PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET

M. le président. La séance est reprise.

Nous en sommes parvenus au vote sur l'amendement n° I-102 rectifié.

La parole est à M. Claude Belot.

M. Claude Belot. Je suppose que M. le ministre a pu réfléchir sur la façon dont il compte régler les problèmes qui ont été posés, et je suis prêt à l'entendre.

Qu'il soit bien clair que nous n'avons pas été guidés par la volonté d'augmenter les prélèvements obligatoires et l'impôt, même s'il s'agit ici d'un impôt très particulier. Si Alain Lambert est en mesure de nous rassurer sur l'avenir de la ressource dont nous discutons, cet amendement n'aura plus de raison d'être.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Alain Lambert, ministre délégué. Je l'ai dit, il n'y a pas de désaccord entre nous sur les objectifs : ceux qu'a cités M. Belot sont de grands objectifs pour la France.

Ce sont les moyens qui ont été discutés. Claude Belot suggère de relever la redevance, alors que le ministre du budget propose d'en améliorer le rendement.

Tout doit être fait pour améliorer le rendement de la redevance. Après le débat sur les collectivités locales qui va nous occuper dans quelques instants - il est vrai que cette interruption ne facilite pas la compréhension de nos travaux -, nous examinerons un amendement, déposé par le Gouvernement, qui vise à accroître le rendement de la redevance. Car ce qui importe pour ceux qui ont dans leurs attributions et dans leurs responsabilités l'audiovisuel public, c'est de disposer du rendement dont ils ont besoin pour atteindre leurs objectifs.

Monsieur Belot, je souhaite donc le retrait de cet amendement, qui, si il était maintenu, créerait l'impression d'un désaccord entre nous sur les objectifs. Pour ma part, je vous assure que c'est sur les moyens et sur le rendement de la redevance qu'il faut travailler plutôt que sur le relèvement de son montant.

Tels sont les éléments que je souhaitais vous apporter, car ils sont de nature à lever toute ambiguïté sur les objectifs visés.

M. le président. Monsieur Belot, l'amendement n° I-102 rectifié est-il maintenu ?

M. Claude Belot. La déclaration de M. le ministre étant très claire, nous retirons cet amendement, en espérant constater l'augmentation du produit de la redevance.

M. le président. L'amendement n° I-102 rectifié est retiré.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre le cours normal de l'examen des articles de la première partie du projet de loi de finances pour 2004 pour aborder, comme il en a été décidé en conférence des présidents, le débat sur les recettes des collectivités locales.

Débat sur les recettes des collectivités locales

 
 
 

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi de finances vise à proposer une réforme d'envergure des concours financiers de l'Etat aux collectivités territoriales. Je ne la décrirai que brièvement, laissant au rapporteur général le soin d'entrer davantage dans le détail.

Je dirai seulement que cette réforme obéit à une double logique, conforme à ce que préconise la commission des finances depuis plusieurs années : d'une part, la fusion de dotations ayant un objet sinon commun, du moins voisin, et leur intégration au sein de la dotation globale de fonctionnement, la DGF, qui serait portée d'un peu moins de 19 milliards d'euros en 2003 à près de 37 milliards d'euros dans le projet de loi de finances ; d'autre part, le recours accru à la technique des prélèvements sur recettes, qui passeraient des deux tiers aux trois quarts de l'effort financier de l'Etat en faveur des collectivités territoriales.

La commission des finances du Sénat se félicite de cette double évolution, qui permettra une plus grande lisibilité des concours financiers de l'Etat en faveur des collectivités territoriales.

Je soulignerai trois points : d'abord, la nécessité d'améliorer l'information du Parlement sur les finances locales et de doter le Sénat de moyens renforcés d'expertise autonome ; ensuite, la nécessité, en ce qui concerne les transferts de compétences, de ce que l'on pourrait appeler, monsieur le ministre, une « clause de revoyure » ; enfin, les incertitudes quant aux futurs transferts de fiscalité qui compenseraient les transferts de compétences.

J'évoquerai d'abord le manque d'information du Parlement.

Notre assemblée, qui, selon les termes de l'article 24 de la Constitution, « assure la représentation des collectivités territoriales de la République », porte naturellement un intérêt particulier aux collectivités territoriales. Tel est notamment le cas de sa commission des finances, qui a récemment adopté un rapport d'information sur les perspectives d'évolution de la fiscalité locale.

Pourtant, notre commission des finances a déploré à de nombreuses reprises les difficultés rencontrées par le Sénat pour obtenir des données, notamment financières et fiscales, relatives à ces collectivités. Ce constat a été exprimé, en particulier, par notre collègue Yves Fréville, rapporteur spécial des crédits des charges communes, lors de la présentation de sa communication sur les dégrèvements d'impôts locaux devant la commission des finances, le 15 octobre dernier.

Compte tenu de ce constat, j'ai proposé, lors de l'audition par la commission des finances, le 22 octobre dernier, de notre collègue Jean François-Poncet, président du groupe de travail sur la péréquation interdépartementale, que le Sénat se constitue une base de données relative aux finances locales.

M. Jacques Oudin. Très bien !

M. Jacques Peyrat. C'est une bonne chose !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. En effet, il n'est pas satisfaisant, il n'est pas convenable, mes chers collègues, de devoir aller « à la pêche » aux informations auprès de Bercy, de la direction générale des collectivités locales, la DGCL, ou d'autres organismes.

Le Sénat, monsieur le président, doit être le lieu où sera hébergée cette base de données incontestable, objective, qui sera la base de référence sur laquelle nous prendrons appui pour conduire nos travaux.

M. le président. Je soutiens votre démarche !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Merci, monsieur le président !

C'est pour affirmer cette volonté que, sur l'initiative de la commission des finances, notre assemblée a supprimé l'article 92 du projet de loi relatif aux responsabilités locales, qui prévoyait la mise en place d'un conseil national des politiques publiques locales.

Il s'agit là d'un appel à réfléchir sur la manière de permettre au Sénat de devenir un pôle d'information essentiel au sujet des finances locales et d'assurer la transparence des données, afin de lui permettre d'exercer pleinement son rôle de proposition dans une matière où les outils statistiques sont indispensables.

M. Jacques Peyrat. Très bien !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Peut-être la transparence facilitera-t-elle l'enclenchement de certaines réformes nécessaires !

Je voudrais maintenant évoquer la « clause de revoyure », deuxième point sur lequel je souhaite insister.

En effet, le droit prévoit que les transferts de compétences sont compensés en fonction des sommes dépensées par l'Etat l'année précédant le transfert. Cependant, il arrive que des mesures législatives ou réglementaires entraînent, une fois le transfert effectué, une augmentation des dépenses pour laquelle il n'a pas toujours été prévu de compensation.

Certes, pour ce qui est des conséquences de la réforme de l'allocation de solidarité spécifique, l'ASS, dont nous aurons l'occasion de reparler en examinant les amendements déposés sur les articles concernant les collectivités locales, le ministre de l'intérieur a indiqué, à propos du coût du RMI, le 28 octobre dernier, devant le Sénat : « La seule chose qui soit incontestable, c'est qu'il y aura un effet, et que celui-ci devra être compensé. » Cet engagement a été confirmé par le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, lors de son audition devant notre commission des finances, le 12 novembre dernier.

Pour ce qui est du RMI, la commission des finances a adopté, à l'article 40 du projet de loi de finances, un amendement prévoyant la prise en compte exacte du coût de la réforme de l'ASS dès qu'il sera connu. Il importe néanmoins de veiller à ce que, au fil des mois, l'Etat verse bien ce qui est dû aux conseils généraux et que les sommes qu'ils auront avancées soient remboursées sans délai.

Cependant, le cas du RMI n'est pas unique, et l'on peut se demander si le mode de compensation actuellement prévu sera suffisant. Ne pourrait-on pas, par exemple, instaurer ce que l'on pourrait appeler une « clause de revoyure » afin d'inscrire les ajustements nécessaires dans une loi de finances rectificative avant la fin de l'année 2004 ?

Enfin, je m'interroge sur les futurs transferts de fiscalité prévus à l'« acte II » de la décentralisation.

Les transferts fiscaux ne seront pleinement bénéfiques que si les collectivités territoriales se voient reconnaître le pouvoir d'en moduler le taux. Faute d'une telle possibilité, la fiscalité transférée ne différerait guère d'une dotation indexée sur la croissance du PIB ou sur la progression des prix. On se trouverait alors dans une situation analogue à celle de l'Allemagne, où les Länder tirent l'essentiel de leurs recettes fiscales du partage d'impôts nationaux avec le gouvernement fédéral, sans aucune marge de manoeuvre sur les taux.

Or si le ministre de l'intérieur a indiqué, le 28 octobre dernier, que les régions pourraient moduler le taux de la taxe intérieure sur les produits pétroliers, le projet de loi de finances ne prévoit pas que les départements puissent faire de même : nous n'avions pas le choix, les règles communautaires interdisant, semble-t-il, une telle modulation.

Le Premier ministre a proposé que les nouvelles compétences des départements soient en partie financées par des impôts modulables par le conseil général. Il a suggéré à cette fin le transfert aux départements de la taxe sur les conventions d'assurance, assorti d'une marge de liberté sur les taux. Le 28 octobre dernier, le ministre de l'intérieur a précisé ce projet devant notre assemblée et chiffré les recettes correspondantes à 4 milliards d'euros.

D'autres transferts ont pu être envisagés, comme ceux de la fiscalité directe régionale ou d'une partie de la CSG.

Faute de nouvelles ressources fiscales dont ils pourraient moduler le taux, les départements pourraient n'avoir d'autre choix que d'augmenter les taux des taxes foncières et des taxes d'habitation, alors même que le caractère profondément injuste et obsolète de ces impôts a été maintes fois souligné.

Capacité de modulation offerte aux conseils régionaux et aux conseils généraux, sans doute suffisamment encadrée pour éviter des opérations de délocalisation d'assiette comme on a pu en connaître à propos de la vignette automobile : monsieur le ministre, le chantier qui nous attend est gigantesque. Il y a urgence à exprimer une vision aussi globale que possible de l'architecture.

La loi d'orientation fiscale que nous appelons de nos voeux depuis le récent débat sur les prélèvements obligatoires devra, à l'évidence, contenir un large volet consacré à la fiscalité des collectivités territoriales. Monsieur le ministre, vous pouvez compter sur le Sénat et sur sa commission des finances pour vous aider à mener à bien ce chantier. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, année après année, on le sait, les collectivités territoriales contribuent positivement au solde des administrations publiques. En cette journée où se tient à Bruxelles une réunion relative à la gouvernance de nos finances publiques et aux règles du jeu européennes, il est bon de rappeler que les collectivités territoriales font tout leur possible pour que la France ne fasse pas trop mauvaise figure.

Revenons brièvement sur la législation des années passées. A la vérité, le bilan de la précédente législature est très lourd et très ingrat pour les collectivités territoriales.

D'un côté, les dépenses obligatoires ont été multipliées et alourdies. Nous les connaissons bien : elles s'appellent notamment, pour les départements, « APA », allocation personnalisée d'autonomie, ou « SDIS », service départemental d'incendie et de secours ; mais bien d'autres charges ont été majorées, explicitement ou insidieusement, pendant cette période.

D'un autre côté, vous le savez, des ressources fiscales significatives ont été supprimées, des assiettes d'impôts locaux ont été écornées, voire remplacées par des compensations budgétaires dont l'évolution n'est jamais, sur la longue période, en relation suffisamment précise avec celle des charges des collectivités concernées. Tout cela a abouti à une situation très difficile à gérer.

La politique menée de 1997 à 2002 a été une politique de réduction du pouvoir fiscal des collectivités territoriales, et elle peut s'interpréter comme l'expression de la volonté de contrôler l'évolution des ressources locales pour peser indirectement sur l'évolution des dépenses : c'était la « recentralisation », que nombre d'entre nous ont critiquée durant toute cette période.

Bien entendu, quelles que soient nos tendances respectives, lorsque nous sommes en charge des pouvoirs locaux, nous refusons la mise sous tutelle de nos recettes, moyen détourné de revenir à la tutelle de l'Etat qui, autrefois, s'appliquait à nos actes et à nos dépenses.

Nous devons à présent franchir la période de transition qui nous permettra de passer de l'acte I de la décentralisation, que nous vivons depuis une vingtaine d'années, à l'acte II, que structurent les nouveaux textes, en particulier le projet de loi sur les responsabilités locales, qui a été examiné tout récemment dans cet hémicycle.

Les finances locales, ce n'est pas ici qu'il est nécessaire de le rappeler, sont une matière incroyablement complexe. Et si la complexité est telle, mes chers collègues, sans doute en portons-nous collectivement la responsabilité ! Il y a toujours des contraires à concilier : le principe d'autonomie et le principe de péréquation, la liberté de gestion et la solidarité. La complexité qui caractérise, en particulier, le système des dotations, qui va être réformé, n'est que l'expression de ces contraires et de la gestion toujours difficile, délicate, hasardeuse, qui conduit à les conjuguer et à trouver des points d'équilibre raisonnables.

Comme vous nous y engagez, monsieur le ministre, nous allons procéder à la suppression de cette complexité en passant par deux étapes qui nous mèneront non pas vraiment, si j'ose dire, à la simplicité biblique, mais en tout cas à une plus grande lisibilité, à une plus grande clarté. Il faut s'en réjouir.

L'année 2004 sera l'étape de l'architecture : les colonnes, le fronton, les corniches vont être redéfinis. Puis viendra la réforme, sans doute la plus délicate, mais ô combien nécessaire, de la répartition des dotations de l'Etat aux collectivités territoriales. Il faudra porter notre regard sur les critères qui devront présider à cette répartition, en d'autres termes préciser le contenu de cette réalisation dont les murs, les piliers, les frontons vont être dessinés dès cette année.

Le projet de loi de finances procède à une réforme qui vise à regrouper de nombreuses dotations au sein de la DGF et, en même temps, à accroître le montant de l'enveloppe normée du contrat de croissance et de solidarité. Ce contrat retrouve ainsi un sens nouveau.

Mes chers collègues, personne ne regrettera la suppression, au titre de la simplification, du fonds national de péréquation de la taxe professionnelle, dont la nature était de plus en plus composite et dont le contenu était de moins en moins fidèle à l'intitulé.

Ce n'est qu'un exemple parmi bien d'autres. Nous approuverons très certainement le regroupement de plusieurs dotations dans la dotation globale de fonctionnement, ce qui permettra de dégager des sommes pour la péréquation afin de répondre à la nouvelle norme de l'article 72-2 de la Constitution.

Certes, en 2004, les dotations de péréquation ne connaîtront pas d'augmentation significative, et vous serez questionné à ce sujet, monsieur le ministre. Toutefois, au cours des prochaines années, la nouvelle architecture devrait permettre une augmentation significative des sommes consacrées à la péréquation.

Il faut reconnaître, mes chers collègues, que l'organisation proposée conduit à faire peser plus lourdement sur la dotation de compensation de la taxe professionnelle l'ajustement du contrat de croissance et de solidarité et de son enveloppe normée.

Cette situation créera des problèmes croissants, car la dotation a déjà été réduite de moitié en neuf ans et finira, au rythme actuel, par s'assécher. Cela rend d'autant plus nécessaire le réexamen prochain des modalités de fonctionnement de l'enveloppe normée du contrat de croissance et de solidarité.

Il faudra bien, monsieur le ministre, dès que ce sera possible, déboucher sur un nouvel engagement pluriannuel de l'Etat envers les collectivités territoriales.

Mes chers collègues, les conditions dans lesquelles, ces dernières années, certaines suppressions totales ou partielles d'impôts locaux ont été compensées par des dotations budgétaires ont non seulement réduit l'autonomie réelle de nos collectivités, mais ont aussi considérablement rigidifié le budget de l'Etat. Cette évolution, qui porte aujourd'hui sur plus de 10 milliards d'euros de dépenses obligatoires, incompressibles et indexées, n'est pas pour rien dans la faiblesse des marges de manoeuvre que nous déplorerons tout au long de cette discussion budgétaire.

Ce projet de loi de finances marque, à la vérité, une première étape dans la transformation de ces concours et de ces compensations. En quelque sorte, c'est l'étape de l'« activation », si vous me passez ce jargon, des concours passifs.

Ainsi, en intégrant la compensation de la part salaires de la taxe professionnelle à la DGF, on se donne la possibilité d'agir sur la répartition entre collectivités de sommes considérables.

L'« activation » permet de dégager des ressources pour la péréquation à condition de procéder dans la continuité. Mais, avant de s'engager plus avant dans cette voie, il me paraît utile, mes chers collègues, de mettre à profit le début de l'année 2004, en attendant que le Gouvernement dépose le projet de loi modifiant les critères de répartition des dotations, pour faire le point sur les masses financières qui peuvent relever de la logique de péréquation et sur ce qui doit relever de la logique de compensation stricte.

Avant de conclure, permettez-moi de revenir un instant sur les conséquences de la réforme de la taxe professionnelle engagée par le précédent gouvernement, car elles sont particulièrement significatives.

Pour les entreprises, la diminution réelle de leur imposition sera, à l'arrivée, relativement faible, beaucoup plus faible que prévu en tout cas. Elle sera de l'ordre de 2 milliards d'euros en 2004, car l'Etat a, en quelque sorte, repris d'une main ce qu'il avait donné de l'autre, par le simple jeu des dispositifs d'imposition à la taxe professionnelle, que ce soit la cotisation minimale sur la valeur ajoutée ou d'autres dispositifs fiscaux.

Pour les collectivités territoriales, la réforme a considérablement réduit leur autonomie fiscale en supprimant le sixième des bases des impôts directs qu'elles percevaient.

Enfin, pour l'Etat, le coût brut de cette opération s'est élevé à 9 milliards d'euros, mais, compte tenu des différents dispositifs fiscaux qui sont venus contrarier cet effet, le coût net est de moins de 2 milliards d'euros.

A l'avenir, mes chers collègues, et il faut s'en réjouir, une telle réforme ne sera plus possible, car elle serait inconstitutionnelle, contraire à l'article 72-2 de la Constitution, qui garantit désormais le respect de l'autonomie financière des collectivités territoriales. Ou alors, si l'on devait refaire une telle réforme, il faudrait remplacer les bases disparues par une nouvelle assiette fiscale, et nous retrouvons là la logique qui a inspiré la proposition de loi constitutionnelle de M. le président du Sénat.

Dans la lignée de la réforme de la Constitution, il faudra à l'avenir que les collectivités territoriales assument plus que par le passé la responsabilité de ce qu'elles décident, notamment pour tout ce qui touche aux impositions locales.

C'est ce que la commission des finances ne cesse de dire, mes chers collègues, et ce que nous allons être amenés à répéter pendant le débat à propos de nombreux amendements incitatifs ou interventionnistes portant sur des éléments de la fiscalité locale.

Nous répondrons invariablement, quel que soit le groupe dont émaneront ces propositions, que, pour entamer l'assiette d'un impôt local, il faut une délibération des conseils des collectivités affectataires de ces impôts et que cela doit se faire sans compensation de l'Etat.

C'est ainsi que le principe de la responsabilité locale doit s'appliquer : que chacun soit libre, mais sache que la liberté comporte autant de devoirs que de droits. Pour être libre et en être digne, il faut se donner une discipline et la suivre !

C'est dans ce sens et en vertu de tels principes, mes chers collègues, que la commission des finances soutient le processus de décentralisation engagé par le Gouvernement.

Oui, une plus grande lisibilité des relations financières entre l'Etat et les collectivités territoriales est nécessaire. Oui, il faut à ces dernières une plus grande autonomie financière. Oui, elles sont dignes d'une plus grande liberté de gestion. Oui, il leur faut endosser une plus grande responsabilité à l'égard du corps social comme à l'égard des électrices et des électeurs.

Mes chers collègues, la commission sera très attentive à l'ensemble des propos qui seront tenus au cours de ce débat et, bien entendu, à l'ensemble des amendements que vous présenterez sur les articles relatifs aux collectivités locales du projet de loi de finances pour 2004. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - M. le président de la commission des finances applaudit également.)

M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :

groupe Union pour un mouvement populaire, 41 minutes ;

groupe socialiste, 26 minutes ;

groupe de l'Union centriste, 15 minutes ;

groupe communiste républicain et citoyen, 14 minutes ;

groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 13 minutes ;

réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe, 6 minutes.

Je vous rappelle qu'en application des décisions de la conférence des présidents aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.

Par ailleurs, le temps programmé pour le Gouvernement est prévu au maximum pour trente-cinq minutes.

Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Jean-Pierre Fourcade.

M. Jean-Pierre Fourcade. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je remercie MM. Arthuis et Marini d'avoir ouvert ce débat en rappelant, d'une part, que ce projet de la loi de finances représentait le premier acte de la réforme des concours de l'Etat aux collectivités territoriales et, d'autre part, qu'un travail considérable nous attendait au cours des prochaines années pour réformer les concours de l'Etat et la fiscalité, bref, pour essayer de donner à nos collectivités territoriales l'air dont elles ont besoin pour accomplir leurs missions.

Où en sommes-nous aujourd'hui ? Trois chiffres permettront de situer le débat.

Le total des ressources propres des collectivités territoriales atteint cette année 166,5 milliards d'euros. Sur ces 166,5 milliards d'euros, 81,3 milliards proviennent de ressources fiscales, soit près de 50 %, mais, bien entendu, les régions ont beaucoup moins de ressources fiscales propres que les communes, les intercommunalités ou les départements.

Les concours de l'Etat s'élèvent à 56,8 milliards d'euros et sont cette année essentiellement distribués dans le cadre de la dotation globale de fonctionnement, dotation dont je surveille la répartition avec le comité des finances locales - dont je n'ai pas entendu prononcer le nom depuis le début de ce débat - depuis vingt-deux ans.

M. Marini l'a dit très clairement, le Gouvernement nous invite à franchir en 2004 la première étape en vue de la modification de l'architecture des concours de l'Etat.

Je m'associe aux propos de M. le rapporteur général pour remercier le Gouvernement, d'une part, parce que, en dépit de la conjoncture difficile dans laquelle il se débat avec nous tous, il a maintenu le pacte de croissance et de stabilité - et, par conséquent, l'indexation des ressources affectées aux collectivités territoriales à un taux supérieur à celui de l'évolution, hélas ! très faible, du produit intérieur brut - et, d'autre part, parce qu'il s'est engagé dans la voie d'une simplification qui n'est pas totale, certes, mais qui, à mon avis, a l'avantage de présenter deux caractéristiques.

Première caractéristique, la simplification tend à l'attribution du même type de concours, la DGF, à tous les niveaux de collectivités, régions, départements, intercommunalités, communes.

Seconde caractéristique, à l'intérieur des masses affectées à chacune de ces catégories, le comité des finances locales se voit donner la possibilité d'aller, par le jeu d'un curseur, vers un peu plus de péréquation ou un peu plus de dotations forfaitaires. Pour les communes, le curseur va de 45 % à 55 % ; pour les départements et les régions, l'écart est un peu plus élevé. Cela démontre que le nouveau dispositif constitutionnel - et je remercie encore le président du Sénat d'avoir engagé la réforme votée au début de cette année - permet bien de garantir aux collectivités territoriales une autonomie financière fortement mise à mal au cours de la précédente législature.

J'approuve donc la réorganisation de l'assiette. Comme l'ont relevé le président de la commission des finances et le rapporteur général, 37 % des 56,8 milliards d'euros de concours de l'Etat sont des prélèvements sur recettes, ce qui signifie que les concours aux collectivités territoriales sont « sanctuarisés », ce qui les préservera d'éventuelles modifications dans chaque projet de loi de finances.

Par ailleurs, je constate que la simplification concerne, dans cette réforme de l'architecture, toutes les collectivités, ce qui, je l'espère, nous permettra d'y voir un peu plus clair. En effet, j'étais, il y a quelques jours, dans le département de la Meuse pour expliquer à quelque deux cents ou trois cents maires de ce département le principe du fonctionnement de la DGF, de la DSR et de la DSU et il faut reconnaître qu'une certaine pédagogie...

M. Jean-Pierre Sueur. Une grande pédagogie !

M. Jean-Pierre Fourcade. ... est nécessaire pour expliquer les modalités de leur répartition, mais je m'oblige à le faire deux ou trois fois par an dans des départements différents de manière à garder un contact avec les maires de base, car ce sont eux que l'on interroge.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, s'agissant des problèmes auxquels nous sommes confrontés, je me contenterai de donner quelques pistes.

Nous avons engagé, avec un groupe de travail du comité des finances locales, la réforme des dotations.

Cette réforme des dotations doit être l'occasion de tirer les leçons de l'histoire. C'est en effet dans les anciennes taxes locales que se trouve l'explication des importants écarts entre les dotations forfaitaires des uns et des autres. De même, c'est l'accumulation au fil du temps des critères de péréquation qui explique qu'à l'heure actuelle plus personne ne soit capable de comprendre comment fonctionne la péréquation.

C'est la raison pour laquelle nous nous dirigeons sur la piste que nous proposerons au Gouvernement, d'ici à quelques semaines ou à quelques mois, de l'allocation à chaque collectivité d'une dotation de base, majorée en fonction de critères particuliers de péréquation.

Pour les petites communes, ce seront des critères de nature superficiaire, comme on l'avait fait pour les départements.

Pour les départements, ce sera un indice compliqué mis au point par la commission présidée par M. François-Poncet et dont M. Belot était le rapporteur.

Pour les régions, ce sera le système que l'on aurait dû mettre en place en 1995 à la suite du vote de la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire, mais que personne n'a mis en place parce que chacun répugne à instaurer des systèmes de comparaison des richesses entre collectivités territoriales.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Mais il faut le faire !

M. Jean-Pierre Fourcade. Cette réforme des dotations sera difficile à mettre en oeuvre. Nous y travaillons, et je pense que nous serons appelés à en discuter en 2004 avec le Gouvernement et avec les principales associations d'élus.

L'objectif est d'éviter de bouleverser les budgets locaux tout en mettant en place un système de péréquation plus compréhensible et plus évolutif qui permette de rétablir non pas l'égalité, mais davantage d'équité dans les distributions.

Le deuxième sujet que nous étudions est la révision des valeurs locatives qui servent de base à la fiscalité locale.

Les valeurs locatives sont anciennes. On a déjà dépensé un argent fou - et on continue, d'ailleurs - pour financer la réforme des bases, mais sans rien réformer. Cependant, comme l'administration fiscale a fait un énorme travail de révision des bases par bassin de vie,...

M. Jacques Peyrat. Elle l'a fait payer !

M. Jean-Pierre Fourcade. ... toutes les commissions locales des impôts directs voient intégrer dans les grilles de la fiscalité des ménages des éléments nouveaux qui aggravent l'inégalité, et il n'est pas rare aujourd'hui que, dans la même rue d'une même ville, des appartements de même qualité, de même nature, de même grandeur aient des valeurs locatives allant du simple au double...

M. Jacques Peyrat. Tout à fait !

M. Jean-Pierre Fourcade. ... parce que les occupants des premiers n'ont pas déménagé depuis vingt ans alors que les occupants des seconds se sont installés il y a quelques années seulement.

M. Jacques Peyrat. C'est ridicule !

M. Jean-Pierre Fourcade. On ne peut pas conserver un système et il nous faudra bien consacrer un peu d'argent à une évaluation correcte des valeurs locatives...

C'est le b.a.-ba de la réforme. A défaut, il sera impossible d'imposer les contribuables locaux à la taxe d'habitation et à la taxe foncière.

Par ailleurs, il faut profiter de cette révision pour essayer de simplifier l'absurde superposition fiscale actuelle selon les niveaux de collectivités territoriales, qui fait que le seul maire se fait réprimander quand le montant dû inscrit sur la feuille d'impôt augmente, alors que les impôts locaux sont levés par la région, par le département, par l'intercommunalité et par la commune.

A cette fin, je suggère que l'on profite de l'acte II de la décentralisation, qui se traduira par des transferts de ressources nouvelles aux régions et aux départements, provenant notamment de la taxe intérieure sur les produits pétroliers ou de la taxe sur les conventions d'assurance, pour affecter aux communautés de base et aux communes la taxe foncière et la taxe d'habitation, dont on pourrait réformer les bases en les rendant plus équitables et en évitant cette superposition de politiques fiscales qui, à l'heure actuelle, suscite beaucoup d'inconvénients et de difficultés.

Il ne s'agit cependant pas d'aller jusqu'à la spécialisation, qui est unanimement refusée car personne ne veut dépendre d'une seule ressource. On constate d'ailleurs, à l'heure actuelle, en Allemagne, que la dégradation de la conjoncture se traduit, pour les Länder, par une diminution de leurs ressources, puisqu'ils sont essentiellement financés par l'impôt sur le revenu.

Enfin, on ne saurait manquer d'évoquer ce qui peut constituer un élément important pour la « respiration » de nos collectivités territoriales, à savoir, monsieur le ministre, le retour à la liberté tarifaire. Il faut cesser de dire aux communes, aux départements, aux régions que le prix des repas dans les cantines ou dans les restaurants doit être taxé à tel ou tel taux ; il faut cesser d'élaborer une réglementation extrêmement précise et tatillonne dans tous les domaines. Eu égard au fait que la taxe d'enlèvement des ordures ménagères joue un rôle essentiel en matière de collecte des déchets et de défense de l'environnement, c'est là une demande très importante que je formule : le retour à la liberté tarifaire doit accompagner la réforme de la fiscalité locale.

Je conclurai mon propos en évoquant un point fondamental, sur lequel nous devons être très vigilants, mes chers collègues.

Toute l'organisation de l'intercommunalité a été fondée sur la taxe professionnelle unique ; or cet impôt est aujourd'hui contesté, attaqué, vilipendé. (M. Jacques Valade applaudit.)...

M. Philippe Marini, rapporteur général. Absolument !

M. Jean-Pierre Fourcade. ... par un certain nombre de personnes qui jugent depuis longtemps que c'est une taxe imbécile, bien que personne n'ait été capable de lui trouver un substitut.

Quoi qu'il en soit, dès lors que tout le mouvement de coopération intercommunale a été fondé sur la taxe professionnelle, les élus locaux éprouvent des inquiétudes légitimes quant à son devenir.

M. Jacques Peyrat. Oui !

M. Jean-Pierre Fourcade. Par conséquent, quand nous examinons des amendements tendant à réduire les bases de la taxe professionnelle, à la supprimer dans certains cas, etc., nous avons envie de crier : « Halte au feu ! » En effet, comme l'a dit très justement M. Marini, ce n'est pas à l'heure où l'on va réformer complètement l'ensemble des structures et des compétences de nos collectivités territoriales qu'il convient de remettre en question le fondement même de l'intercommunalité.

Telles sont, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les quelques observations que je souhaitais formuler à l'orée de ce débat. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. le président. Je vous remercie, monsieur Fourcade, des paroles aimables que vous avez tenues à mon égard. J'y ai été sensible.

La parole est à M. Thierry Foucaud.

M. Thierry Foucaud. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce débat sur les recettes des collectivités locales est marqué par un certain nombre d'évolutions sensibles de la situation.

En effet, il s'inscrit pleinement dans le mouvement créé par l'adoption de la loi constitutionnelle relative à l'organisation décentralisée de la République, ainsi que dans la perspective de la mise en oeuvre du projet de loi relatif aux responsabilités locales, dont nous avons tout récemment achevé la première lecture.

Mon collègue et ami Paul Loridant évoquera tout à l'heure quelques-uns des aspects et des effets de cette mutation institutionnelle. Pour ma part, je consacrerai la présente intervention aux dispositions du projet de loi de finances pour 2004 concernant les finances locales, mais aussi aux questions que soulève, dans la durée, l'évolution de la situation quant à la réforme, sans cesse reportée et jamais vraiment mise en oeuvre, des concours budgétaires et de la fiscalité locale.

Quelles sont donc les mesures fondamentales du projet de loi de finances pour 2004 ?

Si l'on devait donner une caractérisation générale de ces mesures, ce serait bel et bien la suivante : comment faire pour allouer aux collectivités locales les moyens de faire face à l'émergence de nouveaux besoins, à la prise en charge de la décentralisation, sans recourir, une fois de plus, à la hausse des impôts locaux ou à la remise en question du service public rendu à la population ?

En outre, alors que le Gouvernement se targue de vouloir réduire les impôts, les impôts locaux, pour leur part, connaissent une progression dynamique, particulièrement soutenue.

A cet égard, un sondage révèle que 73 % des Français considèrent que les prélèvements ont augmenté. Ils ont raison !

M. Alain Lambert, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Cela dépend où !

M. Thierry Foucaud. Dans le même temps, les élus s'inquiètent de l'augmentation du montant des impôts locaux. Ils ont également raison !

M. Alain Lambert, ministre délégué. Pas à Alençon !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Pas à Compiègne !

M. Thierry Foucaud. Je rappellerai quelques faits : le produit de la taxe d'habitation augmente de 4 % à 5 % l'an, le rendement de la taxe foncière sur les propriétés bâties a progressé de 20 % en six ans, tandis que celui de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères augmentait d'un tiers ! Parallèlement, le montant de la DCTP, la dotation de compensation de la taxe professionnelle, a diminué de près du tiers, c'est-à-dire de 750 millions d'euros.

Cette situation, révélée par les éléments à notre disposition, est vécue difficilement par les populations victimes de cette expansion fiscale continue, qui frappe sans trop de discernement.

Pour en revenir au projet de loi de finances pour 2004, celui-ci comporte, dans le droit fil de la décentralisation, une mesure de création d'une dotation globale de fonctionnement des régions. Cela illustre avec netteté le fait que les transferts de compétences prévus auront, d'abord et avant tout, des conséquences sur la nature de même de l'intervention des régions dans la vie économique et sociale du pays.

Par ailleurs, il est procédé à l'intégration, au sein de la dotation globale de fonctionnement, d'un volume important de concours budgétaires de l'Etat, qu'il s'agisse de la compensation de la suppression de la part des salaires de la taxe professionnelle ou des cotisations et fonds de péréquation divers et variés existants.

Enfin, en guise de première approche des effets de la décentralisation des compétences, figure à l'article 40 l'affectation d'une partie du produit de la taxe intérieure sur les produits pétroliers au financement du revenu minimum d'insertion, dont la gestion serait désormais confiée aux départements.

Voici donc, en résumé, quelques-unes des pistes que ce gouvernement entend suivre en matière de finances locales : extension du champ de compétences des collectivités régionales, sans véritable garantie de ressources, la norme de progression fixée pour la dotation globale de fonctionnement des régions n'ayant sans doute pas grand-chose à voir avec les besoins de financement futurs ; liquidation de la péréquation au profit de l'Etat, sans garantie, là encore, d'une distribution équilibrée de ressources entre les collectivités locales ; enfin, transfert de produit fiscal, pas nécessairement équilibré lui non plus, afin de financer l'exercice de tout ou partie des nouvelles compétences confiées aux collectivités locales.

Une autre réforme des finances locales est par conséquent nécessaire. Pour ce qui nous concerne, nous prendrons position, au fil de l'examen des articles relatifs aux collectivités locales, sur les différentes dispositions présentées.

Toutefois, au travers de nos amendements, nous essaierons également de faire valoir d'autres choix.

Ainsi, la dotation globale de fonctionnement doit être réformée. A cet égard, ce n'est pas faire injure à notre éminent collègue Daniel Hoeffel, aujourd'hui président de l'Association des maires de France, l'AMF, que de souligner combien l'économie de la réforme qu'il présenta au nom du gouvernement voilà dix ans est aujourd'hui obsolète.

La dotation d'aménagement s'est en effet asphyxiée, faute de moyens alloués à la solidarité, d'autant que la seule dotation d'intercommunalité a tellement progressé que même l'intégration fiscale n'a plus de sens quand il s'agit de la majorer au titre des EPCI, les établissements publics de coopération intercommunale.

De manière générale, le montant de la DGF est également en rupture marquée avec la progression des dépenses de fonctionnement des collectivités locales.

Cependant, des problèmes se posent dans bien d'autres domaines. Qu'il s'agisse du financement des dépenses d'équipement au titre tant de la dotation globale d'équipement, la DGE, que du fonds de compensation pour la TVA, le FCTVA, ou de l'évolution de la fiscalité, nous n'avons pas connu de réforme digne de ce nom.

Ainsi, le FCTVA est toujours soumis à réfaction, tandis que la révision des valeurs locatives n'est toujours pas accomplie.

Toute l'attention s'est portée, ces dernières années, sur la seule taxe professionnelle, tandis que grimpaient avec allégresse le niveau de la taxe d'habitation et celui de la taxe foncière sur les propriétés bâties, notamment de son annexe, la taxe d'enlèvement des ordures ménagères.

Les Français se plaignent de cette situation, qui ne peut décemment perdurer. Une réforme plus complète et plus audacieuse de la fiscalité locale est nécessaire.

Voilà, mes chers collègues, quelques-uns des points que nous souhaitions soulever au cours de ce débat. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Adnot.

M. Philippe Adnot. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, je tiens tout d'abord à féliciter le Gouvernement de sa volonté à la fois affichée et réelle de maîtriser la dépense publique.

Je souhaite cependant appeler l'attention sur la nécessité d'éviter que chaque ministre ne cède à la tentation de faire dépenser aux autres ce qu'il ne peut plus dépenser lui-même. (Sourires.)

M. Paul Loridant. Bien vu !

M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est pourtant humain !

M. Philippe Adnot. Cela pourrait avoir une incidence sur les finances des collectivités locales, et je tiens à votre disposition, mes chers collègues, plusieurs exemples permettant d'illustrer mon propos sur ce point.

Ainsi, dans le prochain collectif budgétaire, on nous proposera, s'agissant des sapeurs-pompiers volontaires, d'assumer des coûts qui peuvent tout à fait exploser. En ce qui concerne les assistantes maternelles, on nous annonce une augmentation importante des dépenses. Enfin, Mme la ministre de l'écologie et du développement durable a évoqué différentes mesures qui pourraient ne pas ête neutres sur le plan financier pour nos collectivités territoriales.

Cela étant dit, monsieur le ministre, je soutiens fidèlement le Premier ministre dans sa volonté de décentraliser. Pour réussir cette réforme, il est nécessaire de réunir un certain nombre d'éléments : des objectifs clairs - je crois que cette condition est satisfaite -, des évaluations justes - cela manque encore -, des ressources diversifiées - les prémices semblent encourageantes.

Je voudrais rappeler les principes qui guident notre réflexion.

Il faut d'abord maintenir l'autonomie fiscale et financière des collectivités locales. Concrètement, cela signifie, pour nous, que les transferts doivent être couverts à hauteur de 50 % par des dotations ou des quasi-dotations. Pour le RMI et le RMA, ce serait le cas avec l'affectation d'une partie du produit de la TIPP. Quant aux 50 % restants, ils doivent être compensés par le biais de transferts de recettes fiscales modulables. Diverses propositions qui ont été avancées peuvent s'inscrire dans ce schéma, qu'elles concernent la taxe sur les conventions d'assurances, la taxe générale sur les activités polluantes, la taxe sur l'électricité ou d'autres taxes encore, dont le produit pourrait éventuellement être transféré aux collectivités locales.

En tout état de cause, un certain nombre d'impératifs doivent être respectés. De préférence, les nouveaux impôts ne doivent pas accentuer les déséquilibres entre collectivités. A cet égard, s'agissant en particulier de la taxe sur les conventions d'assurance, j'ai pu observer que le différentiel par habitant entre collectivités ne serait pas très important. C'est donc là une piste intéressante. En outre, il faut accompagner la décentralisation d'une réforme de la péréquation.

A cet instant, je tiens à rendre hommage à l'excellent travail de nos collègues Jean François-Poncet et Claude Belot, qui servira de base à la réforme devant nous mobiliser en 2005.

Je profite aussi de cette occasion pour saluer l'action du Gouvernement qui, dès la présentation de ce projet de budget, nous propose certaines améliorations s'agissant de la péréquation. Bien entendu, ce texte mérite de faire l'objet de quelques ajustements, et j'en suggérerai un certain nombre. J'évoquerai bien entendu la DGF, qui concerne les départements.

Ces premières mesures présentées par le Gouvernement devront être consolidées par une réforme plus large, car les différences entre collectivités territoriales sont criantes et ne peuvent perdurer. Par exemple, la dotation au titre de l'« impôt ménage » qui, à l'heure actuelle, représente la moitié de la dotation de péréquation atteint dix-neuf euros par habitant dans les Hauts-de-Seine et treize euros dans la Creuse. Il faudra bien revenir sur de telles disparités. Monsieur le ministre, je me tiendrai naturellement à votre disposition pour élaborer avec vos services cette réforme d'une extrême importance.

En conclusion, je rappellerai quelques éléments indispensables à la réussite de notre action.

Tout d'abord, les collectivités locales, comme l'Etat, doivent s'attacher à maîtriser leurs budgets et, pour ce faire, utiliser toutes les techniques modernes d'analyse budgétaire, de comparaison financière, etc.

Par ailleurs, nous proposerons que, à l'avenir, la modulation des impôts par les collectivités locales soit encadrée. Il est en effet choquant de voir certaines de ces collectivités pratiquer le dumping fiscal tout en demandant à bénéficier pleinement des dotations de l'Etat.

M. Michel Moreigne. Très bien !

M. Philippe Adnot. Enfin, les engagements de l'Etat doivent être clairs et les transferts de recettes fiscales garantis dans leur exécution.

A cet égard, la vignette automobile doit encore être acquittée pour les véhicules de société, et les trésoriers-payeurs généraux nous demandent, à l'heure actuelle, de rembourser les acomptes perçus, parce que plus personne ne paie cet impôt. Peut-être évoquerez-vous ce point, monsieur le ministre ?

Quant au RMI et au RMA, je suis en mesure de vous assurer, monsieur le ministre, que nous sommes prêts à mettre en oeuvre la réforme dès le 1er janvier prochain, à condition que les financements soient garantis et que les règles soient claires. Je présenterai des amendements en ce sens.

Monsieur le ministre, nous connaissons votre loyauté, votre engagement et votre volonté de servir notre pays. Personnellement, j'ai confiance en vous, et je suis sûr que vous ne nous décevrez pas. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.)

Art. 20 (début)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2004
Art. 20 (interruption de la discussion)