Article additionnel après l'article 7 (priorité)

M. le président. L'amendement n° 212, présenté par M. Leclerc, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

« Après l'article 7, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« I. - Les intérêts financiers produits au 31 décembre 2003 par les sommes versées par les régimes de retraite au titre des compensations prévues à l'article L. 134-1 du code de la sécurité sociale et consignés sur un compte de la Caisse des dépôts et consignations sont versés au fonds mentionné à l'article L. 135-6 dudit code. »

« II. - L'article L. 135-7 du code de la sécurité sociale est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« 11° Les versements effectués par la Caisse des dépôts et consignations en application du I de l'article... de la loi... du... portant réforme des retraites. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Dominique Leclerc, rapporteur. Toujours le thème de la compensation, les sommes qui sont versées par les régimes créditeurs pour compenser les régimes débiteurs sont consignées auprès de la Caisse des dépôts et consignations et produisent des intérêts.

Nous nous sommes interrogés sur le propriétaire de ces produits financiers qui, aujourd'hui, s'élèvent à environ 60 millions d'euros. En principe, ces fonds étaient la propriété des régimes. Aujourd'hui, la commission propose qu'ils soient versés au fonds de réserve pour les retraites. Tel est le sens de l'amendement n° 212.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Fillon, ministre. Le Gouvernement est favorable à cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 212.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 7.

Article 7 bis (priorité)

M. le président. « Art. 7 bis . - Les dispositions des deuxième et troisième alinéas de l'article L. 134-1 du code de la sécurité sociale cessent d'être applicables au titre des exercices postérieurs au 1er janvier 2012. Les versements effectués à partir de l'exercice 2003 sont progressivement réduits à cette fin dans des conditions prévues par décret. »

La parole est à Mme Marie-Claude Beaudeau, sur l'article.

Mme Marie-Claude Beaudeau. L'article 7 bis nouveau a été introduit à l'Assemblée nationale à l'unanimité. Il prévoit l'extinction progressive du système de la compensation spécifique.

En ce qui nous concerne, nous qui avons inlassablement dénoncé le scandale que représente ce dispositif communément dénommé « surcompensation », instauré dans la loi de finances de 1986, cet article 7 bis nous contente en partie.

Le rythme d'extinction retenu par l'Assemblée nationale limite grandement notre enthousiasme. L'article 7 bis ne prévoit en effet la suppression totale de la surcompensation que pour 2013 et il laisse à un décret le soin de fixer la réduction annuelle du taux de surcompensation qui est actuellement de 30 %. Si j'ai bien compris, le rapporteur de l'Assemblée nationale a suggéré une diminution de 3 % par an.

En fait, monsieur le ministre, l'article 7 bis n'est que le résultat d'un constat réaliste de la majorité gouvernementale : la CNRACL, qui est la véritable « vache à lait » de la surcompensation, ne pourra bientôt plus être ponctionnée de la même façon qu'aujourd'hui du fait de la dégradation prévisible de son équilibre démographique,

En 2009, le solde entre les cotisations qu'elle perçoit et les prestations qu'elle verse devrait même devenir négatif. Mais notre collègue M. Domeizel reviendra certainement sur cette question.

D'ici là, monsieur le ministre, de grâce ! cessez le pillage des ressources de la CNRACL, c'est-à-dire de l'hôpital public et des collectivités locales.

M. François Fillon, ministre. Je vous remercie du conseil, mais c'est nous qui le faisons !

Mme Marie-Claude Beaudeau. Je rappelle que la surcompensation est un mécanisme de transferts s'effectuant uniquement entre les régimes particuliers sur la base de règles de calcul présentées par la commission des affaires sociales elle-même dans son rapport comme « contestables ».

La surcompensation ne suit en rien un principe de solidarité comme le reconnaît la commission. Selon le rapport, la surcompensation est « un artifice permettant la captation des réserves de la CNRACL au profit d'autres régimes », ce qui permet bien entendu à l'Etat de « réaliser une économie sur le montant de la subvention d'équilible qu'il verse à ces régimes. »

Je me félicite de lire ces lignes dans vos écrits, chers collègues de la majorité. Vous ne nous répondiez pas ainsi autrefois !

Je précise toutefois que, depuis 1992, ce sont, non pas seulement les réserves de la CNRACL qui ont été vidées par ce prélèvement, mais l'ensemble des excédents de cette caisse. Le prélèvement s'est élevé à 1,3 milliard d'euros en 2002, s'ajoutant, d'ailleurs, à une ponction de même niveau au titre de la compensation simple, dont on pourrait discuter la légitimité, notamment à l'égard des régimes des non-salariés.

Cette situation contraint la CNRACL, depuis trois ans, à recourir à l'emprunt ( M. Claude Domeizel approuve ), c'est-à-dire à payer des intérêts au profit des marchés financiers, pour assurer le versement des pensions, ce qui est, avouez-le, tout à fait scandaleux, d'autant que l'excédent de cotisation de ce régime atteint 2 milliards d'euros.

En bref, ce sont les fonctionnaires hospitaliers et territoriaux, c'est-à-dire les hôpitaux et l'assurance maladie, les collectivités locales et les contribuables locaux, qui payent à la place de l'Etat, voire, si les mécanismes de compensation simple étaient plus justes, à la place des régimes privés et du patronat.

Nous connaissons tous la situation financière très difficile des hôpitaux et de nombreuses collectivités territoriales. Je rappelle que la surcompensation coûte 800 millions d'euros par an à l'hôpital public.

Le maintien de la surcompensation est inacceptable, inacceptable évidemment dès 2003 et pas seulement pour 2012.

Malgré tout, chers collègues, nous voterons l'article 7 bis .

M. Dominique Leclerc, rapporteur. Ah !

Mme Marie-Claude Beaudeau. Ce sera d'ailleurs peut-être l'un des seuls articles du projet de loi que nous voterons.

Quoi qu'il en soit, monsieur le ministre, nous serions heureux que vous nous indiquiez vos intentions quant au rythme d'extinction de la surcompensation. Pour notre part, nous continuons à demander la suppression immédiate de ce mécanisme profondément injuste.

M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel, pour explication de vote sur l'article.

M. Claude Domeizel. L'article 7 bis vise à faire en sorte que la surcompensation soit supprimée d'ici à 2012. Pour notre part, nous proposons que cette suppression intervienne d'ici à 2005. En conséquence, étant d'accord sur le principe, mais trouvant que son application sera trop lointaine, nous nous abstiendrons.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Vous êtes très exigeant, vous souhaitez mettre fin immédiatement à un mécanisme qui existe depuis dix-huit ans.

Faut-il rappeler que ce sont MM. Emmanuelli et Le Garrec qui ont institué la surcompensation en 1985 ? Il faut reconnaître qu'un de nos collègues en poste de 1991 à 1994 a réussi l'exploit de doubler le montant de la compensation qui, depuis cette époque-là, est stable.

Il est proposé une décroissance de 3 % étalée sur une dizaine d'années. Je crois que c'est une solution raisonnable et je pense qu'il serait intéressant de connaître l'avis de M. le ministre sur le sujet.

M. Jean Chérioux. Cela aurait fait un bon usage pour la cagnotte !

M. Claude Estier. Il n'y a jamais eu de cagnotte !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. François Fillon, ministre. En effet, le Gouvernement souhaite bien abaisser progressivement, sur un rythme de l'ordre de 3 % par an, le taux de la surcompensation. Ce processus est déjà engagé, puisque, en 2003, le taux a été abaissé à 27 %, et que, pour 2004, le décret qui est en préparation fixera 24 %. Cela constitue déjà une avancée considérable par rapport à la situation qui prévalait ; chacun ne peut que s'en réjouir.

Mme Nelly Olin. Très bien dit !

M. le président. Je mets aux voix l'article 7 bis .

(L'article 7 bis est adopté.)

Article additionnel après l'article 7 bis (priorité)

M. le président. L'amendement n° 904 rectifié, présenté par MM. Estier, Domeizel et Chabroux, Mme Printz, M. Krattinger, Mmes Campion et Blandin, M. Godefroy, Mmes San Vicente et Pourtaud, MM. Lagauche et Vantomme, Mme Herviaux, M. Frimat, Mme Cerisier-ben Guiga, M. Mano et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :

« Après l'article 7 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« L'Etat s'engage à publier, avant le 26 septembre 2003, les décrets relatifs aux compensations inter-régimes liés à l'exécution du plan d'équilibre financier de la CNRACL. »

La parole est à M. Claude Domeizel.

M. Claude Domeizel. Avant d'en venir à l'amendement lui-même, permettez-moi, monsieur le président, de dire quelques mots sur l'article 7 bis , au nom de tous les chefs d'établissements hospitaliers, de tous les maires, de tous les présidents de conseils généraux et de conseils régionaux.

L'historique qui a été fait par M. le président de la commission des affaires sociales est exact. Si vous voulez, mes chers collègues, je peux citer les noms de tous les ministres du budget qui se sont succédé.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Chiche !

M. Alain Fischer. Ce serait très intéressant !

M. Claude Domeizel. C'est en 1985, lors de l'examen du projet de loi de finances pour 1986, que la surcompensation a été créée pour un an. Elle a ensuite été reconduite par tous les gouvernements. En 1986, d'ailleurs, ce n'était plus M. Emmanuelli...

M. Jean Chérioux. C'est quand même lui qui a commencé !

Un sénateur de l'UMP. C'était M. Juppé.

M. Claude Domeizel. Oui, c'était M. Juppé. Il y eut ensuite M. Charasse, M. Malvy, M. Sarkozy. Je les ai presque tous rencontrés.

La responsabilité est largement partagée !

Lorsque je dis qu'il faut supprimer la surcompensation immédiatement, je le dis, je le répète, au nom de tous les maires, de tous les conseillers généraux...

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Bien sûr !

M. Claude Domeizel. En tout cas, ils sauront que vous voulez attendre 2012.

J'en viens à l'amendement n° 904 rectifié.

Le 26 septembre 2002, le Gouvernement a annoncé des mesures remettant en cause la compensation et la surcompensation.

Pour équilibrer les comptes de la CNRACL, qui est en difficulté parce qu'on lui prélève un tiers de ses ressources en faveur des autres régimes, trois mesures ont été envisagées.

La première est d'augmenter de 0,5 % par an le taux de cotisation que versent les communes, les départements, les régions et les hôpitaux.

La deuxième consiste à diminuer le taux de la surcompensation de 0,4 %.

La troisième mesure consiste à introduire dans le calcul de la compensation les chômeurs qui ne comptaient pas auparavant, et, pour cela, on a, d'une part, chargé la contribution de la CNAV et, d'autre part, diminué la contribution de l'Etat et celle de la CNRACL.

La première mesure a déjà été mise en application : un décret a été pris, aux termes duquel les cotisations ont augmenté de 0,5 %. En revanche, pour les deux autres mesures, les décrets d'application ne sont toujours pas prêts ; tout le monde attend.

Ce qui est certain, c'est que, si ces décrets ne sont pas pris au 31 décembre 2003, la CNRACL mettra pour ainsi dire la clé sous la porte. Rassurez-vous, elle paiera les pensions de ses ressortissants, mais elle ne paiera pas la surcompensation et la compensation parce qu'elle sera dans l'incapacité de le faire, à moins que quelqu'un n'ait l'idée saugrenue de la faire emprunter.

Notre amendement vise donc tout simplement à inscrire dans la loi que les décrets en cause doivent être publiés. Comme l'engagement du Gouvernement datait du 26 septembre 2002, j'ai proposé, comme terme à la parution de ces décrets, le 22 septembre 2003. Dans ces conditions, le Gouvernement disposerait d'environ deux mois pour prendre ses dispositions.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Dominique Leclerc, rapporteur. Cet amendement constituant une véritable injonction au Gouvernement, la commission a émis un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Fillon, ministre. La jurisprudence du Conseil constitutionnel est tout à fait constante à cet égard : le législateur ne peut pas faire d'injonction au Gouvernement. Je demande donc le rejet de cet amendement.

Cela étant, les décrets attendus par M. Domeizel paraîtront très rapidement ; ils sont en préparation.

Je voudrais insister sur le fait que le meilleur moyen d'assurer la pérennité de la CNRACL est de mettre en oeuvre la réforme que nous proposons. En effet, l'allongement de la durée de cotisation va permettre de sécuriser la CNRACL, en réglant sur le long terme les problèmes qui se posaient aux collectivités locales et aux hôpitaux.

M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.

M. Guy Fischer. Cet amendement a suscité une discussion intéressante sur une question que tout le monde considère comme importante.

Parlant sous le contrôle du président de la CNRACL et du président du comité des finances locales, je peux dire que le problème des transferts entre les régimes obligatoires d'assurance vieillesse est un problème récurrent depuis de nombreuses années. Depuis l'instauration de ce processus, il n'a fait que croître et embellir.

En fait, un régime de retraite, celui de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales, a été particulièrement mis à contribution sous tous les gouvernements successifs pour venir au secours de régimes dont on organisait la dégradation au travers de suppressions massives d'emplois ou d'activités.

L'effet s'est immédiatement fait sentir sur les comptes de la CNRACL, comme l'ont montré les multiples débats que nous avons eus sur ce sujet, dans cet hémicycle, depuis de nombreuses années.

Une part non négligeable de la hausse des impôts locaux est due à cette progression constante de la surcompensation, dont le niveau a atteint près de 2 milliards d'euros tant pour les collectivités locales que pour les établissements hospitaliers.

Il est vrai que la CNRACL était une victime toute désignée pour combler les difficulté ou du moins y faire face.

Il faut reconnaître que les effets de la décentralisation de 1982-1983 ont induit une sensible augmentation des effectifs de salariés en activité au sein des équipes des collectivités locales. C'était aussi l'époque du boom démographique. D'ailleurs, on peut parler d'un véritable développement de l'emploi local.

Il y a aujourd'hui plus de 1,8 million de fonctionnaires dans les collectivités locales et ces fonctionnaires ne partiront à la retraite qu'à partir des années 2015-2020.

En fait, le ratio démographique du régime, qui était particulièrement bon, s'est progressivement dégradé. La montée en puissance des transferts de compétences, d'une part, et des frais de personnel, d'autre part - dont la surcompensation est un exemple typique - ont occasionné les plus grandes difficultés au régime.

Il était inéluctable que la situation financière de la CNRACL soit désormais marquée par des insuffisances chroniques de trésorerie, mettant en péril l'équilibre durable du régime.

Si l'on ajoute aux difficultés financières celles qui proviennent de la lenteur mise dans la prise des décisions réglementaires indispensable - mais M. le ministre vient de nous rassurer à cet égard -, on ne peut s'attendre qu'à une détérioration supplémentaire de la situation.

Pour ces raisons, nous voterons l'amendement n° 904 rectifié.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Fourcade. Puisqu'on a fait allusion à mes fonctions, je ne puis rester muet. Je vais donc formuler trois brèves observations.

Premièrement, je félicite le Gouvernement d'avoir eu le courage d'engager progressivement la réduction de la surcompensation.

Bien des gouvernements ont en effet « calé » devant cette difficulté, et il faut savoir gré à M. le ministre des affaires sociales d'avoir obtenu un arbitrage favorable à cette opération.

Deuxièmement, il va de soi que je ne voterai pas l'amendement n° 904 rectifié, car il ne nous est pas permis de donner d'injonction au Gouvernement et qu'en outre les décrets seront publiés.

Troisièmement, je voudrais faire part de mon étonnement. Il est en effet un peu curieux de voir ceux-là mêmes qui demandent la suppression immédiate de la surcompensation pour que la CNRACL soit remise à flot soutenir les revendications des ressortissants des régimes subventionnés par la CNRACL.

Le bons sens républicain commande, selon moi, que l'on s'occupe d'abord de la remise en équilibre des régimes subventionnés.

Tous ceux qui s'occupent de finances locales connaissent le coût élevé de la CNRACL. Ce que nous réclamons, c'est que l'on s'attaque surtout aux régimes budgétivores qui consomment les crédits de la CNRACL et que personne n'a cités explicitement.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Très bien !

M. Jean-Pierre Fourcade. Il serait logique d'avoir une position équilibrée sur la réduction des prélèvements de la CNRACL et sur la remise en état des régimes de nos amis des transports.

Mme Michelle Demessine. Lesquels ? (Sourires.)

M. Jean-Pierre Fourcade. J'y viens : de la RATP et de la SNCF. On ne peut, mes chers collègues, défendre une chose et son contraire ! (M. le président de la commission des affaires sociales applaudit.) C'est cela qui altère la crédibilité de l'action politique aux yeux de l'opinion publique.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 904 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article 8 (priorité)

M. le président. « Art. 8. - L'article L. 161-17 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé :

« Art. L. 161-17. - Toute personne a le droit d'obtenir, dans des conditions précisées par décret, un relevé de sa situation individuelle au regard de l'ensemble des droits qu'elle s'est constitués dans les régimes légalement obligatoires de retraite.

« Les régimes et les services de l'Etat chargés de la liquidation des pensions sont tenus d'adresser tous les cinq ans un relevé de la situation individuelle de l'assuré au regard de l'ensemble des droits qu'il s'est constitués dans les régimes légalement obligatoires de retraite. Les conditions d'application du présent alinéa sont définies par décret.

« Dans des conditions fixées par décret, à partir d'un certain âge et aux étapes importantes de sa vie active, chaque personne reçoit communication d'une estimation globale du montant des pensions de retraite auxquelles les durées d'assurance ou les points qu'elle totalise lui donnent droit, à la date à laquelle la liquidation pourra intervenir, eu égard aux dispositions législatives, réglementaires et conventionnelles en vigueur.

« Afin d'assurer ce service aux futurs retraités, il est institué un groupement d'intérêt public doté de la personnalité morale et de l'autonomie financière composé de l'ensemble des organismes assurant la gestion des régimes mentionnés au premier alinéa ainsi que des services de l'Etat chargés de la liquidation des pensions en application du code des pensions civiles et militaires de retraite. Les dispositions de l'article 21 de la loi n° 82-610 du 15 juillet 1982 d'orientation et de programmation pour la recherche et le développement technologique de la France sont applicables à ce groupement d'intérêt public. La mise en oeuvre progressive des obligations définies par le présent article sera effectuée selon un calendrier défini par décret en Conseil d'Etat.

« Pour la mise en oeuvre des droits prévus aux trois premiers alinéas, les membres du groupement mettent notamment à la disposition de celui-ci, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat, les durées d'assurance et périodes correspondantes, les salaires ou revenus non salariés et le nombre de points pris en compte pour la détermination des droits à pension de la personne intéressée.

« Pour assurer les services définis au présent article, les organismes mentionnés au présent article sont autorisés à collecter et conserver le numéro d'inscription au répertoire national d'identification des personnes physiques des personnes concernées, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat, pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés. »

La parole est à Mme Brigitte Luypaert, sur l'article.

Mme Brigitte Luypaert. Le système actuel de nos retraites souffre d'un déficit de transparence. Le débat qui s'est déroulé depuis plusieurs mois sur les retraites a dévoilé que les Français connaissaient peu ou pas la réalité de leurs droits à la retraite.

Aussi cet article reconnaît-il aux assurés le droit de connaître de manière globale leurs droits au regard de l'ensemble des régimes de retraite obligatoires, de base et complémentaires, et éventuellement d'en obtenir la rectification.

Il prévoit en outre l'élargissement aux régimes complémentaires du pré-calcul de la pension actuellement circonscit au régime de base. Un groupement d'intérêt public rassemblant l'ensemble des régimes permettra d'assurer, avec toute la souplesse nécessaire, la mise en oeuvre du droit à l'information.

Cet article va dans le sens d'une plus grande transparence. Aussi, le groupe UMP le votera. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Annie David, sur l'article.

Mme Annie David. L'article 8 est relatif au « droit des assurés à l'information », qu'il a, nous dit-on, pour ambition de renforcer.

Qui pourrait être hostile à une extension de ce droit ? Toutefois, celui-ci s'avère largement théorique. En effet, aux termes d'une jurisprudence très restrictive de la Cour de cassation, le droit à l'information, consacré depuis 1978 par l'article L. 161-17 du code de la sécurité sociale, est considéré comme satisfait dès lors qu'une information d'ordre général, y compris par voie de journal interne, est délivrée.

Cette situation est évidemment préjudiciable aux salariés. L'information apparaît d'autant plus nécessaire que, au contraire de ce qu'une communication spécieuse martèle depuis des semaines, le présent projet de loi induit une régression des droits à la retraite en France. Une réelle information des salariés leur permettrait évidemment de mesurer les dangers que fait planer ce projet.

En vérité, ce droit à l'information est un droit conditionné puisqu'il dépend d'une action de l'assuré lui-même, et il y a là une régression par rapport au texte actuellement en vigueur.

On sait que, en fait d'information, il s'agit d'inciter le salarié à s'engager dans une démarche d'adhésion à des fonds de pension ou de capitalisation.

Car tel est le véritable objectif de l'information préalable, qui n'aura d'ailleurs, si l'on se réfère à la rédaction proposée par la commission des affaires sociales, qu'une valeur de renseignement. Les masques tombent, au Sénat !

Le rapport de la commission est en effet particulièrement instructif : notre rapporteur regrette que l'information soit devenue un droit dans le texte de l'Assemblée nationale, déplorant particulièrement qu'elle aboutisse dans l'avenir à réduire le champ d'intervention des compagnies privées chargées d'opérer des reconstitutions de carrière aux fins, bien sûr, de proposer des produits d'épargne complémentaires.

Nous voilà fixés sur les intentions !

Mais cela n'est guère de nature à nous étonner quand on se souvient que le débat à l'Assemblée nationale avait fait la joie des compagnies d'assurance, qui sont intervenues de façon assez choquante, à grand renfort de publicité, pour vanter leurs produits en matière de retraite complémentaire.

Si l'on se rappelle en outre la récente dépêche de l'AFP dans laquelle la CFE-CGC met en garde contre l'épargne retraite mise en place par le texte de l'Assemblée nationale, qui aboutit à « mettre la main dans l'engrenage des fonds de pension », les dispositions de cet article ne peuvent décidément plus faire illusion.

C'est pourquoi les sénateurs de mon groupe sont hostiles à cet article, qui n'est nullement destiné à défendre les droits des salariés, mais qui vise plutôt à soutenir les intérêts des assurances privées.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Masseret, sur l'article.

M. Jean-Pierre Masseret. Cet article traite du droit à l'information pour les assurés. Chaque assuré pourra désormais obtenir, s'il le demande, un relevé de ses droits à la retraite de base ainsi qu'à la retraite complémentaire.

Afin que les assurés bénéficient d'une information rapide et de qualité sur les paramètres des différents régimes de retraite, un groupement d'intérêt public, composé de l'ensemble des régimes de retraite, est institué.

Sur le principe de l'information, on ne peut qu'être favorable. Il s'agit d'ailleurs d'une disposition qui fait suite aux conclusions d'un groupe de travail du COR. Elle constitue en outre la reconnaissance législative d'une pratique en usage dans les caisses du régime général et dans les régimes spéciaux.

En fait, le premier instrument d'une bonne information aurait pu être la lettre que M. le Premier ministre a adressée à tous nos concitoyens. A ce sujet, nous avons déjà fait part de notre sentiment : cette missive relève davantage de la propagande que de l'information.

Ce qui nous a fait particulièrement bondir, à la lecture de ce « courrier », c'est l'emploi qui y est fait du mot « équité ». A vrai dire, il ne paraît pas recouvrir la même réalité selon qu'il est employé par nous ou par des représentants de la majorité actuelle. Cela n'a, au demeurant, rien de surprenant, car on touche finalement là au coeur de la différence entre la droite et la gauche.

En effet, quand l'équité est évoquée dans ce texte, il faut plutôt entendre « sacrifices imposés toujours aux mêmes ». Pour nos concitoyens les mieux traités, le mot « équité » signifie la plupart de temps allégements fiscaux, qu'il s'agisse de l'impôt sur le revenu ou de l'ISF.

J'en reviens à l'article 8. Le principe de l'information est bon, je l'ai dit, mais il ne faut pas que la recherche de cette information soit à la charge de l'assuré. En effet, on le sait bien, les citoyens n'ont pas toujours les moyens de l'obtenir.

Certes, selon l'adage bien connu, « nul n'est censé ignorer la loi ». Mais, vu le nombre de lois qui sont votées par le Parlement et de décrets qui sont pris par le Gouvernement, il faudrait plutôt dire désormais : « nul n'est capable de connaître la loi » !

Nous considérons par conséquent qu'il convient de rendre cette information automatique, à l'instar de ce que fait l'IRCANTEC, le régime de retraite des agents non titulaires de l'Etat. Si ce droit à l'information était ainsi généralisé, il ne s'agirait plus seulement d'un beau principe ; ce serait une réalité. Cela permettrait aux salariés de connaître le montant de leur pension de retraite, de mesurer les points qu'ils devront racheter pour espérer bénéficier d'une pension correcte.

Vous vous félicitez de cette avancée, monsieur le ministre. A cet égard, vous avez même accepté que la transmission de l'information sur la situation individuelle au regard des droits à pension se fasse de façon quinquennale. De même, un amendement voté par les socialistes à l'Assemblée nationale impose le précalcul aux étapes importantes de la vie active.

Bref, quand on entre un peu dans le détail, on constate que, si les principes sont bons, une lecture politique de chacun des articles de cette réforme montre que celle-ci les vide de leur portée.

Nous craignons que ce qui est mis en oeuvre aujourd'hui, au-delà des discours, n'ouvre mécaniquement la voie à la capitalisation. C'est une illustration de la formule : « Y penser toujours, n'en parler jamais ». La méthode est habile !

D'ailleurs, monsieur le ministre, à l'Assemblée nationale, lors de la discussion sur l'amendement n° 4618, vous avez bien précisé : « L'article 8 offre aux Français une plus grande liberté quant au choix de retraite et leur propose d'avancer un peu plus vers la retraite à la carte. »

Mais comment faut-il comprendre, finalement, cette « retraite à la carte » ? Notre crainte est que cette notion ne débouche, obligatoirement ou mécaniquement, sur la retraite par capitalisation.

Le Gouvernement donne à croire qu'il va se préoccuper du sort qui sera fait aux seniors alors même que la réforme, nous l'avons suffisamment répété depuis le début de l'examen de ce texte, leur est défavorable. Ne serait-il pas plus efficace d'imposer au MEDEF une charte ou un code de bonne conduite vis-à-vis des plus âgés ?

J'évoque ici le sous-amendement proposé par le ministre et qui vise à poser le principe d'une conférence annuelle tripartite pour les plus de cinquante-cinq ans, ainsi que le principe d'un rapport gouvernemental dans cinq ans, sur les mesures mises en oeuvre pour les plus de cinquante ans. A travers ce sous-amendement, le Gouvernement n'hésite pas à expliquer aux plus anciens qu'ils coûtent cher à leur entreprise, qu'ils sont moins productifs.

En résumé, cette réforme est hautement critiquable et doit être, par conséquent, rejetée.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Dominique Leclerc, rapporteur. Je n'avais pas du tout prévu d'intervenir à ce moment du débat, mais je viens d'entendre certaines choses que je ne peux laisser passer sans réagir.

Monsieur Masseret, vous mettez sur le même plan le droit à l'information des assurés que cet article vise à améliorer et la lettre que le Premier ministre a adressée à tous les Français. Cela n'a rien à voir !

Par cette lettre, le Premier ministre a voulu informer le pays quant au contenu de l'ensemble de la réforme que le Gouvernement propose. Il était normal qu'il en situe bien les enjeux avant que cette réforme soit soumise au Parlement.

Vous nous expliquez ensuite qu'il convient de faire une lecture politique de cet article. Or, ce qui est ici en question, c'est le droit personnel, dont chaque assuré peut se prévaloir vis-à-vis de l'organisme dont il dépend, de savoir en toute transparence, alors qu'il approche la fin de sa vie active, quelles seront les conditions exactes de sa retraite. De grâce, ne cherchez pas à introduire de la politique là-dedans !

Quant à Mme David, elle a affirmé que l'information allait être confiée au secteur marchand. Relisez le rapport, ma chère collègue ! A la page 113, il est indiqué : « En effet, dès lors que l'information globale des assurés figure au nombre des prestations dues par les régimes légaux, la fourniture de ces prestations contre rémunération ne saurait être légale. » C'est clair et net ! N'insinuez donc pas le contraire !

Ce service sera gratuit, mais il y a, bien sûr, des délais de mise en oeuvre du dispositif. La mise en place du groupement d'intérêt public perdra du temps.

Il ne faut pas oublier non plus que les différentes caisses ont déjà des modalités d'information assez différentes. Les informations que délivre la caisse nationale d'assurance vieillesse des proofessions libérales, par exemple, sont extrêmement précises.

Laissons donc les choses se mettre graduellement en place et ne faisons pas, d'entrée de jeu, une lecture politique de cet article. Je pense que nous devons tous avoir les mêmes lunettes pour le lire ! Le rapport de la commission tout comme l'engagement du Gouvernement me semblent clairs en la matière.

Il s'agit de créer une obligation générale pour le régime de base et pour les régimes complémentaires, chacun étant libre ensuite de donner éventuellement plus d'informations.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Claude Beaudeau, sur l'article.

Mme Marie-Claude Beaudeau. Le rapporteur de l'Assemblée nationale, commentant cet article, estimait qu'il devait permettre aux assurés de « prendre à temps les décisions nécessaires afin de préparer leur retraite en toute connaissance de cause ». On peut traduire ce propos ainsi : avoir un aperçu de leur bas niveau de retraite pour qu'ils soient incités à constituer des fonds de pension.

Au-delà de cet élément déjà évoqué par mes collègues du groupe CRC, je souhaite attirer votre attention, monsieur le ministre, sur la question du cumul de la pension de réversion et de la rente accordée au titre des accidents du travail, dont bénéficient certaines veuves de victimes du travail. Les modalités de cumul de cette pension et de cette rente, qui évoluent suivant l'âge de la veuve concernée, soulèvent en effet directement et de façon très problématique la question de l'information des assurés.

A plusieurs reprises, et depuis plusieurs années, j'ai été saisie, probablement comme d'autres collègues, par des veuves de victimes de l'amiante, bénéficiaires d'une rente accidents du travail et d'une pension de réversion, servie, entre autres, par le Fonds spécial des pensions des ouvriers des établissements industriels de l'Etat.

L'article 31 du décret du 24 septembre 1965, modifié par un décret du 18 décembre 1986, prévoit que le cumul d'une pension d'invalidité et d'une rente accidents du travail est autorisé dans la limite de 100 % des émoluments de base lorsque la pension est accordée en raisons d'infirmités ou de maladies résultant de l'accident ayant donné lieu à la rente. Il s'agit, vous l'avez compris, de salariés qui meurent alors qu'ils sont encore en activité.

Lorsque la veuve est âgée de 55 ans, le montant de la rente qu'elle perçoit passe de 30 % à 50 % du salaire de son époux, entraînant une minoration de sa pension et de son éventuelle majoration pour enfants.

Or la régularisation de sa situation intervient le plus souvent au bout de plusieurs mois, en général près d'un an, donnant lieu au versement d'un trop-perçu dont le remboursement est ensuite réclamé à la veuve.

Pour ces veuves de victimes de l'amiante, il s'agit dès lors de reverser à l'organisme qui, pendant plusieurs mois, n'a pas baissé le niveau de leur pension comme il l'aurait dû, une somme s'élevant souvent à plusieurs milliers d'euros.

Pour ces femmes, dont les époux sont si précocement et brutalement décédés, c'est une nouvelle difficulté, s'ajoutant à leur peine, à celle de leurs enfants, mais aussi aux problèmes financiers importants que la mort de leur mari a entraînés.

Si nul n'est censé ignorer la loi, nul organisme public n'est non plus censé agir dans l'illégalité plusieurs mois durant et demander ensuite aux assurés de payer pour ses erreurs. Monsieur le ministre, il n'est pas décent de demander à ces veuves le remboursement de débets d'une telle ampleur, dont ces femmes ne sont en rien responsables. Leur bonne foi ne peut être mise en cause. Il s'agit d'une lenteur très préjudiciable dans le traitement et la régularisation de leur dossier.

M. le médiateur de la République, à qui j'ai soumis plusieurs dossiers, travaille depuis de nombreux mois au règlement de ces situations. Il m'a confirmé leur caractère récurrent. Ainsi, les services de M. Stasi sont-ils saisis de très nombreux dossiers de ce type, dans lesquels on demande aux veuves - celles de travailleurs victimes de l'amiante, mais aussi d'autres - de payer en raison d'un problème de traitement trop lent de leur dossier par l'administration.

Il n'est pas normal que la lenteur de certaines administrations dans l'harmonisation de leurs informations sur ces situations entraîne de graves difficultés financières pour ces personnes, dont, je le répète, la bonne foi ne peut être mise en cause.

Monsieur le ministre, je ne vous demande évidemment pas de m'apporter une réponse aujourd'hui, mais je souhaite que vos services examinent de près cette affaire. Je sais d'ailleurs que M. le médiateur de la République vous en a saisi.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. En quoi cela concerne-t-il l'article 8 du projet de loi ?

M. le président. Je suis saisi de neuf amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune, mais pour la clarté du débat, je les rappellerai successivement.

L'amendement n° 323, présenté par Mme Demessine, MM. Fischer, Muzeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

« Supprimer cet article. »

La parole est Mme Annie David.

Mme Annie David. J'ai, en fait, déjà défendu cet amendement en intervenant sur l'article, mais je souhaite répondre à M. le rapporteur.

Vous me dites, monsieur Leclerc, qu'il sera illégal de faire payer les informations données aux assurés. Soit, mais rien n'empêchera ces sociétés privées d'en profiter pour faire la promotion des services qu'ils proposent à titre onéreux, voire de proposer aux assurés, surtout aux plus jeunes, d'adhérer à tel fonds de pension ou à tel organisme de capitalisation qu'elles contrôlent.

M. François Fillon, ministre. Et alors ?

M. le président. L'amendement n° 324, présenté par Mme Demessine, MM. Fischer, Muzeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

« Rédiger comme suit le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 161-17 du code de la sécurité sociale :

« Le groupement d'intérêt public mentionné au troisième alinéa de cet article est tenu d'adresser périodiquement, à titre de renseignement, à ses ressortissants, les informations nécessaires à la vérification de leur situation au regard des régimes dont ils relèvent. La périodicité de cette information devra être, en tout état de cause, de durée inférieure au délai de prescription des créances afférentes aux cotisations sociales. »

La parole est à Mme Michelle Demessine.

Mme Michelle Demessine. Cet amendement vise à maintenir, tout en tenant compte des modifications apportées par le projet de loi, l'information en direction des assurés sans attendre que ceux-ci se manifestent.

« Les caisses et services gestionnaires de l'assurance vieillesse sont tenus d'adresser périodiquement, à titre de renseignement, à leur ressortissants, les informations nécessaires à la vérification de leur situation au regard des régimes dont ils relèvent. La périodicité de cette information devra être, en tout état de cause, de durée inférieure au délai de prescription des créances afférentes aux cotisations sociales ».

Tel est le texte actuel de l'article L. 161-17 du code de la sécurité sociale que l'article 8 tend à modifier dans un sens, nous dit-on, favorable aux assurés.

Aux termes de la rédaction qui a été approuvée par l'Assemblée nationale, il est désormais prévu au premier alinéa de cet article que « toute personne a le droit d'obtenir, dans des conditions précisées par décret, un relevé de sa situation individuelle au regard de l'ensemble des droits qu'elle s'est constitués dans les régimes légalement obligatoires de retraite ».

Cette rédaction pose problème. En effet, elle implique que l'information est délivrée non pas spontanément, mais à la demande du salarié lui-même. Ce faisant, on risque d'introduire une réelle inégalité entre les salariés. En effet, dans un contexte où la déshumanisation et l'individualisation de l'accès aux documents et aux services publics pénalisent les personnes qui ont le plus besoin de renseignements sur l'étendue de leurs droits, on peut craindre que ce droit à l'information ne reste que largement théorique pour nombre de personnes.

De plus, il faudrait que la dimension pédagogique de cette information soit garantie, que l'information soit claire et accessible, sans nécessiter des décryptages complexes, pour ne pas renforcer cette inégalité.

Il convient donc, en le précisant dès le début de l'article 8, d'envisager une information automatique, et non pas sur demande du salarié, de la situation de celui-ci au regard de ses droits à la retraite.

Notre amendement vise à obliger le GIP, dont le Gouvernement propose la création, à « adresser périodiquement, à titre de renseignement, à ses ressortissants, les informations nécessaires à la vérification de leur situation au regard des régimes dont ils relèvent ».

Avec une telle rédaction, nous préservons la pratique des caisses de retraites qui informent par anticipation et de façon automatique les salariés de leurs droits.

Nous prévoyons, en outre, une périodicité régulière, qui soit inférieure au délai de prescription des créances afférentes aux cotisations sociales, afin que cette information repose sur des bases renouvelées permettant une information régulière et réelle sur les droits à la retraite.

Tel est le sens de l'amendement que le groupe communiste républicain et citoyen vous demande d'adopter, compte tenu de l'amélioration réelle qu'il apporterait au regard de la consécration d'un droit effectif à l'information.

M. le président. Les amendements n°s 213 et 214 sont présentés par M. Leclerc, au nom de la commission des affaires sociales.

L'amendement n° 213 est ainsi libellé :

« A la fin du premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 161-17 du code de la sécurité sociale remplacer les mots : "les régimes légalement obligatoires de retraite" par les mots : "les régimes de retraite légalement obligatoires". »

L'amendement n° 214 est ainsi libellé :

« A. - Au début de la première phrase du deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 161-17 du code de la sécurité sociale, avant les mots : "et les services de l'Etat", insérer les mots : "de retraite légalement obligatoires". »

« B. - Dans la même phrase du même alinéa, remplacer les mots : "tous les 5 ans", par les mots : "périodiquement, à titre de renseignement,". »

« C. - A la fin de la même phrase du même alinéa, remplacer les mots : "dans les régimes légalement obligatoires de retraite" par les mots : "dans ces régimes". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Dominique Leclerc, rapporteur. Au préalable, monsieur le président, je voudrais faire lecture à Mme David de l'article L. 377-2 du code de la sécurité sociale : « Sera puni d'une amende de 3 750 euros et, en cas de récidive dans le délai d'un an, d'une amende de 7 500 euros, tout intermédiaire convaincu d'avoir offert ou fait offrir ses services moyennant émoluments convenus à l'avance à un assuré social en vue de lui faire obtenir le bénéfice des prestations qui peuvent lui être dues. » Sans commentaire.

Mme Annie David. Cet article n'a aucun rapport avec ce que j'ai dit !

M. Dominique Leclerc, rapporteur. J'en viens à la présentation des amendements.

L'amendement n° 213 vise à une coordination, et l'amendement n° 214, à une précision.

M. le président. L'amendement n° 905, présenté par MM. Estier, Domeizel et Chabroux, Mme Printz, M. Krattinger, Mmes Campion et Blandin, M. Godefroy, Mmes San Vicente et Pourtaud, MM. Lagauche et Vantomme, Mme Herviaux, M. Frimat, Mme Cerisier-ben Guiga, M. Mano et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :

« Dans le troisième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 161-17 du code de la sécurité sociale, remplacer les mots : "à partir d'un certain âge", par les mots : "à compter de 50 ans". »

La parole est à M. Jean-Pierre Masseret.

M. Jean-Pierre Masseret. M. le rapporteur m'a reproché de faire un amalgame entre le droit à l'information prévu à l'article 8 et la démarche de communication décidée par M. le Premier ministre. Or il n'y a pas d'ambiguïté dans mon esprit.

L'article 8 vise effectivement le droit à l'information de l'assuré social, mais à travers le mot « information », mon esprit a dérivé vers l'initiative du Premier ministre. Les deux choses sont effectivement indépendantes politiquement et juridiquement, mais j'ai éprouvé le besoin de qualifier de « communication » ce qui n'était pas une information.

Pour bien comprendre l'amendement n° 905, il faut se reporter au texte de l'article 8 adopté par l'Assemblée nationale, notamment au troisième alinéa du texte proposé pour l'article L. 161-17 du code de la sécurité sociale, où l'on peut lire : « Dans des conditions fixées par décret, à partir d'un certain âge et aux étapes importantes de sa vie active, chaque personne reçoit communication d'une estimation globale du montant des pensions... »

L'expression « à partir d'un certain âge » dans un texte normatif nous choque. Pour évoquer l'humour auvergnat, cela me rappelle furieusement l'histoire que racontait Fernand Raynaud dans laquelle un adjudant demandait combien de temps il fallait pour refroidir le fût du canon. Deux jours, une heure, trois quarts d'heure, répondait-on, et, à la fin, Fernand Raynaud disait : « Mais non, un certain temps ! » Cela faisait rire tout le monde.

Il ne faudrait donc pas qu'avec cette expression nous fassions rire tout lecteur de ce texte normatif. Peut-être l'Assemblée nationale n'acceptera-t-elle pas de prendre en compte cet amendement, et je peux le comprendre ; mais de grâce, n'acceptez pas cette expression qui n'a aucun sens dans un texte normatif.

Nous proposons 50 ans, mais nous aurions pu proposer 51 ans ou 52 ans et développer sur ce thème un certain nombre d'amendements. Retenez quand même un âge de référence, car ce sera utile pour tout le monde.

M. Jean-Pierre Fourcade. Et un âge certain ?

M. Jean-Pierre Masseret. C'est l'âge de ceux qui connaissaient l'histoire de Fernand Raynaud ! (Sourires.)

M. le président. L'amendement n° 215, présenté par M. Leclerc, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

« Dans le troisième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 161-17 du code de la sécurité sociale, remplacer les mots : "aux étapes importantes de sa vie active" par les mots : "selon une périodicité déterminée par le décret susmentionné". »

L'amendement n° 216 rectifié, présenté par M. Leclerc, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

« A. - Dans le troisième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 161-17 du code de la sécurité sociale, remplacer les mots : "communication d'une estimation" par les mots : ", d'un des régimes auquel elle est ou a été affiliée, une estimation indicative". »

« B. - Dans le même alinéa, après les mots : "durées d'assurance", insérer les mots : ", de services". »

L'amendement n° 217, présenté par M. Leclerc, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

« Au début de la première phrase du quatrième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 161-17 du code de la sécurité sociale, remplacer les mots : "ce service" par le mot : "les droits prévus aux trois premiers alinéas". »

L'amendement n° 218, présenté par M. Leclerc, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

« Dans ce cinquième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 161-17 du code de la sécurité sociale, après les mots : "décret en Conseil d'Etat", insérer les mots : "après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés". »

La parole est à M. le rapporteur, pour présenter les amendements n°s 215, 216 rectifié, 217, 218 et pour donner l'avis de la commission sur les amendements n°s 323, 324 et 905.

M. Dominique Leclerc, rapporteur. L'amendement n° 215 est un amendement de précision.

L'amendement n° 216 rectifié apporte certaines précisions qui ne figurent pas dans l'article 8 et qui ont trait à la nature de l'organisme qui transmet l'information et à la procédure retenue.

Cet amendement pose donc le principe d'une demande de l'assuré aux régimes. Il n'apparaît en effet pas pertinent de prendre à contre-pied les efforts de proximité réalisés par les régimes. De ce fait, le GIP servira de portail commun où les régimes pourront puiser l'information nécessaire et la communiquer à leurs assurés. Cette communication est automatique. Elle est effectuée, dans ce sens, par le régime de base auquel l'assuré est affilié.

La nature de l'information ne saurait juridiquement lier ni les régimes de base ni les régimes complémentaires obligatoires, ces derniers n'étant de surcroît que des régimes à prestations garanties. Ainsi l'amendement précise-t-il, et c'est important, que les informations ne sont qu'indicatives et n'engagent pas ces régimes.

Enfin, le texte laisse entendre que le droit à l'information ne concerne pas les fonctionnaires pour lesquels la référence à la durée de service reste nécessaire.

L'amendement n° 217 est un amendement de coordination.

Enfin, l'amendement n° 218 prévoit l'intervention de la CNIL pour l'édiction du décret relatif à la mise à la disposition du GIP d'informations qui, elles, ont un caractère nominatif.

Par ailleurs, la commission est défavorable à l'amendement n° 323. Elle est également défavorable à l'amendement n° 324. Elle n'a en effet pas souhaité que le GIP donne lui-même l'information. Je viens de rappeler, en exposant mon amendement, les efforts des régimes dans ce sens.

Enfin, on ne peut qu'être défavorable à l'amendement n° 905. L'âge doit être progressivement abaissé, d'où la nécessité de recourir à un décret.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Fillon, ministre. L'article 8 est très important. Il constitue une réelle avancée. Il fut difficile à élaborer tant les habitudes et la complexité de nos systèmes de retraite rendent difficiles la convergence des informations, puis la diffusion de celles-ci vers un même organisme et ensuite vers tous les Français.

D'ailleurs, je dois reconnaître que cet article ne va pas tout à fait aussi loin que je l'aurais souhaité, mais il engage un processus qui permettra, à terme, d'obtenir une information aussi complète que celle dont disposent les Suédois, notamment, qui leur permet de donner une réalité au principe de la « retraite à la carte ».

La retraite à la carte, c'est d'abord la possibilité de choisir l'âge de départ à la retraite en tenant compte de l'ensemble des paramètres, qui sont plus nombreux aujourd'hui avec la décote et la surcote. Il y a, suivant les situations de chacun, les possibilités de rachat d'années, des décisions personnelles à prendre dans ce domaine. Il y a les possibilités de retraite progressive et de cumul entre la retraite et un emploi.

C'est dire si la retraite à la carte n'est pas seulement la question de l'épargne retraite. C'est, avant tout, la question du choix de la date et du choix d'un départ complet, d'une rupture totale avec le travail ou d'une retraite progressive, permettant de passer en douceur du « tout travail » au « tout retraite ».

L'amendement n° 323 visant à supprimer l'article 8, le Gouvernement y est évidemment défavorable.

L'amendement n° 324 prévoit l'obligation pour le GIP d'informer ses membres, au plus tous les trois ans, sur leur situation en matière de retraite. J'y suis défavorable, puisque les bénéficiaires du droit à l'information sont les affiliés aux régimes de retraite et non les membres du groupement d'intérêt public. De plus, l'article 8 prévoit une information complète des assurés, tant sur les droits qu'ils ont acquis que sur l'estimation de leur future pension.

Enfin, la périodicité selon laquelle cette information doit être assurée sera fixée par décret dans des conditions aussi souples et adaptées aux demandes des intéressés que possible.

Le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 213, qui est une simple coordination rédactionnelle, ainsi qu'à l'amendement n° 214.

L'amendement n° 905 vise à introduire dans la loi un âge précis : 50 ans. Le Gouvernement y est défavorable, parce qu'il pense que cette situation sera évolutive et qu'il faut laisser au décret le soin de fixer cet âge.

Le Gouvernement est favorable aux amendements n°s 215, 216 rectifié et 217.

En revanche, le Gouvernement souhaite le retrait de l'amendement n° 218, qui est satisfait par le texte du projet de loi.

Le Gouvernement partage le souci de la commission de garantir la confidentialité et la fiabilité des échanges d'informations nominatives entre les régimes de retraite nécessaires à l'exercice du droit à l'information sur la retraite. C'est d'ailleurs pourquoi le dernier alinéa de l'article 8 prévoit l'intervention d'un décret en Conseil d'Etat, après avis de la CNIL, pour l'utilisation du numéro d'identification au répertoire des personnes physiques lors de ces échanges.

M. le président. L'amendement n° 218 est-il maintenu, monsieur le rapporteur ?

M. Dominique Leclerc, rapporteur. Je le retire.

M. le président. L'amendement n° 218 est retiré.

La parole est à M. Roland Muzeau, pour explication de vote sur l'amendement n° 323.

M. Roland Muzeau. Je tiens à développer brièvement les raisons pour lesquelles je voterai cet amendement qui vise à supprimer l'article 8, dont l'objet affiché est d'améliorer le droit à l'information des assurés.

Comprenons-nous bien, il n'est évidemment pas question de nier ou de restreindre le droit à l'information des salariés - nous passons notre temps à essayer d'introduire dans la loi ce type de dispositions que vous refusez systématiquement - au regard des droits qui sont ou seront les leurs au moment de la retraite pour les régimes de base et les régimes complémentaires.

Ce droit est d'autant plus nécessaire que la présente réforme - qui n'est qu'une étape -, en faisant de l'allongement de la durée de cotisation un outil permanent d'ajustement, change les règles de calcul des droits à la retraire et aura une incidence significative sur le montant des pensions.

Notre démarche est tout autre. Il s'agit de ne pas se satisfaire d'un pseudo-droit à l'information servant d'alibi aux organismes spécialisés qui pourraient se voir confier cette mission, alors que, par ailleurs, ces mêmes organismes proposent des produits d'assurance ou d'épargne.

Le COR, dans les orientations qu'il a définies et les propositions qu'il a faites pour éclairer le débat sur l'avenir de notre système de retraite, a consacré de longs développements au contenu qu'il convient de donner au droit à l'information, ainsi qu'aux objectifs qu'il lui assigne.

A priori, une nouvelle fois, le Gouvernement a pris ses aises avec ce rapport.

Je ne vois pas ce qui, dans le dispositif envisagé, est de nature à assurer la qualité et la précocité de l'information.

Les observations formulées par le rapporteur de la commission des affaires sociales concernant l'articulation entre le régime d'information prévu et les prestations déjà fournies par des intervenants privés me confortent dans l'idée que, compte tenu des énormes enjeux financiers, la marge de « choix » personnel que le texte entend donner aux salariés et les mesures utilisées ne permettront pas aux régimes de retraite de s'acquitter de leur mission. De facto, cette information délivrée à titre gracieux sera réalisée par ceux qui ont intérêt au développement de la capitalisation.

Monsieur le rapporteur, vous avez le droit de jouer les naïfs, mais il est inutile de nous citer un article du code que nous connaissons parfaitement. Vous savez très bien que, là où l'information va être délivrée et là où des produits financiers adaptés à la situation existent, les affaires risquent de se conclure.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 323.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, pour explication de vote sur l'amendement n° 324.

M. Thierry Foucaud. Cet amendement est intéressant, dans la mesure où il pose une réelle obligation d'information à la charge des caisses et services gestionnaires de l'assurance vieillesse.

Dans les développements consacrés au droit à l'information, droit qui se révèle d'autant plus nécessaire que l'effet des mesures adoptées en 1993, ajouté aux présentes dispositions, rend difficile le calcul spécifique des droits individuels, le COR s'est attaché à préciser quels étaient les efforts à réaliser pour informer convenablement les personnes concernées.

Il convient, selon lui, de simplifier au maximum les démarches de l'assuré et d'informer celui-ci assez tôt pour qu'il puisse pallier certains inconvénients propres à sa situation.

Prenant l'exemple des conditions de rachat de cotisation dans les régimes de la fonction publique, le COR indique « qu'il est de la responsabilité des organismes de retraite d'entreprendre auprès de l'assuré une démarche que celui-ci, l'expérience le montre, n'entreprend spontanément que dans les années qui précèdent sa retraite ».

Je considère effectivement qu'il est préférable d'aller vers les assurés sociaux, en instituant le principe d'une information automatique et périodique de ces derniers concernant leur situation personnelle.

On ne saurait d'ailleurs se satisfaire, en ce domaine, du pendant de l'obligation d'information, à savoir l'obligation de s'informer.

C'est pourquoi je voterai l'amendement n° 324, sur lequel mon groupe a demandé un scrutin public.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 324.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)


M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 198 :

Nombre de votants 313
Nombre de suffrages exprimés 311
Pour 111
Contre 200

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 213.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 214.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 905.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 215.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 216 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 217.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 8, modifié.

(L'article 8 est adopté.)