5

vacance d'un siège de sénateur

M. le président. M. le président du Sénat a été informé, par lettre du 1er juin 2004 de M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, qu'à la suite de la démission de Mme Brigitte Luypaert de son mandat de sénatrice de l'Orne, en application de l'article L.O. 322 du code électoral, le siège détenu par cette dernière est devenu vacant à compter du 2 juin 2004 et sera pourvu par une élection partielle qui aura lieu en même temps que le prochain renouvellement triennal du Sénat.

6

Questions orales

(suite)

M. le président. Nous reprenons les réponses à des questions orales.

difficultés de l'école d'ingénieurs du Val de Loire

M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, auteur de la question n° 508, adressée à M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Mme Marie-France Beaufils. Je tiens à attirer l'attention de M. Fillon sur l'évolution de la situation de l'école d'ingénieurs du Val de Loire, rattachée à l'université François-Rabelais de Tours.

En effet, cette école rencontre des difficultés scientifiques, pédagogiques et fonctionnelles qu'attestent plusieurs rapports, notamment celui qui a été remis au ministère de l'éducation nationale au mois de décembre 2002 par la commission du titre d'ingénieur. Les auteurs de ce rapport sévère limitaient à une seule année la reconduction de l'habilitation à délivrer le titre - contre six années habituellement, voire trois années à titre exceptionnel - et constataient l'insuffisance des moyens affectés, ainsi que les difficultés du directeur de l'école à assurer le fonctionnement démocratique et statutaire de son établissement.

Plusieurs expertises de l'université de Tours et du réseau des instituts nationaux des sciences appliquées, les INSA, ont confirmé ces faiblesses. Aucun des dysfonctionnements graves n'a été sanctionné.

Les auteurs d'un nouveau rapport, non diffusé - ce qui est alarmant - transmis par M. Gautherin au directeur des enseignements supérieurs, se prononcent pour une transformation de l'école d'ingénieur du Val de Loire en école externe, soutenus en cela par son directeur et par quelques élus locaux.

Cela ne peut présager qu'une rupture des liens avec l'université de Tours, ce qui ne saurait être acceptable, et un affaiblissement du potentiel « recherche-enseignement-transfert » en sciences appliquées.

La voie de l'isolement n'est pas celle que devrait emprunter cette école pour sortir de ses difficultés actuelles. Bien au contraire, elle devrait resserrer ses liens avec l'université de Tours, participer au développement du pôle de Blois pour créer les synergies nécessaires - par exemple, à Blois, avec l'institut universitaire de technologie, l'IUT, et l'institut universitaire professionnalisé, l'IUP.

C'est l'avis unanime des membres du conseil d'administration de l'université de Tours qui, le 17 novembre dernier, ont souhaité inscrire cette école dans une perspective stratégique prioritaire de « campus technologique universitaire ».

Les pressions qui s'exercent pour détacher cet établissement de l'université traduisent une conception des sites universitaires totalement incompatible avec le souci d'aménagement du territoire, dans le cadre d'orientations nationales en matière d'enseignement supérieur.

Je propose donc à M. Fillon la tenue d'une table ronde régionale qui soit la plus large possible, afin de bien évaluer l'activité de cette école, et de saisir le Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche. M. le ministre a en effet déclaré, lors de la conférence des présidents d'université le 22 avril 2004, que, en matière d'enseignement supérieur comme en matière de recherche, l'impératif de qualité doit prévaloir. Pour cela, il faut disposer d'un système d'évaluation qui soit le plus efficace possible : la table ronde pourrait en être un élément.

En dernier ressort, je vous demande, monsieur le ministre, de bien vouloir vous prononcer clairement contre le projet de transformer l'école d'ingénieur du Val de Loire en une école externe. Sortir cette école du cadre universitaire pourrait en effet conduire cet établissement à sa perte et favoriser l'émergence de difficultés sérieuses pour son personnel, attaché aux valeurs universitaires, en l'isolant et en l' « enfonçant » plus encore dans les difficultés.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. François d'Aubert, ministre délégué à la recherche. Madame le sénateur, l'école d'ingénieur du Val de Loire a été créée par un décret du 8 mars 1993. C'est une école interne à l'université de Tours, au sens de l'article L. 713-9 du code de l'éducation.

Vous soulignez dans votre question, madame Beaufils, qu'un certain nombre de responsables blésois souhaitent depuis plusieurs années l'autonomie de l'école et son intégration à un réseau du type de celui des INSA.

Une telle orientation n'est pas réaliste, à l'heure actuelle, car l'école n'a ni les moyens ni les compétences pédagogiques et scientifiques nécessaires.

Lors de sa dernière évaluation, au mois de décembre 2002, la commission du titre d'ingénieur a en effet constaté un manque de clarté dans les objectifs pédagogiques. C'est pourquoi, logiquement, des réflexions ont été menées afin de trouver une solution satisfaisante pour l'école, dans le cadre actuel du paysage des formations technologiques de l'académie d'Orléans-Tours : école polytechnique de l'université d'Orléans, école polytechnique de l'université de Tours et école nationale supérieure d'ingénieurs de Bourges.

Dans cette perspective, il s'est agi de réfléchir à la construction d'un dispositif fédérateur associant sur le plan fonctionnel l'ensemble des formations d'ingénieurs à l'échelon régional ainsi que les universités de Tours et d'Orléans, ce qui paraît particulièrement adapté à notre besoin de visibilité pour l'ensemble du système national d'enseignement supérieur, de recherche et d'innovation. L'institution d'un réseau intrarégional permettrait, justement, de ne pas isoler l'école d'ingénieur du Val de Loire.

Quoi qu'il en soit, un groupe de travail au sein de la direction de l'enseignement supérieur a remis un rapport de mission. Ce groupe de travail recommande, en fonction des négociations avec les acteurs principaux, l'évolution de l'école vers un dispositif fondé sur l'article 43 de la loi du 26 janvier 1984 sur l'enseignement supérieur ainsi qu'un double rattachement aux universités de Tours et d'Orléans, ce qui, dans beaucoup d'autres cas, a déjà constitué une solution satisfaisante.

Cette solution, madame le sénateur, pourrait être rapidement mise en oeuvre, sous réserve qu'une étude approfondie sur modalités de son application soit menée avec les universités concernées.

M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils.

Mme Marie-France Beaufils. Monsieur le ministre, vous venez d'évoquer l'article 43 de la loi du 26 janvier 1984. On se dirige donc vers une autonomie de cette école, ce qui contredit les propos tenus par M. Fillon lors de la conférence des présidents d'université le 22 avril 2004. Il a en effet affirmé à cette occasion qu'il était déraisonnable de disperser le potentiel de nos forces scientifiques et que, au contraire, il était nécessaire d'en structurer la puissance.

Faire en sorte que cette école reste une composante de l'université m'avait semblé un facteur important et décisif pour assurer sa pérennité. Ma suggestion d'organiser une table ronde a pour objet d'avoir une vision plus large de l'ensemble des intervenants au sein de l'école et de l'université de Tours. Il ne me semble pas préoccupant que l'université d'Orléans y soit associée, mais externaliser l'activité de l'école et la rendre complètement autonome serait, selon moi, une erreur.

C'est la raison pour laquelle, monsieur le ministre, j'insiste particulièrement pour qu'une table ronde la plus large possible soit organisée.

application de la convention d'Ottawa

M. le président. La parole est à Mme Marie-Claude Beaudeau, auteur de la question n° 509, adressée à M. le ministre des affaires étrangères.

Mme Marie-Claude Beaudeau. Ma question première, avec les sous-questions qu'elle entraîne, porte sur l'assistance aux victimes de mines antipersonnel.

Je vous rappelle tout d'abord, madame la ministre, que les 141 Etats signataires de la convention d'Ottawa, dont la France, qui l'a transposée en droit interne, se sont engagés sur deux points.

Premièrement, ils se sont engagés à mettre un terme à la production, à l'utilisation et au stockage de cette arme ainsi qu'à stopper sa prolifération. La France a donc pris ses responsabilités. Cependant, ne conviendrait-il pas, madame la ministre, de passer à nouveau les sites au peigne fin pour s'assurer que tous ceux qui disposent encore de stockages ont bien achevé leur travail de déminage ? En ce qui concerne Djibouti, par exemple, un déminage plus poussé ne s'impose-t-il pas ?

Par ailleurs, madame la ministre, les deux nouvelles méthodes utilisées depuis 2002 qui reposent sur le criblage et sur le concassage ne sont pas référencées. Un travail de six mois, mettant en oeuvre une méthode plus conventionnelle, serait encore nécessaire. Confirmez-vous, madame la ministre, qu'un nouveau plan soit nécessaire ? N'existe-t-il pas d'autres sites encore vulnérables ?

D'autre part, un nouvel examen des stocks conservés pour les études ne doit-il pas être conduit ? Certains stocks paraissent surdimensionnés par rapport aux besoins réels. Qu'en pensez-vous, madame la ministre ?

Enfin, ne conviendrait-il pas d'intégrer la lutte contre les débris de guerre explosifs UXO dans la lutte contre les mines antipersonnel ?

Deuxièmement, en ratifiant la convention d'Ottawa, la France s'est engagée à porter assistance à ceux qui ont été victimes de mines antipersonnel ou qui en subissent les effets. L'alinéa 3 de l'article 6 de la convention est clair : y est formulée une obligation d'assistance. Il s'agit, en fait, de l'application d'un droit international. Et, sur ce point, notre retard est important, convenez-en, madame la ministre.

La France est-elle disposée, à la veille de la conférence de Nairobi, à prendre de nouveaux engagements portant notamment sur la majoration de son aide financière, mais aussi sur la définition des composantes de l'assistance aux victimes faisant l'objet d'un soutien et des politiques qui régissent l'attribution des aides ? Sommes-nous prêts à préciser les moyens par lesquels l'attribution des aides se fera et les populations et les groupes qui en bénéficieront ?

Madame la ministre, le Parlement doit être informé et consulté sur la diversité des actions envisagées, qui doivent englober tous les aspects de l'aide aux victimes, sans limite de nature.

Dans une vision nouvelle qui, je l'espère, sera celle de la conférence de Nairobi, doit être reprécisée la notion de victimes, sans vision restrictive. Sont concernées toutes les personnes tuées, blessées ou mutilées ainsi que les membres de leurs familles, mais aussi les personnes ayant subi un préjudice du fait d'actes liés à des mines antipersonnel.

Quels sont les composantes de l'assistance et les mécanismes d'indemnisation envisagés ?

Pouvez-vous intégrer dans le programme de santé publique du Gouvernement des mesures en matière de soins préhospitaliers, de réadaptation physique, de réintégration sociale et économique ?

Ce sont les réponses à toutes ces questions que recouvre la notion d'assistance, dans laquelle la France est engagée.

Mais j'entends déjà votre remarque. La France n'est pas seule et, si elle l'était, la conférence d'Ottawa resterait sans efficacité et la convention sans objet.

Que pensez-vous proposer au Parlement en faveur de la majoration des aides au déminage, mais aussi désormais pour l'assistance aux victimes ? La convention d'interdiction doit s'accompagner de l'élaboration d'un mécanisme international de reconnaissance des droits des victimes, de compensation des préjudices subis par celles-ci, ainsi que de la mise en place d'un fonds suffisant avec des méthodes d'utilisation transparentes reposant sur des notions de droit.

La France ne peut pas seule supporter le poids financier de la mise en oeuvre du fonds de solidarité prioritaire, qui permet de financer des programmes pluriannuels, notamment dans la zone de solidarité qui comprend cinquante-quatre pays avec lesquels la France mène une politique de coopération. Encore faut-il qu'elle fasse son devoir !

Quelles sont vos propositions de majoration des aides, notamment à travers la loi de finances pour 2005 et les années suivantes ?

Enfin, ne convient-il pas d'engager une action plus dynamique et résolue en faveur de l'universalisation de la convention d'Ottawa ? Quelle politique diplomatique et de coopération internationale conduisez-vous pour que, enfin, de grands pays comme les Etats-Unis, la Russie, l'Inde, ratifient la convention d'Ottawa ?

Nous percevons mal cette politique, madame la ministre, et nous espérons que votre réponse permettra de la clarifier.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée aux affaires européennes. Madame le sénateur, la France attache la plus grande importance à l'application de la convention d'Ottawa, qu'elle a signée le 3 décembre 1997, c'est-à-dire dès le premier jour de l'ouverture de la signature. Quelques mois plus tard, le 23 juillet 1998, elle a été parmi les premiers pays à l'avoir ratifiée.

La France s'est ensuite conformée de façon stricte à toutes les obligations découlant de cet engagement solennel : l'arrêt de toute production et de toute exportation, le déminage, la destruction des stocks, l'aide aux Etats membres qui en font la demande, l'assistance aux victimes...

Avec les gouvernements qui se sont engagés comme elle dans cette démarche, elle travaille en outre avec détermination à la dimension universelle de cette convention, qui compte aujourd'hui 142 Etats parties.

L'an dernier, la France a coprésidé avec la Colombie l'un des quatre comités permanents issus de la convention d'Ottawa, celui qui était consacré à l'assistance aux victimes des mines antipersonnel et à leur réintégration socioéconomique. En se fondant sur le travail des années précédentes, cette coprésidence a mis en route un travail de recensement systématique des besoins des victimes, en définissant pour chaque pays des priorités.

Ce processus, qui se poursuit avec les nouveaux co-présidents australien et croate, devrait aboutir à la rédaction d'un plan d'action qui pourrait être examiné en novembre lors de la conférence de Nairobi.

Dans le cadre de ses relations bilatérales, la France a consacré depuis 1995, c'est-à-dire avant même le processus d'Ottawa, quelque 15 millions d'euros à l'action contre les mines, sur tous les continents : Afrique, Asie, Europe, Amérique, auxquels il faut ajouter notre participation très significative aux programmes de la Commission européenne. Ces programmes européens ont, pour la seule année 2002, par exemple, atteint près de 42 millions d'euros.

Nous avions lancé, en 1995 et 1996, quatre grands projets de déminage humanitaire au profit du Cambodge, de l'Angola, du Tchad et du Honduras.

Après la signature de la convention d'Ottawa, notre action a connu une dimension nouvelle.

Dans la zone de solidarité prioritaire, avec laquelle nous menons cette politique de coopération, nous sommes en mesure, depuis cette date, de mettre en oeuvre un fonds particulier, le fonds de solidarité prioritaire, qui permet de financer des programmes pluriannuels.

En dehors de cette zone, par exemple dans les Balkans - en Bosnie, en Croatie, au Kosovo -, ou en Amérique Centrale - au Nicaragua -, notre effort se traduit par des financements conventionnels.

Dans la zone de solidarité prioritaire, les principaux bénéficiaires des projets de coopération français en matière de déminage ont été le Cambodge, le Mozambique, le Sénégal et le Bénin. En 2004, nous lancerons deux nouveaux projets de coopération portant sur le déminage antipersonnel : l'un, de 1,17 millions d'euros, au Mozambique, et l'autre, de 3 millions d'euros, en Angola, conformément à la promesse faite par la France en 2002.

Nous poursuivrons également des projets déjà engagés en Bosnie, en Croatie, au Tadjikistan et au Cambodge.

Notre action porte sur les domaines les plus divers : la sensibilisation, l'assistance aux victimes, le déminage proprement dit, et même la formation des démineurs. A cet égard, je tiens à signaler la contribution essentielle fournie par l'école supérieure et d'application du génie d'Angers, qui accueille chaque année des dizaines de stagiaires étrangers, ainsi que l'ouverture l'an dernier du centre régional de Ouidah, au Bénin, qui a déjà accueilli plus de quatre-vingts futurs formateurs venus de tous les pays d'Afrique.

Dans un contexte budgétaire particulièrement tendu, la France a néanmoins tenu cette année à poursuivre l'effort engagé depuis 1998. Il conviendra, le moment venu et en fonction du plan d'action qui sera décidé à Nairobi en novembre de cette année, de réévaluer la pertinence et le volume de notre action dans le domaine du soutien aux victimes.

Vous avez évoqué la promotion de l'universalité de la convention d'Ottawa. La France n'a cessé depuis 1998 de défendre l'acceptation universelle de cet instrument international, y compris auprès des grands pays producteurs et utilisateurs de ces armes proscrites. La France s'est exprimée à ce sujet par la voix de l'Union européenne qui, à la veille de la réunion des Etats parties à Bangkok, a entrepris des démarches sur le thème de l'universalité auprès de tous les pays non signataires. Des contacts bilatéraux à ce sujet ont eu lieu avec les autorités laotiennes en septembre 2003, les autorités américaines en novembre 2003, ou encore à l'occasion de la visite en France des présidents des Parlements des Etats baltes en novembre 2003.

S'agissant des résidus explosifs de guerre, cette question relève non pas de la convention d'Ottawa, mais du protocole V de la convention de 1980, qui a été adopté par consensus dans le cadre des Nations unies le 28 novembre 2003. La France a l'intention d'être parmi les premiers pays à ratifier ce protocole, au terme d'une négociation à laquelle elle a activement participé.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Claude Beaudeau.

Mme Marie-Claude Beaudeau. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse.

Si je reconnais que la France n'est pas restée inactive en matière d'assistance aux victimes - j'ai bien noté les chiffres que vous nous avez donnés et il est vrai que, depuis 1995, notre pays a participé pour 15 millions d'euros à l'action contre les mines sur tous les continents -, j'estime que cette somme est maintenant insuffisante face aux besoins et qu'il nous faut revoir les engagements que nous pourrions prendre vis-à-vis du déminage dans des pays où la situation est extrêmement difficile et où l'on constate journellement encore des mutilations et des morts.

Permettez-moi d'ajouter, madame la ministre, concernant l'aide directe et l'assistance aux victimes, que la France pourrait jouer un rôle fort, notamment en matière d'appui aux services locaux pour l'amélioration de l'offre de soins, la gestion des services et la pérennité des structures ; elle pourrait également soutenir la mise en place, dans les pays concernés, de législations garantissant les droits des personnes handicapées.

Vous n'ignorez pas, madame la ministre, qu'à la suite de la loi ratifiant la convention d'Ottawa le Parlement français a créé une commission nationale pour l'élimination des mines antipersonnel, qui siège régulièrement et qui remet chaque année son rapport d'activité à M. le Premier ministre.

Je veux insister sur cette question car, au sein de la commission nationale pour l'élimination des mines anti-personnelles, la CNEMA, présidée par Mme Brigitte Stern, se réunissent des groupes de travail qui formulent chaque année, dans leur rapport d'activité, des propositions extrêmement concrètes, notamment en ce qui concerne l'assistance aux victimes.

Je souhaiterais, madame la ministre, que vous puissiez vous-même étudier les rapports d'activité de cette commission, car ils contiennent des propositions qui pourraient permettre à la France, évidemment avec des moyens financiers supplémentaires, de jouer un grand rôle, ce rôle qui s'était concrétisé avec la ratification de la convention d'Ottawa.

Réglementation du commerce et de la distribution

M. le président. La parole est à M. Daniel Soulage, auteur de la question n° 511, adressée à M. le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Daniel Soulage. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, M. le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a, le 4 mai dernier, présenté une série de mesures destinées à soutenir l'activité économique. Parmi celles-ci a été émise la possibilité de revenir sur certaines dispositions de la loi Galland, afin de limiter la hausse des prix et de redonner du pouvoir d'achat aux Français.

La loi Galland a interdit les ventes à perte et a ainsi évité que les écarts de prix entre les grandes surfaces et les petits commerces de proximité ne soient trop importants. En revanche, un des effets non désiré de cette loi a été de créer le système des « marges arrières ». Cette pratique permet aux distributeurs de facturer arbitrairement des prestations commerciales aux fournisseurs : par exemple, la promotion du produit sur catalogue, les têtes de gondoles, etc.

Les grandes enseignes demandent depuis longtemps la suppression de la loi Galland et la régularisation de la pratique des marges arrières. A l'inverse, les producteurs sont favorables à un durcissement de cette loi et à la suppression des marges arrières. Les intérêts sont contradictoires et les relations très conflictuelles entre les parties ; je sais que tous vont être réunis, sur l'initiative de M. le ministre d'Etat, lors d'une table ronde jeudi prochain.

Même si la loi Galland n'a pas assaini toutes les pratiques commerciales, elle a néanmoins permis l'émergence d'un équilibre fragile entre les différents types de commerces. Remettre en cause cette loi, voire l'assouplir, peut avoir de graves conséquences, aussi bien pour certains fournisseurs, petits producteurs ou PME de l'agroalimentaire, que pour les commerçants indépendants et les artisans.

Au moment où tous les acteurs économiques sont mobilisés sur ce sujet, n'y a t-il pas lieu de redéfinir certaines pratiques telles que le développement des magasins pratiquant le hard discount ?

D'autre part, que penser des accords de gamme et de leurs conséquences sur la présence des produits des PME dans les grandes et moyennes surfaces ?

De plus, nous ne devons pas oublier que, même si la réforme de la loi Galland a pour finalité de baisser les prix et de redonner du pouvoir d'achat aux Français, il ne faut pas le faire au détriment des agriculteurs, des PME et des commerçants de proximité, qui ont un rôle social important, aussi bien en ville qu'en milieu rural.

Enfin, face au pouvoir des centrales d'achat, qui sont de plus en plus concentrées, ne serait-il pas envisageable, pour défendre les intérêts des producteurs, de tolérer la création de centrales de vente ?

Les relations commerciales établies par la loi Galland sont fragiles ; c'est pourquoi, madame le ministre, je souhaite connaître les intentions du gouvernement français sur cette question sensible.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée aux affaires européennes. Monsieur le sénateur, je vous remercie de votre question, qui va me permettre de préciser, au nom de M. Patrick Devedjian, le projet du Gouvernement.

En aucun cas, en effet, le Gouvernement n'a l'intention de régulariser la pratique des marges arrières. Il a même indiqué, à plusieurs reprises et de manière non ambiguë, qu'il avait exactement l'intention inverse.

Depuis plusieurs années, en effet, les marges arrières sont en constante dérive : elles augmentent de un à deux points chaque année et atteignent désormais une moyenne de 35%, voire davantage sur certains segments du marché. Aucun de nos partenaires européens ne connaît une dérive comparable.

Aucun acteur de la filière ne porte à lui seul la responsabilité de cette dérive : ni les industriels, qui doivent compenser par leurs prix le poids de la coopération commerciale, ni les distributeurs, qui sont de grandes entreprises créatrices d'emplois et de croissance que nos concitoyens apprécient pour des raisons qui ne tiennent pas seulement aux prix.

Il se trouve que le système a progressivement migré vers cet équilibre, parce que les distributeurs et les grandes marques y ont trouvé un intérêt convergent.

En revanche, les victimes sont clairement identifiées : les PME, qui ne peuvent plus satisfaire aux exigences de la coopération commerciale et qui voient leurs parts de marché progressivement réduites par la concurrence du hard discount qui se fournit sur le marché européen et mondial ; les agriculteurs, dont la rémunération est sans commune mesure avec les prix des produits alimentaires dans les rayons ; enfin et surtout, les consommateurs, dont le pouvoir d'achat a baissé de 0,5 % par unité de consommation en 2003. Il n'y a aucune raison pour que le prix du yaourt de marque soit beaucoup plus cher en France qu'en Espagne !

Il est donc temps de mettre fin à la dérive des marges arrières, et il faut le faire rapidement. C'est pourquoi le Gouvernement souhaite parvenir à un accord mesuré - mais efficace - avec les différents acteurs de la filière. En aucun cas il n'est envisagé de remettre en cause les acquis de la loi Galland sur la revente à perte.

Les acteurs du commerce de proximité doivent prendre conscience du fait que les faiblesses de la consommation des ménages et la fragilité de la filière du commerce pénalisent tout le monde. Lorsque les Français ont moins de pouvoir d'achat, tous les commerçants en souffrent, les grands comme les petits.

Les chiffres de l'année 2003 le montrent, le commerce de proximité n'a pas mieux résisté que la grande distribution, alors même que les prix des produits de marque dans la grande distribution étaient élevés.

Si le Gouvernement parvient à faire baisser les prix des produits alimentaires des grandes surfaces, les Français ne consommeront pas davantage de ces produits, car la demande n'est, en réalité, pas élastique ; en revanche, ils pourront satisfaire d'autres besoins de consommation plus qualitatifs, au bénéfice du commerce de proximité.

M. le président. La parole est à M. Daniel Soulage.

M. Daniel Soulage. Je veux remercier très sincèrement Mme la ministre de sa réponse.

On comprend bien, en cette période, qu'il est important de soutenir l'activité économique. Je tiens donc à redire, alors que nous venons d'adopter le projet de loi relatif au développement des territoires ruraux, combien les producteurs, les agriculteurs, les commerçants de proximité, les PME, notamment celles de l'agroalimentaire, sont des éléments essentiels de la vie économique de nos territoires.

Vous venez de me faire connaître, madame la ministre, la réponse de M. le ministre Devedjian. J'ai le sentiment qu'il partage entièrement ce point de vue, et j'en suis ravi. Nous attendrons donc le résultat de la table ronde, qui nous paraît à tous très important...

assujettissement des associations à la taxe sur les salaires

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Todeschini, auteur de la question n° 510, adressée à M. le secrétaire d'Etat au budget et à la réforme budgétaire.

M. Jean-Marc Todeschini. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je souhaite appeler à nouveau l'attention du Gouvernement sur les incidences de la taxe sur les salaires à laquelle sont assujetties les associations, notamment les maisons des jeunes et de la culture.

Aujourd'hui, les représentants du secteur associatif tirent la sonnette d'alarme, par le biais d'une campagne de sensibilisation importante et légitime, sur cette taxe qui fragilise leur budget et, par conséquent, leurs actions et leur développement.

En application de l'article 231, alinéa 1, du code général des impôts, les associations, au même titre que les personnes physiques ou morales qui ne sont pas soumises à la TVA ou qui l'ont été sur moins de 90 % de leur chiffre d'affaires ou de leurs recettes au titre de l'année civile précédant celle du paiement des rémunérations, sont redevables de la taxe sur les salaires à raison des rémunérations versées à leur personnel.

Je comprends bien qu'une exonération du paiement de cette taxe au bénéfice des associations ne puisse rester durablement limitée à ce seul secteur. Elle serait revendiquée par l'ensemble des redevables de la taxe sur les salaires.

Je mesure donc également, madame la ministre, que c'est le produit total de la taxe sur les salaires, qui contribue pour plus de 8,5 milliards d'euros au budget général de l'Etat, qui serait remis en cause.

Toutefois, je tiens à vous rappeler que, au-delà des mesures légales d'abattement possibles en la matière pour les associations régies par la loi de 1901, la taxe sur les salaires grève lourdement la trésorerie de ces dernières. En effet, celle-ci équivaut à plus de 8 % d'un salaire annuel brut d'environ 15 000 euros, et à 10 % d'un salaire annuel de 22 250 euros.

Ce coût a un fort impact sur l'emploi ; il en constitue même un obstacle. Je vous rappelle, là aussi, que l'emploi dans le secteur associatif, dont le potentiel est énorme, revêt une importance capitale dans toutes les politiques de lutte contre l'exclusion et, plus généralement, de lutte contre le chômage, notamment en milieu rural.

Par ailleurs, je tiens également à vous préciser à ce sujet que, en octobre 2001, le prédécesseur de M. Dominique Bussereau au secrétariat d'Etat au budget, M. Alain Lambert, alors président de la commission des finances du Sénat, avait déposé un rapport d'information relatif à la taxe sur les salaires.

Dans ce rapport, il concluait sur ce point : « Il faut noter que les activités hospitalières, l'action sociale, le secteur associatif et les administrations acquittent 67 % du produit de la taxe sur les salaires. C'est 41 % du produit total de cet impôt qui est acquitté au moyen de financements publics. Cette situation est absurde : la puissance publique lève en quelque sorte un impôt sur elle-même. »

Je partage cette analyse réaliste et je rappelle que, à l'époque, trois propositions avaient été formulées : la suppression totale, la suppression partielle, et la suppression par étapes de la taxe sur les salaires.

Il ressort de l'historique de cette taxe qu'elle a difficilement trouvé sa justification, ce qui la rend unique en Europe. La question de sa suppression se pose donc dans l'optique d'une harmonisation de la fiscalité à l'échelon européen.

Je souhaite, madame la ministre, savoir si le Gouvernement compte revoir l'assujettissement des associations à la taxe sur les salaires. Je souhaite également savoir si le Gouvernement entend examiner, dans un premier temps, les propositions élaborées en octobre 2001 et envisager les modalités d'une suppression par étapes de ladite taxe, particulièrement injuste et préjudiciable à l'emploi.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée aux affaires européennes. Monsieur le sénateur, je vais vous répondre au nom de Dominique Bussereau.

La taxe sur les salaires repose sur un principe simple : elle est due, sur le montant des rémunérations versées à leur personnel, par les employeurs qui ne sont pas soumis à la TVA ou qui l'ont été sur moins de 90 % de leur chiffre d'affaires ou de leurs recettes au titre de l'année civile précédant celle du paiement des rémunérations.

C'est en application de ce principe général d'imposition que les associations, notamment les maisons des jeunes et de la culture, sont redevables de la taxe sur les salaires.

Comme vous l'avez vous-même indiqué, une exonération de la taxe sur les salaires ne pourrait être limitée au seul secteur associatif, car celle-ci serait revendiquée par l'ensemble de ses redevables. A terme, c'est le produit total de la taxe sur les salaires, qui rapporte plus de 8,5 milliards d'euros au budget général de l'Etat, qui serait menacé.

Vous comprendrez donc, monsieur le sénateur, que le Gouvernement ne peut envisager une telle éventualité dans le contexte budgétaire actuel.

Cela étant, je crois tout de même utile de rappeler que des mesures, d'application générale ou spécifique aux associations, permettent déjà de stabiliser ou d'alléger le poids de la taxe sur les salaires.

Ainsi, les associations bénéficient d'un abattement sur le montant annuel de la taxe sur les salaires dont elles sont redevables qui, indexé dans les mêmes conditions que les limites des tranches du barème de la taxe, s'établit à 5 362 euros pour les rémunérations versées en 2004.

Cet abattement, d'un coût budgétaire de l'ordre de 230 millions d'euros, procure aux associations un allégement d'impôt substantiel, puisqu'il permet d'exonérer complètement de la taxe sur les salaires les associations employant jusqu'à près de six salariés occupés à temps plein et payés au SMIC, voire plus en cas de recours au temps partiel.

En outre, les rémunérations versées dans le cadre de certains types de contrats, comme les contrats emploi-solidarité et les contrats emploi-consolidé, sont expressément exonérées de la taxe sur les salaires.

L'ensemble de ces mesures, qui témoignent de l'attention particulière portée par les pouvoirs publics au secteur associatif, représente un effort budgétaire important.

Enfin, puisque vous avez évoqué la lutte contre l'exclusion, plus généralement la lutte contre le chômage, je vous rappelle que mon collègue Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale, prépare, en concertation avec les représentants des forces vives de la nation, notamment avec les partenaires sociaux, un plan ambitieux de cohésion sociale dont l'un des volets sera consacré à l'emploi, notamment à l'emploi des jeunes.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Todeschini.

M. Jean-Marc Todeschini. Madame la ministre, vous me répondez que la taxe sur les salaires rapporte 8,5 milliards d'euros et que certains types de contrats de travail en sont exonérés. Je le savais déjà, puisque ce n'est pas la première fois que le Gouvernement est interpellé sur ce sujet.

Je l'ai dit moi-même, il me paraît impossible pour un Gouvernement de supprimer une telle recette en une seule fois. Mais il faut comparer le montant de la recette liée à la taxe sur les salaires avec la réduction de l'impôt sur le revenu, qui n'a aucune incidence sur la création d'emplois, voire sur la consommation, même si l'on peut espérer qu'elle la favorise.

Je le répète, la taxe sur les salaires constitue un véritable obstacle à l'emploi. Vous avez cité les contrats qui en sont exonérés. Néanmoins, ces mesures d'exonération ne concernent pas toutes les associations, notamment pas celles que je citais, et elles renforcent la précarité de certains emplois du secteur associatif. Il est donc urgent d'étudier les intéressantes propositions d'Alain Lambert faites au nom de la commission des finances du Sénat.

Je ne vous citerai qu'un exemple complémentaire. Pour une association qui n'est pas concernée par l'exonération, le taux le plus élevé de la taxe, qui est de 13,6 %, est atteint pour un salaire à peine supérieur au SMIC.

M. le président. Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à onze heures cinquante-cinq, est reprise à seize heures dix, sous la présidence de M. Christian Poncelet.)