-ci. Nous avons fait la notification officielle à la Commission le 25 février dernier. Nous sommes en train de rédiger la réponse à un questionnaire, ce qui est prévu par la procédure, et j'ai bon espoir que la Commission pourra nous donner une réponse avant la fin de l'été.

Madame Létard, vous avez eu raison de rappler que l'outre-mer est souvent un laboratoire pour la métropole, ce qui est toujours un grand sujet de satisfaction pour nous. Vous avez cité le revenu minimum d'activité, le RMA, le titre de travail simplifié, le TTS, la mobilité et le SMA.

Nous sommes tous fiers de ce service militaire adapté. J'ai souvent pour habitude de dire que c'est le plus bel outil d'insertion et de formation dont nous disposons outre-mer.

Je rappelle que 100 000 jeunes ont été formés depuis sa création et que le taux de réussite pour trouver un emploi à la sortie du SMA est particulièrement élevé puisque de 70 % à 90 % des jeunes passant par le SMA en sortent avec un emploi.

Je suis heureuse que votre assemblée ait confié à deux de ses membres, MM. Michel Pelchat et Jean-Pierre Masseret, le soin de mener une mission d'investigation pour étudier les possibilités de transposition à la métropole de l'exemple réussi du SMA.

Il faut sans doute faire plus pour essayer d'amplifier ce dispositif qui fonctionne bien. A cet effet, nous travaillons actuellement dans trois directions : l'augmentation du nombre des filières de formation dans certains secteurs ; l'accroissement des lieux d'implantation et le règlement du problème de l'encadrement, puisque, depuis la fin du service national, nous avons recours à des volontaires.

Ce problème de l'encadrement est donc en voie de règlement et nous souhaitons évidemment que le SMA continue d'être attractif pour des volontaires, car cela permet de former nos jeunes d'outre-mer.

Vous avez pu d'ailleurs constater l'effort particulier qui a été fait dans le budget pour 2003, avec l'accroissement des moyens budgétaires : il s'agissait, me semble-t-il, d'un signe d'encouragement en faveur du SMA, et cela dans un contexte qui n'était déjà pas facile. Je peux vous assurer que je m'efforcerai d'améliorer encore les moyens de formation des jeunes et les conditions de leur encadrement.

Monsieur Soulage, vous avez notamment évoqué la continuité territoriale et la question du fret.

Avec notre système, nous avons voulu surtout combler le vide existant en matière d'aide au transport des résidents entre les collectivités d'outre-mer et la métropole. Actuellement, rien n'est fait pour aider nos compatriotes à supporter le coût du titre de transport vers la métropole.

Nous avons commencé de régler le problème pour les jeunes, avec la mise en place du passeport mobilité, et nous essayons d'en accroître la dotation.

La question du fret m'est souvent posée. L'exonération de charges sociales des compagnies aériennes devrait se traduire par une baisse du coût du transport, aussi bien pour les passagers que pour le fret.

Je rappelle que certains moyens financiers ont déjà été prévus en matière de fret aérien. Ainsi, certaines régions d'outre-mer utilisent déjà très bien le concours du FEDER dans le cadre des DOCUP ; je songe à la région Guadeloupe, notamment.

Il ne faut pas hésiter à avoir recours aux crédits européens pour essayer d'alléger le coût des intrants, sujet dont on me parle souvent, notamment à la Réunion.

Monsieur Hyest, je vous remercie d'avoir évoqué une question qui me tient à coeur, celle du coût de cette loi, et d'avoir souligné que ce que l'on dépense d'un côté peut rapporter de l'autre. Je suis sensible à cet argument tant il est vrai que l'on a tendance à dresser la colonne des dépenses et jamais celle des économies réalisées par l'Etat.

J'entends dire bien des choses sur le coût de cette loi de programme. A cet égard, il faut savoir que ce qui coûte vraiment cher à l'Etat, ce sont les exonérations de charges sociales parce qu'il doit rembourser les organismes sociaux.

Les exonérations de charges sociales découlant de cette loi de programme s'élèvent à 40 millions d'euros, soit l'équivalent de ce que coûtent 4 700 chômeurs. Or j'ai l'ambition de créer un peu plus de 4 700 emplois grâce à ce dispositif.

J'ajoute que, si nous remettons 4 700 chômeurs dans le circuit du travail, ce sont 34 millions d'euros que ces ex-chômeurs verseront à l'UNEDIC. Vous voyez que les chiffres méritent d'être relativisés ! Je persiste donc à dire que cette loi va, sur de nombreux postes budgétaires, permettre à l'Etat de réaliser des économies.

Remettre certains dans le circuit du travail présente un double effet : redonner leur dignité et leur pleine citoyenneté aux personnes jusque-là privées d'emploi et économiser les allocations de chômage, le RMI et les autres aides.

Monsieur Hyest, vous avez également souligné, à juste titre, la nécessité de poursuivre l'actualisation du droit de l'outre-mer.

J'y veille avec un souci constant car il n'est pas admissible que nos concitoyens d'outre-mer, principalement ceux qui vivent dans les collectivités soumises au principe de spécialité, soient confrontés à des situations juridiques souvent inextricables quand il suffit que l'Etat applique, dans le cadre de ses compétences, les textes qu'il édicte pour la métropole.

J'ai déjà eu l'occasion de dire, en défendant devant vous le nouvel article 74-1 de la Constitution, que le droit à double vitesse ne doit pas conduire à la citoyenneté à double vitesse. Tant avec l'habilitation ouverte par la présente loi qu'avec le nouvel article 74-1 de la Constitution, je m'attacherai à résoudre au mieux les questions récurrentes que votre assemblée connaît bien.

Chaque fois que cela sera possible, le Parlement sera bien entendu associé à cette oeuvre, comme c'est le cas aujourd'hui, afin de donner sa pleine efficacité au principe constitutionnel d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi.

Monsieur Reux, vous avez mis l'accent sur la formation.

Je soutiens les propositions que vous avez formulées, en liaison notamment avec nos amis Polynésiens et Calédoniens, sur la reconnaissance des diplômes. Je suis favorable à l'amélioration du projet sur ce point, car elle lèvera toute les ambiguïtés qui auraient pu subsister.

Vous avez bien voulu souligner l'intérêt que présente l'exemple réunionnais du collège de la vocation pour l'ensemble de l'outre-mer. Les expériences qui ont prouvé leur efficacité méritent d'être reprises et, c'est la raison pour laquelle nous avons introduit ce principe dans le projet de loi de programme.

Monsieur Jean-Paul Virapoullé, j'adhère complètement à la métaphore que vous avez utilisée : le prêt-à-porter s'est transformé en surmesure. C'est tout à fait le sens de notre action.

S'agissant de la Constitution, la Réunion a vraiment bénéficié de dispositions surmesure. Le projet de loi de programme s'inscrit dans la même logique. Certes, il convient de définir un cadre général, commun à tous, mais il faut savoir moduler les mesures quand cela s'impose.

Comme vous l'avez souligné, monsieur le sénateur, le ministère de l'outre-mer a une vocation interministérielle. Chaque fois qu'un ministre prépare un texte, je m'emploie à l'adapter à l'outre-mer. Je l'ai fait pour la loi sur la sécurité intérieure de Nicolas Sarkosy et je le ferai systématiquement, y compris pour les lois de décentralisations.

C'est notre réflexe constant, et je vous remercie de l'avoir rappelé car non seulement le budget de l'outre-mer ne représente que 10 % des dépenses qui sont réalisées, mais ce ministère a aussi pour rôle de donner un peu de culture de l'outre-mer à tous les autres ministères. Nous nous y employons, je peux vous l'assurer.

Madame Anne-Marie Payet, vous avez évoqué, vous aussi, le problème du coût des intrants. Il faut essayer de mobiliser les financements qui existent. En effet, j'ai tendance à penser que, très souvent, c'est plus un problème de consommation de crédits, de mobilisation sur des projets précis que de manque de ressources financières.

Je salue évidemment l'expérience réunionnaise, que vous avez rappelée, du collège de la vocation.

Avec pragmatisme, je suis prête, comme vous l'avez souhaité, à réorienter les différentes mesures dans un délai de trois ans. J'ose espérer aussi que, dans trois ans, le contexte budgétaire sera un peu plus favorable qu'il ne l'est aujourd'hui.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Bien sûr !

Mme Brigitte Girardin, ministre. Monsieur Othily, vous avez parlé du retard de la Guyane. J'ai entendu aussi les délibérations des assemblées locales évoquant ce contexte difficile et la demande d'une loi spécifique de rattrapage.

Vous avez évoqué également la question des infrastructures.

Il est vrai que la Guyane est un territoire particulièrement vaste, qui est confronté à des problèmes d'aménagement de son territoire, et je reconnais bien volontiers que des mesures particulières s'imposent. Mais, là aussi, ne confondons pas les exercices : je ne présente pas une loi de programmation, il ne s'agit pas de programmer les crédits de l'Etat pour les quinze ans à venir. Nous disposons d'autres instruments pour cela : les contrats de plan, les fonds structurels européens.

Je crois d'ailleurs que si la Guyane arrive à consommer à 100 % tous ces crédits, dès que nous disposerons de l'examen à mi-parcours de ces contrats et de ces DOCUP, nous envisagerons l'étape suivante. Si nous constatons que les crédits ont été consommés, nous en tiendrons compte et nous ferons en sorte que, lors de l'exercice suivant, nous puissions davantage prendre en compte les nécessités de rattrapage de la Guyane.

En tout cas, vous comprendrez que je ne puisse plaider un dossier que si tous les crédits disponibles ont été totalement consommés. Je suis alors plus crédible lorsque je demande des crédits supplémentaires.

Je ne voudrais pas que, à la fin des échéances, il reste des crédits dont on aurait eu quelques difficultés à assurer la consommation.

L'agriculture - je le rappelle - est un secteur que nous soutenons plus particulièrement dans cette loi de programme. J'ai déjà indiqué comment nous avions corrigé un effet pervers de la loi d'orientation agricole. Le Gouvernement considère que l'agriculture est un secteur sensible, ce qui a justifié que les exonérations de charges sociales aillent jusqu'à 1,4 SMIC, ce qui n'était pas le cas jusqu'à maintenant.

Vous m'avez interrogée sur le système des Sofipêche. Je partage votre préoccupation. Nous sommes tout à fait d'accord pour considérer que le secteur de la pêche joue un rôle très important dans les départements d'outre-mer.

Ce dispositif répond parfaitement aux besoins des professionnels en matière de renouvellement et de modernisation des bateaux de pêche.

J'ai rencontré récemment les professionnels de la pêche, mon collègue du budget aussi, et nous avons ensemble évoqué cette question. Je puis vous dire que nous examinerons la question de la prorogation du dispositif national des Sofipêche au-delà du 31 décembre 2003 avec la loi de finances pour 2004.

Votre préoccupation est prise en compte : je l'ai d'ailleurs fait savoir aux professionnels de la pêche.

En ce qui concerne la ligne budgétaire unique pour les associations qui gèrent des résidences pour personnes âgées, nous sommes en train de travailler, avec le ministère des finances, à la révision des arrêtés, ce qui permettra de répondre à votre attente. Je partage tout à fait votre analyse sur ce point.

Pour ce qui est de la forêt, sujet qui vous est cher, je vous assure que votre proposition de loi pourra naturellement être prise en compte et inspirera, je pense, très largement la rédaction de la future ordonnance.

Je reviendrai maintenant sur vos commentaires relatifs à l'immigration.

Je rappelle que ce Gouvernement a, depuis un an, fait adopter de nombreuses mesures spécifiques à la Guyane pour pérenniser des dispositifs qui, jusqu'à maintenant, étaient provisoires, notamment les mesures renforçant les contrôles d'identité ou définissant un statut pour les pêcheurs illégalement arrivés à terre. Une procédure administrative spéciale a été mise en place pour les reconduites à la frontière.

Toutes ces mesures figurent dans la loi sur la sécurité intérieure. On peut donc difficilement nous reprocher d'être inactifs dans ce domaine. Ce sujet très sensible en Guyane est évidemment étroitement lié au développement économique de ce département.

Monsieur Lise, vous m'avez reproché d'aller à la fois trop vite et trop lentement. Je ne sais quelle critique prendre en compte ! Vous m'avez dit que le Gouvernement s'était engagé à ce que ce projet de loi de programme soit examiné en 2002. Je reconnais que le Président de la République avait déclaré qu'il souhaitait qu'il soit déposé au Parlement à la fin de l'année 2002. Mais « déposé » ne signifie pas « examiné » et « voté ». Je puis vous assurer que le calendrier que nous avions à l'esprit, à savoir l'adoption de cette loi en 2003, sera respecté.

Vous noterez que, malgré un calendrier parlementaire particulièrement chargé, les départements et les territoires d'outre-mer sont demeurés une priorité. Tout nous incite à penser que cette loi sera effectivement en vigueur d'ici au mois de juillet prochain.

Je me permets de vous mettre au défi de me prouver qu'un seul des engagements du Président de la République figurant dans ses discours de Madiana, de Champ-Fleuri ou dans son programme électoral ne serait pas tenu !

Vous semblez considérer que des promesses très importantes auraient été faites et qu'elles auraient été revues à la baisse. Je suis désolée de vous dire que ce n'est pas le cas. Je connais bien ces discours. Je connais bien ce programme électoral et j'ai mis un point d'honneur à ce que tous les engagements qui avaient été pris soient respectés à la lettre.

Vous m'avez indiqué que nous conservions la même logique. Je l'ai déjà dit, je suis quelqu'un de pragmatique. Lorsque je vois qu'un dispositif fonctionne, je le prolonge. Lorsque je vois que des choses doivent être améloriées, je les corrige. Et lorsque je constate que cela ne fonctionne plus du tout, je n'hésite pas à innover. J'ai essayé de respecter cette logique.

Je reconnais que je suis peut-être en rupture avec le gouvernement précédent en ce qui concerne la politique de l'emploi, notamment en matière d'emplois aidés.

Encore une fois, je ne suis pas naïve au point de penser que, outre-mer, nous pourrons nous passer des emplois de solidarité tels les CES ou les CEC. Bien évidemment, l'Etat devra toujours manifester sa solidarité de cette façon. Mais mon ambition est de réduire ces emplois aidés et de les faire basculer, notamment pour la jeunesse, vers de vrais emplois durables. Car les emplois aidés, qu'on le veuille ou non, sont des emplois précaires, et je crois que la jeunesse d'outre-mer a besoin d'autre chose : il faut lui offrir de vrais emplois durables, assortis de formations.

Je vous citerai un exemple vous montrant que je suis effectivement en rupture avec ce qui s'est fait précédemment : le fonds pour l'emploi dans les départements d'outre-mer, le FEDOM, a été créé par la loi Perben en 1994. Son objectif initial était de créer des emplois dans les entreprises avec, notamment, le dispositif du contrat d'accès à l'emploi. Or que s'est-il passé ? Année après année, le FEDOM a été sollicité pour financer à la fois les emplois-jeunes et de plus en plus d'emplois aidés.

J'ai souhaité, dès le budget pour 2003, réorienter le FEDOM pour que nous puissions financer davantage d'emplois en entreprises. Il faut essayer de provoquer à nouveau ce basculement des emplois aidés vers les vrais emplois. Par conséquent, je le répète - je le dis notamment pour la Réunion - loin de nous l'idée de laisser des jeunes sur le bord du chemin. Nous nous employons à ce que chacun puisse trouver une solution, et nous redoublons d'efforts afin que ces emplois-jeunes se transforment, au terme des cinq ans, en véritables emplois.

Je rappelle que nous ne portons pas la responsabilité de l'interruption des emplois-jeunes au bout de cinq ans.

Vous m'avez interrogée sur les offices de l'eau. Je précise que l'article 41 du projet de loi de programme codifiera, dans le code de l'environnement, les dispositions en vigueur concernant le fonctionnement des offices de l'eau, ce qui conforte leur pérennité. Mais cet article codifie également des dispositions nouvelles concernant les redevances, ce qui leur donnera les moyens financiers de mettre en oeuvre une politique adaptée dans le domaine de la gestion de l'eau.

S'agissant de votre proposition d'instaurer un dispositif intermédiaire permettant une évaluation de la loi d'orientation pour l'outre-mer, je n'ai pas souhaité, en arrivant à la tête de ce ministère, commander une fois de plus, comme en 1997, de multiples rapports : le gouvernement de l'époque a commandé de nombreux rapports et, finalement, la loi d'orientation a été repoussé de trois ans. Nous en avons suffisamment ! D'ailleurs, tous les rapports qui avaient été commandés par le gouvernement socialiste en 1997 sur les dispositifs qui avaient été mis en place depuis de nombreuses années et qui visaient à agir sur le coût du travail et sur le coût du capital par des exonérations de charges sociales et un système de défiscalisation, ont conduit ledit gouvernement socialiste à s'en inspirer, à les confirmer, voire à les amplifier même si ces dispositifs avaient instaurés par la loi Pons et la loi Perben.

De nombreux éléments ont montré l'efficacité de ces mesures. Si un gouvernement de gauche, succédant à un gouvernement de droite, ne les a pas remises en cause, c'est qu'elles ont produit les effets que l'on pouvait en attendre.

Vous m'avez demandé de revoir le congé-solidarité ; je m'y emploie ! Ce n'est pas moi qui ai créé ce système. Il est vrai qu'il n'est pas d'une très grande efficacité. Nous l'avons donc modifié et nous verrons, lors de l'évaluation s'il a produit réellement ses effets, ce que nous souhaitons. Là encore, nous nous sommes engagés dans une démarche pragmatique, car ce que nous recherchons, c'est l'efficacité.

Par ailleurs, vous m'avez demandé d'étendre le système de défiscalisation pour les travaux de rénovation et de réhabilitation, c'est-à-dire le taux de réduction d'impôt de 70 % et la « détunnelisation » sur cinq ans, aux constructions neuves.

Je rappelle que les constructions neuves dans le domaine hôtelier sont toujours éligibles aux exonérations de charges sociales et peuvent bénéficier de la défiscalisation. Mais si nous avons voulu favoriser la réhabilitation hôtelière, c'est précisément pour répondre à une crise que l'on constate, notamment, aux Antilles. Ce que nous souhaitons, c'est mettre l'accent sur la remise à niveau de nos infrastructures touristiques.

Je comprends qu'il faille promouvoir des projets nouveaux, mais je ne pense pas que ceux-ci doivent bénéficier du même soutien que les projets de réhabilitation.

Notre action répond également à un souci de protection de l'environnement. Je ne veux plus voir, je vous le dis franchement, quand je vais à Saint-Martin, par exemple, des carcasses d'hôtel qui pourrissent sur place parce que les établissements ne sont plus rentables. De telles verrues ne doivent plus exister dans le paysage et il faut absolument que ces sites, qui ont été choisis pour des opérations touristiques, soient réutilisés. Pour cela, il nous faudra procéder à des opérations de réhabilitation. Il ne s'agit pas seulement de rénovation : il ne suffit pas de changer la moquette d'une chambre d'hôtel.

Nous devrons donc mettre en place de véritables projets de réhabilitation pour pouvoir mieux lutter contre la concurrence étrangère, notamment celle des Etats voisins de la Caraïbe. Cet effort, qui devra se poursuivre, selon moi, pendant cinq ans, nous permettra d'utiliser vraiment tous les sites que nous possédons et d'offrir un produit de qualité et réellement compétitif.

J'en viens aux collectivités locales. Je reconnais - j'ai déjà eu l'occasion de le dire - que ce projet de loi de programme comporte très peu de mesures les concernant. Cela est tout simplement dû au fait que Patrick Devedjian proposera prochainement au Parlement un projet de loi sur l'autonomie financière des collectivités locales. Ce texte prendra pleinement en considération l'outre-mer et il devra tenir compte des critères spécifiques que nous avons mis en place dans cette loi de programme pour que les dotations de l'Etat soient ajustées en conséquence.

Monsieur Foucaud, vous m'avez indiqué que je brisais les emplois aidés. Je crois avoir répondu sur ce point. Il est vrai que nous ne sommes pas tout à fait dans la même logique : je souhaite, pour ma part, la diminution des emplois aidés et l'augmentation des emplois dans les entreprises, car c'est là que nous trouverons de véritables perspectives pour notre jeunesse.

Vous m'avez reproché de pas avoir réalisé d'études.

Nos prédécesseurs ont effectué des études qui ont prouvé l'efficacité de ces mesures. Puisqu'ils ont continué dans cette voie, je ne vois pas de raison de douter du bien fondé de ces dispositions.

Madame Michaux-Chevry, votre suggestion de créer un fonds regroupant l'Europe, l'Etat et les collectivités locales pour indemniser les calamités me paraît tout à fait intéressante. Il existe toutefois un dispositif spécifique dont bénéficie l'outre-mer pour indemniser les calamités agricoles et celles qui résultent de catastrophes naturelles. Des crédits d'extrême urgence sont débloqués sans délai chaque fois que nous devons faire face à des besoins immédiats pour les personnes sinistrées. Tel est le cas, nous l'avons vu récemment en Nouvelle-Calédonie, après le passage du cyclone Erica.

En outre, un fonds de secours permet d'indemniser les particuliers non assurés et les collectivités territoriales, ainsi que l'agriculture pour les dégâts causés tant aux fonds qu'aux récoltes.

Actuellement, nous poursuivons les discussions avec la Commission européenne pour élaborer un mécanisme se substituant aux licences « cyclones », qui sont devenues incompatibles avec les règles de l'Organisation mondiale du commerce.

Enfin, il existe depuis peu, sur l'initiative du commissaire Barnier, un fonds spécial pour indemniser les calamités exceptionnelles. Nous restons très vigilants et ces différents instruments seront activés, en tant que de besoin, au profit de l'outre-mer.

Nous considérons aussi, comme vous, qu'il est indispensable que la France soit plus présente auprès de la Commission européenne. A cet égard, la préparation du mémorandum des régions ultrapériphériques constitue une étape très importante ; l'Etat et les régions françaises d'outre-mer doivent évidemment peser de tout leur poids.

Les résultats obtenus pour les régions d'outre-mer sont encourageants, puisque, pour la première fois, les producteurs de bananes antillais bénéficieront d'un dispositif pluriannuel de complément à l'aide compensatoire « banane ». Ces premiers résultats montrent, me semble-t-il, l'intérêt de la démarche engagée par le Gouvernement avec les professionnels depuis le début de l'année en vue d'améliorer l'organisation commune du marché de la banane.

S'agissant de votre remarque concernant le RMI, je partage, bien sûr, tout à fait votre analyse. Je souhaite, comme vous, madame le sénateur, favoriser fortement l'insertion professionnelle des RMIstes. Ainsi que vous le savez, j'ai défendu le RMA. Ce dispositif fait aujourd'hui l'objet d'un projet de loi du ministère des affaires sociales, dont vous allez d'ailleurs débattre dans les prochains jours. Ce nouveau contrat d'insertion doit naturellement trouver toute sa place au sein des DOM dans le cadre d'une gestion du RMI qui est appelée à être décentralisée.

Cette nouvelle disposition vient compléter - je l'ai dit dans mon intervention liminaire - les contrats d'insertion par l'activité, les CIA, qui sont une mesure spécifique à l'outre-mer. Je profite de cette occasion pour rappeler que vingt-trois mille CIA ont été signés en 2002.

Nous améliorons, nous aménageons les CAE afin de renforcer les possibilités de reprise d'un emploi pour les RMIstes en les prolongeant et en augmentant les exonérations de charges sociales. En tout cas, nous essayons de concourir au maximum à cette insertion professionnelle des RMIstes, qui est notre objectif à tous.

Madame Gourault, vous avez souligné à juste titre l'importance de la continuité entre la métropole et l'outre-mer. Comme vous le savez, le Président de la République et le Premier ministre ont proposé au Parlement une révision constitutionnelle qui a été adoptée et qui consacre de la façon la plus solennelle l'appartenance de nos collectivités ultramarines à la République.

S'agissant du RMA, je formulerai les même remarques que celles que je viens de faire en réponse à Mme Lucette Michaux-Chevry.

Sur les problèmes d'optimisation des fonds européens, monsieur Désiré, je souscris en totalité à votre analyse. Vous vous préoccupez du tourisme nautique : vous connaissez ma position. Je crois que nous allons pouvoir nous entendre sur cette question importante, comme vous le verrez au cours du débat.

Quant à la continuité territoriale pour les trois départements français d'Amérique, je rappelle que le passeport mobilité pour les jeunes s'applique aussi à la prise en charge du coût du transport entre les collectivités d'outre-mer.

Monsieur Vergès, s'agissant des emplois-jeunes, vous me reprochez de ne rien faire. Faut-il rappeler que, là encore, nous avons hérité d'une véritable bombe à retardement ?

Non, en effet, monsieur le sénateur, nous n'allons pas faire des « emplois-vieux » avec les emplois-jeunes ! (Sourires.) Reste qu'il faut trouver des solutions. Nous faisons tout pour que les jeunes puissent, au sortir des contrats, trouver de vrais emplois. Le dispositif des CAE jusqu'à la fin 2007 est une première réponse ; nous en avons mis d'autres en place, notamment avec François Fillon. Nous nous efforçons de trouver une solution pour chacun.

Je m'adresserai maintenant au président du gouvernement de la Polynésie. Cher Gaston Flosse, je voudrais saluer le dynamisme de la Polynésie. Tous ceux qui se rendent dans ce beau territoire peuvent constater que le partenariat avec l'Etat y fonctionne bien, grâce à une économie particulièrement dynamique. Il est vrai que nous l'aidons, mais ce n'est qu'un juste retour après tout, compte tenu de ce que la population polynésienne a pu donner pendant des années à la République, notamment pour la défense de notre pays. Notre solidarité à l'égard de la Polynésie doit donc se manifester de façon pérenne.

Comme vous le savez, le Gouvernement soutient votre démarche vers l'autonomie. Nous en avons fait inscrire le principe dans la Constitution et la future loi organique statutaire, à laquelle nous travaillons activement, en tirera toutes les conséquences, dans le respect des grands principes républicains et des nécessaires garanties démocratiques qui doivent prévaloir sur l'ensemble du territoire national.

Vous souhaitez être assimilés aux départements d'outre-mer.

M. Jean-Paul Virapoullé. Eh bien, échangeons !

Mme Brigitte Girardin, ministre. En effet, vous pouvez peut être échanger avec Jean-Paul Virapoullé, un 73 contre un 74 ! (Sourires.)

C'est surtout par son volet « défiscalisation » que ce texte concerne l'ensemble des collectivités d'outre-mer, mais, sur le reste, je dirai que c'est la conséquence, aussi, de l'autonomie des territoires : on ne peut pas vous exonérer de charges sociales, puisque l'Etat ne perçoit pas les taxes afférentes ! C'est la logique du système.

Monsieur Larifla, la loi de programme n'est pas une loi de programmation. Vous appelez de vos voeux de vastes efforts de rattrapage : consommons déjà les contrats de plan et les fonds structurels européens. Il y a là des moyens financiers disponibles, mais encore faut-il les mobiliser et les consommer complètement.

Vous m'avez interrogée sur la réponse de Bruxelles. Nous sommes en pourparlers, et nous pensons que nous obtiendrons le feu vert de la Commission dans des délais raisonnables.

Quant aux effets pervers de la défiscalisation, je crois avoir déjà suffisamment expliqué que, précisément, le nouveau système permettra d'éviter tous les dérapages et tous les abus qui ont pu être constatés dans le passé.

Je voudrais remercier M. Simon Loueckhote de son appréciation du dispositif de la loi de programme. Effectivement, grâce à un système de défiscalisation, nous avons pu, non sans peine, obtenir que Air Calédonie International puisse desservir la Nouvelle-Calédonie. La compagnie Air France s'étant retirée de la desserte de Nouméa, nous mesurons à quel point la défiscalisation est indispensable.

Notre nouveau système tranchera avec le précédent en ce qu'il évitera, je l'espère, le véritable parcours du combattant auquel il fallait se livrer pour plaider ce type de dossier auprès du ministère des finances, compte tenu des procédures particulièrement lourdes qui prévalaient.

Je ne veux pas que la continuité territoriale en Nouvelle-Calédonie soit une utopie, pour reprendre votre expression ; nous nous efforcerons de faire en sorte qu'elle devienne un peu plus une réalité.

Monsieur Laufoaulu, je connais évidemment les difficultés de Wallis-et-Futuna, et je suis tout à fait d'accord avec vous pour dire que le territoire a besoin de quelque chose en plus, en plus de la loi de programme, en plus des contrats de plan. C'est d'ailleurs le sens de la convention de développement, qui suit la mise en place d'une véritable stratégie de développement durable pour Wallis-et-Futuna. C'était un engagement du Président de la République et il est désormais tenu. Nous avons signé cette convention, le ministère de l'outre-mer ayant apporté sa contribution, mais ce n'est qu'un début, car nous allons élargir aux autres ministères la possibilité de participer au développement de Wallis-et-Futuna.

Tous les sujets que vous avez évoqués sont évidemment de vrais sujets, et nous allons nous mobiliser, dans le cadre de cette convention, pour vous apporter ces mesures supplémentaires dont le territoire a grandement besoin.

J'ajoute que je ne vois pas d'obstacle à ce que le statut des sociétés d'économie mixte soit adapté aux spécificités de Wallis-et-Futuna par voie d'ordonnance.

Quant aux questions foncières, le Gouvernement n'a aucunement l'intention de porter atteinte aux règles de droit coutumier en vigueur.

Enfin, monsieur Victor Reux, vous avez évoqué les difficultés que connaît Saint-Pierre-et-Miquelon. Il faut se rendre sur place pour mesurer les problèmes de continuité territoriale qui se posent. Il est vrai que l'archipel est dans une situation tout à fait particulière.

Vous avez insisté sur les nécessaires adaptations, notamment sur le plan social, avec la Caisse de prévoyance sociale. Je suis ouverte à toute amélioration en ce sens, comme nous le verrons dans la discussion des articles.

Je suis ravie que la double défiscalisation, même si quelques petits problèmes techniques avec la convention fiscale doivent encore être réglés, puisse produire davantage d'effets à Saint-Pierre-et-Miquelon.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie de bien vouloir me pardonner une si longue intervention, mais j'ai essayé de répondre à chacune de vos préoccupations. Sans doute n'aurez-vous pas été complètement satisfaits, mais vous connaissez nos contraintes budgétaires. J'ose espérer que, lorsque nous évaluerons l'application de cette loi, dans trois ans, le contexte économique sera un peu plus porteur. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Roland du Luart, rapporteur. Souhaitons-le !

M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...

La discussion générale est close.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi de programme pour l'outre-mer
Art. additionnels avant l'art. 1er