Art. 58
Dossier législatif : projet de loi relatif aux libertés et responsabilités locales
Art. 60

Article 59

A titre expérimental et pour une durée de trois ans, Paris ainsi que les communes disposant d'un service communal d'hygiène et de santé mentionné au troisième alinéa de l'article L. 1422-1 du code de la santé publique, et répondant aux conditions de fonctionnement précisées par décret, peuvent demander à mettre en oeuvre les procédures de résorption de l'insalubrité définies aux articles L. 1331-23, L. 1331-24, L. 1331-26 à L. 1331-31 et L. 1336-3 de ce code et, conjointement, celles concernant la lutte contre la présence de plomb en application des articles L. 1334-1 à L. 1334-6 du même code, dans le cadre d'une convention conclue avec l'Etat. Cette convention précise les modalités d'application du présent article, et fixe notamment :

1° Les objectifs prioritaires de lutte contre le saturnisme infantile et l'insalubrité dans la commune ;

2° Les engagements financiers provisionnels de la commune et de l'Etat. A cette fin les dotations de l'Etat et de l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat sont prévues, en tant que de besoin, dans le cadre des dispositions des articles L. 301-3, L. 301-5-1 et L. 301-5-2 du code de la construction et de l'habitation ;

3° Les conditions de mise en place de dispositifs d'observation de l'habitat insalubre et de l'habitat exposé aux risques d'accessibilité au plomb ;

4° Les conditions dans lesquelles il est rendu compte annuellement de son exécution et les conditions dans lesquelles une évaluation sera effectuée au terme de son application.

A Paris, la convention, conclue avec l'Etat, précise également les conditions dans lesquelles est assurée l'instruction des dossiers d'insalubrité et de lutte contre le saturnisme.

Pour l'exécution de cette convention, le maire exerce les responsabilités dévolues au préfet par les articles L. 1331-23, L. 1331-24, L. 1331-26 à L. 1331-31, L. 1334-1 à L. 1334-6 ainsi que par l'article L. 1336-3 du code de la santé publique. Les arrêtés et mesures pris en application de ces articles sont notifiés au représentant de l'Etat dans le département.

Dans les cas mentionnés aux articles L. 1334-4 du code de la santé publique et L. 521-3 du code de la construction et de l'habitation, en cas de défaillance du propriétaire, l'hébergement ou le relogement des occupants est assuré par la commune.

M. le président. Je suis saisi de cinq amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 749, présenté par M. Ralite, Mmes Terrade, Beaufils et Didier, MM. Coquelle, Le Cam et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

« Supprimer cet article. »

L'amendement n° 159, présenté par M. Schosteck, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

« Remplacer le premier alinéa de cet article par quatre alinéas ainsi rédigés :

« Une expérimentation est engagée dans un délai d'un an à compter de l'entrée en vigueur de la présente loi, pour une durée de quatre ans, afin de permettre aux communes qui en font la demande d'exercer la responsabilité de la politique de résorption de l'insalubrité dans l'habitat.

« Peuvent être admises à y participer, à condition d'en avoir fait la demande auprès du représentant de l'Etat dans le département dans ce délai, Paris et les communes disposant d'un service communal d'hygiène et de santé mentionné au troisième alinéa de l'article L. 1422-1 du code de la santé publique. Un décret fixe la liste des collectivités retenues.

« Dans le cadre de l'expérimentation, ces collectivités sont habilitées à mettre en oeuvre les procédures de résorption de l'insalubrité et de lutte contre la présence de plomb, respectivement définies aux articles L. 1331-23, L. 1331-24, L. 1331-26 à L. 1331-31 et L. 1336-3 ainsi qu'aux articles L. 1334-1 à L. 1334-6 du code de la santé publique.

« A cette fin, elles signent avec l'Etat une convention qui fixe : ».

L'amendement n° 160, présenté par M. Schosteck, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

« Dans la première phrase du troisième alinéa (2°) de cet article, remplacer le mot : "provisionnels" par le mot : "prévisionnels". »

Les deux derniers amendements sont identiques.

L'amendement n° 161 est présenté par M. Schosteck, au nom de la commission des lois.

L'amendement n° 446 est présenté par Mme Bocandé, au nom de la commission des affaires sociales.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

« Compléter in fine cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« Dans un délai de six mois avant le terme de l'expérimentation, le Gouvernement remet au Parlement un rapport d'évaluation assorti des observations des collectivités concernées. »

La parole est à M. Jack Ralite, pour présenter l'amendement n° 749.

M. Jack Ralite. L'article 59 rend possible une décentralisation contractualisée des pouvoirs de l'État en matière d'insalubrité et de lutte contre le saturnisme. Malheureusement, il est déconnecté de la réalité et dangereux. D'ailleurs, aucun des acteurs de la lutte contre l'insalubrité - les maires engagés véritablement dans ce champ, les médecins directeurs des services communaux d'hygiène et de santé, les SCHS - ne demandait cette mesure.

Permettez-moi de dire quelques mots sur mon expérience d'Aubervilliers.

Depuis dix ans, nous avons été parmi les premiers engagés dans la lutte contre le saturnisme infantile. Une publication scientifique récente montre qu'en ces dix ans l'épidémie sur notre ville a été réduite des deux tiers. La majorité des logements diagnostiqués porteurs de plomb et abritant des enfants est désormais traitée dans les mois, voire les semaines suivant le diagnostic. En matière d'insalubrité, nous sommes fiers d'avoir, aussitôt que cela a été possible, signé le protocole d'action avec l'Etat. Nous nous sommes tout de suite engagés dans les travaux de substitution prévus par la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite loi SRU, pour sortir des immeubles entiers de l'insalubrité.

Certes, je sais le très long chemin qui reste à parcourir. Mais soulignons qu'à chaque étape l'appui de l'Etat a été recherché : combien de fois ai-je demandé que le contingent préfectoral joue son rôle dans le relogement des familles ? Combien de fois ai-je sollicité le préfet en matière d'hébergement transitoire ? Ce qui freine la lutte contre l'insalubrité et le saturnisme, ce n'est pas - ou plus - la complexité de la procédure, ce n'est pas - ou plus - le poids de l'Etat, c'est bien sa timidité et l'insuffisance des moyens qu'il se donne.

Je rappelle que la lutte contre l'insalubrité bénéficie déjà d'une forme inédite de « décentralisation-coproduction » : dans les villes disposant d'un service communal d'hygiène et de santé, c'est son directeur qui instruit les dossiers d'insalubrité, pour le compte du préfet et au nom de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales, la DDASS : ce système, lorsqu'il est mis en oeuvre, comme en Seine-Saint-Denis, assure à la fois la proximité de la gestion représentée par le directeur du SCHS, et la puissance de l'intervention publique, représentée par la signature du préfet en bas de l'arrêté d'insalubrité.

Ce système a besoin d'être toiletté, mais il n'en est pas d'autre qui bénéficie d'un tel alliage, source de souplesse et de puissance.

En matière de saturnisme, la situation est légèrement différente : tous les acteurs de la lutte contre le saturnisme disent que l'intervention de l'État prévue par la loi de 1998 a été une étape décisive de la lutte contre le saturnisme : son engagement fort a contraint les bailleurs de mauvaise foi à prendre en compte le risque d'intoxication de l'enfant. Ce qui limite l'efficacité de la démarche, c'est l'insuffisance de cet engagement dans les domaines connexes, mais décisifs, que sont l'hébergement d'urgence et le relogement. C'est aussi la question du financement des SCHS engagés dans cette action. Cette question n'est absolument pas réglée par la rédaction actuelle de l'article 59.

Lutter contre l'insalubrité et le saturnisme, c'est intervenir dans un champ sanitaire : l'insalubrité est avant tout un problème de santé, qui implique une famille confrontée à un risque sanitaire. Ce n'est pas uniquement, ni même d'abord, un problème de gestion ou de construction.

C'est aussi intervenir face à des pouvoirs importants, souvent puissants, et ayant parfois recours à des pratiques délictueuses.

C'est encore intervenir auprès des familles extrêmement démunies, aux problématiques parfois complexes.

C'est enfin intervenir dans un champ hautement sujet à contentieux juridique.

Si l'article 59 était adopté, et si d'aventure quelque ville s'engageait dans la voie proposée, nous n'y gagnerions rien en proximité, rien en souplesse, mais nous encourrions de gros risques.

Le premier risque, de nature politique, concerne le transfert, au niveau local, de ce qui relève d'abord de la responsabilité solidaire nationale : l'insalubrité ne pourra jamais être réglée, du moins sur une vaste échelle, par l'engagement exclusif d'une ville. Au surplus, les dispositions contractuelles prévues par l'article 59 n'apportent strictement rien de neuf au regard de l'engagement de l'Etat : tous ces dispositifs sont déjà à l'oeuvre dans le cadre des protocoles locaux de lutte contre l'insalubrité. On enferme le règlement d'un problème national ou régional dans une logique locale, mais on ne prévoit comme moyens complémentaires que des moyens déjà mis en oeuvre.

Le deuxième risque est de nature opérationnelle : les arrêtés du préfet ont une puissance de persuasion infiniment supérieure à ceux du maire, au moins en ce domaine, où les enjeux financiers et de profit sont importants. Aux termes de l'article 59, cette puissance serait abandonnée. C'est stupide ! C'est aussi, accessoirement, dangereux, car les pressions qui s'exerceront alors sur les maires et leurs adjoints seront quotidiennes.

Le troisième risque est d'ordre contentieux : les décisions des juges, dans les domaines tant civil qu'administratif, sont plus contradictoires à l'égard des arrêtés municipaux que des arrêtés du préfet. Nous ouvrons, avec cet article 59, un boulevard au contentieux dans un domaine déjà lourdement chargé. Le télescopage entre cet article et les futures dispositions de la loi de santé publique finira de rendre illisible le terrain juridique. Dans cette matière complexe du risque sanitaire, les élus locaux seront engagés - je le dis solennellement - dans une voie périlleuse.

Que l'on ne m'oppose pas le caractère facultatif et expérimental du dispositif : d'une part, le brouillage réglementaire qui se prépare aura un impact national et fragilisera l'ensemble des intervenants ; d'autre part, je parie sans rique que bien des préfets, au fur et à mesure que les services des DDASS continueront de s'étioler, multiplieront les pressions pour que les maires acceptent ce dispositif où l'Etat se retire en raison d'un combat trop difficile.

Cet article, mal inspiré, déconnecté du terrain, est aussi contradictoire avec une orientation de fond : l'affirmation par l'Etat, tous gouvernements confondus, et jusque dans l'actuel projet de loi de santé publique, de sa politique dans le champ environnement-santé. Le point de vue de notre collègue Annick Bocandé, rapporteuse pour avis, établissant un parallèle avec les pouvoirs des maires en matière de copropriété, est à mon sens une erreur. L'insalubrité, le saturnisme, c'est d'abord un problème de santé environnementale, à dimension complexe, multiforme, à connotation sociale essentielle ; ce n'est que partiellement un problème de gestion de propriété ou copropriété.

Ne baissons pas la garde, ne désarmons pas un système qui se met en place depuis peu. Adopter l'article 59, ce serait, à terme, mettre en péril les avancées de ces dernières années dans ce champ difficile et douloureux de l'insalubrité et du saturnisme. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour présenter les amendements n°s 159, 160 et 161.

M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. L'amendement n° 159 a pour objet d'encadrer l'expérimentation et, plus précisément, de porter à quatre ans sa durée, afin qu'elle soit identique à celle des autres expérimentations prévues dans le projet de loi. Il tend également à instaurer un délai d'un an pour la présentation des canditatures, étant précisé naturellement que, comme ailleurs, ce délai s'ajoutera à la durée de quatre ans précitée.

L'amendement n° 160 vise simplement à réparer une erreur de plume.

L'amendement n° 161 a pour objet de mettre en conformité avec la Constitution les dispositions de l'article 59 relatives au transfert aux communes, à titre expérimental, de la politique de résorption de l'insalubrité dans l'habitat. Il tend, à cet effet, à prévoir que le Gouvernement remettra au Parlement, dans un délai de six mois avant le terme de l'expérimentation, un rapport d'évaluation.

M. le président. La parole est à Mme Annick Bocandé, rapporteur pour avis, pour présenter l'amendement n° 446.

Mme Annick Bocandé, rapporteur pour avis. Il est défendu, monsieur le président.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 749 ?

M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. C'est la jurisprudence « suppression » qui s'applique : avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Le Gouvernement est évidemment défavorable à l'amendement n° 749.

Monsieur Ralite, je trouve votre propos contradictoire, même si, par ailleurs, la passion que vous mettez dans la lutte contre le saturnisme est très sympathique.

Vous avez, à juste titre, me semble-t-il, souligné les insuffisances de l'Etat. Comme élu local, vous avez fait preuve d'un véritable enthousiasme pour lutter contre ce fléau. Et vous ne voulez pas que vous soit conférée la compétence pour le faire ! C'est tout de même un comportement paradoxal !

Je crois, monsieur Ralite, que vous êtes capable de résister à toutes les pressions dans ce domaine. Dès lors que, dans le cadre de votre collectivité locale, c'est vous qui exercerez la compétence et qui disposerez des petits crédits - je reconnais qu'ils ne sont pas très importants - y afférents, votre lutte gagnera en efficacité. Par conséquent, je ne comprends pas votre position, qui me paraît assez contradictoire.

Monsieur Schosteck, le Gouvernement est favorable à votre amendement n° 159, qui encadre bien l'expérimentation. Effectivement, il était sans doute souhaitable de porter sa durée à quatre ans.

L'erreur de plume pertinemment relevée par l'amendement n° 160 entraîne un avis favorable.

Quant aux amendements identiques n°s 161 et 446, ils permettent, précisément, de juger de la qualité de l'évaluation, donc de savoir s'il est souhaitable de généraliser l'expérimentation.

M. le président. La parole est à M. Jack Ralite, pour explication de vote sur l'amendement n° 749.

M. Jack Ralite. Je voudrais lever les doutes exprimés par M. le ministre.

Il reconnaît que la ville où j'ai occupé, jusqu'au 31 mai dernier, le poste de maire a beaucoup fait dans ce domaine, au point que toutes les législations d'Etat se sont inspirées de cette expérience. Mais, chaque fois, nous avons eu de grandes difficultés pour avancer, difficultés à la fois financières et de puissance publique.

Nous nous sommes évertués à obtenir du préfet qu'il prenne ses responsabilités. Dès l'instant qu'il les a prises - cela a été très net - la situation s'est améliorée. Il n'y a donc pas du tout de contradiction !

L'Etat commençait à jouer un rôle important de cohérence nationale, puis il n'a plus accordé les moyens nécessaires. Là, on donne tout à la commune. C'est revenir à la situation antérieure ! Dans une ville comme la mienne, un bébé est mort ! Vous parlez de ma passion. Mais lorsque, dans des logements ouvriers, un bébé meurt de cette façon, on est marqué à vie.

Il n'y a donc aucun paradoxe dans mon comportement. Il s'agit d'une demande de renforcement de l'intervention, dont j'ai bien dit qu'elle revêtait à la fois une dimension étatique et une dimension locale. C'était même une connexion à la fois souple par la dimension locale et puissante par la dimension étatique quand elle s'exprimait pleinement. Malheureusement, l'Etat avait du mal à intervenir, tandis que la commune faisait le maximum.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Sueur. Le groupe socialiste partage la motivation qui sous-tend cet amendement présenté avec beaucoup de force par M. Ralite.

Monsieur le ministre, je voudrais, à l'occasion de cet amendement, formuler deux remarques.

Premièrement, cette question de l'insalubrité et de la lutte contre le saturnisme illustre des traits constants de ce texte : un grand flou et certains renoncements quant aux missions de l'Etat. La confusion règne : on ne saura plus, à l'issue de ce débat, qui fait quoi. Cela vaut pour les collectivités locales, mais cela vaut également pour l'Etat.

On pourrait imaginer - ce qu'a été notre République et ce qu'elle est pour une bonne part, encore aujourd'hui, et heureusement - un système dans lequel l'Etat exerce un certain nombre de compétences qui sont essentielles à l'intérêt général, qu'on les appelle régaliennes ou non.

Les questions capitales d'hygiène, de santé publique, de qualité de l'air et de l'eau qui concernent la sécurité générale, au même titre, d'ailleurs, que la sécurité publique, devraient, à notre sens, relever de l'Etat. Dès lors que l'Etat considère qu'il n'a pas à exercer de responsabilité dans ces domaines ou qu'il peut s'en décharger, on est dans un autre système.

M. Ralite a fort bien expliqué que l'idée que nous nous faisons de la compétence de l'Etat dans ces domaines n'est pas antinomique, ô combien, de l'action des collectivités locales. Mais l'Etat a un pouvoir de réglementation, un pouvoir de contrôle eu égard aux grandes causes nationales et il ne doit pas, à notre sens, s'en défausser.

Je ferai une deuxième remarque : je constate dans tous les volets du texte, et dans d'autres textes, d'ailleurs, une grande continuité.

En matière de politique de la ville, la loi qui nous a été présentée par M. Jean-Louis Borloo se traduit, hélas, par un désengagement de l'Etat. Il suffit, pour s'en convaincre, de lire les éloquents rapports du Conseil économique et social. De même, il suffit d'étudier le budget de la politique de la ville pour l'année 2004 pour s'apercevoir que, si un grand plan est annoncé, les moyens de l'Etat sont toutefois en régression.

Monsieur le ministre, ce que vous nous avez dit - ou ce que vous ne nous avez pas dit, c'est selon - sur le logement et sur le rôle des préfets en cette matière, suscite, de notre part, une grande inquiétude, inquiétude qui est partagée par un grand nombre d'associations, notamment celles qui oeuvrent dans le domaine du logement social. Car on ne peut pas s'empêcher de constater que, si l'Etat abdique de ses responsabilités en matière de mixité sociale, et qu'il ne donne pas les moyens nécessaires à la politique de la ville, cela va malheureusement dans le même sens. Or les problèmes d'insalubrité se posent en priorité dans les quartiers difficiles, dans les quartiers qui vont mal.

Nous sommes donc très opposés au désengagement de l'Etat dans ces domaines, sans doute prioritaires aujourd'hui en termes de solidarité nationale.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 749.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)


M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 64 :

Nombre de votants319
Nombre de suffrages exprimés318
Pour114
Contre204

Je mets aux voix l'amendement n° 159.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 160.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n° 161 et 446.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 59, modifié.

(L'article 59 est adopté.)

TITRE IV

L'ÉDUCATION ET LA CULTURE

Chapitre Ier

Les enseignements

Art. 59
Dossier législatif : projet de loi relatif aux libertés et responsabilités locales
Rappel au règlement

Article 60

L'article L. 211-1 du code de l'éducation est ainsi rédigé :

« Art. L. 211-1. - L'éducation est un service public national, dont l'organisation et le fonctionnement sont assurés par l'Etat, sous réserve des compétences attribuées par le présent code aux collectivités territoriales pour les associer au développement de ce service public.

« L'État assume notamment les missions suivantes :

« 1° La définition des voies de formation, la fixation des programmes nationaux, l'organisation et le contenu des enseignements ;

« 2° La définition et la délivrance des diplômes nationaux et la collation des grades et titres universitaires ;

« 3° Le recrutement et la gestion des personnels qui relèvent de sa responsabilité ;

« 4° La répartition des moyens qu'il consacre à l'éducation, afin d'assurer en particulier l'égalité d'accès au service public ;

« 5° Le contrôle et l'évaluation des politiques éducatives, en vue d'assurer la cohérence d'ensemble du système éducatif.

« Tous les deux ans à compter de l'entrée en vigueur des dispositions de la loi n° du relative aux responsabilités locales, le Gouvernement transmet au Parlement un rapport évaluant les effets de l'exercice des compétences décentralisées sur le fonctionnement du système éducatif et sur la qualité du service rendu aux usagers. Le Conseil supérieur de l'éducation, le Conseil territorial de l'éducation nationale et le conseil national de l'enseignement agricole sont saisis pour avis de ce rapport. »

M. le président. La parole est à M. Serge Lagauche, sur l'article.

M. Serge Lagauche. Nous abordons, avec l'article 60 de ce projet de loi, un domaine auquel nos concitoyens sont très attachés : l'éducation.

Monsieur le ministre, alors que nous avions réussi la décentralisation des collèges et des lycées, vous avez fait aujourd'hui de la décentralisation et de l'éducation des termes totalement inconciliables, aux yeux des acteurs de la communauté éducative. A cause de votre méthode et de l'absence totale de projet de société dans votre vision de la décentralisation, celle-ci rime désormais, pour nos concitoyens, avec délestage des missions de l'Etat, renforcement des inégalités entre les territoires et les citoyens, pression fiscale sur les collectivités locales, confusion de leurs missions respectives.

Vous avez annoncé un transfert de personnels de l'éducation nationale, sans véritable concertation avec les organisations syndicales, et encore moins avec les élus. Puis, vous avez reculé s'agissant de certaines catégories de personnels, et renvoyé à plus tard le règlement de ce dossier. Néanmoins, vous transférez les personnels TOS, personnels techniques ouvriers et de service.

De même, vous avez prétendu vouloir engager un grand débat sur l'école qui n'a eu de cesse d'être repoussé pour, finalement, être organisé, après que des décisions pour l'avenir de notre système scolaire eurent déjà été prises et les projets lancés, par exemple l'autonomie des universités, qui suscite, elle aussi, une forte inquiétude. Ce télescopage des calendriers associé à une carence initiale de dialogue et de concertation ajoute à l'incompréhension et la contestation de votre réforme par nos concitoyens.

Que va apporter de mieux cette décentralisation en matière d'éducation ?

M. Philippe Richert, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles. Tout !

M. Serge Lagauche Votre projet de loi ne permet pas de répondre à cette légitime question, car il ne répond pas à l'exigence d'efficacité que vous avez pourtant assignée à votre « Acte II » de la décentralisation.

Parce que cette décentralisation s'opère sans bilan, ni remise à niveau ni étude d'impact, ce que vous transférez en matière d'éducation, comme dans d'autres domaines, ce sont les déficits.

Déficits et inégalités en personnels TOS, d'abord, comme l'atteste l'écart du taux d'encadrement entre la métropole et les départements d'outre-mer, avec 20,1 TOS pour 1 000 élèves pour la première contre 12,5 pour les seconds. Il en est de même entre les académies métropolitaines, avec 32 TOS pour 1 000 élèves pour celle de Limoges, la mieux lotie, contre 15,6 pour celle de Nice, la plus en retard.

Mais vous transférez également déficits et inégalités en logements étudiants. J'en veux pour preuve le rapport d'information de la commission des affaires culturelles sur le patrimoine immobilier universitaire. La commission estime que le parc de logements étudiants en Ile-de-France correspond à 5 % des étudiants contre 10 % à 15 % pour la moyenne nationale, que la situation très préoccupante de Paris et de l'Ile-de-France nécessite un plan d'urgence, et que, plus globalement, le tiers des cités universitaires peuvent être considérées comme des « taudis dangereux ». Je cite la commission !

Or les Français sont très attachés à l'école, ainsi qu'à la lutte contre les inégalités à l'école, parce que cette école est le creuset de notre République, et savent que les services publics nationaux ont une exigence : la redistribution à l'ensemble des citoyens et des territoires. Aussi, votre décentralisation, monsieur le ministre, risque d'être vécue comme une remise en cause pure et simple du service public et de l'égalité d'accès des citoyens au service public.

Elle est vécue comme un amaigrissement, un délestage des missions de l'Etat. Car les Français ont bien conscience que l'Etat est en proie à des difficultés financières importantes et que votre gouvernement a trouvé, sous le masque de la décentralisation, une échappatoire, pour transférer ses difficultés financières sur les collectivités locales, donc sur les impôts locaux, donc sur eux. Oui, les Français ont bien conscience que, a fortiori, la baisse des impôts à l'échelon de l'Etat n'était qu'une vaste mascarade, puisque ce que votre gouvernement donne d'un côté, monsieur le ministre, il le récupère de l'autre, aggravant les inégalités.

Votre décentralisation, nombre d'élus locaux la redoutent et votre majorité elle-même est sceptique ! Elle doute, manque de confiance et a besoin, elle aussi, de garanties. Ainsi en est-il à juste titre du financement des assistants d'éducation nouvellement créés. Les rapporteurs de la commission des lois et de la commission des affaires culturelles ont aussi bien compris que nous la logique qui sous-tend ce texte. Ils proposent donc des amendements afin d'exclure explicitement les départements et les régions de la prise en charge de la rémunération des assistants d'éducation.

Parce que nous considérons que l'organisation de l'enseignement public gratuit et laïque à tous les degrés est une mission consubstantielle de notre Etat républicain, nous proposons que celle-ci figure à l'article L. 211-1 du code de l'éducation.

Parce que nous sommes attachés à la mixité sociale, corollaire de l'égalité des chances, nous proposons, à l'article 66, que le préfet puisse s'opposer à la décision d'un conseil général de localisation d'un collège qui ne respecterait pas les critères d'équilibre démographique, économique et social inscrits dans la loi.

Ce sont des principes forts auxquels la majorité sénatoriale et le Gouvernement ne pourront que souscrire ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. M. Richert rappelle, dans son rapport écrit, les termes de l'alinéa 13 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 : « La Nation garantit l'égal accès de l'enfant et de l'adulte à l'instruction, à la formation professionnelle et à la culture. L'organisation de l'enseignement public gratuit et laïque à tous les degrés est un devoir de l'Etat. » Cette disposition constitutionnelle est d'une clarté évidente et chacun ici semble en admettre la portée.

Pourquoi, me direz-vous, une telle mobilisation du personnel de l'éducation nationale contre ce projet de loi de décentralisation durant le printemps ? Parce que, justement, le corps enseignant et l'ensemble des personnels ne comprenaient plus l'action solidaire de la République et percevaient, à juste titre, les avants-projets du Gouvernement comme pouvant porter un coup mortel à l'unicité du service public de l'éducation nationale.

Les personnels ont combattu l'explosion de la communauté éducative qu'engendraient les projets ainsi que la mise en concurrence des territoires dans ce domaine pourtant considéré comme relevant de la compétence régalienne de l'Etat.

Le Gouvernement a dû tenir compte du mouvement. Il a mis en sourdine certaines de ses velléités. Cependant, l'examen des articles à venir confirme pourtant cette idée du désengagement de l'Etat. La première phrase de M. Richert, dans ses commentaires écrits sur l'article 60, est, à ce titre, révélatrice : « Cet article réaffirme le caractère national du service public de l'éducation, dont les objectifs généraux et l'organisation incombent en premier lieu à l'Etat. » Pourquoi ne pas avoir écrit : « dont les objectifs et l'organisation incombent à l'Etat » ?

Nous avons le sentiment que ce gouvernement a maintenu la volonté de dynamiter le service public de l'éducation nationale. Il a modifié sa stratégie et tente d'avancer de manière biaisée.

Ce sentiment est confirmé par les propos de M. Richert (Exclamations amusées sur les travées de l'UMP), qui écrit : « La clarification des missions essentielles assurées par l'Etat va dans le sens de la réforme de l'Etat et du meilleur ciblage de ces compétences. »

M. Jean-Jacques Hyest. Excellent rapporteur !

Mme Annie David. La question, la vraie question, c'est aujourd'hui celle des moyens apportés au service public de l'éducation nationale pour qu'il vive.

Il s'agit non pas de mieux cibler les compétences, mais de les assumer, ce que le gouvernement de M. Raffarin refuse de faire.

Ces articles sur la décentralisation et l'éducation nationale ne peuvent être examinés en dehors du contexte du dogme de la réduction des dépenses publiques qui prévaut aujourd'hui à Matignon et à l'Elysée.

Nous considérons que la réduction de la « fracture scolaire » et la lutte contre les inégalités ne passent surtout pas par une dilution des responsabilités. C'est à l'Etat, à la collectivité nationale, d'assumer une action déterminée en ce sens.

Ne croyez-vous pas, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, que ce débat est prématuré, alors que s'engage un grand débat national sur l'école ?

Nous n'approuvons pas les objectifs et les questionnements de la commission qui préside à ce grand débat. J'ai cependant décidé de participer aux travaux de cette commission pour tenter de démontrer qu'une autre dynamique peut exister en faveur d'une école de la réussite pour tous, d'une lutte résolue contre les inégalités sociales.

La question des moyens est évidemment centrale. Et ce n'est pas la stratégie de délestage qui sous-tend l'ensemble du projet de loi qui permettra d'enclencher une démarche de lutte efficace contre l'échec scolaire.

Compte tenu des menaces qui pèsent sur l'unicité du service public de l'éducation nationale, on ne pourra pas, à notre sens, parvenir à la gratuité effective de l'âge de trois ans à celui de dix-huit ans qui doit constituer l'objectif prioritaire : cette démarche impliquerait des investissements de l'Etat à hauteur de 7 % du PIB !

Nous sommes bien loin du compte et, visiblement, la volonté qui traverse le chapitre dont nous entamons la discussion n'est pas tournée vers un « plus » pour l'éducation nationale, mais plutôt vers un grand « moins ».

Cet article 60 entérine l'enclenchement d'un processus d'éclatement du service public de l'éducation nationale.

Nous sommes aux côtés des personnels et des usagers pour nous opposer à cette démarche libérale désastreuse pour l'avenir de nos enfants et, au-delà, de notre pays. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.- M. Jean-Pierre Godefroy applaudit également.)

M. le président. Je suis saisi de douze amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune. Toutefois, pour la clarté des débats, je les appellerai successivement.

L'amendement n° 750, présenté par Mme David, MM. Ralite, Renar et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

« Supprimer cet article. »

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Le rapporteur de la commission des lois, M. Schosteck, et le rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, M. Richert, considèrent que le présent article clarifie et enrichit les dispositions nécessaires au rappel du caractère national du service public d'éducation, ainsi qu'aux compétences qui continuent de relever de l'Etat.

Pour ma part, j'estime que la formulation du premier alinéa, qui limite cette définition par les mots : « sous réserve des compétences attribuées par le présent code aux collectivités territoriales pour les associer au développement de ce service public », n'est pas un enrichissement, mais bien plutôt une dislocation du service public de l'éducation nationale.

Toutefois, je vous rejoins, messieurs les rapporteurs, quant à la clarification : cet article, en effet, nous éclaire sur la politique de votre gouvernement en matière d'éducation nationale, monsieur le ministre !

Jusqu'ici, les compétences attribuées à l'Etat reposaient sur un fondement de nature constitutionnelle ; je me demande si, à cet égard, le présent article était bien nécessaire.

Ce fondement constitutionnel assure à l'Etat la responsabilité de la politique de l'éducation, les orientations pédagogiques, le contenu des enseignements et des diplômes, les formations dispensées.

A l'Etat de gérer aussi les questions posées par le recrutement, l'affectation, la formation et la rémunération de tous les personnels rattachés à l'éducation nationale - je dis bien « tous », enseignants et non-enseignants relevant de sa responsabilité.

L'Etat prend également en charge certaines dépenses pédagogiques.

J'ajoute qu'il en est de même pour l'enseignement supérieur.

Par ailleurs, une collaboration étroite existe depuis longtemps dans ce domaine particulier avec les collectivités locales : elles assurent la construction, la reconstruction, l'équipement et le fonctionnement des écoles, des collèges et des lycées.

Les collectivités locales sont également consultées pour ce qui est de l'implantation et des aménagements des établissements d'enseignement supérieur sur leur territoire.

La planification scolaire suscite la concertation entre différents niveaux nationaux, régionaux et locaux. C'est une réalité de terrain, comme tous les rapporteurs en conviennent.

Alors, si le Gouvernement n'envisage pas le démantèlement du service public de l'éducation nationale et le renforcement des inégalités sur le territoire, il nous paraît parfaitement inutile d'inscrire l'éducation et les enseignements dans la loi relative aux responsabilités locales.

Il faudrait, à mon sens, retirer de cet Acte II de la décentralisation gouvernementale les articles touchant à l'éducation nationale, d'autant plus que le débat tant attendu sur l'école n'a pas eu lieu et que la commission Thélot, qui concerne l'avenir de l'école et dont je fais partie, doit se réunir encore pendant un certain nombre de mois.

M. le président. L'amendement n° 1035, présenté par MM. Lagauche, Peyronnet, Frimat, Sueur, Dauge, Godefroy, Marc, Cazeau, Chabroux, Reiner, Mano, Bel, Charasse, Domeizel, Mauroy, Krattinger, Courteau, Todeschini et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

« Rédiger ainsi le début du premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 211-1 du code de l'éducation :

« L'éducation est une service public national. L'organisation de l'enseignement public gratuit et laïc à tous les degrés est un devoir de l'Etat. Le fonctionnement de l'éducation est assuré par l'Etat, sous réserves des compétences... »

La parole est à M. Serge Lagauche.

M. Serge Lagauche. Point n'est besoin de faire une longue explication de texte de cet amendement.

A l'heure où, de toutes parts, on s'inquiète de la remise en cause du principe de laïcité, en particulier à l'école, il me semble opportun de rappeler dans cet article de principe, qui traite des compétences régaliennes de l'Etat dans le domaine de l'éducation, que l'organisation de l'enseignement public gratuit et laïque à tous les degrés doit être assurée par l'Etat.

Imaginons que certaines collectivités territoriales fassent le choix de laisser se développer sur leur territoire, prioritairement, des établissement d'enseignement privé !

Il est primordial que l'Etat soit à même d'assurer partout en France un enseignement public laïque et gratuit ! C'est pourquoi nous souhaitons inscrire dans la loi et au sein de cet article, qui constitue un garde-fou, puisqu'il énumère les missions de l'Etat qui ne pourront jamais être confiées aux collectivités territoriales, la mission de l'Etat d'organisation d'un enseignement public laïque et gratuit. (Très bien ! sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. L'amendement n° 162, présenté par M. Schosteck, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

« Rédiger comme suit le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 211-1 du code de l'éducation :

« L'Etat assume, dans le cadre de ses compétences, des missions qui comprennent : ».

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Cet amendement rédactionnel tend à satisfaire une quasi-obsession de la commission des lois. Il s'agit, mes chers collègues, de faire disparaître un « notamment » (Sourires),...

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Très bien !

M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. ... sans pour autant remettre en cause le caractère non exhaustif de l'énumération de l'article 60.

M. le président. L'amendement n° 1026, présenté par MM. Lagauche, Peyronnet, Frimat, Sueur, Dauge, Godefroy, Marc, Cazeau, Chabroux, Reiner, Mano, Bel, Domeizel, Mauroy, Krattinger, Courteau, Todeschini et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattaché, est ainsi libellé :

« Au troisième alinéa (1°) du texte prévu par cet article pour l'article L. 211-1 du code de l'éducation, supprimer les mots : "voies de". »

La parole est à M. Serge Lagauche.

M. Serge Lagauche. Il s'agit, mes chers collègues, d'un amendement de précision rédactionnelle, à moins que l'erreur ne soit intentionnelle.

« La définition des voies de formation » par l'Etat est une formulation qui ne me satisfait pas. Le terme « voies » est extrêmement flou. L'Etat est compétent pour définir les formations, un point c'est tout ! Lui confier la définition des voies de formation à l'échelon national semble signifier que les collectivités pourraient, par la suite, se voir confier la définition de formations au sein de ces voies de formation.

Je m'oppose à cette possibilité de créer des systèmes d'enseignement à vitesses multiples : les élèves se verraient dispenser des formations diverses selon la définition opérée dans la partie du territoire où ils sont scolarisés. Il en va donc de l'unicité du service public de l'éducation.

La suppression du mot « voies » constitue une garantie quant au maintien du caractère national des formations et du service public de l'éducation.

M. le président. L'amendement n° 1027, présenté par MM. Lagauche, Peyronnet, Frimat, Sueur, Dauge, Godefroy, Marc, Cazeau, Chabroux, Reiner, Mano, Bel, Domeizel, Mauroy, Krattinger, Courteau, Todeschini et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattaché, est ainsi libellé :

« Au troisième alinéa (1°) du texte prévu par cet article pour l'article L. 211-1 du code de l'éducation, supprimer le mot : "nationaux". »

La parole est à M. Serge Lagauche.

M. Serge Lagauche. Cet amendement procède du même esprit que l'amendement n° 1026.

L'Etat ne fixe que des programmes nationaux. En lui confiant « la fixation des programmes nationaux », on laisse supposer qu'il pourrait en fixer d'autres n'ayant pas un caractère national. J'invoquerai donc ici encore le risque d'instituer un service public de l'éducation à plusieurs vitesses. Pour l'éviter, je vous demande de bien vouloir supprimer l'adjectif « nationaux ».

M. le président. L'amendement n° 752, présenté par Mme David, MM. Renar, Ralite, Autain et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

« Dans le cinquième alinéa (3°) du texte proposé par cet article pour l'article L. 211-1 du code de l'éducation, après le mot : "personnel", insérer les mots : "enseignants, ingénieurs, administratifs, techniciens ouvriers de santé et de service, vacataires et assistants d'éducation". »

La parole est à Mme Josiane Mathon.

Mme Josiane Mathon. Cet amendement de précision vise à souligner l'importance de la diversité de l'ensemble des personnels de l'éducation nationale qui, de par leur spécialisation, garantissent la cohérence des missions de l'éducation. Leur maintien dans ce ministère constitue donc pour nous l'assurance de l'unicité des équipes pédagogiques.

Le transfert éventuel d'une seule catégorie de ces personnels va accroître les inégalités d'encadrement dans les établissements scolaires entre chaque département et chaque région.

Il comportera de plus le risque d'externalisation de certains services. Or, lorsqu'une entreprise externalise telle ou telle de ses activités, c'est bien pour des raisons de rentabilité, en particulier pour réduire les coûts salariaux. Comment parler d'externalisation et de baisse des coûts au sein de l'éducation nationale, si ce n'est pour répondre aux directives de Bruxelles ?

Nous demandons, dans un souci de maintien des missions de service public, que soient exhaustivement répertoriés dans le présent texte de loi tous les métiers de l'éducation nationale.

M. le président. L'amendement n° 751, présenté par Mme David, MM. Renar, Ralite, Autain et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

« A la fin du cinquième alinéa (3°) du texte proposé par cet article pour l'article L. 211-1 du code de l'éducation, supprimer les mots : "qui relèvent de sa responsabilité". »

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. L'article 60 est ponctué d'expressions apparemment insignifiantes mais qui entérinent en réalité la volonté du Gouvernement de se désengager de la responsabilité de certaines catégories de personnels de l'éducation nationale qu'il entend abandonner en les assujetissant à un statut souvent moins intéressant.

Le Gouvernement ouvre la voie, avec les projets de régionalisation des personnels TOS, à une gestion des ressources humaines contournant le statut de la fonction publique.

C'est un test pour le Gouvernement et un danger pour tous les personnels. Le Gouvernement se place ainsi dans un processus de remise en cause des services publics et de privatisation progressive, qui se caractérise aujourd'hui par des attaques contre l'emploi public : remise en cause de la titularisation des précaires, nombre de postes aux concours ne permettant ni de remplacer tous les départs à la retraite ni de développer le service public de l'éducation.

Les personnels du service public national de l'éducation relèvent tous, sans exception admissible, de la responsabilité de l'Etat, afin d'assurer dans le respect qu'elle exige leur mission de service public.

Nous devons donner la priorité qu'elle mérite à la notion d'équipe éducative et pédagogique, laquelle oeuvre sous la coordination du chef d'établissement. L'école n'est-elle pas la deuxième maison physique et morale de l'enfant-élève ? Aussi, aucun intervenant adulte ne doit-il être étranger à ce service public.

M. le président. L'amendement n° 1028, présenté par MM. Lagauche, Peyronnet, Frimat, Sueur, Dauge, Godefroy, Marc, Cazeau, Chabroux, Reiner, Mano, Bel, Domeizel, Mauroy, Krattinger, Courteau, Todeschini et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattaché, est ainsi libellé :

« Compléter in fine le texte proposé par cet article pour le septième alinéa (5°) de l'article L. 211-1 du code de l'éducation par les mots : "et de faire respecter le principe d'égalité". »

La parole est à M. Serge Lagauche.

M. Serge Lagauche. Cet amendement ne relève pas d'une invention des sénateurs socialistes. Il se borne simplement à reprendre une formulation qui apparaissait dans l'avant-projet de loi et qui ne figure plus dans le texte soumis au Sénat.

Il n'est jamais inutile de rappeler le principe à valeur constitutionnelle d'égalité entre les citoyens, ici principalement entre les élèves des établissements d'enseignement public.

Qui, à part l'Etat, pourrait être à même de faire respecter ce principe issu directement de la déclaration universelle des droits de l'homme et du citoyen ?

Les remises en cause de plus en plus fréquentes du principe d'égalité, même au sein de l'école, qui devrait pourtant constituer un lieu sanctuarisé, nous incitent à demander l'adjonction de cette mention au 5° de l'article L. 211-1 du code de l'éducation.

De surcroît, à l'heure où les décisions locales, et donc les réalités locales, vont davantage peser dans le secteur scolaire, il n'est pas inutile de donner à l'Etat des pouvoirs accrus pour faire respecter le principe d'égalité lors de l'évaluation des différentes politiques éducatives.

M. le président. L'amendement n° 753, présenté par Mme David, MM. Ralite, Renar, Autain et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

« Après le septième alinéa (5°) du texte proposé par cet article pour l'article L.211-1 du code de l'éducation, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« ... L'Etat assure l'accueil, la restauration, l'hébergement ainsi que l'entretien général et technique des établissements dont il a la charge. »

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Dans la mesure où le Gouvernement souligne constamment qu'il s'agit par ce texte non pas de démanteler le service public de l'éducation nationale, mais bien de clarifier et d'enrichir les dispositions nécessaires au rappel du caractère national du service public d'éducation, il nous apparaît que définir nommément les missions de l'Etat ne peut poser problème.

L'externalisation déjà pratiquée de certaines de ces missions - accueil, cantine,... - ne doit pas servir de prétexte à de nouveaux transferts de compétences.

Pour notre part, nous réaffirmons le rôle important de tous les métiers qui concourent aujourd'hui à l'éducation nationale et nous demandons leur maintien.

Cet amendement précise, en les citant, les missions dont l'Etat a la charge, en plus, bien sûr, de sa mission pédagogique.

M. le président. L'amendement n° 754, présenté par Mme David, MM. Ralite, Renar, Autain et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

« Après le septième alinéa (5°) du texte proposé par cet article pour l'article L. 211-1 du code de l'éducation, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« ...° Le développement sous tous supports des outils et méthodes pédagogiques. »

La parole est à Mme Hélène Luc.

Mme Hélène Luc. Nous proposons de réaffirmer le rôle de l'Etat en matière de développement des outils et des méthodes pédagogiques au travers de ces établissements nationaux de recherche pédagogique, dont fait partie le Centre national de documentation pédagogique. J'aurai l'occasion de revenir plus précisément sur le CNDP à l'occasion de la présentation de l'amendement n° 755.

En ce qui concerne les outils et les méthodes pédagogiques, nous estimons qu'ils doivent rester du seul ressort d'un service public d'édition. Or l'annonce récente de la délocalisation du CNDP et les différentes orientations données sur son évolution et celle de ses centres régionaux, les CRDP, laisse craindre que ce domaine ne soit bientôt « évacué » vers le secteur marchand, avec toutes les dérives que cela suppose.

Certaines lettres de cadrage et diverses déclarations nous font craindre le pire, notamment en ce qui concerne les technologies de l'information et de la communication pour l'enseignement, les TICE.

La mission de service public circonscrite par l'Etat permet d'offrir un service adapté et de qualité. Il faut refuser toute dénaturation et toute détérioration dans ce domaine. Les conséquences seraient en effet désastreuses pour le monde éducatif dans son ensemble si les outils et les méthodes pédagogiques faisaient l'objet d'une « marchandisation ».

Voulons-nous d'une école dans laquelle des « packs » pédagogiques préétablis seraient distribués à des enseignants dont la seule marge de manoeuvre serait de les régurgiter, sans aucune autonomie personnelle, aux élèves ?

Voulons-nous d'une école à l'américaine dans laquelle les entreprises privées se battraient à coup de millions d'euros pour obtenir les marchés de l'édition, entreprises dont le seul objectif serait de faire du profit au détriment même du contenu de l'enseignement, des enseignants eux-mêmes, des documentalistes et, bien sûr, des enfants ?

Pourquoi ne pas envisager dans ce cas des exercices de mathématiques dans lesquels les élèves devraient résoudre des problèmes où interviendraient pas l'exemple une marque de lait lambda ou un paquet de lessive alpha ?

M. Eric Doligé. Ou une faucille et un marteau !

Mme Hélène Luc. La France possède un système qui, à l'heure actuelle, permet d'éviter de telles dérives et fournit un outil pédagogique de qualité.

Le CNDP a toujours montré son aptitude à élaborer, dans un esprit de sérieux et de professionnalisme, des documents et des méthodes dont le seul objectif est l'intérêt de la communauté éducative et des élèves. Cela se fait en dehors de toute notion de profits marchands, dans la seule volonté d'agir pour l'intérêt général et pour l'éducation, c'est-à-dire pour le service public.

Par cet amendement, nous vous demandons, mes chers collègues, de garantir non seulement à la communauté éducative dans son ensemble, mais aussi aux élèves, une pluralité de choix, un égal accès à la documentation et une indépendance sans faille à l'égard des monopoles d'édition.

Je vous demande d'adopter cet amendement pour témoigner de l'attachement que les parlementaires portent à l'école de la République et aux enfants, qui sont l'avenir de notre pays.

M. le président. L'amendement n° 1029, présenté par MM. Lagauche, Peyronnet, Frimat, Sueur, Dauge, Godefroy, Marc, Cazeau, Chabroux, Reiner, Mano, Bel, Domeizel, Mauroy, Krattinger, Courteau, Todeschini et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

« Compléter in fine la première phrase du texte proposé par cet article pour le dernier alinéa de l'article L. 211-1 du code de l'éducation par les mots : ", notamment au regard de l'application du principe de l'égalité". »

La parole est à M. Serge Lagauche.

M. Serge Lagauche. Il s'agit d'un amendement de cohérence avec l'amendement n° 1028.

Nous souhaitons que le rapport biannuel remis par le Gouvernement au Parlement évalue les compétences décentralisées du secteur éducatif, « notamment au regard de l'application du principe de l'égalité ». Il y va du maintien du caractère national du service public de l'éducation nationale, de la cohérence des formations et des diplômes sur l'ensemble du territoire. L'égalité doit être garantie non seulement au sein même des établissements, mais aussi entre eux.

Compte tenu des velléités de libéralisme du Gouvernement, les sénateurs socialistes souhaitent que le principe d'égalité pèse plus que jamais de tout son poids dans la balance du système éducatif.

M. le président. L'amendement n° 307, présenté par M. Richert, au nom de la commission des affaires culturelles, est ainsi libellé :

« I. - Compléter in fine cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :

« II. - L'article L. 231-1 du même code est complété, in fine, par un alinéa ainsi rédigé :

« Il est saisi pour avis du rapport d'évaluation mentionné à l'article L. 211-1. »

« III. - Après le premier alinéa de l'article L. 814-2 du code rural, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Il est saisi pour avis du rapport d'évaluation mentionné à l'article L. 211-1 du code de l'éducation.

« II. - En conséquence, faire précéder le début de cet article de la mention : "I."

La parole est à M. Philippe Richert, rapporteur pour avis.

M. Philippe Richert, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles. Cet amendement de coordination vise à inscrire au titre des compétences du conseil supérieur de l'éducation et du conseil national de l'enseignement agricole leur saisine pour avis du rapport d'évaluation prévu au présent article.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. L'amendement n° 750 est un amendement de suppression. La commission y est donc défavorable.

L'amendement n° 1035 précise que l'État a le devoir d'organiser l'enseignement public gratuit et laïque à tous les degrés. C'est en effet un noble principe, mais il est déjà affirmé au treizième alinéa du préambule de la Constitution de 1946 et il figure de plus à l'article L. 141-1 du code de l'éducation. Je sais que l'on est dans le domaine de l'éducation et que la pédagogie suppose la répétition, mais tout de même...

L'amendement n° 1026 est inutile. La formation au sens général inclut en effet les voies de formation, c'est-à-dire les types de formation éducative, les programmes d'enseignement, leur organisation et leur contenu. C'est précisément ce que prévoit ledit article.

L'amendement n° 1027 tend à supprimer la précision selon laquelle l'État fixe des programmes nationaux. Nous pensons que par souci de cohérence...

M. Jean-Pierre Sueur. Avec quoi ?

M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. ... il convient de maintenir cette formulation.

Par conséquent, l'avis de la commission est défavorable.

L'amendement n° 752, tout comme l'amendement n° 751, va à l'encontre de la position de la commission, qui soutient le transfert de certaines catégories de personnels. L'avis est donc défavorable.

L'amendement n° 1028 tend à faire respecter, et c'est fort bien, le principe d'égalité devant le service public. Mais c'est là un principe général du droit qui, dès lors, s'impose partout, y compris dans le cadre de l'enseignement. L'Etat doit naturellement assurer le respect de ce principe sans qu'il soit nécessaire de le faire figurer partout.

M. Claude Domeizel. Pourquoi ne pas l'écrire dans la loi ?

M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Mais parce qu'il ne faut pas allonger démesurément les textes !

M. Jean-Pierre Sueur. Alors on peut supprimer cet article, monsieur le rapporteur !

M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. C'est la loi que nous écrivons ! Nous ne pouvons pas reprendre chaque fois tous les principes !

L'amendement n° 753 va également à l'encontre de notre position, puisque nous soutenons le transfert : avis défavorable.

L'amendement n° 754 est sans objet, dans la mesure où le 1° de l'article L. 211-1 du code de l'éducation donne précisément compétence à l'Etat pour « la fixation des programmes nationaux, l'organisation et le contenu des enseignements ». Cette formulation est, bien sûr, de nature à englober les outils et les méthodes pédagogiques.

L'amendement n° 1029 prévoit que le rapport au Parlement doit permettre d'évaluer l'exercice des compétences décentralisées en matière d'éducation. La mention, au sein de cet article, de l'évaluation de « la qualité du service rendu aux usagers » impliquera nécessairement une évaluation du respect du principe d'égalité, principe qui, encore une fois, s'applique à tout service public et qui, en outre, figure à l'article L. 111-1 du code de l'éducation. De surcroît, cet amendement contient une formule rédhibitoire : il comporte un « notamment ». (Sourires.)

Enfin, monsieur Richert, l'amendement n° 307 est bien un amendement de coordination avec certaines dispositions du code de l'éducation. Nous y sommes favorables.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Le Gouvernement est défavorable à l'amendement de suppression n° 750, puisque c'est le principe même de la loi qui est visé par la suppression, c'est-à-dire la décentralisation annoncée.

Le Gouvernement est hostile à l'amendement n° 1035 de M. Lagauche, car, comme l'a fort justement souligné M. Schosteck, cela est déjà rappelé à l'article L. 141-1 du code de l'éducation. Cette précision a donc un caractère répétitif, et même incantatoire.

L'invocation réglementaire de l'égalité est assimilable à ces génuflexions que certains bigots font à répétition dans les édifices du culte...

M. Michel Dreyfus-Schmidt. « Mettez-vous à genoux [...] et bientôt vous croirez ! »

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Nous sommes tous pour l'égalité, le principe est posé...

Mme Hélène Luc. Il faut le respecter !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. ... et il nous paraît inutile de faire une génuflexion chaque fois que nous passons devant !

M. Pierre Fauchon. Monsieur le ministre, n'oubliez pas l'Introduction à la vie dévote. Nous allons vous en offrir un exemplaire ! (Sourires.)

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 162, qui a le grand avantage de supprimer l'adverbe « notamment ».

Le Gouvernement est, en revanche, défavorable à l'amendement n° 1026, qui induit une espèce de nationalisation. De l'Etat relève, évidemment, la mission de définir les formations, mais pas les voies de formation !

M. Claude Domeizel. C'est ce que nous proposons !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Ce serait d'une grande rigidité !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est pour cela qu'on veut supprimer le mot « voies » !

M. Jean-Pierre Sueur. Vous soutenez l'amendement, monsieur le ministre ! Merci de votre appui !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Si vous le supprimez, cela devient un monopole ! Nous ne voulons pas que les voies de formation soient un monopole !

Mme Hélène Luc. C'est clair, vous voulez supprimer le service public de l'éducation nationale !

M. Jean-Pierre Sueur. Vous venez de dire le contraire : vous vous rattrapez aux branches !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Si je me suis mal exprimé tout à l'heure, monsieur Sueur, j'espère avoir été clair cette fois-ci !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Vous étiez bien plus clair la première fois !

M. Jean-Pierre Sueur. Et plus en accord avec vous-même ! (Sourires.)

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 1027, comme il l'est à l'amendement n° 752 - il s'agit d'empêcher le transfert des TOS - et à l'amendement n° 751. L'Etat, évidemment, ne peut embaucher que les personnels qui relèvent de sa responsabilité.

L'amendement n° 1028 est aussi une génuflexion devant le dieu égalité et le Gouvernement y est donc défavorable.

M. Pierre Fauchon. C'est un chemin de croix !(Sourires.)

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Le Gouvernement est également défavorable à l'amendement n° 753, car il porte atteinte, par la suppression qu'il induit, au principe même de la décentralisation.

Le Gouvernement est hostile à l'amendement n° 754, car l'Etat ne doit naturellement pas avoir le monopole des outils et des méthodes pédagogiques ; il s'agit là aussi d'une forme de nationalisation.

L'amendement n° 1029, qui est encore une incantation au dieu égalité, est un amendement de cohérence avec l'amendement n° 1028 et, par cohérence, le Gouvernement y est également défavorable.

Enfin, l'amendement n° 307 apporte une précision utile. Le Gouvernement y est donc favorable.

M. le président. La parole est à Mme Hélène Luc, pour explication de vote sur l'amendement n° 750.

Mme Hélène Luc. Nous avons tous à l'esprit le souvenir des luttes d'une intensité extraordinaire menées par les personnels enseignants et non enseignants, au printemps dernier. Les raisons de ce mouvement étaient profondes ; il reflétait l'opposition des personnels à la volonté du Gouvernement de démanteler le service public de l'éducation nationale, seul garant de l'égalité de traitement pour les élèves, les étudiants et les familles sur l'ensemble du territoire.

Il s'agit bien sûr de la suite logique de la modification de la Constitution visant à prévoir que l'organisation de la France est décentralisée. Pourtant, le Conseil d'Etat avait démontré que cette modification était inutile, car l'ajout était d'ordre réglementaire. La preuve en est que la loi de décentralisation de Gaston Defferre, qui était de grande ampleur, a pu être adoptée sans qu'il soit besoin de changer la Constitution.

Le 10 juin 2003 fut une grande journée de lutte. Des engagements avaient été pris par le Gouvernement, notamment sur le non-transfert de la médecine scolaire aux collectivités territoriales ; or on va nous présenter un amendement tendant à transférer cette compétence aux départements !

Par ailleurs, le Gouvernement avait pris l'engagement de mener une véritable concertation. Elle n'a pas eu lieu, pourtant l'opposition aux transferts de personnels de l'éducation nationale demeure la même. Quel est votre objectif, monsieur le ministre ? Cherchez-vous à désespérer les enseignants et les autres personnels de l'éducation nationale, qui font déjà un métier si difficile ?

Je m'étonne d'ailleurs et je déplore que le ministre de l'éducation nationale ne soit pas présent parmi nous aujourd'hui pour discuter de ces questions, alors qu'un grand débat est censé s'être engagé.

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Ce n'est pas gentil pour moi !

Mme Hélène Luc. J'allais précisément ajouter, monsieur le ministre, que ma remarque n'a absolument rien de désobligeant pour vous. J'affirme simplement que le ministre de l'éducation nationale aurait dû venir aujourd'hui échanger avec les membres de la Haute Assemblée. (Mme Marie-Claude Beaudeau applaudit.)

Les personnels exerçant des fonctions liées à l'accueil, à la restauration et à l'hébergement, ceux qui sont chargés de l'entretien général et technique des établissements demeurent, quant à eux, les victimes de cette décentralisation.

La lutte menée par les personnels de l'éducation nationale n'est pas une lutte corporatiste, bien au contraire ! Elle soulève des questions politiques fondamentales pour l'avenir de notre société. Le mouvement de grève observé dans l'éducation nationale a bien montré l'importance du rôle joué par les personnels non enseignants auprès des élèves. Ces personnels sont indispensables pour permettre aux élèves d'évoluer dans un environnement social favorable, donc pour assurer une bonne qualité de service. La République française s'est notamment construite autour de son école. C'est l'école publique qui a permis d'asseoir la légitimité de la République dans le pays.

Le transfert de compétences proposé, qui n'offre pas la moindre garantie quant au maintien du caractère public des missions assumées aujourd'hui par les personnels TOS - nous y reviendrons -, ouvre la voie à l'accélération du transfert de celles-ci à des entreprises privées spécialisées. Les exemples de délégation du service public de restauration scolaire sont l'illustration de mon affirmation !

En outre, ce transfert de compétences sera fatal au principe d'égalité devant le service public. L'ampleur des inégalités régionales qui sont constatées aujourd'hui et que démontrent les statistiques donne un aperçu des disparités qui pourront exister entre les établissements, dans quelques années, si cette décentralisation-là, qui n'en est pas une mais qui constitue en fait un défaussement de l'Etat sur les collectivités territoriales, voit le jour.

Votre projet, dit de décentralisation, dessine un véritable projet de société, monsieur le ministre. Au côté des personnels enseignants et non enseignants, nous y restons absolument opposés. Il s'inscrit dans la perspective de la constitution d'une Europe fédérale soumise aux dogmes libéraux du traité de Maastricht. (M. le ministre délégué proteste.)

Mais si, monsieur le ministre, cela fait partie d'un tout ! Nous ne pouvons pas toujours nous répéter, mais, à Versailles, à l'occasion de la révision de la Constitution, nous avons souligné que ce projet relèvait de la construction d'une Europe libérale.

Pour toutes ces raisons, monsieur le président, le groupe communiste républicain et citoyen demande qu'il soit statué sur l'amendement n° 750 par un scrutin public.

Mme Marie-Claude Beaudeau. Très bien !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 750.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)


M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 65 :

Nombre de votants228
Nombre de suffrages exprimés228
Majorité absolue des suffrages115
Pour23
Contre205

Le Sénat n'a pas adopté.

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote sur l'amendement n° 1035.

M. Jean-Pierre Sueur. Que l'on me permette tout d'abord de m'associer au regret exprimé par Mme Luc. Il serait bon que, sur un tel sujet, le ministre de l'éducation nationale puisse venir au banc du Gouvernement exposer son point de vue.

M. Roger Karoutchi. Le Gouvernement est un !

M. Jean-Pierre Sueur. Certes, monsieur Karoutchi, vous avez raison : le Gouvernement dans un ensemble est représenté...

M. Roger Karoutchi. Très bien représenté !

M. Jean-Pierre Sueur. ... par M. le ministre délégué aux libertés locales, avec lequel nous sommes, bien entendu, tout à fait heureux de dialoguer. Cependant, il n'aura sans doute échappé à personne que, au sein de nos groupes respectifs, une pluralité d'orateurs s'expriment sur les différents sujets ; nous ne voudrions pas que M. Devedjian s'epuisât à représenter l'ensemble du Gouvernement à lui seul ! (Sourires.)

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Alors épargnez-moi !

M. Jean-Pierre Sueur. Nous connaissons toute l'étendue de ses qualités, mais nous pensons que le débat ne pourrait que s'enrichir encore si M. Ferry ou M. Darcos étaient présents.

En ce qui concerne l'amendement n° 1035, j'ai été très étonné par la réponse faite par M. le rapporteur et M. le ministre à M. Lagauche.

En effet, ce dernier propose d'insérer la phrase suivante, d'une portée essentielle, dans le code de l'éducation : « L'organisation de l'enseignement public gratuit et laïc à tous les degrés est un devoir de l'Etat. » On lui a objecté que cet ajout était superflu, parce que cette phrase figure déjà dans le code de l'éducation. Or, à supposer que cet argument soit pertinent, permettez-moi de dire, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, qu'il vaut pour la grande majorité des phrases du présent article !

Ainsi, le code de l'éducation prévoit déjà que l'éducation est un service public national, que les programmes, la définition des formations, l'organisation et le contenu des enseignements relèvent de l'Etat, de même que la définition et la délivrance des diplômes nationaux et la collation des grades et titres universitaires. Il est déjà inscrit, enfin, dans le code de l'éducation que le recrutement et la gestion des personnels ressortissent à la compétence de l'Etat.

Pour notre part, à tort ou à raison, nous avons compris cet article, dont le Gouvernement a d'ailleurs débattu avec les responsables des organisations syndicales, comme un texte d'affichage visant à affirmer, au moment où l'on aborde ce sujet important de l'éducation, de la formation et de l'enseignement, des principes majeurs engageant la responsabilité de l'Etat. Si tel était bien votre objectif, monsieur le ministre - et nous pensons qu'il en est bien ainsi -, pourquoi refuser d'inscrire dans le texte cette phrase très importante, présentée par M. Lagauche, qui fait référence à ces principes essentiels, qui ont été et qui restent des principes fondateurs de la République, de gratuité et de laïcité de l'enseignement ? En effet, si cette phrase est redondante, tout est redondant, et donc l'argument tombe. Sinon, je ne vois vraiment pas pourquoi vous n'acceptez pas cette référence à la laïcité.

En ce qui nous concerne, nous y tenons beaucoup. Nous demanderons donc qu'il soit statué par scrutin public sur cet amendement, compte tenu de l'importance que revêtent pour nous les notions de laïcité et de gratuité de l'enseignement. La meilleure manière de régler la question serait toutefois que vous acceptiez, monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, notre suggestion, car je pense vous avoir démontré que l'argument de la redondance ne tient pas et qu'il convient donc de faire référence aux deux principes essentiels que j'ai évoqués.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Je voudrais faire à M. Sueur la réponse suivante, qu'il connaît d'ailleurs déjà, même s'il fait semblant de ne pas comprendre...

Cet article est effectivement le fruit de la concertation que nous avons menée avec les représentants des personnels de l'éducation nationale. Certes, son texte comporte, j'en conviens, des redondances, mais comme un accord a été passé à son sujet avec les représentants des personnels, le Gouvernement s'y tiendra.

M. Claude Domeizel. A quoi servons-nous, alors ?

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Le Sénat fait ce qu'il veut ! Le Gouvernement exprime son opinion, mais vous agissez comme vous l'entendez ! Le Parlement est libre, mais le Gouvernement s'en tient au texte sur lequel il s'est engagé auprès des représentants des personnels, même s'il a un caractère redondant.

Au-delà, on peut certes vouloir accentuer encore cette redondance, mais alors où s'arrêtera-t-on ? Le Gouvernement a en effet accepté un certain degré de redondance, monsieur Sueur, mais il l'a fait dans le cadre d'un engagement moral qu'il a pris et auquel il entend rester fidèle.

Par conséquent, le Gouvernement refuse pour sa part toute modification du texte.

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Prenant en considération les explications que vient de nous fournir M. le ministre délégué, nous nous étonnons que le Gouvernement soit favorable, si nous avons bien compris, à l'amendement de la commission des lois ou à celui de la commission des affaires culturelles, qui tendent pourtant à compléter le texte qui aurait fait l'objet, paraît-il, d'un accord avec les syndicats représentatifs des personnels de l'éducation nationale.

Cela étant, j'estime pour ma part que la proposition présentée par le biais de l'amendement n° 1035 est beaucoup plus qu'une redondance, et je suis bien convaincu qu'aucun syndicat de personnels de l'enseignement public ne reprocherait au Sénat d'adopter une telle rédaction. (M. le ministre délégué proteste.)

En effet, aux termes de la rédaction actuelle de l'article 60, « l'éducation est un service public national, dont l'organisation et le fonctionnement sont assurés par l'Etat ». Il ne s'agit pas seulement ici de l'enseignement public ! C'est l'ensemble du service public national de l'éducation qui est visé, y compris les écoles privées. Or il n'est pas vrai que l'organisation et le fonctionnement de celles-ci sont assurés par l'Etat ! Nous proposons donc de préciser que « l'organisation de l'enseignement public gratuit et laïc à tous les degrés est un devoir de l'Etat ».

Par conséquent, l'amendement qu'a présenté notre collègue et ami Serge Lagauche va beaucoup plus loin, à mon sens, que ce que l'on pourrait croire au premier abord.

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Raison de plus pour ne pas l'adopter !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il est bien évident qu'aucun syndicat de personnels de l'enseignement public ne saurait nous reprocher d'apporter la précision que j'ai mise en exergue, et qui est capitale. C'est pourquoi cet amendement mérite de faire l'objet d'un scrutin public.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, pour explication de vote.

M. Jean-Claude Peyronnet. A l'heure où un grand débat national s'est engagé et où l'on envisage, semble-t-il, d'élaborer une loi visant à réprimer le port de signes religieux apparents à l'école, on peut s'étonner que le Gouvernement refuse l'inscription du principe de lalaïcité à l'article 60.

Je veux bien croire qu'un accord ait été passé avec les syndicats, mais ce type d'accord résulte toujours d'un compromis. Par ailleurs, les esprits peuvent évoluer et le climat changer. Enfin, le Sénat est de toute façon parfaitement libre d'avancer des propositions telles que celle-ci.

J'ajoute, à la suite des propos de M. Dreyfus-Schmidt, qu'il incombe à l'Etat d'assurer la gratuité et la laïcité de l'enseignement public. Cela ne signifie pas que les écoles privées ne sont pas financées, mais ce financement s'inscrit actuellement dans le cadre précis de la loi Falloux. Or si l'Etat ne devait pas assurer partout un service d'éducation public et laïc, on pourrait craindre, eu égard à certaines expérimentations, que des départements ou des régions ne dérogent aux dispositions de la loi Falloux, notamment en matière d'investissements.

Ainsi, en Vendée, le pourcentage maximal d'investissements pourrait, à la demande des élus, être porté de 10 % à 40 % ou à 50 %, voire à 60 %. Ensuite, constatant que les choses fonctionnent bien - forcément ! -, il pourrait être décidé d'étendre ce dispositif à l'ensemble du territoire. Ce serait une manière de contourner une loi qui limite les interventions publiques dans ce domaine.

L'inscription de cette phrase a donc une importance majeure. C'est pourquoi je vous demande, mes chers collègues, d'adopter cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Philippe Richert, rapporteur pour avis.

M. Philippe Richert, rapporteur pour avis. Nos collègues du groupe socialiste et du groupe CRC ont beaucoup insisté sur le fait que concomitamment avec ce débat sur les libertés locales des sujets importants font l'objet d'un grand débat national sur la laïcité. Aujourd'hui, il ne nous revient pas d'aborder tous ces sujets. Notre débat se restreint purement et simplement...

Mme Hélène Luc. C'est vous qui le restreignez !

M. Philippe Richert, rapporteur pour avis. ... aux compétences que nous devons éventuellement transférer et à la nouvelle répartition des domaines d'intervention respectifs de l'Etat et des collectivités. Il me paraît donc légitime, sans remettre en cause les principes évoqués, de ne pas préciser à nouveau, dans l'ensemble des thèmes abordés, tout ce qui constitue le fondement de l'enseignement public dans notre pays et de l'enseignement en général.

C'est la raison pour laquelle, s'agissant des amendements, nous limitons nos avis à ce qui relève directement des domaines liés aux transferts de compétence et à la nouvelle répartition de responsabilité. Dès lors, il n'y a pas lieu d'examiner l'ensemble des demandes formulées, celles-ci relevant, le cas échéant, du débat qui est lancé sur le plan national.

Le refus d'inscrire une nouvelle fois la laïcité et la gratuité dans le projet de loi ne signifie pas, bien sûr, que la majorité du Sénat est opposée à ces principes. (M. le ministre délégué opine.) Il s'agit tout simplement de garder le cap par rapport au projet de loi que nous examinons aujourd'hui.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1035.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président.


M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin :

Nombre de votants319
Nombre de suffrages exprimés318
Pour114
Contre204

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante-cinq.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante-cinq, est reprise à vingt et une heures quarante-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Nous poursuivons la discussion du projet de loi relatif aux responsabilités locales.

La parole est à Mme Hélène Luc, pour un rappel au règlement.

Art. 60
Dossier législatif : projet de loi relatif aux libertés et responsabilités locales
Art. 60

Mme Hélène Luc. Nous constatons que 95 nouveaux amendements ont été retirés de la discussion par le groupe UMP.

Messieurs de la majorité sénatoriale, vous démontrez par là le peu de cas que vous faites de la discussion. Vous ne voulez pas avoir le débat de fond qui intéresse les Français ; vous fuyez la confrontation. C'est un aveu de taille qui montre dans quel mépris vous tenez la représentation nationale.

En réalité, vous savez que vous entrez dans cet hémicycle pour voter les textes du Gouvernement au lieu de vous confronter à la discussion démocratique. Votre objectif est que ce projet soit voté rapidement, avant le congrès des maires. Pourtant, les dispositions que vous allez adopter sont lourdes de conséquences pour l'avenir de la France.

Agir de la sorte témoigne d'un manque de sérieux qui ne grandit pas la représentation nationale. Ceux qui liront le compte rendu de nos travaux penseront soit que les amendements que vous aviez déposés n'avaient pas de sens, soit que vous n'aviez pas le courage de les défendre.

Rappel au règlement
Dossier législatif : projet de loi relatif aux libertés et responsabilités locales
Art. additionnel après l'art.  60

M. le président. Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus, au sein de l'article 60, aux explications de vote sur l'amendement n° 162.

La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Cet amendement, qui modifie un texte laborieusement arrêté, nous a-t-on dit, avec les syndicats d'enseignants, vient d'une phobie de l'adverbe « notamment », assez ancienne dans cette maison : je me souviens que le président Dailly faisait la chasse au « notamment », quoiqu'il lui arrivât d'estimer impossible de l'éviter.

En l'occurrence, la phobie de notre rapporteur est telle que le texte de son amendement dit la même chose que le texte du projet de loi, mais sans le dire. Ainsi, le texte du Gouvernement : « L'Etat assure notamment les missions suivantes : » serait remplacé par : « L'Etat assume, dans le cadre de ses compétences, des missions qui comprennent : ».

Ce qui est inquiétant, c'est que, quelle que soit la formule retenue, cela implique qu'il peut y avoir d'autres missions ! On aimerait savoir lesquelles. On croyait que l'énumération était exhaustive puisqu'un accord « minutieux » avait été conclu.

En tout cas, je tenais à dire à M. le rapporteur que chasser l'adverbe « notamment » pour dire très exactement la même chose, c'était vraiment nous faire perdre du temps !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 162.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote sur l'amendement n° 1026.

M. Jean-Pierre Sueur. L'amendement n° 1026 tend à supprimer le terme « voies ». Le texte de l'article L. 211-1 du code de l'éducation que propose l'article 60 relève, en effet, d'un certain jargon.

Jugez vous-mêmes, mes chers collègues :

« L'Etat assume notamment les missions suivantes : 1° La définition des voies de formation, la fixation des programmes nationaux, l'organisation et le contenu des enseignements. »

C'est vraiment un peu pâteux comme rédaction. Cette succession de termes est vraiment lourde.

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Ce sont ceux de l'éducation nationale !

M. Jean-Pierre Sueur. Vous avez peut-être négocié avec les organisations syndicales de l'éducation nationale, monsieur le ministre, et nous vous en félicitons, mais cela n'enlève rien aux pouvoirs du Gouvernement ni à ceux du Parlement.

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Je reconnais que ce n'est pas du beau droit !

M. Jean-Pierre Sueur. Le Parlement est chargé de faire la loi et nous pouvons trouver une formulation plus simple.

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Plus heureuse !

M. Jean-Pierre Sueur. Nous connaissons les voies de chemin de fer, et bien d'autres voies, mais « les voies de formation », cela fait un peu étrange.

M. Michel Charasse. Il y a les voies du Seigneur qui sont impénétrables !

M. Jean-Pierre Sueur. Les voies du Seigneur, je les laisse à M. Charasse ! (Sourires.)

Il me semble donc opportun de supprimer cette expression.

En tout cas, la meilleure défense de cet amendement n° 1026 a été faite tout à l'heure par M. le ministre, qui, dans un premier mouvement - il faut se méfier du premier mouvement, c'est souvent le bon -, l'a défendu avec fougue.

Puis, après un échange de regards avec vos collaborateurs et vos amis, monsieur le ministre, vous vous êtes repris et vous avez défendu la position officielle, mais avec tellement moins de fougue et d'enthousiasme que vous devriez finalement être beau joueur et donner un avis favorable sur cet amendement. (Sourires.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendemnent n° 1026.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote sur l'amendement n° 1027.

M. Jean-Pierre Sueur. M. Lagauche propose un effort de concision tout à fait salutaire puisque, dans le code de l'éducation, il est question des programmes. Ces programmes sont forcément nationaux puisqu'ils sont définis au niveau national par l'Etat. On n'imagine pas que l'Etat définisse des programmes locaux, cantonaux ou régionaux.

M. Michel Charasse. En Corse, peut-être !

M. Jean-Pierre Sueur. Je vois en outre une grande subtilité dans la démarche de M. Lagauche puisque, s'il était nécessaire de préciser que les programmes sont nationaux, cela présupposerait qu'il existe des programmes qui n'auraient pas ce caractère. Or, nous sommes très attachés à l'idée de programmes définis à l'échelon national, parce que c'est évidemment l'un des facteurs de l'égalité à laquelle nous sommes tous très attachés.

M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.

M. Roger Karoutchi. Monsieur Sueur, il faut savoir faire preuve de mesure.

Il existe aussi, et tout le monde le sait, des projets ou des programmes d'action éducative internes aux établissements. Il appartient, par définition, à l'Etat et au Gouvernement de définir les programmes nationaux. Cela veut dire qu'il ne leur appartient pas de définir les programmes des établissements, c'est tout.

Il faut donc arrêter de chercher des complications là où il n'y a vraiment pas malice.

Plusieurs sénateurs de l'UMP. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Certes, monsieur Karoutchi, il s'agit bien de programmes nationaux. Mais il va de soi qu'ils sont nationaux puisque l'éducation est un service public national, dont l'organisation et le fonctionnement sont assurés par l'Etat. Il n'est donc pas nécessaire de préciser « nationaux ». Notre amendement est tout à fait opportun.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1027.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 752.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 751.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote sur l'amendement n° 1028.

M. Jean-Pierre Sueur. Nous avons constamment insisté, lors de la discussion de la loi portant révision constitutionnelle, lors du débat sur l'expérimentation ou à l'occasion du présent texte, sur la nécessité de concilier l'objectif de décentralisation et le principe d'égalité.

Pour nous, la décentralisation ne doit pas aboutir à une République éclatée, en miettes, à une République des inégalités, des disparités. Bien entendu, il ne s'agit pas non plus de mettre en oeuvre une République de l'uniformité.

M. Jean Chérioux. Ah !

M. Jean-Pierre Sueur. Soyons très clairs, il faut que la diversité, qui est nécessaire, ne s'oppose pas au principe d'égalité. Au reste, cette discussion renvoie à des débats que nous avons déjà eus sur la péréquation, les transferts de charges, bref, sur tout le dispositif financier.

L'Etat doit assumer, dans ses missions, le contrôle et l'évaluation des politiques éducatives en vue d'assurer la cohérence d'ensemble du système éducatif, dans cet objectif d'égalité. A défaut, nous risquerions d'aboutir à une forme de décentralisation qui ne respecterait pas ce principe. Il nous paraîtrait donc salutaire que, à échéances régulières, on évalue la portée des moyens affectés afin d'éviter de créer des disparités qui seraient insupportables.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo, pour explication de vote.

Mme Nicole Borvo. Je soutiens cet amendement sans réserve et je ne comprendrais pas que nos collègues ne le votent pas. N'ont-ils pas maintes fois expliqué qu'ils étaient certes pour la décentralisation, mais que celle-ci devait s'opérer dans le respect des principes de la République, de l'unité nationale, etc. ?

Tout à l'heure, monsieur Karoutchi, j'ai vu que vous souffliez de désespoir parce que nos collègues voulaient préciser qu'il s'agissait des programmes nationaux. Mais ce souci de précision est bien compréhensible quand on s'aperçoit que le « ministère de l'éducation nationale » n'est plus que le « ministère de l'éducation » tout court. Il y a tout de même de quoi se poser des questions, au vu des textes que, justement, chers collègues, vous êtes en train de voter. Il me paraît donc indispensable de préciser que le ministère de l'éducation nationale fait respecter le principe d'égalité.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1028.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)


M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 67 :

Nombre de votants319
Nombre de suffrages exprimés318
Majorité absolue des suffrages160
Contre205

Je mets aux voix l'amendement n° 753.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.

Il va être procédé au scutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin à lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)


M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 68 :

Nombre de votants235
Nombre de suffrages exprimés234
Majorité absolue des suffrages118
Pour30
Contre204

Je mets aux voix l'amendement n° 754.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote sur l'amendement n° 1029.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je souhaite rectifier cet amendement, monsieur le président.

En effet, M. le rapporteur nous a expliqué qu'il comportait un « notamment », adverbe dont la commission proscrit l'usage dans un texte de loi et que, en conséquence, elle demandait le rejet de cet amendement.

Il s'agirait d'ajouter, à la fin de la première phrase du texte proposé pour le dernier alinéa de l'article L. 211-1 du code de l'éducation, les mots : « , sur l'égalité des chances entre élèves ».

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Ça change tout ! (Sourires.)

M. Jean-Jacques Hyest. Ce n'est pas une rectification, c'est un autre amendement ! (Nouveaux sourires.)

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je vous remercie, monsieur le « président » Hyest, de votre opinion, mais elle ne m'arrête pas !

Outre qu'il fallait chasser le « notamment », M. le rapporteur nous a dit que les mots qui étaient proposés - « notamment au regard de l'application du principe de l'égalité » - étaient compris dans la qualité du service rendu aux usagers. Ce n'est pas du tout certain, mais ce qui compte, en effet, c'est l'égalité des chances entre élèves.

Voyez-vous, monsieur le ministre, je n'ai pas l'habitude de faire des génuflexions. Mais je suis un peu étonné de votre irritation devant le mot « égalité ». C'est sans doute un réflexe que vous avez pris dans votre jeunesse ! (Protestations sur les travées de l'UMP.)

M. Jean Chérioux. Toujours les procès !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Ça, c'est très vilain !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ça dit bien ce que ça veut dire !

M. Jean Chérioux. Ce n'est pas digne de vous !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. C'est bas !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ça n'a rien de bas !

Cela étant, l'égalité des chances entre élèves est quelque chose d'extrêmement important.

M. Jean Chérioux. Vous ne nous apprenez rien !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. La gauche a mis en place les zones d'éducation prioritaires, et chacun sait bien que les chances ne sont pas égales pour les enfants suivant que leurs parents peuvent ou non les aider dans leur scolarité.

Pour nous, l'égalité des chances, c'est la véritable égalité. C'est pourquoi nous vous demandons d'adopter notre amendement ainsi rectifié.

M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 1029 rectifié, qui est ainsi libellé :

« Dans la première phrase du texte proposé par cet article pour le dernier alinéa de l'article L. 211-1 du code de l'éducation, après le mot "éducatif", insérer les mots : ", sur l'égalité des chances entre élèves". »

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. La commission est embarrassée, n'ayant pas pu statuer sur ce qui est en fait, comme l'a dit un de nos collègues, un nouvel amendement. Je m'interroge même sur la recevabilité d'une modification aussi substantielle, dans la mesure où il est fait référence à une autre notion.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. L'égalité, c'est l'égalité !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Il fallait lire Aristote dans votre jeunesse !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Cela m'est arrivé !

M. Jean Chérioux. C'est le président qui décide !

M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Il me semble que la préoccupation de M. Dreyfus-Schmidt est déjà satisfaite par l'article L. 111-1 du code de l'éducation, qui dispose en son début : « L'éducation est la première priorité nationale. Le service public de l'éducation est conçu et organisé en fonction des élèves et des étudiants. Il contribue à l'égalité des chances. »

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je demande la parole.

M. le président. Monsieur Dreyfus-Schmidt, je ne peux plus vous donner la parole.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je veux simplement dire qu'il s'agit du rapport !

M. le président. Monsieur Dreyfus-Schmidt, je vous en prie, j'ai déjà accepté votre rectification qui n'en est pas vraiment une !

M. Jean Chérioux. Ce n'est pas une rectification !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1029 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 307.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 60, modifié.

(L'article 60 est adopté.)