Article additionnel avant l'article 50

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Paul Delevoye, ministre. Monsieur le président, j'invoque l'article 40 de la Constitution sur l'amendement n° 625.

M. le président. Monsieur Gaillard, l'article 40 est-il applicable ?

M. Yann Gaillard, au nom de la commission des finances. Il l'est, monsieur le président.

M. le président. L'article 40 étant applicable, l'amendement n° 625, présenté par Mme Demessine, n'est pas recevable.

Article 50

M. le président. « Art. 50. - Pour les fonctionnaires bénéficiaires d'un congé de fin d'activité accordé dans les conditions prévues au titre II de la loi n° 96-1093 du 16 décembre 1996 relative à l'emploi dans la fonction publique et à diverses mesures d'ordre statutaire, la pension est liquidée dans les conditions prévues par les articles L. 12, L. 13 et L. 14 du code des pensions civiles et militaires de retraite en vigueur à la date de l'entrée dans le congé de fin d'activité.

« Les modalités particulières de liquidation des pensions mentionnées au précédent alinéa sont étendues aux fonctionnaires affiliés à la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales ainsi qu'aux personnels affiliés au régime des pensions des ouvriers des établissements industriels de l'Etat. »

La parole est à M. Claude Domeizel, sur l'article.

M. Claude Domeizel. Cet article 50 a pour objet de définir les conditions de liquidation des droits à la retraite des agents bénéficiant du congé de fin d'activité. Vous comprendrez aisément que nous nous opposions à la formule qui est proposée.

Le texte prévoit que la loi sera applicable à ceux qui partiront après le 1er janvier 2004. J'ai expliqué, en défendant la motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité, que cette disposition n'était pas constitutionnelle. J'interviendrai à nouveau lors de l'examen de l'article 55 pour indiquer les raisons pour lesquelles on ne peut introduire un tel dispositif dans l'article 50 : il pénaliserait les agents qui entreront en congé de fin d'activité après le 1er janvier 2004. Cela démontre encore plus combien ce dispositif est injuste. En effet, ceux qui ont choisi cette formule et qui partiront après le 1er janvier 2004 verront leur pension diminuer au seul motif que la date de liquidation de leurs droits à la retraite sera postérieure à la date prévue par la loi.

Nous ne pouvons donc que nous opposer à cet article 50.

M. le président. Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 626, présenté par Mme Demessine, MM. Fischer, Muzeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

« Supprimer cet article. »

L'amendement n° 627, présenté par Mme Demessine, MM. Fischer, Muzeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

« Supprimer le premier alinéa de cet article. »

L'amendement n° 628, présenté par Mme Demessine, MM. Fischer, Muzeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

« Supprimer le deuxième alinéa de cet article. »

La parole est à M. Guy Fischer.

M. Guy Fischer. Vous aurez remarqué que l'amendement n° 626 tend à supprimer l'article. Ensuite,...

M. Jean-Jacques Hyest. Vous déclinez !

M. Guy Fischer. ... prévoyant le sort qui sera réservé à cet amendement, je décline en proposant de supprimer le premier alinéa, puis le deuxième alinéa.

M. Hilaire Flandre. Une fois en bloc, une fois en détail !

M. Guy Fischer. M. Flandre l'a compris et je m'en réjouis. (Rires sur les travées du groupe CRC.)

Cet article a pour objet de définir les modalités de liquidation des pensions des agents bénéficiant d'un congé de fin d'activité, mais, en fait, il entérine la mort de ce congé de fin d'activité. Cette mesure est très appréciée par les fonctionnaires. Mise en place en 1996, elle a été depuis à chaque fois prorogée dans la loi de finances.

Le Gouvernement - et ce fut l'une des premières mesures qu'il prit - a mis fin au congé de fin d'activité au prétexte de maintenir les seniors, en l'occurrence les seniors fonctionnaires, en activité et d'atteindre l'objectif fixé d'avoir le plus grand nombre de personnes de cinquante-neuf ans en fonctions.

M. Flandre, qui est un chasseur émérite...

M. Hilaire Flandre. Non !

M. Guy Fischer. Je le croyais, mais il y en a beaucoup ici !

M. Flandre, donc, comprendra fort bien que le Gouvernement ait employé un fusil à deux coups.

Le premier coup a été tiré au moment de la loi de finances pour 2003, par l'article 132 : l'extinction du dispositif a été prévue en le réservant aux seules personnes nées avant 1946 et justifiant, au 31 décembre 2002, de quarante annuités.

Au travers de ce projet de loi, le Gouvernement tire le second coup et met fin à ce dispositif intéressant à un double titre. En effet, non seulement il permettait le départ d'un certain nombre de fonctionnaires, mais il assurait également la transition entre les générations, puisque les fonctionnaires qui bénéficiaient de la cessation progressive d'activité y travaillaient à mi-temps.

Cet article 50 nous paraît en totale contradiction avec le discours officiel tenu, notamment, par le Gouvernement et incitant à assurer, par une espèce de tutorat, tant dans le public que dans le privé, la transition entre les générations.

Les choses deviennent encore plus difficiles puisque, comme vient de le rappeler Claude Domeizel, un double régime est mis en place : ceux qui entreront en congé de fin d'activité avant le 1er janvier 2004 y verront leur pension liquidée selon les dispositions en vigueur ; mais, bien entendu, il en va différemment pour ceux qui entreront en CFA après 2004, après avoir répondu, bien sûr, aux critères fixés.

Ce dispositif ne peut donc qu'être condamné. Par conséquent, nous demandons la suppression de cet article 50.

Non seulement le Gouvernement n'est pas logique avec le discours qu'il tient, mais il est en totale contradiction avec sa volonté affichée d'assurer le transfert des savoir-faire aux nouvelles générations grâce aux fonctionnaires qui sont en cessation progressive d'activité ou en congé de fin d'activité.

Nous demandons par ailleurs, que le Sénat se prononce par scrutin public.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Dominique Leclerc, rapporteur. Comme M. Fischer vient de nous l'expliquer, ces amendements sont sans portée puisqu'ils récusent la fin du dispositif du CFA.

La commission émet un avis défavorable sur l'amendement n° 626, et, par voie de conséquence, sur les amendements n°s 627 et 628.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-Paul Delevoye, ministre. Le Gouvernement émet également un avis défavorable sur ces trois amendements.

Il demande au Sénat de se prononcer par un seul vote sur l'article 50, dans la rédaction de l'Assemblée nationale, à l'exclusion de tout amendement.

Je rappelle simplement à MM. Fischer et Domeizel que le dispositif permettait d'entrer en CFA à 56 ans ou à 58 ans et qu'il se clôturait à 60 ans. La durée était au maximum de quatre ans ; elle pouvait être aussi de deux ans.

Le dispositif prenait fin en 2002. Seuls quelques cas seront donc concernés en 2006. Par conséquent, 2004, 2005 : franchise de la décote. Une légère modification des paramètres interviendra peut-être pour 2006. Je vous rappelle qu'en 2006 la décote s'élèvera à 0,125 % et que l'annuité sera de 1,923 au lieu de 2 %.

M. le président. Je mets aux voix, par un seul vote, l'article 50, dans la rédaction de l'Assemblée nationale.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe communiste républicain et citoyen.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)


M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 220 :

Nombre de votants 318
Nombre de suffrages exprimés 316
Pour 204
Contre 112

Article 51

M. le président. « Art. 51. - Les fonctionnaires bénéficiaires du dispositif prévu par l'article 30-1 de la loin° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et des télécommunications, dont les droits à pension seront ouverts à compter du 1er janvier 2004, demeurent soumis, pour le calcul de ces droits, aux dispositions du code des pensions civiles et militaires de retraite applicables à la date de leur admission au bénéfice du dispositif prévue par la loi précitée. » - (Adopté.)

Article 52

M. le président. « Art. 52. - I. - Il est institué un régime public de retraite additionnel obligatoire, par répartition provisionnée et par points, destiné à permettre l'acquisition de droits à retraite, assis sur une fraction maximale, déterminée par décret en Conseil d'Etat, de l'ensemble des éléments de rémunération de toute nature non pris en compte dans l'assiette de calcul des pensions civiles et militaires de retraite.

« II. - Le bénéfice du régime est ouvert :

« 1° Aux fonctionnaires civils auxquels s'appliquent les lois n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, ainsi que les lois n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ;

« 2° Aux magistrats de l'ordre judiciaire ;

« 3° Aux militaires de tous grades possédant le statut de militaire de carrière ou servant en vertu d'un contrat ;

« 4° A leurs conjoints survivants ainsi qu'à leurs orphelins.

« III. - Les cotisations, dont le taux global est fixé par décret en Conseil d'Etat, sont réparties à parts égales entre les employeurs et les bénéficiaires. L'ouverture des droits des bénéficiaires cotisants est subordonnée à la condition qu'ils aient atteint l'âge de soixante ans et aient été admis à la retraite.

« La retraite additionnelle mise en paiement par le régime mentionné au I est servie en rente. Toutefois, pour les bénéficiaires ayant acquis un nombre de points inférieur à un seuil déterminé par décret en Conseil d'Etat, elle est servie en capital.

« Au-delà des cotisations obligatoires, les bénéficiaires peuvent cotiser au régime sur une base volontaire afin de compléter leurs droits. Ces cotisations facultatives n'ouvrent pas droit à une cotisation de l'employeur.

« Ces droits sont exclusivement financés par les cotisations des bénéficiaires.

« L'ensemble des droits financés par des cotisations facultatives est intégralement provisionné dans le régime.

« IV. - Ce régime est géré par un établissement public à caractère administratif placé sous la tutelle de l'Etat. Il est administré par un conseil d'administration composé, notamment, de représentants des employeurs et de représentants des bénéficiaires cotisants.

« V. - Le conseil d'administration procède chaque année à l'évaluation des engagements, afin de déterminer le montant de la réserve à constituer pour leur couverture.

« VI. - Les modalités d'application du présent article sont précisées par décret en Conseil d'Etat.

« VII. - Le présent article entrera en vigueur le 1er janvier 2005. »

La parole est à Mme Michelle Demessine, sur l'article.

Mme Michelle Demessine. L'article 52 crée un régime complémentaire obligatoire provisionné et par points pour les fonctionnaires. Il concerne les trois fonctions publiques, les magistrats, les militaires, les conjoints et les orphelins. L'assiette des cotisations est fondée sur les primes.

Dans le régime actuel, alors que les primes constituent une part importante de la rémunération de l'agent public - elle peuvent, dans les faits, atteindre jusqu'à 30 % de la rémunération totale - elles disparaissent mystérieusement au moment de la liquidation de la pension, puisque tout se passe comme si elles n'avaient jamais existé : elles ne sont prises en compte ni pour déterminer le droit à pension, ni pour évaluer la valeur des émoluments.

Nous l'avons dit à plusieurs reprises, la transparence et la justice, dont on nous dit qu'ils sont l'objectif ici, voudraient que les primes et autres accessoires de rémunération soient intégrés complètement dans la base de calcul des pensions et des retraites. Cette proposition fait écho, on le sait, à la revendication de la majorité des fonctionnaires. Ce serait d'ailleurs dans la logique même du statut de la pension des fonctionnaires, laquelle - rappelons-le - est principalement une rémunération pour services rendus.

Telle n'a pas été l'option retenue dans le présent projet de loi, puisque l'article 52 opte pour la mise en place d'un complément de retraite assis sur la base de cotisations portant exclusivement sur ce type de rémunération.

On voit là toute l'incohérence du système proposé par le Gouvernement : alors que la déperdition du régime des pensions des fonctionnaires est programmé via l'allongement de la durée totale de cotisation et le passage à l'indexation sur les prix, et non plus sur les traitements, il est proposé, dans le projet de loi, en quelque sorte, une roue de secours rutilante, mais bien peu adaptée.

Derrière ce régime additionnel obligatoire - qui peut aussi être volontaire, à la suite d'une modification adoptée à l'Assemblée nationale - se profile une interrogation, celle de l'utilisation des sommes collectées avant leur liquidation sous forme de capital ou de rentes viagères. Quels placements seront possibles ? Quels placements seront faits ?

C'est pourquoi, contrairement à la majorité sénatoriale et au rapporteur, nous ne pouvons pas nous « féliciter » de cette création. Elle ne permet que de compenser la non-prise en compte, dans la pension de retraite du fonctionnaire, de ce qui est, vous le notez vous-même, une part significative de sa rémunération.

Notre conception de la justice sociale est différente : il s'agit pour nous non pas de compenser une injustice mais de la supprimer. C'est pourquoi nous ne pouvons pas nous contenter de ce pis-aller dont la conception même est discutable.

Nous n'approuvons pas cet article 52 que nous ne voterons pas.

M. le président. La parole est à Mme Nelly Olin.

Mme Nelly Olin. Le régime de rémunération applicable dans les trois fonctions publiques est composé d'un traitement de base, auquel s'ajoutent, le cas échéant, des primes ou indemnités qui n'entrent pas dans l'assiette de calcul de la retraite. Cette situation ne permet pas aux fonctionnaires d'améliorer leur niveau de retraite.

L'article 52 prévoit donc la mise en place d'un régime public par répartition dont les ressources émanent des cotisations versées tant par les salariés que par les employeurs dans lequel les droits s'acquièrent sous forme de points, en fonction de l'assiette cotisée. Cet article est très attendu par ceux qui sont d'accord pour faire un effort supplémentaire de cotisation afin d'améliorer leurs droits à la retraite.

Notre groupe votera l'article 52. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Paul Delevoye, ministre. Monsieur le président, j'invoque l'article 40 de la Constitution sur les amendements n°s 978 et 980.

Je demanderai également au Sénat de se prononcer par un seul vote sur l'article 52.

M. le président. L'article 40 de la Constitution est-il applicable, monsieur Yann Gaillard ?

M. Yann Gaillard, au nom de la commission des finances. Oui, monsieur le président, il l'est.

M. le président. L'article 40 étant applicable, les amendements n° 978, déposé par M. Claude Estier, et n° 980, déposé par Mme Monique Cerisier-ben-Guiga, ne sont pas recevables.

Sur l'article 52, je ne suis plus saisi que de quatorze amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L'amendement n° 629 est présenté par Mme Demessine, M. Fischer, M. Muzeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

L'amendement n° 979 est présenté par MM. Estier, Domeizel et Chabroux, Mme Printz, M. Krattinger, Mme Campion et Mme Blandin, M. Godefroy, Mme San Vicente et Mme Pourtaud, M. Lagauche et M. Vantomme, Mme Herviaux, M. Frimat, Mme Cerisier-ben Guiga, M. Mano et les membres du groupe socialiste et apparenté.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

« Supprimer cet article. »

La parole est à Mme Odette Terrade, pour défendre l'amendement n° 629.

Mme Odette Terrade. De nombreuses propositions ont été faites concernant l'avenir des retraites des fonctionnaires de l'Etat. L'hypothèse de la création d'une caisse de retraite a été avancée à de nombreuses reprises. La dernière fois, ce fut à l'occasion de la tentative de réforme des régimes spéciaux faite par le gouvernement d'Alain Juppé.

Le 15 novembre 1995, Alain Juppé, alors Premier ministre, s'exprimait en ces lieux. Je cite un extrait du Journal officiel de l'époque : « Au nom de la justice, nous engagerons la réforme des régimes spéciaux de retraite. Il s'agira de préciser les mesures nécessaires à l'équilibre de ces régimes, notamment les modalités d'allongement de 37 à 40 ans de la durée de cotisation requise pour bénéficier d'une retraite à taux plein. Il s'agira, en second lieu, de prévoir la création d'une caisse de retraite de la fonction publique de l'Etat, comme il existe une caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales, cela afin d'établir la transparence du système. J'installerai sans délai la commission de réforme des régimes spéciaux, qui me proposera, sous quatre mois, des mesures correspondant à ces orientations. Ainsi progressera l'égalité des Français devant la retraite. »

Voilà donc ce que disait Alain Juppé dans un discours auquel le gouvernement actuel n'a rien à ajouter : même souci de justice sociale, mais, malheureusement, même conception d'une justice sociale qui se traduit immanquablement par une harmonisation par le bas des droits de tous les salariés.

L'idée d'une caisse de retraite des fonctionnaires de l'Etat n'est plus avancée aujourd'hui, mais l'article 52 du titre III du projet de loi pourrait bien constituer une sorte de cheval de Troie.

Il convient d'examiner cette proposition pour mieux la rejeter.

Tout d'abord, il s'agit d'aligner les retraites des fonctionnaires sur celles des salariés du secteur privé. Pourquoi, alors, ne pas aller jusqu'au bout du raisonnement, et ne pas les intégrer dans le régime général ? A défaut, même si cela paraît difficile à justifier, ne serait-il pas envisageable d'intégrer les fonctionnaires d'Etat à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales ?

Nous ne partageons bien sûr aucun de ces deux points de vue car, quel que soit le type de caisse retenu, de nombreuses questions se posent.

Premièrement, passer d'un système de retenue pour pension et de cotisations fictives à un système de caisse de sécurité sociale suppose le versement par l'Etat de cotisations sociales à ladite caisse. En d'autres termes, les sommes qui, pour l'instant, ne constituent pas des dépenses pour l'Etat le deviendraient, du moins dans la phase de démarrage du nouveau système.

On peut ainsi raisonnablement penser que la matérialisation de la part employeur conduirait immédiatement à une augmentation considérable des dépenses de l'Etat.

Si le véritable objectif de la réforme est la réduction des dépenses publiques, comme on le chante sur tous les tons, il ne pourra être atteint, à court terme, de cette façon.

Ensuite, la mise en place d'une caisse pose la question de la répartition des cotisations entre l'employeur et les fonctionnaires. Nous savons que la retenue pour pension des fonctionnaires est plus faible que les cotisations du régime général augmentées de celles qui sont versées au titre des régimes complémentaires obligatoires.

Il est évident qu'une négociation devra s'engager sur ce thème qui concerne directement la rémunération des fonctionnaires. Or l'on sait que la négociation salariale dans la fonction publique est caractérisée par l'absence de convention collective. On ne peut pas affirmer non plus qu'il existe un véritable droit de la négociation au sein du droit de la fonction publique. Quant aux protocoles d'accord de la fonction publique, ils n'ont pas de statut juridique clairement défini.

En d'autres termes, l'instauration d'une cotisation risque de remettre en cause le fragile mécanisme de fixation des rémunérations dans la fonction publique d'Etat.

C'est pourquoi nous vous proposons, par cet amendement n° 629, la suppression de l'article 52. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Gilbert Chabroux, pour présenter l'amendement n° 979.

M. Gilbert Chabroux. L'article 52 prévoit la création d'un régime additionnel complémentaire de retraite obligatoire pour les fonctionnaires.

Nous pouvons concevoir que diverses primes soient intégrées dans le calcul des pensions. C'est tout à fait souhaitable, et même nécessaire, d'autant plus que les régimes indemnitaires sont très inégaux. En effet, les primes peuvent représenter de 10 % à 53 % du traitement indiciaire ; il y a donc des variations très fortes d'une catégorie à une autre.

En fait, monsieur le ministre, vous tentez de masquer votre politique délibérée de diminution du pouvoir d'achat des retraites de la fonction publique en répondant par une pseudo-prise en considération des primes : je vous prends 100 euros d'un côté, mais, remerciez-moi, je vous en rends 10 de l'autre !

Heureux les simples fonctionnaires, le Gouvernement fait un geste !

Plus ahurissant encore, si c'est possible, mais, dans ce texte, rien ne doit plus nous surprendre, vous nous proposez de faire bénéficier les fonctionnaires d'une retraite par répartition, assise sur des cotisations ponctionnées sur les éléments de rémunération non pris en compte dans la pension. Cela relève du génie mécanique !

Soyons sérieux : ce que les fonctionnaires demandent simplement, et légitimement, c'est un pouvoir d'achat fondé sur un revenu justifié par le service accompli. Est-il admissible, au moment où vous prétendez aligner la fonction publique, dénoncée à tort comme privilégiée, sur le secteur privé, de ne pas faire en sorte que les primes soient réellement intégrées dans le calcul des pensions ?

Finalement, dans votre esprit, comme le prouve votre texte, tout ce qui peut relever de l'avantage est à proscrire ; en revanche, tout ce qui est défavorable aux fonctionnaires est à maintenir. Quelle singulière manière de traiter les serviteurs de l'intérêt général ! (Exclamations ironiques sur les travées de l'UMP.)

M. Jean-Pierre Schosteck. Que c'est beau !

M. Gilbert Chabroux. Vous n'aimez pas les fonctionnaires ! (Protestations sur les mêmes travées.) On peut ne pas avoir le même avis, mais il y a, de votre part, c'est clair, un réflexe anti-fonctionnaire.

M. Dominique Leclerc, rapporteur. C'est stupide !

M. Jean Chérioux. Oh !

M. Hilaire Flandre. Il y en a chez nous aussi, des fonctionnaires !

M. Gilbert Chabroux. Cela se sent, cela paraît, cela transpire même !

Mme Nelly Olin. Vous ne pouvez pas dire cela, monsieur Chabroux !

M. Gilbert Chabroux. Par ailleurs, monsieur le ministre, comment allez-vous organiser cette caisse additionnelle ? Qu'en sera-t-il du niveau des parts patronale et salariale ? Quel en sera le coût pour l'Etat ? Y aura-t-il un budget global ?

Ce système, vous le savez, va pénaliser les collectivités locales, gros employeurs d'agents de catégorie technique dont les primes constituent une part importante de la rémunération. On reconnaît bien là l'une des motivations profondes de votre décentralisation : la décentralisation des dépenses ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste ainsi que sur certaines travées du groupe CRC.)

M. le président. L'amendement n° 630, présenté par Mme Demessine, MM. Fischer, Muzeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

« Supprimer le I de cet article. »

La parole est à Mme Michelle Demessine.

Mme Michelle Demessine. Comme l'a rappelé à juste titre tout à l'heure Mme Odette Terrade, cet article laisse perplexe, c'est le moins qu'on puisse dire. Cette idée de créer un régime public de retraite additionnel nous semble inspirée par le régime complémentaire du secteur privé AGIRC - ARRCO, Association générale des institutions de retraites des cadres et Association des régimes de retraites complémentaires.

C'est un total non-sens, compte tenu de la manière dont sont conçus les régimes de retraite des fonctionnaires, ces derniers ne comprenant qu'un seul et unique étage.

Par ailleurs, vous semblez ignorer les effets pervers des accords de ce type. Je pense aux accords de l'AGIRC et de l'ARRCO qui ont, dans la dernière période en particulier, miné les pensions du régime général. Ces accords ont en effet réduit de manière rigoureuse les droits à retraite attribués chaque année dans les régimes complémentaires, à taux de cotisation identique.

Ce résultat a été obtenu par un relèvement du prix d'achat du point de retraite de 3,5 % par an pour l'ARRCO et de 4 % pour l'AGIRC, mais aussi par une revalorisation annuelle de la valeur du point de retraite inférieure de 1 % au taux d'évolution des salaires et, en tout état de cause, plafonnée.

La première mesure a eu pour effet de diminuer mathématiquement de 16,3 % pour l'ARRCO et de 18,5 % pour l'AGIRC le nombre de points de retraite attribués à chaque salarié.

La seconde a eu pour effet de dévaloriser de plus de 1 % par an, par rapport au salaire, la valeur de ces points et, du même coup, le pouvoir d'achat des retraités.

Toutes choses égales par ailleurs, ces accords abaissent en effet de près de 20 % pour l'ARRCO et de 22 % pour l'AGIRC les droits que les retraités font valoir le moment venu par rapport à ce qu'ils auraient obtenu s'il n'y avait pas eu ces mesures. Est-ce ce traitement que vous voulez appliquer aux fonctionnaires ? Selon vous, ce nouveau régime permettrait de prendre en compte les éléments de rémunération de toute nature, dont les fameuses primes. Il s'agit là, nous le répétons, d'une fausse bonne idée.

Tout d'abord, tous les fonctionnaires ne se voient pas octroyer des primes. Ensuite, ces primes, nous le répétons, pourraient être prises en compte lors de la constitution du droit à pension de base et de sa liquidation.

Enfin, ce système n'a aucun intérêt, pas plus, en tout cas, que tous ceux qui sont inspirés par la logique de la capitalisation, tant que le taux de remplacement offert aux fonctionnaires, comme à l'ensemble des Français, d'ailleurs, est suffisant pour conserver un niveau de vie décent.

M. le président. L'amendement n° 280, présenté par M. J. Blanc, est ainsi libellé :

« I. - Compléter le I de cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« La fraction maximale mentionnée à l'alinéa précédent peut varier selon la part que les éléments de rémunérations visés par ce même alinéa occupent dans la rémunération totale des bénéficiaires du régime. »

« II. - Pour compenser les pertes de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

« ... Les éventuelles pertes de recettes pour l'Etat résultant de la variation de la fraction maximale des éléments de rémunération pris en compte par le régime public de retraite additionnel obligatoire sont compensées à due concurrence par la création de taxes additionnelles aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

La parole est à M. Jacques Blanc.

M. Jacques Blanc. Je propose, par cet amendement, que le décret en Conseil d'Etat prévu au I de l'article 52 tienne compte des différences de situation des agents publics au regard de l'importance des indemnités qu'ils perçoivent.

C'est aussi l'occasion pour moi de rappeler qu'à l'article 32 j'avais déposé un amendement et mon collègue Paul Blanc était intervenu pour rappeler la situation particulière des médecins biappartenants, c'est-à-dire des praticiens hospitaliers également professeurs d'universités, qui se trouvent pénalisés au moment de la liquidation de leur retraite parce que l'on ne prend pas en compte les indemnités versées au titre de leur activité hospitalière. Prenons le cas, par exemple, d'un professeur d'université ou maître de conférences qui exerce concomitamment dans le domaine hospitalier. Il pourra faire valoir ses droits à pension à l'âge de 65 ans et disposera d'une retraite d'un montant inférieur de 20 % à celle de son assistant personnel hospitalier du même âge !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Article 40 !

M. Jacques Blanc. Ce que nous demandons, c'est une réparation. Mais je saisis l'occasion pour dénoncer ce qui vient d'être dit, mon cher collègue : on ne peut pas laisser dire qu'il s'agit ici d'aller contre les fonctionnaires.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Monsieur le ministre, article 40 !

M. Jacques Blanc. Je crois au contraire que ce texte rétablit une certaine égalité dans nombre de situations et présente indéniablement des aspects positifs, notamment pour ceux qui ont commencé à travailler très tôt et qui auront la possibilité de prendre leur retraite plus tôt. Je pense aussi à la prise en compte des primes, qui avait été annoncée à grand renfort de déclarations par tous les gouvernements socialistes, notamment par celui de M. Lionel Jospin, sans jamais aboutir. Alors que là une action forte est engagée. Certes, l'affaire est compliquée, mais c'est tout à l'honneur du Gouvernement, que je remercie, de prendre cette initiative, qui permettra d'intégrer enfin ces primes pour le calcul des retraites des fonctionnaires.

Pour en revenir aux praticiens hospitaliers, n'oubliez pas, mes chers collègues, que nous en aurons tous besoin un jour ou l'autre. Moi, j'ai été sauvé par l'un d'eux à l'hôpital de Montpellier, et je crois qu'il faut savoir rendre hommage à ceux qui se consacrent au service des malades. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel.

M. Claude Domeizel. Monsieur le président, je pense que le Gouvernement aurait dû invoquer l'article 40 de la Constitution sur cet amendement n° 280.

Je constate que M. Jacques Blanc a pu ainsi présenter son amendement, tandis que l'opposition n'a pas pu défendre les siens.

Mme Odette Terrade. Absolument ! Il y a deux poids et deux mesures, et ce n'est pas la première fois !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. « Selon que vous serez puissant ou misérable,

« Les jugements de cour vous rendront blanc ou noir. »

M. Claude Domeizel. Monsieur le président, c'est inadmissible, et la démonstration est faite une nouvelle fois dans ce débat que l'on veut empêcher l'opposition de s'exprimer. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. - Protestations sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. le président. Mes chers collègues, essayons de garder notre calme au moins jusqu'à l'heure du déjeuner ! (Sourires.)

La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Paul Delevoye, ministre. Je connais trop le tempérament spontané de M. Claude Domeizel pour ne pas savoir à quel point il souhaite, comme nous d'ailleurs, que les choses soient justes dans leur définition et dans leur application.

L'article 40 de la Constitution, je le rappelle, peut être invoqué par les membres du Gouvernement, par les membres de la commission,...

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Par tout le monde !

M. Jean-Paul Delevoye, ministre. ... mais aussi par tout sénateur.

Puisque vous n'avez pas invoqué l'article 40, nous en avons déduit que vous souhaitiez entendre l'argumentation de votre collègue M. Jacques Blanc.

Par ailleurs, si je n'ai pas invoqué l'article 40, c'est tout simplement parce que M. Jacques Blanc - comme M. Paul Blanc auparavant - s'est contenté de formuler un simple souhait dans son amendement, dont l'adoption n'engagerait aucune dépense : il s'agit plutôt de nous inciter à apporter une réponse à un problème très clairement posé.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est jugé !

M. Jean-Paul Delevoye, ministre. Je vous connais trop, monsieur Michel Dreyfus-Schmidt, pour ne pas savoir à quel point vous maîtrisez la concision et la précision du terme, et je rends hommage à votre capacité de juger de la différence entre un amendement qui entraîne une dépense, sur lequel il est possible d'invoquer l'article 40, et un amendement qui - cela se produit souvent sur biopérants votre propre initiative - a pour objet de défendre des principes et de nous les faire partager !

Respectant votre sens de la justice et votre esprit de rigueur, connaissant également votre grande vigilance, qui vous amène à tenter de corriger les quelques erreurs que nous pourrions commettre, nous n'avons pas invoqué l'article 40.

Je répondrai tout à l'heure à M. Jacques Blanc que son amendement peut être satisfait, car le régime que nous proposons permettra aux professeurs biopérants, comme à tous les fonctionnaires percevant des primes qui n'entrent pas dans le calcul de leur pension, de bénéficier d'une augmentation de leur taux de remplacement, jusqu'à hauteur de 20 %. Je lui demanderai, à cette occasion, le retrait de cet amendement.

M. le président. L'amendement n° 631, présenté par Mme Demessine, MM. Fischer, Muzeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

« Supprimer le II de cet article. »

La parole est à Mme Odette Terrade.

Mme Odette Terrade. Il faut attirer l'attention sur un problème grave : la mise en place d'un système d'acquisition de droits fondé sur la durée de cotisation est à notre avis incompatible avec l'une des caractéristiques majeures du droit à pension tel qu'il existe actuellement, à savoir l'obligation pour le fonctionnaire de quitter son emploi à un moment donné. Le mécanisme du traitement continué est lié à cette obligation de départ, dont il constitue la juste compensation. Ces deux éléments sont complémentaires et permettent à l'Etat de se séparer des agents âgés sans pour autant les laisser dans le besoin.

La suppression de facto du mécanisme du traitement continué au profit d'un mécanisme d'acquisition des droits à pension par le versement de cotisations conduirait à une incongruité, puisque les fonctionnaires seraient tenus de partir à un âge donné, quel que soit le montant de leurs droits acquis.

Par ailleurs, et ce n'est pas la moindre des difficultés, si la création d'une caisse ne touchait que les seuls fonctionnaires recrutés à partir d'une certaine date, elle n'aurait de plein effet que lorsque ces nouveaux fonctionnaires partiraient à la retraite. La réforme serait alors progressive, mais, surtout, conduirait à la coexistence de deux statuts de fonctionnaires occupant des postes similaires, ceux qui se verraient appliquer le système de cotisation percevant probablement des rémunérations majorées.

Enfin, si la réforme s'appliquait à tous les actifs, se poserait alors la délicate question des régimes transitoires pour les fonctionnaires ayant déjà une certaine ancienneté.

Ces développements montrent à quel point les obstacles techniques, financiers et juridiques à une telle réforme sont importants.

De fait, la constitution de caisses autonomes ne servirait à rien, compte tenu du rapport démographique défavorable, sinon à justifier les sacrifices demandés aux agents. Le passage à un système de caisses signifierait surtout l'abandon de la notion de carrière au profit d'une gestion par l'emploi.

Le paragraphe II de l'article 52 précise les catégories de bénéficiaires de ces retraites additionnelles : il s'agit de l'ensemble des fonctionnaires civils - ceux de la fonction publique de l'Etat, de la fonction publique hospitalière et de la fonction publique territoriale -, des magistrats de l'ordre judiciaire, des militaires, et de leurs conjoints survivants ainsi que de leurs orphelins. Le champ de l'article est donc identique à celui du code des pensions civiles et militaires de retraite, à l'exception des militaires servant au titre d'un engagement à servir dans la réserve opérationnelle et au titre de la disponibilité.

En fait, ces fonctionnaires ont plusieurs motifs d'inquiétude et d'interrogation.

Cette question, vous en conviendrez, est étroitement liée à celle du rendement que vous prévoyez - un taux de 6 % -, qui est possible à effectifs constants. Or, vous le savez bien, monsieur le ministre, l'engagement du Gouvernement n'est pas celui-là, puisqu'il ne prévoit de remplacer qu'un fonctionnaire sur deux. Peut-être est-ce parce qu'un certain flou entoure la valeur du point ? Reconnaissez tout de même qu'il aurait été plus simple d'intégrer directement les primes dans le calcul des droits à pension ! En tout cas, monsieur le ministre, je souhaiterais que vous répondiez à ma question et que vous dissipiez ce flou.

Dans cette attente, par notre amendement n° 631, nous proposons de supprimer le paragraphe II de l'article 52.

M. le président. L'amendement n° 632, présenté par Mme Demessine, MM. Fischer, Muzeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

« Supprimer le III de cet article. »

La parole est à Mme Michelle Demessine.

Mme Michelle Demessine. Nous souhaitons faire plusieurs remarques sur les conditions d'ouverture des droits des bénéficiaires, qui ne nous semblent pas satisfaisantes.

Il est en effet prévu que les bénéficiaires devront avoir atteint l'âge de 60 ans : ce sont très certainement les agents occupant des emplois classés en service sédentaire, dont la limite d'âge est fixé à 65 ans, qui seront concernés par ces dispositions.

Quid des agents occupant des emplois classés dans la catégorie active, dont la limite d'âge est fixée à 60 ans ? Quid des agents occupant des emplois classés dans la catégorie C, dite « insalubre », dont la limite d'âge est fixée à 55 ans ? Ces agents de la catégorie active et de la catégorie C devront-ils attendre l'âge de 60 ans pour bénéficier de l'ouverture de leurs droits ? C'est absurde ! Cela signifie que les agents occupant des emplois classés dans la catégorie C pourront être à la retraite depuis cinq ans lorsqu'ils commenceront à jouir des droits acquis au titre du régime public de retraite additionnel !

Sous le bénéfice de ces observations, nous vous proposons d'adopter l'amendement n° 632.

M. le président. L'amendement n° 1036, présenté par M. Gouteyron, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

« Compléter la première phrase du troisième alinéa du III de cet article par les mots : ", dans la limite de la fraction maximale prévue au I". »

L'amendement n° 1037 rectifié bis présenté par M. Gouteyron, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

« Supprimer le quatrième alinéa du III de cet article. »

La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Adrien Gouteyron, rapporteur pour avis de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. L'amendement n° 1036 vise à encadrer la possibilité, introduite par l'Assemblée nationale, de cotiser au nouveau régime sur une base volontaire.

La commission des finances a considéré qu'il était opportun de limiter l'ouverture du régime additionnel. En effet, d'après les informations qui nous ont été transmises, monsieur le ministre, dans le régime additionnel de base, le plafonnement de l'assiette des primes devrait être fixé, par décret, à hauteur de 20 %, pourcentage qu'il me semble d'ailleurs vous avoir entendu citer.

En revanche, aucune limite ne serait fixée à la possibilité de cotiser sur une base volontaire, ce qu'explique a priori le fait, d'une part, que ces cotisations ne donnent alors plus lieu au versement de cotisations de la part de l'employeur, d'autre part, que les droits qui en découlent sont par conséquent proportionnellement moins élevés.

Pour autant, autoriser une « surcotisation » sans limite ne serait pas sans inconvénient, car cela reviendrait à créer au sein du nouveau régime une espèce de « troisième étage » d'assurance détaché de toute référence à l'assiette des primes.

Cela, d'une part, compromettrait la cohérence du dispositif et, d'autre part - il faut le signaler -, fragiliserait la Préfon, dont il est beaucoup question dans ce débat et dont le rôle est précisément d'offrir la possibilité de cotiser sur une base volontaire.

Ainsi, la commission des finances vous propose un amendement visant à restreindre, pour les fonctionnaires pour qui le montant des primes est inférieur à 20 % de leur traitement de base, la possibilité de cotiser au-delà de l'assiette constituée par leurs primes, cela, bien entendu, dans la limite de 20%, puisque c'est ce plafond qui a été cité.

L'amendement n° 1037 rectifié bis est en quelque sorte moins substantiel, puisqu'il vise à supprimer l'alinéa de l'article 52 disposant que « ces droits sont exclusivement financés par les cotisations des bénéficiaires ». Cette précision est en effet redondante, puisqu'elle se déduit du fait que les cotisations facultatives n'ouvrent pas droit à une cotisation de l'employeur.

Le présent dispositif, dans son ensemble, fonctionne selon un mécanisme de répartition provisionné, comme le prévoit le texte.

M. le président. L'amendement n° 633, présenté par Mme Demessine, MM. Fischer, Muzeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

« Supprimer le IV de cet article. »

La parole est à Mme Odette Terrade.

Mme Odette Terrade. Si la gestion par un établissement public peut vraisemblablement introduire une certaine transparence, l'inquiétude provient plutôt de l'impression générale d'improvisation qui se dégage de l'ensemble de l'article 52. La priorité, avant de penser à l'administration de ce régime de retraite additionnel, consiste à s'assurer qu'il présente toutes les garanties de sécurité et de lisibilité. Or il y a fort à parier que ce ne soit pas le cas.

Pour cette raison, nous proposons par l'amendement n° 633 la suppression de ce paragraphe, dans lequel sont précisées les modalités de gestion du régime de retraite additionnel : celle-ci sera assurée par un établissement public administratif placé sous la tutelle de l'Etat et administré par un conseil d'administration composé, de façon non exclusive, de représentants des employeurs et de représentants des bénéficiaires cotisants.

La précision est un peu courte ! Nous avons des expériences similaires et non satisfaisantes de la tutelle de l'Etat en matière de gestion. Quel sera donc le vrai pouvoir du conseil d'administration ? Quels seront sa composition, son équilibre ? Enfin - et surtout ! -, la transparence sera-t-elle assurée ?

Toutes ces questions, qui concernent également la gestion, appellent de nombreuses réflexions. Dans l'attente des réponses que vous pourrez y apporter, monsieur le ministre, nous préférons supprimer le paragraphe IV de l'article 52.

M. le président. L'amendement n° 634, présenté par Mme Demessine, MM. Fischer, Muzeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

« A la fin du IV de cet article, les mots : "bénéficiaires cotisants" sont remplacés par les mots : "organisations syndicales". »

La parole est à Mme Michelle Demessine.

Mme Michelle Demessine. L'amendement est défendu.

M. le président. L'amendement n° 636, présenté par Mme Demessine, MM. Fischer, Muzeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

« Supprimer le V de cet article. »

La parole est à Mme Odette Terrade.

Mme Odette Terrade. Nous proposons de supprimer le V de l'article 52, car la représentation nationale doit être informée par le conseil d'administration de l'état et des perspectives d'évolution de ce régime public de retraite additionnel obligatoire. Cela paraît légitime, puisque ce régime sera, à la base, alimenté par de l'argent public !

Il reste étonnant que cela n'ait pas été prévu dans ce paragraphe V, que, en l'état actuel des choses - et sous réserve que les amendements du groupe communiste républicain et citoyen soient adoptés -, il est préférable de supprimer.

M. le président. L'amendement n° 635, présenté par Mme Demessine, MM. Fischer, Muzeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

« Rédiger le V de cet article comme suit :

« Le conseil d'administration procède chaque année à l'évaluation des engagements et détermine le montant de réserve à constituer pour leur couverture intégrale. En liaison avec le Conseil d'orientation des retraites, il établit, tous les deux ans, un rapport sur les perspectives économiques et démographiques du régime. Ce rapport est transmis au Parlement. »

La parole est à Mme Michelle Demessine.

Mme Michelle Demessine. Le catastrophisme dont a fait et continue de faire preuve le Gouvernement sur le dossier des retraites ne vise qu'à précipiter l'enterrement du système de retraite par répartition. Ce catastrophisme rappelle d'ailleurs le thème de la décadence que maniaient à l'envi, au début du siècle dernier, les démagogues d'extrême droite, ennemis jurés de la République. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

M. Paul Blanc. N'importe quoi !

Mme Michelle Demessine. Pour éviter ce genre de dérives, dont tout le monde ne semble pas être à l'abri, et pour éviter la propagation de mensonges sur la réalité des enjeux de l'évolution de nos systèmes de retraite, il importe de disposer de données incontestables.

Le Conseil d'orientation des retraites produit un travail dont la qualité est unanimement saluée. Le conseil d'administration du régime public de retraite additionnel - si ce dernier, contre l'avis des sénateurs communistes républicains et citoyens, est mis en place - devra donc travailler à la production d'informations de qualité, en liaison avec le COR.

M. le président. L'amendement n° 637, présenté par Mme Demessine, MM. Fischer, Muzeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

« Supprimer le VI de cet article. »

La parole est à Mme Michelle Demessine.

Mme Michelle Demessine. Il est défendu.

M. le président. L'amendement n° 638, présenté par Mme Demessine, MM. Fischer, Muzeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

« Supprimer le VII de cet article. »

La parole est à Mme Odette Terrade.

Mme Odette Terrade. Il est défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Dominique Leclerc, rapporteur. La commission est défavorable aux amendements identiques n°s 629 et 979, qui, en visant à supprimer l'article 52, vont à l'encontre de l'intégration des primes.

Elle est également défavorable à l'amendement n° 630.

J'en viens à l'amendement n° 280. Il a alimenté les réflexions de la commission en attirant son attention sur les praticiens hospitaliers. Ce sont à notre sens les grands oubliés du débat sur l'hôpital public, qu'il s'agisse du temps de travail ou de la qualité des soins.

M. Jacques Blanc. Très bien !

M. Dominique Leclerc, rapporteur. M. Jacques Blanc, comme M. Paul Blanc hier, a souligné l'excellence des soins dispensés dans l'hôpital public, qu'ont éprouvée tous ceux qui y ont eu affaire, soit à titre personnel, soit pour leur entourage.

M. Charles Revet. C'est vrai, il faut aussi penser à eux !

M. Dominique Leclerc, rapporteur. Lorsqu'on parle de la santé publique, du traitement, des soins..., il est important de resituer le débat dans sa gravité. Aussi, vous me permettrez d'attirer votre attention sur les CHU, les centres hospitaliers universitaires, où les praticiens assument une double obligation : d'une part, l'obligation d'enseignement et, d'autre part, l'obligation de soins.

La première obligation, que vous connaissez tous, porte sur la formation des médecins, qu'il s'agisse des généralistes ou des spécialistes. C'est grâce à elle que la France peut s'enorgueillir d'une très grande qualité des soins. Au titre de cette obligation d'enseignement, les praticiens sont des fonctionnaires de l'éducation nationale.

La deuxième obligation à laquelle sont soumis les praticiens est l'obligation de soigner, qui implique aussi d'encadrer et d'animer les services.

Il est même une troisième obligation, corollaire des deux premières : l'obligation de recherche, qu'il ne faut pas oublier, car elle est essentielle pour l'avenir de la médecine en France.

On parle fréquemment de l'hôpital dans sa dimension quotidienne et souvent assez obscure. Mais la qualité de ses praticiens, la qualité de son administration, que l'on évoque plus rarement, sont essentielles à cette grande maison qu'est le CHU français.

Or les praticiens, qui doivent assumer la double fonction que je viens d'exposer, ont le sentiment d'être oubliés de notre débat. C'était déjà vrai lorsqu'il était question des rythmes et du temps de travail : aujourd'hui, nous discutons un projet de réforme des retraites, nous nous penchons sur les primes ; mais, pour eux, ce ne sont pas des primes, c'est un traitement perçu au titre d'une mission de soin qui n'est pas pris en compte !

La réflexion de la commission s'est arrêtée à ce point, et M. le ministre, avec le régime de retraite additionnel et le taux de 20 %, a apporté une première réponse. Peut-être voudra-t-il aller plus loin ?

La position de la commission des affaires sociales est claire : nous voulons prendre en compte ce qui fait l'excellence de la médecine en France à l'heure actuelle afin de susciter suffisamment de vocations. Car le risque, aujourd'hui, est de décourager les talents et de ne plus attirer les praticiens hospitaliers dont nous avons tant besoin. Nous pourrons dépenser tout l'argent que nous voudrons, nous pourrons mettre tous les moyens matériels que nous voudrons : si, au départ, nous ne savons pas encourager l'intelligence, nous irons à l'échec.

C'est la raison pour laquelle, monsieur Jacques Blanc, je me suis permis de prendre quelques instants pour, après Paul Blanc, relayer votre interpellation auprès du pays tout entier. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

La commission est défavorable aux amendements n°s 631 et 632.

Je voudrais maintenant répondre à notre collègue Adrien Gouteyron, qui, au nom de la commission des finances, a déposé deux amendements et soulevé le problème de l'introduction par l'Assemblée nationale d'un étage facultatif dans le régime public de retraite.

L'étage facultatif du nouveau régime de retraite complémentaire pourrait apparaître contestable au regard de la jurisprudence européenne, notamment de l'arrêt COREVA, qui pourrait conduire à requalifier l'établissement public gestionnaire de ce dispositif d'« entreprise » au sens du traité, entreprise qui serait donc en concurrence directe avec les gestionnaires des dispositifs existants ouverts aux fonctionnaires - pour mémoire le CREF, le CGOS et la Préfon - ainsi qu'avec ceux des futurs plans d'épargne individuelle pour la retraite, les PEIR, que nous examinerons au titre V.

La Cour de justice des Communautés européennes a en effet considéré dans son arrêt du 16 novembre 1995 concernant le régime de retraite complémentaire facultatif des exploitants agricoles, le régime COREVA, qu'un « organisme à but non lucratif, gérant un régime d'assurance vieillesse destiné à compléter un régime de base obligatoire, institué par la loi à titre facultatif et fonctionnant, dans le respect de règles définies par le pouvoir réglementaire, notamment en ce qui concerne les conditions d'adhésion, les cotisations et les prestations, selon le principe de la capitalisation, est une entreprise au sens des articles 85 et suivants du traité CE ».

Or l'étage facultatif tel qu'introduit par les députés à l'article 52 satisfait à tous les critères retenus par la Cour pour qualifier le gestionnaire du régime d'entreprise au sens du traité. Il convient donc d'apprécier les conditions d'exercice de cette activité dans un contexte concurrentiel.

Le fait que soient affiliés d'office à ce régime l'ensemble des fonctionnaires exonère le gestionnaire, pour la partie facultative, des frais de commercialisation et de la mise en place de l'infrastructure de gestion que devrait assumer tout autre intervenant privé.

Par ailleurs, le fait que l'établissement public auquel sera confié le régime bénéficie de la garantie implicite de l'Etat doit également être pris en compte, dans la mesure où cette garantie peut constituer aux yeux des épargnants un avantage concurrentiel déterminant dans le cadre d'une opération d'épargne susceptible de s'étendre sur plusieurs dizaines d'années.

Dans ces conditions, il apparaît que l'existence même du dispositif pourrait être remise en cause par la Cour de justice des Communautés européennes, comme ce fut le cas du régime COREVA.

Or, dans un contexte où le régime fiscal particulier des régimes facultatifs de type Préfon fait l'objet d'une enquête de la part de la Commission, une saisine de la Cour sur le nouveau régime facultatif paraît probable.

Ainsi, vous comprendrez aisément que la commission soit réservée sur le principe de l'étage facultatif : elle s'en remettra à la sagesse du Sénat sur les amendements n°s 1036 et 1037 rectifié bis, mais elle souhaite toutefois entendre l'avis du Gouvernement.

Enfin, la commission est défavorable aux amendements n°s 633, 634, 636 et 635 - nous l'avions annoncé lors de l'examen de l'article 6, relatif au Conseil d'orientation des retraites - ainsi qu'aux amendements n°s 637 et 638.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-Paul Delevoye, ministre. Je demande au Sénat de se prononcer par un seul vote sur l'article 52, modifié par les amendements n°s 1036 et 1037 rectifié bis.

Auparavant, je veux insister sur l'importance de l'article 52.

Depuis des années, tous, sur l'ensemble des travées, vous dénoncez le caractère extrêmement injuste des primes, qui peuvent représenter de 10 % à 53 % du traitement. Dans la fonction publique hospitalière, on passe ainsi de 40 % pour les catégories C, les aides-soignantes, par exemple, à 45 %, voire à 50 % pour les catégories A.

Le parti communiste notamment proposait d'intégrer les primes dans le traitement, mais une telle solution ferait exploser le système, puisque l'intégration à hauteur de 10 % des primes représente déjà de 4 milliards à 5 milliards d'euros !

Nous avons donc choisi d'apporter une réponse spécifique pour les aides-soignantes en intégrant 10 % des primes et, pour le reste, nous nous sommes conformés au relevé de décision signé avec les organisations syndicales, plus précisément au point 11) : « Dans la fonction publique, il est institué un régime de retraite additionnel par répartition provisionnée et par points ; ce régime prendra en compte les primes dans la limite de 20 % du traitement indiciaire ; ce régime obligatoire sera géré de manière paritaire ; la gestion de ce régime sera confiée à un établissement de droit public : la cotisation sera fixée à un taux de 5 % pour les employeurs et de 5 % pour les fonctionnaires concernés ; le niveau pertinent de provisionnement des engagements du régime fera l'objet d'un examen particulier. »

Cela répond à plusieurs questions : toute référence à un régime complémentaire est donc fausse et, puisqu'il s'agit d'un régime additionnel « par répartition provisionnée et par points », les cotisations des fonctionnaires en service actif ou qui y entreraient sous peu ne sont pas perdues. Par ailleurs, ce régime, qui sera, à la demande des organisations syndicales, géré paritairement, sera socialement favorable aux fonctionnaires concernés puisque la moitié des cotisations est à la charge de l'employeur.

Monsieur Chabroux, vous indiquez que les collectivités locales accordent beaucoup de primes. Raison de plus ! Cela signifie en effet que les fonctionnaires des collectivités territoriales seraient pénalisés puisque, ces primes n'étant pas soumises à cotisation, elles ne donnent pas droit à pension.

Le régime additionnel prévoit une contribution de l'employeur et une contribution du fonctionnaire qui permet à celui-ci d'« investir » dans son taux de remplacement, investissement qui, sur une carrière complète, pourrait représenter de 4 % à 5 %, ce qui n'est pas négligeable lorsque, pour une durée totale d'assurance, on arrive à un taux de remplacement de 75 % du traitement.

Ce régime représentera une charge d'environ 800 millions d'euros pour l'Etat en 2020. Vous avez raison de dire qu'il faudra beaucoup d'informations sur le système et que la gestion devra être totalement transparente.

Il s'agit donc, je le répète, d'un régime additionnel, d'un régime par répartition, d'un régime provisionné, d'un régime par points.

L'assiette de ce régime sera constituée des primes qui n'entrent pas dans la rémunération classique : les indemnités pour travaux supplémentaires, les primes de rendement et de productivité, les indemnités d'enseignant, les indemnités de résidence, le supplément familial de traitement, mais aussi les heures supplémentaires.

Sont donc exclus du régime les éléments de rémunération qui ouvrent un droit à pension tels que la nouvelle bonification indiciaire ou encore les indemnités de sujétion spéciale de certains corps.

C'est donc une formidable avancée sociale et, comme le disait Mme Olin, c'est enfin une réponse pragmatique, équilibrée et socialement juste pour faire en sorte que les fonctionnaires, avec leurs employeurs, s'engagent sur la voie de l'amélioration de la retraite de celles et de ceux qui servent la collectivité nationale, territoriale ou hospitalière.

Cela étant dit, MM. Jacques Blanc et Paul Blanc ont mis le doigt sur des situations qui, en effet, posaient problème, notamment sur celles des hospitaliers biopérants qui, parce que leurs cotisations étaient uniquement assises sur leur salaire universitaire, ne tiraient de leur contribution à l'hôpital aucun droit à pension, de sorte que leur retraite était parfois inférieure à celle de leurs collègues alors qu'ils apportaient une forte contribution à l'hôpital en tant qu'universitaires hospitaliers.

Ce sujet est extrêmement important, et nous avons eu ce débat à l'Assemblée nationale. Cependant, la prise en compte, dans la limite de 20 % du traitement indiciaire, des primes dans le régime additionnel obligatoire constitue l'amorce d'une amélioration de la situation de ces personnels au regard du droit à pension.

C'est la raison pour laquelle je demande le retrait de l'amendement n° 280.

Enfin, s'agissant des amendements n°s 1036 et 1037 rectifié bis déposés par M. Gouteyron, au nom de la commission des finances, je tiens à dire à M. le rapporteur pour avis que j'ai parfaitement entendu son argument, mais cet argument, déjà utilisé pour défendre une position purement financière, ne concerne pas le régime additionnel.

Vous avez en effet, monsieur le rapporteur, fait référence à la jurisprudence européenne sur les régimes facultatifs. Je précise que ce régime est un régime obligatoire et qu'il n'entre pas dans le champ concurrentiel.

Il n'est donc pas comparable à un régime facultatif : c'est au contraire un régime obligatoire géré de façon paritaire, et qui peut être considéré comme relevant de la politique sociale entre employeurs et employés de la fonction publique.

Pour être très précis et satisfaire M. Gouteyron, qui souhaite encadrer ce régime facultatif, j'ajoute que nous avions très clairement indiqué que les cotisations obligatoires pourraient porter sur les primes jusqu'à hauteur de 20 % du traitement indiciaire, mais quid des fonctionnaires dont les primes n'atteignent pas ce plafond ?

Les fonctionnaires dans cette situation estimaient que cette règle, qui concerne notamment l'éducation nationale, où la moyenne est à peu près de 10 %, était injuste. Nous avons donc ouvert à ces fonctionnaires la possibilité de contribuer, de façon volontaire, à hauteur de 20 % du traitement indiciaire.

M. Gouteyron a dit avec raison que ce plafond n'était pas suffisamment précis, et l'amendement n° 1036 a pour objet de préciser qu'il sera impossible d'aller au-delà de 20 %.

Cet amendement, qui fixe un plafond au montant des cotisations que le fonctionnaire pourrait choisir de verser à titre facultatif au régime public de retraite additionnel, complète l'amendement adopté à l'Assemblée nationale et va dans le bon sens.

Le Gouvernement ne peut donc qu'émettre un avis favorable.

Cet amendement répond à un objectif à caractère social. Le Gouvernement souhaite permettre à tous les fonctionnaires, notamment à ceux dont les primes sont d'un montant inférieur au plafond de 20 % du traitement indiciaire, de bénéficier du régime sur une base contributive volontaire. Je reprends l'argument développé par MM. Leclerc et Gouteyron : aller au-delà reviendrait à changer la nature du régime additionnel. Celui-ci n'a pas vocation à se transformer en un dispositif complémentaire d'épargne retraite et à concurrencer les dispositifs existant sur le marché à la disposition des fonctionnaires, et vous avez fait référence à la Préfon.

Cet amendement répond à ces objectifs puisqu'il tend à limiter la cotisation facultative à l'intérieur du plafond de 20 % et qu'il la sécurise, les engagements étant provisionnés intégralement.

Je dois d'ailleurs une information au Sénat. Le Gouvernement vous proposera, dans le titre V, de rendre déductible la cotisation à ce régime additionnel. Il va de soi que seule la cotisation obligatoire sera déductible.

L'adjonction au sein d'un régime de retraite obligatoire d'un étage permettant l'acquisition à titre facultatif de droits à retraite additionnels nécessiterait probablement que la réflexion soit encore approfondie par les deux assemblées.

Sous réserve de ces précisions, et en remerciant M. Gouteyron d'avoir apporté cet éclaircissement sur le plafond de cotisations, le Gouvernement émet donc, je l'ai dit, un avis favorable sur l'amendement n° 1036.

Il est également favorable à l'amendement n° 1037 retifié bis : M. Gouteyron a estimé devoir supprimer dans l'article une phrase qui lui semblait redondante.

Enfin, M. About a souhaité que la finalité du régime additionnel soit clarifiée, pour éviter que le fait que les cotisations facultatives ne s'accompagnent pas d'une cotisation de l'employeur n'ouvre la porte à d'autres contributions.

Je tiens à le remercier de son exigence de clarté. Nous estimons en effet que ces droits doivent uniquement être financés par les cotisations des bénéficiaires. Donner à ceux dont les primes ne représentent pas 20 % du traitement la faculté de cotiser néanmoins répondait à un souci de justice, et il paraît normal que le fonctionnaire assume seul dans ce cas la part patronale et la part salariale.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Nous sommes devant un paradoxe : on crée un régime additionnel pour les fonctionnaires qui perçoivent une part importante de leur rémunération sous forme de primes, puis on s'empresse de s'inquiéter de ceux qui ne touchent pas de primes !

D'abord, on règle le problème des primes, ensuite, on règle le problème de ceux qui n'ont pas de primes.

Je rappelle que, si certains ne touchent pas de primes, c'est parce qu'elles ont déjà été intégrées dans leur salaire et donc dans la retraite de base. Tout cela devra probablement être revu en CMP, car ce n'est pas très cohérent.

Je remercie cependant M. le ministre d'avoir clairement précisé la façon dont il fallait comprendre cet élément de phrase qui, pour nous, était trouble. On le fera peut-être au cours de la CMP, mais, au lieu de préciser que les cotisations facultatives n'ouvrent pas droit à une cotisation de l'employeur, on aurait pu simplement dire que ces droits supplémentaires sont uniquement financés par les cotisations des bénéficiaires. Cela aurait tout de même été plus clair, car la formulation actuelle peut laisser penser qu'il y a peut-être moyen de contourner la difficulté...

Je remercie donc M. le ministre d'avoir confirmé - et le compte rendu l'attesterait si la disposition était maintenue - que seules les cotisations seront à la charge du bénéficiaire.

M. le président. Monsieur Jacques Blanc, l'amendement n° 280 est-il maintenu ?

M. Jacques Blanc. Je le retire, monsieur le président, mais permettez-moi aussi de remercier M. le rapporteur, qui a bien compris le fondement de notre démarche, et de dire à M. le ministre que nous avons enregistré les précisions qu'il a apportées sur ce dossier essentiel pour la qualité des soins.

M. le président. L'amendement n° 280 est retiré.

La parole est à M. Claude Domeizel, pour explication de vote sur l'article 52.

M. Claude Domeizel. M. Gilbert Chabroux a expliqué tout à l'heure les raisons pour lesquelles nous voterions contre l'article 52, mais je voudrais intervenir à nouveau pour préciser notre position sur cet article qui instaure un régime additionnel.

Pendant tout le débat, nous avons insisté sur le manque de concertation dans l'élaboration du projet de loi.

Là, manifestement, monsieur le ministre, la concertation n'a pas eu lieu.

M. le président de la commission des affaires sociales vient de dire qu'il faudrait revoir la question de ceux qui touchent des primes et de ceux qui n'en touchent pas, ce qui démontre l'impréparation qui a prévalu à l'élaboration de cet article 52, comme à celle de tout le projet de loi.

Quant au manque de concertation, ne croyez-vous pas qu'il aurait fallu rencontrer non seulement les organisations syndicales, mais également les représentants des collectivités territoriales, qui sont directement concernées par cet article 52 puisqu'il aura un coût pour les finances locales ?

Enfin, monsieur le ministre, au cours de la concertation, peut-être serait-il apparu quelque peu paradoxal qu'un gouvernement voulant simplifier les structures crée un nouvel établissement public. La CNRACL aurait pu servir de support. Pensons aux retraités ! Si un nouvel établissement public est mis en place, ils auront deux interlocuteurs. Le régime additionnel et le régime principal doivent être gérés ensemble : ce sera bien plus simple pour tout le monde.

C'est la raison pour laquelle nous voterons contre l'article 52.

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je voudrais faire remarquer que le Gouvernement emploie des méthodes qui lui permettent, quand il le veut, c'est-à-dire rarement, d'engager un débat avec les membres de la majorité sénatoriale, tout en refusant absolument de discuter avec nous. (M. le rapporteur s'esclaffe.) Il ne veut surtout pas que nous puissions participer au débat sur les amendements émanant de la majorité !

M. Dominique Leclerc, rapporteur. N'importe quoi !

M. Jacques Blanc. Vous n'avez rien à proposer !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous avions pourtant des choses à dire, par exemple à propos de l'amendement de M. Jacques Blanc !

M. Jacques Blanc. Lequel ?

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je tiens à rappeler que, hier, l'amendement n° 279, qui visait, me semble-t-il, le cas des professeurs de médecine, a été déclaré irrecevable en application de l'article 40 de la Constitution alors même qu'il serait « tombé » puisque son unique signataire n'était pas présent.

Par ailleurs, nous avons toujours demandé que l'article 40 de la Constitution ne soit éventuellement opposé qu'après que l'amendement concerné a été présenté,...

M. Dominique Leclerc, rapporteur. Il l'a été !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. ... de manière que la décision d'invoquer l'article 40 puisse être prise en connaissance de cause. Or, s'agissant de l'amendement n° 280 de M. Jacques Blanc, le Gouvernement nous a indiqué que cet article ne lui était peut-être pas applicable. Pourtant, il comportait un gage, pour, je cite, « compenser les éventuelles pertes de recettes pour l'Etat » !

Nous aimerions donc savoir si la commission des finances estime pour sa part, contrairement à M. le ministre, que l'article 40 de la Constitution était opposable à l'amendement n° 280.

Je remercie par avance son représentant, notre collègue Yann Gaillard, de sa réponse !

M. le président. Je mets aux voix, par un seul vote, l'article 52, modifié par les amendements n°s 1036 et 1037 rectifié bis .

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)


M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 221 :

Nombre de votants 318
Nombre de suffrages exprimés 316
Pour 204
Contre 112

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures quinze.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à treize heures cinq, est reprise à quinze heures quinze.)

M. le président. La séance est reprise.

Nous poursuivons la discussion du projet de loi adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, portant réforme des retraites.

Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l'article 53.