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Déclaration de l'Urgence d'un projet de loi

M. le président. Monsieur le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la lettre suivante :

« Paris, le 27 octobre 2004,

« Monsieur le Président,

« J'ai l'honneur de vous confirmer la déclaration d'urgence du 15 septembre 2004, en application de l'article 45, alinéa 2, de la Constitution, sur le projet de loi de programmation pour la cohésion sociale, tel qu'il a été complété par la lettre rectificative du 20 octobre 2004.

« Veuillez agréer, monsieur le président, l'assurance de ma haute considération. »

« Signé : Jean-Pierre Raffarin »

Acte est donné de cette communication.

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Discussion générale (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de programmation pour la cohésion sociale
Discussion générale (suite)

Cohésion sociale

Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi de programmation pour la cohésion sociale
Discussion générale (interruption de la discussion)

M. le président. Nous reprenons la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi de programmation pour la cohésion sociale, complété par une lettre rectificative.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Jacques Blanc.

M. Jacques Blanc. Mes chers collègues, quand on entend certains anciens ministres du gouvernement Jospin, prenant peut-être la mesure de leur échec et voyant l'actuel gouvernement très fortement engagé dans un combat qui, M. Virapoullé l'a rappelé, n'est pas facile, ce qui devrait les conduire à faire preuve d'un peu de modestie au lieu de les faire sombrer dans une amnésie totale,...

M. Claude Domeizel. On pourrait en dire autant !

M. Jacques Blanc. ...on est en droit d'être triste !

L'échec des politiques antérieures, pour l'insertion des jeunes comme pour la cohésion sociale, est en effet patent. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

Pendant cinq ans, le gouvernement Jospin n'a rien fait pour les exclus non plus que pour les handicapés : l'échec a été total.

Mme Raymonde Le Texier. C'est Jacques Blanc qui parle d'échec !

M. Jacques Blanc. Aussi, chers collègues de l'opposition, si vous tentez aujourd'hui de donner de ce gouvernement une image fausse et de faire accroire qu'il ne se préoccupe que de certaines catégories sociales, c'est pour faire oublier qu'il est le premier à avoir revalorisé le SMIC (Nouvelles protestations sur le mêmes travées.) et le premier aussi à proposer un plan d'ensemble en faveur de la cohésion sociale !

C'est pourquoi je veux dire ici que nous soutiendrons totalement les efforts qui sont engagés.

Ce plan ne comporte pas une mesure unique parce que chacun sait bien qu'aucune mesure ne pourrait à elle seule résoudre des problèmes aussi complexes. S'il y avait une réponse simple à ces difficultés, on l'aurait déjà trouvée !

M. Roland Muzeau. Ben tiens !

M. Jacques Blanc. C'est donc par petites touches, comme celles qui concernent, et je vais y revenir, la formation, l'apprentissage, l'insertion des jeunes, celles qui ont trait au logement, que notre ami Jean-Paul Alduy a évoquées avec talent, ou encore celles qui visent l'égalité des chances, qu'il faut procéder.

Alors, se jeter à la figure certaines insultes ou tenir certains propos, comme l'ont fait tout à l'heure à cette tribune d'anciens ministres, est indigne.

M. Bernard Frimat. C'est vous qui l'êtes !

M. Jacques Blanc. Au contraire, soyons tous capables de montrer que les politiques que nous sommes mesurent la réalité des problèmes.

Mme Gisèle Printz. Nous le faisons !

M. Jacques Blanc. Nous, nous avons mesuré la réalité des problèmes auxquels sont confrontés les handicapés, alors que, pendant des années, vous, vous n'avez rien fait, et c'est bien cela qui vous « embête », car nous démontrons ainsi que le gouvernement social est non pas le gouvernement socialiste mais le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin,...

M. Guy Fischer. On en reparlera !

Mme Hélène Luc. Comment osez-vous dire cela ?

M. Jacques Blanc. ... que nous soutenons comme nous soutenons ses membres ici présents !

Voilà la réalité, chers collègues de l'opposition ! Parce que nous avons pris conscience de la nécessité d'inventer des réponses nouvelles, d'adapter les attitudes, de créer des dynamiques, vous craignez maintenant que cela ne réussisse, mais les Françaises et les Français qui sont dans l'angoisse, eux, attendent au contraire de nous que nous soyons capables de nous rassembler autour de certaines de ces mesures !

M. Robert Bret. Il vous faudra les convaincre !

M. Jacques Blanc. S'agissant par exemple de l'apprentissage, j'ai cru être revenu à un temps dépassé quand j'ai entendu un ancien ministre chargé de la formation retomber dans la guerre stérile des écoles entre les lycées professionnels et les centres de formation par l'apprentissage, entre l'apprentissage et l'enseignement direct pour le bac professionnel.

Mme Hélène Luc. Il faut avoir des ambitions pour les jeunes !

M. Jacques Blanc. Oui, madame, et c'est parce que le Gouvernement a des ambitions que nous partageons que nous le soutenons totalement dans l'effort qu'il a entrepris pour revaloriser enfin cette voie de l'apprentissage qui doit permettre à des jeunes de réussir et de passer ensuite d'un niveau à un autre, car je rappelle que le gouvernement Chirac nous a fait voter, en son temps, un texte grâce auquel un jeune titulaire d'un certificat d'aptitude professionnelle peut devenir ingénieur.

Ainsi, un jeune qui choisit l'apprentissage peut « démarrer » avec un CAP et commencer à travailler chez un artisan ou dans une entreprise sans que son propre avenir soit bloqué : il pourra demain suivre un parcours de formation qui lui permettra de trouver un épanouissement.

Le grand mérite de l'apprentissage est d'offrir une vraie chance de réussite, à la fois par l'enseignement pratique et par l'enseignement théorique. Ce n'est pas une voie d'échec, mais, au contraire, une voie royale de succès.

Tous, dans chacune de nos régions, nous nous sommes mobilisés en faveur de l'apprentissage ; nous avons bien mesuré que c'était l'un des moyens de sortir d'une situation que l'on ne peut pas accepter, à savoir l'échec des jeunes, car c'est cela le véritable enjeu.

Lorsqu'on regarde ce qui se passe dans les autres pays, en Allemagne par exemple, ...

M. Roland Muzeau. Regardez aussi le taux de chômage !

M. Jacques Blanc. ...on constate que les jeunes y ont plus de facilités pour entrer dans la vie professionnelle. Demandons-nous pourquoi.

J'ajouterai, monsieur le ministre, que cette importante réforme, qui doit associer les maîtres d'apprentissage et les jeunes dans l'ensemble des secteurs professionnels, devrait peut-être aussi s'accompagner d'une réforme profonde des mentalités ainsi - j'ose le dire ici - que d'une modification de la situation pour les emplois les plus pénibles.

Je souhaiterais, pour ma part, que l'on invente un coefficient de pénibilité. Puisque nous venons de parler des maçons, sachez que leur métier est dur, peu valorisant...

Mme Hélène Luc. Et pas assez payé !

M. Jacques Blanc. ... et, effectivement, pas assez payé.

Mme Hélène Luc. Il ne suffit pas de le dire, il faut agir !

M. Jacques Blanc. Pour qu'il soit mieux payé, que faut-il faire ? Par un indice de pénibilité, il convient de diminuer les charges sur ces emplois les plus pénibles ...

M. Jacques Blanc. ... de manière à augmenter le salaire direct dont bénéficieraient ces salariés et à sortir de cette situation où les travaux les plus pénibles sont souvent les moins payés. Après, on s'étonne que les jeunes s'en détournent !

M. Roland Muzeau. Ben tiens !

M. Jacques Blanc. Il nous faut avoir l'audace d'accompagner ce réel effort que vous nous proposez d'une modification, sans doute fondamentale, en créant, à partir d'un indice de pénibilité, la possibilité pour les entreprises de mieux payer ceux qui travaillent sur des durées et dans des conditions matérielles, climatiques ou psychologiques particulièrement difficiles. Ce sont précisément ces filières qui offrent des emplois : on le sait bien dans le secteur du bâtiment, dans celui de la restauration, dans les services et même, aujourd'hui, dans le secteur agricole qui manque, lui aussi, de salariés.

Par conséquent, je me permets de suggérer d'étudier cette piste pour compléter la réforme capitale et positive qui nous est proposée concernant l'apprentissage.

Vous m'excuserez, mes chers collègues, de dire, au vu des comportements qui s'observent dans certaines régions - je ne citerai pas celle à laquelle je pense - qu'on ne peut pas être dépendants de décisions, d'attitudes inacceptables et partisanes de nature à bloquer les projets des CFA ou des centres d'apprentissage. Il convient donc de prévoir une soupape de sécurité permettant une contractualisation entre l'Etat et les porteurs de projets pour éviter qu'ils ne soient bloqués au seul motif qu'ils ne seraient pas de la bonne couleur politique ou qu'ils ne résideraient pas dans le bon département.

C'est triste, mais je me dois de tenir ce langage à cette tribune. Je proposerai d'ailleurs un amendement tendant à ce que l'on puisse échapper à ce danger.

Quant aux maisons de l'emploi, elles doivent être aussi conçues à partir de ce qui existe. Des expériences ont été réalisées en matière d'information sur la formation et d'accueil des jeunes et des moins jeunes pour leur offrir un parcours de formation débouchant sur un emploi. Il comprend des examens psychologiques qui ne se résument pas à un passage par un guichet banalisé, mais qui évaluent, à partir d'un bilan de compétences, la capacité à étudier. Il faut pouvoir offrir de tels bilans pour, à la fois, cerner les objectifs des jeunes ou des moins jeunes et leur proposer le parcours susceptible d'assurer leur réussite ce qui, vous m'excuserez de le dire, n'est pas très facile.

Il convient de tenir compte des expériences qui ont été conduites dans telle ou telle région : vous me pardonnerez de citer la mienne, mais on y avait créé des liaisons entreprise-formation qui permettaient de proposer ces parcours de formation à 40 000 personnes par an. Je pense que, ce faisant, nous étions un peu utiles. Une telle démarche n'est ni de droite ni de gauche ; elle consiste simplement à concilier pour ces jeunes une ambition forte et une analyse objective des réalités.

Nous avons donc mieux à faire que de nous intenter mutuellement des procès d'intention : nous devons saisir la chance que vous nous offrez, mesdames et messieurs les ministres, de nous mobiliser tous ensemble pour montrer que l'on peut, dans cette société, répondre aux vrais problèmes.

Si nous voulons sortir les jeunes de la désespérance et de l'angoisse, si nous voulons éviter les risques de dérapages extrémistes, nous devons leur prouver que nous sommes capables d'étudier les vraies situations et d'offrir de vraies réponses.

Nous y parviendrons non pas en adoptant des solutions « parkings » ou provisoires, mais en entraînant le monde de l'entreprise : ne créons pas une fausse querelle entre les chefs d'entreprise, qu'ils dirigent des entreprises artisanales, des grandes entreprises ou des PME, et tous ceux qui peuvent espérer devenir des acteurs de l'entreprise. C'est là où il faut sortir de l'idéologie !

Nous pouvons démontrer - c'est ce que vous nous proposez et nous vous soutiendrons - que l'on peut croire à l'entreprise, mais que cette confiance passe aussi par la conviction que l'entreprise est un ensemble, qu'elle peut être le lieu du bonheur et de la réussite, non seulement pour les jeunes ou les moins jeunes, mais aussi pour les personnes handicapées que nous, nous n'avons pas oubliées. En effet, c'est ce Gouvernement qui a apporté, enfin, une amélioration au grand projet voté en 1975, dont nous pouvons nous enorgueillir et dont le rapporteur que j'étais à l'époque tire, en tout cas, une très grande fierté.

Mme Hélène Luc. Il n'est pas encore financé !

M. Jacques Blanc. Alors, mes chers collègues, le social, il ne s'agit pas d'en parler : il faut, à chaque instant de la vie d'un individu, qu'il vive dans un département d'outre-mer, dans un département rural ou en ville, lui offrir le maximum de chances d'épanouissement et de réussite. C'est pour cela, mesdames, messieurs les ministres, que nous sommes mobilisés à vos côtés. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais tout d'abord adresser mes remerciements aux commissions, au président de la commission des affaires sociales et aux rapporteurs et leur dire d'ores et déjà que, compte tenu de la qualité de leurs travaux, il est évident que le Gouvernement retiendra un certain nombre de leurs amendements.

Je remercierai également ceux des membres de l'opposition qui ont posé des questions, qui ont émis des critiques de nature à faire progresser le débat, qui ont attiré l'attention du Gouvernement sur certains points.

J'aurai aussi une pensée, si vous le permettez, pour mes collègues du Gouvernement du pôle social, car si je réponds seul à l'ensemble des préoccupations exprimées, vous aurez bien compris qu'il s'agit en réalité d'un travail collectif où chacun, en fonction de son âge, de son expérience, qu'il soit de Garges-lès-Gonesse, de Nancy, de Rambouillet, de la grande agglomération lilloise ou de Reims, s'est efforcé d'apporter des réponses rapidement, probablement imparfaitement, sur des sujets pratiques qui, finalement, sur toutes ces travées, donnent lieu à un accord.

Je ressens par ailleurs un sentiment de « redite » ou de « revoyure ». En effet, voilà un peu moins d'un an et demi, un 3 août, à une heure du matin, dans cette enceinte, j'ai présenté la loi de la deuxième chance, dite pour d'autres « de surendettement », qui était finalement une loi de confiance dans l'être humain : on peut être pris dans une spirale et avoir le droit de repartir dans la vie. Cette loi avait d'ailleurs fait l'objet d'un certain nombre d'amendements, s'est mise en place et est en vigueur aujourd'hui.

J'avais aussi présenté la loi de programmation pour la rénovation urbaine, qui avait une grande ambition et qui avait été assez spontanément soutenue sur certaines travées, ce qui est normal, alors que des interrogations se posaient sur d'autres : s'agirait-il vraiment d'une caisse de garantie des financements locaux ? Une espèce d'agence d'urbanisme ne finirait-elle pas par décider à la place des collectivités locales ? Les financements seraient-ils au rendez-vous ? Les conventions seraient-elles bien passées ? Le rythme serait-il soutenu ?

Bref, ce scepticisme, qui n'est pas propre à l'opposition, je vous rassure, est aujourd'hui partagé par la population française qui s'interroge sur son pays : en effet, si la France consacre apparemment des moyens financiers importants à la protection sociale, qui, parmi nous, ne connaît pas une victime d'un acte raciste, une victime d'un acte quotidien de violence imbécile, une victime d'un problème lié à la mobilité d'emploi, une victime d'un désastre économique dans un bassin où les licenciements ont été non prévus et non gérés, qui n'a pas connu des Rmistes, des titulaires de l'allocation de parent isolé - API - de l'allocation de solidarité spécifique - ASS - dont on ne sort ni rapidement, ni directement par l'emploi ?

Qui n'a pas, même si ce n'est pas dans sa propre circonscription, traversé des quartiers qui donnent le sentiment d'un réelle dégradation des conditions de vie quand on voit l'herbe envahir le pourtour des lampes, du service public, de l'école, du bâti, des logements vacants, alors même qu'une terrible pression s'exerce sur le logement conventionné, voire sur le logement tout court, dans ce pays ?

J'ai été très frappé par les échéances électorales, non que je me réjouisse de la défaite des «  mauvais », mais parce que voilà trois ans, le chef de file d'un gouvernement moralement respectable s'est retrouvé derrière le candidat de l'extrême droite. Ce gouvernement était, je le répète, respectable et respecté. Et voilà que quelques semestres plus tard, un autre gouvernement respectable, sans doute plein de défauts lui aussi, a subi un désastre électoral majeur. Je vais vous dire une chose : c'est un problème de fond de la France !

Peut-être les réponses que nous apportons ne sont-elles que partielles, peut-être ne sont-elles pas parfaites, peut-être méritent-elles d'être peaufinées, peut-être nous faudra-t-il mener un combat commun pour financer dans la durée ces opérations, peut-être devrons-nous amplifier certaines mesures, peut-être conviendra-t-il d'en retrancher quelques-unes à la lecture de l'expérience, mais je peux vous dire, du plus profond de moi, pour avoir vécu dans le bassin qui a connu le plus grand désastre économique et social d'Europe occidentale, que les capacités de redressement des points de fragilité de notre pays existent et qu'elles sont exploitables.

Permettez-moi d'ajouter qu'il est absolument indispensable de les mettre à profit pour lever tout malentendu avec ceux qui ont le sentiment de faire des efforts, de beaucoup travailler et qui, persuadés que des efforts majeurs ont été consentis pour les plus fragiles, ont le sentiment que tout ce qu'ils font est un peu inutile.

Une étude qualitative très intéressante a été réalisée sur le plan de cohésion sociale. Elle a pour titre : « un plan peut-être trop beau ! » Cela signifie que l'opinion est prête à y croire, mais qu'elle se demande s'il n'est pas déjà trop tard. C'est là la vraie question à laquelle vient se greffer une deuxième  interrogation : ce pôle de cohésion sociale aura-t-il, dans la durée, le poids politique suffisant pour confirmer, transformer, mettre en accord les propositions ?

Il est un troisième question : tout le monde va-t-il s'y mettre ? A cet égard je remercie Jean-Paul Virapoullé d'avoir souligné que personne ici ne peut porter la légion d'Honneur de la réussite de l'intégration sociale. J'ignore qui la méritera, mais, en tout cas, nous n'y arriverons pas seuls ! C'est évidemment grâce à l'action de tous, s'il y a un minimum d'accords sur un certain nombre de points, même s'il faut en faire évoluer quelques-uns, que nous parviendrons à instaurer cette cohésion sociale dans sa triple dimension la maison, le travail et l'éducation qui permet à chacun d'avoir un projet de vie et donc de tolérer les autres, de les aimer et de les respecter.

Telle est l'ambition de ce plan. Nous vous le présentons rapidement, pour ne pas laisser passer un budget, c'est vrai ! Il est vrai également que nous avons saisi les membres du Conseil économique et social dans l'urgence, un 31 juillet, alors qu'ils partaient en vacances, et je les remercie encore d'avoir accepté de les différer.

Permettez-moi, d'abord, de répondre brièvement aux différents rapporteurs.

En effet, monsieur Girod, le passage aux nouvelles nomenclatures rend la lecture difficile, mais je tiens à vous rassurer sur la cohérence d'ensemble du dispositif.

Nous avons recruté l'ancien numéro deux de la RATP pour mettre en cohérence les services de l'Etat, la présentation budgétaire et l'organisation pratique de ce plan. Nous avons déjà mobilisé les préfets, les inspecteurs d'académie, les directions départementales de l'équipement, les directions départementales des affaires sanitaires et sociales, les DRASS, en vue de la mise en oeuvre de la fameuse LOFL, la loi organique relative aux lois de finances.

Je vous remercie, monsieur Girod, d'avoir rappelé qu'entre l'annonce du projet, le 30 juin dernier, et aujourd'hui, nous sommes allés non pas en deçà mais au-delà des chiffres annoncés, puisque 1 milliard d'euros sont venus s'ajouter au plan.

Nous sommes en mouvement. Le nouveau prêt à taux zéro, populaire et social, qui passe de 0,5 milliard d'euros à 1,4 milliard d'euros, n'était pas prévu dans le budget. Il s'agit d'une moindre recette pour l'Etat.

Il en va de même pour les soutiens et les exonérations en faveur des zones franches urbaines et des quartiers en difficulté, qui n'étaient pas inscrits en dépense et qui représentent environ 500 millions d'euros. Il en va encore de même pour le volet « apprentissage », dont les moyens globaux seront augmentés.

Bref, c'est bien un plan lourd et massif qui est proposé, mais il n'est pas « cher », me semble-t- il, eu égard à l'enjeu pour notre pays ; disant cela, j'espère rassurer ceux qui sont regardants quand il s'agit des dépenses publiques.

Monsieur Vanlerenberghe, j'aimerais vous rassurer vous aussi. Les décrets sont prêts pour le lancement des maisons de l'emploi ; nous avons déjà réuni de manière opérationnelle les services de l'Etat et tous les acteurs locaux, en respectant, comme un certain nombre d'orateurs l'ont dit, la réalité du terrain.

Nous ne voulons pas imposer les maisons de l'emploi, mais il est vrai que nous souhaitons y retrouver tous les partenaires sociaux et, dans une certaine mesure, l'aide sera octroyée en fonction du degré d'intégration de la prévision des besoins, notamment en formation, de l'ensemble des services de l'emploi.

Monsieur Delfau, vous avez souligné la nécessité de bien mobiliser les budgets. Je n'ai aucune inquiétude dans ce domaine. Sachez que le plan, si on doit le résumer, mobilise en gros 3 milliards d'euros de budget par an, auxquels s'ajoute l'équivalent d'une moitié de ce budget sous forme de moindre recette fiscale, c'est à dire en effort fiscal du pays, à l'exception de la première année, car le problème n'est pas le nombre de contrats d'avenir signés, mais bien le taux de sortie de ces contrats vers l'emploi durable.

Comme on veut absolument garantir une formation et non pas un surcroît de formation - je réponds ici à Mme Printz -, la formation est obligatoire avec l'emploi et le travail en équipe ; c'est le taux de formation qui est laissé à l'appréciation des référents et des tuteurs, pour qu'ils l'adaptent à chaque personne.

Monsieur Seillier, nous avons suivi les recommandations de votre rapport : les contrats aidés non marchands sont uniques, mais ils s'adapteront à chaque cas particulier, dans le cadre du dialogue entre les acteurs locaux et les services de l'Etat. La souplesse est donc intégrale - ce que vous souhaitiez - et la simplification totale. Nos partenaires, qui sont pris d'une sorte de vertige devant tant de souplesse, en viennent à se demander quelle est la consistance de ces contrats. Devra-t-on proposer un contrat type à titre de modèle avec possibilité de dérogation totale ? Nous aurons l'occasion d'en parler durant le débat à venir, mais nous avons déjà clairement répondu à l'interrogation soulevée dans votre rapport.

Madame Printz, vous avez posé de réelles questions concernant la participation des collectivités locales dans le plan. Ce dernier prévoit des actions, des opérations, des engagements sur la durée - cinq ans - et des financements de l'Etat, mais aucun transfert de charges vers les collectivités locales.

Il s'agit bien d'une offre faite aux acteurs locaux. Un effort national nous paraît en effet indispensable sur des points particuliers. Libre ensuite à certaines collectivités de décider d'abonder sur leur territoire le financement des actions engagées, comme le font, dans le cadre de la rénovation urbaine, les régions Ile-de-France, Nord-Pas-de-Calais, Rhône-Alpes et Alsace. Il s'agit d'enjeux urbains stratégiques pour ces territoires. Nous ne faisons que garantir des financements mis à la disposition de ces derniers. Il n'y a donc pas de logique de contrepartie ou de transfert de charges. J'espère vous avoir rassurée sur ce point.

Vous avez, madame Printz, parlé de « flou ». Je ne sais pas ce que cela veut dire. S'il s'agit des engagements financiers, ils sont précis, ligne par ligne et année après année. Ce qui pourrait paraître flou, c'est l'adaptation et la souplesse laissées à l'échelon local. Ce que je viens de dire concernant les contrats aidés non marchands vaut aussi pour les maisons de l'emploi. Des expériences, des mises en réseau, des synergies existent ; nous ne faisons qu'apporter une aide complémentaire pour que les acteurs locaux décident eux-mêmes quelle est la meilleure stratégie à adopter sur un bassin d'emploi donné.

Cela sera particulièrement vrai concernant les équipes de réussite éducative, ce qui m'amène à répondre à M. Virapoullé.

Les moyens dédiés aux équipes de réussite éducative sont libres d'affectation, dès lors qu'il s'agit d'aider nos enfants. Ces moyens peuvent être affectés au soutien scolaire et, si nécessaire, adaptés en fonction des cas signalés par les enseignants. Autour de ces projets de réussite éducative, le chef d'établissement, la maîtresse, la caisse d'allocations familiales, mais plus probablement le conseil général, bref, la collectivité locale de proximité de référence montera un établissement public local d'enseignement, une association, un groupement d'intérêt public ; peu importe la forme.

Par grand site, en général des zones urbaines sensibles, les ZUS, cette structure pourra investir au-delà de la dotation de l'Etat - elle s'élèvera à 500 000 euros par an, versés pendant cinq ans à titre expérimental et libres de toute affectation - et permettre de résoudre un drame familial, un problème de langue, un problème de santé publique, un problème strictement pédagogique.

De telles approches existent déjà dans d'autres pays. Elles existent aussi déjà en France ; je fais allusion à la Mission du possible, que vous pouvez visiter dans le XIXe arrondissement de Paris.

Bref, nous laissons à l'initiative locale le soin de décider de la façon de s'adapter à la réalité. Les dysfonctionnements de la société étant entrés dans les écoles, ce n'est pas seulement de soutien scolaire dont il s'agit, c'est aussi de tout ce qui va autour. C'est cet ensemble qui est proposé à la sagesse, à l'audace et à l'initiative locales.

Messieurs les rapporteurs, rassurez-vous, la personnalité morale des opérateurs - je pense notamment aux partenaires sociaux de l'UNEDIC - est totalement respectée. Il y avait deux solutions ; d'aucuns souhaitaient une fusion totale des opérateurs au sein de la maison de l'emploi, d'autres se contentaient de la situation actuelle où même l'informatique n'est pas commune, où beaucoup sont en back office, mais peu sont affectés à l'indispensable, c'est à dire à l'accueil, à la rédaction des curriculum vitae, à l'entretien des relations avec les entreprises, à la détection des nouveaux métiers, à l'accompagnement.

La maison de l'emploi doit être une maison des curiosités et non plus une maison administrative. Nous avons choisi de respecter les identités de chacun, mais de rendre obligatoire la synergie des moyens pour les dossiers techniques et, sur la base du volontariat, d'inciter les uns et les autres à s'y conformer.

Vous avez dit, monsieur Souvet, qu'il fallait « positiver » l'action d'apprentissage ; vous avez raison, et j'aurais l'occasion d'y revenir.

Un soin particulier doit être apporté à la recherche des publics les plus éloignés. Nos dispositifs s'adressent à des gens qui en sont tellement loin qu'on ne sait souvent même plus aller les rencontrer : il nous faudra donc faire des efforts particuliers pour les atteindre. C'est un des points que Laurent Hénart développera dans le courant du débat et qui est extrêmement important : renouer le contact avec une partie de cette jeunesse.

Madame Létard, vous vous étiez battue, avec M. Mercier, au sujet de la loi dite de la deuxième chance sur le surendettement. Nous vous suivrons sur l'intégration du logement, qui est en effet déterminant s'agissant du reste à vivre, ainsi que sur quelques autres points que vous avez soulignés.

Monsieur Gournac, vous avez insisté sur l'importance des congés de reclassement.

Tout le monde connaît la fracture qui existe entre salariés selon la taille de leur entreprise. Rentrer de vacances pour se voir annoncer une fermeture ou un licenciement, effectuer son préavis sans bénéficier d'un congé de conversion, se retrouver à l'ANPE, puis plus rien, c'est tomber dans un trou noir.

De telles situations ne sont plus acceptables. C'est pourquoi je ne suis pas mécontent que le projet de loi de programmation pour la cohésion sociale prévoie cet élément qu'est le congé de conversion - ou de reclassement -, qui permet de découvrir de nouveaux métiers, d'avoir de nouvelles formations.

M. Hyest s'interrogeait sur la nouvelle organisation du service public de l'accueil des étrangers et des primo-arrivants, et sur l'application de l'article L. 122-12. Nous répondrons à son interrogation.

Monsieur Braye, Marc-Philippe Daubresse aura l'occasion de reparler des contrats d'agglomération et de la capacité des organismes HLM à prendre des participations dans des sociétés civiles immobilières.

Monsieur Lardeux, à travers cette idée d'un service civique national, moment particulier de brassage dans la vie d'un peuple, vous avez évoqué un sujet crucial. Nous travaillons avec Jacques Voisard à cet égard sur un projet civique d'utilisation optimale des journées de préparation nationale à la défense, ainsi qu'à un modèle de développement tel que vous l'avez à la Réunion sur le SMA, qui pourrait être étendu à l'ensemble du territoire national.

Vous avez aussi évoqué, à juste raison, la situation de la commission de recours des réfugiés, qui n'est pas acceptable. Je suis allé physiquement assister aux différentes réunions de cette commission ; le taux d'attente, invivable pour les populations et pour la République dans sa capacité d'accueil, n'avait pas été réduit en France, alors qu'il l'avait été chez nos voisins immédiats. Le décret d'août 2004 et les moyens qui sont affectés vont nous permettre de réduire enfin d'une manière significative ce délai qui est actuellement de 22 à 23 mois.

Mme Demessine me dit que la rénovation urbaine, qu'elle n'a pas critiquée par ailleurs, n'est pas assez perceptible. Elle connaît Vilvoord à Maubeuge, le Chemin-Vert à Boulogne, Douchy, et elle sait que les grues sont là, que l'on reconstruit, que l'on refait ces quartiers. Elle connaît M. Gérin, le maire de Vénissieux, et elle sait très bien que nous avançons rapidement.

Monsieur Alduy, vous présidez l'Agence nationale pour la rénovation urbaine qui, je le rappelle, est un outil qui a été créé par un vote du Sénat et de l'Assemblée nationale. Cet établissement public autonome, doté de la personnalité morale, est co-piloté de manière transparente et plurielle ; plurielle au sens politique, entre les politiques et les partenaires sociaux, mais aussi entre les grandes villes et les petites villes, entre les départements et les régions.

Seize mois après le vote d'un programme de réhabilitation dont nous avions estimé le montant, avec les organismes HLM, dans une fourchette allant de 25 milliards de francs à 30 milliards de francs, nous en sommes déjà à 6,8 milliards de francs de travaux engagés.

Et à ceux qui s'interrogent sur les résultats de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine, je répondrai que le bilan pluriel, sur lequel il y a unanimité, est non seulement un bilan de succès mais qu'il faudrait de plus étendre un peu ce programme.

Cela me permet de répondre en même temps à Mme San Vicente, qui s'inquiète à juste titre.

Le programme de rénovation urbaine s'est d'abord attaqué aux très grandes cités qui cumulaient tous les handicaps. Il y en avait 163, c'est-à-dire un peu plus que les grands projets de ville et les opérations de renouvellement urbain, les GPV-ORU.

Le programme a ensuite porté sur les quartiers à forte densité urbaine confrontés à d'importantes difficultés. Il y en avait à peu près 500.

Bien que ne connaissant pas exactement les mêmes problèmes de densité et n'ayant pas à faire face à des difficultés apparentes aussi graves, certains tissus urbains ont pourtant besoin d'un coup de main de la solidarité nationale - c'est notamment le cas du bassin minier -, au-delà des crédits de droit commun et des efforts des uns et des autres. En effet, les souffrances individuelles y sont bien réelles.

Tel est précisément l'objet de l'article 6, qui est une dérogation aux principes généraux de l'Agence nationale de rénovation urbaine, l'ANRU. Mais, madame San Vicente, la réalité de notre pays fait qu'il existe de nombreux articles 6.

C'est la raison pour laquelle le Gouvernement proposera un amendement tendant à faire passer le programme de rénovation urbaine de 30 milliards à 40 milliards d'euros et à prévoir les moyens correspondant à cette augmentation des trois cinquièmes. Ainsi, les quartiers et les tissus urbains partiellement ou entièrement dégradés dont vous parlez pourront être intégrés dans le programme de rénovation urbaine.

Monsieur Alduy, vous vous êtes fait l'écho de l'ANRU et de sa nécessaire extension. Ayant déjà répondu à cette question, je n'y reviendrai pas.

S'agissant de l'article 6, je dirai que l'on peut effectivement réfléchir à l'affectation de cette taxe, plus exactement à la nature de son prélèvement. Parmi les voies d'accession populaire, il faut citer le nouveau PTZ, le prêt à taux zéro, qui n'est pas inscrit dans le texte de cohésion sociale. Sous sa forme législative, ce dernier n'est d'ailleurs pas l'alpha et l'oméga ; c'est un outil parmi d'autres.

En l'occurrence, on a besoin d'une partie législative, mais le dispositif retenu dans le projet de loi de finances est, grosso modo, 2,6 fois plus important et plus populaire pour des familles plus nombreuses.

Mais nous continuerons à avancer dans cette direction lors de l'examen du projet de loi « habitat pour tous » afin de développer l'accession et la location-accession à la propriété. Nous privilégierons un dispositif prévoyant des assurances-vie, indispensables en cas de rupture, de drame ou de chute.

Monsieur Biwer, vous avez évoqué l'apprentissage, les maisons de l'emploi en zones rurales, et vous avez parlé de la Belgique.

J'ai noté que votre département se proposait pour une expérimentation. Le fait qu'il y ait 350 ou 400 maisons de l'emploi ne pose pas de réelle difficulté budgétaire.

Je tiens néanmoins à préciser que vous avez raison, monsieur Biwer, au sujet de la DSU, qui vous tient particulièrement à coeur. Notre ambition n'était pas de procéder, dans ce texte, à la réforme de la fiscalité locale française. C'est un vaste et beau sujet, qui nécessite d'être examiné en profondeur.

Notre propos est assez simple et doit certainement être partagé par une majorité de sénateurs, sur quelques travées qu'ils siègent. Il existe des communes pauvres et des communes riches, il y en a des grandes, des rurales, des urbaines... Aucune justice fiscale ne prévaut dans tout cela et c'est ainsi.

Parmi ces communes, quelques-unes - très peu - commencent l'année avec moins 10 ou 12 millions d'euros de fonctionnement. Or c'est précisément là que vivent les familles les plus nombreuses. Il y a vingt ans, la famille nombreuse type comprenait cinq ou six enfants ; aujourd'hui, elle peut en compter de quatorze à dix-huit. C'est la réalité de notre pays.

Le comité des finances locales a simplement souhaité qu'un petit coup de main supplémentaire soit réservé pendant cinq ans aux quelques villes orphelines toute petites, celles où la taille du problème urbain est quasiment identique à celle de la ville. Je pense à Grigny, à Clichy-sous-Bois, à Montfermeil. Dans ces villes, les maires n'en peuvent plus ! Cette aide s'appliquerait à la petite marge du haut, car toutes les autres marges vont progresser.

Bien entendu, cela est facile aujourd'hui parce que nous sommes en période de croissance. Mais si, demain, ce n'était plus le cas, nous serions favorables à l'adoption d'un amendement instituant une clause de sauvegarde. Ainsi, les mesures prises en croissance seraient atténuées dans l'hypothèse où celle-ci serait moins forte. Nous pouvons vraiment parler de solidarité exceptionnelle pour villes en danger.

Monsieur Repentin, vous avez dit : « La route est droite et la pente est raide. » Je peux déjà vous remercier d'avoir reconnu que la route était droite ! (Sourires.) Il est tout de même préférable de savoir où l'on va, avec qui et comment.

Vos propos manifestent une grande compétence et ne me surprennent pas de la part d'un élu de la ville de M. Besson. Je ne prétends pas que tout procède de lui, mais je veux dire que cette ville a vécu une mutation urbaine tout à fait remarquable.

Permettez-moi de signaler que vous avez néanmoins commis une erreur d'appréciation, qui est peut-être la conséquence d'un manque d'information.

Sur les financements de la rénovation urbaine ou des logements, on ne peut pas vous laisser tenir de tels propos, monsieur Repentin, lorsque l'on sait objectivement que nous nous trouvons dans une situation où 100 % de ce qui est prélevé au titre du logement social dans ce pays est aujourd'hui réaffecté au logement social.

Et je n'aurai pas la cruauté de vous rappeler que l'une des raisons pour lesquelles nous avons connu quelques années noires en matière de construction de logement social - avec le fameux record historique des 38 343, en 2000 -, est qu'une partie très significative du financement du logement social était repartie dans le budget général pour un montant supérieur à l'intégralité de l'aide à la pierre. Vous le savez pertinemment.

Vous savez également que ces pratiques sont aujourd'hui révolues et que 100 % de l'affectation sont liés. Lorsque vous citez des chiffres concernant les lignes de crédit logement, je vous demande simplement d'accepter d'intégrer le découplage entre les lignes ANRU et les lignes logement, ce qui vous permettra d'appréhender différemment les choses. Mais si vous additionnez l'ensemble de ce qui était affecté aux GPV-ORU aux lignes logement et que vous retranchez ce que le budget de l'Etat avait récupéré du 1 %, vous obtenez un résultat négatif.

Si nous prenons aujourd'hui en compte la rénovation urbaine, le 1 % réellement affecté au logement social et les lignes de crédit de l'Etat, nous sommes, vous le savez, sur des multiplicateurs de dix, quinze ou vingt. Les ordres de grandeur sont donc sans aucun rapport avec les précédents.

M. Bel a prononcé un discours à charge d'ordre général - il était dans son rôle - en évoquant des incertitudes de financement. Devrais-je lui rappeler- je l'ai déjà dit à cette tribune il y a dix-huit mois - qu'un milliard d'euros étaient prévus pour nos quartiers en 1998 et que seulement 68 millions d'euros sont arrivés ?

De grâce... Nous n'avons pas raison sur tout, mais, comme l'a excellemment dit M. Virapoullé au cours de ce débat républicain, aucun sénateur ne peut prétendre ne pas souffrir de ces situations désespérées liées au logement, à la non-sortie du RMI, aux problèmes majeurs de santé publique, dont il est le témoin dans sa permanence.

Je reconnais qu'il manque un volet « santé publique » dans ce plan de cohésion sociale, car nous n'avons pas eu les moyens d'effectuer un vrai travail en profondeur avec le ministère de la santé - qui était par ailleurs débordé - lors du débat sur l'assurance maladie.

Il faudra également prévoir, avec l'ensemble de nos partenaires, des maisons de la santé, comme au Canada. Nous y sommes, pour notre part, tout à fait déterminés.

Monsieur Repentin, j'en viens aux clés de répartition. Vous êtes bien trop expert pour ne pas savoir que les clés de répartition d'autorisations de programme sur crédits de paiement étaient très longues, c'est-à-dire 12 %, 22 %, 28 %. Or nous en sommes arrivés à des clés de répartition qui sont, pour les nouveaux programmes, quasiment de un pour un, afin de rattraper ce crédit fournisseur insupportable pour les offices et les sociétés anonymes d'HLM.

Nous partageons votre sentiment sur l'évolution de l'aide fiscale pour l'immobilier, qui est en partie inscrite dans la partie « déductions » de ce texte, sous réserve d'un certain nombre d'engagements sociaux. Mais il faudra aller plus loin et nous sommes prêts à examiner avec vous cette question lors de l'examen du projet de loi « habitat pour tous ».

S'il était nécessaire, à un moment donné, de donner un coup de fouet général à la construction, il faut aujourd'hui réserver les ressources financières et les moindres recettes de l'Etat à ce type de construction et d'accession.

M. Dassault parle de cohésion sociale dans l'entreprise. Il est vrai que les dysfonctionnements de la société sont entrés, après l'école, dans l'entreprise. A cet égard, je me félicite que le concept de diversité, permettant de mettre en place les moyens pour lutter contre la ségrégation à l'embauche, ait été retenu par 37 entreprises. Nous avons indiqué que nous saisirions le Parlement si ce grand mouvement de non-discrimination à l'embauche n'était pas réglé rapidement.

Monsieur Dassault, je suis d'accord avec vous, la participation est une grande idée et nous la reprenons à notre compte. Elle n'est pas inscrite dans le projet de loi de programmation pour la cohésion sociale, mais nous avons saisi de cette question la Commission nationale de la participation.

Monsieur Virapoullé, j'ai effectivement rencontré Mme Nassimah Dindar, présidente du conseil général de la Réunion. Celui-ci a décliné sur le terrain de manière exemplaire, comme d'autres régions et départements, le plan de cohésion sociale, qui est un plan territorial.

Il est évident que je viendrai sur place pour le signer. Je précise que des adaptations techniques particulières à ce plan s'imposent à la Réunion, en Guyane, à la Martinique et à la Guadeloupe, notamment en ce qui concerne la ligne budgétaire unique, la LBU.

Les financements sont globalement prévus, mais il faut les faire passer de ligne à ligne pour que nos amis réunionnais, guyanais, guadeloupéens et martiniquais soient complètement intégrés à ce grand mouvement, d'autant qu'ils connaissent des problèmes démographiques. Je citerai un exemple : à la Réunion, qui est une île volcanique où il y a peu d'espaces disponibles, les besoins en logements sont importants.

Madame Voynet, vous avez parlé du traitement social du chômage en nous expliquant un certain nombre de points. Je ne sais pas si nous avons tort sur tout, mais, franchement, comment pouvez-vous ne pas soutenir les contrats d'avenir plutôt que le RMI ?

Cela m'échappe. Je ne comprends pas comment vous ne pouvez pas soutenir l'accession sociale à la propriété ! Je ne comprends pas comment vous ne pouvez pas soutenir l'extension du programme de rénovation urbaine, les charmes de la diversité, la Haute autorité de lutte contre les discriminations, les équipes de réussite éducative. Je veux bien que nous ayons tort sur tout le reste, mais je ne vois pas comment vous pouvez continuer à rejeter, d'un revers de main, tous ces thèmes que les élus locaux connaissent particulièrement bien !

Monsieur Mélenchon, je partage votre avis sur l'excellence, et je ne sais pourquoi vous vous êtes emporté. Il est tout à fait clair qu'il n'existe pas de voie unique. J'en suis le premier convaincu ! Il faut soutenir les différentes formes d'enseignement, y compris par conséquent les lycées professionnels et techniques, bien évidemment... Mais permettez-moi de manifester mon désaccord, ou peut-être mon incompréhension, sur certains points.

Lorsque vous dites que Renault recrute 40 000 personnes et que le nombre d'apprentis s'élèvera à 2 000, je vous réponds que, compte tenu du taux de 2 %, le nombre des apprentis ne sera que de 800. Cette entreprise est parfaitement capable d'appliquer un tel taux ; PSA Peugeot-Citroën vient de le faire dans les mêmes proportions au cours des deux dernières années.

D'où vient ce taux de 2 %, monsieur Mélenchon ? Tout simplement de la constatation suivante, sur laquelle nous devrions être d'accord : ce sont les petites structures, les artisans, qui fournissent le grand flot des apprentis de ce pays. L'ironie du sort réside dans le fait que, parfois, les jeunes apprentis, formés, portés par des maîtres d'apprenti de petites structures, sont recrutés ensuite par les grandes entreprises. Il s'agit quand même là d'une situation paradoxale !

La grande masse des apprentis français provient du commerce, de l'artisanat et des petites structures. Les entreprises de plus de cent personnes font en effet une place aux apprentis inférieure à 0,6 % de leur effectif !

L'objectif de 2 % que nous avons annoncé, obligatoire dans trois ans si le dispositif conventionnel ne se mettait pas en place, nous permettrait d'atteindre les 500 000 apprentis, nombre qui n'est ni magique ni miraculeux : il correspond tout simplement à la stricte application d'un dispositif mis en oeuvre lors de la seule période de l'histoire où notre pays a connu un bond manifeste du nombre d'apprentis. Je fais référence à la loi Giraud, grâce à laquelle le nombre d'apprentis est passé de 247 000 à 354 000 environ.

Vous vous êtes interrogé sur la rémunération de l'apprenti, la revalorisation de l'image de la profession, cette capacité à aller de l'avant ; vous allez vous réjouir ! Ce projet de loi prévoit un dispositif plus ambitieux, plus lourd, avec, je vous le confirme, une augmentation de la rémunération des apprentis, laquelle sera fixée dans le cadre des accords salariaux qui vont être passés par les partenaires sociaux et intégralement compensés par le plan de cohésion sociale.

Par ailleurs, la question des tuteurs, des référents, des périodes interstitielles, c'est-à-dire celles pendant lesquelles les apprentis n'étaient plus rémunérés, autant de sujets que vous connaissez très bien, monsieur le sénateur, est réglée dans le détail du texte.

Enfin, le statut dont vous parlez, vous l'avez ! Il s'agit de la carte d'étudiant, de la carte logement, de l'université des métiers. Tout ce que vous évoquez à juste titre est aujourd'hui présent dans ce texte !

Il n'y a finalement que quelques points de désaccord entre nous, monsieur Mélenchon : je crois que les formations de l'alternance et de l'apprentissage, qui sont des formations d'excellence, permettront la reprise d'une partie des entreprises françaises. L'apprentissage a changé : plus de la moitié des apprentis sont titulaires d'un bac + 2.

M. Jean Bizet. Tout à fait !

M. Jean-Louis Borloo, ministre. Je suis sûr que vous partagez notre véritable envie, au fond. Nous avons d'ailleurs saisi la conférence des grandes écoles afin qu'elles mettent en place des sections d'alternance et d'apprentissage en leur sein. En effet, il faut, comme en Allemagne, tirer ces formations vers le haut : j'ai ainsi eu le bonheur, un jour, de discuter avec le président pour le monde de la société Daimler-Chrysler, Juergen Schrempp, qui est un enfant de l'apprentissage allemand !

Chez nos amis allemands, le taux d'apprenti s'élève à 6 %, ce qui est très supérieur au taux que nous prévoyons ! Je rappelle que l'Allemagne est le pays de la communauté européenne où le taux de chômage des jeunes est le plus faible. Même si elle ne parvient pas à tout, l'Allemagne, dans ce domaine en tout cas, a donc largement réussi.

Monsieur Fouché, je vous remercie de vos propos sur l'apprentissage et sur le logement.

Monsieur Blanc, Gérard Larcher a ouvert avec les partenaires sociaux, de manière structurée et officielle, les débats sur la pénibilité et sur les seniors, qui peuvent d'ailleurs à certains égards être jumelés. Quant aux maisons de l'emploi, j'affirme que l'Etat restera le garant du bon fonctionnement de l'ensemble de ce plan de cohésion sociale.

Pour terminer, permettez-moi de vous dire ceci : il ne s'agit pas du plan Borloo ; il s'agit de proposer, sur les trois piliers fondamentaux de notre pays, un coup de rein de cinq ans, un rattrapage exceptionnel.

Très franchement, des maires de gauche, de droite, avec lesquels je discute ne tiendraient pas, s'ils étaient sénateurs, certains des propos que j'ai entendus ici ! Sachez simplement que l'Etat appliquera ce plan avec la plus grande rigueur républicaine et que les opinions négatives qui auraient été émises seront évidemment oubliées, en tout cas au titre de la fonction de l'Etat.

Nous avons besoin de nous réunir, de monter les contrats sociaux de territoire, d'agir comme nous le faisons pour la rénovation urbaine : avec des départements de gauche, des villes de droite, des régions d'une autre couleur...

Ce sont nos institutions républicaines qui doivent faire fonctionner l'ensemble de ce plan de cohésion sociale. Ainsi, si ce dernier, sur une étape ou un point particulier, doit évoluer ou être amplifié, sachez que les six membres du Gouvernement présents dans cet hémicycle sont à votre écoute et prêts à se battre avec vous pour cette grande cause républicaine. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ? ...

La discussion générale est close.

M. le président. Monsieur le ministre, je vous remercie d'avoir répondu aussi précisément aux différents orateurs.

Mme Hélène Luc. Et M. Muzeau ?

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Dossier législatif : projet de loi de programmation pour la cohésion sociale
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