TITRE IV

Dispositions relatives aux régimes

des travailleurs non salariés

M. le président. L'amendement n° 658, présenté par Mme Demessine, MM. Fischer, Muzeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

« Supprimer ce titre. »

La parole est à Mme Michelle Demessine.

Mme Michelle Demessine. Je retire cet amendement monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 658 est retiré.

Chapitre Ier

Création d'un régime complémentaire obligatoire pour les industriels et les commerçants

Article additionnel avant l'article 56 ou avant l'article 71

M. le président. Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 991, présenté par MM. Estier, Domeizel et Chabroux, Mme Printz, M. Krattinger, Mmes Campion et Blandin, M. Godefroy, Mmes San Vicente et Pourtaud, MM. Lagauche et Vantomme, Mme Herviaux, M. Frimat, Mme Cerisier-ben Guiga, M. Mano et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :

« Avant l'article 56, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« A compter de 2009, la durée d'assurance nécessaire pour bénéficier d'une pension de retraite au taux plein et la durée des services et bonifications nécessaires pour obtenir le pourcentage maximum d'une pension de retraite sont fonction du degré de pénibilité de la profession concernée.

« Le degré de pénibilité de chaque profession est déterminé tous les cinq ans par un rapport du Conseil d'orientation des retraites en tenant compte de facteurs objectifs relatifs aux caractéristiques propres à chaque profession présentant un risque particulier pour la santé physique et/ou psychique des personnes cotisantes. »

L'amendement n° 1003, présenté par MM. Estier, Domeizel et Chabroux, Mme Printz, M. Krattinger, Mmes Campion et Blandin, M. Godefroy, Mmes San Vicente et Pourtaud, MM. Lagauche et Vantomme, Mme Herviaux, M. Frimat, Mme Cerisier-ben Guiga, M. Mano et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :

« Avant l'article 71, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« A compter de 2009, la durée d'assurance nécessaire pour bénéficier d'une pension de retraite au taux plein et la durée des services et bonifications nécessaire pour obtenir le pourcentage maximum d'une pension de retraite sont fonction du degré de pénibilité de l'activité concernée.

« Le degré de pénibilité de chaque activité est déterminé tous les cinq ans par un rapport du Conseil d'orientation des retraites en tenant compte de facteurs objectifs relatifs aux caractéristiques propres à chaque profession présentant un risque particulier pour la santé physique et/ou psychique des personnes. »

La parole est à M. Gilbert Chabroux, pour présenter l'amendement n° 991.

M. Gilbert Chabroux. Cet amendement vise à tenir compte de la pénibilité, dont nous avons parlé à de nombreuses reprises.

M. le président. La parole est à M. François Marc, pour présenter l'amendement n° 1003.

M. François Marc. Il faut reconnaître les avancées importantes pour les professions concernées - industriels, commerçants et agriculteurs - que constitue ce texte : mensualisation du versement des pensions de base des agriculteurs, transformation en mutuelle du régime complémentaire facultatif des professions industrielles et commerciales ainsi que l'affiliation des aides familiaux dès l'âge de 16 ans au régime de base des exploitants agricoles.

Toutefois, sur ce dernier point, les propositions du Gouvernement ne vont pas assez loin : la notion de pénibilité dans le travail n'est pas prise en compte. Il serait nécessaire d'aborder ce problème de pénibilité effective de certaines professions en s'appuyant sur la négociation et surtout sur les travaux du COR.

Or, quand on vous interroge sur ce sujet, monsieur le ministre, vous éludez le problème en évoquant l'article 72 relatif à l'affiliation des aides familiaux, dès l'âge de 16 ans, au régime de base des exploitants agricoles. C'est en tout cas ce que vous avez fait à l'Assemblée nationale.

S'agissant de l'allongement de la durée de cotisations des agriculteurs, nous pensons que cette disposition va à l'encontre de la volonté de toute la profession agricole, qui souhaite avoir la possibilité de bénéficier d'une retraite progressive.

Je voudrais rappeler que le gouvernement de Lionel Jospin avait élaboré un plan de revalorisation des retraites des exploitants agricoles, et cela après quatre années de disette d'un gouvernement conservateur qui n'avait rien fait en la matière. (Exclamations sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.) On se souvient des efforts de notre collègue Louis Le Pensec, ministre de l'agriculture, qui avait effectivement obtenu cette revalorisation très importante, de plusieurs milliards de francs, étalée sur plusieurs années.

Le gouvernement précédent avait également fait voter, à l'unanimité, la loi du 4 mars 2002 créant un régime de retraite complémentaire obligatoire pour les non-salariés agricoles. Cette loi s'inscrivait dans un large mouvement de redéfinition des missions du régime agricole qui a conduit à rapprocher les niveaux de cotisations de ceux des autres régimes de sécurité sociale. Il a surtout montré la volonté du gouvernement Jospin de garantir une protection sociale minimale à toutes les catégories d'actifs agricoles.

Au-delà de ces avancées considérables, que nous propose-t-on aujourd'hui ?

Dans le projet de loi qui nous est soumis, nous constatons que quelques articles sont réservés à cette catégorie de professionnels, mais sans aucune perspective ambitieuse, sans aucune prospective à moyen et à long terme, alors que l'accord très décevant de la PAC qui vient d'être signé par le Gouvernement français - tout le monde en convient, même au Sénat - ainsi que les crises conjoncturelles agricoles mondiales présagent un avenir plutôt sombre pour cette profession.

Je rappelle que, sous le gouvernement de Lionel Jospin, un plan quinquennal de revalorisation des retraites avait été mis en oeuvre. L'objectif était de porter, pour une carrière complète, le minimum de pension de retraite agricole au niveau du minimum vieillesse pour les chefs d'exploitation et à celui de la majoration accordée au second membre du ménage pour les conjoints et aides familiaux.

Il nous semble qu'il serait tout à l'honneur de ce Gouvernement, afin de redonner confiance et espoir à la profession agricole, qui se sent abandonnée et trahie depuis les accords de la PAC, de relancer, sur plusieurs années, un plan accompagné de garanties financières pour les futures retraites agricoles.

Ce plan permettrait d'envisager une extension de la couverture de la retraite complémentaire obligatoire à l'ensemble des travailleurs salariés agricoles, c'est-à-dire les conjoints et les aides familiaux.

Il fixerait surtout l'effort budgétaire que serait prêt à faire l'Etat sur plusieurs années, comme l'avait fait en son temps le gouvernement de Lionel Jospin. Nous avons d'ailleurs déposé des amendements en ce sens.

Dans l'immédiat, il paraît essentiel de porter intérêt à la pénibilité de la profession agricole. Il est sans doute inutile de rappeler que certains céréaliers travaillent quinze jours par an alors que des éleveurs ou des légumiers sont, eux, confinés dans un dur labeur quotidien.

M. Alain Gournac. Les voilà repartis !

M. François Marc. La pénibilité est un élément fort sur lequel nous insistons à nouveau, et nous pensons que cet amendement permettrait d'en tenir compte dans de bonnes conditions.

Mme Nelly Olin. Parlons-en de la pénibilité !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Dominique Leclerc, rapporteur. Les amendements n°s 991 et 1003 sont identiques à un mot près. En effet, le premier vise la pénibilité de la « profession » concernée et, le second, la pénibilité de « l'activité » concernée.

La commission a eu l'occasion, ces derniers jours, de s'exprimer sur cette notion de pénibilité et, dans le projet de loi, il y est fait référence de façon explicite et suffisante. Par ailleurs, la négociation qui est en cours avec les partenaires sociaux aura un contenu bien précis.

La commission est donc défavorable à ces deux amendements.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Le Gouvernement rappelle une nouvelle fois son souci de voir les partenaires sociaux débattre à la fois de la définition des métiers pénibles, de la manière d'en réduire le nombre, et, pour les métiers qui resteront pénibles à l'avenir, de la manière d'accorder des bonifications ou des départs anticipés à ceux qui y sont exposés.

C'est d'ailleurs ce qui est très largement suggéré dans les différents rapports commandés par le COR sur ce sujet, lesquels ne concluent pas à la possibilité d'inclure dans la loi une définition générale de la pénibilité. Le Gouvernement est donc hostile à l'adoption de ces deux amendements et il évoquera la question plus spécifique des régimes agricoles lorsque nous aborderons les articles qui les concernent.

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Emorine, pour explication de vote.

M. Jean-Paul Émorine. Je ne pensais pas intervenir mais, après avoir entendu M. Marc, je ne peux m'en empêcher, d'autant que j'étais rapporteur, à l'Assemblée nationale, du projet de loi de modernisation de l'agriculture.

En 1995, c'est sous le gouvernement d'Edouard Balladur, que la pension de réversion a été créée. Je veux rappeler aussi que c'est à la même époque que les retraites agricoles ont évolué, comme s'y était engagé le gouvernement.

Puisque notre collègue François Marc a souligné tout ce qu'avait fait le gouvernement Jospin, je veux lui rappeler que le dispositif de préretraite financé à 50 % par l'Union européenne était uniquement réservé aux agriculteurs qui avaient des problèmes de santé ou qui connaissaient des difficultés financières dans leur exploitation. Accorder des préretraites dans ces conditions n'est pas très honorifique ! Par le passé, il existait bien d'autres possibilités. Tous les agriculteurs qui le souhaitaient pouvaient prétendre à une préretraite à partir de 55 ans. C'était un dispositif de l'Union européenne.

S'agissant de la pénibilité, je connais le monde agricole, puisque je suis agriculteur, et je connais aussi le monde des enseignants. Les agriculteurs ne réclament pas la reconnaissance de la pénibilité ; ils souhaitent tout simplement gagner leur vie en exerçant une profession pour laquelle ils éprouvent tous les jours de la passion ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Je ne peux pas vous laisser dire n'importe quoi ! Si le Président Chirac n'avait pas sauvé l'enveloppe financière réservée à la PAC, nous serions restés - je me souviens de ce qu'avait prévu le ministre de l'agriculture de l'époque, M. Glavany -...

M. Eric Doligé. Rien !

M. Jean-Paul Émorine. ... sur la position de 2000, avec une baisse des prix pour la viande, et c'est une réalité aujourd'hui, qui allait atteindre 25 %.

Demandez donc aux éleveurs, que vous semblez bien connaître, le prix de la viande, des céréales et des produits laitiers aujourd'hui ! Demandez-leur aussi ce qui a été obtenu pour la PAC. C'est tout à fait à l'honneur de notre pays. Appartenir à l'Union européenne, qui compte quinze pays, et qui en comptera bientôt vingt-cinq, c'est, mon cher collègue, négocier.

Aujourd'hui, notre ministre de l'agriculture a bien défendu la PAC et défendra notre politique au sein de l'Organisation mondiale du commerce. Cela n'a pas toujours été le cas. J'ai constaté, lors de précédentes négociations de l'OMC à Seattle, que le ministre de l'agriculture française de l'époque n'était même pas présent ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RSDE.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 991.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. François Marc, pour explication de vote sur l'amendement n° 1003.

M. François Marc. Sans faire état d'une connaissance monopolistique du monde agricole, comme cela semble être le cas pour certains ici (Protestations sur les travées de l'UMP.)...

Je comprends que cela vous gêne !

M. Dominique Braye. Non !

M. François Marc. ... je voudrais insister sur deux points.

Tout d'abord, même si M. Balladur avait mis en place certaines dispositions, c'est le gouvernement de Lionel Jospin et l'action importante de Louis Le Pensec qui ont permis d'augmenter considérablement la dotation, et donc de revaloriser les retraites agricoles. Tous les syndicats agricoles, ne vous en déplaise, le reconnaissent largement aujourd'hui. C'est une réalité, personne ne peut en disconvenir.

En ce qui concerne le régime de retraite complémentaire, vous ne pouvez pas non plus disconvenir que c'est le gouvernement précédent qui l'a mis en place, en le faisant adopter à l'unanimité. Ce sont des avancées majeures, je l'ai rappelé.

M. Jean-Paul Émorine. Sans en prévoir le financement !

M. François Marc. Je conçois que ce rappel puisse gêner !

M. Dominique Braye. Lorsque vous racontez n'importe quoi, cela nous gêne toujours !

M. François Marc. Ensuite, cet amendement comporte une proposition sous-jacente, puisqu'il vise également à instaurer une planification et une programmation plurianuelles. Nous avions en effet progammé l'augmentation des retraites sur cinq ans. Nous souhaitons qu'une programmation se fasse sur plusieurs années et qu'elle tienne compte du contexte très difficile.

Si la situation créée par la réforme de la PAC est aujourd'hui ce qu'elle est, nous ne sommes pas les premiers à la dénoncer. En effet, certains de vos amis parmi les syndicats agricoles, notamment la FNSEA et le CDJA, nous écrivent des courriers pour nous dire que la situation est catastrophique.

Mme Nelly Olin. Par rapport à ce que vous n'avez pas fait, c'est vrai !

M. François Marc. Il s'agit tout de même d'une réalité qui est vécue comme telle par la profession agricole. Je comprends que vous tentiez de défendre votre ministre, mais la réalité est très inquiétante pour l'avenir. Il convient donc, par nos amendements, d'essayer de nous prémunir et de faciliter les choses pour que les retraites agricoles apportent demain à ceux qui en bénéficieront un certain nombre de garanties et qu'il soit tenu compte de la pénibilité de cette profession.

Tels sont les arguments qui justifient cet amendement que nous aurions tort de ne pas retenir.

M. Eric Doligé. S'ils vous aiment tant, pourquoi vous ont-ils mis à la porte ?

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1003.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article 56

M. le président. « Art. 56. - Le chapitre V du titre III du livre VI du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé :

« Chapitre V

« Régimes complémentaires d'assurance vieillesse

Régime d'assurance invalidité-décès

« Section 1

« Régimes complémentaires d'assurance vieillesse

« Art. L. 635-1. - Les régimes complémentaires obligatoires d'assurance vieillesse des organisations autonomes d'assurance vieillesse des professions artisanales, industrielles et commerciales assurent au bénéfice des personnes affiliées l'acquisition et le versement d'une pension exprimée en points. Le montant annuel de la pension individuelle de droit direct servie par ces régimes est obtenu par le produit du nombre total de points porté au compte de l'intéressé par la valeur de service du point.

« Toute personne relevant de l'une des organisations mentionnées au 1° ou au 2° de l'article L. 621-3, y compris lorsque l'adhésion s'effectue à titre volontaire ou en vertu du bénéfice d'une pension d'invalidité, est affiliée d'office au régime complémentaire obligatoire de l'organisation dont elle relève.

« Les cotisations des régimes complémentaires obligatoires d'assurance vieillesse mentionnés au présent article sont assises sur le revenu professionnel défini à l'article L. 131-6, et recouvrés dans les mêmes formes et conditions que les cotisations du régime de base.

« Ces régimes sont régis par des décrets qui fixent notamment les taux de cotisations et les tranches de revenu sur lesquelles ceux-ci s'appliquent.

« Art. L. 635-2 . - Les possibilités de rachat ouvertes dans le régime de base par l'article L. 634-2-1 sont également ouvertes pour les régimes complémentaires mentionnés à l'article L. 635-1 aux personnes bénéficiant déjà d'une prestation de vieillesse servie par les régimes mentionnés aux 1° et 2° de l'article L. 621-3. Les conditions d'application du présent article, et notamment les modalités de rachat, sont fixées par décret.

« Art. L. 635-3. - Les conditions d'attribution et de service des prestations dues aux assurés et à leurs conjoints survivants au titre des régimes complémentaires obligatoires d'assurance vieillesse des organisations autonomes des professions artisanales, industrielles et commerciales sont précisées par un règlement de la caisse nationale compétente approuvé par arrêté ministériel. Ce règlement détermine notamment les conditions dans lesquelles les pensions sont revalorisées et fixe les principes de fonctionnement et de gestion financière du régime complémentaire ainsi que la nature et les modalités d'attribution des prestations servies par son fonds d'action sociale.

« Art. L. 635-4. - Les chauffeurs de taxi non salariés ayant adhéré, dans le cadre de la loi n° 56-659 du 6 juillet 1956 sur l'assurance vieillesse des chauffeurs de taxis, à l'assurance volontaire du régime général de sécurité sociale sont affiliés au régime complémentaire obligatoire d'assurance vieillesse des travailleurs non salariés des professions artisanales. Un décret, pris après avis du conseil d'administration de la Caisse nationale de l'organisation autonome d'assurance vieillesse des travailleurs non salariés des professions artisanales, fixe les conditions d'application du présent article et notamment les modalités de validation des périodes d'activité ou assimilées, antérieures à sa date d'entrée en vigueur.

« Section 2

« Régimes d'assurance invalidité-décès

« Art. L. 635-5. - Les régimes obligatoires d'assurance invalidité-décès des organisations autonomes d'assurance vieillesse des professions artisanales, industrielles et commerciales attribuent aux personnes affiliées une pension d'invalidité en cas d'invalidité totale ou partielle, médicalement constatée. La pension d'invalidité prend fin à l'âge minimum auquel s'ouvre le droit à la pension de vieillesse allouée en cas d'inaptitude au travail par le régime concerné.

« Art. L. 635-6. - Les conditions d'attribution, de révision, et les modalités de calcul, de liquidation et de service de la pension propres à chacun des régimes sont déterminées par un règlement de la caisse nationale compétente, approuvé par arrêté ministériel. »

La parole est à Mme Michelle Demessine, sur l'article.

Mme Michelle Demessine. Avec cet article 56, nous abordons l'examen des articles relatifs au titre IV du projet de loi concernant les régimes des travailleurs non salariés.

Je dois dire que le sentiment qui me vient à la lecture de ce titre est double. S'il convient de reconnaître certaines avancées pour certaines professions libérales, il n'en demeure pas moins que celles-ci restent fortement imprégnées de la logique de l'ensemble du projet de loi.

Il y a donc bien, de votre part, une constante à la fois dans les objectifs à atteindre et dans les moyens pour y parvenir.

A la lecture du chapitre Ier du titre IV, il n'y a pas de doute : commerçants et professions industrielles seront, tout comme les salariés, les fonctionnaires et assimilés, frappés du même sort. Il est clair qu'eux aussi subiront les conséquences de la réforme des retraites que vous voulez mettre en place. Certes, ils ne les subiront pas aussi fortement que les salariés du régime général, et encore moins que ceux de la fonction publique et assimilés, compte tenu de la mise en place d'un régime complémentaire obligatoire et de la demande que vous faites à l'ORGANIC de se rapprocher de la CANCAVA, mais les dispositions pour lesquelles vous oeuvrez constituent en elles-mêmes un élément de la régression annoncée.

En effet, si la mise en place d'un régime complémentaire obligatoire peut, dans un premier temps, s'avérer positive pour le niveau des pensions des industriels et commerçants, la logique qui le sous-tend reste régressive.

Débarassée des conditions restrictives, la nouvelle prestation sera proportionnelle à la cotisation. Cette nouvelle obligation limite, de fait, la portée de cette création pour des professions touchées par les aléas des marchés dans la constitution de leurs revenus.

A l'instar de la logique engagée dans les autres régimes, le taux de remplacement de ces professions continuera de s'aligner sur celui du régime général. Or si cet alignement est aujourd'hui propice à la revalorisation des pensions de ces professions, il constituera, à terme, l'un des éléments de la chute de leur pouvoir d'achat.

Le rapport du Conseil d'orientation des retraites, le COR, en a d'ailleurs clairement exposé les raisons. Permettez-moi de le citer : « L'ORGANIC est aligné sur le régime général. Il applique les mêmes règles notamment pour le taux de liquidation en fonction de l'âge et de la durée de cotisation, tous régimes de l'indexation des revenus portés au compte, et du calcul du revenu de référence, avec un choix des meilleures années dont le nombre est ainsi porté de dix à vingt-cinq. Cette organisation conduit à une convergence tendancielle des taux de remplacement vers ceux du régime général pour les industriels et commerçants sans conjoint, soit 41,6 % en 2040 pour une carrière « plate » au-dessous du plafond de la sécurité sociale.

« Pour des carrières de quarante ans à l'ORGANIC, l'assurance complémentaire pour le conjoint, pour lequel une cotisation additionnelle est versée, majore la pension de 50 %, ce qui conduit à un taux de remplacement limite en 2040 de 62,4 %.

« Les mécanismes d'évolution du taux de remplacement sont les mêmes que ceux du régime général pour la partie de pension correspondant aux cotisations postérieures à 1972. La pension peut cependant être complétée actuellement par une partie au titre de la période antérieure à 1973 ; l'importance de cette partie dépend de la classe de cotisations choisie et de la durée de cotisation, ce qui influe indirectement sur le taux de remplacement initial. »

Voilà pourquoi, monsieur le ministre, il ne nous apparaît pas opportun de considérer la réforme que vous engagez en direction des professions industrielles et commerciales comme complètement positive. Nous ne pouvons donc que nous y opposer, au même titre que nous nous opposons à celle que vous défendez pour les salariés et les fonctionnaires.

Les arguments que je viens de développer sur l'article 56 vaudront, monsieur le président, pour tous les amendements de suppression que vous avons présentés jusqu'à l'article 71. Nous aurons l'occasion d'y revenir avec mes collègues du groupe CRC lors d'interventions sur les articles.




ARTICLE L. 635-1

DU CODE DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

M. le président. Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 650, présenté par Mme Demessine, MM. Fischer, Muzeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

« Supprimer le texte proposé par cet article pour l'article L. 635-1 du code de la sécurité sociale. »

L'amendement n° 653, présenté par Mme Demessine, MM. Fischer, Muzeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

« Supprimer le dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 635-1 du code de la sécurité sociale. »

Ces amendements ont été défendus.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Dominique Leclerc, rapporteur. Nous sommes là au début d'une série d'amendements de suppression déposés par nos collègues du groupe communiste républicain et citoyen. Bien évidemment, leur adoption aurait pour conséquence de rendre impossible la réforme des règles de fonctionnement des régimes complémentaires obligatoires des professions artisanales, industrielles et commerciales.

Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur ces deux amendements.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Fillon, ministre. J'apporterai une réponse sur l'ensemble des amendements de suppression qui sont présentés sur le titre IV.

Le titre IV comporte des avancées très importantes, mais surtout, il a été, pour l'essentiel, le résultat de négociations conduites par les responsables des professions concernées.

Le chapitre Ier de ce titre IV permet la création d'un régime complémentaire obligatoire au bénéfice des commerçants. Comme on le sait, les commerçants comptent parmi les professions qui ont les plus basses retraites de ce pays. Parmi les facteurs qui concourent à cet état de fait, l'un des principaux est que, jusqu'à cette date, ils ne bénéficiaient pas d'un régime complémentaire obligatoire, contrairement au reste de la population, et ne se constituaient donc pas de droits à la retraite suffisants.

Le projet de loi du Gouvernement met donc en oeuvre, pour les commerçants, les objectifs d'amélioration de la situation des retraités ; c'est l'objet même de notre système de retraite par répartition.

Nous avons beaucoup entendu, depuis trois semaines, tous ceux qui réclament la sécurisation du régime par répartition. Il est assez difficile de comprendre que ceux-là mêmes veulent abroger spécifiquement cette partie du texte qui en étend le champ !

Ces amendements sont d'autant moins pertinents que ce sont les professions rassemblées au sein de l'ORGANIC qui ont demandé elles-mêmes, le plus démocratiquement du monde, par leur assemblée plénière en date de décembre 2001, la création de ce nouveau régime complémentaire, que le précédent gouvernement n'avait pas pu ou pas su créer.

C'est au terme d'un travail commun avec les élus du régime, qui a duré plus d'un an, que le projet a acquis la forme qui est aujourd'hui présentée dans ce texte. La concertation a donc été exemplaire et, surtout, les dispositions proposées satisfont pleinement les intéressés, d'autant que le Gouvernement ne s'est pas borné à permettre la création de ce nouveau régime complémentaire. Le projet de loi permet également au régime d'invalidité des commerçants de prendre en compte l'invalidité partielle. Jusqu'à présent, seule l'invalidité totale pouvait être indemnisée dans ce régime, ce qui était très inéquitable. Les élus des professions concernées se sont félicités de cette avancée sociale, permise par la concertation.

Les amendements suivants qui visent à abroger le titre IV tendent également à supprimer le chapitre II de ce dernier. Il s'agit là des dispositions qui réforment totalement le régime de base des professions libérales.

Je souhaite rappeler, d'abord, la méthode qui a conduit à l'élaboration du texte qui vous est présenté.

La Caisse nationale d'assurance vieillesse des professions libérales, la CNAVPL, construit patiemment, depuis 1990, la réforme de son régime. Ce projet a mûri progressivement au cours de nombreuses réunions qui se sont déroulées sur ce projet, tant au conseil d'administration de la Caisse que dans les instances réprésentatives des professionnels libéraux, et particulièrement à l'Union nationale des associations de professions libérales, l'UNAPL.

Cette réflexion a conduit, en 1997, à l'envoi d'un premier projet à l'autorité de tutelle. Or certains des éléments semblant imparfaitement prendre en compte l'impératif de justice sociale qui doit caractériser tout régime de base d'assurance vieillesse, il a été demandé à la CNAVPL d'approfondir ses réflexions, ce qu'elle a fait jusqu'en 2001, date à laquelle un projet désormais complet a été à nouveau transmis au précédent gouvernement. De l'avis même des représentants élus des professions libérales, ce fut à une fin de non-recevoir que cette initiative courageuse et novatrice se heurta.

Sans même prendre la peine de s'attacher à étudier, avec les représentants des professions, les caractéristiques du régime dont elles souhaitaient se doter pour l'avenir, le précédent gouvernement n'a donné aucune suite à ce projet de réforme de très grande ampleur et, cette fois, sans même demander un rapport pour donner l'impression qu'il considérait l'opportunité de cette réforme.

J'ai donc, dès mon entrée en fonction, reçu les représentants des professions libérales et j'ai pris l'engagement d'étudier avec eux cette réforme fondamentale de leur régime.

Les services de mon ministère ont, pendant plus d'un an, élaboré avec les élus le texte qui figure dans ce projet de loi, en s'attachant à régler tous les détails de sa mise en oeuvre opérationnelle.

Sur le fond, les principaux éléments de cette réforme du régime des professions libérales méritent d'être rappelés : l'âge de la retraite est abaissé à 60 ans, contre 65 ans auparavant, compte tenu de la durée d'assurance également acquise dans les autres régimes ; les droits que tout individu peut valider dans ce régime de base sont augmentés de près de 15 % ; le taux des pensions de reversion est porté à 54 %, contre 50 % auparavant ; le plafond de cotisations est calculé spécifiquement pour que les bas revenus soient particulièrement favorisés par cette réforme ; la cotisation, qui était jusqu'à présent forfaitaire, c'est-à-dire particulièrement difficile à assumer pour les bas revenus, est transformée en cotisation proportionnelle au revenu et elle est donc bien plus équitable.

Au-delà même des caractéristiques techniques du projet, cette réforme permet enfin aux professions libérales de se doter d'une ambition commune en matière d'assurance vieillesse. Elle assure une véritable unité du régime, tant du point de vue des cotisations et des prestations que de celui de sa gestion, en donnant à la CNAVPL un véritable rôle de caisse nationale. Désormais la CNAVPL incarnera les valeurs qu'elle aspire à représenter : la solidarité entre tous les professionnels libéraux et l'équité entre toutes les professions qu'elle rassemble.

Voilà, mesdames, messieurs les sénateurs, le contenu des articles que, par toute la série d'amendements qu'il a déposés, le groupe communiste républicain et citoyen vous propose, d'une manière ou d'une autre, de ne pas retenir. Je souhaite évidemment que vous ne le suiviez pas sur ce chemin. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Danièle Pourtaud, pour explication de vote.

Mme Danièle Pourtaud. Je souhaite d'abord rappeler que c'est sur l'initiative des socialistes qu'un régime de retraite complémentaire obligatoire a été créé dans le secteur agricole.

Nous ne pouvons que nous féliciter de l'instauration d'un régime complémentaire obligatoire pour les industriels et les commerçants.

Néanmoins, monsieur le ministre, je me permets d'attirer votre attention sur le fait que vous n'avez pas suffisamment pris en compte, me semble-t-il, le problème des conjoints d'artisans et de commerçants.

Vous le savez, un tiers des conjoints d'artisans et de commerçants ont un statut de conjoint collaborateur, un tiers sont salariés dans l'entreprise et un troisième tiers n'ont toujours pas de statut.

Le statut des conjoints collaborateurs qui a été instauré par la loi du 10 juillet 1982 n'a toujours pas eu le succès que l'on pouvait espérer. Ainsi, beaucoup de conjoints - qui sont souvent des conjointes - se retrouvent dans des situations extrêmement difficiles. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle les pensions de réversion ont tellement d'importance dans ce secteur.

Peut-être avez-vous été trop timide en n'intervenant pas de manière plus déterminée sur ce problème des conjoints de commerçants et d'artisans.

Par ailleurs, j'aimerais vous poser un certain nombre de questions, monsieur le ministre.

Tout d'abord, pourquoi avoir allongé la durée de cotisation des agriculteurs sans prendre en compte la pénibilité de leur métier ?

Pourquoi reporter d'un an l'entrée en vigueur de la retraite complémentaire agricole votée pendant la précédente législature ?

S'agissant des commerçants et des artisans, que leur répondez-vous lorsqu'ils demandent, avec l'Union professionnelle artisanale, l'UPA, un élargissement de l'assiette des contributions ?

Par ailleurs, qu'en est-il de la prise en compte de la pénibilité s'agissant des bûcherons, par exemple, pour lesquels des engagements avaient été pris dans le cadre de la loi d'orientation sur la forêt ?

Quant aux professions libérales, pourquoi ne prenez-vous pas en compte leurs études, ne serait-ce que pour les seize trimestres, sachant que beaucoup ne commencent à travailler que vers 35 ans ?

Enfin, s'agissant des avocats, qu'attendez-vous pour aligner leur régime sur celui des autres professions libérales ?

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 650.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 653.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix le texte proposé pour l'article L. 635-1 du code de la sécurité sociale.

(Ce texte est adopté.)