Article additionnel après l'article 6 (priorité)
M. le président. L'amendement n° 902, présenté par MM. Estier, Domeizel et Chabroux, Mme Printz, M. Krattinger, Mmes Campion et Blandin, M. Godefroy, Mmes San Vicente et Pourtaud, MM. Lagauche et Vantomme, Mme Herviaux, M. Frimat, Mme Cerisier-ben Guiga, M. Mano et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :
« Après l'article 6, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Un rapport est présenté au parlement tous les 5 ans, sur l'égalité devant les retraites en fonction de la pénibilité du travail. »
La parole est à M. Gilbert Chabroux.
M. Gilbert Chabroux. Nous souhaiterions qu'un rapport sur l'égalité devant la retraite en fonction de la pénibilité du travail soit présenté au Parlement tous les cinq ans.
Tous les salariés doivent pouvoir bénéficier d'un traitement équitable au regard de l'espérance de vie et de la retraite, sachant que la pénibilité du travail a une incidence sur l'espérance de vie. Nous voudrions donc que cette notion d'équité soit étudiée de façon plus complète, en prenant en compte les conditions de travail.
Je tiens, à cet instant, à faire état d'une information qui me paraît inquiétante. Je lisais hier dans un grand quotidien que la France régresse en matière de développement humain : alors que la France était créditée du deuxième rang mondial sur ce plan en 1998, elle n'apparaît plus aujourd'hui qu'à la dix-septième place sur 175 pays étudiés.
M. François Fillon, ministre. Oui !
M. Gilbert Chabroux. Monsieur le ministre, vous avez sans doute des réponses, mais je voudrais tout de même développer quelque peu mon propos et exprimer mon inquiétude. (M. le ministre sourit.)
J'évoque en l'occurrence le rapport de 2003 du programme des Nations unies pour le développement. L'indicateur du développement humain retenu par ce programme est fondé sur des paramètres économiques et sociaux : les niveaux atteints en termes d'espérance de vie, d'instruction et de revenu réel corrigé. L'espérance de vie est donc bien prise en compte.
Or votre projet, monsieur le ministre, repose sur un allongement de la durée de cotisation lié au progrès de l'espérance de vie, et notre pays, je le répète, régresse à cet égard. Le haut du classement auquel je faisais référence est dominé, sans surprise, par les pays nordiques, la Norvège, l'Islande et la Suède occupant les trois premières places. Les Etats-Unis sont classés très largement devant nous, à la septième place, ce qui nous paraît un peu plus étonnant, de même que le Japon, qui figure au neuvième rang. Ces deux pays sont devancés par l'Australie, quatrième, et la Belgique, sixième. Même la Grande-Bretagne est mieux classée que nous, au treizième rang.
Par conséquent, monsieur le ministre, je souhaiterais connaître votre réaction devant cette situation, d'autant que, je le rappelle, la France est plutôt mal classée, en termes de conditions de travail, au sein de l'Union européenne. Il me semble que cet état de choses doit nous amener à nous interroger et à tenir beaucoup plus compte, dans ce projet de réforme des retraites, des hypothèques qui pèsent sur l'allongement de l'espérance de vie, ainsi que de la pénibilité du travail.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Votre amendement est satisfait par la rédaction actuelle de l'article 16 ter du projet de loi. En outre, un amendement adopté en commission et qui sera examiné ultérieurement tend à prévoir l'établissement d'un bilan de la prise en compte de la pénibilité du travail au-delà de la seule question des retraites. Il sera dressé sur le fondement d'un rapport de la Commission nationale de la négociation collective.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre. Le Gouvernement demande au Sénat de rejeter cet amendement, pour la raison que M. le rapporteur vient d'indiquer. La rédaction actuelle du projet de loi satisfait en effet l'exigence de M. Chabroux d'une information sur les travaux relatifs à la pénibilité menés par les partenaires sociaux.
Cela étant dit, M. Chabroux m'offre l'occasion d'évoquer un sujet qui est effectivement extrêmement préoccupant et qui transparaît dans le rapport de 2003 du programme des Nations unies pour le développement.
Celui-ci indique que notre pays a reculé au classement relatif à ce que l'on appelle le développement humain sur au moins trois critères : l'allongement de la durée de la vie, l'instruction et le revenu réel.
Ce rapport est fondé sur des données relatives à l'année 2001. En 1998, la France était au deuxième rang...
M. Gilbert Chabroux. C'est la faute du gouvernement de l'époque ! (Sourires.)
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ne concluez pas trop vite !
M. François Fillon, ministre. Je n'ai pas dit cela, monsieur Chabroux, je ne vais pas jusque-là ! Je constate simplement que les données nous classent au dix-septième rang pour 2001.
Qu'est-ce que cela signifie ? Je ne pense pas que nous ayons régressé en termes d'espérance de vie ou de revenu réel ; ce recul signifie que les autres pays progressent plus vite que nous. S'il en est ainsi, c'est à mon sens parce qu'ils sont plus courageux que nous dans les réformes de structure visant à adapter le modèle social. La vérité, c'est que notre modèle social est en train de craquer de toutes parts parce qu'il n'a pas été suffisamment adapté ces vingt dernières années.
Le rapport que M. Chabroux a cité montre que des pays qui sont parfois stigmatisés, sur certaines travées, comme des bastions d'un réformisme et d'un libéralisme sauvages, sont finalement mieux placés que nous, quand on examine les choses de façon objective, en matière de niveau de vie, de richesse par habitant, de satisfaction des besoins collectifs.
Cela doit nous interpeller, non pas pour nous conduire à copier les exemples, mais pour nous forcer à engager les réformes nécessaires afin d'adapter notre modèle social. C'est exactement ce que le Gouvernement vous demande de faire avec ce projet de loi sur les retraites. (Applaudissements sur plusieurs travées de l'UMP.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 902.
(L'amendement n'est pas adopté.)
- Art. additionnel après l'art. 6 (priorité)
- Dossier législatif : projet de loi portant réforme des retraites
- Art. additionnel après l'art. 7 (priorité)
Article 7 (priorité)
M. le président. « Art. 7. - I. - L'article L. 134-1 du code de la sécurité sociale est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La commission de compensation est consultée pour avis sur tout projet de modification des règles affectant les mécanismes de compensation entre régimes de sécurité sociale. Ces avis sont rendus publics. »
« II. - Dans l'avant-dernier alinéa de l'article L. 134-5 du même code, les mots : "par le dernier" sont remplacés par les mots : "à l'avant-dernier".
« III. - A la fin de l'avant-dernier alinéa de l'article L. 134-5-1 du même code, les mots : "par le dernier alinéa de l'article L. 134-1" sont remplacés par les mots : "à l'avant-dernier alinéa de l'article L. 134-1". »
La parole est à Mme Michelle Demessine, sur l'article.
Mme Michelle Demessine. La compensation est un principe que nous défendons puisqu'il est au coeur de l'idée de solidarité qui, elle-même, est le fondement de notre système de protection sociale. Elle permet, en effet, de répondre de manière juste aux évolutions inégales des différents régimes de retraites. Mais elle peut aussi ouvrir la voie à toutes les facilités, et donc à tous les abus.
La Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales, la CNRACL, a souvent été mise à contribution alors que ce régime démographique était assez favorable.
Si la compensation est un mécanisme justifié, la surcompensation relève du hold-up.
Dans ce cadre, je tiens à souligner que le projet de décentralisation qui organise le transfert de personnels aux collectivités locales ne sera pas sans conséquences sur leurs régimes de retraite. Il inquiète d'ailleurs beaucoup les élus, car il chargera d'autant plus la barque des collectivités locales.
Nous ne remettons pas en cause la compensation, mais elle aurait tout à gagner à s'effectuer dans la plus grande transparence. Lui donner le maximum de publicité permettrait d'éviter les abus et de renforcer la solidarité, valeur qui doit être maîtrisée par tous nos concitoyens. Source de justice, la solidarité est légitime et s'impose à tous. Personne ne peut la contester parce qu'elle est à la base d'une vie commune en société.
A l'inverse, ne pas vouloir donner un maximum de publicité à des choix de compensation entre différents régimes de retraite, s'ils sont légitimes, risque d'introduire le doute et la confusion dans l'esprit des salariés concernés.
En outre, restreindre les dispositifs de compensation à un échange d'experts permet de limiter le débat à des cercles de spécialistes et de technocrates. La solidarité n'est pas une affaire de spécialistes. Elle doit être accessible parce qu'elle est au centre de notre organisation sociale.
La compensation doit donc s'accompagner d'une véritable transparence. La rédaction de cet article n'est pas satisfaisante dans la mesure où le Parlement n'est pas saisi pour débat sur l'avis rendu par la commission de compensation.
Veut-on vraiment développer le sens de la solidarité chez nos concitoyens ou veut-on effectuer, dans le secret des cabinets, des transferts entre différents régimes ? Un débat au Parlement sur les choix de compensation opérés serait pourtant la manière de témoigner de votre véritable attachement à la solidarité.
C'est pourquoi, à notre sens, la consultation de la commission de compensation n'est pas suffisante pour légitimer les choix qui seront faits. Ces derniers manqueront de transparence. Un débat au Parlement donnerait tout à la fois la transparence réelle et l'autorité requise à ces mécanismes de la solidarité. Nous ne pouvons donc nous satisfaire de cette disposition en l'état.
M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel, sur l'article.
M. Claude Domeizel. Personne ne comprendrait que je n'intervienne pas sur l'article 7, qui prévoit la disparition de la surcompensation. Or, cette surcompensation touche particulièrement non pas la CNRACL, mais les finances des collectivités locales. En effet, la CNRACL n'est pas autre chose que la caisse des agents des collectivités locales, c'est-à-dire les communes, les départements, les régions, ainsi que des établissements publics et des hôpitaux.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Vous parlez de l'article 7 bis, monsieur Domeizel, mais vous pouvez le faire dès à présent !
M. Gilbert Chabroux. Cela nous fera gagner du temps ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
M. Claude Domeizel. La CNRACL a servi très souvent de variable d'ajustement dans des situations difficiles. Cela a commencé en 1980, quand les hôpitaux ont connu des difficultés de financement. Le moyen qui a été trouvé, M. Fourcade doit s'en souvenir, a consisté, compte tenu des réserves importantes de la CNRACL, à diminuer de 18 % à 6 % la cotisation patronale des hôpitaux et des collectivités locales. Cela a été une première manière d'affaiblir les réserves de la CNRACL.
En 1985, a été créée, pour un an, une surcompensation entre les régimes spéciaux, moyen habile pour puiser des sommes importantes dans les réserves de la CNRACL au profit de l'Etat. Chaque année, depuis, les finances des collectivités locales et des hôpitaux versent indirectement, par le biais de la CNRACL, près de 9 milliards de francs pour la seule surcompensation, auxquels, je le souligne au passage, il faut ajouter 9 milliards de francs au titre de la compensation généralisée.
Cette mesure, instituée par la loi de finances pour 1986, a été reconduite par tous les gouvernements qui se sont succédé. Depuis des années, le conseil d'administration de la CNRACL, au nom des hôpitaux et des collectivités locales, demande la suppression de cette surcompensation, qui met cette caisse dans des difficultés insurmontables. A la suite des prélèvements considérables opérés - je rappelle qu'ils sont décidés par décrets, et non par le Parlement - la CNRACL est obligée aujourd'hui d'emprunter pour équilibrer son propre budget, ainsi que sa trésorerie.
Je suis certain de parler au nom tant du conseil d'administration de la CNRACL, que de tous les responsables d'hôpitaux, de tous les maires et de tous les présidents de conseil général ou de conseil régional de notre pays, en me réjouissant de l'abrogation de la surcompensation.
La suppression de cette surcompensation doit intervenir le plus rapidement possible. Il est en effet urgent que cette surcompensation disparaisse, même si, on le sait, cette disparition se serait produite compte tenu de l'évolution démographique. J'aurai l'occasion d'intervenir plus tard pour demander d'appuyer un peu sur l'accélérateur.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade, sur l'article.
M. Jean-Pierre Fourcade. M. Claude Domeizel est intervenu sur l'article 7 bis, qui vise à supprimer progressivement la surcompensation. Je n'ai rien à ajouter, sinon pour rappeler que c'est un gouvernement socialiste, dans lequel l'un de nos collègues était alors ministre du budget, qui a très fortement majoré le taux de la surcompensation. Puisque nous sommes en train d'échanger un certain nombre de souvenirs historiques, il faut le rappeler, car tous les gouvernements depuis 1985 ont usé et abusé de la surcompensation.
M. Claude Domeizel. Je l'ai dit !
M. Jean-Pierre Fourcade. S'agissant de la compensation, je souhaite formuler une observation, qui me paraît essentielle à ce stade du débat. Il est tout à fait naturel qu'une compensation démographique intervienne entre les régimes qui couvrent une large population et ceux qui sont en perte de population, comme le régime des invalides de la marine et le régime des mines. Il est normal que, comme vous le souhaitez, monsieur le ministre, une commission suive l'évolution de ces différents régimes.
Mais ce que Mme Demessine a oublié de dire tout à l'heure - et qu'il est important de dire car, en l'occurrence, il faut un débat sur la vérité, et non pas sur les mythes ou sur les souvenirs historiques -, c'est que le vrai problème de la compensation vient des bénéficiaires des régimes spéciaux, notamment ceux de la SNCF et de la RATP, dont les personnels sont descendus dans la rue et ont bloqué les transports pendant un certain nombre de semaines. En effet, les avantages et les prestations dont ils bénéficient et qui sont supérieurs à ceux du régime général sont financés par l'ensemble de la collectivité.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Bien sûr !
M. Jean-Pierre Fourcade. Aussi, je formulerai deux souhaits, monsieur le ministre.
D'abord, je souhaite que la commission de compensation établisse un tableau simple permettant de savoir quelles sont les recettes et les dépenses et quels sont les systèmes de couverture des différents régimes qui bénéficient de la compensation ou la surcompensation.
Ensuite, je souhaite que l'on compare les prestations versées par les différents régimes. A mon avis, il faudrait commencer par harmoniser les prestations avant de traiter les problèmes de compensation. Mais on ne peut pas, dans cette assemblée, parler des problèmes de compensation ou de surcompensation en omettant le fait que les régimes les plus coûteux à l'heure actuelle sont des régimes d'entreprises publiques fortement syndicalisées et qui passent très rapidement à l'action pour protéger leur système de retraite.
Telle est la question que devrait examiner en priorité la commission prévue à l'article 7.
M. Max Marest. Il faut refaire une nuit du 4 août !
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 211, présenté par M. Leclerc, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit cet article :
« I. - Le chapitre IV du titre Ier du livre Ier du code de la sécurité sociale est complété d'une section 5 ainsi rédigée :
« Section 5
« Commission de compensation
« Art. L. 114-3 . - Il est institué auprès du ministre en charge de la sécurité sociale une commission de compensation, présidée par un magistrat désigné par le premier président de la Cour des comptes, comprenant des représentants des régimes de sécurité sociale et des représentants des ministres en charge de la sécurité sociale et du budget.
« La commission de compensation est consultée pour avis préalablement au versement des acomptes et à la fixation des soldes de la compensation prévue à l'article L. 134-1.
« Elle valide les informations quantitatives fournies par les régimes pour servir de base aux calculs.
« Tout projet de modifications des règles affectant les mécanismes de compensation entre régimes de sécurité sociale fait l'objet d'un avis de la commission, qui est transmis au Parlement.
« Un décret détermine les modalités d'application du présent article. »
« II. - En conséquence, dans le dernier alinéa de l'article L. 134-1 du code de la sécurité sociale, les mots : "d'une commission présidée par un magistrat désigné par le premier président de la Cour des comptes et comprenant notamment des représentants des régimes de sécurité sociale" sont remplacés par les mots : "de la commission de compensation prévue à l'article L. 114-3". »
Le sous-amendement n° 1123, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« Au deuxième alinéa du texte proposé par l'amendement n° 211 pour l'article L. 114-3 du code de la sécurité sociale, après les mots : "consultée pour avis préalablement", supprimer les mots : "au versement des acomptes et". »
Le sous-amendement n° 1124, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« Au troisième alinéa du texte proposé par l'amendement n° 211 pour l'article L. 114-3 du code de la sécurité sociale, remplacer le mot : "valide" par le mot : "examine". »
L'amendement n° 903, présenté par MM. Estier, Domeizel et Chabroux, Mme Printz, M. Krattinger, Mmes Campion et Blandin, M. Godefroy, Mmes San Vicente et Pourtaud, MM. Lagauche et Vantomme, Mme Herviaux, M. Frimat, Mme Cerisier-ben Guiga, M. Mano et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit cet article :
« L'article L. 134-1 du code de la sécurité sociale est complété par les dispositions suivantes :
« La compensation spécifique entre régimes spéciaux de retraite sera supprimée progressivement, avant le 1er janvier 2005, selon un dispositif défini par le COR.
« Les modalités d'équilibre financier jusqu'ici assurées par le mécanisme de la surcompensation seront intégrées dans la compensation généralisée dont les règles seront révisées par le COR. Outre les évolutions démographiques, elles prendront en compte, pour chaque régime : l'état des réserves financières, le patrimoine immobilier, la suppression des transferts financiers liés aux transferts des droits des assurés changeant de régime en cours de carrière, lorsqu'ils sont prévus par les règles de coordination inter-régimes.
« Pour la mise en oeuvre de ces dispositions, la commission de compensation sera consultée et son avis publié. De même, elle le sera pour avis sur tout projet à venir de modification des règles de compensation. Ces avis seront rendus publics. »
L'amendement n° 320, présenté par Mme Demessine, MM. Fischer, Muzeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit la dernière phrase du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 134-1 du code de la sécurité sociale :
« Ces avis sont rendus publics, transmis au Parlement et donnent lieu à un débat en son sein. »
L'amendement n° 321, présenté par Mme Demessine, MM. Fischer, Muzeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Compléter in fine le I de cet article par les mots suivants : ", transmis par son Président au Parlement et donnent lieu à un débat en son sein". »
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 211.
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Deux de nos collègues viennent de s'exprimer recpectivement sur la surcompensation et la compensation. Après avoir auditionné le président de la commission de compensation, nous nous sommes rendu compte que notre système de solidarité tenait notamment par ces mécanismes.
La compensation démographique demande aux régimes près de 12 milliards d'euros au titre de la solidarité, alors que les règles de cotisations et de prestations de ces régimes sont totalement différentes. Cela conduira à deux actions : il faut une convergence, au nom de la justice sociale ; en attendant, la commission de compensation doit faire preuve de plus de transparence et doit disposer de moyens accrus pour améliorer, modifier ces mécanismes de compensation, afin de prendre en compte de plus en plus ces critères. C'est pourquoi je vous invite à relire la page 82 du rapport écrit. Surtout, après avoir constaté ces disparités, la commission des affaires sociales propose, par cet amendement n° 211, une rédaction plus réaliste.
L'échec de l'instauration d'un régime unique de retraite pour tous - et cela aurait été l'idéal - a rendu nécessaire au fil du temps que des compensations financières viennent assurer le financement des régimes à démographie favorable en provenance de régimes à démographie favorable « jeunes ». Au fil du temps, l'augmentation du nombre de pensionnés par rapport au nombre de cotisants rendait difficile la survie de certains régimes - vous venez de le dire -, au premier chef celui des exploitants agricoles.
L'article 7 prévoit de renforcer le rôle de la commission de compensation. Ce renforcement s'est avéré nécessaire du fait des critiques récurrentes entourant les mécanismes de détermination des règles de calcul et des montants versés. La commission a toutefois estimé que ce renforcement méritait d'être complété car la compensation est, c'est évident, indispensable à la survie des régimes. Les transferts financiers de compensation qui sont supérieurs à 11,5 milliards d'euros doivent préserver leur légitimité, et donc être entourés de garanties sérieuses.
L'amendement prévoit de renforcer la commission de compensation dont le rôle aujourd'hui est minime, cette commission ne se prononçant que sur les soldes résultant des opérations. Pour cela, il est proposé de prévoir que les modifications des règles de la compensation devront recevoir son aval, d'assurer la qualité des informations servant de base au calcul des transferts, qui n'ont aujourd'hui qu'un caractère rétrospectif, et de fournir une base légale au versement des acomptes, qui en est aujourd'hui dépourvu.
La compensation, mécanisme qu'il est nécessaire de préserver, tout en le simplifiant, doit être réformée en accord avec le régime. L'article 7 et le présent amendement devraient faciliter une telle réforme.
M. le président. La parole est à M. le ministre, pour présenter les sous-amendements n°s 1123 et 1124.
M. François Fillon, ministre. Le Gouvernement souhaite modifier l'amendement de la commission sur deux points.
D'abord, au deuxième alinéa du texte proposé par l'amendement de la commission pour l'article L. 114-3 du code de la sécurité sociale, il propose de supprimer les mots « au versement des acomptes ». En effet, il ne semble pas réaliste de demander une consultation préalable de la commission de compensation avant chaque versement d'acompte. Autant la consultation de la commission de compensation s'impose sur les modifications des règles servant de base de calcul, autant l'avis automatique préalable au versement des acomptes paraît peu opérationnel.
Ensuite, au troisième alinéa du texte proposé par l'amendement de la commission pour l'article L. 114-3 du code de la sécurité sociale, qui prévoit que la commission de compensation valide les informations quantitatives fournies par les régimes pour servir de base au calcul, le Gouvernement propose de remplacer le mot « valide » par le mot « examine ». En effet, il n'est pas juridiquement de la compétence de la commission de compensation de valider les données ; il lui appartient simplement de les examiner.
M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel, pour présenter l'amendement n° 903.
M. Claude Domeizel. Cet amendement a pour objet de supprimer la surcompensation avant le 1er janvier 2005, afin d'éviter les difficultés que j'ai évoquées tout à l'heure et qui s'aggravent d'année en année.
Outre les évolutions démographiques, il faudrait bien sûr prendre en compte, pour chaque régime, l'état des réserves financières, le patrimoine immobilier et la suppression des transferts financiers liés aux transferts des droits des assurés changeant de régime en cours de carrière, lorsqu'ils sont prévus par les règles de coordination interrégimes. En effet, certains régimes qui bénéficient de la surcompensation détiennent des patrimoines immobiliers. Il est logique d'en tenir compte ; cela n'a pas été le cas juqu'à présent.
De même, il faut tenir compte des transferts qui peuvent intervenir pour régulariser les situations lorsque les assurés changent de régime en cours de carrière, ce qui rejoint l'idée qui sous-tend la notion de durée de carrière. La commission de compensation serait consultée, bien sûr, pour la mise en oeuvre de la suppression de la surcompensation.
M. le président. La parole est à Mme Michelle Demessine, pour présenter l'amendement n° 320.
Mme Michelle Demessine. Mes chers collègues, il est dangereux, sur le plan démocratique, d'accepter la réduction des pouvoirs du Parlement. Nous proposons donc que les avis rendus par la commission de compensation sur tous projets de modification des règles affectant les mécanismes de compensation entre régimes de sécurité sociale soient non seulement rendus publics, comme le prévoit cet article 7 du projet de loi, mais également transmis au Parlement afin de donner lieu à un débat en son sein.
Si j'ai bien compris l'esprit et la lettre du rapport présenté par notre collègue M. Dominique Leclerc, la majorité sénatoriale partage notre souci d'aller plus loin dans la transparence des travaux de la commission de compensation.
Vous indiquez, monsieur Leclerc, que cette absence de transparence est apparue très nettement à l'occasion de la réflexion engagée à l'automne par l'administration sur la pertinence de la compensation en cours.
Vous soulignez également que « la procédure fut conduite par l'administration avec une vélocité qui souleva de nombreuses protestations des différents protagonistes ».
Vous ajoutez, monsieur le rapporteur, et c'est particulièrement intéressant : « Si la proposition faite par le présent article constitue une volonté louable de transparence, votre rapporteur constate néanmoins qu'elle ne répond pas, dans son ampleur, à l'enjeu que constitue aujourd'hui le système des compensations, à savoir des transferts financiers s'élevant à 11,5 milliards d'euros.
« Du fait de leur nature réglementaire, ils n'apparaissent à aucun moment dans la discussion par le Parlement en loi de financement des budgets des organismes de sécurité sociale. En effet, les modifications précitées, considérées comme "réglementaires" par nature, avaient été traitées en "tendancielles" par le rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale. »
Il est, selon vous, un moyen de donner une traduction institutionnelle à votre inquiétude.
Notre amendement permet que le Parlement puisse débattre de cette importante question qu'est la compensation.
M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, pour défendre l'amendement n° 321.
M. Thierry Foucaud. Nous souhaitons une nouvelle fois améliorer la transparence des travaux de la commission de compensation et, par là même, le débat démocratique sur ceux-ci. Nous estimons également que le fait de saisir le Parlement de ces travaux renforcera les compétences de la commission de compensation.
Dans son rapport, M. le rapporteur évoque le mépris avec lequel l'administration, le Gouvernement traitent la commission de compensation.
Je me permets de citer la lettre de Bernard Zuber, président de ladite commission, écrite le 26 septembre dernier au directeur du budget :
« J'ai pris connaissance, de manière incidente, des dispositions qui ont été arrêtées, dans le cadre de la préparation du projet de loi de finances initial pour 2003, visant à tenir compte de l'ensemble des transferts en provenance du fonds de solidarité vieillesse pour déterminer les flux de compensation entre les divers régimes de retraite.
« Je suis particulièrement surpris que des mesures aussi importantes n'aient donné lieu à aucune information préalable et donc à aucune discussion sur le fond entre vos services et la commission de compensation ou, pour le moins, avec son président.
« La commission de compensation se réunissant le 8 octobre prochain pour se prononcer sur les premiers calculs de la compensation 2001, je l'informerai, bien entendu, de la situation ainsi créée et vous ferai part des réactions enregistrées.
« Sur le fond, je vous rappelle la position constante de la commission : elle estime que, dans son principe, la compensation ne peut fonctionner dans la durée et en équité qu'en tenant compte d'une prestation de référence définie comme la prestation moyenne des régimes concernés, excluant les éléments pris en charge financièrement par un tiers au profit d'une partie de ces régimes. En particulier, les versements remboursés par le FSV au titre des majorations pour enfants doivent donc en être exclus.
« Concernant la décision évoquée, qui conduira à tenir compte de l'ensemble des transferts en provenance du FSV, celle-ci comporte, selon les indications dont je dispose actuellement, des répercussions particulièrement lourdes sur le régime général, obérant gravement les résultats de la Caisse nationale d'assurance vieillesse. Elle affectera donc le montant des versements annuels revenant actuellement au fonds de réserve de retraite.
« L'audit des mécanismes de compensation que j'ai fait entreprendre n'est pas encore achevé, Toutefois, les propositions d'aménagement ou de réforme, appuyées sur des simulations financières, en cours de préparation, en liaison avec le conseil d'orientation des retraites, devraient être disponibles d'ici à la fin de l'année.
« Comme je l'ai déjà indiqué dans un précédent courrier à propos d'une modification de portée bien plus modeste, il aurait été préférable que ces propositions puissent être examinées et discutées dans un climat entièrement serein.
« Je regrette que la décision prise puisse être analysée comme donnant un caractère unilatéral et discriminatoire au réglage des mécanismes complexes de la compensation dont la pérennité, souhaitée par la plupart des parties prenantes, paraît mise en doute. »
La lecture de cette lettre me permet de faire l'économie d'une démonstration pour justifier cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. En ce qui concerne les deux sous-amendements, la commission des affaires sociales a bien entendu la demande du Gouvernement.
A propos des acomptes, qui n'ont pas de base légale aujourd'hui, je comprends qu'il soit difficile d'assurer une consultation préalable.
Il me semble par ailleurs nécessaire de donner à la commission un pouvoir de contrôle sur ces fameuses données servant de base au calcul.
Je rectifie donc l'amendement n° 211 de la commission en ce sens.
M. le président. Je suis donc saisi de l'amendement n° 211 rectifié, présenté par M. Leclerc, au nom de la commission des affaires sociales, et ainsi libellé :
« Rédiger comme suit l'article 7 :
« I. - Le chapitre IV du titre premier du livre premier du code de la sécurité sociale, est complété d'une section 5 ainsi rédigée :
« Section 5
« Commission de compensation
« Art. 114-3 . - Il est institué auprès du ministre en charge de la sécurité sociale une commission de compensation, présidée par un magistrat désigné par le premier président de la Cour des comptes, comprenant des représentants des régimes de sécurité sociale et des représentants des ministres en charge de la sécurité sociale et du budget.
« La commission de compensation est consultée pour avis sur le versement des acomptes et la fixation des soldes de la compensation prévue à l'article L. 134-1.
« Elle contrôle les informations quantitatives fournies par les régimes pour servir de base aux calculs.
« Tout projet de modification des règles affectant les mécanismes de compensation entre régimes de sécurité sociale fait l'objet d'un avis de la commission, qui est transmis au Parlement.
« Un décret détermine les modalités d'application du présent article. »
« II. - Dans le dernier alinéa de l'article L. 134-1 du code de la sécurité sociale, les mots : "d'une commission présidée par un magistrat désigné par le premier président de la Cour des comptes et comprenant notamment des représentants des régimes de sécurité sociale", sont remplacés par les mots : "de la commission de compensation prévue à l'article L. 114-3. »
Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur.
M. Dominique Leclerc, rapporteur. L'amendement n° 903 tend à rédiger l'article 7 d'une manière qui est incompatible avec l'amendement de la commission.
Mme Demessine et M. Foucaud ont rappelé, dans leur argumentaire, la position exprimée par la commission qui figure aux pages 102 et 103 du rapport. L'amendement n° 211 rectifié répond pleinement, me semble-t-il, aux observations que vous avez formulées : la commission de compensation joue son rôle, l'administration fiscale aussi, tout comme le Gouvernement et le Parlement.
Vous l'aurez compris au travers notamment des interventions de MM. Domeizel et Fourcade, il importe aujourd'hui de crédibiliser plus encore le rôle de compensation de cette commission, de lui donner certains moyens et aussi organiser son fonctionnement pour que, au vu des événements passés, nous ne soyons pas confrontés aux problèmes que nous avons connus.
La commission est donc défavorable à l'amendement n° 903.
Quant aux amendements n°s 320 et 321, ils sont satisfaits.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre. Le Gouvernement accepte bien volontiers de retirer ses deux sous-amendements au profit de l'amendement n° 211 rectifié de la commission.
S'agissant de l'amendement n° 903, le Gouvernement n'y est pas favorable.
M. Domeizel connaît trop bien ce sujet pour ne pas savoir que, après tant d'années d'hésitation, tenir l'engagement de supprimer la surcompensation constitue un pas considérable, qu'il n'a pas été facile de franchir, d'ailleurs.
Il n'est évidemment pas possible de supprimer cette surcompensation avant le 1er janvier 2005. C'est totalement irréaliste et je sais gré à M. Domeizel d'avoir usé d'une grande modération pour présenter l'amendement n° 903, car cela m'évite de lui opposer l'argumentaire que je me préparais à faire.
Le Gouvernement ne peut pas être favorable à l'amendement n° 320 pour deux raisons.
Tout d'abord, c'est la première fois que la transparence est instaurée dans ce domaine complexe de la compensation entre les régimes de sécurité sociale et, à cet égard, l'amendement n'apporte rien de plus.
Ensuite, le Parlement débattra bien évidemment chaque année de la situation des régimes de sécurité sociale concernés par la compensation à l'occasion de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Je considère que la demande exprimée par les auteurs de cet amendement est satisfaite. Je souhaite donc que ce texte soit retiré ou, à défaut, qu'il ne soit pas adopté.
La même argumentation vaut pour l'amendement n° 321.
M. le président. Les sous-amendements n°s 1123 et 1124 sont retirés.
Je mets aux voix l'amendement n° 211 rectifié.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 7 est ainsi rédigé et les amendements n°s 903, 320 et 321 n'ont plus d'objet.