Art. 51
Dossier législatif : projet de loi relatif aux libertés et responsabilités locales
Art. additionnel après l'art. 52

Article 52

I. - L'article L. 421-2-6 du code de l'urbanisme est ainsi modifié :

1° Au début de la première phrase sont insérés les mots : « Lorsque la commune ou l'établissement public de coopération intercommunale compétent comprend moins de 10 000 habitants, » ;

2° A la fin de l'article est ajoutée la phrase suivante :

« Lorsque les demandes de permis de construire sont instruites par une commune ou par un établissement public, les services déconcentrés de l'État peuvent leur apporter gratuitement une assistance juridique et technique ponctuelle. »

II. - Les dispositions du présent article entreront en vigueur le 1er janvier 2006.

M. le président. Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L'amendement n° 743 est présenté par Mmes Beaufils, Didier et Terrade, MM. Coquelle, Le Cam et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

L'amendement n° 966 est présenté par MM. Dauge, Peyronnet, Frimat, Sueur, Lagauche, Marc, Reiner, Godefroy, Mauroy, Mano, Domeizel, Chabroux, Cazeau, Bel, Courteau, Krattinger et Todeschini, Mme Blandin et les membres du groupe socialiste et apparenté.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

« Supprimer cet article. »

L'amendement n° 968, présenté par MM. Dauge, Peyronnet, Frimat, Sueur, Lagauche, Marc, Reiner, Godefroy, Mauroy, Mano, Domeizel, Chabroux, Cazeau, Bel, Courteau, Krattinger et Todeschini, Mme Blandin et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :

« Rédiger comme suit le II de cet article :

« II. - Les dispositions du présent article entreront en vigueur un an après la publication de la loi de finances prévoyant la compensation des charges assumées par les communes et les établissements publics de coopération intercommunale du fait de la suppression de la mise à disposition gratuite des services de l'Etat. »

La parole est à Mme Odette Terrade, pour présenter l'amendement n° 743.

Mme Odette Terrade. Cet article 52 pose, de manière évidente, un certain nombre de problèmes. On peut même s'interroger sur le fait qu'il trouve place dans un projet de loi relatif aux responsabilités locales, alors même qu'il constitue directement une atteinte au principe des libertés locales.

En effet, depuis les lois de décentralisation de 1983, il est acquis que les directions départementales de l'équipement, les DDE, sont habilitées à aider les collectivités locales à instruire les demandes de permis de construire déposées auprès des mairies.

Au demeurant, une telle démarche permet aux DDE de dégager certaines recettes pour le compte de l'Etat - je le dis pour mémoire -, la mise à disposition des fonctionnaires du ministère de l'équipement permettant aux collectivités locales de réaliser l'économie d'entretenir un service d'urbanisme, mais elle facilite également, soit dit en passant, une meilleure instruction des permis de construire du strict point de vue de la légalité.

Ce qui nous est proposé par l'article 52, c'est de recentrer le travail des DDE sur les communes de moins de 10 000 habitants.

Conséquence de ce dispositif, les communes dépourvues de services d'urbanisme - et cela concerne évidemment, d'abord et avant tout, les communes de 10 000 à 30 000 habitants - seront amenées à faire appel à d'autres intervenants pour piloter l'instruction des permis de construire ou à créer et constituer des services d'urbanisme en conséquence.

Dans son rapport, notre collègue Jean-Pierre Schosteck nous précise même que les DDE instruisent aujourd'hui les permis de construire de 53 % des communes de 10 000 à 50 000 habitants, au-delà même du cas des plus petites communes puisque 32 915 des 34 647 communes de moins de 5 000 habitants confient aux techniciens de la DDE l'instruction de leurs permis de construire.

De fait, les collectivités concernées par la réforme proposée au titre de l'article 52 vont se trouver, dans de nombreux cas, amenées à déléguer aux services des établissements publics de coopération intercommunale dont elles seraient membres la gestion de leur politique d'urbanisme.

Dans les faits, cela contribuera, une fois encore, à dessaisir un peu plus les maires de toute capacité réelle d'intervention politique en matière de logement et d'urbanisme.

Sous un autre aspect, on observera d'ailleurs que l'une des motivations du texte qui nous préoccupent est aussi de permettre à l'Etat de se libérer de la contrainte de renforcer les moyens humains dont disposent les DDE.

En effet, un plan de renforcement des services, portant sur 1 200 postes en 2002 et 750 en 2003, avait été prévu pour le ministère de l'équipement. Or le budget pour 2004 de ce ministère prévoit la suppression de 1 054 postes au sein des effectifs, dont une part non négligeable va précisément affecter les services déconcentrés intervenant en matière d'habitat et d'instruction des dossiers d'urbanisme.

Vous comprendrez donc aisément que nous ne puissions que vous inviter à adopter cet amendement de suppression de l'article 52 du présent projet de loi, d'autant que, autre argument, aucun transfert de moyens n'est prévu en faveur des communes. Ces dernières devront dorénavant se passer des services des DDE alors que, depuis le début de ce débat, monsieur le ministre, vous nous assurez que tous les transferts de charges nouvelles sont accompagnés des moyens correspondants.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, pour présenter les amendements n°s 966 et 968.

M. Jean-Claude Peyronnet. L'amendement n° 966 est identique à l'amendement n° 743. Je développerai donc des arguments proches de ceux de Mme Terrade.

Depuis l'entrée en application des lois de décentralisation, en 1983, les communes bénéficiaient de l'assistance des services de la DDE pour assurer l'instruction des demandes de permis de construire. Désormais, les communes de plus de 10 000 habitants ne pourraient plus faire appel aux services de la DDE.

Si 1983 est une date, 1992 en est une autre : c'est celle de la loi qui permet, dans son article 7, d'adapter la DDE, c'est-à-dire d'opérer une sorte de partition. Lors de la discussion de cette loi, l'Etat a tenu à conserver ce service aux communes, interdisant même formellement aux conseils généraux d'intervenir en tant que prestataires de services à l'égard de ces communes.

On constate donc une contradiction entre la loi de 1992 et l'article 52 du présent projet de loi.

Les DDE sont exsangues du fait de la politique de gestion du personnel. On a réduit les effectifs dans un souci d'optimisation des services. Ces derniers ont été si bien optimisés qu'aujourd'hui les DDE éprouvent des difficultés croissantes pour assurer leurs missions.

Jusque-là, la mort des DDE était programmée par une sorte de gestion annuelle. Désormais, par ce texte, c'est la loi elle-même qui va programmer la suppression des DDE.

Quant à l'amendement n° 968, c'est un amendement de repli. Il prévoit des compensations financières si, ce qui m'étonnerait, le Sénat ne supprimait pas la proposition du Gouvernement.

Comme ce n'est toutefois pas complètement assuré, je vais vous poser une question, monsieur le ministre.

L'article 88 du projet de loi prévoit la compensation des charges qui résultent des transferts. Là, ce que je vous demande, c'est de compenser une charge qui résultera non pas d'un transfert, mais d'une modification des possibilités de services offerts par l'Etat en direction des communes.

Il est très difficile de dire que ce n'est pas une charge nouvelle, mais je conçois que vous me répondiez que ce n'est pas un transfert. Dans le cas présent, peut-on espérer malgré tout une compensation en faveur des communes ? C'est en tout cas ce que je souhaite, et votre réponse nous intéresse.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Les deux premiers amendements visent à supprimer l'article 52.

Evidemment, les élus pourraient être heureux de voir la situation perdurer, car c'est assez confortable et cela ne leur coûte rien. C'est d'ailleurs le cas dans ma propre commune et je le comprendrais donc parfaitement.

Mme Odette Terrade. Vous allez devoir payer, monsieur le rapporteur !

M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Seulement voilà, la situation n'est pas aussi idyllique que vous le dites.

M. Roland Muzeau. On n'a jamais dit cela !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Vous ne le dites jamais !

M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Comme il est indiqué dans l'exposé des motifs du projet de loi, près de la moitié des communes de plus de 10 000 habitants instruisent déjà elles-mêmes les demandes de permis de construire. Mais, en pratique, cela pose un certain nombre de problèmes, car les services de la DDE ne remplissent pas parfaitement leur mission. (Protestations sur les travées du groupe CRC.) C'est ainsi !

M. Roland Muzeau. Il ne faut pas dire cela !

M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Je le dis parce que c'est vrai !

J'ai bien entendu Jean-Claude Peyronnet dire que l'esprit de la loi de 1992 n'était pas celui du texte de 2003. C'est vrai, mais la DDE ne rend pas le service escompté, service qu'elle a rendu dans le passé. Pour autant que je me souvienne, depuis 1992, on observe une dégradation. (Exclamations sur les travées du groupe CRC.) Par conséquent, il ne faut pas accuser le Gouvernement d'avoir affaibli la DDE : cette situation n'est que l'aboutissement d'un mouvement continu.

Par ailleurs, le système présente, selon moi, un inconvénient : c'est un service de la DDE qui assure l'instruction des demandes de permis de construire. On pense ainsi bénéficier d'une sécurité juridique, car il s'agit d'experts. C'est en effet le bureau 1162, qui se trouve au premier étage de la DDE. Mais le bureau 1163, qui sert de conseil au sous-préfet pour l'exercice du contrôle de légalité, fait parfois une analyse différente !

M. Roland Muzeau. C'est une caricature !

M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Non, ce n'est pas une caricature ! Je ne vois pas en quoi mes propos vous gênent ! Nous avons écouté vos arguments calmement. Je vous livre les miens, qui sont le fruit de mon expérience et qui s'appuient sur des cas concrets.

On peut considérer, effectivement, qu'il est dommage de perdre un service ou, en quelque sorte, un avantage acquis.

Mme Nicole Borvo. Encore un avantage qui disparaît !

M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Pour en avoir parlé avec de nombreux collègues maires, je peux vous dire que tout le monde se fait la même réflexion : pour des raisons d'efficacité, une commune a intérêt à constituer son propre service et à instruire elle-même les demandes de permis de construire.

Par ailleurs, soyons lucides ! Comme le service n'est pas bien rendu, peut-être est-il préférable de permettre aux DDE de se concentrer sur les petites communes et les petites villes de moins de 10 000 habitants, qui, elles, ont vraiment besoin de leur aide.

Par conséquent, à tout prendre, je préfère que les moyens réduits dont disposent les DDE soient consacrés aux communes de moindre importance, car les autres villes seront capables de se débrouiller.

En outre, il ne faut pas oublier qu'il s'agit d'une prestation qui sera de plus en plus réalisée par les intercommunalités. Par conséquent, on retrouvera, là aussi, les moyens d'effectuer un travail beaucoup plus efficace.

Telles sont les quelques réflexions de la commission des lois que je voulais vous livrer et qui l'ont conduite à émettre un avis défavorable sur les amendements identiques de suppression de l'article.

L'amendement n° 968 ne vise pas, à opérer un transfert de compétence - puisque celle-ci a été transférée par les « lois Deferre » - et ne peut donc pas, à la lettre, appeler une compensation.

Néanmoins, j'appelle votre attention, mes chers collègues, sur le fait que la commission des finances a déposé un amendement n° 370 qui tend à prévoir la compensation de « toute création ou extension de compétence » des collectivités territoriales, conformément à l'article 72-2 de la Constitution. C'est peut-être une piste de réflexion que nous pourrions explorer.

M. Roland Muzeau. Sagesse, donc ?

M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Absolument ! Vous lisez dans mes pensées, monsieur Muzeau !

Compte tenu de tous ces éléments, qui vont dans des sens parfois opposés, la commission des lois s'en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.

J'ajoute que l'article L. 1614-3-1 du code général des collectivités territoriales dispose que tout accroissement de charges résultant d'une modification par voie législative des conditions d'exercice d'une compétence transférée doit faire l'objet d'une compensation.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Je voudrais d'abord définir la portée de la mesure.

Sur 37 000 communes, 950 comptent plus de 10 000 habitants. Parmi ces dernières, 600 ont d'ores et déjà fait le choix d'instruire elles-mêmes leurs permis de construire. Il reste donc 350 villes de plus de 10 000 habitants qui continuent à bénéficier de l'instruction gratuite par les bureaux de la DDE. Il convient de préciser que les 36 000 communes restantes ont recours aux services de la DDE. La mesure a donc une portée limitée.

Par ailleurs, parmi les villes de plus de 10 000 habitants, les 600 communes ayant fait le choix d'instruire elles-mêmes leurs permis de construire n'ont obtenu aucune compensation. Elles ont payé, elles ont été volontaires. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Michel Charasse. Sauf pour l'assurance !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Certes !

Je ne porte pas de jugement sur la qualité du service rendu par la DDE, et je le fait d'autant moins que le Gouvernement entend conserver cette instruction pour 36 000 communes. Cela prouve bien que son appréciation sur le travail de la DDE n'est pas si défavorable, même il peut arriver - et cela trouble les esprits - que la DDE donne, par le contrôle de légalité, un avis défavorable sur le permis que l'un de ses bureaux a instruit.

Je décris un mode d'organisation, je ne porte aucun jugement. D'ailleurs, les communes qui instruisent elles-mêmes les demandes de permis de construire font également l'objet d'observations sur la régularité des permis instruits. Il s'agit, en effet, d'une matière complexe, souvent sujette à réclamation et à correction, et par conséquent incertaine.

Je ne crois donc pas que ce débat porte sur la qualité du service rendu par la DDE. Cette matière est compliquée et par conséquent incertaine.

Quoi qu'il en soit, les 600 communes qui ont fait l'effort de prendre en charge elles-mêmes l'instruction des demandes de permis de construire n'ont reçu aucune compensation.

Qu'en sera-t-il des 350 communes qui ne sont pas allées jusqu'au bout de la démarche du gouvernement Mauroy ? Ce dernier a voulu engager cette décentralisation très heureuse - je ne suis pas gêné pour le dire - des permis de construire, ce qui a profondément modifié le paysage en induisant un urbanisme à taille humaine et en permettant de sortir de l'uniformité du modèle centralisateur imposé par quelques architectes fanatiques de la charte d'Athènes, domiciliés principalement boulevard Saint-Germain. (Sourires.) Le bilan de cette démarche innovante est très heureux.

Quant à savoir si l'on doit indemniser, comme le dernier amendement présenté par le groupe socialiste tend à le prévoir, c'est à mon avis une fausse question ! Le transfert a été accompli en 1983, il ne s'agit donc pas aujourd'hui d'une compétence transférée. La preuve en est que 600 communes l'ont exercée elles-mêmes. Mais l'Etat, par une attitude régalienne, a offert continûment ses services pendant vingt ans à ceux qui l'ont souhaité. Il le fait toujours pour 36 000 communes, et considère que les villes de plus de 10 000 habitants ayant des moyens supérieurs ont eu le temps, vingt ans après, de s'aligner sur les 600 autres qui avaient décidé de prendre en charge l'instruction des demandes de permis. Le Gouvernement ne prévoit donc pas d'indemnisation, car cela n'entre pas dans le cadre de l'article 72-2 de la Constitution. C'est une compétence qui a déjà été transférée. Ces 350 communes bénéficient d'une libéralité de l'Etat. Vingt ans après, il convient peut-être d'y mettre un terme.

Le Gouvernement donne donc un avis défavorable sur les amendements n°s 743, 966 et 968.

M. le président. La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote sur les amendements identiques n°s 743 et 966.

M. Michel Charasse. Ce qui s'est passé en 1983 en matière de permis de construire et que le ministre vient de rappeler était extrêmement clair. Dans les communes ayant un POS, le permis était délivré non plus au nom de l'Etat, mais au nom de la commune par le maire, qui pouvait bénéficier gratuitement du concours technique de la DDE pour l'instruction des demandes.

A l'époque, un décret avait étendu la portée de la loi en prévoyant que la convention conclue entre la commune et la DDE s'appliquait à tous les permis, y compris aux plus simples.

J'ai fait annuler cela par le tribunal administratif. A ce moment-là, l'Etat était plutôt boulimique et disait, comme toujours, c'est tout ou rien, mais une loi a confirmé la décision de la juridiction. Donc, la situation était simple.

Mais, monsieur le ministre, à la suite des explications données par les auteurs des amendements, nos collègues du groupe socialiste et du groupe communiste républicain et citoyen, et après avoir entendu vos propos ainsi que ceux de M. le rapporteur, je me demande ce que nous allons expliquer dans quinze jours aux maires qui vont être réunis en congrès à Paris !

Aujourd'hui, pour tout le monde, le concours de la DDE est gratuit. Et le texte prévoit qu'on ne pourra faire appel gratuitement au concours de la DDE qu'en dessous de 10 000 habitants. C'est assez clair. Mais il ne dit pas qu'il est interdit de faire appel à ces mêmes services au-delà de 10 000 habitants ! Simplement, je suppose que c'est payant. En effet, monsieur le rapporteur, le texte du nouvel article L. 421-2-6 du code de l'urbanisme est rédigé de telle manière qu'il n'y a pas d'interdiction.

M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Oui !

M. Michel Charasse. Il est même indiqué que les autres communes pourront faire appel à ces services ponctuellement, étant sous-entendu que c'est gratuit ponctuellement. Mais que signifie ce terme « ponctuellement » ? Cela peut être ponctuel tous les jours, par exemple. A la limite, on pourra toujours signer une convention avec la direction départementale de l'équipement, moyennant redevance, comme c'est le cas pour la gestion de la voirie. Votre texte, monsieur le ministre, ne l'interdit pas.

Seulement, le problème se complique parce que l'on peut se demander si, dans ce cas-là, il faudra faire appel à la concurrence.

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Oui !

M. Michel Charasse. Cela signifie, si le nombre d'habitants est supérieur à 10 000, qu'il faudra mettre en concurrence la DDE et d'autres instructeurs.

Cela étant, la DDE reste le conseiller technique du préfet pour le contrôle de légalité.

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Oui !

M. Michel Charasse. Il est bien évident que si la qualité de l'instruction doit faiblir parce qu'on ne peut plus faire appel aux services de l'équipement, même s'il arrive quelquefois à ces derniers de cafouiller un peu et de se tromper,...

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Comme tout le monde !

M. Michel Charasse. ... et si cela aboutit à une augmentation du volume de contrôle de la légalité, ce qu'on enlèvera de l'instruction des permis, on devra le passer, monsieur le rapporteur, du bureau 1162 au bureau 1163 pour renforcer la cellule de contrôle de légalité du préfet. (Rires.)

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Il faudra la renforcer !

M. Michel Charasse. Je ne vois pas très bien où est l'avantage.

Monsieur le ministre, lorsque vous disiez tout à l'heure que, en 1983, ce n'était pas un transfert et qu'il n'y a pas eu de compensation, vous avez raison, sauf sur un point : il existe une dotation globale de décentralisation, la DGD, qui couvre les frais d'assurance dans le cas où les communes se trompent et où elles doivent faire face à des contentieux, et donc à des indemnisations. Si l'on augmente les annulations du fait d'un contrôle de légalité plus fréquent, il va falloir augmenter la DGD !

Je ne veux pas vous chicaner, monsieur le ministre. (M. le ministre sourit.) Je tiens simplement à vous dire que votre texte, tel qu'il modifie l'article L. 421-2-6 du code de l'urbanisme, est un nid à chicaneries et à contentieux.

Par conséquent, sans reprendre ce qu'ont excellemment dit les auteurs des amendements de suppression, moi, je souhaite que, si cette disposition doit être votée, elle soit réécrite - à la faveur de la navette - d'une façon beaucoup plus claire. Il faut en effet que l'on sache précisément que, en dessous de 10 000 habitants, on continue comme avant - cela reste gratuit - et que, au-dessus de 10 000 habitants, ça l'est ponctuellement.

Mais ponctuellement, qu'est-ce que cela veut dire ? Cela signifie qu'il faut aussi signer une convention. Si ça ne l'est pas ponctuellement, on doit mettre en concurrence et, éventuellement, signer ensuite une convention. Bref, il faut que tout cela soit clair. Et même si nous contestons, les uns et les autres, la philosophie de cette mesure, nous devons éviter d'infliger des embêtements épouvantables aux maires avec des chicaneries dans tous les sens.

Par conséquent, je souhaite que, à la faveur de la navette, l'article soit réécrit pour qu'il soit clair et pour que l'on sache exactement où l'on va. (Très bien ! sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Sueur. J'aurais quelques scrupules à ajouter un mot à la remarquable démonstration de M. Charasse. Mais, monsieur le ministre, j'ai été quelque peu étonné par les chiffres que vous avez annoncés tout à l'heure.

En effet, je me permets de me référer à la page 269 du rapport de M. Schosteck. Il y est écrit que 53 % des communes de 10 000 à 50 000 habitants continuent à faire appel aux services de la DDE pour les permis de construire, ce qui concerne donc 388 communes sur 753, dont 376 sont dotées d'un document d'urbanisme.

Or, étant donné que M. le rapporteur a certainement obtenu ces informations auprès du ministère de l'intérieur, je tiens à signaler que la concordance n'est pas parfaite entre les chiffres qui sont annoncés.

Toujours est-il que le point qui a été évoqué il y a un instant par M. Charasse concernant l'adjectif « ponctuel » nous préoccupe. Ce terme est véritablement étrange dans un texte de loi, encore plus incongru que l'adverbe « notamment » qui a déjà fait beaucoup parler ! (Sourires.)

Obtenir gratuitement des aides ponctuelles, je ne sais pas ce que cela signifie. (Mme Borvo rit.) Jusqu'à combien de fois cela reste-t-il ponctuel ? Qu'est-ce qu'une intervention ponctuelle de l'Etat auprès d'une collectivité locale ? Je n'en sais rien.

Les élus ont l'habitude de s'adresser aux services de l'Etat. Jusqu'à présent, je n'avais pas idée que cela fût fait ponctuellement. Avouez donc, monsieur le ministre, que cela relève d'une écriture quelque peu singulière.

Après vous avoir écouté attentivement, monsieur le ministre, il est quand même très difficile de ne pas conclure qu'il s'agit là d'une charge nouvelle pour les 388 communes - je sais bien qu'il y en a 36 000 au total - de 10 000 à 50 000 habitants. Ces communes délivrent de nombreux permis de construire. Pour le moment, elles appliquent une loi de la République, celle de 1983, qui est extrêmement claire et qui leur laisse le choix de faire appel à la DDE dans des conditions de gratuité.

Il est tout à fait évident que l'effet de ce texte, s'il était adopté, serait d'obliger les communes à se doter de personnel pour assumer cette charge. Par conséquent, elles connaîtraient un accroissement de leurs charges financières.

Une fois encore, monsieur le ministre, je me dois d'indiquer - et nous le ferons autant qu'il le faudra - qu'aucune réponse n'est apportée aux questions financières, qui ne sont pas claires. Sur cette partie de la loi, comme sur beaucoup d'autres, nous n'avons pas obtenu de réponse.

M. Dominique Braye. Vous venez d'avoir une réponse !

M. Jean-Pierre Sueur. On nous a expliqué pourquoi il n'y avait pas de réponse ; cela, je l'ai compris.

Le Sénat, me semble-t-il, a l'habitude de défendre les communes. Or le projet de loi crée une charge nouvelle qui ne s'accompagne d'aucune recette correspondante pour 388 communes françaises de 10 000 à 50 000 habitants.

C'est pourquoi nous voterons l'amendement de suppression. Et, comme il est très important que toutes les communes soient bien informées de notre débat, nous avons demandé un scrutin public.

M. le président. La parole est à M. Dominique Braye, pour explication de vote.

M. Dominique Braye. Je voudrais d'abord rendre hommage à notre rapporteur. Nous avons entendu l'explication d'une personne pragmatique vivant ce problème au quotidien dans sa commune. Je me suis tout à fait reconnu dans les propos de M. le rapporteur.

J'ai écouté aussi avec attention les explications de notre collègue M. Charasse. Je ne suis pas du tout d'accord avec lui sur un point. Il part du postulat que l'instruction réalisée par un acteur autre que la DDE sera de moins bonne qualité que celle qui est faite par cette dernière...

M. Michel Charasse. Non, non !

M. Dominique Braye. ... et que cela entraînera donc l'obligation, pour la DDE, d'augmenter ses contrôles de légalité. C'est ce que vous nous avez dit, et je ne suis pas d'accord avec vous.

Les 650 communes qui ont décidé d'instruire elles-mêmes leurs permis de construire auraient-elles choisi sciemment de renoncer à un service gratuit s'il était de si bonne qualité ? Evidemment non !

Je ne mets pas en cause - je tiens à le dire ici - la qualité du travail des membres de la DDE. Je souligne simplement l'insuffisance des moyens humains, dans toutes les DDE de France et de Navarre, pour faire face aux charges qu'elles ont à assumer.

Mme Nicole Borvo. Cela va créer des emplois !

M. Dominique Braye. Monsieur le ministre, vous nous dites que 36 000 communes vont faire appel à la DDE.

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Elles font déjà appel à la DDE !

M. Dominique Braye. Je peux vous dire qu'un certain nombre de communes de moins de 10 000 habitants ont choisi, soit de se regrouper en intercommunalité, soit de faire appel à des cabinets privés, parce qu'elles estimaient que le service rendu par les directions départementales de l'équipement ne correspondait pas à ce qu'elles souhaitaient.

Par ailleurs, je vois que vous faites beaucoup de cas, madame Terrade, monsieur Peyronnet, des 380 communes qui verraient leurs charges augmenter par la loi. Mais quand vous étiez aux affaires, vous n'avez pas fait état des 650 communes qui ont été obligées, à ce moment-là, d'augmenter leurs dépenses parce que le service n'était pas de bonne qualité ! (Protestations sur les travées du groupe CRC.)

Le fait d'attribuer une compensation à ces communes serait effectivement une injustice envers des communes qui sont faites, comme l'a dit M. le ministre, pour aller de l'avant et qui se sont rendu compte que l'insuffisance de la qualité du service rendu n'était plus supportable pour elles.

C'est pour cette raison que, personnellement, je voterai contre les amendements qui nous sont proposés.

M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour explication de vote.

M. Roland Muzeau. En fait, ce que vient de nous expliquer notre collègue Dominique Braye, c'est que tout ce que nous affirment MM. Sarkozy et Devedjian depuis maintenant quelques jours, la main sur le coeur et texte, déclarations écrites, auditions à l'appui, sur le fait que tout transfert sera compensé est faux !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Ce n'est pas le cas !

M. Roland Muzeau. Si !

Monsieur Schosteck, en tant que maire, vous avez choisi comme moi de laisser l'instruction des permis de construire à la DDE, mais contrairement à vous, je considère, moi, que les services de la DDE font remarquablement bien leur travail, et les services municipaux le feront tout aussi remarquablement quand ils assureront à nouveau l'instruction desdits permis. Il n'y a pas de différence.

La seule difficulté qu'il puisse y avoir, et elle existe dans notre département - nous sommes tous deux élus des Hauts-de-Seine -, c'est l'insuffisance des effectifs, mais on ne peut pas en tenir rigueur aux services instructeurs : ils n'y peuvent rien si leurs agents ne sont pas remplacés en temps et en heure lorsqu'il y a des mutations ou des départs en retraite !

Le sous-effectif chronique crée, objectivement, des difficultés.

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. La matière est complexe !

M. Roland Muzeau. Tout à fait ! Elle est extrêmement complexe, comme en témoigne - et c'est pourquoi, monsieur le rapporteur, je tiens à mettre en valeur la compétence des agents instructeurs - la floraison dans nombre de villes de recours relatifs à la délivrance des permis de construire ou à l'élaboration des diverses procédures, notamment celles qui concernent les ZAC. Nous en avons souvent discuté ensemble dans des lieux autres que celui-ci, les difficultés sont réelles, et ce sont autant d'obstacles aux projets de rénovation urbaine et même aux projets urbains tout court.

Il ne faut pas se tromper de sujet : s'il y a difficulté au stade de l'instruction, elles sont liées au sous-effectif des DDE.

Même si je respecte, bien évidemment, le choix des maires qui, après la première loi de décentralisation, ont opté pour la reprise de l'instruction des permis de construire - option tout à fait admissible -, j'estime très sincèrement que le choix de confier l'instruction à la DDE est tout aussi justifié : c'est une assurance d'impartialité et de distanciation des pressions indéniables que subissent les élus locaux à l'occasion de la délivrance des permis de construire.

Il me paraît tout à fait normal que ceux et celles qui ont voulu assurer à nouveau l'instruction des permis de construire comme ceux qui voudront le faire à l'avenir le fassent. La loi le leur permet, et il n'est pas nécessaire de la modifier sur ce point.

En revanche, si vous choisissez de transférer de manière autoritaire cette prestation, qui est aujourd'hui gratuite, des DDE aux collectivités qui ont fait l'autre choix, il faut que vous assumiez les engagements multiples qui ont été pris, sur les bancs du Gouvernement comme sur ceux des commissions, s'agissant de la compensation totale des transferts.

Dans ma commune - et, monsieur le rapporteur, j'imagine que vous avez fait vos propres calculs -, l'instruction des permis représenterait l'équivalent de trois postes. Ce n'est pas rien ! Pour une commune comme la vôtre, qui est de taille similaire, il en sera de même. Il faut donc que l'Etat, s'il va au bout de sa logique - que je conteste, mais je respecterai le vote qui va intervenir -, prenne ses responsabilités et tienne les engagements qu'on nous rappelle sans cesse depuis des semaines.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, pour explication de vote.

M. Jean-Claude Peyronnet. Nous avons déjà beaucoup parlé de cette affaire et tout va finir par avoir été dit ! Pour résumer, il n'y a pas de transfert de compétences, c'est indiscutable, mais il y a un transfert de charges.

Il faudra que nous fassions bien la différence entre ces deux types de transferts, et le Gouvernement doit nous donner l'assurance que non seulement les transferts de compétences mais ausi les transferts de charges purs - sans transfert de compétence - donneront lieu à compensation par l'Etat.

Il faut que l'on parvienne à trouver une solution lorsqu'il s'agit d'une prestation jusqu'à présent assurée par les services de l'Etat.

Deuxième point, vous nous dites que 53 % ou 47 % - je ne sais plus dans quel sens cela marche ! - des communes ont finalement choisi de s'en remettre aux DDE. Cela signifie que nous avions une loi de liberté, alors que vous voulez vous une loi de contrainte.

Vous nous dites à mots couverts que les services de la DDE ne sont pas bons, mais on en connaît les causes. Du fait des réductions successives d'effectifs et d'une certaine gestion du personnel - et je ne mets pas là en cause votre gouvernement, monsieur le ministre - le service est sans doute devenu de moins en moins bon. Mais laissez les élus choisir ! Laissez les choses aller leur train ! Vous voulez absolument accélérer le mouvement !

Vous ne me ferez pas croire que vous n'avez pas une arrière-pensée : en fait, vous programmez la disparition totale de ce service et la disparition probable des DDE en tant que prestataires de services aux communes !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Il en reste 36 000 !

M. Michel Charasse. Monsieur le président, je tiens à expliquer mon vote sur l'amendement n° 966 : je me suis tout à l'heure exprimé sur l'amendement n° 743. (Sourires.)

M. le président. Monsieur Charasse, je suis d'une indulgence coupable : je vous redonne la parole !

M. Michel Charasse. Pour conclure, en ce qui me concerne en tout cas, je voudrais faire deux observations en réponse à M. Braye.

D'abord, on l'a dit, nous sommes dans une matière complexe. Je voudrais tout de même rappeler qu'elle est réglementée par les ingénieurs des ponts et chaussées du ministère de l'équipement et qu'il n'y a bien souvant qu'eux qui la comprennent ! Ils sont les seuls vraiment bien placés pour interpréter ce qu'ils ont écrit, ce qui n'est déjà pas simple.

Deuxième observation, monsieur Braye, c'est vraiment mal connaître les DDE que de croire que la cellule du contrôle de légalité n'examinera pas à la loupe ce qui viendra du privé !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Cela c'est sûr !

M. Michel Charasse. Ne nous faisons donc pas d'illusions !

M. le président. La parole est à M. Serge Lagauche, pour explication de vote.

M. Serge Lagauche. Monsieur le ministre, vous nous parlez de 36 000 communes, mais vous nous avez parlé aussi des intercommunalités. Or vous savez bien que si l'urbanisme est transféré à l'intercommunalité il y aura de moins en moins de communes. L'offre aux 36 000 communes va donc peu à peu disparaître.

Mme Nicole Borvo. Bien sûr !

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s 743 et 966.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)


M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 56 :

Nombre de votants318
Nombre de suffrages exprimés317
Majorité absolue des suffrages159
Pour113
Contre204

Je mets aux voix l'amendement n° 968.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. Roland Muzeau. Bravo la compensation !

M. le président. Je mets aux voix l'article 52.

(L'article 52 est adopté.)